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Page 1: Et sous le vent

Et sous le vent ...

EEt sous le vent, va soulevant

Toute haletante, ta robe au vent

Et de tout temps, toute halte tente,

Et tout se tend et tout se tente

État tentant, état latent,

Le temps s’étale, c’est haletant

L’étang s’étale, l’étang se tend,

Et tant et tant, le temps détale

Le temps dédale, le temps détale

Dédale du vent, du vent d’Autan

Autant de vent, le vent dévale

Le vent dépend du val devant

Valse du vent, vase d’étang

Valse devant et à trois temps

Et tant et tant et tu m’attends

Tu tues le temps et tu t’étends

1 Olivier Morin 2015

Page 2: Et sous le vent

Et tant de hâte au paravent

Et tu t’étends sous les hauts vents

Et tant de vent, tu tends l’instant

Toute haletante, souvent latente

Vent de devant et Vendémian

Valse te tente, toujours partante

Toute haletante, sous la détente

Toute halte tente et les dés tentent

Le vent d’Autan va s’essoufflant

Vase d’étang et boursoufflant

L’étang se vase et très souvent

Le temps se tend le temps Satan

Le temps Satan, le temps s’attend

Le sang t’attend, et tant de sang

Toute haletante et sous le vent

Soulève un peu c’est tant tentant

Soulève un peu c’est tant tentant

Soulève un peu c’est tant tentant

2 Et sous le vent ...

Page 3: Et sous le vent

3 0l ivier Morin 2015 ...

Dans la jungle de Calais ...

DDans la jungle de Calais

y’a Mowgli qui se les gèle

Dans la jungle de Calais,

Un Mowgli pète un plomb

Bagherra lui conseille

de s’en retourner chez lui.

Dans la jungle de Calais,

le p’tit d’homme,

sa tignasse glissée au fond de son duvet,

rêve aux chansons de Baloo, son copain.

« Il en faut peu pour être heureux ».

Il ne veut pas entendre Bagherra :

tu dois retourner chez les tiens,

tu n’as pas ta place en Europe.

Alors, Mowgli a mis en boucle

la chanson de Baloo son pote

« Il en faut vraiment peu pour être heureux »

Pour oublier le froid, il se shoote au Kaa

qui lui susurre « aie confiance, aie confiance ».

Page 4: Et sous le vent

4 Dans la jungle de Calais...

Mais la milice est là, les soirs de grande jungle,

et les tigres qui rode nt lui piquent ses affaires

et son duvet de couche, et Mowgli se les gèle

tous les jours un peu plus.

Alors, il mont’ le son et se shoote au python

« aie confiance, aie confiance »,

il monte le son, monte le son

et se chante à tue -tête la chanson de Baloo

« Il en faut peu pour être heureux ».

Il se shoote et cauchemarde.

Il voit le colonel Hathi

le surprendre au matin pour l’enrôler de force,

il voit la milice des singes

le capturer de nuit et voler ses secrets,

il voit les faux vautours

qui se moquent de lui et de ses apparences,

il voit un’ jolie fille au bord de la rivière.

Il ne cauchemarde plus.

Il rêve.

Il rêve

de la jeun’ fille au bord de la rivière,

de la jeun’ fille qui lui tend la main,

déroule ses cheveux bruns,

lui sourit et l’emporte loin,

très loin,

Page 5: Et sous le vent

5 Dans la jungle de Calais...

loin de la jungle, loin de la nuit, de l’arbitraire,

de la peur, des ennuis, des formulaires,

des milices arrogantes,

loin des duvets et des cris de la haine,

loin des emmerdes, de la loi du plus fort,

des papiers éparpillés, des larmes retenues,

loin de la jungle.

Dans la jungle de Calais,

Mowgli rêve à des jours meilleurs

et on rêve avec lui.

« Il en faut vraiment peu pour être heureux ».

Page 6: Et sous le vent

6 Olivier Morin 2015

DDonnez-nous la mer à boire...

Donnez-nous la mer à boire, nous avons soif de vivre

Donnez-nous du grain à moudre, nous avons faim de tout

Donnez-nous l’herbe verte nous rêvons de brouter

Donnez-nous des fous rire pour masquer nos fureurs

Donnez-nous des soupirs nous voulons le silence

Ne donnez rien, nous prenons tout

Notre verre si délicieux

Que ton nom soit amplifié

Que ta valse devienne

Que ta volupté soit fête

Fruit de terre et du ciel

Donne-nous tous les jours notre vin de l’amour

Fredonne-nous des non sens

Comme nous fredonnons aussi à tous ceux qui sont insensés

Et soumets-nous à toutes tes libations

Mais délivre nous du bien

Car c’est à toi que reviennent

Le règne et la puissance du boire

Pour des verres et des verres

Page 7: Et sous le vent

7 Olivier Morin 2015

E

Elle est partie mon Husk...

