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Comptabilité et éthique des affaires : les enseignements des scandales
financiers : cas « Enron »
Abdelhadi GRINE Faculté de droit de Marrakech
Résumé
L’information comptable et financière est à la base des principales décisions prises par
l’entreprise ou par ses partenaires.
Une décision vitale prise à partir d’informations financières trompeuses ou frauduleuses causera
inévitablement des dégâts économiques, financiers et aussi sociaux.
Toutes les parties impliquées dans le cycle de l’information (comptables, auditeurs, analystes,
journalistes, agents de notation, etc….), doivent, par conséquent, traiter l’information comptable
et financière avec professionnalisme mais aussi avec éthique.
Un manquement d’éthique, comme témoigne l’affaire « Enron » peut causer des dommages à
l’entreprise, à la société, à l’environnement, etc.…
Abstract
Countable and financial information is at the base of the principal decisions taken by the
company or its partners.
A vital decision made starting from misleading or fraudulent financial information will
inevitably cause economic, financial and such social damage.
All parts implied in the cycle of information (accountants,auditors,analysts, journalists, agents of
notation, etc….), must, consequently, process the countable and financial data with
professionalism but also with ethics.
A failure of ethics, as the business “Enron testifies” can cause damage with the company, the
society, with the environment, etc… ;
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Introduction
Les soubresauts (Marois 2004) provoqués par « l’affaire Enron » aux Etats-Unis (2001) et par la
société Parmalat en Italie (2003), les scandales divers amenés par des conflits d’intérêt à
l’intérieur des banques d’affaires américaines, les doutes résultant de manipulations comptables
pratiquées par certaines entreprises, de même que la suspicion entourant le rôle joué par les
cabinets d’audit dans la vérification des comptes des entreprises ont obligé les gouvernements à
prendre des mesures (par exemple la loi Sarbanes-Oxley, aux Etats-Unis) et les organismes de
contrôle (AMF1,SEC2) à édicter de nouvelles réglementations, pour rassurer les investisseurs.
Dans le même temps, le souci de clarifier les relations entre les dirigeants d’entreprise et les
actionnaires a débouché sur le développement du « gouvernement d’entreprise.
La comptabilité a joué un rôle déterminant dans le développement de la société moderne. Elle
reste aujourd’hui un des moyens formels les plus importants pour collecter, analyser et diffuser
l’information concernant les activités financières et la performance de toutes les formes
d’organisation.
Rares sont Les réflexions contingentes et sociales3 qui montrent la comptabilité comme
instrument d’organisation sociale.
Dans ce cas, la comptabilité peut être vue comme le reflet de la société dans laquelle il s’insère et
comme un instrument de structuration de cette même réalité sociale.
La comptabilité n’est pas donc uniquement un jeu de comptes ou un simple respect du principe
de la partie double « total débit = total crédit », mais fondamentalement un « jeu social »
(PESQUEUX 2010).Elle peut toucher notre vie, sur le plan social, économique et politique.
L’information comptable intéresse et implique presque toutes les composantes de la société :
(Les dirigeants, les actionnaires, les concurrents, les banquiers, les salariés, l’Etat, les
collectivités locales, etc….).
L’information comptable, qui obéit à des principes, lois et normes qui sont définis par les
autorités compétentes, passe par plusieurs phases avant d’arriver à ses destinataires cités ci-haut.
En effet, le comptable, tout en appliquant ce qu’il a appris dans sa formation antérieure au niveau
des établissements d’enseignement de comptabilité, que ces formations soit d’ordre général ou
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spécialisé dans des établissements publics ou privés, il produit une information comptable qui
par la suite sera certifiée par un expert comptable ou commissaire aux comptes, ensuite auditée
par des auditeurs internes ou externes et ensuite analysée et interprétée par des analystes
financiers et publiée à travers les journaux et masses-médias pour qu’enfin le
produit « information » soit livré aux clients qui sont les utilisateurs de l’information comptable.
