LIVRE II
LES TEMPS PRIMITIFS
CHAPITRE PREMIER
LA CIVILISATION DE LA PIERRE(1)
I
Les plus anciens tĂ©moignages de lâexistence de lâhomme dans lâAfrique du Nord sont des armes et des outils de pier-re, trouvĂ©s avec des restes dâanimaux qui habitaient le pays Ă lâĂ©poque quaternaire, pendant une pĂ©riode de chaleur humide(2). Ces objets appartiennent aux premiĂšres phases de lâindustrie palĂ©olithique et ressemblent Ă ceux qui ont Ă©tĂ© recueillis dans dâautres contrĂ©es, surtout dans lâEurope occidentale: les prĂ©-____________________ 1. Jâai adoptĂ© les grandes dĂ©cisions indiquĂ©es par M. Pallary, dans ses Ins-tructions pour les recherches prĂ©historiques dans le Nord-Ouest de lâAfrique (MĂ©-moires de la SociĂ©tĂ© historique algĂ©rienne, t. III, Alger, 1909) ; voir en particu-lier p. 39-56 (on trouvera une bibliographie aux p. 102-113). M. Pallary a donnĂ© plusieurs bibliographies trĂšs dĂ©taillĂ©es du prĂ©historique de la province dâOran : Association française pour lâavancement des sciences, Marseille, 1891, II, p. 770-5 ; voir aussi Revue africaine, LI, 1907, p. 274-8. Bibliographie du prĂ©historique saharien par Flamand et LaquiĂšre, dans Revue africaine, L, 1906, p. 233-7. â Le musĂ©e le plus riche en antiquitĂ©s prĂ©historiques de lâAfrique du Nord est celui dâAlger : voir Pallary, Revue africaine, LV, 1911, p. 306-325. Il y a aussi des col-lections importantes Ă Oran et Ă Constantine (musĂ©es municipaux), au musĂ©e de Saint-Germain et au musĂ©e dâethnographie du TrocadĂ©ro. 2. Conf. plus haut, p. 100 et suiv.
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historiens distinguent trois types, qui se rencontrent souvent ensemble, surtout les deux derniers : chellĂ©en (« coups-de-poing » sommairement taillĂ©s), acheulĂ©en (« haches » en forme dâamande, dâune technique plus soignĂ©e), moustĂ©rien (pointes, lames, racloirs, travaillĂ©s sur une seule face)(1). A Ternifine, dans la province dâOran(2), on a dĂ©couvert de nombreux instruments en pierre et des ossements, dĂ©bris de chasse, se rapportant Ă une faune quaternaire chaude : Elephas atlanticus, rhinocĂ©ros, hippopotame, sanglier, zĂšbre, chameau, girafe, antilopidĂ©s, etc. Ils gisaient pĂȘle-mĂȘle(3) au pourtour dâune colline de sable, haute dâune trentaine de mĂštres, consti-tuĂ©e par des apports de sources artĂ©siennes et recouverte dâune couche de grĂšs. Beaucoup dâos prĂ©sentent des incisions, ou sont cassĂ©s au milieu, sans doute pour lâextraction de la moelle. Les outils ou armes sont des coups-de-poing chellĂ©ens, en grĂšs et surtout en quartzite, trĂšs grossiers, dont la forme est vaguement celle dâune amande, longue de 0 m. 15 Ă 0 m. 20, ou bien dâun rectangle; des galets de grĂšs, ou des moitiĂ©s de galets, en par-tie bruts (du cĂŽtĂ© oĂč on les tenait en main), en partie façonnĂ©s____________________ 1. Nous laisserons de cĂŽtĂ© les Ă©olithes, pierres qui auraient Ă©tĂ© simplement accom-modĂ©es pour lâusage. Ou sait que des prĂ©historiens placent avant lâindustrie palĂ©olithique une longue pĂ©riode Ă©olithique. Que les hommes se soient servis, non seulement de pierres brutes, mais aussi dâinstruments trĂšs rudimentaires, soit avant, soit aprĂšs lâinvention de la taille, câest ce que lâon peut admettre, sans difficultĂ©. Mais il faudrait pouvoir distin-guer les Ă©olithes accommodĂ©s et utilisĂ©s, des cailloux qui prĂ©sentent un aspect tout Ă fait semblable et qui, pourtant, nâont Ă©tĂ© façonnĂ©s que par des agents naturels. Dans lâAfrique du Nord, on a signalĂ©, de prĂ©tendus Ă©olithes Ă Chelma (prĂšs de Biskra) et Ă Gafsa : Chan-tre, dans Assoc. Française, Clermont-Ferrand, 1908, II, p. 688 ; Eylert, dans Bull. de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique de Sousse, IV, 1906, p. 141 et suiv. : Scweinfurth, dans Zeitschrift fĂŒr Ethnologie, XXXIX, 1907, p. 150. Pour ceux de Gafsa, MM. De Morgan, Capitan et Baudy (Revue de lâĂcole dâanthropologie, XX, 1910, p. 220) ont montrĂ© que ce sont des Ă©clats qui se retrouvent dans des ateliers palĂ©olithiques de la rĂ©gion, avec des piĂšces chellĂ©ennes, acheulĂ©ennes et moustĂ©riennes. 2. PrĂšs du village de Palikao, Ă lâEst de Mascara : Gsell, Atlas archĂ©ologique de lâAlgĂ©rie, f° 32, n°14. â Sur ces trouvailles, voir surtout Pallary et Pomel, dans MatĂ©-riaux pour lâhistoire primitive de lâhomme, XXII, 1888, p. 221-232. 3. Nous devons ajouter que toutes les trouvailles faites en ce lieu ne datent pas de lâĂ©poque quaternaire. Des restes de poteries grossiĂšres (MatĂ©riaux, l. c., p. 223-4) sont certainement beaucoup plus rĂ©cents.
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Ă grands Ă©clats; des morceaux de silex et de quartzite, de di-mensions moindres, simplement cassĂ©s, ou Ă peine travaillĂ©s, qui ont pu servir de pointes et de racloirs. Des constatations analogues ont Ă©tĂ© faites au lac Karar, petit rĂ©servoir naturel situĂ© au Nord de Tlemcen(1), et ont donnĂ© lieu i une Ă©tude attentive(2). Le gravier qui constituait le fond de la nappe dâeau contenait le mĂȘme mĂ©lange dâossements (Elel-phas atlanticus, rhinocĂ©ros, hippopotame, sanglier, zĂšbre, etc.) et dâoutils primitifs. Parmi ceux-ci, les uns, en quartzite, ont la forme dâune amande, avec une pointe plus ou moins effilĂ©e; les plus longs dĂ©passent (0 m. 20. Ils reproduisent exactement les deux types chellĂ©en et acheulĂ©en, Les autres sont des silex de petites dimensions : soit des Ă©clats, qui ont pu ĂȘtre utilisĂ©s, soit quelques instruments taillĂ©s sur une seule face, pointes et racloirs. Il est trĂšs probable que les deux sĂ©ries sont contempo-raines(3). Ces stations(4) sont datĂ©es par la faune associĂ©e aux restes du travail humain. Sur bien dâautres points(5), au Maroc(6), en AlgĂ©rie(7),____________________ 1. PrĂšs du village de Montagnac ; Gsell, Atlas, f° 31, n° 47. 2. Boule, dans lâAnthropologie, XI, 1903, p. 1-21, pl. I-II (dĂ©couvertes de M. Gen-til). 3. Conf. les observations de Boule, l. c., p. 18. Une hache polie et des pointes de flĂš-ches Ă ailerons, trouvĂ©s aux abords immĂ©diats de la piĂšce dâeau, sont dâune autre Ă©poque. 4. Une troisĂšme station de la province dâOran, celle dâAboukir, au Sud-Est de Mostaganem, a donnĂ© des catenires taillĂ©s Ă grands Ă©clats et des bouts de silex, en gĂ©nĂ©ral non retouchĂ©s, avec des ossements dâElephas atlanticus, de rhinocĂ©ros, dâantilopes, dâun grand bĆuf, et des amas dâescargots. Ces objets Ă©taient ensevelis dans des sables, charriĂ©s par une source artĂ©sienne. Voir Pomel, dans MatĂ©riaux, XXII, 1888, p. 232 ; Pallary, dans Assoc. Française, Marseille, 1891, II, p. 605. 5. Dans les notes qui suivent, je ne mentionnerai que les dĂ©couvertes les plus im-portantes. 6. Rabat (chellĂ©en) : Pallary, dans lâAnthropologie, XVIII, 1907, p. 309-310 ; XIX, 1908, p. 173-4, Oudjda (acheulĂ©en) : Pallary et Pinchon, ibid., XIX, p. 177-8, 427-9. 7. Ouzidane, au Nord de Tlemcen (acheulĂ©en) ; Pallary, Assoc. Française, Be-sançon, 1893, II, p.657-661. AĂŻn el Hadjar, au Sud de SaĂŻda (acheulĂ©en) : Doumergue, Bull. dâOran, 1892, p. 347-350, fig. 2 et 3. Takdempt, Ă lâOuest e Dellys (cheulĂ©en et acheulĂ©en) : Reinach, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1892, p. 496 ; Lacour et Tureal, ibid., 1900, p. 313. Diverses stations dans la rĂ©gion de TĂ©bessa, au Nord et surtout au Sud de cette ville (chellĂ©en, acheulĂ©en) : indications de M. Latapie ; conf. le mĂȘme,
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dans le Sud de la Tunisie(1), au Sahara(2), on a recueilli, Ă fleur de terre ou dans des alluvions, des instruments chellĂ©ens et acheu-lĂ©ens, non accompagnĂ©s dâossements TantĂŽt ils sont seuls, tantĂŽt ils se trouvent avec des objets moustĂ©riens(3), pointes, racloirs, auxquels sont souvent mĂȘlĂ©s des disques Ă bords coupants(4) et des galets dont la base est restĂ©e brute et dont le cĂŽtĂ© opposĂ© offre des facettes concaves, alternĂ©es de maniĂšre Ă former une arĂȘte sinueuse : galets et disques devaient ĂȘtre des projectiles(5). Nous mentionnerons en particulier les dĂ©couvertes faites aux environs de Gafsa, dans le Sud de la Tunisie(6). Les outils chellĂ©ens, acheulĂ©ens et moustĂ©riens abondent dans cette rĂ©-gion. TrĂšs frĂ©quemment, ils sont confondus et paraissent ĂȘtre de mĂȘme Ă©poque. Ils se rencontrent soit sur des emplacements de stations, situĂ©es dâordinaire en plaine, soit dans des ateliers, Ă©tablis aux lieux oĂč il y a des gisements de silex utilisable ate-liers qui Ă©taient souvent importants, surtout sur les collines____________________Bull. archĂ©ol. du ComitĂ©, 1910, p. CCLXI ; Debruge, Rec. De Constantine, XLIV, 1910, p. 88 ; Reygasse et Latapie, ibid., XLV, 1911, p. 351-4 et trois planches. 1. Oum el Bsob, au Nord-Ouest de Gafsa (acheulĂ©en) : Pallary, Revue africaine, LV, 1911, pl. Ă la p. 312, fig. 1 et 2. RĂ©gion de Redeyef, Ă lâOuest de Gafsa (cheulĂ©en, acheulĂ©en) : Fleury, Bull. de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique de Sousse, VI, 1908, p. 67-69. RĂ©-gion de Gafsa : voir plus loin. â On nâa pas encore dĂ©couvert dâoutils chellĂ©en et acheu-lĂ©ens dans la Tunisie septentrionale et centrale. 2. Outils acheulĂ©ens. GhardaĂŻa : Revue africaine, LV, pl. Ă la p. 342, fig. 3. RĂ©gion de Temassinine : Rabourdin, dans Documents relatifs Ă la mission Flatters, p. 254-5 et pl. VII A ; Foureau, Documents scientifiques de la mission Foureau-Lamy, pl. XXVI (conf. Verneau, ibid., p. 1114) ; voir aussi Flamand et LaquiĂšre, Revue africaine, L. 1906, p. 213-4. A 400-500 kilomĂštres au Nord de Tombouctou : Caplan, Comptes rendus de lâAcadĂ©mie des Inscriptions, 1911, p. 313-8 3. Oudjda : Pinchon, dans lâAnthropologie, XIX, 1908, p. 427-430. Ouzidane : Pallary, Assoc. Française, Besançon, 1893, II, p. 661, et Bulletins de la SociĂ©tĂ© dâanthro-pologie de Paris, 1895, p. 92-93, AĂŻn el Hadjar : Doumergue, Bull. dâOran, 1892, p. 547-550. Oum el Ksob : musĂ©e dâAlger. Redeyef : de Morgan, Capitan et Boudy, Revue de lâĂcole dâanthropologie, XX, 1910, p. 270, Chabet Rechada, dans lâextrĂȘme Sud tunisien, ibid., p. 339-342. 4. Voir par exemple, Revue de lâĂcole dâanthropologie, XX, p. 273, fig. 69. 5. Pallary, dans lâHomme prĂ©historique, 1909, p. 179-180 ; le mĂȘme, Instructions, p. 17-18. On trouve ce ces galets Ă Ă©clats alternĂ©s et de ces disques dans les industries plus rĂ©centes, jusquâau nĂ©olithique berbĂšre. 6. De Morgan, Capitan et Boudy, l. c., XX, p. 110 et suiv.
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dâEl Mekta, au Nord-Ouest de Gafsa, et de Redeyef, Ă lâOuest du mĂȘme lieu. Les roches employĂ©es pour fabriquer les objets des trois types nâĂ©taient pas les mĂȘmes : les coups-de-poing chellĂ©ens Ă©taient faits en pĂ©trosilex (craie pĂ©nĂ©trĂ©e de silice), matiĂšre moins cassante que le silex, mais ne comportant pas une taille aussi fine ; les haches acheulĂ©ennes sont en silex fon-cĂ© ordinaire, les instruments moustĂ©riens, en silex trĂšs fin, de couleur claire. Il sâensuit que, dans certains ateliers oĂč les arti-sans exploitaient des gisements dĂ©terminĂ©s, ils ne se livraient quâĂ lâune de ces trois industries, pourtant contemporaines. Il est vrai que, prĂšs de Gafsa, dans une Ă©minence formĂ©e de couches dâalluvions, on a cru reconnaĂźtre une superposition de divers types palĂ©olithiques, qui permettrait de les attribuer des pĂ©riodes successives : en bas, des coups-de-poing chellĂ©ens, plus haut, des outils moustĂ©riens, dâabord mĂȘlĂ©s Ă des haches acheulĂ©ennes, puis seuls(1). Mais lâexactitude de ces observa-tions a Ă©tĂ© contestĂ©e : M. de Morgan a montrĂ©(2) que les objets dont il sâagit ont Ă©tĂ© enlevĂ©s par des pluies torrentielles faillit Ă un campement ou a un atelier, tantĂŽt Ă un autre, et que leur place parmi les alluvions dĂ©pend des hasards du ruissellement.On nâa pas trouvĂ© dâoutils chellĂ©ens et acheulĂ©ens dans des ca-vernes de lâAfrique du Nord(3). Les hommes vivaient en plein air ; il nâest dâailleurs pas impossible quâils se soient abritĂ©s sous des huttes en roseaux ou en branchages(4). Ils sâĂ©tablis-saient de prĂ©fĂ©rence prĂšs des sources, prĂšs des riviĂšres, surtout aux confluents, sur de petits plateaux ou des croupes dâoĂč la____________________ 1. Collignon, dans MatĂ©riaux, XXI, 1887, p. 173-180 ; conf. Capitan et Boudy, Assoc. française, Lyon, 1906, II, p. 725-6. Je ne parle pas des prĂ©tendus Ă©olithes. â Selon Couillault (dans 1âAnthropologie, V, 1894, p. 531-3), une superposition analogue existe-rait dans dâautres couches dâalluvions, situĂ©es non loin de lĂ , Ă 2 kilomĂštres au Nord du village de Sidi Mansour. 2. Revue de lâĂcole dâanthropologie, XX, p. 216 et suiv. 3. Pallary (Bulletins de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Paris, 1895, p. 87-93) a prouvĂ© quâĂ Ouzidane des outils acheulĂ©ens, trouvĂ©s dans les parois du grottes artificiel-les, sont bien antĂ©rieurs au creusement de ces grottes. 4. Peut-ĂȘtre enduites de terre.
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vue s Ă©tendait au loin et oĂč il leur Ă©tait plus facile de se dĂ©fen-dre(1). Dans les pays oĂč le gibier abondait, oĂč lâeau coulait en toute saison(2), ils nâavaient sans doute guĂšre besoin de se dĂ©pla-cer. Nous connaissons trop mal cette pĂ©riode de la prĂ©histoire africaine pour pouvoir dire quelles Ă©taient les rĂ©gions les plus peuplĂ©es, et nous ignorons lâimportance des groupes dâindivi-dus associĂ©s dans une vie commune : on constate cependant quâautour de Gafsa, les campements Ă©taient nombreux(3), mais en gĂ©nĂ©ral peu Ă©tendus(4). Ces primitifs avaient peut-ĂȘtre des objets en bois, mas-sues, gourdins, piques dont la pointe Ă©tait durcie au feu(5). Des os pointus ont dĂ» leur servir dâarmes(6) ; des peaux, de vĂȘtements et de rĂ©cipients. Les dĂ©couvertes ne nous renseignent que sur les instruments en pierre. Il y avait des armes et des outils de fortune, simples Ă©clats utilisĂ©s comme pointes ou racloirs, sans parler des pierres brutes qui pouvaient ĂȘtre employĂ©es comme projectiles, massues, broyeurs. Les instruments chellĂ©ens et acheulĂ©ens Ă©taient fabriquĂ©s en silex dans les hautes plaines de lâintĂ©rieur de lâAlgĂ©rie et dans le Sud de la Tunisie(7) ; en quartzite, en grĂšs et en calcaire dans le Tell algĂ©rien, oĂč les galets de silex de bonne qualitĂ© sont gĂ©nĂ©ralement trop petits pour la confection dâun gros outillage(8). Les uns ont probable-ment servi Ă des usages multiples, dâautres avaient sans doute une destination particuliĂšre. DâaprĂšs leurs diverses formes, ils____________________ 1. De Morgan, l. c., p,112. Pallary, Instructions p. 62-63. 2. il ne faut pas oublier que le climat Ă©tait plus humide quâaujourdâhui : voir plus haut, p. 51. 3. Ce qui sâexplique par la proximitĂ© de gisements importants de silex. 4. De Morgan, l. c., p.110. 5. A lâĂ©poque historique, divers peuples africains ne servaient encore de javelots appointĂ©s de cette maniĂšre : HĂ©rodote, VII, 71 ; PĂ©riple de Scylax, 112 Geogr, gr. min., l, p. 94) ; Silius Italicus, III, 303-4. 6. A Ternifine, des cornes dâantilopes et des dĂ©fenses dâhippopotames ont peut-ĂȘtre rempli cet office : Pomel, dans MatĂ©riaux, XXII, p. 231 ; Pallary, dans Assoc. fran-çaise, Marseille, 1891. II, p. 600. 7. Dans le Sahara, les outils acheulĂ©ens sont soit en silex, soit en grĂšs, soit en quartzite. 8. Pallary, Instructions, p. 53.