Elle est partie mon Husq, vingt cinq ans de labeur

Un piston de travers et pour l’éternité,

Le plein des sens offert et son huile en vapeur

Le guide bien en main et la complicité

Elle est partie mon Husq, et son cri en allé

Dans les rougeurs d’essence et dans la volupté

Loin des forêts de chênes et loin des arbousiers

Pris dans le jeu des chaînes et de la contre-allée

Elle est partie mon Husq, et ses figures de Stihl

La danse des tronçons dans les forêts fécondes

Les bras des souches ouverts et le moteur qui gronde

La société marchande n’a pas vraiment le style

Page 8: Et sous le vent

8 El le est partie...

Elle est partie mon Husq, au pays des ferrailles

Loin des fleurs de novembre et des matins de gel

Loin des fringues d’hiver et son lot de chandails

Quand les matins blafardent et les sarments flagellent

Elle est partie mon Husq, au pays des rebuts

Loin des matins gélifs et des bourgeons blessés

Les dents bien affûtées et les talons baissés

Comme on lorgne une fille les soirées de trop bu

Elle est partie mon Husq, au pays des bannis

Des « tu as fais ton temps » et qu’on ne veut plus voir

Au pays des foutus pour les produits finis

Au fond des forêts tristes, au bout des abattoirs

Elle est partie mon Husq, loin des rangées sévères

Et loin des réverbères, pour une fin amère

En flaque de tristesse, posée sur l’établi

Je cherche une solution, je cherche un alibi

Elle est partie mon Husq, avec son carburant

Son huile millénaire, son guide de misère

J’irai m’agenouillant à son cri de tyran

Et retrouver enfin le silence de l’hiver

Page 9: Et sous le vent

9 Olivier Morin 2015

Et j’étais un îlot ...

EEt j’étais un îlot en mer de solitude

Avec en sous-marin mes sentiers d’archipel

Mes retraites îliennes au goût de servitude

Reliées dessous la mer en cordée de rappel

Et j’étais un îlot bien accroché au rêve

À préserver mes côtes des violents coups de mer

Des galets plein les poches et les pas sur la grève

Pour des mots alignés en terre de grammaire

Si la fille abordait toute voile gonflée

La proue pour affronter les yeux de la tourmente

Son parfum de folie, ses cris de giroflée

Pour un détour en terre, détour en île amante

Page 10: Et sous le vent

J’accueillerais sa marée et vague de caresse

Son émissaire en mer et cheveux de misaine

J’inviterais sa voix en mer de tristesse

À verser ses couplets en terre de quarantaine

Mes îlots de fortune sont des jardins de planque

Mes mots de coquillage ne s’ouvrent qu’à l’envie

Et si tu viens ce soir au creux de ma calanque

Sache qu’il faudra lever ton ancre avant la nuit

10 Et j’étais un î lot...

Page 11: Et sous le vent

11 Olivier Morin 2015

Ils avaient l’odeur ...

IIls avaient l’odeur des synagogues, des loukoums ottomans,

des baklavas byzantins et le souvenir de leurs fines couches

de pâte.

Ils suintaient la vie d’avant et les plats du pays, ceux de

Rhodes et de Bulgarie, de Lettonie et de la Baltique, ceux

de Bohême et de Moravie, ceux d’Allemagne et d’Autriche,

de Hongrie et de Biélorussie, d’Ukraine et de Roumanie, de

France et de Yougoslavie et bien sûr, ceux de Pologne.

Ils avaient le goût de l’histoire et la moiteur des disparus,

la senteur des plats d’Orient et d’Occident, les vapeurs

de Méditerranée et des grands vents de l’Est, la folie des

musiques andalouses et des violons Klezmer, la tristesse des

chants de prière et la mélancolie.

Ils avaient le goût des Tsiganes, des cliquetis de roues et

roulis de roulotes, du souffle des naseaux et des chevaux

dociles, des violons écorchés et des archets sauvages, des

cymbalums frappés et claviers de fortune, des chants de la

nuit noire et du feu dans les yeux.

Page 12: Et sous le vent

12 I ls avaient l’odeur ...

Ils avaient le goût de drapeau, du rouge quand montait

le vent d’Est, des chants de régalades pour des demains

humains, des cris de résistance quand pointait la milice

Ils avaient la «couleur du givre» quand montaient les fumées

des hautes cheminées, la prairie aux bouleaux comme un

dernier tombeau.