Dans le cadre du présent article, nous essayerons de montrer, tout en se référant à l’histoire des
scandales financiers, principalement celui du cas Enron, comment la comptabilité, si elle n’est
pas éthique, affectera négativement toutes les composantes de la société, qui, souvent, prennent
des décisions vitales et fatales sur la base de l’information comptable et financière.
Un autre objectif du présent travail est de montrer que la réalisation de l’objectif « affaires
éthiques et sans scandales » demande la consolidation des efforts de plusieurs acteurs sociaux :
les organismes de normalisation comptables, les professionnels, les établissements
d’enseignements, etc.…
Pour le traitement de ces deux principales questions, nous ferons une synthèse de la littérature se
rapportant au sujet et nous ferons des illustrations à travers des cas, principalement le cas de
l’affaire « Enron ».
1. Informations comptables et financières « non éthiques » perceptions4 et
effets sociaux : cas du scandale financier « Enron »
Un actionnaire qui cherche à investir son argent, utilise l’information comptable et financière de
plusieurs entreprises et choisira par la suite l’entreprise la plus rentable. Si l’information, sur la
base de la quelle, cet actionnaire a pris sa décision est une information mensongère, il risquera de
perdre les sommes investies, qu’il a dû épargner. C’est le cas, à titre d’exemple, de l’histoire de
Janice Farmer, « une jeune retraitée qui, il y a encore quelques années, pouvait comptait sur
700.000$ investis en actions Enron en 16 années de bons et loyaux services ». Elle regrette
qu’elle ait tout perdu et que, « dès la nuit tombée, elle vit dans le noir afin d’économiser
l’électricité ». « Suprême ironie »,
L’école française de commerce et de Management de l’Institut National des Télécommunications
(INT), dans le cadre d’un module d’enseignement de comptabilité financière dispensé en
première année du cursus a réalisé une expérience pédagogique en collaboration avec plus de
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180 de ses étudiants, ces derniers ont été invités à s'exprimer, d'un point de vue personnel sur les
affaires financières « non éthiques ». L’affaire qui était sujet de l’étude est l'affaire Enron.
Destinés à devenir des managers, ces étudiants perçoivent différemment et réagissent
diversement à un système qu’ils accusent de les engager sur la voie de la dérive contre leur idéal,
moral et éthique.
Selon un premier groupe d’étudiants, la troisième fable du livre I de Jean de la Fontaine citée ci-
dessous, illustre le côté fatal dans l’histoire d’Enron, dont l’ascension spectaculaire ne peut être
suivie que d’une chute vertigineuse :
« Une grenouille vit un bœuf, qui lui sembla de belle taille. Elle qui n’était pas grosse en tout
comme un œuf, envieuse, s’étend, et s’enfle et se travaille, pour égaler l’animal en grosseur,
disant : « regardez bien, ma sœur ; est-ce assez ? Dites-moi : n’y suis-je point encore ? Nenni –
m’y voici donc ? – point du tout. M’y voilà ? – vous n’en approchez point ». La chétive pécore
s’enfla si bien qu’elle creva. Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages. Tout
bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, tout prince a des ambassadeurs, tout marquis
veut avoir des pages ».
Un deuxième groupe d’étudiants a cité une autre fable pour apprécier le scandale
financier « Enron » :
« L’avarice perd tout en voulant tout gagner. D’après cette fable, la poule, pondait tous les jours
un œuf d’or. L’avarice crut alors que dans son corps elle avait un trésor : il la tua, l’ouvrit, et la
trouva semblable à celle dont les œufs ne lui rapportaient rien, s’étant lui-même ôté le plus beau
de son bien. Belle leçon pour les gens chiches ! Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on
vus, pour vouloir trop tôt être riches ! ». Cette fable n’est que trop moderne car elle illustre
comment les dirigeants ont gagné de l’argent en commettant un délit d’initié, mais en perdant
encore plus en tuant leur poule aux œufs d’or ». Ce groupe d’étudiants blâme la volonté de
l’homme en général et des dirigeants d’Enron en particulier, à vouloir gagner toujours plus.