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ont pu ĂȘtre des coups-de-poing, des haches, des marteaux, des coins, des ciseaux, des pics, des pioches pour extraire les raci-nes(1). Les outils moustĂ©riens, en quartzite et surtout en silex, pierre dont les cassures donnent des arĂȘtes coupantes, Ă©taient faits pour percer et trancher, pour gratter les peaux. La parfaite ressemblance des instruments trouvĂ©s dans la BerbĂ©rie et de ceux qui ont Ă©tĂ© recueillis dans dâautres contrĂ©es plus ou moins voisines, en Ăgypte(2), en Italie(3), en Espagne(4), sâexplique-t-elle par des relations entre les habitants de ces pays ? ou par lâidentitĂ© des besoins qui, en diffĂ©rentes rĂ©gions, aurait fait inventer les mĂȘmes outils ? Il est probable quâon ne rĂ©soudra jamais ce problĂšme. On nâa pas le droit dâĂ©carter comme invraisemblable la premiĂšre hypothĂšse, surtout si lâon admet, avec quelques gĂ©ologues, quâĂ lâĂ©poque quaternaire, lâEurope a pu ĂȘtre reliĂ©e au continent africain(5). Tandis que les outils chellĂ©ens et acheulĂ©ens ont disparu de bonne heure(6), les formes moustĂ©riennes se sont maintenues trĂšs longtemps dans lâAfrique du Nord(7) : nous verrons quâelles se rencontrent, en diffĂ©rents lieux, pĂȘle-mĂȘle avec des produit dâune industrie beaucoup plus rĂ©cente(8). Dâautres stations ne_____________________ 1. Conf. Capitan, dans lâAnthropologie, XII, 1901, p. 111-7. 2. Voir, entre autres, M. de Morgan, Revue de lâĂcole dâanthropologie, XIX, 1909, p. 131 et suiv. 3. Modestov, Introduction dâhistoire romaine, p.7 et suiv. 4. Pallary, Instructions, p, 28-31. 5. Conf. Capitan, Revue anthropologique, XXI, 1911, p. 225 Il faut cependant remarquer que, jusquâĂ prĂ©sent, on nâa pas recueilli dâoutils chellĂ©ens et acheulĂ©ens en Sicile, ni dans le Nord de la Tunisie, deux rĂ©gions qui, Ă lâĂ©poque de ces industries, nâauraient pas Ă©tĂ© sĂ©parĂ©es par la mer. 6. On ne les trouve jamais avec les industries palĂ©olithique rĂ©cente et nĂ©olithique dans les gisements oit lâon peut affirmer quâil nây a pas eu de mĂ©langes de diverses Ă©poques : par exemple dans les grottes. â Foureau et Verneau (Documents de la mission Foureau-Lamy, p. 1082, 1906-7, 1121) croient, il est vrai, quâau Sahara les hoches acheulĂ©ennes sont contemporaines des flĂšches et autres instruments nĂ©olithiques, mais ils ne le prouvent pas. Une opinion contraire est exprimĂ©e par Pallary, Revue africaine, LI, 1907. p. 77. 7. Conf. Pallary, dans lâanthropologie, XXII, 1911, p. 563. 8. Voir plus loin, § IV, au nĂ©olithique berbĂšre. Au Sahara, on trouve aussi des outils moustĂ©riens, en gris, en quartzite, plus rarement en silex, avec des instruments
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contiennent que des types moustĂ©riens(1). Il est impossible de les dater avec certitude, quand la faune et la disposition des couches de terrain ne donnent pas dâindications Ă cet Ă©gard, Mais, dans quelques grottes de lâAlgĂ©rie, des instruments mous-tĂ©riens apparaissent avec une faune quaternaire, et dâordinaire au-dessous de couches renfermant une industrie nĂ©olithique(2). Dâautre part, lâabsence dâoutils chellĂ©ens et acheulĂ©ens permet de croire que ces stations sont postĂ©rieures Ă celles dont nous avons parlĂ© prĂ©cĂ©demment. Ce fut alors, en effet, que les Africains commencĂšrent Ă sĂ©-journer dans des cavernes ou des abris sous roche(3). Cette coutu-me sâest perpĂ©tuĂ©e Ă travers les siĂšcles, pendant la pĂ©riode nĂ©o-lithique et plus tard encore(4). Des auteurs anciens mentionnent certaines peuplades de lâAfrique septentrionale qui vivaient, en pleine Ă©poque historique, dans des grottes, naturelles ou____________________nĂ©olithique : voir Verneau, apud. Foureau, l. c., p. 112, 1116, 1119 ; Capitan, Bull. archĂ©o-logique du ComitĂ©, 1909, p. CXXXVII. 1. Pallary (Instructions, p. 43, 44, 97) en indique quelques-unes, qui se rĂ©partis-sent de lâOcĂ©an au Sud de la Tunisie, du littoral des provinces dâOran et dâAlger Ă lâAtlas saharien. Voir aussi Pallary, Bull. de la SociĂ©tĂ© prĂ©historique française, 1911, p.1624 (station de Karouba, purs de Mostaganem. 2. Couche infĂ©rieure de la grotte des Troglodytes, Ă Oran (racloirs, pointes en cal-caire, silex et quartzite ; molaire de rhinocĂ©ros) ; Pallury et Tommasini, Assoc. française, Marseille, 1891, II. p. 635, 636-7 ; de la grotte du Polygone, au mĂȘme lieu ; Pallary, Bull. deb la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Lyon, XI, 1802, p. 303. La couche moustĂ©rienne des grottes dâOran se distingue par sa couleur, blanchĂątre ou rougeĂątre, des couches supĂ©rieu-res, nĂ©olithiques, qui sont noires. â Grotte voisine dâAĂŻn Turk, au Nord-Ouest dâOran (quelques quartzites taillĂ©s ; hippopotame, rhinocĂ©ros, zĂšbre chameau, etc.) : Pallary, Bull. de la Soc. dâanthr. de Lyon, XI, p. 203-7. â Abri de la Mouillah, prĂšs de Lalla Marnia (province dâOran), couche infĂ©rieure jaune, avec des piĂšces moustĂ©riennes en quartzite et parfois en silex (la couche supĂ©rieure, Ă industrie palĂ©olithique rĂ©cente et grisĂątre) : Bar-bin, Bull. dâOran, 1912, p. 390-1. â Grotte des Bains-Romains, au Nord-Ouest dâAlger (silex moustĂ©riens ; rhinocĂ©ros, hippopotame, etc.) : Ficheur et Brives, Comptes rendus de lâAcadĂ©mie des Sciences, CXXX, 1900, p.1485-7. â Couche infĂ©rieure de la grotte des Ours, Ă Constantine (racloirs et pointes en quartzite et en silex ; rhinocĂ©ros, zĂšbre, etc.) : Debruge, Rec. De Constantine, XLII, 1908, p. 145-6 et fig. 31 ; Pallary, ibid., p. 149 et suiv. 3. Les Libyens primitifs, affirme Pausanias (X, 17, 2), vivaient dispersĂ©s dans des huttes ou dans les cavernes qui sâoffraient Ă eux. Mais il dit sans doute cela au hasard. 4. Comme , du reste, dans dâautres contrĂ©es : voir, par exemple, pour lâEurope occidentale, Jullian, Histoire de la Gaule, l, p. 150.
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artificielles(1). La troglodytisme a persistĂ© depuis lors dans di-verses rĂ©gions : en Tripolitaine et dans le Sud-Est de la Tuni-sie, sur les bords dĂ©chiquetĂ©s du plateau saharien ; dans les montagnes du Sud de la province de Constantine; dans lâAtlas marocain(2). Les cavernes sont des demeures oĂč les hommes peuvent se garder assez aisĂ©ment des attaques de leurs semblables et des fauves, oĂč ils sont Ă lâabri de la pluie, du froid des hivers et des nuits, et aussi, ce qui est important en Afrique, des chaleurs excessives de lâĂ©tĂ©. En Europe, la principale raison qui dĂ©cida les sauvages de lâĂ©poque quaternaire Ă sâĂ©tablir dans des caver-nes fut sans doute un refroidissement du climat. Nous avons montrĂ© que ce refroidissement a Ă©tĂ© beaucoup moins sensible au Sud de la MĂ©diterranĂ©e(3). En tout cas, beaucoup dâAfricains continuĂšrent Ă habiter des stations Ă ciel ouvert.____________________ 1. PĂ©riple dâHannon, 7 (Geogr. gr. min., l, p. 6) : troglodytes dans les mon-tagnes dâoĂč sort le Lixos (oued Dran). â Strabon, XVII, 3, 7 : certains Pharusiens (au sud du Maroc) vivent dans des grottes quâils creusent. â Pline, V, 34, men-tionne des troglodytes Ă sept jours de marche au Sud-ouest des Amantes, qui sont eux-mĂȘmes Ă douze jours Ă lâOuest de la grande Syrte. Vivien de Saint-Martin (le Nord de lâAfrique dans lâantiquitĂ©, p. 116) pense quâils habitaient le djebel Gha-rinne (au Sud-Sud-Ouest de Tripoli), oĂč il y a encore des troglodytes (voir, entre autres, MĂ©hier de Mathuisieulx, A travers la Tripolitaine, p. 171 et suiv.). Mais cette rĂ©gion ne correspond guĂšre aux indications de Pline. â HĂ©rodote (IV, 187) dit, que les Garamantes, sur leurs chars Ă quatre chevaux, vont Ă la chasse, des Ăthiopiens Troglodytes (conf. MĂ©la, I, 44 ; Pline, V, 45, qui parle de grottes artifi-cielles : « specuus excavant »). Vivien de Saint-Martin (l. c., p. 51. aprĂšs dâautres) croit quâil sâagit des habitants du Tibesti, qui sont encore troglodytes (ils demeu-rent dans des grottes naturelles). 2. Ces grottes, qui offrent divers types, ont Ă©tĂ© presque toutes creusĂ©es arti-ficiellement, ou tout au moins amĂ©nagĂ©es par les hommes. Il y a cependant, pris du Tlemcen, des troglodytes qui vivent dans des cavernes naturelles : Bel, la Popu-lation musulmane de Tlemcen (extrait de la Revue des Ătudes ethnographiques et sociologiques. 1908), p. 34. Aux Canaries, avant la conquĂȘte europĂ©enne, un grand nombre dâindigĂšnes vivaient aussi dans des grottes. 3. Voir plus haut, p. 53.
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II
AprĂšs la premiĂšre pĂ©riode palĂ©olithique, caractĂ©risĂ©e par-les types chellĂ©en, acheulĂ©en et moustĂ©rien, les prĂ©historiens français distinguent une seconde pĂ©riode, dite Ăąge du renne, pendant laquelle se sont succĂ©dĂ© les industries dites aurigna-cienne, solutrĂ©enne, magdalĂ©nienne. Il nâest pas possible dâap-pliquer cette classification Ă lâAfrique septentrionale(1). Entre le palĂ©olithique ancien et le nĂ©olithique, nous nây retrouvons, que deux industries bien marquĂ©es, lâune Ă lâEst de la BerbĂ©rie, lâautre Ă lâOuest. Des stations des rĂ©gions de Gafsa(2), de Redeyef (Ă lâOuest de Gafsa)(3), de TĂ©bessa(4) et de NĂ©grine(5) (au Sud-Est de lâAl-gĂ©rie), du centre de la province de Constantine(6), nous ont rĂ©-vĂ©lĂ© lâindustrie que lâon a appelĂ©e capsienne(7), ou gĂ©tulienne(8). Quelques-unes occupaient des abris sous roche(9), mais la plupart____________________ 1. Conf. Pallary, Instructions, p. 44 et 94. 2. De Morgan, Capitan et Boudy, Revue de LâĂcole dâanthropologie, XX, 1910, p. 120, 133 et suiv., 211-4, 276. 3. De Morgan, etc., 1. c., p. 207, 270-4. Gobert, Bull. de la SociĂ©tĂ© prĂ©historique de France, 24 novemhre 1910, RĂ©coltes de M. Pallary, au musĂ©e dâAlger. 4. Debruge, Rec. de Constantine, XLIV, 1910, p. 53 et suiv., avec les planches (conf. Pallary, dans lâAnthropologie, XXII, 1911, p. 559-580) ; Debruge, SeptiĂšme CongrĂšs prĂ©-historique de France, NĂźmes, 1911, p. 199-200. â Pour la station importante de Bir Oum Ali, entre TĂ©bessa et FĂ©riana, voir Gsell, Atlas archĂ©ologique de lâAlgĂ©rie, f° 40, n° 106. 5. Bir Zarif el Ouar (Gsell, l. c., f° 50, n° 161) ; rĂ©coltes Pallary, au musĂ©e dâAlger. 6. Stations autour du djebel Sidi Rgheiss (au Nord-Ouest dâAĂŻn BeĂŻda) : Gsell, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1809, p. 437-8 ; Blayac et Capitan, Assoc. française, Angers, 1903, 1, p. 240-1. AĂŻn Mlila : Thomas, Bull. de la SociĂ©tĂ© des sciences physiques dâAlger, XIII, 1877, p. 1-9 (pagination particuliĂšre), ChĂąteaudun du Rummel : Mercier, Rec. de Constantine, XLI, 1907, p. 171-182. â On a trouvĂ© ailleurs, et jusque dans le Sahara (voir, par exemple, Capitan, Bull. archĂ©ol, du ComitĂ©, 1909, p. CXXXVII), des outils de type aurignacien, ressemblant Ă ceux de ces stations, mais ils sont mĂ©langĂ©s Ă dâautres types et ne constituent pas une industrie bien caractĂ©risĂ©e. 7. De Morgan, les premiĂšres Civilisations, p. 136. Il classe dans son capsien des stations que nous attribuons Ă dâautres industries et il lui donne ainsi une grande exten-sion vers lâOuest (Revue anthropologique, XXI, 1911, p. 218-9). Contra : Pallary, Revue africaine, LV, p. 319, n, 1. 8. Pallary, Instructions, p. 44-45 ; Revue africaine, LV, p. 319-320. 9. El Mekla, au nord-Ouest de Gafsa ; Redeyef : de Morgan, etc., Revue de lâĂcole
LA CIVILISATION DE LA PIERRE. 187
Ă©taient des campements, parfois assez Ă©tendus(1), Ă©tablis dâordi-naire prĂšs des points dâeau(2). On les reconnaĂźt Ă des amas Ă©nor-mes dâescargots, mĂȘlĂ©s Ă des couches Ă©paisses de cendres, oĂč se rencontrent, en assez petite quantitĂ©, des ossements de cerfs, de zĂšbres, dâantilopes, de bĆufs, de mouflons et mĂȘme de rhi-nocĂ©ros. Les Ćufs dâautruche, dont les restes, trĂšs nombreux, sont frĂ©quemment calcinĂ©s, ont dĂ» servir de rĂ©cipients pour la cuisine, peut-ĂȘtre surtout pour faire bouillir les escargots(3). La poterie et les haches polies manquent. Les instruments de pierre, fabriquĂ©s en beau silex, dans les campements mĂȘmes, prĂ©sentent des ressemblances, qui ne doivent pas ĂȘtre fortuites, avec ceux de lâaurignacien dâEurope(4). Ce sont principalement des lames et des pointes, taillĂ©es sur une seule face et dont lâun des cĂŽtĂ©s longs, formant une sorte de dos, offre souvent des sĂ©ries de re-touches(5) ; des grattoirs, les uns Ă peu prĂšs circulaires, les autres en lame avec une extrĂ©mitĂ© arrondie; des lames qui paraissent ĂȘtre des burins, se terminant en haut Ă©par une partie concave et une pointe dâangle aiguĂ«. Quelques lames et grattoirs portent des encoches latĂ©rales, retaillĂ©es avec soin. On rencontre aussi des disques Ă arĂȘtes coupantes(6) probablement des pierres de jet(7).____________________dâanthropologie, XX, p. 112, 120, 271-3 ; Gobert, dans lâAnthropologie, XXIII, 1912, p. 152. Grottes du djebel Sidi Rgheiss, renfermant, dit-on, le mĂȘme mobilier que les stations des plaines voisines : Gsell, Bull. archĂ©ol. du ComitĂ©, 1890, p, 438. 1. La station de Bir Laskeria, au pied du djebel Sidi Rgheiss, mesurait environ 70 mĂštres sur 50 (Gsell, l. c., p. 437) ; celle de ChĂąteaudun-du-Rummel, environ 90 mĂštres sur 50 (Mercier, l, c., p. 173) ; celle dâAĂŻn Mlila, 80 Ă 90 mĂštres de diamĂštre (Thomas, 1. c., p. 1) ; une autre, prĂšs de TĂ©bessa, environ 200 mĂštres sur 50 (Debruge, Rec. de Cons-tantine, l. c., p. 74). 2. Quelquefois dans des lieux escarpĂ©s. Conf. Latapie et Reygasse de la SociĂ©tĂ© prĂ©historique française, 20 mars 1912. 3. Debruge, l. c., p. 63. Pallary, dans lâAnthropologie, XXII, p. 361. 4. De Morgan, etc., l. c., p..116-7, 207-8 (et Revue anthropologique, XXI, p. 220). On ne saurait dire cependant comment cette industrie sâest propagĂ©e. Le gĂ©tulien manqua jusquâĂ prĂ©sent dans lâOuest de la BerbĂ©rie, dans le direction de lâEspagne. 5. Quelques lames allongĂ©es sont retaillĂ©es trĂšs finement sur les deux cĂŽtĂ©s : de Morgan, etc., l, c., p. 133, fig. 37 a, et p. 208. 6. Par exemple, ibid., p. 213, fig, 49 et 50. 7. Conf. plus haut, p. 180.
188 LES TEMPS PRIMITIFS.
Cette industrie semble avoir durĂ© fort longtemps ; elle devra, quand on lâaura mieux Ă©tudiĂ©e, ĂȘtre subdivisĂ©e en plu-sieurs pĂ©riodes. Il convient dâattribuer Ă une Ă©poque relative-ment rĂ©cente, sans doute en partie contemporaine du dĂ©velop-pement de la civilisation nĂ©olithique dans dâautres rĂ©gions, des escargotiĂšres(1) oĂč les outils de trĂšs petites dimensions soit nombreux(2) : pointes droites, ou recourbĂ©es en bec de perro-quet ; silex trapĂ©ziformes, qui Ă©taient soit des tranchets, soit plutĂŽt des bouts de rocher, Ă tranchant transversal. Lâos poli, rare dans les stations anciennes, devient plus frĂ©quent ; il est reprĂ©sentĂ© par des poignards, des poinçons, des aiguilles. Des dĂ©bris dâĆufs dâautruche sont ornĂ©s de gravures, qui consistent en des traits parallĂšles, dont deux sĂ©ries se coupent parfois de maniĂšre Ă figurer un quadrillĂ©, en des suites de filets obliques ou de chevrons, en des lignes de points(3). De petits disques on des segments dâautre forme, taillĂ©s dans des oeufs dâautruche et perforĂ©s(4), sont des restes de colliers, de mĂȘme que des co-quilles(5) et des cailloux(6) trouĂ©s. Des molettes portent des tra-ces dâune couleur rouge (hĂ©matite), qui a dĂ» servir Ă Ă©tendre sur la peau un barbouillage, ou Ă y exĂ©cuter des dessins isolĂ©s(7).____________________ 1. MĂȘme industrie dans un abri sous roche de Redeyef : Gobert, lâAnthropolo-gie, XXIII, p. 153-5 2. Conf. de Morgan, etc., 1. c., p. 277 ; Gobert, Bull. de la SociĂ©tĂ© prĂ©histori-que, 24 juillet et 24 novembre 1910. â Par exemple, Sidi Mansour, prĂ©s de Gafsa : de Morgan, l, c., p. 211-212 ; AĂŻn AĂ»chen, Henchir Souatir, Bir Khanfous, prĂšs de Tamerza Ă lâOuest de Redeyef) : rĂ©coltes au musĂ©e dâAlger ; Morsott, dans la rĂ©gion de TĂ©bessa : Debruge, 1. c., p. 70, fig. 6 ; Bir en Nsa, prĂ©s de SĂ©tif : Westerveller, Rec. de Constantine, XIX, 1878, p, 309-312, et Jacquot, ibid., XXXV, 1901, p. 103-5, planches. 3. Gobert, l. c., 24 novembre, fig. 7 et 8 (Bir Khanfous et Henchir Souatir). Debruge, l. c., p. 90-97 et fig. 12 (rĂ©gion de TĂ©bessa). 4. Gobert, l. c., fig. 7, 5. De Morgan, etc., l. c., p. 274. Gobert, L e.,11~r. 7. 6. Debruge, I. c., p. PU et pl. X. 7. De Morgan, etc., l. c., p. 274; Debruge, l. c., p. 274 et fig. 13 ; Pallary, Revue africaine, LV, p.319. Au cinquiĂšme siĂšcle, des peuplades du Sud-Est et de lâEst de la Tunisie se peignaient encore la peau en rouge : HĂ©rodote, IV, 191 et 194. Cette couleur a pu ĂȘtre appliquĂ©e aussi sur des objets mobiliers, sur des vĂȘtement. HĂ©rodote, IV, 180,
LA CIVILISATION DE LA PIERRE. 189
La seconde industrie, qui rappelle Ă certains Ă©gards le ma-gdalĂ©nien europĂ©en, est surtout connue par les fouilles faites dans les abris sous roche de la Mouillah, prĂšs de Lalla Marnia (Ouest de la province dâOran)(1). Les outils en silex, fort petits, sont des lames droites, brutes ou Ă bords retaillĂ©s ; un grand nombre de lames en croissant allongĂ©, Ă dos retouchĂ© ; des grat-toirs circulaires ; quelques lames Ă encoches latĂ©rales, destinĂ©es peut-ĂȘtre Ă façonner des os ; des projectiles, Ă Ă©clats alternĂ©s, des disques Ă arĂȘtes coupantes. Les objets trapĂ©ziformes sont encore trĂšs rares(2). Des percuteurs et des nuclei (rognons qui ont servi de matiĂšre premiĂšre) attestent que la fabrication avait lieu sur place. Des poinçons ou dĂ©bris de pointes de sagaies sont en os poli(3). La faune est Ă peu prĂšs la mĂȘme que celle des escargotiĂšres gĂ©tuliennes : elle comprend, entre autres espĂšces, le rhinocĂ©ros et le zĂšbre. Les escargots abondent, ainsi que les fragments dâĆufs dâautruche calcinĂ©s. LĂ aussi, lâon a recueilli des molettes(4) conservant des vestiges de couleur rouge(5), des coquilles perforĂ©es(6), des cailloux trouĂ©s(7). LĂ aussi, la poterie et les haches polies sont absentes. Dans lâOuest de lâAlgĂ©rie, quelques campements en plein air offrent la mĂȘme industrie(8), que M. Pallary a proposĂ© dâap-peler ibĂ©ro-maurusienne, car elle se retrouve dans des stations palĂ©olithiques rĂ©centes du Sud de lâEspagne(9).____________________parle des peaux, coloriĂ©es en rouge, que portent les femmes libyennes). On a aussi trouvĂ© des morceaux dâocre jaune : Pallury, 1. c., p. 319-320. â Des minĂ©raux colorants se trou-vent dans les grottes europĂ©ennes dĂšs le dĂ©but de lâĂ©poque du renne : DĂ©chelette, Manuel dâarchĂ©ologie prĂ©historique, 1, p. 120, 203 et suiv. 1. Barbin, Bull. dâOran, 1910, p. 77-90, pl. II-111 ; 1912, p. 389-402, pl.XXXIV. 2. Pallary, Instructions, 45-46 ; conf. Barbin, l. c., 1910, p. 81. 3. Voir Barbin, l. c., 1912, pl. XXXIV (p. 305). 4. Et aussi de simples galets, qui remplissaient le mĂȘme office. 5. Barbin, l. c., 1910, p. 82, 84, 87. Morceaux dâhĂ©matite rouge : l. c., 1910, p. 84. 6. Ibid., 1910, p. 83 ; 1912, p. 306. 7. Ibid, 1910, p. 83-84. 8. Pallary, Instructions, p. 46, 97. 9. Pallary, l. c., p. 31, 45-46.
190 LES TEMPS PRIMITIFS.
III
De nombreuses grottes ont livrĂ© un mobilier nettement nĂ©olithique, comprenant en gĂ©nĂ©ral des poteries et des haches polies, et appartenant Ă une Ă©poque oĂč les espĂšces les plus re-marquables de la faune chaude des temps quaternaires avaient disparu. On en connaĂźt dans les trois provinces de lâAlgĂ©rie. Plusieurs de ces abris ont Ă©tĂ© malheureusement fouillĂ©s dâune maniĂšre trop peu attentive. Ailleurs, les recherches font encore dĂ©faut, en particulier dans le Nord de la Tunisie, Lâavenir nous rĂ©serve sans doute des dĂ©couvertes intĂ©ressantes. Actuellement, d est dans les grottes dâOran(1), quâon a le mieux Ă©tudiĂ© cette industrie, qui, en plusieurs lieu, se trouve dans des couches su-perposĂ©es il un Ă©tage plus ancien, renfermant des outils moustĂ©-riens(2). Nous signalerons aussi des cultes explorĂ©es au Rio Sa-lado (au Sud-Ouest dâOran)(3), Ă SaĂŻda (province dâOran)(4), au Grand-Rocher (prĂšs dâAlger)(5). Ă Bougie(6), Ă Constantine(7), Ă Bou Zabaouine (prĂšs dâAĂŻn Mlilla, dans le centre de la province____________________ 1. Voir Pallary, Bull. de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Lyon, XI, 1892, p. 298-304. Fouilles de MM. Doumergue, Pallary, Tommasini, musĂ©es dâOran et dâAlger. â On peut mentionner en particulier les grottes du Polygone, des Troglo-dytes (Pallary et Tommasini, Assoc. française, Marseille, 1801, II, p. 633-640), du Cuariel, de Noiseux, du Ciel-Ouvert (Doumergue, Bull. dâOran, 1907, p. 391-8), de la TranchĂ©e (Pallary, Bull. de la SociĂ©tĂ©, dâanthr. De Lyon, XI, p. 202-4). Ce sont en gĂ©nĂ©ral, non de vĂ©ritables grottes, mais des abris sous roche. 2. Voir plus haut, p. 184. 3. Fouilles Siret, dont les rĂ©sultats nâont pas encore Ă©tĂ© publiĂ©s. MusĂ©e dâalger. 4. Doumergue et Poirier, Bull. DâOran, 1894, p. 105-127. 5. Bull. de la SociĂ©tĂ© algĂ©rienne de climatologie, XII, 1870, p. 152-9, 188-196 ; conf. Gsell, les Monuments antiques de lâAlgĂ©rie, l. p. 1-2. 6. Grotte Ali Bacha (qui a servi Ă des ensevelissements, mais qui, je crois, a Ă©tĂ© aussi habitĂ©e) ; Debruge, Assoc. française, Montauban, 1902, II, p. 866-883 ; le mĂȘme, Rec. De Constantine, XL, 1906, p. 134-157. Grotte de Fort-Clauzel : Debruge, Assoc. française, Cherbourg, 1905, II, p. 621-632. 7. Grotte des Ours (couche supĂ©rieure) : Debruge, Rec. De Constantine, XLII, 1908, p. 117-148, Grotte du Mouflon : le mĂȘme, Assoc. française, Lille, 1908, II, p. 813-822 (M. Debruge croit quâelle a Ă©tĂ© habitĂ©e dĂšs lâĂ©poque de lâin-dustrie palĂ©olithique).