Ils poussaient des cris d’oiseaux pour un dernier envol, des cris

d’enfants volés à leur nid d’hirondelles, des cris de femmes

folles à la vie en allée, des cris d’hommes perdus pour un nom

difficile.

Les savons de Pologne fondaient en larmes blanches sous les

eaux de la nuit et pour l’éternité.

Comme une offrande des corps, comme un dernier adieu,

dernier aveu, une remontée de souvenance, un parfum

de misère, un ultime abandon, l’acmé d’une tragédie, la

dernière halte, dernier combat, dernier soupir.

Nous resterons debout malgré le froid glacé et les lumières

obliques.

Page 13: Et sous le vent

13 Olivier Morin 2015

Ils ont basculé ...

I Ils ont basculé dans la tristesse mauve,

Et tous ces encombrants aux salons de tristesse

À combler l’habitude et les vides le silence

Et tous ces objets lourds du fruit de leurs caresses

Pour oublier le temps du temps de la licence

Tous ces robots tueurs du geste et du labeur

Comme des accompagnants vers la fin de l’histoire

Ces engins de la mort pour arriver à l’heure

Se moquent bien des vers et de mon désespoir

Ils ont basculé dans les pantoufles grises, le GPS bavard, la

clim obligatoire et le ressassement

Ils ont glissé tranquilles du côté des assis, des pantalons trop

larges et des tenues informes, des repas de télé loin des

enluminures et des regards profonds

Page 14: Et sous le vent

Ils se parlent à l’envers en des langages obscurs et en

répétition, ils grommellent des sons, des onomatopées,

Ils ont franchi la ligne au bout de l’habitude, un peu comme

on dit non sans trop savoir pourquoi

Ils sont bien dans les cases des formulaires abscons, les

giboulées de mots leur sont bien étrangères

Et ils ont basculé dans les zones où l’on erre, les trop plein de

caddie et la vaisselle blues

Ils caressent à l’envi leur frigo d’abondance et la

maroquinerie, ils sont très impliqués dans les applications

Ils ont les points comptés et le salaire sécure, le barème au

futur et l’avenir derrière

Ils sont tout basculés au fond des canapés, l’amour au

congélo et les rêves en dedans

Ils sont parfois avides, mais trop souvent repus, ils ont très peur

du vide et de l’interrompu

Ils sont un peu convenus et ne le savent pas, ils chantent les

chansons qui rappellent autrefois

Ils ont la crème solaire et le bob à misère, l’inattendu n’est

plus, ils sont assis dessus

Et tout ratatinés.

14 i ls ont basculé ...

Page 15: Et sous le vent

15 Olivier Morin 2015

JJ’ai vu par ma fenêtre des oiseaux en cascade et

des pirogues bleues, des ciels de salicorne et des

bourgeons oisifs, des bruissements de vert et la

mélancolie

Par la porte-fenêtre, j’ai vu des hommes fourmis qui

voyageaient sans cesse, des migrations de jour et

des retours de nuit, j’ai vu des calabraises moquer

des milanaises, des camerounais perdus en route

vers l’ivoire, des chiens de vagabonds écoutant des

histoires

Par mon velux ouvert j’ai respiré la pluie et les relents de

lune, les vents de Roumanie et les vapeurs d’Ukraine,

j’ai goûté aux galettes des indiens du Pendjab, aux

nems du treizième et aux cigales vertes, à l’oignon des

Cévennes pleurant sous ses chiffons, j’ai mangé des

serpents et des oiseaux blessés

J’ai vu par ma fenêtre ...

Page 16: Et sous le vent

16 J’ai vu par ma fenêtre ...

J’ai vu l’agitation des hommes d’habitude, des va

et des revient des enfants de l’école, des solitaires

hagards aux chemins incertains, des chiens de

pénitence à promener leur maître, des conducteurs

d’engins dans leur cabine grise et des marchands de

tout qui vendaient tout pour rien,

J’ai vu des femmes coquettes aux robes envolées,

des hommes en goguette à trafiquer Google, et la

maréchaussée traîner dans le Marais,

J’ai vu des hirondelles frôler les chats perchés et des

faux magiciens défroisser les atolls

J’ai vu des bigorneaux s’ouvrir aux eaux blafardes, des

grains de sable en quête de coquilles aimables, des

limonaires pleurant leurs cartes perforées,

J’ai vu des champs de blé couchés dans le fournil, des

parcelles délaissées et des laissés pour compte

J’ai vu de ma cellule le monde s’agiter, et mes fenêtres

ouvertes peu à peu s’effacer

Mes portes entrouvertes, je les ai dessinées.