Un autre groupe d’étudiants, dans son document, il a fait une métaphore qui fut un
rapprochement avec les attentats du 11 septembre 2001, en collant à côté du somptueux siège
texan d’Enron, une photo du « World Trade Center » après la collusion des deux avions. Il
commente la différence entre les deux cas en disant que, «pour Enron, les terroristes n’étaient
pas dans un avion, mais plutôt dans les plus beaux et prestigieux bureaux de la société ».
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Ces travaux montrent aussi que le non respect de l’éthique dans les affaires est une
autodestruction de la société, dans la mesure où des membres de la société feront mal à autrui et
finiront par en faire mal à eux même.
Ce propos est bien illustré dans le cas Enron, où les dirigeants, les auditeurs, les analystes
financiers, les agents de notation, les banquiers, les avocats d’affaire, les journalistes ont fait du
mal à a peu prés 800.000 actionnaires et 20.000 salariés et malheureusement, ils ont fini leurs
vies, en misère et pauvreté, soit en prison soit d’autres qui ont préféré le suicide à la prison.
L’analyse de l’affaire Enron évoque également le danger des actions de lobbying et
d’espionnage : selon les propos du ministre des ressources naturelles du Mozambique, John
Kachamila, « il fut victime de pressions, exercées par des diplomates et des sénateurs, lors de la
négociation d’un contrat de gaz naturel, des pressions qui vont jusqu’aux menaces de lancer une
campagne de calomnies contre sa personne et de faire perdre à son gouvernement des fonds de
développement ».
Aussi « en 1993, Frank Wisner, ambassadeur des Etats Unis en Inde, sous la présidence de Bill
Clinton (qui jouait auparavant au golf avec Kenneth Lay) et membre du conseil d’administration
d’Enron par la suite, permit à l’entreprise de décrocher un contrat de 3 milliards de dollars pour
construire une centrale électrique. Cette construction fut possible du fait des pressions exercées
sur les autorités indiennes malgré son caractère très controversé ». En effet, « 800 manguiers et
cocotiers, couvrant à peu près 610 hectares de terres ancestrales de 700 familles, ont été arrachés
en l’espace d’un week-end pour permettre la construction de la centrale située à 170 kilomètres
au sud de Bombay ». « la vapeur provenant de la tour de refroidissement de cette centrale a
détruit la récolte de mangues de la région, durant les trois années de son fonctionnement. Les
réserves d’eau de la région s’en sont elles aussi trouvées altérées. Ainsi, la rivière a viré au rouge
et le débit de l’eau de mer a été touché par la construction de deux jetées et d’une digue,
inondant ainsi un village voisin à chaque période de mousson ».
Dans le cas Enron, même la religion n’a été épargnée : Le discours religieux et patriotique des
dirigeants d’Enron, qui nous pensons avoir contribué à leur stratégie de manipulation, et par
l’implication d’un grand nombre d’acteurs de régulation et de contrôle, qui à notre sens a permis
de parfaire le schéma de mystification de l’entreprise.
A travers l’analyse des documents, nous avons pu mettre en évidence que seules les pratiques
comptables « à haut risque », notamment la création de sociétés écrans (Raptors), astucieusement
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placées dans des paradis fiscaux, n’étaient pas suffisantes pour imposer une image florissante de
l’entreprise Enron. En effet, les dirigeants ont procédé à l’aveuglement de la masse et au
formatage de l’opinion publique, grâce non seulement à une rhétorique de persuasion mais
également à la complicité de certains acteurs influents. Autrement dit, trois facteurs ont permis à
Enron de s'afficher comme exemple de réussite malgré ses difficultés : les montages juridiques et
financiers, l'usage du discours religieux et parfois patriotique et enfin l'instauration d'une opacité
à tous les niveaux de régulation et de contrôle.