LA CIVILISATION DE LA PIERRE. 191
de Constantine)(1), Ă Brezina (dans lâAtlas saharien, au Sud de GĂ©ryville)(2), Ă Kefel Ahmar et Ă Kef el Mazoui (prĂšs de TĂ©-bessa)(3) Un abri de Redeyef (Sud-Ouest de lĂ Tunisie) offre, au-dessus de couches gĂ©tuliennes, un mĂ©lange de la mĂȘme in-dustrie, dans une phase rĂ©cente de son dĂ©veloppement, et dâob-jets nĂ©olithiques sahariens(4). Nous avons Ă peine besoin dâindiquer que le mobilier nâest pas partout le mĂȘme. Les outils en silex sont naturelle-ment assez rares lĂ oĂč la matiĂšre premiĂšre manquait ou Ă©tait peu abondante(5). Certaines catĂ©gories dâinstruments sont plus ou moins nombreuses. La taille est plus ou moins soignĂ©e. Ces diffĂ©rences peuvent sâexpliquer soit par le dĂ©veloppement inĂ©-gal des industries locales, soit par des Ă©carts chronologiques(6). Il est Ă©vident, en effet, que cette pĂ©riode de civilisation a Ă©tĂ© fort longue. A en juger par lâĂ©paisseur des dĂ©bris(7), des grottes ont Ă©tĂ© habitĂ©es, dâune maniĂšre continue ou par intermittences, pendant une sĂ©rie de siĂšcles, et il ne faut pas oublier quâelles ont dĂ» ĂȘtre plusieurs fois vidĂ©es, quand les couches de dĂ©tritus et de cendres devenaient trop encombrantes(8).____________________ 1. Robert, Rec. De Constantine, XXXIV, 1900, p. 210-231 ; le mĂȘme, dans Con-grĂšs prĂ©historiques de France, PĂ©rigueux, 1903, p. 222-234. 2 Delmas, Assoc. française, Toulouse, 1910, II, 2e partie, p. 307-370. 3. Fouilles de MM. Latapie et Reygasse (voir Bull. de la SociĂ©tĂ© prĂ©historique française, 29 mars 1912). 4. Gubert, dans lâAnthropologie, XXIII, 1912, p. 155 et suiv. 5. Par exemple, dans les rĂ©gions dâAlger et de Bougie : Flamand, Assoc. française, Ajaccio, 1901, II, p. 731 ; Debruge, Rec. De Constantine, XL, 1906, 128. â M. Flamand (l. c., p. 731-3 et pl. VI) signale, dans une grotte de Mustapha-SupĂ©rieur (Ă Alger), des coquilles fossiles, taillĂ©es intentionnellement pour servir, pense-t-il, des pointes, grattoirs, etc., Ă dĂ©faut de silex ; il croit ces objets contemporains de lâindustrie nĂ©olithique. 6. A Oran, lâindustrie semble ĂȘtre plus ancienne dans les grottes du Polygone et du Ciel-Ouvert que dans celle des Troglodytes. Les grottes de SaĂŻda, du Rio Salado, des Ours (Ă Constantine) ont Ă©tĂ© probablement habitĂ©s Ă une Ă©poque plus rĂ©cente que celle dâOran ; voir Pallary, Instructions, p. 49, et Revue africaine, LI, 1997, p. 273. â Noter que le vidage des grottes encombrĂ©es a dĂ» faire disparaĂźtre en certains lieux des couches qui se sont conservĂ©es ailleurs : Pallary, Assoc. française, Caen, 1894, II, p. 744. 7. A la grotte des Troglodytes, la couche nĂ©olithique atteint çà et lĂ 3mĂštres dâĂ©paisseur : Pallary et Tommasini, l. c., p. 635. 8. Pallary et Tommasini, l. c., p. 630-644. Doumergue et Poirier, Bull. dâOran,
192 LES TEMPS PRIMITIFS.
Les instruments en pierre dont se servaient les troglodytes Ă©taient le plus souvent façonnĂ©s sur place, comme le prouvent les percuteurs, les nuclei, les Ă©clats de fabrication, les piĂšces res-tĂ©es Ă lâĂ©tat dâĂ©bauche. Ces objets sont pour la plupart en silex. Ils reprĂ©sentent une industrie dĂ©rivĂ©e de celle de la Mouillah et apparentĂ©e Ă lâindustrie nĂ©olithique ancienne de lâEurope occi-dentale, surtout du Sud-Est de lâEspagne(1). Ce sont des outils petits(2), minces, lĂ©gers, travaillĂ©s sur une seule face : lames non retouchĂ©es ou Ă dos retaillĂ© ; lames Ă encoches, plus frĂ©quentes que dans lâ « ibĂ©ro-maurusien »(3) : pointes, les unes non re-taillĂ©es, les autres retouchĂ©es sur tout ou partie de leur pourtour (bouts de flĂšches, poinçons, perçoirs)(4) : pointes en bec de per-roquet (perçoirs ?) ; burins, dont lâune des extrĂ©mitĂ©s est taillĂ©e obliquement en biseau; forets en forme de cĂŽne Ă©troit ; grattoirs circulaires ; scies : grand nombre de silex gĂ©omĂ©triques, trapĂ©zi-formes, triangulaires, quadrangulaires (probablement des bouts de flĂšches)(5). Un pĂ©doncule rudimentaire indique parfois que des lames et des grattoirs Ă©taient insĂ©rĂ©s dans des manches, en os ou en bois(6). Des pointes de flĂšches, Ă ailerons et pĂ©doncule,____________________1894, p. 108. Pallary, Assoc. française, Caen, 1894, II, p. 743. Le mĂȘme, Instructions, p. 61. 1. Sirel, Assoc. française, Oran, 1888, l, p. 286-7. Pallary et Tommasini, l. c., p. 649. Doumergue et Poirier, l. c., p. 126. Pallary, instructions, p. 33, 40 86. 2. MM. Latapie et Reygasse nous signalent cependant Ă Kef el Ahmar, prĂšs de TĂ©bessa, de grandes lames en silex blond (qui pouraient ĂȘtre des importations saha-riennes). 3. Elles ont pu servir, non seulement Ă polir des os, mais aussi Ă racler des bois de flĂšches. 4. Des objets fusiformes, terminĂ©s Ă chaque extrĂ©mitĂ© par une pointe, ont Ă©tĂ© regardĂ©s Ă tort comme des hameçons doubles : Lacoste, Bull. dâOran, 1911, p. 387 (conf., pour le Sahara, Flamand et LaquiĂšre, Revue africaine, L, 1906, p. 223 et fig. 11) ; contra : Pallary, dans lâAnthropologie, XVIII, 1907, p. 142. Ce sont probable-ment des bouts de flĂšches. 5. Conf. plus haut, p. 188. Des silex semblables ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s dans des sta-tions nĂ©olithiques dâEurope, dâĂgypte et dâAsie : DĂ©chelette, Manuel dâarchĂ©ologie prĂ©historique, I, p. 505 et suiv. 6. Il y avait dans la grotte de SaĂŻda quelques pointes de javelots pĂ©donculĂ©es : Doumergue et Poirier, l. c., p. 119 et fig. 16.
LA CIVILISATION DE LA PIERRE. 193
taillĂ©es sur les deux faces, ne se rencontrent que par excep-tion(1) ; il est Ă croire quâelles Ă©taient fabriquĂ©es dans des ate-liers Ă©loignĂ©s(2), peut-ĂȘtre sahariens(3). Le quartzite, le grĂšs, le calcaire ont Ă©tĂ© employĂ©s quelque-fois, en mĂȘme temps que le silex, pour façonner de grossiers outils(4). Les haches polies(5) sont assez rares(6) et gĂ©nĂ©ralement peti-tes. Quelques-unes sont faites en grĂšs ou en schiste(7), la plupart en ophite, roche verte tirĂ©e des gisements triasiques que lâon trouve sur de nombreux points de la BerbĂ©rie(8) et prĂšs desquels devaient ĂȘtre Ă©tablis des ateliers, dâoĂč ces objets Ă©taient expor-tĂ©s dans diverses directions. On distingue deux formes : lâune Ă©vasĂ©e et assez plate, ressemblant aux types europĂ©ens; lâautre en boudin, allongĂ©e et cylindrique, terminĂ©e, du cĂŽtĂ© opposĂ© au tranchant, par une pointe mousse. Cette seconde forme, propre Ă lâAfrique du Nord, sâest conservĂ©e dans lâindustrie nĂ©olithi-que rĂ©cente, mais souvent avec des dimensions plus grandes. Lâos poli(9), est bien plus abondant que dans les abris de____________________ 1. Quelques-unes dans les grottes dâOran : voir, par exemple, Pallary et Tom-masini, l. c., p. 630. Deux Ă SaĂŻda : Doumergue et Poirier, l. c., p. 120, fig. 18 et 19. Quatre Ă Kef et Ahmar : fouilles de MM. Latapie et Reygasse. 2. Pallary, Instructions, p. 49. 3. Voir plus loin, p. 204. 4. Grotte de Fort-Clauzel, Ă Bougie : Debruge, Assoc. française, Cherbourg, 1903, II, p. 620. Grotte Ali Bacha, au mĂȘme lieu : Debruge, Rec. De Constantine, XL, 1906, p. 140 et fig. 14 (je ne crois pas quâils soient dâune autre Ă©poque que les objets nĂ©o-lithiques). Grottes de Brezina : Delmas, Assoc. française, Toulouse, 1910, II, 2 p. 371. 5. Haches, ou coins, ou herminettes. Ces objets ne sont pas toujours polis sur toute leur surface. 6. Il y en avait cependant un assez grand nombre dans une grotte de Brezina : Delmas, l, c., p. 374. la matiĂšre premiĂšre (orphite) se trouve en abondance dans cette rĂ©gion. 7. Doumergue, Assoc. française, Pau, 1892, II, p. 627. Debruge, Rec. De Cons-tantine, XLII, 1908, p. 138. 8. Flamand, Assoc. française, Paris, 1909, I, p. 210. 9. Deux carreaux dâaragonite, trouvĂ©s Ă lâentrĂ©e de la grotte du Grand-Rocher, prĂšs dâAlger, prĂ©sentent une rainure mĂ©diane, qui servait sans doute Ă polir des objets en os : Bull. de la SociĂ©tĂ© de climatologie, XII, p. 153. Dans la grotte de Brezina, deux pierres Ă rainures devaient avoir la mĂȘme destination : Delmas, l. c., p. 373.
194 LES TEMPS PRIMITIFS.
la Mouillah(1). On faisait en cette matiĂšre des aiguilles(2), des poinçons, des lissoirs, des retouchoirs(3), quelques cuillĂšres(4) peut-ĂȘtre aussi des poignards et des pointes de sagaies. Il nâest rien restĂ© du travail du bois. Quant Ă celui des peaux, employĂ©es sans doute en vĂȘtements, litiĂšres, couvertures, il est attestĂ© par les grattoirs et les perçoirs en pierre, et surtout par les poinçons et les aiguilles en os, qui servaient Ă coudre les piĂšces. Dâordinaire, on recueille des tessons de poteries(5), aux pa-rois Ă©paisses, dâaspect grisĂątre, noirĂątre, rougeĂątre, fabriquĂ©es Ă la main, cuites Ă feu libre. CâĂ©taient des marmites(6), des Ă©cuel-les(7), des bols Ă fond arrondi, Ă bords droits, Ă©vasĂ©s ou ren-trants(8). La surface extĂ©rieure a Ă©tĂ© souvent lissĂ©e avec un tam-pon dâherbes ou un outil en os(9) ; quelquefois, une couleur rouge a Ă©tĂ© appliquĂ©e Ă lâintĂ©rieur(10). Beaucoup de ces vases portaient Ă lâextĂ©rieur, vers le haut, une ornementation gĂ©omĂ©trique ru-dimentaire, tracĂ©e avec des burins en pierre, des pointes en os ou en bois, des peigne, en bois(11) : raies circulaires, simples ou____________________ 1. Voir, par exemple, Rec. de Constantine, XLII, fig. 22-23, aux p. 138 et 140 ; conf. Pallary, Instructions, pl. Ă la p. 20. 2. Dâordinaire sans chas : conf. Pallary et Tommasini, l. c., p. 640. Quelques aiguilles avec chas dans une grotte voisine de TĂ©bessa ; trois dans lâabri de Redeyef (Go-bert, dans lâAnthropologie, XXIII, 1912, p. 150). 3. Pallary, Instructions, p. 20 (pour dĂ©tacher par pression de petits Ă©clats de silex). 4. Une Ă la grotte des Ours, Ă Constantine : Debruge, Rec. de Constantine, XLII, p. 139 et fig. 22. Deux, lâune en os, lâautre en corne, Ă Brezina : Delmas, l. c., p. 375. 5. Il nây en a pas dans la grotte de Bou ZabaouinĂ©, dans le centre de la province de Constantine : Robert, CongrĂšs prĂ©historique, PĂ©rigueux, 1903, p. 224, A Redeyef, dans le Sud-Ouest de la Tunisie, on ne trouve de tessons que dans la partie supĂ©rieure du gisement nĂ©olithique : Gobert, l. c., p. 159. Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il semble bien que lâemploi de la poterie ait Ă©tĂ© plus tardif dans lâEst de la BerbĂ©rie que dans lâOuest. M. Pallary (dans lâAnthropologie, XXII, 1911, p. 369) suppose quâelle Ă©tait replacĂ©e par des Ćufs dâautruche. 6. Doumergue, Bull. dâOran, 1907, p. 397 ; conf. Debruge, Rec. de Constantine, XLII, p. 129. 7. Voir en particulier Doumergue, l. c., et planche (Ă©cuelle pourvue dâun tĂ©ton latĂ©ral, qui est forĂ©). 8. Pallary et Tommasini, l. c., p. 642, fig. 2 (= Pallary, Instructions, p. 47, fig. 40). 9. Pallary et Tommasini, l. c., p. 642. Debruge, l. c., p. 128. 10. Pallary et tOmmasini, l. c., p. 130. Delmas, l. c., p. 377. 11. Debruge, l. c., p. 135.
LA CIVILISATION DE LA PIERRE. 195
parallĂšles ; suites de points, de trous, frĂ©quemment superposĂ©s sur plusieurs lignes ; hachures verticales, obliques, croisĂ©es de maniĂšre Ă former un quadrillĂ© ; zones de traits ondulĂ©s, dres-sĂ©s ; sĂ©ries de chevrons(1). Des sortes de virgules ont Ă©tĂ© faites Ă coups dâongle(2). Il y a aussi des poteries avec des cĂŽtes ou des cordons en saillie, qui sont parfois dĂ©corĂ©s de hachures(3). Des mamelons facilitaient la prĂ©hension; quelques-uns offrent un trou transversal, qui permettait de suspendre le vase(4). A Brezina (Sud oranais), des poteries ont Ă©tĂ© poussĂ©es dans un moule en vannerie, selon un procĂ©dĂ© que nous retrouverons au Sahara(5). Des Ćufs dâautruche servaient aussi de rĂ©cipients, allant au feu(6). Ils recevaient quelquefois une dĂ©coration de points et de lignes(7). On a mĂȘme dĂ©couvert Ă Redeyef des fragments portant des vestiges dâimages dâanimaux (antilope ; peut-ĂȘtre autruche) ; les traits gravĂ©s qui indiquent les contours des corps enferment des hachures simples ou croisĂ©es(8). Dans les escargotiĂšres gĂ©tuliennes et dans les abris de la____________________ 1. Voir Pallary, Instructions, fig. 10, 25, 42-47. Gobert, dans lâAnthropologie, XIII, 1912, p. 159. 2. Pallary et Tommasini, l. c., 643. Debruge, l. c., p. 135. Doumergue et Poirier, l. c., p. 123. Delmas, l. c., p. 378. 3. Pallary, Instructions, p. 47, fig. 41. 4. Il y a des anses vĂ©ritables Ă la grotte des ours, Ă Constantine (Debruge, l. c., p. 120), et Ă Kef el Ahmar, prĂšs de Tebessa. 5. Delmas, l. c., p. 377. â Dans la grotte des Ours, des fonds de vases montrent des empreintes de toiles Ă larges mailles, sur lesquelles ils avaient dĂ» ĂȘtre placĂ©s avant dâĂȘtre secs : Debruge, l. c., p. 128-9 et fig. 4. Mais ces tessons sont-ils bien de lâĂ©poque nĂ©olithique. ? La poterie reproduite fig. 4. parait avoir Ă©tĂ© fabriquĂ©e au tour. 6. Une provision dâĆufs dâautruche a Ă©tĂ© dĂ©couverte dans lâabri sous roche de Kef el Ahmar ; trois dâentre eux Ă©taient percĂ©es dâun trou rĂ©gulier Ă lâun de leurs som-mets (indication de MM. Latapie et Reygasse). 7. A SaĂŻda, deux fragments avec un pointillĂ© et un treillis de lignes obliques : Doumergue et Poirier, l. c., p. 123-4. A Kef el Ahmar, quelques fragments portant des ornements gĂ©omĂ©triques. A Redeyef : Gobert, lâAnthropologie, XXIII, 1912, p. 159, 162 et fig. 10. 8. Gobert, l. c., p. 162 et fig. 11. â A Bou Zabaouine, M. Robert (CongrĂšs prĂ©-historiques, PĂ©rigueux, 1903, p. 225 et fig. 2) a cru reconnaĂźtre sur un fragment lâimage gravĂ©e dâune tĂȘte et dâun cou dâautruche ; sur un autre, celle dâun serpent.
196 LES TEMPS PRIMITIFS.
Mouillah, on a rencontrĂ© les plus anciens tĂ©moignages de ce que nous appelons la parure. Ils deviennent bien plus abon-dants dans la civilisation nĂ©olithique : molettes ou galets pour broyer de la couleur rouge, dont ils portent les traces(1) ; restes de colliers en segments dâĆufs dâautruche(2) ; coquilles per-cĂ©es(3), cailloux trouĂ©s(4), dents de sanglier(5), plaquettes en ca-rapace de tortue(6). Ces pendeloques Ă©taient sans doute moins des ornements que des amulettes. Les habitants des grottes vivaient dans une saletĂ© incroya-ble, au milieu des foyers et des dĂ©tritus de cuisine, presque en contact avec des corps humains, enfouis sous une couche peu Ă©paisse de terre et de cendres.____________________ 1. SaĂŻda : Doumergue et Poirier, l. c., p. 121 ; Bougie (grotte Ali Bacha) : De-bruge, Rec. de Constantine, XL, p. 149 ; Bou Zabaouine : Robert, CongrĂšs, l. c., p. 228 ; Brezina : Delmas, l. c., P. 373. Morceaux dâhĂ©matite dans les grottes dâOran : Pallary, Bulletin de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Lyon, XI, 1892, p. 301 ; Pallary et Tommasini, l. c ;, p. 648 ; Doumergue, Bull. dâOran, 1907, p. 308 ; Ă SaĂŻda : Doumer-gue et Poirier, l. c., p. 125 ; Ă Bougie : Dbruge, l. c., p. 148 ; Ă Kef el Ahmar : indication de MM. Latapie et Reygasse ; Ă Redeyef ; Gobert, l. c., p. 151. â Cette couleur rouge, avec laquelle on devait exĂ©cuter des peintures sur la peau (voir plus haut, p. 188), a Ă©tĂ© aussi employĂ©e pour peindre des vases (voir p. 194), des objets en os (Pallary et Tommasini, l. c., p. 616), des coquilles (ibid., p. 647 ; Debruge, l. c., p. 154, et Assoc. française, Montauban, 1902, II, p. 871, 872). â On a Ă©galement trouvĂ© des morceaux dâocre jaune ; Pallary et Tommasini, l. c., p. 648. 2. Constantine, grotte des Ours : Debruge, Rec. de Constantine, XLII, 1908, p. 147. Brezina : Delmes, l. c., p. 378. Kef el Ahmar. Redeyef : Gobert, l. c., p. 162 et fig. 8, nos I9, II. 3. Grottes dâOran : voir, par exemple, Pallary et Tommasini, l. ,c., p. 641 et 648. Grotte Ali Bacha, Ă Bougie : Debruge, Assoc. française, l. c. Grotte des Ours, Ă Cons-tantine : Debruge, Rec. de Constantine, XLII, p. 147. Brezina : Delmas, l. c., p. 378. 4. SaĂŻda : Doumergue et Poirier, l. c., p. 124. 5. Grotte du Mouflon, Ă Constantine : Debruge, Assoc. française, Lille, 1909, II, p. 820-1 et fig. 7 (deux pendeloques perforĂ©es, taillĂ©es dans des dents de sanglier). â A la grotte des Ours, un os poli, long de 0 m. 18, est percĂ© dâun trou de suqpen-sion : Debruge, Rec. de Constantine, XLII, p. 140-1 et fig. 26. A Bou Zalaouine, des morceaux de bois de cerf sont trouĂ©s : Robert, ibid., XXXIV, 1900, p. 220 et pl. XXI ; CongrĂšs prĂ©historiques, PĂ©rigueux, 1905, p. 228 et fig. 5. Ces objets ont pu ĂȘtre des pendeloques. 6. Oran : Pallary et Tommasini, l. c., 642. SaĂŻda : Doumergue et Poirier, l. c., p. 124. Constantine : Debruge, l. c., p. 140 et fig. 24. Bou Zalaouine : Robert, CongrĂšs, p. 230.
