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Composition sectorielle de la croissance

En 2011, l’activité économique a profondément souffert des conséquences des événements intérieurs (insécurité, couvre-feu, grèves…) ; il est à rappeler que le nombre de jours de travail perdus a atteint un niveau jamais enregistré depuis l’indépendance : près de 248.000 jours de travail perdus en 2011 contre 73.000 en 20101, sachant que ces chiffres ne tiennent pas compte des sit-in et des actes de barrage de route.Outre les troubles sociaux internes, sur fond de revendications sociales nombreuses et légitimes, sont venus s’ajouter les évènements en Libye2 et la crise de la dette en Europe qui a impacté les exportations et les recettes du tourisme.

Le pays a ainsi connu une grave récession durant le 1er

trimestre 2011 (- 2 % aux prix de l’année 2005 et – 3,7% aux prix de l’année précédente en glissement annuel). L’impact des évènements de janvier 2011 ont été très importants, mais le choc subi a été amorti puis stabilisé sous le gouvernement Essebsi et c’est à partir du 1er trimestre 2012 que les prémices d’une reprise de l’activité ont été enregistrées. En effet, le PIB réel s’est rétabli depuis d’une manière progressive en renouant avec la croissance. Selon les premières estimations de l’INS, le PIB aux prix de l’année précédente a augmenté de 3,6% en 2012 en glissement annuel3.

Toutefois, l’analyse de la composition sectorielle de la croissance montre la fragilité de la reprise observée en 2012 en raison de la nature des secteurs qui l’ont portée et des facteurs qui l’ont soutenue ; la croissance est d’autant plus

1 http://www.africanmanager.com/137379.html

2 Selon la BAD, l’impact économique des troubles sociaux pré-révolution sont estimés à environ 4 % du PIB. La crise libyenne est estimée avoir réduit la croissance tunisienne de 36 %.http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/Tunisie%20D%C3%A9fis%20%C3%89conomiques%20et%20Sociaux.pdf

3 http://www.ins.nat.tn/communiques/PIB_2012-T4.pdf

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fragile que des secteurs d’activité qui constituent la base de l’économie nationale, en termes d’emploi et d’exportations, demeurent fortement sinistrés et continuent de péricliter.

Par ailleurs, d’autres secteurs ont certes pu retrouver le chemin de la croissance en 2011, mais ils restent en deçà de leur niveau d’activité de 2010.

Valeur ajoutée par secteur aux prix de 2005 (en millions de DT)

Secteur d’activité 2010 2011 2012Var.

2012/2010Industries textiles habillement et cuir

1.890,8 1.913,4 1.840,0 - 50,8

Extraction de pétrole et de gaz 2.135,6 1.670,6 1.550,2 - 585,4Matériaux de construction céramique et verre

733,3 703,0 725,3 - 7,9

Bâtiment et génie civil 2.358,4 2.293,3 2.326,7 - 31,7Industries chimiques 693,5 417,1 481,1 - 212,4Mines 267,8 123,9 125,6 - 142,2Services d’hôtellerie et restauration

2.583,2 2.112,1 2.359,8 - 223,4

Transports 2.655,4 2.929,9 3.204,4 - 273,6

Le déficit de croissance de ces secteurs a eu des impacts économiques et sociaux très sensibles. En effet, ce déficit de croissance est associé à une perte de vitesse des exportations qui a aggravé le déficit commercial du pays et a mis en difficulté le financement de l’économie et la valeur de la monnaie nationale. Il y a lieu de rappeler que les secteurs des Industries textiles, habillement et cuir, extraction de pétrole et gaz, mines, ainsi que le secteur des produits chimiques représentent à eux seuls plus de 50 % des exportations de biens.De même, la récession de ces secteurs, souvent intensifs en travail, a induit de nombreuses pertes d’emplois et a sensiblement aggravé le chômage ainsi que la précarité et la pauvreté qui en résultent.

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Face à cette évolution catastrophique de quasiment la moitié de l’économie tunisienne, d’autres secteurs ont démontré une plus grande résilience.

Il s’agit d’une part d’activités relevant des secteurs traditionnels et/ou peu structurés : l’agriculture et la pêche, les services traditionnels (réparation, services immobiliers…), les services domestiques et enfin les industries diverses dominées par les micros entreprises, les petits métiers et les artisans. Elles sont généralement fortement créatrices d’emploi, mais l’emploi y est le plus souvent informel et bénéficie peu des protections légales.