Page 17: Et sous le vent

17 Olivier Morin 2015

T

La distilleuse ...

Tu distilles, tu distilles et tu goûtes à goutte mon alambic à

mots

Tu goûtes à goutte des mots d’ébullition, des mots de

serpentin, des mots d’huile essentielle, des mots de gnôle

verte et de fleurs reposées

Tu distilles et ton droit de bouillir se joue des vapeurs de la nuit

La liqueur de ton fruit remonte en ta colonne

Tu distilles des fruits perdus en eau ardente, et mon

bouilleur de cru conserve son privilège

Mon eau de vie a son feu nu

Page 18: Et sous le vent

Tu distilles des mots, des bouts de mots et ça fermente, ça

s’évapore, ça volatile, Ça goûte à goutte en des cornues

bizarres, ça sent la folie verte et les embruns

Ça sent l’extrémité et la fragilité, l’extraction de l’inouï et

la subtilité, ça sent le parfum rare et les naseaux de fiacre.

Tu distilles, la liqueur de tes mots a le goût de l’essence et

la liqueur des sens a pris le goût des mots,

C’est la première mouture,

Tu distilles et les vapeurs de mots ont des senteurs

d’arbouses, de fleurs d’albâtre, de genévrier cade et de

palétuvier

Tu goûtes à goutte ma distilleuse, et le temps de goûter ?

18 La disti l leuse ...

Page 19: Et sous le vent

19 Olivier Morin 2015

La fille d’épices ...

ÇÇa fait mille jours, ça fait mille nuits,

Que je tourne autour, que je tourne autour

Ça fait mille tours, mille tours d’hélice

Que je tourne autour de la fille d’épices

Elle a mis le feu à mon plat du jour

Et le féminin au bout des délices

Y’a pas, y’a pas cas pour cette paprika

OK y’a pas cas, mais y’a qu’à, y’a qu’à

Mais y’a qu’à quoi, mais y’a qu’à quoi, y’a qu’à

Y’a qu’à payer en, y’a qu’à payer en

Espèces pour cette fille aux parfums d’épices

Je paierai en espèces cett’ fille d’épices

Espèce de fille d’épices et paprika

Espèce de fille d’épices et paprika

Y’a pas de cas pour cett’fille paprika

Non, non, non, non, non, non, non, non,

Y’a pas de cas pour cett’fille paprika

Y’a pas, y’a pas, y’a pas, y’a pas de cas

Y’a pas de cas, y’a pas de cas, y’a pas

Y’a pas de cas pour cett’fille paprika

Page 20: Et sous le vent

20 La fi l le d’épices ...

Pourquoi, pourquoi, mes cheveux poivre et sel ?

Son cul, son cul, son karma et son cul

Son karma et son cul, son curcuma

Son cul, j’y mettrais bien ma main OK

Son curcuma, son curcuma, cuma

Pas de chichi, pas de chichi, Sichuan,

Non, y’a pas de Sichuan, y’a pas de poivre

La fille Paprika n’a pas pris mon cas

Au sérieux comme pour, une étude de cas

La fille d’épices est un cas d’espèces

La fille d’épices est un cas d’espèces

Espèce de fille d’épices parfum d’espèce

Parfum d’espace, surtout parfum de spasmes

Y’a pas de cas pour cett’fille paprika

Non, non, non, non, non, non, non, non,

Y’a pas de cas pour cett’fille paprika

Y’a pas, y’a pas, y’a pas, y’a pas de cas

Y’a pas de cas, y’a pas de cas, y’a pas

Y’a pas de cas pour cett’fille paprika

Y’a pas de musc, y’a pas de cade, muscade

Y’a pas de cas, y’a pas de nelle, cannelle

Y’a pas de co, pas de lom, pas de bo

Y’a pas de colombo, pas de badiane

Y’a pas de garam masala, y’a pas

Pas de safran, pas d’origan, y’a pas

Pas d’harissa, de fenugrec, y’a pas

Page 21: Et sous le vent

Y’a juste la fille d’épices, ma paprika

Ma Paquita, l’appât de ses épices

Réveillent en moi la peur de tout mes vices

Mes vices sévissent vite et vice et versa

Et versa dans mon vin de quoi calmer

Calmer une fois pour toutes mon appendice

C’était le clou, le clou, clou de girofle

Y’a pas de cas pour cett’fille paprika

Non, non, non, non, non, non, non, non,

Y’a pas de cas pour cett’fille paprika

Y’a pas, y’a pas, y’a pas, y’a pas de cas

Y’a pas de cas, y’a pas de cas, y’a pas

Y’a pas de cas pour cett’fille paprika

21 La fi l le d’épices ...

Page 22: Et sous le vent

22 Olivier Morin 2015

La fille virtuelle ...