LA CIVILISATION DE LA PIERRE. 197
Les dĂ©bris de leur nourriture consistent, comme dans les stations antĂ©rieures, en morceaux dâĆufs dâautruche, on co-quilles de mollusques, en ossements. Les mollusques sont soit des espĂšces marines (dans les grottes du littoral), surtout des patelles et des moules(1), soit des escargots, toujours trĂšs abon-dants(2). Les ossements dâanimaux ne reprĂ©sentent sans doute pas tous des reliefs de repas humains : des fauves, qui sĂ©jour-nĂšrent dans des cavernes temporairement abandonnĂ©es par les hommes, ont dĂ» y apporter les restes de leurs victimes et y mourir eux-mĂȘmes(3). Mais il nâest pas douteux que les troglo-dytes ne se soient nourris de sangliers, de cerfs, de diverses espĂšces dâantilopes, de moulions, de moutons, de chĂšvres, de bĆufs, dâĂąnes, dont ils ont fendu les os longs avec des outils en pierre, pour en extraire la moelle, Nous aurons Ă examiner au chapitre suivant la question de la domestication de certains de ces animaux(4). Le cheval et le chien ne se trouvent que dans les couches les plus rĂ©centes. Presque partout, on recueille des ossements humains, en nombre plus ou moins grand. La plupart, sinon tous, ont ap-partenu Ă des individus ensevelis dans les grottes(5). Il nâest pas surprenant que ces os soient confondus avec les dĂ©bris de cuisi-ne qui constituaient le sol des abris. Cependant on peut Ă Ă©ton-ner de les trouver trĂšs souvent en dĂ©sordre. Peut-ĂȘtre ont-ils Ă©tĂ© bouleversĂ©s soit par des animaux fouisseurs, soit surtout par les hommes, lorsque ceux-ci vidaient plus ou moins sommaire-ment leur demeure. Le cannibalisme des troglodytes nâest pas inadmissible(6), mais il nâest pas prouvĂ©.____________________ 1. Pallary et Tommasini, l. c., p, 647. 2. A la grotte du Ciel-ouvert (Oran), les poches des parois Ă©taient pleines dâes-cargots, constituant peut-ĂȘtre des rĂ©serves : Doumergue, Assoc. française, Pau, 1892, II, p. 627. 3. Conf. plus haut, p. 101, n. 7. Noter cependant que des Marocains mangent du chacal et que les anciens Ăgyptiens paraissent avoir mangĂ© de lâhyĂšne. 4. Pour les animaux non domestiques, voir plus haut, p. 104 et suiv. 5. Voir au chap, III de ce livre. 6. Au-dessus de la grotte du Grand-Rocher, prĂšs dâAlger, de nombreux osse-
198 LES TEMPS PRIMITIFS.
Ajoutons que, dĂšs cette Ă©poque, il y avait des indigĂšnes qui se nourrissaient de cĂ©rĂ©ales, comme lâatteste la dĂ©couverte de meules Ă grains dans les grottes du Rio Salado et de Brezina(1).
IV
On a retrouvĂ© dans lâAfrique du Nord beaucoup de sta-tions nĂ©olithiques en plein air, qui, en gĂ©nĂ©ral, avaient Ă©tĂ© aus-si des ateliers. Mais nos connaissances sur ces Ă©tablissements sont encore bien incomplĂštes. Dans diverses rĂ©gions, dans le Maroc presque inexplorĂ©, dans le Nord de la Tunisie et dans le Nord de la province de Constantine, trop nĂ©gligĂ©s par les prĂ©historiens, les dĂ©couvertes ont Ă©tĂ© fort rares. Des recherches attentives combleront probablement dâapparentes lacunes(2). Ces stations, dont quelques-unes sont importantes et mĂ©-ritent plutĂŽt dâĂȘtre appelĂ©es villages, nâont pas Ă©tĂ© nĂ©cessaire-ment occupĂ©es dâune maniĂšre ininterrompue. On doit cependant admettre que beaucoup dâAfricains Ă©taient alors sĂ©dentaires. Ce que nous avons dit des chasseurs est vrai aussi des pasteurs, pour les pays oĂč les troupeaux peuvent vivre en toute saison. MĂȘme chez des peuplades peu civilisĂ©es, Ă©levage nâest pas sy-nonyme de nomadisme. Quand la culture des cĂ©rĂ©ales se rĂ©pan-dit, elle attacha fortement les hommes au sol. Le choix des emplacements ne se faisait pas au hasard. Comme aux temps lointains du palĂ©olithisme, les indigĂšnes re-cherchaient surtout lâeau et la facilitĂ© de la dĂ©fense. Une langue____________________ments humains, en dĂ©sordre, ont Ă©tĂ© trouvĂ©s dans un foyer, avec des coquilles de mol-lusques, des os de gazelle, quelques outils en silex, une hachette en pierre polie et des dĂ©bris de poteries : Bull. de la SociĂ©tĂ© algĂ©rienne de climatologie, XII, 1876, p, 153-5. LâhypothĂšse dâun ensevelissement collectif peut paraĂźtre ici moins vraisemblable que celle dâun repas de cannibales. 1. Voir au chap. II de ce livre. 2. M. Collignon dans MatĂ©riaux, XXI, 1887, p. 196) croit cependant que le Nord et le centre de la Tunisie seul rĂ©ellement trĂšs pauvres en prĂ©histoire. Lui mĂȘme et dâautres ont fait çà et lĂ des recherches, qui sont restĂ©es infructueuses. Conf. Bellucci, lâEtĂ della pietra in Tunisia (Roma, 1876), p. 11-12.
LA CIVILISATION DE LA PIERRE. 199
de terre presque entourĂ©e par la mer, un plateau, une croupe au confluent de deux riviĂšres ou entre des ravins : tels Ă©taient les lieux quâils prĂ©fĂ©raient, quand ils trouvaient une source dans le voisinage immĂ©diat(1). Peut-ĂȘtre mĂȘme, dĂšs cette Ă©poque, ont-ils quelquefois protĂ©gĂ© leurs villages par des remparts, en blocs bruts, ajustĂ©s Ă sec : au djebel et Kalaa, dans la presquâĂźle du cap Bon, on a constatĂ© lâexistence de murs, dâaspect trĂšs pri-mitif, Ă assises disposĂ©es en grossiers gradins, barrant les deux extrĂ©mitĂ©s dâune Ă©troite arĂȘte rocheuse, longue de 400 mĂštres, sur laquelle ont Ă©tĂ© recueillis des instruments en pierre, pointes de flĂšches et Ă©clats du silex(2). Une Ă©tude approfondie des foyers, de leur rĂ©partition et des dĂ©bris qui les entourent permettrait peut-ĂȘtre de prĂ©senter des hypothĂšses sur lâaspect et le groupement des habitations, de dire si les huttes Ă©taient rondes ou quadrangulaires, si, en quelques endroits, on nâavait pas dĂ©jĂ commencĂ© Ă Ă©difier des maisons en moellons(3), La civilisation nĂ©olithique des grottes se retrouve dans des stations dĂ©couvertes sur diffĂ©rents points de lâAlgĂ©rie(4). Elles ont Ă©tĂ© trĂšs peu explorĂ©es et nous nous abstiendrons dâen par-ler, car nous ne pourrions que rĂ©pĂ©ter ce que nous avons dit au sujet des troglodytes.____________________ 1. Conf. Pallary, Bull. de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Lyon, XI, 1892, p. 287 ; Debruge, Assoc. française, Ajaccio, 1901, II, p. 735 ; Pallary, Instructions, p. 61, 62, 63. 2. Atlas archĂ©ologique de la Tunisie, f° de Tozegrane, n° 136. 3. On retrouve des dĂ©bris du murs en pierres sĂšches sur lâarĂȘte du djebel et Kalan : Atlas de la Tunisie, l, c. 4. M. Pallary en mentionne quelques-unes de la province dâOran, dans lâHom-me prĂ©historique, III, 1905, p. 38 et 39, et dans ses Instructions, p. 49. La station de la gare dâArbal, au Sud-Est dâOran, parait aussi appartenir Ă cette Ă©poque : Doumergue, Assoc. française, Nantes, 1898, II, p. 574-5 ; Bull. dâOran, 1905, p. 309, et 1910, p. 411. Il en est peut-ĂȘtre de mĂȘme de plusieurs stations dĂ©couvertes au cap Djinet, Ă lâEst dâAlger (VirĂ©, Rec. de Constantine, XXXIX, 1903, p. 759-760 ; ibid., Ajaccio, 1901, II, p. 735-740 ; lâHomme prĂ©historique, III, 1905, p. 270-5) ; de celle dâAĂŻn el Bey, au sud de Constantine, oĂč lâon ne signale pas non plus de poteries (Thomas, Bull. de la SociĂ©tĂ© des sciences physiques dâAlger, XIII, 1877, p. 37-51).
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Câest seulement dans des stations en plein air, et non plus dans des abris(1), quâapparaĂźt une autre industrie nĂ©olithique, plus rĂ©cente : on lâa qualifiĂ©e de berbĂšre(2). Elle a Ă©tĂ© rencontrĂ©e dans un grand nombre de lieux, depuis lâOcĂ©an jusquâĂ Gafsa, depuis le littoral des dĂ©partements dâOran et dâAlger jusque dans le Sahara français occidental (vallĂ©es de lâoued Zousfana, de lâoued Souara, Tidikelt)(3). La dĂ©cadence de la technique est____________________ 1. Pallary, Instructions, p. 32. â Dans le Sud oranais, prĂšs dâAĂŻn ed Douis, on trouve des stations situĂ©es en avant de cavitĂ©s naturelles, que les hommes ont agrandies et qui contiennent une partie du mobilier (haches polies) : Flamand, dans lâAnthropologie, III, 1802, p. 150-2. Un abri fouillĂ© prĂšs de Bougie pourrait bien avoir Ă©tĂ© habitĂ© Ă lâĂ©poque de la civilisation nĂ©olithique berbĂšre : Debruge, Rec. de Constantine, XXXVII, 1903, P. 146 et suiv. (« Grand Abri »). 2. Pallary, Instructions, p. 51. Câest M. Pallary qui a nettement reconnu le carac-tĂšre rĂ©cent de cette industrie. 3. LâĂ©numĂ©ration qui suit nâa pas la prĂ©tention dâĂȘtre complĂšte. Larache, sur lâocĂ©an : Pallary, dans lâAnthropologie, XVIII, 1907, p. 306-7. EckmĂŒhl, prĂšs dâOran : CarriĂšre, Bull. dâOran, 1886, p. 148-9, fig. 7, 9-23. Canastel, prĂšs dâOran Pallary, Bull. de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Lyon, XI, 1892, p. 287. Takdempt, Ă lâouest de Dellys (dĂ©partement dâAlger) ; La Mizrana, Ă lâEst du mĂȘme lieu Lacour et Turcat, Bull, ar-chĂ©ologique du ComitĂ©, 1900, p. 513-6, pl. XXVII-XXVIII ; VirĂ©, Rec. de Constantine, XXXIX, 1903, p. 12 et planches. â Oudjda, Lalla Marnia, aux frontiĂšres du Maroc et de lâAlgĂ©rie : Pinchon, dans lâAnthropologie, XIX, 1908, p. 432, fig. 12-13 ; Harbin, Bull. dâOran, 1910, p. 89-90. Divers lieux de la rĂ©gion de Mascara (Ras et Mn, djebel Khal-lel, Sidi Daho, Palikao, etc.) : Pallary, dans lâAnthropologie, XX, 1911, p. 503 ; musĂ©e dâAlger. RĂ©gions de SaĂŻda et de Frenda : musĂ©e dâAlger, RĂ©gion de Chellala : Joly, Revue africaine ; LIII, 1909, p. 12. fig. 23. AĂŻn Sefra, dans le Sud oranais : Lenez, dans lâHomme prĂ©historique, II, 1904, p. 111, fig. 81-83 ; Pallary, ibid., p. 159. â AĂŻn et Mouhad, Ă lâEst de TĂ©bessa ; Debruge, Rec. de Constantine, XLIV, 1910, p. 78, pl. I et II ; Pallary, dans lâAnthropologie, XXII, p. 503, Nombreuses stations dans les rĂ©gions de Tamerza, Rodeyef, Gafsa : Couillault, dans lâAnthropologie, V, 1894, p. 534 et fig. 3 ; Pallary, Bull. de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique de Sousse, V, 1907, p. 104-5 ;Fleury, ibid., VI, 1908, p. 71-73, fig. 6-9 ; de Morgan, Capitan et Boudy, Revue de lâĂcole dâanthropologie, XX, 1910, p. 274, 276, fig. 73 et 74. â Dans le Sahara occidental français, rĂ©gions de lâoued Zousfana, de lâoued Souara, Tidikelt : Gautier, Sahara algĂ©rien, p. 122 et suiv., fig. 38 ; BarthĂ©lemy et Capitan, Revue de lâĂcole dâanthropologie, XII, 1902, p. 303 et suiv., fig. 93-97 ; musĂ©e dâAlger. â ĂĂ et lĂ , mais rarement, on recueille des pointes pĂ©donculĂ©es du nĂ©olithique berbĂšre au milieu de stations ou lâon trouve une autre industrie (nĂ©olithi-que saharienne), dĂ©crite au § V : dans lâextrĂȘme Sud Tunisien (de Morgan, etc., 1. c., fig. 93 et 96, Ă la p. 286), dans les rĂ©gions dâOuargla et du grand Erg oriental.(Verneau, apud Foureau, Documents scientifiques de la mission Foureau-Lamy, p. 1117 ; Capitan, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1900, p. CXXVI ; musĂ©e dâAlger). â A cette industrie berbĂšre appartiennent des objets dĂ©couverts Ă Oglat et Hassi, entre Laghouat et El GolĂ©a, nous une couche de travertin formĂ©e par des sources, aujourdâhui disparues (conf. Weisgerber, Revue dâethnographie, IV, 1885, p. 421, fig. 164). Câest bien Ă tort que Tissot (GĂ©ographie
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Ă©vidente. Les outils, en silos et en quartzite, sont massifs(1) et taillĂ©s hĂątivement Ă grands Ă©clats sur une seule face, au point de ressembler beaucoup Ă des types moustĂ©riens(2). Ce sont des lames, des pointes, des grattoirs, des pierres de jet (disques coupants et galets Ă facettes). Ce sont surtout des pointes Ă pĂ©-doncule, Ă©paisses, irrĂ©guliĂšres, dont les plus grosses ont dĂ» ĂȘtre adaptĂ©es Ă des javelots et Ă des piques, les plus petites Ă des flĂš-ches(3). Les haches polies, souvent de grande taille(4), prĂ©sentent presque toutes la forme en boudin(5) ; elles sont dâordinaire fa-briquĂ©es en roche verte. La poterie est plus grossiĂšre que celle des grottes. On nâa constatĂ© cette industrie que dans lâAfrique du Nord(6). Les gravures rupestres du Sud oranais doivent ĂȘtre de la mĂȘme Ă©poque ; Ă leur base, se retrouvent frĂ©quemment des cam-pements nĂ©olithiques berbĂšres(7). Elles nous donnent diverses indications sur le costume et lâarmement des indigĂšnes. On y voit des gens coiffĂ©s, semble-t-il, dâune couronne de plumes(8).____________________de la province dâAfrique, I, p, 380) considĂšre cette station « comme un des plus auciens monuments de lâindustrie humaine quâon ait retrouvĂ©s jusquâĂ prĂ©sent ». Il nâest nulle-ment nĂ©cessaire dâadmettre que la formation de la couche de travertin ait exigĂ© un temps trĂšs long ; Rolland dĂ©clare quâelle date de lâĂ©poque gĂ©ologique actuelle : Comptes rendus de lâAcadĂ©mie des Sciences, XCI, 1880, p. 246. 1. Il nây a plus de petits silex Ă formes gĂ©omĂ©triques. 2. Conf. Fleury, Bull. de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique de Sousse, VII, 1909. p. 79 et 84. 3. BarthĂ©lemy et Capitan, Revue de lâĂcole dâanthropologie, XII, p. 303. Assez souvent, la pointe, cassĂ©e, a Ă©tĂ© retouchĂ©e ; lâinstrument, est devenu soit un grattoir, soit un bout de flĂšche ou de javelot Ă tranchant transversal : BarthĂ©lemy et Capitan, l. c., p. 304, fig. 99-101 ; Pallary, Instructions, p.51. 4. Lâune dâelles, trouvĂ©e prĂšs de Dellys, dĂ©passe 0 m. 31 (musĂ©e dâAlger). 5. Les haches plates deviennent trĂšs rares. 6. Pallary, Instructions, p. 34, 50. On la rencontre dans quelques Ăźles voisines du littoral, Zaffarines, Habibas, Rachgoun : Pallary, ibid., p. 52. 7. Bonnet, Revue dâethnographie, VIII, 1889, p. 154. Flamand, dans lâAnthropo-logie, III, 1892, p. 150-2. Pallary, l. c., p. 52. Voir aussi MaumenĂ©, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1901, p. 304-5. 8. Moghar et Tahtani : Flamand, Bull. de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Lyon, XX, 1901, p. 190, fig. IV (reproduite dans Revue de lâĂcole dâanthropologie, X, 1900, p. 262, fig. 45, et XII, 1902, p. 172, fig. 63). Cette coiffure de plumes se retrouve Ă Tyout (Gsell, Monuments antiques de lâAlgĂ©rie, I, p. 42 : tĂȘte dâun archer) et aussi, semble-t-il, Ă Asla (Flamand, Bull. de gĂ©ographie historique, 1903, p. 512, fig.11).
202 LES TEMPS PRIMITIFS.
Il y en a qui portent des ceintures, minces(1) ou larges(2), dont quelques-unes paraissent serrer de courtes tuniques(3). Des per-sonnages sont peut-ĂȘtre ornĂ©s dâun collier(4), de bracelets(5), de pendeloques tombant autour des bras(6). Plusieurs chasseurs, accompagnĂ©s de chiens, tiennent des arcs(7). Des objets, adap-tĂ©s obliquement Ă un long manche, ressemblent aux haches en boudin quâon dĂ©couvre dans les stations(8). Des instruments coudĂ©s pourraient ĂȘtre des bĂątons de jet, ou boumerangs(9). Les boucliers, sans doute en peau, sont soit ovales(10), soit arrondis____________________ 1. Tyout : Gsell, l, c., I, p. 42, fig. 10. Ksar el Ahmar : Pamel, Singe et homme, pl. I, fig. 1 (câest une femme). 2. Moghar : Flamand, Bull. de la Soc. dâanthr. de Lyon, l. c. 3. Tyout : Gsell, 1. c. (en bas, sur la droite), Moghar: Flamand, l. c. 4. Er Richa : Delmas, Bull. de la SociĂ©tĂ© dauphinoise dâethnologie et dâanthropo-logie, IX, 1902, p. 140, fig. IV, et p.144. 5. Er Richa : Delmas, l. c., p. 140, fig. IV ; p. 143, fig. VI, et p. 144. 6. Tyout : Tissot, l. c., pl. II, fig. 2 ; Gsell, l, c. Tissot (p. 490) donne une autre interprĂ©tation : « une femme semble porter une tunique, dont les mouche sont ornĂ©es, de franges ». 7. Tyout : Tissot, l. c., fig. 49 ; Pomel, l. c., pl. II, fig. 2, 3, 7. Gsell, l. c., Conf. une gravure saharienne, vue par Barth dans la rĂ©gion de Ghat : Reisen und Entdeckungen, I, fig. Ă la p. 210. 8. Ksar et Ahmar : Flamand, dans lâAnthropologie, III, 1892, p. 148-9 et 151 ; Po-mel, l. c., pl. II, fig. 5 ; Gsell, l. c., p. 43, fig. 12 (cet objet est tenu par un homme). Asla : Pomel, l. c., pl. I, fig. 7 (objet isolĂ©). A Tyout, deux personnages tiennent ou instrument allongĂ©, Ă extrĂ©mitĂ© coudĂ©e, qui peut ĂȘtre une hache emmanchĂ©e : Flamand, l. c. 9. Asla : Pomel, l. c., pl. I, fig. 5 et 6 (« casse-tĂȘte ») ; conf. Flamand et de Mortillet, Assoc. française, Paris, 1900, l, p. 210-1. Peut-ĂȘtre aussi sur une image rupestre de la rĂ©-gion de Constantine : Bosco et Solignac, Rec. de Constantine. XLV, 1911, pl. IV Ă la p. 338 (conf. p. 137). â Le boomerang Ă©tait une arme des Libyens voisins de lâĂgypte : Perey Newberry, Beni Hasan, I, pl. XLV et XLVII ; DĂŒnichen, die Flotte einer Ă€gyptischen Kö-nigin, pl. VI et XI. Il Ă©tait peut-ĂȘre encore en usage Ă lâĂ©poque historique chez les Macae, peuplade des Syrtes Silius Italicus, III, 277 (« panda inanus est armata calcia ») ; peut-ĂȘtre aussi chez les Garamantes : Silius, III, 318-9 (« cui tragula semper fulmineam armabat, celebratum missile, dextram ») ; conf. DamstĂš, Mnemosyne, XXXVIII, 1910, p. 227-8 et p. 231. â Sur les gravures de Khangnet et Hadjar, dans la rĂ©gion de Guelma, les personnages reprĂ©sentĂ©s tiennent soit un instrument coudĂ© (hache emmanchĂ©e ? boomerang ? hoyau ?), soit un bĂąton courbe (boumerang ?), soit un objet quâon a comparĂ© Ă une raquette carrĂ©e : Vigneral, Ruines romaines du cercle de Guelma, pl. IX et X; Gsell, l. c., p. 47. 10. Bou Alem, Bouclier de forme ovale, autant quâil semble, sur la gravure rupes-tre saharienne vue par Barth, Reisen, l. c. (Ă moins que ce ne soit un arc). Sur une gravure qui existe prĂ©s dâAsla, dans le Sud oranais, un personnage tient peut-ĂȘtre un petit bouclier rond : Flamand, Bull. de gĂ©ographie historique, 1903, p, 512, fig. 11.
LA CIVILISATION DE LA PIERRE. 203
en haut et en bas, avec, des Ă©chancrures latĂ©rales(1), rappelant la forme du bouclier dit bĂ©otien(2). Les gravures de lâoued Itel (au Sud-Ouest de Biskra), qui sont peut-ĂȘtre aussi du mĂȘme temps, nous montrent des hom-mes avec un vĂȘtement couvrant le haut de la poitrine et proba-blement agrafĂ© sur une Ă©paule : on doit supposer que câest une peau de bĂȘte. Un autre personnage, vĂȘtu dâune tunique (?), tient un bouclier Ă double Ă©chancrure(3).