Valeur ajoutée par secteur aux prix de 2005 (en millions de DT)

Secteur d’activité 2010 2011 2012Var.

2012/2010Agriculture et pêche 4.129,4 4.556,1 4.734,8 + 14,7Industries agro-alimentaire 1.420,6 1.436,2 1.488,9 + 4,8Commerce 4.047,8 4.103,9 4.132,8 + 2,1Entretien et réparation 195,2 198,5 204,2 + 4,6

Il s’agit d’autre part d’activités du secteur protégé et de l’économie moderne et structurée, essentiellement des services publics et privés :- services publics : eau, électricité, poste, - services administratifs et sociaux : éducation, santé, collectivités locales et diverses administrations,- activités tertiaires modernes : télécommunications et services financiers.

Valeur ajoutée par secteur aux prix de 2005 (en millions de DT)

Secteur d’activité 2010 2011 2012Var.

2012/2010Eau 161,8 162,4 169,8 + 4,9Electricité et gaz 395,4 410,8 461,5 + 16,7Services d’administration publique 7.516,1 7.920,9 8.310,9 + 10,6Services financiers 2.128,3 2.270,2 2.355,7 + 10,7

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Poste et télécommunications 2.655,4 2.929,9 3.204,4 + 20,7Autres services marchands 6.614,1 6.650,5 6.845,1 + 3,5

Ces secteurs sont le fait de l’Etat ou d’activités privées jouant un rôle d’amortisseur dans les situations de crise et constituant un refuge temporaire pour des populations vulnérables. Ils ont bénéficié d’un effort exceptionnel de recrutements qui s’est répercuté sur leur niveau d’activité tout en pesant très fortement sur le budget de l’Etat.La croissance qu’ont connue ces secteurs a permis de contrecarrer la perte d’activité de la véritable base économique du pays.

Ainsi, les activités résilientes depuis janvier 2011, relèvent du secteur des biens non échangeables et ne peuvent conforter la compétitivité du pays ni son devenir économique à long terme. Au contraire, parce qu’une large partie de ces activités va peser durablement sur le budget de l’Etat, elles risquent d’handicaper le potentiel de croissance du pays en aggravant le déficit budgétaire et son financement inéluctable par l’endettement. En outre, engendrant une distribution de revenus sans contrepartie en termes de production marchande, le développement de ces activités a alimenté d’importantes poussées inflationnistes en 2012.

En conclusion, l’analyse de la composition sectorielle de la croissance montre la fragilité de la reprise observée en 2012 en raison de la nature des secteurs qui l’ont portée et des facteurs qui l’ont soutenue. En effet, l’important effort de

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recrutement observé dans la fonction publique ne peut être indéfiniment effectué sans mettre davantage en péril le budget de l’Etat surtout compte tenu des augmentations de salaires concédées lors des dernières négociations collectives. De même, la croissance du secteur agricole fortement tributaire de la pluviométrie risque de ne pas être au rendez-vous après deux bonnes saisons consécutives. Enfin, les restrictions au crédit pourraient freiner la demande des biens durables et mettre davantage en difficulté des secteurs comme le bâtiment. Sans une reprise basée principalement sur les secteurs des biens échangeables et tant que les industries manufacturières et les services d’exportation restent en mal d’un environnement favorable à leur développement, les problèmes de déficits courants, d’endettement, de chômage des diplômés, d’inflation et de dépréciation du dinar resteront entiers.

Prévision de la COFACE pour 2013 :Sous réserve d’une normalisation de la situation politique, une légère progression de la croissance est attendue en 2013, avec une reprise de la consommation des ménages et de l’investissement, stimulés par une politique budgétaire souple. En outre, la reconstruction de l'économie libyenne pourrait offrir des débouchés, dans les secteurs du transport et de la construction notamment. Toutefois, l’activité économique sera freinée par une conjoncture économique mondiale difficile, surtout dans les principaux pays européens partenaires (France et Italie). Elle risque en outre de l’être par de fortes tensions sociales et des grèves, notamment dans les régions marginalisées économiquement, les secteurs minier et public.


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