LLa fille virtuelle avec deux L s’est fait la belle un soir de mail

La fille virtuelle m’a mis les boules avec un L et au pluriel

La fille virtuelle est infidèle et fait fi de mes falafels

La fille virtuelle a filé doux façon étoile filante au ciel

La fille virtuelle n’a pas voulu vivre sa vie à découvert

La fille virtuelle dorénavant a viré veule au vent d’hiver

La fille virtuelle Dorée navrante a vacillé et vit de vers

La fille virtuelle a vouvoyé mon vil voyou de bout en bout

La fille virtuelle a pris ses ailes, ses bas et ses jambes à son cou

La fille virtuelle a pris ses cliques, ses claques et m’a planté sur Mac

La fille virtuelle a pris le large et pas mis ses jambes à mon cou

La fille virtuelle m’a pris de court, prié de n’pas lui faire la cour

Page 23: Et sous le vent

23 La fi l le virtuelle ...

La fille virtuelle avec deux L m’a cloué l’bec avec deux clics

La fille virtuelle est sans appel avec deux P et un seul L

La fille virtuelle du logiciel n’a pas livré son joli ciel

La fille virtuelle artificielle a joué les femmes fantasmatiques

La fille virtuelle a viré d’bord et fuit dès le premier abord

La fille virtuelle joue du spectacle à satiété chez Guy Debord

La fille virtuelle a disparu, du coup je ne la situe plus

La fille virtuelle, si tu la croises, dis lui que j’ai changé de bord

Page 24: Et sous le vent

24 Olivier Morin 2015

La grue ...

LLa grue, la grue, la grue

Otez la grue, la grue ôtez

Otez la grue la grue sédentaire, la grue c’est dantesque

Otez la grosse et grasse grue

La grandeur de la grue, mais c’est grand-guignolesque !

La grue migre, mais la grue sédentaire grignote le

ruisseau, elle en impose, elle gronde, grince et grésille

La grue sédentaire a les pieds bien ancrés, sa flèche est

d’acier lourd et de boulons huilés, elle croise au gré du

vent des hirondelles canailles, des pigeons d’habitude et

les cris de juillet

La grue sédentaire a posé ses valises dans le lit du ruisseau

et pour l’éternité,

Elle rêve de voyages en route vers le nord, du vent dans

les rémiges et vent de liberté

Mais sa charge est trop lourde, son contrepoids fatal, ses

longerons pesants

Page 25: Et sous le vent

25 La grue

La grue sédentaire est un génie civil, elle a les pieds sur

terre et la tête en partance, le portique robuste et la

flèche embrumée

Elle est fille de la rue et copine de trottoir, elle brille dans la

nuit et clignote le jour, elle a ses habitudes et ses copains

de fête, ses moments de tristesse et la tête à l’envers,

La grue sédentaire a ses zones interdites, son garde corps

vissé et le chariot mobile, le tirant attirant et les élingues

souples, le harnais ajusté, la poulie baladeuse, le câble à

l’enrouleur et le ballant sonore

Elle rôde dans le ruisseau pour allumer les peintres, elle leur

promet la lune et le plaisir en sus

La grue du ruisseau d’eau a les fourmis aux pieds, les

chevilles embottées et le bustier d’acier, elle a la robe

ouverte et l’allure d’une princesse

Elle est là pour lever et son grutier de nuit l’a prise en ses

manettes.

Laissez la racoler, laissez la grue rêver, laissez la racoler,

laisser la rue rêver

Page 26: Et sous le vent

26 Olivier Morin 2015

La mer est un tombeau ...