V
Une troisiĂšme civilisation nĂ©olithique nord-africaine est, au moins en partie, contemporaine de la prĂ©cĂ©dente, puisque, dans diverses stations, on dĂ©couvre pĂȘle-mĂȘle des objets ty-piques des deux industries(4). Mais elle remonte Ă une Ă©poque plus ancienne, partiellement contemporaine du nĂ©olithique des grottes, auquel elle est mĂ©langĂ©e dans lâabri de Redeyef(5). Elle peut ĂȘtre appelĂ©e saharienne, car elle a couvert de stations et dâateliers le Sahara oriental français, aujourdâhui si____________________ 1. Asla : Pomel, 1. c., pl. I, fig. 9 ; Flamand, l. c., p. 506, fig. 6. Je ne crois pas quâon puisse y voir une double hache : lâobjet prĂ©sente au milieu un motif allongĂ©, qui ne sâexpliquerait pas sur une hache. 2. En usage, au second millĂ©naire avant J.-C., dans la MĂ©diterranĂ©e orientale, et plus tard encore eu GrĂšce: voir Lippold, dans MĂŒnchener archĂ€ologische Studien dem Andenken A. FurtwĂ€nglers gewidmet, p. 410 et suiv. ; A. J. Reinach, Rev. de lâhistoire des religions, 1910, I, p. 210, 215. CâĂ©tait aussi la forme des ancilia romains, qui se conservĂš-rent dans les cĂ©rĂ©monies religieuses. Il nâest du reste pas nĂ©cessaire de croire Ă lâorigine commune de ces divers boucliers. Cette forme est naturellement donnĂ©e par une peau de quadrupĂšde, tendue sur une armature en bois (conf. A. J. Reinach, ibid., 1900, II, p. 327). Dans lâAfrique australe, les Betchouanas se servent encore de boucliers analogues : voir Schurtz, Urgeschichte der Kultur, p. 352. 3. Rev. de Constantine, XXXIII, 1899 pl. Ă la p. 304. Conf., pour lâhomme au bouclier, ibid., XXXVIII, 1904 pl. Ă la p. 107 ; Bull. de gĂ©ographie historique, 1903, p. 506, fig. 7. 4. AĂŻn Sefra : Lenez, dans lâHomme prĂ©historique, II, 1904, p. 111-113 ; Pallary, dans lâAnthropologie, XVIII, 144-5. RĂ©gion dâIgli et Tidikelt, dans le Sahara : musĂ©e dâAlger. Voir aussi plus haut, p. 200, n. 3 (vers la fin), lâindication de pointes berbĂšres trouvĂ©es dans des stations Ă industrie saharienne. 5. Conf. plus haut, p. 191, n. 4.
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dĂ©solĂ©(1). Elle sâest Ă©tendue aussi sur la Tunisie mĂ©ridionale, aux environs(2) et au Sud de GabĂšs(3). Des pointes de flĂšches qui la caractĂ©risent ont Ă©tĂ© recueillies Ă Redeyef (Ă lâOuest de Gafsa)(4), Ă Messaad (dans lâAtlas saharien, au Nord-Est de La-ghouat)(5), Ă AĂŻn Sefra (dans le Sud Oranais)(6), et dans les step-pes de lâAlgĂ©rie centrale(7) : elles avaient Ă©tĂ© sans doute appor-tĂ©es de loin dans ces diffĂ©rentes rĂ©gions. Les stations sahariennes se rencontrent presque toutes, non dans les espaces rocheux et montagneux(8), mais dans les dunes, le long des anciennes riviĂšres(9), souvent dans des lieux oĂč il y a encore des mares, des cuvettes humides, des puits. On recherchait Ă©videmment lâeau et il est certain quâelle se trouvait beaucoup plus facilement que de nos jours, soit parce que le climat Ă©tait moins sec, soit parce que les vallĂ©es Ă©taient moins obstruĂ©es par les sables(10). Les rĂ©gions oĂč les silex nĂ©olithiques abondent le plus sont celles de lâoued Rhir(11) dâOuargla(12), de____________________ 1. Sur cette civilisation nĂ©olithique saharienne, voir surtout Foureau, Documents scientifiques de la mission Foureau-Lamy, p. 1003-1096 ; Hamy, ibid., p. 1097-1103 (= Comptes rendus de lâAcadĂ©mie des inscriptions, 1905, p. 58-71) ; Verneau, ibid., p. 1106-1131 et pl. XX-XXIX ; Flamand et LaquiĂšre, Revue africaine, L, 1906, p. 204-241. 2. Belluci, lâEta delle pietra in Tunisia, en particulier, inv. III, 5. De Nadillac, Bulletins de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Paris, 1884, p. 7-8. Zaborowski, Revue de lâĂcole dâanthropologie, IX, 1809, p. 50, 51. Vassel, Assoc. française, Boulogne, 1899, I, p. 284. 3. Gauckler (dâaprĂšs Tribalet), Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1901, p. CLXIII-IV. Schweinfurth, ZZeitschrift fĂŒr Ethnologie, XXXIX, 1907, p. 905, Chantre, Assoc. française, Reims, 1907, l. p. 202-3. PervinquiĂšre, Revue de GĂ©ographie, III, 1909, p. 466-7. De Morgan, Capitan, Boudy, Revue de lâĂcole dâanthropologie, XX, 1910, p. 283 et suiv., 343-4. 4. En assez grand nombre (une cinquantaine) ; Gobert, dans lâAnthropologie, XXIII, 1912, p. 157 et fig. 5. 5. Harimayer, Revue africaine, XXIX, 1885, p. 144-5 (sous des ruines romaines). 6. Lenez, dans lâHomme prĂ©historique, II, 1904, p. 112-3, fig. 84-91. 7. Joly, Revue africaine, LIII, 1909, p. 12. 8. Weisgerber, Revue archĂ©ologique, 1881, II, p.4. Foureau, Documents, p. 1079, 1083. Voinot, Bull. dâOran, 1908, p. 327-8, « 54. Gautier, Sahara algĂ©rien, p. 134. 9. Voir plus haut, p. 55. 10. Supra, p. 56. 11. Jus, Revue dâethnographie, VI, 1887, p. 343-6. 12. Hamy, C. r. de lâAcad. Des Inscriptions, 1903, p. 60-61 (histoire des dĂ©couver-tes). Chipault, Revue de lâĂcole dâanthropologie, VI, 1896, p. 255 et suiv.
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lâoued Mya(1), du grand Erg Oriental et de lâErg dâIssaouane(2). Il faut abandonner lâhypothĂšse, prĂ©sentĂ©e tout dâabord(3), mais rĂ©futĂ©e par des constatations ultĂ©rieures, dâun dĂ©veloppement de cette civilisation du Midi vers le Nord(4) : on ignore en rĂ©a-litĂ© comment elle sâest rĂ©pandue(5). La matiĂšre employĂ©e pour la confection des armes et des outils est presque toujours le silex(6). ĂĂ et lĂ , il y avait des ate-liers fort importants : on a mĂȘme observĂ© que des artisans sâadon-naient exclusivement Ă la taille de tel ou tel instrument(7). Les pointes de flĂšches(8), fines, lĂ©gĂšres, sont fort nombreu-ses et souvent dâun travail admirable, surtout autour dâOuargla, dans le grand Erg et dans lâErg, dâIssaouane. Il y en a qui offrent la forme dâune feuille de laurier; dâautres, dâun losange, ou dâun triangle(9). Mais la plupart prĂ©sentent des ailerons(10), avec ou sans____________________ 1. Hamy, Bull. du MusĂ©um dâhistoire naturelle, V, 1890, p. 334-6. Cartailhac, As-soc. française, Montauban, 1902, I, p. 251-2. 2. Foureau, Documents, p. 1060 et suiv. â Belles collections, rĂ©coltĂ©es dans ces rĂ©gions et dans celle dâOuargla, au musĂ©e du TrocadĂ©ro (Foureau) et au musĂ©e dâAlger (pĂšre Huguenot et autres). 3. Rabourdin, dans Documents relatifs Ă la mission Flatters, p. 264. Weisgerber, dans Revue archĂ©ologique, 1881, II, p. 5, et Revue: dâarchĂ©ologie, IV, 1885, p. 422. Fou-reau, C. r. de lâAcad, des Inscriptions, 1894, p. 21. 4. On avait cru que les instruments en silex les plus fins se trouvaient dans la partie septentrionale du Sahara et les plus grossiers plus avant dans le dĂ©sert. Il nâen est rien. Au Nord de Touggourt, le travail de la pierre fut mĂ©diocre; il devient meilleur entre Touggourt et Ouargla, parfait dans les rĂ©gions situĂ©es entre Ouargla et lâErg dâIssaounne : Foureau, documents, p. 1064 et suiv. Conf, Hamy, C. r. de lâAcad. des Inscriptions, 1905, p. 70 ; Flamand et LaquiĂšre, Revue africaine, L. 1906, p. 231. 5. Dans le Sud du Sahara, lâindustrie de la pierre prĂ©sente un aspect diffĂ©rent et se rattache au nĂ©olithique soudanais : voir Gautier, Sahara algĂ©rien, p, 126-130, 134, 6. On rencontre cependant des pointes et racloirs, de type moustĂ©rien, en grĂšs et en quartzite : voir plus haut, p. 183, n. 8. 7. Rabourdin, dans Documents Flatters, p. 241 ; conf. Zaborowski. Revue de lâĂcole dâanthropologie, IX, 1899, p. 44 (Hassi et RhatmaĂŻa, au Sud dâOuargla). De Na-dailine, Bulletins de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Paris, 1884, p. 51 (rĂ©gion de GabĂšs). 8. Voir la classification de Pallary, dans lâHomme prĂ©historique, IV, 1906, p. 168-173. 9. On peut mentionner aussi la forme en Ă©cusson rectangulaire, se terminant par deux pointes aiguĂ«s, dont lâune est le pĂ©doncule : Flamand et LaquiĂšre, l. c., p.220-2, fig. 8-9. 10. Les flĂšches Ă aileron unique sont sans doute des flĂšches cassĂ©es, qui paraissent avoir servi dans cet Ă©tat : Pallary, dans lâAnthropologie, XVIII, 1907, p. 142.
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pĂ©doncule(1) ; elles sont trĂšs soigneusement taillĂ©es sur les deux faces. Quelques-unes sont munies de barbelures sur les bords. Notons encore des lames diverses (simples(2), Ă bords re-touchĂ©s, Ă dos retaillĂ©, Ă encoches) ; des instruments fusiformes, pointus aux deux extrĂ©mitĂ©s (prĂ©tendus hameçons doubles, mais probablement pointes de flĂšches)(3) ; de petits trapĂšzes, qui sont sans doute des bouts de flĂšches Ă tranchant transversal(4) ; des outils coupants, de forme semi-circulaire, Ă dos retaillĂ©, qui ont peut ĂȘtre servi au mĂȘme usage, Ă moins que ce ne soient des tranchets ; des grattoirs circulaires ou consistant est une lame terminĂ©e par un bout convexe ; des scies, des perçoirs, des bu-rins. Des pointes de javelots ou de piques, en forme de feuille de laurier, taillĂ©es sur les deux faces, sont ale -type solutrĂ©en. Cette industrie offre nombre dâinstruments semblables Ă ceux quâon trouve dans les grottes nĂ©olithiques du Tell(5), et aussi dans les escargotiĂšres gĂ©tuliennes Ă petit outillage. Mais elle est surtout Ă©troitement apparentĂ©e Ă celle qui florissait en Ăgypte Ă lâĂ©poque prĂ©historique et au temps des premiĂšres dy-nasties(6). Les haches polies(7) sont, pour la plupart, en silex ou en_____________________ 1. Plus frĂ©quemment avec pĂ©doncuule. 2. Plusieurs lames, trouvĂ©e, prĂ©s dâOuargla, sont remarquables par leur taille ex-ceptionnelle (0 m. 20 â 0 m. 25 de longueur) : Chipault et Capitan, Revue de lâĂcole dâanthropologie, VI, p. 258 et 261, fig. 46-48. 3. Conf. p. 192, n. 4. 4. Conf. p. 188 et 192. 5. Surtout les petites lames de divers types et les petits trapĂšzes. 6. Voir Zaborowki, Revue de lâĂcole dâanthropologie, IX. 1899, p. 46 et 51 ; Cartailhac, Assoc. française, Montauban, 1902, l. p. 252 : de Morgan. Capitan et Boudy, Revue de lâĂcole dâanthropologie, XX, 1910, p. 344, 345 : les mĂȘmes, Revue dâanthropo-logie, XX, 1911, P. 210, 220. Ressemblance des lames Ă bords retouchĂ©s, Ă des retaillĂ©s Ă encoches, des instruments fusiformes Ă double pointe, des trapĂšzes, des outils semi-cir-culaires, des scies, des pointes solutrĂ©ennes, de quelques poignards ou grands couteaux dâun beau travail (rĂ©gion dâOuargla, au musĂ©e dâAlger), de divers types de pointes de flĂšches. Pour ces derniers objets, M. Capitan (Bull, archĂ©ologique du ComitĂ©, 1909, p. CXXXVIII) croit mĂȘme Ă des importations dâĂgypte : hypothĂšse que rĂ©futent leur abon-dance et la prĂ©sence de piĂšces Ă©bauchĂ©es. 7. Conf. Flamand et LaquiĂšre, l. c., p. 214-9. â Elles sont extrĂȘmement rares dans les stations du Sud-Est de la Tunisie : Assoc. française, Tunis, 1896, I, p. 209.
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calcaire siliceux(1), assez petites(2), aplaties et trapĂ©ziformes(3) ; elles ressemblent aux haches Ă©gyptienne(4). Les poteries(5), dont on ne recueille que des tessons, Ă©taient en gĂ©nĂ©ral de petites dimensions, Comme celles des grottes, el-les out souvent reçu une ornementation gĂ©omĂ©trique trĂšs sim-ple : lignes de points, de trous : suites de hachures, de chevrons, de zigzags verticaux ; diagonales croisĂ©es ; coups dâongles. On les a parfois badigeonnĂ©es en rouge. Des vases ont Ă©tĂ© façonnĂ©s en poussant de la terre dans des moules en vannerie, qui brĂ»-laient Ă la cuisson(6) : procĂ©dĂ© en usage dans lâAfrique orientale (chez les somalis)(7) : et au Soudan(8). Les Ćufs dâautruche ont laissĂ© des dĂ©bris plus abondants encore que dans les stations du Tell : ils portent souvent des tra-ces de feu. Ils servaient de vases : on en a dĂ©couvert plusieurs, encore intacts(9). Quelques fragments sont ornĂ©s de dessins gĂ©o-mĂ©triques, traits parallĂšles, chevrons, lignes croisĂ©es, formant un quadrillĂ©, suites de points(10). Il faut aussi mentionner de grands plats en grĂšs(11), et sur-tout des meules dormantes, Ă©galement en grĂšs, avec des mo-lettes et des pilons(12). Ces meules sont de forme a peut prĂšs elliptique, et leur surface supĂ©rieure est lĂ©gĂšrement concave. Il est certain quâon y a broyĂ© des grains.____________________ 1. On en trouve aussi in roche ophitique. 2. Quelquefois si petites quâon sâest demandĂ© si ce nâĂ©taient pas des amulettes. 3. La forme en boudin existe, mais elle est rare. 4. Cartailline, l, c. Flamand et LaquiĂšre, l. c., p. 232. 5. Voir Verurau, dans Foureau, Documents, p. 1123-8, pl. XXVII-XXIX. 6. Verneau, l. c., p. 1123, Vuinol, Bull. dâOran, 1908, p. 350. 7. Hamy, C, r. de lâAcadĂ©mie des Inscriptions, 1905, p. 69. 8. Desplagnes, le Plateau central nigĂ©rien, p. 27 et 457. 9. Rabourdin, dans Documents Flatters, p. 242, Foureau, l. c., II, p. 1072. Fla-mand et LaquiĂšre, l. c., p. 229. 10. Flamand et LaquiĂšre, p. 230, fig. 17 (rĂ©gion de lâoued Mya) : voir aussi un fragment recueilli par Foureau : Verneau, l. c., p. 1128. 11. Foureau, l. c., p. 1082. Flamand et LaquiĂšre, p. 230. â Foureau (p. 1068, 1073) indique aussi de petites « urnes » en grĂšs et en ophite. 12. Foureau, p. 1063, 1070, 1072, 1073, 1074, 1082. Verneau, apud Foureau, p. 1119-1120. Conf. Gautier, Sahara algĂ©rien, p. 130.
208 LES TEMPS PRIMITIFS.
Les indigĂšnes sahariens se paraient de colliers en rondelles ou en segments dâĆufs dâautruche(1), en perles formĂ©es de tron-çons de tiges dâencrines fossiles(2) ; ils portaient parfois aussi des pendeloques consistant en globules de grĂšs ou en cailloux perforĂ©s(3). Nous croyons volontiers que lâindustrie de la pierre re-monte Ă des temps trĂšs reculĂ©s dans le Sahara, comme dans la BerbĂ©rie ; que les outils acheulĂ©ens quâon y a trouvĂ©s datent de lâĂąge quaternaire(4) ; que les types nĂ©olithiques, en tous points semblables Ă ceux qui se fabriquaient en Ăgypte plusieurs mil-liers dâannĂ©es avant lâĂšre chrĂ©tienne, ont Ă©tĂ© connus vers la mĂȘme Ă©poque dans le dĂ©sert actuel. Cependant les stations que nous venons dâĂ©tudier paraissent ĂȘtre, pour la plupart, relativement rĂ©centes(5). Les moules attestent la connaissance des cĂ©rĂ©ale(6) et ces ustensiles sont identiques Ă ceux que des Touaregs(7) et des NigĂ©riens(8) emploient aujourdâhui. ĂĂ et lĂ , on a ramassĂ© quel-ques dĂ©bris dâobjets en mĂ©tal(9) et en verre(10), peut-ĂȘtre contem-porains des instruments en pierre auxquels ils Ă©taient mĂ©langĂ©s. Il est possible que des tribus nĂ©olithiques aient encore habi-tĂ© le Sahara au temps de ces Ăthiopiens, voisins de lâĂgypte,____________________ 1. Verneau. L. c., p. 1128. Flamand et LaquiĂšre, p. 226, fig. 13. 2. Flamand et LaquiĂšre, ibid., fig. 14. 3. Foureau, p. 1073. Verneau, p.1129. 4. Voir plus haut. p. 183, n. 6. 5. Certains silex sont trĂšs usĂ©s ; dâautres, au contraire, offrent un aspect trĂšs frais, avec des arĂȘtes encore vives. Mais cela ne prouve pas que les premiers soient beaucoup plus anciens que les autres. PrĂ©servĂ©s par le sable qui les a recouverts, ceux-ci nâont Ă©tĂ© ramenĂ©s que depuis peu Ă la surface par le vent, qui, comme le dit M. Gau-tier (Sahara algĂ©rien, p. 122), sâest chargĂ© des fouilles, en dĂ©capant le sable. 6. Un cylindre en pierre, long de 0 m. 45, aplati et aminci du bout, quâon a trouvĂ© dans la rĂ©gion de lâoued Mya, aurait un soc de charrue primitive, selon Hamy (Assoc. fran-çaise, Paris, 1900, I. p. 60, et Comptes rendus de lâAcad. des Inscriptions, 1903, p. 112). 7. Foureau, l. c., p. 1063, 1094. 8. Gautier, l. c., p. 131. 9. Foureau, p.1068 (plaquettes, clou de bronze), 10. Foureau, p. 1070, 1071 (perles), 1077 (dĂ©bris de bracelets, pour la plupart multicolores) ; conf. Verneau, 1. c., p. 1120. Perles en verre dans une station de la rĂ©-gion dâOuargla : musĂ©e dâAlger,
LA CIVILISATION DE LA PIERRE. 209
qui, Selon le tĂ©moignage dâHĂ©rodote(1) se servaient de poin-tes de flĂšches en pierre vers le dĂ©but du Ve siĂšcle avant JĂ©sus-Christ.
VI
La civilisation de la pierre sâest dĂ©veloppĂ©e dans lâAfri-que du Nord Ă la fois par des perfectionnements locaux et par des relations pacifiques ou belliqueuses. Nous avons indiquĂ©(2) que les haches polies et les pointes de flĂšches nâont pas dĂ» ĂȘtre fabriquĂ©es partout oĂč on les trouve. Les silex ont Ă©tĂ© importĂ©s dans les rĂ©gions oĂč cette matiĂšre faisait dĂ©faut. Les poteries ont pu aussi voyager : en tout cas, il est difficile dâattribuer au hasard lâidentitĂ© des motifs qui dĂ©corent cette cĂ©ramique en di-vers pays. Les industries se ressemblent trop dans le Sud de la pĂ©ninsule ibĂ©rique et dans lâOuest de lâAlgĂ©rie, Ă la fin du pa-lĂ©olithique et pendant la pĂ©riode nĂ©olithique ancienne(3), pour quâon se refuse Ă admettre des rapports entre ces deux con-trĂ©es(4). Des relations, plus ou moins directes, ont Ă©videmment existĂ© entre lâĂgypte et les populations nĂ©olithiques du Sahara et du Sud-Est de la Tunisie(5). La domestication de certains ani-maux a Ă©tĂ© une Ă©tape dĂ©cisive de lâhumanitĂ© : cette conquĂȘte____________________ 1. VII, 120. 2. P. 193 et 201. 3. Voir p. 189 et 192. 4. Plus tard, le nĂ©olithique berbĂšre dâAfrique diffĂ©ra beaucoup du nĂ©olithique rĂ©cent dâEspagne : conf. Pallary, Instructions, p. 51. cependant il y eut encore quelques rapports entre les deux contrĂ©es. Il est impossible de ne pas attribuer une origine afri-caine Ă des grains de collier taillĂ©s dans des Ćufs dâautruche, que M. Siret a trouvĂ©s en Espagne, dans des couches nĂ©olithiques rĂ©cent (lâAnthropologie, XX, 1909, p. 130). A lâĂ©poque de la civilisation nĂ©olithique berbĂšre, les Africains nâĂ©taient pas incapables de naviguer, puisquâils ont occupĂ© des Ăźles voisines du littoral : voir plus haut, p. 201, n. 6. 5. Voir p. 206. Probablement par lâintĂ©rieur du Sahara, avec une extension vers le Sud de la Tunisie, plutĂŽt que par une pĂ©nĂ©tration au fond de la petite Syrte et une extension progressive vers le Midi. Les haches polies de type Ă©gyptien se re-trouvent dans le Sahara, mais sont, nous lâavons dit (p. 206, n. 7), fort rares dans la rĂ©gion de GabĂšs.