Le peuple américain a longtemps cru qu’Enron était le « pieux prêcheur de la réussite », relèvent
deux phrases célèbres martelées par d’une part Kenneth Lay « Je crois en Dieu et je crois au
marché » et d’autre part par Jeffrey Skilling « Nous sommes du côté des anges; dans toutes les
affaires que nous avons conduites, nous sommes les bons gars ». De plus, pour empêcher les
salariés de vendre les actions de la société, ils citent que les dirigeants d’Enron ont accusé toute
personne agissant dans ce sens de « trahison à la firme et de manque de patriotisme ».
Les étudiants se sont interrogés également sur le rôle des autorités de régulation et de contrôle
dans cette affaire. Au regard de leurs compétences, il est difficile d’imaginer qu’ils peuvent être
floués facilement par un simple discours. Outre les auditeurs d’Enron, plusieurs autres acteurs
ont été accusés d’avoir participé directement ou indirectement à la mystification de l’image
d’Enron, à savoir ; les politiciens, les agents de notation, les journalistes et les analystes
financiers. Deux idées ressortent de l’analyse des commentaires des étudiants : pression et
complicité.
Est à déplorer, le sort des pauvres américains qui ont cru si fort en la sincérité des politiciens et
qui « n’ont pas vu que ces derniers étaient de connivence avec l’entreprise qui allait les duper ».
Les politiciens n’étaient pas les seuls à être impliqués dans l’affaire. Selon plusieurs étudiants,
les agents de notation ont manqué leur devoir « en idolâtrant Enron », allant jusqu’à la
nomination de Kenneth Lay comme le meilleur dirigeant de l’année 2000.
Les journalistes financiers n’ont pas échappé eux aussi à l’accusation des étudiants. « The
economist » n’a pas hésité à assimiler les dirigeants d’Enron « aux messies de la nouvelle
économie ».
Les analystes financiers sont également impliqués dans l’orientation de l'opinion publique en
faveur d'Enron, selon les étudiants. Plusieurs d’entre eux ont montré que 5 jours avant la faillite
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d’Enron, 5 des 16 analystes les plus réputés recommandaient encore fortement l’achat d’actions
Enron, 3 le recommandaient sans enthousiasme particulier et 5 conseillaient de garder les titres,
seuls 2 conseillaient de les vendre.
L’affaire Enron a été aussi caractérisée par les pressions et les menaces ; En plus des cas cités en
haut, il y avait d’autres parties menacées, car elles n’ont pas voulu servir les intérêts d’Enron :
Sous la pression d’Enron, « la société UBS Pain Webber avait licencié un analyste qui aurait
recommandé de vendre les actions de la firme texane ». Rapportant l'histoire de John Olson
travaillant pour la banque Merril Lynch, qui fut licencié à cause de son refus de recommander les
actions Enron à ses clients, Enron avait menacé ses supérieurs de se retirer de leur banque. Un
banquier avait même qualifié ceux qui étaient à l'origine de son licenciement de « requins qui
sont capables de tuer leur mère pour les affaires ».
Quant à celui des banques prestigieuses telles que JP Morgan Chase, il s'explique par le fait que
l'ascension d'Enron leur était profitable, en réalisant des transactions en bourse qui leur
rapportaient bien plus en mentant qu’en disant la vérité.
Même certains salariés d’Enron sont à accuser dans la mesure où ils n’ont pas poussé le cri
d’alarme, pourtant certains d’entre eux avaient les compétences requises pour dévoiler les
difficultés de l’entreprise.
2. Ethique : apports des professionnels et des enseignants
2.1. Les professionnels
Il est important de souligner d’abord que la connaissance des règles juridiques et déontologiques
ne peut pas suffire à protéger le professionnel, qu’il soit comptable ou auditeur ou analyste
financier, de toute tentation.
« Les erreurs d’éthique enterrent une carrière professionnelle plus rapidement et plus
radicalement que toute autre erreur de jugement ou de comptabilité » (Solomon et Hanson 1989)
Pour cela le professionnel comptable doit promouvoir les règles d’éthique et de bonne
gouvernance en toute occasion et partout où il est amené à intervenir.