LLa mer est un tombeau et j’ai le vague à l’âme

De l’eau dans mon bateau et dans ses fonds de cales

La mer est un tombeau, ses vagues et ses lames

Y’a des larmes de sel sur mon rafiot bancal

La mer est un tombeau et récit de corail

Elle prend dans son manteau les corps des camarades

Elle cache la misère et son lot de chandails

Les hommes en yacht blanc finissent la grillade

La mer est un cimetière où vient mourir l’Afrique

Les bateaux du malheur finissent en profondeur

Les passeurs de la nuit ont empoché le fric

Les goélands perdus n’ont plus de répondeur

Page 27: Et sous le vent

27 La mer est un tombeau ...

Ça sent la marée rouge au bout des traversées

Les effets des fuyards se sont éparpillés

Les radeaux de fortune se sont tous fracassés

Ceux de la brasse coulée, les yeux écarquillés

Ça sent la marée sombre en Méditerranée

Vingt mille yeux sous la mer et parfois des regards

Des cris d’enfants perdus comme autant de damnés

Les hommes en yacht blanc finissent le cigare

La mer est un stylo et son encre un mystère

Le récit de voyage des hommes à l’envers

Pour une course folle et raccrocher les terres

Comme on accroche enfin, un signe à son revers

La mer est un rouleau où s’impriment les traces

Des galions de l’antique et des rêves à venir

La mer est un rouleau de scotch double face

Rescapés de l’exode et flots de souvenirs

La mer est un tombeau et j’ai le vague à l’âme

De l’eau dans mon bateau et dans ses fonds de cales

La mer est un tombeau, ses vagues et ses lames

J’ai des larmes de sel sur mon rafiot bancal

Page 28: Et sous le vent

28 Olivier Morin 2015 ...

La terre se gonfle ...

LLa terre se gonfle après la pluie, après la pluie lourde, la

pluie drue, elle réagit

Lourd, quand elle ploie, quand elle plie, quand elle

amortit, quand elle s’enfonce, imperceptible, quand elle

est réactive, à fleur

J’appuie un peu pour qu’elle me sente, qu’elle me dise,

qu’elle me raconte, qu’elle me chante

J’imprime mon pas plus longtemps, plus lourd, plus en

contact

Elle me parle de son histoire trempée, elle m’absorbe,

bienveillante, elle me trampoline d’humidité, de souplesse

et de contentement

Page 29: Et sous le vent

29 La terre se gonfle ...

Elle me rend mes pas, elle m’imprime les pieds, le corps,

elle me les prend et me les rend

Elle m’aspire, elle m’aspire et m’élève, me sanctifie,

La terre m’éponge, me rince, me ressuie, me baptise

Elle m’imprime et je l’imprime, je l’écris, je la partitionne,

elle me musique

Elle me joue des symphonies de mousse, des requiem

lichen, des notes souples et graves

Je la sens qui respire, qui bat, et j’appuie, j’appuie

J’ai les pieds en accords et on se mélodise, tendre et

gourmande, avaleuse, absorbeuse

Je l’imprime, elle écrit sa tendresse

Je n’ose relever le pied par peur d’abandon, de perte de

contact, de départ trop brutal

Je lui donne, m’abandonne, elle me retient dans sa

souplesse, m’aspire et me restitue

Elle m’élève et je la laisse, effleurée.

Page 30: Et sous le vent

30 Olivier Morin 2015

L Le temps était venu, il allait récolter,

Juste une question de météo, de bonne fenêtre, de

temps complice,

Il avait dit avec ses mots, seule la grêle, l’orage fort, la

pluie drue pour reculer

Il l’avait voulue, désirée, sans savoir, comme on désire

une terre nouvelle, insoupçonnée, jamais hostile, il allait

récolter,

Parcelle fragile, il l’avait apprivoisée, caressée, travaillée,

rebelle, imprévisible, parfois même illisible, toujours douce

à l’outil,

Il l’avait soignée, avec appétit, gourmandise, avec une

envie folle de récolte

Ils avaient ri, écrit, hésité, dit,

Elle avait louvoyé, bifurqué, reculé, disparu

Le temps était venu ...

Page 31: Et sous le vent

31 Le temps était venu

Il avait remonté le vent, humé, scruté, imaginé

Elle avait frémi, esquivé, approuvé

Il avait cherché, retourné, caressé, imaginé

Elle avait décalé, déjoué, décentré

Il l’avait enroulée comme on enroule un troupeau,

il l’avait encerclée, emmenée, travaillée avec ses mots à lui

Elle avait différé, omis, feinté,

Il l’avait déchaussée, sarclée, binée, choyée, soignée

Elle avait hésité, cligné, sourcillé,

Ils allaient récolter, juste une question de temps complice

Page 32: Et sous le vent

32 Olivier Morin 2015

Longtemps j’ai soumis ...

LLongtemps, j’ai soumis la végétation, maintenant je la laisse

aller.

Et elle va

Elle va où elle veut, elle se balade, elle grimpe, retombe et

rebondit.

Longtemps, j’ai orienté, contraint, dirigé, palissé, façonné,

courbé, plié, exigé,

La végétation, c’est comme les gens. Ça se plie et ça

s’oriente, on la voudrait à sa main, à ses besoins, ses

humeurs, ses visions

Les gens c’est pareil. On les voudrait à l’idée, à notre idée,

mais au bout du compte, ils dépérissent et s’assèchent.