210 LES TEMPS PRIMITIFS.
difficile ne fut sans doute faite que dans quelques pays, dâoĂč elle se rĂ©pandit au loin, de mĂȘme que la culture des cĂ©rĂ©ales. Des importations peuvent seules expliquer la prĂ©sence dâune perle en verre dans une grotte nĂ©olithique de SaĂŻda(1) ; dâoutils en obsidienne dans une station voisine de Bizerte et dans lâune des Ăźles Habibas, Ă lâOuest dâOran(2) (cette roche nâexiste pas en BerbĂ©rie(3)) ; de coquilles marines, retrouvĂ©es Ă lâintĂ©rieur des terres(4) ; de coquilles Ă©trangĂšres Ă lâAfrique du Nord, re-cueillies dans des campements sahariens(5). Quand la connaissance des mĂ©taux(6) pĂ©nĂ©tra-t-elle au mi-lieu des populations qui se servaient dâinstruments en pierre, et____________________ 1. Doumergue et Poirier, Bull dâOran, 1894. p. 124. 2. Pallary, Instructions, p. 50 ; musĂ©e dâAlger. 3. On trouve de 1âobsidienne dans lâĂźle de Pantelleria, en Sardaigne, eu Sicile, sans parler dâautres rĂ©gions plus Ă©loignĂ©es de lâAfrique du Nord : conf. Modestar, Intro-duction Ă lâhistoire romaine, p. 36. 4. Abris de la Mouillah, qui ne sont, il est vrai, quâĂ une quarantaine de kilomĂš-tres de la mer (coquillages ayant servi dâaliments et dâobjets de parure ; Barbin, Bull. dâOran, 1910, p. 83, 87 ; 1912, p. 306. Grotte de SaĂŻda (valve de pĂ©toncle) : Doumergue et Poirier, l. c., p. 125. Station nĂ©olithique dans lâAtlas saharien, prĂšs dâAĂŻn Sefra (Mu-rex trunculus perforĂ©) : Flamand, dans lâAnthropologie, III, 1892, p. 152 ; conf. Revue africaine, L. 1906, p. 228-9 et fig. 15. Abri de Redeyef, Ă lâOuest de Gafsa : Gobert, dans lâAnthropologie, XXIII, 1912, p. 155, 163. 5. Coquilles du Nil, de la mer Rouge et de lâocĂ©an Indien : Rabourdin, Docu-ments Flatters, p. 242, 243 ; Zaborowski, Revue de lâĂcole dâanthropologie, IX, 1890, p. 44 ; Pallary, dans lâHomme prĂ©historique, IV, 1906, p. 141-3. Cependant il nâest pas toujours possible dâaffirmer que ces coquilles aient appartenu aux habitants des stations nĂ©olithiques au milieu desquelles on les trouve : conf. Flamand, Assoc. française, Paris, 1900, l. p. 212-3. Les cauris de lâocĂ©an Indien sont âencore en usage comme monnaies dans toute lâAfrique centrale : conf. Deniker, les Races et les peuples de le terre, p. 324-5. â Une gravure du Sud oranais a paru reprĂ©senter un cauris (Pomel, Singe et homme, p. 22, pl. II, fig. 6). Mais, Ă supposer que cette identification soit certaine, sâagit-il dâune gravure prĂ©historique ? 6. Je ne parle pas ici des minĂ©raux non ouvrĂ©s qui ont servi Ă fabriquer de la couleur ou Ă dâautres usages indĂ©terminĂ©s, et qui se rencontrent dans des stations pa-lĂ©olithiques rĂ©centes et nĂ©olithiques. Morceaux ed fer oligiste : Barbin, Bull. dâOran, 1910, p. 87 ; Pallary et Tommasini, Assoc. française, Marseille, 1891, II, p. 640 ; etc. Morceaux de minerai de plomb : Barbin, l. c., 1912, p. 400. Noyau de fer, dans la grotte Ali Bacha, Ă Bougie ; M. Debruge croit quâil a servi de percuteur : Rec. de Constantine, XL, 1900, p. 151. Morceaux de minerais de fer et de cuivre, dans un foyer au-dessus de la grotte du Grand-Rocher, prĂšs dâAlger : Bull. de la SociĂ©tĂ© algĂ©rienne de climato-logie, XII, 1876, p. 154.
LA CIVILISATION DE LA PIERRE. 211
quand les leur fit-elle abandonner ? Nous nâavons pas de don-nĂ©es suffisantes pour rĂ©pondre Ă cette double question. A Bou-gie, une poche de la grotte Ali Bacha abritait plusieurs centai-nes de rondelles et de plaquettes quadrangulaires en cuivre : il y avait sans doute en ce lieu un petit atelier de mĂ©tallurgie(1). Mais on ne saurait dire sâil est contemporain du mobilier nĂ©o-lithique rencontrĂ© dans la caverne. Non loin de lĂ , au pic des Singes, une station, qui fut habitĂ©e par des pĂȘcheurs, contenait des silex taillĂ©s, des outils en os poli, des tessons de poteries grossiĂšres, et aussi quelques objets en cuivre(2) (une pointe, trois hameçons, une tige), ainsi que des dĂ©bris de colliers, globules de sable agglomĂ©rĂ©, revĂȘtus dâĂ©maux de diffĂ©rentes couleurs, dont la fabrication avait lieu sur place. Il en Ă©tait de mĂȘme des instruments en cuivre : on a recueilli des scories auxquelles ad-hĂ©rait encore du charbon(3). Il est probable que nous sommes ici en prĂ©sence dâun Ă©tablissement de date rĂ©cente : un indice per-met de supposer quâĂ cette Ă©poque le fer Ă©tait en usage dans le pays(4). Ailleurs, dans un abri sous roche de la Kabylie occiden-tale, un Hameçon en fer a Ă©tĂ© trouvĂ© avec des outils grossiers en pierre taillĂ©e, une hache nĂ©olithique et, quelques fragments de poteries(5). Dans dâautres contrĂ©es mĂ©diterranĂ©ennes, le fer parait avoir____________________ 1. Debruge, Rec. de Constantine, XL, 1906, p. 142-3 et planche ; conf. As-soc. française, Montauban, 1902, II, p. 876 ; lâHomme prĂ©historique, IV, 1906, p. 275-7. 2. Des fragments de cuivre ont Ă©tĂ© Ă©galement trouvĂ©s au Grand-Abri, Ă Bou-gie, avec des outils grossiers en silex, calcaire, quartzite, des dĂ©bris de poteries, un poinçon en os, etc. : Debruge, Rec. de constantine, XXXVII, 1903, p. 150. 3. Debruge, Rec. de Constantine, XXXIX, 1903, p. 72 et suiv. Pour des objets en cuivre, voir p. 97-99 ; pour les perles Ă©maillĂ©es, Debruge, dans lâHomme prĂ©his-torique, III, 1905, p. 71-73. 4. A cinquante mĂštres de lĂ , on a dĂ©couvert des foyers, avec des vases conte-nant des cendres, et aussi avec dâautres objets qui se retrouvent dans la station. Entre deux foyers, mais Ă un niveau infĂ©rieur, il y avait une lame de fer : Debruge, Rec. de Constantine, XXXIX, p. 115. 5. Abri de la Cascade, prĂšs de Borj MĂ©naĂŻel : VirĂ©, Assoc. française, Bor-deaux, 1895, II, p. p. 875 ; Rec. de Constantine, XXXII, 1898, p. 9.
212 LES TEMPS PRIMITIFS.
Ă©tĂ© connu vers la fin du second millĂ©naire avant J.-C., ou vers le dĂ©but du premier millĂ©naire; auparavant sâĂ©tait Ă©coulĂ©e une longue pĂ©riode, dite Ăąge du bronze, prĂ©cĂ©dĂ©e elle-mĂȘme, au moins dans certaines rĂ©gions(1), dâune Ă©poque oĂč lâon se servit de cuivre pur : celle-ci se confond avec les derniers temps de lâindustrie nĂ©olithique. Les choses se passĂšrent-elles ainsi dans lâAfrique du Nord ? Sans vouloir oublier les lacunes de nos connaissances, nous serions plutĂŽt disposĂ© Ă le nier(2). Il semble bien que le cuivre et le bronze aient Ă©tĂ© trĂšs peu rĂ©pandus parmi les indigĂšnes, ou ignorĂ©s deus, avant lâĂ©poque oĂč ils commen-cĂšrent Ă faire usage du fer(3). Chez des populations voisines du littoral, des objets en mĂ©-tal durent ĂȘtre introduits par des Ă©trangers, surtout par les mar-chands des colonies maritimes phĂ©niciennes qui furent fondĂ©es a partir de la fin du second millĂ©naire(4). Ensuite, la mĂ©tallurgie____________________ 1. Espagne, Sicile, Italie, pour ne parler que des pays voisins de la BerbĂ©rie. 2. Conf. Gautier, Sahara algĂ©rien, p. 133. 3. On nâa trouvĂ© jusquâici que quelques haches de bronze, offrant des haches en usage avant le premier millĂ©naire : une, prĂšs de Cherchell (conservĂ©e en ce lieu, dans la collection Archambeau) ; une autre, Ă Saint-EugĂšne, prĂšs dâAlger (PĂ©lagaud, la PrĂ©his-toire en AlgĂ©rie, p. 42, fig. 7) ; un fragment au musĂ©e dâAlger (de provenance inconnue, mais probablement algĂ©rienne). La hache de Saint-EugĂšne est Ă talon, dâun type rĂ©pandu dans lâEurope occidentale vers le milieu du second millĂ©naire, mais qui manque dans la MĂ©diterranĂ©e orientale (DĂ©chelette, Manuel dâarchĂ©ologie prĂ©historique, II, p. 248 ; p. 249, fig. 81, n° 2; pl. III, fig. 2). Celle du musĂ©e dâAlger, dont il ne reste que le bout Ă©vasĂ©, peut avoir eu la mĂȘme forme. Je nâai pas notĂ© la forme de celle de Cherchel. Une hache en bronze aurait Ă©tĂ© recueillie dans une grotte Ă LamoriciĂšre, Ă lâEst de Tlemcen : Cureyras, Bull. dâOran. 1886, p. 127. â Une inscription de Karnak, du temps du roi MĂ©nephtah (XIIIe siĂšcle), indique quâaprĂšs une grande victoire, les Ăgyptiens prirent les vases de bronze du chef des Lebou et des armes de bronze des Mashnounsha ; de RougĂ©, dans Revue archĂ©ologique, 1807, II, p. 41 et 43 ; Chalas, Ătudes sur lâantiquitĂ© historique, 2e Ă©dit., p. 196 et 200. Il sâagit de deux peuples africains. Mais ils habitaient au Nord-Ouest de lâĂgypte et rien ne permet de croire quâils se soient Ă©tendus au delĂ de la grande Syrte, du cĂŽtĂ© de lâOccident. â Noter qui les habitacle de lâAfrique du Nord nâont pu faire usage du bronze quâen recevant du dehors soit des objets tout fabriquĂ©s, soit de lâĂ©tain destinĂ© Ă ĂȘtre alliĂ© au cuivre : il nây a pas dâĂ©tain dans cette contrĂ©e. 4. Dans les dialectes berbĂšres, le nom du fer est azzel, ouzzel, M. stumma (Zeits-chrift fĂŒr Assyriologie, XXVII, 1912, p, 126) se demande sâil nâa pas Ă©tĂ© empruntĂ© Ă la langue phĂ©nicienne, qui devait dĂ©signer le fer par un mot apparentĂ© on identique Ă lâhĂ©breu barzel.
LA CIVILISATION DE LA PIERRE. 213
se dĂ©veloppa(1). Le travail de la pierre tomba en pleine dĂ©ca-dence, puis disparut. Il a pu cependant se maintenir dans des groupes isolĂ©s ou rĂ©fractaires au progrĂšs. Le nĂ©olithique ber-bĂšre, si grossier, a peut-ĂȘtre persistĂ© dans certaines rĂ©gions du-rant une partie des temps historiques(2). Lâindustrie de la pierre se conserva aussi, pendant longtemps, dans le Sud de la Tuni-sie et dans la partie du Sahara situĂ©e au Sud de la province de Constantine, contrĂ©es oĂč la raretĂ© du bois et sans doute aussi le manque de minerai sâopposaient Ă lâessor de la mĂ©tallurgie. Mais elle y demeura fidĂšle Ă de vieilles traditions. Elle conti-nua Ă produire des Ćuvres dâune technique remarquable, sur-tout ces flĂšches, principales armes des tribus sahariennes, des Ăthiopiens qui, Ă lâĂ©poque historique, bordaient au Sud la Ber-bĂ©rie(3), et que des auteurs anciens nous signalent comme des____________________ 1. Dans lâAfrique septentrionale, comme dans lieu dâautres pays, le fer dut passer pour une nouveautĂ© redoutable. Les forgerons sont encore tenus il lâĂ©cart en beaucoup de lieux : DouttĂ©, Magie et religion donc LâAfrique du Nord, p. 42-43. 2. Des pointes pĂ©donculĂ©es, prĂ©sentant la forme propre Ă lâindustrie nĂ©olithique berbĂšre, ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes dans les ruines romaines de SbĂ©itla (Tunisie centrale) : (Collignon, dans MatĂ©riaux, XXI, 1887, p. 196, pl. VII. fig. 18 ; Pallary, Bull. de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique de Sousse, V, 1907, p. 190. Mais on peut se demander si ces objets nâont pas appartenu Ă quelque station antĂ©rieure Ă la ville romaine et sâils nâont pas Ă©tĂ© mitraillĂ©s par le ruissellement jusquâaux palais oĂč on les a trouvĂ©s. Des silex mal taillĂ©s, ou plutĂŽt des Ă©clats de silex, ont Ă©tĂ© recueillis dans dâautres ruines romaines (Collignon, 1, c., p. 200 ; La BlanchĂšre, dans Archives des missions, 3e sĂ©rie, X, 1883, p. 41; Pallary, Assoc. française, Tunis, 1896, II, p. 496), ou dans des ruines berbĂšres qui ne paraissent pas antĂ©rieures Ă lâĂšre chrĂ©tienne (La BlanchĂšre, 1. c.), voire mĂȘme dans des ruines beaucoup plus rĂ©centes, au Saluera (Gautier, Sahara algĂ©rien, p.124 : dans la rĂ©gion de lâoued Zousfana). Ils ne se rapportent pas Ă des types bien dĂ©finis. Jamais, Ă ma connaissance, des instruments en pierre, nettement caractĂ©risĂ©s, tels que des bouts de javelots Ă pĂ©doncule, nâont Ă©tĂ© trouvĂ©s dans des sĂ©pultures avec des monnaies et des poteries puniques ou romaines. Quant aux haches polies dĂ©couvertes dans des rui-nes romaines et berbĂšres (Ă LamoriciĂšre, prĂšs de Tlemcen, et Ă Benian Djouhala dans le Dahra : Pallary, Assoc. française, Marseille. 1891, II, p. 601, et Tunis, 1896, II, p. 497, 700), leur prĂ©sence peut sâexpliquer par des croyances superstitieuses ou par leur emploi comme coins (voir plus loin), lorsquâelles nâont plus Ă©tĂ© simplement ramassĂ©es pour servir de moellons : Ă LamoriciĂšre, une hache faisait partie dâune maçonnerie de lâĂ©poque romaine. JâhĂ©site donc Ă adopter lâopinion de quelques savants, qui pensent quâune vĂ©ritable industrie nĂ©olithique sâest perpĂ©tuĂ©e dans le Nord de lâAfrique jusque sous lâEmpire. 3. Voir livre II, chap, IV.
214 LES TEMPS PRIMITIFS.
archers(1), tandis que les Numides et les Maures ne combattaient guĂšre quâavec des javelots(2). Parmi les survivances de cette industrie dans lâAfrique du Nord, nous pouvons indiquer des instruments en pierre dure polie, identiques aux haches du nĂ©olithique berbĂšre, qui servirent dans des carriĂšres et dans des mines(3), soit quâon fit usage dâobjets fabriquĂ©s longtemps auparavant, soit qui on en fabriquĂąt sous la domination romaine. Dans les monta-gnes du Sud oranais et dans le Sahara, des poinçons en pierre tracĂšrent les gravures dites libyco-berbĂšres(4), Ă une Ă©poque oĂč lâemploi des dromadaires Ă©tait gĂ©nĂ©ral, câest-Ă -dire plu-sieurs siĂšcles aprĂšs lâĂšre chrĂ©tienne. En Tunisie, on dĂ©pique encore les cĂ©rĂ©ales avec des Ă©clats de silex, enfoncĂ©s dans la face infĂ©rieure dâune table de bois, que tirent des animaux(5) ; ce traĂźneau, dĂ©crit par Varron(6), devait ĂȘtre dĂ©jĂ connu des Africains dans lâantiquitĂ©(7). Remarquons enfin qui on retrou-ve en BerbĂ©rie une superstition rĂ©pandue dans bien dâautres____________________ 1. PĂ©riple de Scylax, 112 (Geogr. gr. min., l, p. 94) : les Ăthiopiens voisins de lâĂle de CernĂ© (au delĂ du Maroc) sont armĂ©s de javelots et dâarcs. Strabon, XVII, 3, 7 : les Pharusiens et les NigrĂštes (dans le Sud du Maroc) sont archers, comme les Ăthiopiens. Festus AviĂ©nus, Descriptio orbis terrae, 324-5 : (Garamas) « arundinis usu nobilis ». Silius Italicus, XV, 681 (il sâagit dâun chef que le poĂšte fait venir de lâoasis dâAmmon). 2. M. Gautier (Sahara algĂ©rien, p. 138) est disposĂ© Ă attribuer Ă des nĂšgres lâindustrie nĂ©olithique du Sahara. 3. PrĂšs dâOrlĂ©ansville, dans une carriĂšre de pierre calcaire, hache en roche noi-re, qui Ă©tait encore engagĂ©e dans le banc exploitĂ© : Galland, Revue africaine, XIV, 1870, p. 302-4 ; PĂ©lagaud, la PrĂ©histoire en AlgĂ©rie, p. 16-17. A Khenchela, hache en roche verte dans le filon dâune mine : PĂ©lagaud, l. c., p. 18. Coin en roche verte, dans les mines du djebel Serdj : Gauckler, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1902, p. CXVIII ; Catalogue du musĂ©e Alaoui, SupplĂ©ment, p. 364, n° 280. 4. Gautier, Sahara algĂ©rien, p. 133. 5. Hamy, Assoc. française, Paris, 1900, l, p. 63 et fig. 8. Ph. Thomas, Essai dâune description gĂ©ologique de la Tunisie, I ; p. 70. Cette table Ă dĂ©piquer se retrouve dans dâautres pays : Hamy, l. c., p. 64 ; de Mortillet, Revue dâanthropologie, XXI, 1011, p. 91. 6. Rust., I, 52 (tribulum). 7. Conf. probablement Servius, Ă Virgile, GĂ©orgiques, I, 164 : « Tribula, ge-nus vehiculi omni parte dentatum unde teruntur frumenta, quo maxime in Africa utebantur. »
LA CIVILISATION DE LA PIERRE. 215
pays(1) : les haches polies passent pour des pierres tombĂ©es du ciel avec la foudre et sont conservĂ©es comme amulettes(2).____________________ 1. En Afrique, dans la rĂ©gion du Niger : Desplagnes, le Plateau central ni-gĂ©rien, p. 33. 2. Haches polies dans des marabouts de lâOranie : Bleicher, dans MatĂ©riaux pour lâhistoire primitive de lâhomme, XI, 1875, p. 201-2 et fig. 83-86 (conf. Car-tailhac, lâĂąge de pierre dans les souvenirs et les superstitions populaires, Paris, 1878, p. 89 et fig. 59-60) ; Pallary, Assoc. française, Besançon, 1893, II, p. 688 (Saint-Hippolyte); Doumergue, Bull. dâOran, 1910, p. 420. â Ce fut peut-ĂȘtre pour cette raison que trois haches polies, en silex, furent dĂ©posĂ©es sous une dalle de pierre, dans lâenceinte qui entourait un dolmen des Beni Snassen (Nord-Est du Maroc) : VĂ©lain. Revue dâethnographie, IV, 1883, p. 310-1 ; que dâautres furent placĂ©es dans des dolmens de Guyotville (prĂšs dâAlger) et de Djelfa : Bull. de la sociĂ©tĂ© algĂ©rienne de climatologie, VI, 1869, p. 70 (si ces indications sont exactes, ce dont je doute).
CHAPITRE II
ORIGINES DE L`ĂLEVAGE ET DE LA CULTURE
I
« A lâorigine, dit Salluste(1), lâAfrique fut habitĂ©e par les GĂ©tules et les Libyens, gens rudes et sauvages, qui se nourris-saient de la chair des bĂȘtes fauves et aussi, comme le bĂ©tail, de lâherbe des champs... Errants Ă lâaventure, ils sâarrĂȘtaient lĂ oĂč la nuit les surprenait. »
Il nây a dans ce passage que de simples hypothĂšses sur le genre de vie des premiers habitants de lâAfrique du Nord(2). Il nâest pas nĂ©cessaire, nous lâavons dit, de supposer quâils aient tous menĂ© une existence vagabonde(3). Dâautre part, les dĂ©cou-vertes faites dans les stations prĂ©historiques prouvent que la chasse leur procurait, en effet, une large part de leur alimenta-tion : chasse qui, surtout Ă lâĂ©poque quaternaire, visait souvent des animaux trĂšs vigoureux et oĂč les ruses, les piĂšges donnaient des rĂ©sultats plus sĂ»rs que les attaques ouvertes. Pendant longtemps, les Africains s y livrĂšrent sans auxi-_____________________ 1. Jug., XVIII, 1-2 (dâaprĂšs un ouvrage Ă©crit en langue punique ; voir plus loin, chap. VI). 2. Voir dans Denys le PĂ©riĂ©gĂšte (187 et suiv. ; Geogr. gr. min., II, p. 112) des indications analogues sur la prĂ©tendue vie des indigĂšnes restĂ©s sauvages. 3. Voir p. 1 82.