Les principes fondamentaux de comportement à la base de ces règles éthiques se présentent
comme suit :
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Intégrité – Probité ; Objectivité ; Compétence ; Indépendance ; Confidentialité (Respect du
secret Professionnel) ; Professionnalisme (Comportement professionnel et respect des normes
techniques et professionnelles)
2.2. Ethique et enseignement de la comptabilité :
L'éthique a pour principal objectif de déterminer un comportement conforme à des valeurs
d'honnêteté et de justice. Un enseignement en éthique devrait ainsi permettre aux futurs
professionnels du chiffre de résoudre plus facilement les dilemmes éthiques qu'ils rencontreront
dans leur vie professionnelle.
La question de la pertinence et de l'efficacité des méthodes pédagogiques (NOEL et GEYER
2007) utilisées est dès lors une question cruciale, si on considère que les cours d'éthique n'ont pas
pour seule finalité de se donner bonne conscience. Or, une série d'expériences conduites auprès
d'étudiants en comptabilité tendrait à démontrer l'absence d'effet significatif sur leur mode de
raisonnement, suite à l'introduction d'enseignements en éthique à partir du cas Enron.
Le cas Enron est ainsi présenté aux étudiants par l'intermédiaire d'articles de la presse écrite et
divers supports. Les étudiants sont ensuite invités à relater les faits et à discuter des
dysfonctionnements repérés et des moyens de les corriger.
Certaines expériences plus originales méritent également d'être citées ainsi, Stephen Loeb,
professeur de comptabilité à l'université de Maryland, a emmené ses étudiants de MBA en prison
suivre des cours dispensés par des condamnés. Confrontés à des anciens managers condamnés
pour des délits comptables, les étudiants prennent conscience d'une manière brutale des dangers
éthiques et juridiques liés à la profession.
Il est naïf de penser qu’un enseignement en éthique aussi rigoureux soit-il permettrait
d’empêcher tout scandale financier à l’avenir.
L’idée qu’un enseignant en éthique puisse à lui seul modifier le caractère profond de ses
étudiants est illusoire.
Il est à signaler qu’un professeur de comptabilité n’est pas un professeur d’éthique.
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Cela dit, mais il ne s’agit pas là à vraiment parler d’éthique5, il lui faut enseigner la déontologie
des professions comptables et notamment celle de la profession libérale. Il faut regretter que les
questions de déontologie n’occupent qu’une place souvent très réduite dans les programmes
d’enseignement de comptabilité et ne soit abordées le plus souvent qu’à la fin du cursus alors
qu’elles devraient l’être du début à la fin, à chaque fois que l’occasion se présente. On peut par
exemple parler d’éthique dès l’apprentissage de l’enregistrement comptable : le comptable doit-
il, sur ordre, enregistrer sans pièce justificative ?
Ceux qui prétendent que les questions de déontologie sont difficiles à traiter en classe et y
apparaissent souvent abstraites et rébarbatives ont un peu raison. On les aborde certes mieux en
situation et les stages, dont il faut réaffirmer l’intérêt6 et la nécessité, sont a priori des moments
importants pour en prendre conscience, mais encore faut-il que le maître de stage soit lui-même
sensibilisé à ces questions et veuille bien prendre le temps d’en discuter avec son ou sa stagiaire ;
ce qui est encore loin d’être le cas. Les enseignants de comptabilité ont la responsabilité
d’essayer de traiter de ces questions ou de leur donner un commencement de traitement.
On peut aller jusqu’à une co-animation de cas d’éthiques par exemple par un professeur de
comptabilité et un professeur de philosophie, ce qui accessoirement présente l’intérêt de
décloisonner nos enseignements de comptabilité et de les mettre en relation avec les sciences
humaines.
Les chercheurs du domaine comptable semblent avoir également une responsabilité dans les
carences éthiques que l’on peut observer ici et là. Ils ont en effet abandonné la réflexion sur des
notions fondamentales de la pratique comptable comme celles de prudence, de sincérité ou
d’indépendance.