Quand tu leur fous la paix, ils revivent, redémarrent,

reverdissent, regrimpent

Page 33: Et sous le vent

La végétation, ça s’habitue à tout, à l’entretien, à

l’arrosage, au manque aussi

Le manque, c’est la débrouille, ça régénère, ça rajeunit, ça

pousse à se défendre seul, ça auto immunise, la démerde

quoi !

Les gens, c’est pareil, si tu leur fous la paix, ils s’enjolivent, se

recoiffent, ils s’apprêtent à nouveau, se font joli garçon, jolie

fille et regrimpent, ils se font liane, ils montent, ils s’enroulent

et trouvent la canopée.

La canopée, c’est un peu le sirop des gourmands, le

belvédère des audacieux, le festival des allumés, les mots

de roucoulade, Rimbaud avant l’Abyssinie, la canopée,

c’est César sauvé du Rhône, c’est Champollion agenouillé,

c’est le tombeau ouvert et vide.

Longtemps, j’ai soumis, maintenant, je laisse aller.

Le temps était urgence, il est copain de vers, il était de

guerre froide, il est de douce paix, il était de colère, il est de

rire franc, mes lianes de sentiments s’accrochent au gré du

vent

Quand je tombe en arrêt, je le hume et j’attends.

33 Longtemps j’ai soumis ...

Page 34: Et sous le vent

34 Olivier Morin 2015

Quand j’ai relu la loi, Lola ...

QQuand j’ai relu la loi, Lola

J’ai vu mon lot de hors la loi

J’ai louvoyé en alibis

En reluquant tes habits là

Ça sonnait déjà l’hallali

Et les lueurs de l’au-delà

Et las du lit de l’autre hélas

Au bas du lit l’autre se lasse

J’hélais Lola le long du Loing

Et la limais de long en large

Quand elle déliait sa mise en plis

Mon loup ne faisait plus un pli

Page 35: Et sous le vent

Elle se lovait en lune louve

En ma caverne d’Ali baba

Et j’hululais sous ses lolos

Ses jolis lots de lolita

Quand Lola lit William Faulkner

Tout jeu tout flamme et toute fleur

La langueur de sa libido

Lamine les élans de mon loup

J’hallucinais de son ciné

La palme d’or, Lola s’endort

Les jaloux m’ont mis hors de toi

Laissant filer l’ami des bas

Mon loup filou a filé doux

Soleil levant et vent debout

Loin du corps fou a mis les voiles

Las de Lola et de ses râles

Quand j’ai relu la loi, Lola

J’ai vu mon lot de hors la loi

J’ai louvoyé en alibis

En reluquant tes habits là

35 Quand j’ai relu la loi, Lola ...

Page 36: Et sous le vent

36 Olivier Morin 2015

QQuand la mer se retire, elle fait semblant et elle revient, elle

se recharge et s’en revient

Quand l’amour se retire, il fait sang d’encre et lettre morte,

il lève l’ancre et prend le large

Quand la mer se retire, c’est pour de rire, elle se gonfle du

vent et de ses sentiments

Quand l’amour se retire, c’est pour de bon, il reprend ses

bagages et ses ressentiments

Quand la mer se retire, elle laisse des cadeaux, des bijoux de

sel fin et des poissons de nuit

Quand l’amour se retire, il laisse des embruns, des colliers de

misère et du poison de pluie

Quand la mer se retire, c’est la fête à l’estran, les couteaux

de passage aiguisent leur lame bleue

Quand la mer se retire ...

Page 37: Et sous le vent

Quand l’amour se retire, c’est la fin de l’instant, c’est l’horizon

barré et le temps qui s’étend

Quand la mer se retire, c’est pour mieux revenir, c’est l’aller

et retour et quel que soit le temps

Quand l’amour se retire, c’est sans faire de demi tour, c’est

l’aller sans retour et jusqu’au bout du temps

Quand la mer se retire, elle laisse des histoires et nous raconte

la suite aussitôt de retour

Quand l’amour se retire, ça fait bien des histoires, et la fin de

l’histoire se meurt au petit jour

Quand la mer se retire c’est la folie de sable au soleil retrouvé

et la course des crabes

Quand l‘amour se retire, c’est la mélancolie au sommeil en

allé et la fin des étoiles

Quand la mer se retire, c’est pour aller chercher des idées de

grand large et pour les déposer

Quand l’amour se retire, c’est pour chercher ailleurs un peu

de liberté et pour l’éternité

Quand la mer s’en revient, c’est pour quelques instants, pour

la beauté du geste et pour les agréments

Quand l’amour s’en revient, ça fait bien du boucan sur les

bords de la mer et on n’en revient pas

37 Quand la mer se retire ...

Page 38: Et sous le vent

38 Olivier Morin 2015

Si tu as faim de vie ...