ORIGINES DE LâĂLEVAGE ET DE LA CULTURE. 217
liaires. Le chien nâapparaĂźt que dans quelques grottes Ă mo-bilier nĂ©olithique(1) ; il sâagit sans doute dâun animal domesti-quĂ© hors de la BerbĂ©rie et qui nây fut introduit qu assez tard. A lâĂ©poque des stations nĂ©olithiques berbĂšres en plein air, il Ă©tait le compagnon de chasse de lâhomme, comme lâattestent les gravures rupestres de Tyout(2). Les chiens qui y sont figurĂ©s ont des oreilles droites : peut-ĂȘtre appartenaient-ils Ă une race descendant du chacal, auquel se rattache probablement celle qui est aujourdâhui la plus rĂ©pandue dans lâAfrique septentrio-nale et qui sert du reste Ă la garde(3), non Ă la chasse(4). Une autre image rupestre du Sud oranais(5) semble reprĂ©senter un chien apparentĂ© aux sloughis actuels (lĂ©vriers), race originaire du Nord-Est de lâAfrique(6). Les primitifs se nourrissaient aussi de mollusques ma-rins et terrestres(7). Il est vraisemblable, bien que les documents____________________ 1. M. Pallary ne le signale que dans les couches les plus rĂ©centes des grottes dâOran : Assoc. française, Caen, 1894, II, p. 741. â A la grotte du Grand-Rocher, prĂšs dâAlger, on a recueilli de nombreux ossements de chiens : Pomel, Carnassiers, p. 30, 32, 34, 35, pl, XI-XIV. Mais appartiennent-ils bien Ă la couche nĂ©olithique ? Flamand (Assoc. française, Ajaccio, 1901, II, p. 730) indique aussi le chien dans une grotte de Mustapha-SupĂ©rieur, Ă Alger. Il aurait Ă©tĂ© Ă©galement retrouvĂ© dans les grottes des Bains-Romains, prĂšs dâAlger : Ficheur et Brives, Comptes rendus de lâAcadĂ©mie des Sciences, CXXX, 1900, p. 1486. Mais, si cette dĂ©termination est exacte, il me parait difficile dâadmettre que les ossements de canidĂ©s dĂ©couverts en ce lieu lâaient Ă©tĂ© dans la mĂȘme couche que les restes dâhippopotames et de rhinocĂ©ros. 2. Pomel, Singe et homme, pl. II, fig. 2 et 3. â Il y a peut-ĂȘtre aussi des images de chiens Ă Ksar et Ahmar (Pomel, Babalus antiquus, pl. X. fig. 1), Ă Tazina (Flamand. Bull. de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Lyon, XX, 1901, p. 193, fig, II) et Ă Guebar Rechim, dans le Sud oranais ; Ă Khanguet et Hadjar, prĂšs de Guelma ; Ă lâoued Itel, au Sud-ouest de Bis-kra Rec. de Constantine, XXXVIII, 1904, planches Ă la p. 107, « pierre n° 3 ». Un chien parait ĂȘtre reprĂ©sentĂ© auprĂšs dâun homme sur une gravure de la rĂ©gion de Constantine : Bosco et Solignac, Rec. de Constantine, XLV, 1911, pl. II, Ă la p. 336. 3. Nous savons par ValĂšre-Maxime (IX, 13, ext., 2) que Masinissa se faisait gar-der par des chiens. Ătien prĂ©tend, dâautre part, que les Libyens nomades nâavaient pas de chiens (Nat. Anim., VI. 10). 4. Dans lâantiquitĂ©, des chiens africains furent mĂȘme dressĂ©s Ă la guerre. Pline lâAncien, VIII, 142 : « Garamantum regem canes ce ab exilio reduxere, proeliati contra resistentes. » 5. Moghar et Tathani (dessin de M. Flamand). 6. Voir C. Keller, Naturgeschichte der Haustiere, p. 79, 91, 93. 7. Voir p. 187, 189,197. â Ils ont pu encore se nourrir dâinsectes et de reptiles,
218 LES TEMPS PRIMITIFS.
archĂ©ologiques ne nous apprennent rien Ă ce sujet, que leur alimentation se composait encore de vĂ©gĂ©taux : fruits, glands, racines, herbes, plantes. Ces moyens de subsistance se sont perpĂ©tuĂ©s dans certaines rĂ©gions jusquâen pleine Ă©poque histo-rique(1), combinĂ©s avec des ressources nouvelles. Nous sommes trĂšs insuffisamment renseignĂ©s sur les dĂ©-buts de lâĂ©levage en BerbĂ©rie. Les ossements, encore peu nom-breux, quâon a recueillis dans les stations nĂ©olithiques, nâont pas Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s avec autant de soin que ceux des villages lacus-tres de lâEurope centrale ; les gravures rupestres sont des do-cuments bien misĂ©rables auprĂšs des images si fidĂšles que nous ont laissĂ©es les artistes de lâĂgypte, de la ChaldĂ©e, de la mer ĂgĂ©e; enfin les races actuelles, dont certaines peuvent exister dans le pays depuis fort longtemps, restent assez mal connues. Les bĆufs qui vivent aujourdâhui dans lâAfrique du Nord(2), sont dâune taille peu Ă©levĂ©e. Ils ont une tĂȘte petite ou moyenne; avec des cornes courtes et fines, un cou et des membres courts, un garrot Ă©pais, une poitrine ordinairement ample, un dos al-longĂ© et droit. La robe est le plus souvent rousse ou grise, la tĂšte et les jambes sont frĂ©quemment de couleur noire. Ces ani-maux sont vigoureux, agiles, nerveux et sobres. Quand ils se nourrissent bien, ils engraissent vite et leur viande est bonne ; mais les vaches ne donnent quâune quantitĂ© peu abondante de____________________comme les mangeurs de sauterelles signalĂ©s dans lâantiquitĂ© et de nos jours (conf. p.135), comme les Ăthiopiens troglodytes du Sahara, qui, au dire dâHĂ©rodote (IV, 183), vivaient de serpents et de lĂ©zards, 1. Pour les fruits, voir Pomponius MĂ©la, 1, 41 (« sucus bacarum ») ; Pausanias, I, 33, 5 (raisins sauvages), On connaĂźt les Lotophages dâHomĂšre (OdyssĂ©e, IX, 84 et suiv.), qui se nourrissaient des fruits du lotus, doux comme le miel. A tort ou Ă raison, des auteurs grecs identifiĂšrent le lotus du poĂšte avec un arbuste qui parait bien ĂȘtre le jujubier sauvage et dont les haies, Ă lâĂ©poque historique, Ă©taient cueillies par des indi-gnes de la rĂ©gion des Syrtes : HĂ©rodote, IV, 177 et 178 ; pĂ©riple de Scylax, 110 (Geogr. gr. min, I, p. 86 et 87) ; Strabon, XVII, 3, 17 ; conf. ThĂ©ophraste, Hist, plantar., IV, 3, 2, â Les Kabyles sâalimentent encore aujourdâhui avec des glands doux. â Numides mangeurs de racines : Strabon, XVII, 3, 15 ; dâherbes ; Appien, Lib., 11 et 106. De nos jours, les indigĂšnes recherchent les asperges et surtout les cardons sauvages. 2. Je ne parle pas ici des importations europĂ©ennes rĂ©centes.
ORIGINES DE LâĂLEVAGE ET DE LA CULTURE. 219
lait(1). On distingue plusieurs types, surtout ceux qui sont dĂ©-signĂ©s sous les noms de race de Guelma et de race dâOran(2). Cependant il est probable qui il sâagit seulement de variĂ©tĂ©s et que les bĆufs de BerbĂ©rie sont tous apparentĂ©s Ă©troitement(3) : lâopinion la plus rĂ©pandue les classe dans la race dite ibĂ©rique, qui se retrouve en Espagne, en Italie et dans les Ăźles de la MĂ©-diterranĂ©e occidentale(4). On a recueilli dans les stations palĂ©olithiques des osse-ments de divers bovidĂ©s, dont lâun, de forte taille, a Ă©tĂ© qualifiĂ© par Pomel de Bos opisthonomus Ă cause de ses cornes recour-bĂ©es en avant, mais parait ĂȘtre une variĂ©tĂ© du Bos primigenius(5). Ce bĆuf se rencontre aussi dans des grottes Ă mobilier nĂ©olithi-que(6) ; rien ne prouve quâil ait Ă©tĂ© alors domestiquĂ©. Dâautres ossements, dĂ©couverts dans des grottes nĂ©olithi-ques(7), ont Ă©tĂ© attribuĂ©s par Pomel Ă la race ibĂ©rique(8). Pomel veut aussi reconnaĂźtre cette race sur des gravures rupestres(9). Mais la grossiĂšretĂ© des images impose une grande rĂ©serve. On peut nĂ©anmoins constater lâabsence presque com-plĂšte dâanimaux pourvus de la bosse de graisse(10) qui distingue____________________ 1. Voir Sanson, TraitĂ© de zootechnie, 4e Ă©dit., IV, p. 142 ; RiviĂšre et Lecq, Ma-nuel de lâagriculteur algĂ©rien, p. 913 et suiv. ; Bonnefoy, AlgĂ©rie, EspĂšce bovine (Alger, 1900), p. 13-19. 2. Cette derniĂšre devrait ĂȘtre appelĂ©e race marocaine. Elle se rencontre principa-lement dans le Maroc occidental. 3. M. Bonnefoy (l. c., p. 7 et suiv.) le conteste. Il croit la race de Guelma dâorigine asiatique, la race marocaine autochtone. 4. Sanson, l. c., p. 137 et suiv. 5. Voir plus haut, p. 103. 6. Voir p. 105. 7. Grand-Rocher, prĂšs dâAlger : Pomel, BĆufs-taureaux, p. 72, pl. XIII, XVI, XVIII. Mustapha-SupĂ©rieur : Flamand, Assoc, française, Ajaccio, 1901, II, p. 730. Oran, grotte des Troglodytes : Pallary et Tommasini, Assoc. franç., Marseille, 1891, II, p. 646 (« diffĂšre peu du bĆuf domestique »); grotte de la ForĂȘt (douteux) : Doumergue, Bull. dâOran, 1907. p. 393. M. Robert signale aussi le Bos ibericus Ă la grotte de Bou Zabaouine (Rec. de Constan-tine, XXXIV, 1900, p. 218) ; M. Reygasse, Ă celle de fief et Ahmar, pris de TĂ©bessa. 8. L. c., p, 91-92 et 103. 9. L. c., p. 93-94 (il sâagit des bĆufs Ă cornes recourbĂ©es vers le front : voir plus loin). 10. Un renflement indique quelquefois le garrot, mis ce nâest pas une vĂ©ritable bosse, sauf peut-ĂȘtre sur un bĆuf de Tyout et sur un autre de Bou Alem.
220 LES TEMPS PRIMITIFS.
les zĂ©bus, nombreux dans lâantiquitĂ© en Ăgypte et de nos jours au Soudan, dâoĂč ils ont Ă©tĂ© importĂ©s çà et lĂ dans le Sahara(1). La direction et la longueur des cornes sont si variables chez les bĆufs quâon ne saurait en faire des caractĂšres spĂ©cifiques. Cer-taines gravures nous montrent des animaux Ă cornes recour-bĂ©es vers le front(2). Ailleurs, les cornes, Ă peu prĂšs droites, ou recourbĂ©es au sommet (soit en avant, soit en arriĂšre), SâĂ©lĂš-vent obliquement en avant, ou mĂȘme verticalement ; elles sont le plus souvent courtes, ou de longueur moyenne(3) ; parfois, cependant, elles atteignent de grandes dimensions(4). Quelques bĆufs ont des cornes dressĂ©es, entiĂšrement courbes, dont les pointes se dirigent lâune vers lâautre(5). Il y a aussi des bovi-dĂ©s pourvus de longues cornes courbes et dirigĂ©es en avant(6) ; on peut toutefois se demander si les graveurs nâont pas voulu____________________ 1. Schirmer, le Sahara, p. 128, 191 ; Chudeau, Sahara soudanais, p. 203 ; conf. supra, p. 61. Rien ne prouve cependant que les bĆufs des Garamantes, mentionnĂ©s par HĂ©rodote (voir note suivante), aient Ă©tĂ© des zĂ©bus. Sâils avaient eu une bosse, lâhistorien nâaurait sans doute pas dit quâĂ lâexception des cornes et de la peau, ils me diffĂ©raient en rien des autres bĆufs. Les bĆufs des gravures rupestres sahariennes, signalĂ©es Ă Telliz ZarbĂšne par Barth (Reisen und Enideckungen, l, fig, Ă la p. 214) et dans le Tibesti par NachtigaI (Sahara und Sudan, I, fig. Ă la p. 307), ne sont pas des zĂ©bus. 2. Nombreux Ă Tyout : conf. Pomel, 1. c., pl. XIX. Un Ă Ksar el Ahmar (sud ora-nais). Peut-ĂȘtre Ă AĂŻn Memnouna : Gautier, Sahara algĂ©rien, fig. 18. n° 5 Ă la p. 99. â La direction de ces cornes fait penser Ă la description quâau Ve siĂšcle, HĂ©rodote donne des bĆufs du pays des Garamantes (IV, 183) : « Ils paissent Ă reculons, parce quâils ont des cornes qui sâinclinent en avant. VoilĂ pourquoi ils vont en reculons ; sâils allaient devant eux, leurs cornes sâenfonceraient dans la terre. Au reste, ils ne diffĂšrent en rien des autres bĆufs, sinon par lâĂ©paisseur de leur peau et lâimpression quâelle produit au toucher. » Pomel (l. c., p. 92 et 94) observe quâau rencontre encore frĂ©quemment, dans la race dite de Guelma, des bĆufs dont les cornes mont recourbĂ©es en avant, mais non pas au point de les forcer Ă paĂźtre Ă reculons. 3. Khauguel el Hadjar, pris de Guelma. Stations du sud oranais : Tyout, Ksar el Ahmar, Asla, Kef Mektouba, Guebar Rechim (dessins de M. Flamand). Col de Zenaga : Gautier, 1. c., fig. 12, n. Ă la p. 90) ; AĂŻn Memnouna : ibid., fig. 18. n° 6 et probablement n° 2, Ă la p. 99. 4. Oued Itel : Rec. de Constantine, XXXIII, 1890, pl. Ă la p. 304 ; ibid., XXXVIII, 1904, planches Ă la p. 107 (« pierre n° 3 » et « pierre n° 4 »). 5. Plusieurs Ă Tyout un Ă Bou Alem. Col de Zenaga : Gautier, l. c., fig. 13, Ă la p. 91 ; peut-ĂȘtre Ă Hadjra Mektouba : ibid., fig. 19, n° 3, Ă la p. 160), 6. Khanguel el Hadjar. Oued Itel : Rec. de Constantine, XXXVIII, pl. Ă la p. 167 (« pierre n° 1 »). Barrebi, au Sud de Figuig : Gautier, l. c., fig. 15, n° 2, Ă la p. 93.
ORIGINES DE LâĂLEVAGE ET DE LA CULTURE. 221
reprĂ©senter des buffles, non des bĆufs, et sâils nâont pas donnĂ© aux cornes une direction inexacte, afin quâelles fussent plus distinctes. Il est Ă peu prĂšs certain que des bĆufs domestiques exis-taient alors en BerbĂ©rie(1). A Khanguet el Hadjar, dans la rĂ©gion de Guelma, un bĆuf, Ă cornes courtes, est tenu en laisse par un homme(2). Ailleurs, plusieurs bovidĂ©s Ă longues cornes pa-raissent porter une sorte de bĂąt ou de housse(3). A lâoued Itel, au Sud-Ouest de Biskra, des signes ressemblant Ă des lettres de lâalphabet libyque sont tracĂ©s sur le cou et la croupe de lâun dâentre eux(4) : ce sont peut-ĂȘtre des marques de propriĂ©tĂ©(5). Ces animaux domestiques Ă©taient-ils issus de bovidĂ©s sau-vages indigĂšnes(6) ? ou dâindividus domestiques importĂ©s(7) ? ou de croisements entre des bĆufs Ă©trangers et des bĆufs indi-gĂšnes ? Il nous est impossible de le dire. A lâexception du Bos opisthonomus de Pomel, nous ne connaissons pas les bĆufs____________________ 1. Nous savons que des Africains qui vivaient entre lâĂgypte et la grande Syrte possĂ©daient des bĆufs au XIIIe et au XIIe siĂšcle avant notre Ăšre. Inscription deMĂ©neph-tah, Ă Karnak (boeufs du chef des Lehou) : de RougĂ©, Rev. archĂ©ologique, 1867, II, p. 41 ; Chabas. Ătudes sur lâantiquitĂ© historique, 2e Ă©dit., p. 196. Inscription de RamsĂšs III, Ă Medinet Habou (130 taureaux pris aux Mashaounaha) : Chahas, l. c., p. 244. 2. De Vigneral, Ruines romaines du cercle de Guelma, pl. IX (et, dâaprĂšs lui, Po-mel, BĆufs-taureaux, pl. XIX, fig. I) : reproduction assez peu exacte (vidi). 3. Oued Itel : Rec. de Constantine, l. c., Barrebi ; Gautier, fig. 15, n° 2 et 5, Ă la p. 95. â Dans le Tibesti, Nachtigal (Sahara und Sudan, l. p. 307-8) signale des gravures ru-pestres reprĂ©sentant des bĆufs, qui ont une corde enroulĂ©e autour de leurs cornes et dont quelques-uns portent des bĂąts. Mais il nâest pas certain que ces images soient de la mĂȘme Ă©poque que les gravures prĂ©historiques de la BrebĂ©rie. 4. Les signes figurĂ©s Ă la hauteur de la croupe semblent ĂȘtre tracĂ©s, non sur la peau, mais sur une housse. 5. Rec. de Constantine, XXXIII, pl. Ă la p. 304. â A Khanguel el Hadjar, on remarque un signe analogue sur le corps dâun quadrupĂšde qui mâa paru ĂȘtre un bĆuf : Reboud, ibid., XXII, 1882, p. 63 ; Bernelle ; ibid., XXVII, 1892, p. 57 ; Gsell, Bull. ar-chĂ©ologie du ComitĂ©, 1890, p. 440. 6. Selon Pomel, il y aurait eu en BerbĂ©rie, dĂšs lâĂ©poque quaternaire, une espĂšce quâil a appelĂ© Bos eurvidens, « Elle parait, dit-il (l. c., p. 105), avoir de grands rapports dâaffinitĂ© avec le bĆuf ibĂ©rique. » 7) C. Keller (Naturgeschichte der Haustiere, p. 135, 137) croit que la race de BerbĂ©rie est originaire dâAsie et quâelle a passĂ© par lâĂgypte ; elle se serait rĂ©pandue en Europe soit par lâAsie Mineure, soit plutĂŽt par le Nord-Ouest de lâAfrique.
222 LES TEMPS PRIMITIFS.
sauvages qui vivaient dans le pays Ă lâĂ©poque prĂ©historique. Nous manquons, dâautre part, de bons documents pour instituer des comparaisons entre les plus anciens bĆufs domestiques de lâAfrique du Nord et ceux qui existĂšrent en Ăgypte et en Eu-rope depuis des temps trĂšs reculĂ©s(1). Les bĆufs domestiques fournissaient aux indigĂšnes, com-me les bĆufs sauvages, leur viande(2) et leur cuir. De leur vi-vant, ils pouvaient servir de bĂȘtes de bĂąt et de selle(3), et aussi de bĂȘtes de trait, lĂ oĂč le chariot et la charrue Ă©taient en usage. La production du lait se dĂ©veloppe par la traite rĂ©guliĂšre, mais ce nâest pas, nous lâavons dit, une des principales qualitĂ©s des vaches de BerbĂ©rie(4). Le Babalus antiquus, frĂ©quemment reprĂ©sentĂ© sur les gra-vures rupestres, a-t-il Ă©tĂ© domestiquĂ©, ou tout au moins domptĂ© ? La puissante stature et la vigueur de ce buffle ne justifient peut-ĂȘtre pas une rĂ©ponse nĂ©gative(5), surtout si lâon admet quâil ait Ă©tĂ© identique Ă lâarni, animal domestique en Inde. Nous venons de mentionner des gravures reprĂ©sentant des bovidĂ©s qui por-tent probablement un bĂąt et qui pourraient ĂȘtre des buffles(6). Les ossements de suidĂ©s qui se trouvent dans les stations prĂ©historiques ont appartenu Ă des sangliers sauvages(7). Quant____________________ 1. Au quatriĂšme millĂ©naire, au plus tard, en Ăgypte ; Ă lâĂ©poque nĂ©olithique dans lâEurope centrale : Keller, l. c., p. 114, 115. 2. A lâimitation des Ăgyptiens, les Libyens des pays situĂ©s Ă lâEst de la Tunisie ne mangeaient pas de viande : HĂ©rodote, IV, 186. Nous ignorons si les habitants de la BerbĂ©rie sâimposĂšrent la mĂȘme abstinence. 3. Conf. plus haut, p. 221 et, pour lâĂ©poque historique, p. 61. 4. On sait que certains peuples, en particulier ceux de lâAsie orientale, ont hor-reur du lait. Il nâen Ă©tait pas de mĂȘme des indigĂšnes de lâAfrique septentrionale (voir HomĂšre, OdyssĂ©e, IV, 88-89 ; HĂ©rodote, IV, 172 et 186 ; PĂ©riple de Scytax, 112 ; Sal-luste, Jug., LXXXIX, 7 ; Strabon, XVII, 3, 8 et 15 ; MĂ©la, I, 41). Un passage de SynĂ©-dius (Lettre 148) indique, il est vrai, qâen pleine Ă©poque chrĂ©tienne, les habitants de la CyrĂ©naĂŻque sâabstenaient de traire leurs vaches. Mais rien ne prouve quâil en ait Ă©tĂ© de mĂȘme en BerbĂ©rie. 5. Pomel, Bubalus antiquus, p ; 91 : « Il nâest pas probable quâun pareil et si puissant colosse ait pu ĂȘtre domestiquĂ© Ă aucun degrĂ©. » 6. Voir p. 221. 7. Voir p. 101 et 104.