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Conclusion
Après une fine étude du cas « Enron », on conclut qu’elle est la cause d’erreurs et de
manquements d’éthiques à plusieurs égards :
- Au départ les dirigeants d’Enron, en voulant transformer à marche forcée une société
spécialisée dans la distribution d’énergie en un conglomérat tourné vers les nouvelles
technologies, ont commis des erreurs stratégiques de nature mégalomaniaque (c’est un problème
de politique générale et de management assez classique) ;
- Moins classique, ceci ne les a pas empêchés de spéculer, stock-options obligent, sur les titres de
leur sociétés et de s’enrichir aux dépens des investisseurs auxquels ils annonçaient des bénéfices
mirifiques (c’est un problème de gouvernance et d’éthique des affaires assez fréquent, et qui ne
prête pas à conséquences néfastes quand l’entreprise est prospère) ;
- Enfin, les erreurs stratégiques et les manipulations financières et comptables des dirigeants
d’Enron ont pu se faire dans la plus grande indifférence des media spécialisés, des analystes
financiers, des agences de notation et des régulateurs boursiers
- Aussi, l’auditeur d’Enron, le célèbre cabinet Arthur Andersen a fait montre d’une myopie
assimilée par les tribunaux (au moins dans un premier temps car la Cour Suprême des Etats-Unis
a ensuite annulé le premier jugement) à une complicité coupable (à ce stade encore, force nous
est de l’admettre, se pose un problème d’indépendance et d’éthique qui concerne non seulement
les auditeurs mais aussi les comptables) ; ainsi qu’on le sait, Arthur Andersen, et pas seulement
le bureau d’Houston, l’a payé de sa disparition.
L’une des règles principales de la finance et des marchés est la « confiance » (DAIGNE 1991).
Sans cette dernière, tout devient possible, nous oserions même dire « permissible » tant que l’on
ne se fait pas prendre. Mais la confiance repose sur une éthique sans faille. Sans éthique, le
monde des affaires et celui de la finance deviennent une jungle où tous les coups sont permis.
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Notes 1 Autorité des marchés financiers.
2 Securities and Exchange Commission.
3Le contrôle comme phénomène organisationnel et social ; Nicolas Berland : Professeur en
sciences de gestion IAE de Poitiers.
4 Perception de l’affaire Enron par des étudiants français : vers une réflexion sur l’enseignement
de la comptabilité pour les futurs managers ?NihelCHABRAK : Maître de conférences au GET –
INT (Institut National des Télécommunications) Chercheur au DRM- CEREG, Université Paris
IX Dauphine
5 La déontologie, qui n’est que la morale d’une profession (ici la profession comptable mais c’est
sans doute vrai également pour toutes les professions plus ou moins organisées), ne peut être
confondue avec l’éthique ; il peut même arriver, notamment lorsqu’elle est l’expression d’un
corporatisme exacerbé ou le masque d’une forme d’entente, qu’elle aille à l’encontre de celle-ci.
6 De même que celui des formules d’apprentissage, alternant périodes en cabinet et périodes au
lycée ou à l’université, même si celles-ci peuvent être détournées de leur fonction justement
d’apprentissage au contact du terrain par des employeurs peu scrupuleux soucieux avant tout de
disposer d’une main d’œuvre à bon marché.
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Bibliographie
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Economica ;.
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Grandboulan.E ;(1998) ; éthique et économie : quelle morale pour l’entreprise et le monde des
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NOEL.C et GEYER.D ; revue française de comptabilité mars 2007.
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Mc Donald.M ; « intégration de l’éthique » : C G A magazine ; numéro juillet/août 2003.
(CGA : comptables généraux accrédités).
PESQUEUX.Y : la comptabilité peut- elle être éthique ? ; Revue interdisciplinaire sur le
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Webographie
www.cga-canada.org
www.rimhe.com/uploaded/rimhe-pecqueux-mars-avril-n01-12.pdf
hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/55/84/32/PDF/114-chabrak_nih.pdf.