S Si tu as faim de vie, viens, viens dans mon jardin, plein

d’aubergines lisses et de courgettes oblongues, de

poivrons alanguis et de tomates pourpres, de radis

enhardis et de patates douces, de colibris légers et de

coriandre fraîche.

Si tu as soif de lune, viens, viens dans ma cambuse, elle

est d’humidité et de Sauvignon blanc, de Roussanne

timide et de Cabernet franc, de Marsanne rebelle et

Syrah des garrigues

Nous goûterons au rosé, innocents sous le vent,

tu boiras de mon sang à la nuit retrouvée et nous

évoquerons les filles de Cassiopée.

Si tu as encore faim, j’aurai des oignons doux, des

fraises de fournaise et du piment oiseau, des belles de

Fontenay et des fruits de velours, des rhubarbes amères

et du sang de framboise

Si tu as encore soif, j’aurai des chutes d’eau pour tes

yeux limoneux, des roulis de cascade pour assouvir le

feu et des ruisseaux de larmes à glisser sous les mots.

Page 39: Et sous le vent

39 Si tu as faim de vie ..

Si tu veux reposer ton corps après l’effort, viens, viens

dans mon refuge au bout du chemin vert, il est de

solitude et de bois de novembre, de confessions

rupestres et de murmures mauves, de bruissements

d’érables et de craquèlements.

Si tu veux allumer l’hiver après l’automne, reviens

dans ma réserve, elle est de rayons vides et de bois

pour la chauffe, de livres à relire et de musique rousse,

d’embruns dans l’escalier et d’hirondelles vives

Tu peux toujours venir, je suis libre d’aller et de m’en

revenir

Page 40: Et sous le vent

40 Olivier Morin 2015

Un peu de poivre ...

UUn peu de poivre en ma toison

Et les apôtres en pamoison

Pour des prières un peu sauvages

Et le parfum de tes ravages

Un peu de pi un peu de ment

Et mes appâts d’ami amant

Peu de piment et d’Espelette

Pour nos ébats à l’Esperluette

Une plume de plus c’est le bon plan

Mon petit nom c’est Peter pan

Un pied à prendre et pourquoi pas

Et pique pendre n’importe quoi

Pas de panique dame de pique

Et pas de nèfles dame de trèfle

Pas de rancœur dame de cœur

Et pas de pot reste sur l’carreau

Page 41: Et sous le vent

Un peu de pi, un peu de po

Un peu de pro, pro du pipo

Une poule de luxe une poule relax

Sous le velux une poule dans l’axe

Piste un peu la papamobile

Un pape à pied c’est pas possible

Un pape à roue pour les prières

La papauté prie pour St Pierre

Le pape à pied prêche pour les pauvres

Les sans papiers et les apôtres

Bulle papale épiscopale

Printemps Pascal, Paiement paypal

Ma poule au pot picore mes pions

Mon Peter Pan joue du pilon

Un postérieur plus que parfait

Prière païenne et ce fut fait

Un peu de poivre en ma toison

Et les apôtres en pamoison

Pour des prières un peu sauvages

Et le parfum de tes ravages

41 Un peu de poivre ...

Page 42: Et sous le vent

Poète de la terre et de ses profondeurs, il puise son inspiration dans son histoire vigneronne et celle des hommes depuis la nuit des temps.Il trace ses signes sur la page comme les hommes le firent aux premiers temps de l’écriture.Il dit ses textes, il ne chante pas et pourtant l’alexandrin sonne comme un voyage musical.Les femmes sont là toujours en embuscade derrière la métaphore.Il est l’auteur de seize recueils de textes poétiques et de 2 CD avec Emmanuel Valeur.

Olivier Morin

42 Olivier Morin 2015

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Et sous le vent,va soulevant

Et sous le vent, va soulevant

Dans le jungle de Calais

Donnez-nous la mer à boire

Elle est partie mon Husq

Et j’étais un îlot en mer de solitude

Ils avaient l’odeur des synagogues

Ils ont basculé

J’ai vu par ma fenêtre

La distilleuse

La fille d’épices

La fille virtuelle

La grue

La mer est un tombeau

La terre se gonfle après la pluie

Le temps était venu de récolter

Longtemps, j’ai soumis la végétation

Quand j’ai relu la loi, Lola

Quand la mer se retire

Si tu as faim de vie

Un peu de poivre en ma toison


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