ORIGINES DE LâĂLEVAGE ET DE LA CULTURE. 223
au porc, qui, dans lâEurope centrale, Ă©tait domestiquĂ© dĂšs lâĂ©po-que nĂ©olithique, nous nâavons aucune preuve quâon lâait Ă©levĂ© en BerbĂ©rie avant la domination romaine. Il nâest pas vraisem-blable qui il y ait Ă©tĂ© introduit par lâintermĂ©diaire des Libyens qui habitaient entre la vallĂ©e du Nil et la Tunisie, car ceux-ci, Ă lâexemple des Ăgyptiens, ne mangeaient pas de cet animal(1) ; les PhĂ©niciens sâen abstenaient aussi(2). On distingue plusieurs « races » parmi les moutons qui vivent dans lâAfrique septentrionale(3) : 1° des races dites ara-bes, Ă queue fine, Ă tĂȘte blanche, noire ou brune, rĂ©pandues en AlgĂ©rie et au Maroc, dans les pays de plaines : animaux robustes, sobres, dont la viande est bonne dâordinaire, la laine « gĂ©nĂ©ralement courte, tassĂ©e, plus ou moins fine et presque toujours entremĂȘlĂ©e de jarre(4) » ; â 2° la race dite berbĂšre, qui se trouve dans les rĂ©gions montagneuses de lâAlgĂ©rie : petite, mal bĂątie, Ă la viande coriace, Ă la laine longue, mais rĂȘche et grossiĂšre ; â 3° la race barbarine, dans lâEst de la province de Constantine, dans toute la Tunisie et au delĂ vers lâOrient : caractĂ©risĂ©e par sa large queue, que termine une masse de graisse, dont le poids peut atteindre cinq kilogram-mes ; la viande est le plus souvent mĂ©diocre ; la laine, qui re-couvre presque tout le corps, est de qualitĂ© variable, rude chez la plupart des individus, soyeuse chez dâautres. Il y a eu na-turellement un grand nombre de croisements entre ces divers groupes,Selon une opinion courante, la race barbarine aurait Ă©tĂ© importĂ©e par les Arabes. Il est certain quâil existe depuis fort longtemps des moutons, Ă grosse queue dans lâAsie occi-____________________ 1. HĂ©rodote, IV, 186. 2. Porphyre, De abstinentia ab esu animalium, I,14. Les porcs, regardĂ©s comme des animaux impurs, Ă©taient exclus du temple de lâHerente phĂ©nicien, Ă GadĂšs : Silius Italicus, III, 22-23. 3. Voir Ă ce suivi Couput. AlgĂ©rie, EspĂšce ovine (Alger, 1900), p. 61 et suiv. ; conf. RiviĂšre et Lecq, Manuel de lâagriculteur algĂ©rien, p. 940-1. 4. Couput, l. c., p. 63.
224 LES TEMPS PRIMITIFS.
dentale(1), mais il nâest pas moins certain que des animaux of-frant cette particularitĂ© ont vĂ©cu en BerbĂ©rie dĂšs les Ă©poques punique et romaine(2). On peut du reste se demander sâil con-vient de faire une race Ă part des moutons qui possĂšdent ce rĂ©servoir de graisse. La race « berbĂšre » serait autochtone, ou du moins ex-trĂȘmement ancienne. Parmi les moutons dits arabes, la race Ă tĂȘte blanche aurait Ă©tĂ© introduite par les Romains, la race Ă tĂȘte brune par les Arabes, qui lâaurait amenĂ©e de Syrie. La premiĂšre serait la souche des fameux mĂ©rinos dâEspagne : mais, en Ber-bĂ©rie, elle se serait abĂątardie(3). Ce ne sont lĂ que des hypothĂš-ses, trĂšs contestables. Nous mentionnerons encore des moutons de race souda-naise, qui vivent au Sud de la BerbĂ©rie, dans le Sahara. Ils ont le crĂąne Ă©troit, le chanfrein busquĂ©, les pattes hautes et fines ; leur corps est couvert, non dâune toison, mais de poils analo-gues Ă ceux des chĂšvres(4). Les chĂšvres indigĂšnes actuelles sont en gĂ©nĂ©ral de trĂšs pe-tite taille, avec des poils long et noirs et des cornes dirigĂ©es en arriĂšre; elles donnent peu de lait. Cette race est propre au con-tinent africain, oĂč elle a une grande extension, depuis, lâAbys-sinie jusquâĂ lâAtlantique(5).____________________ 1. Voir, entre autres, HĂ©rodote, III, 113. Conf. Hahn, die Haustiere und ihre Bezichungen zur Wirtschaft der Menschen, p. 159 ; C. Keller, Naturgeschichte der Haustiere, p. 156. 2. Nous citerons plus tard les documents qui le prouvent. 3. Couput, l. c., p. 63. â Il est cependant fort douteux que la race des mĂ©rinos ait Ă©tĂ©, importĂ©e dâAfrique en Espagne et quâelle ait Ă©tĂ© introduite dans ce dernier pays par les Maures. Il y eut en Espagne, sous lâEmpire romain, de trĂšs beaux mou-tons, qui furent probablement les ancĂȘtres des mĂ©rinos : voir Strabon, III, 2, 6 ; Calu-melle, VII, 2, 4 : etc. Keller (l. c., p. 156, 165-6) croit les mĂ©rinos originaires dâAsie Mineure. Ils auraient Ă©tĂ© transportĂ©s en Occident par les colons grecs. 4. Conf. Duveyrier. les Touareg du Nord, p. 222-3. â Strabon (XVII, 2, 3) signale des moutons Ă poil de chĂšvre en Nubie (conf. Diodore, III. S). 5. Une autre chĂšvre, Ă©levĂ©e par les indigĂšnes et meilleure laitiĂšre, est plus grande et sans cornes : RiviĂ©re et Lecq, l. c., p. 984. â Les chĂšvres maltaises, espa-gnoles et dâAngora sont des importations rĂ©centes.
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Parmi les restes dâovidĂ©s rencontrĂ©s dans les stations de lâĂ©poque quaternaire, on nâa pu identifier avec certitude que le mouflon(1), qui se retrouve dans les stations nĂ©olithiques(2). Celles-ci contiennent des restes de moutons(3) et de chĂš-vres(4). Se fondant sur une cheville osseuse de corne et sur un os maxillaire, Pomel est disposĂ© a admettre une parentĂ© entre ces moutons et les mĂ©rinos(5) : opinion qui doit ĂȘtre mise Ă lâĂ©preu-ve de documents plus nombreux. Les chĂšvres pourraient ĂȘtre les ancĂȘtres des chĂšvres actuelles(6). Sur les armures rupestres sont reprĂ©sentĂ©s quelques mou-tons. Lâun dâeux, Ă Ksar el Ahmar, accompagne un homme(7). Il est remarquable, par le profil busquĂ© de sa tĂȘte et par la lon-gueur de ses pattes, qui rappellent la race soudanaise(8). Ses cor-nes sont recourbĂ©es en demi-cercle, avec la pointe tournĂ©e en avant; la queue est longue et, autant quâil semble, Ă©paisse. Il nây a aucune indication de toison(9).____________________ 1. Voir p. 102, n. 7. 2. P. 103. 3. Grottes dâOran : Pomel, OvidĂ©s, pl. XII, fig. 6-7 ; Pallary et Tommasini, Assoc, française, Marseille, 1891, II, p. 646 ; Pallary, Bull. de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Lyon, XI 1892, p. 380 ; Doumergue, Assoc. franç., Pau, 1892, II, p. 626 ; le mĂȘme, Bull. dâOran, 1907, p. 394. Grotte de SaĂŻda : Doumergue et poirier, Bull. dâOran, 1894, p. 111. Grotte dun grand-Rocher, prĂšs dâAlger ; Pomel, l. c., p. 22, 24, 25, pl. XI, XII, XIII. Grotte de Mustapha-SupĂ©rieur : Flamand, Assoc. franç., Ajaccio, 1901, II, p. 730. Grottes de Bougie : Debruge, Rec. de Constantine, XXXVII, 1903, p. 150, 160 : le mĂȘme, Assoc. franç., Cherbourg, 1903, II, p. 630. Grotte de Bou Zabaouine : Robert, CongrĂšs prĂ©histo-riques de France, PĂ©rigueux, 1903, p. 223. 4. Grottes dâOran : Pallary et Tommasini, l. c., ; Pallary, Bull. de la Soc. dâanthro-pologie de Lyon, l. c., ; Doumergue, Assoc. franç. Pau, l. c., SaĂŻda : Doumergue et Poirier, l. c.,. Grand-Rocher : Pomel, l. c., p. 27, pl. XIV. Mustapha-SupĂ©rieur : Flamand, l. c. Abri prĂšs de Bordj MĂ©naĂŻel (Kabylie occidentale : VirĂ©, Rec. de Constantine, XXXII, 1898, p. 11. Grotte de Kef el Ahmar, prĂšs de Tebessa : indication de M. Reygasse. 5. L. c., p. 31-32 ; conf. p. 20. 6. Pomel, l. c., p. 32. 7. Gsell, Monuments antiques de lâAlgĂ©rie, l. p. 45, fig. 12. 8. Conf. Pomel, l. c., p. 19-20, 31 et Singe et homme, p. 19. 9. Un mouton Ă longues pattes et cornes recourbĂ©es est aussi figurĂ© Ă Bou Alem, mais il nâa pas, comme celui de Ksar el Ahmar, le chanfrein busquĂ©. A Moghar, une gra-vure reprĂ©sente un animal qui parait ĂȘtre un mouton, Ă longues pattes et Ă longue queue : Flamand, Bull. de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Lyon, XX, 1991, p. 109, fig. IV, n° 2.
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A Bou Alem(1), au col de Zenaga(2), Ă Er Richa(3), on voit des bĂ©liers dont les cornes offrent la mĂȘme forme. Ils sont coif-fĂ©s dâun disque ou dâune sphĂšre, et plusieurs portent des col-liers. Ce ne sont donc pas des animaux sauvages(4). Des chĂšvres sont aussi figurĂ©es sur des gravures rupestres(5) ; Ă Er Richa, il y a un bouc Ă collier. Les moutons et les chĂšvres qui, Ă une Ă©poque antĂ©rieure, servirent aux repas des troglodytes devaient ĂȘtre aussi domesti-quĂ©s. Leur brusque apparition ne sâexplique que si lâon admet lâintroduction par lâhomme dâanimaux Ă©trangers(6). La domestication du mouton et de la chĂšvre remonte, en Europe comme en Ăgypte(7), Ă des temps trĂšs lointains. On peut remarquer quâen Ăgypte(8), la race la plus ancienne avait des pattes longues, comme le mouton de Ksar el Ahmar, mais des cornes diffĂ©rentes (transversales spiralĂ©es) ; dans la vallĂ©e infĂ©-rieure du Nil, elle semble sâĂȘtre Ă©teinte avant le Nouvel Empi-re(9). A partir du Moyen Empire, il y eut en Ăgypte une autre race, Ă cornes recourbĂ©es en avant ; câĂ©tait Ă celle-ci quâappartenait le bĂ©lier sacrĂ© dâAmmon(10), dont des gravures du Sud oranais nous montrent de grossiĂšres images (les bĂ©liers coiffĂ©s dâun____________________ 1. Lâun de ces bĂ©liers de Bou Alem est reproduit dans Gsell, l. c., p. 46, fig. 13 (sur son corps sont figurĂ©s des sĂ©ries de traits qui ressemblent plus Ă des poils quâĂ de la laine : le chanfrein est trĂšs busquĂ©). Pour lâautre bĂ©lier du mĂȘme lieu, voir Bull. de la Soc, dâanthr. de Lyon, XX, p. 99, fig. 9 (chanfrein busquĂ©, longues pattes, longue queue. 2. Gautier, Sahara algĂ©rien, fig. 14, Ă la p. 93 (reproduit par Pallary, Instructions, p. 72. fig. 58). 3. Dessin communiquĂ© par M. Flamand (chanfrein busquĂ©, longues pattes). 4. Au col de Zenaga il y a peut-ĂȘtre un mouton avec une corde au cou : Gautier, l. c., fig. 11, Ă la p. 89 ; conf. p. 88. 5. A Khanguel el Hadjar, Ă Tyout, peut-ĂȘtre aussi Ă Guebar Rechim (Flamand, Bull. de la Soc. dâanthr. De Lyon, XX, p. 204, fig VI ; Pomel, Antilopes Pallas, pl. XV, fig. 7, y voit des antilopes) et Ă lâoued Itel. 6. Le mouflon indigĂšne contribua-t-il Ă la formation dâune race locale ? Nous lâignorons. 7. C. Keller, Naturgeschichte der Haustiere, p. 155 et 180. 8. Keller, l. c., p. 137. Conf. Lortet et Gaillard, la faune momifiĂ©e de lâancienne Ăgypte, p. 102. 9. Lortet et Gaillard, l. c., p. VI, 87, 209. 10. Lortet et Gaillard, p. 87 et 102.
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disque)(1). Quant aux chĂšvres, elles ne sont point venues dâEu-rope, ou lâon ne constate pas lâexistence de la race naine afri-caine. Mais, comme cette race parait se rattacher Ă la chĂšvre Ă©gagre(2), qui vit encore Ă lâĂ©tat sauvage dans lâAsie occiden-tale, il est probable quâelle a Ă©tĂ© importĂ©e par le Nord-Est de lâAfrique. LâĂ©levage de la chĂšvre et du mouton est si aisĂ© et si utile quâil dut se dĂ©velopper rapidement en BerbĂ©rie, comme chez les indigĂšnes plus voisins de lâĂgypte(3). Cependant il nây a pas lieu de croire, avec Movers(4), que les Libyens aient Ă©tĂ© Ă cet Ă©gard les maĂźtres des Grecs : les arguments invoquĂ©s par le sa-vant allemand nâont, Ă notre avis, aucune valeur(5). Nous ne savons pas quel Ă©tait lâaspect des Ăąnes sauvages qui vĂ©curent dans lâAfrique du Nord jusquâen pleine Ă©poque his-torique(6). Des ossements dâĂąnes ont Ă©tĂ© recueillis dans quelques____________________ 1. Voir chapitre suivant. â On peut se demander si des bĂ©liers Ă cornu transversa-les ne sont pas reprĂ©sentĂ©s sur des peintures rupestres de la rĂ©gion de Constantine (Basco et Solignac, Rec. de Constantine, XLV, 1911, pl. IV et V, aux p. 338 et 340). Mais ces images sont dâune facture si maladroite quâil est impossible de rien affirmer. Peut-ĂȘtre ceux qui les ont tracĂ©s ont-ils indiquĂ© les cornes dans une position inexacte, afin quâelles fussent plus distinctes. Et ces prĂ©tendus bĂ©liers ne seraient-ils pas des mouflons ? 2. Keller, l. c., p. 185. 3. Au XIIIe siĂšcle, lâinscription de MĂ©nephtah, Ă Karnak, mentionne les chĂšvres du chef des Lebou : de RougĂ©. Revue archĂ©ologique. 1867, II, p. 41 ; Chabas, Ătudes, p. 196, Plus tard, HomĂšre (OdyssĂ©e, IV, 83-89), un oracle du Delphes (HĂ©rodote, IV. 155), Pindare (Pythiques. IX, 6) vantent la richesse en moutons de cette partie de lâAfrique. 4. Die Phönizier, II, 2, p. 360-8, n. 7 ; conf. p. 409 et 465. 5. Selon Varron (Rust., II, 1, 6), Hercule aurait conquis, dans le jardin des HespĂ©ri-des, non des pommes dâor, mais des chĂšvres et des mouflons, quâil aurait ramenĂ©s dâAfrique en GrĂšce. Si lâon veut prendre au sĂ©rieux cette indication, on ne peut guĂšre penser quâĂ un souvenir trĂšs dĂ©formĂ© de lâintroduction en GrĂšce de certaines races propres Ă lâAfrique (conf. peut-ĂȘtre, pour les moutons, Lortel et Gaillard, l. c., p. 96-97, qui signalent, dans le Sud-Est de lâEurope, une race ovine Ă©troitement apparentĂ©e Ă la race la plus ancienne de lâĂgypte). â Quand mĂȘme HĂ©rodote (IV, 189) aurait raison de dire que les Grecs ont em-pruntĂ© lâĂ©gide dâAthĂ©na au vĂȘtement en peau de chĂšvre des femmes libyennes, cela ne prou-verait pas naturellement quâils aient connu par les Libyens la chĂšvre domestique. â Le mot grec ÏÎčÏÏ ÏÎżÏ (bouc), qui, selon un commentateur de Virgile (Probus, apud Thiln et Hagen, Ă©dit. de Servius, III. 2, Appendix Serviana, p. 329), aurait appartenu Ă la langue libyque, a dĂ» ĂȘtre importĂ© en CyrĂ©naĂŻque par les Doriens : il nâĂ©tait pas plus dâorigine africaine que les mots latins capra et hircus, auxquels Movers cherche sans raison une Ă©tymologie libyque, 6. Voir plus haut, p. 116.
228 LES TEMPS PRIMITIFS.
grottes Ă mobilier nĂ©olithique(1), mais il est impossible de dire si ces animaux Ă©taient domestiquĂ©s. Les gravures rupestres ne nous donnent pas non plus dâindications certaines(2). LâĂąne domestique, issu dâun Ăąne sauvage qui se rencon-tre encore dans le Nord-Est du continent africain(3), existait en Ăgypte dĂšs le quatriĂšme millĂ©naire avant J.-C.(4). Au XIIIe et au XIIe siĂšcle, les Libyens Ă©tablis entre la vallĂ©e du Nil et la grande Syrte possĂ©daient des Ăąnes(5). Il est permis de croire que les habitants de la BerbĂ©rie apprirent dâeux les services que pouvaient rendre ces prĂ©cieuses bĂȘtes de somme et de selle. Les Ăąnes actuels appartiennent Ă une race qualifiĂ©e dâafricaine, dont les plus beaux reprĂ©sentants se trouvent en Ăgypte(6). Ils sont petits, avec une tĂȘte forte, aux yeux grands et doux, une____________________ 1. Grottes dâOran : Pallary et Tommasini, Assoc. française, Marseille, 1891, II, p. 645 ; Pallary, Bull. de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Lyon, XI, 1892, p. 300. Grotte de SaĂŻda : Doumergue et Poirier, Bull. dâOran, 1894, p. 111. Grotte du Grand-Rocher, prĂšs dâAlger (restes abondants) : Pomel, equidĂ©s, p. 30, pl. IX-XII (p.41 : « Ăąne qui, sâil nâest pas lâafricanus actuel, nâen est pas trĂšs diffĂ©rent »). Ficheur et Brives (Comptes rendus de lâAcadĂ©mie des Sciences, CXXX, 1900, p.1487) signalent, avec doute, lâĂąne dans la grotte des Bains-Romains (prĂšs dâAlger), abri habitĂ© Ă une Ă©poque plus ancienne, du temps de 1âhippopotame et du rhinocĂ©ros. 2. A Ennefous, prĂšs dâEr Richa, dans le Sud oranais, sont reprĂ©sentĂ©s des Ă©quidĂ©s (MaumenĂ©, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1901, p. 303, fig. 2 ; Delmas, Bull. de la So-ciĂ©tĂ© dauphinoise dâethnologie et dâanthropologie, IX, 1902, p.137-138, fig. 11), que M. Delmas regarde, peut-ĂȘtre avec raison, comme des Ăąnes. Sur lâun dâeux, on voit nettement une croix, formĂ©e par deux bandes dont lâune court le long du dos et dont lâautre coupe la premiĂšre prĂšs du garrot ; des zĂ©brures raient transversalement lâune des jambes : ces par-ticularitĂ©s sont frĂ©quentes chez les Ăąnes africains. M. MamnenĂ© indique des mouchetures sur tout le corps de ces animaux, en faisant cependant observer quâelles sont trĂšs frustes et paraissent avoir Ă©tĂ© obtenues en frottant la pierre ; M. Delmas signale seulement un polis-sage de la surface du grĂ©s, correspondant aux naseaux, au cou et Ă une bande horizontale le long du ventre. Si les gravures offrent vĂ©ritablement des mouchetures, on peut penser Ă des chevaux pommelĂ©s. Il y a aussi un Ă©quidĂ© au corps mouchetĂ© Ă Guebar Rechim (Gsell, Monuments antiques de lâAlgĂ©rie, I, p.46). Il mâest difficile de reconnaĂźtre un Ăąne sur une gravure dâAĂŻn Memnouna : Gautier, Sahara algĂ©rien, fig. 18, n° 2, Ă la p. 99. A Telliz ZarbĂ©ne, dans le Sahara, Barth (Reisen und Enideckungen, I, p. 210) mentionne un animal qui pourrait ĂȘtre un Ăąne. Mais il nâest pas sĂ»r quâil sâagisse dâune gravure fort ancienne. 3. Equus taeniopus (Nubie et pays des Somalis). 4. Conf. Keller, l. c., p. 217. 5. Ănes du chef des Lebou : de RougĂ©, l. c.; Chabas, Ătudes, p. 196. Ănes des Mashaounsha : Chabas, p. 244. 6. Sanson, TraitĂ© de zootechnie, 4e Ă©dit., III, p. 140 et suiv.
ORIGINES DE LâĂLEVAGE ET DE LA CULTURE. 229
encolure mince, une criniĂšre trĂšs courte, un dos court et tran-chant, une poitrine Ă©troite ; la robe est le plus souvent grise, comme celle des onagres de Nubie. Ils vivent vieux et montrent des qualitĂ©s, remarquables de, docilitĂ©, de sobriĂ©tĂ©, dâenduran-ce et dâagilitĂ©(1). IndĂ©pendamment des importations rĂ©centes(2), il y a en BerbĂ©rie deux types de chevaux, le barbe et lâarabe. Le cheval barbe(3) a une tĂȘte assez forte, un front bombĂ©, des arcades orbitaires peu saillantes, un chanfrein busquĂ©, des joues fortes, des lĂšvres minces, une bouche petite, des oreilles minces et droites, une encolure arrondie et large, Ă criniĂšre bien fournie, un garrot Ă©levĂ©, un dos et des lombes courts, une crou-pe courte et tranchante, une queue touffue, attachĂ©e bas, des membres forts, mais souvent assez mal plantĂ©s(4). La taille est peu Ă©levĂ©e (1 m. 50 en moyenne). La robe est de couleur varia-ble ; le gris domine. Lâaspect gĂ©nĂ©ral est lourd, sans Ă©lĂ©gance. Mais cet animal possĂšde de grandes qualitĂ©s : docilitĂ©, vitesse,____________________ 1. Sanson, 1. c., p. 145-6 ; conf. RiviĂšre et Lecq, Manuel de lâagriculteur algĂ©rien, p. 1005. 2. Sanson (l. c., p. 81) indique en BerbĂ©rie un certain nombre de chevaux qui seraient de race germanique. A supposer que le fait soit exact, lâĂ©poque de lâintroduction de ces animaux reste trĂšs incertaine, car rien ne prouve quâils aient Ă©tĂ© amenĂ©s par les Vandales, ni surtout, comme le croit PiĂ©trement (les Chevaux dans les temps prĂ©histori-ques et historiques, p. 731), par « les blonds constructeurs des dolmens des Ătats barba-resques ». 3. Jâindique ses principales caractĂ©ristiques surtout dâaprĂšs Sanson, l. c., p. 62. Voir aussi Aureggio, les Chevaux du Nord de lâAfrique (Alger, 1803), p. 82. 4. Sanson (l. c., p. 52-53, 63) a observĂ© que des barbes nâont, comme, les Ăąnes, que cinq vertĂšbres lombaires, au lieu de six. Il a constatĂ© aussi (p. 141-2), chez quel-ques barbes, comme chez les Ăąnes, lâabsence de chĂątaignes aux membres postĂ©rieurs. La race, Ă lâĂ©tat pur, offrait, croit-il, ces deux caractĂšres, que la plupart des chevaux africains auraient perdus par suite de croisements. La race barbe serait donc apparentĂ©e Ă lâĂąne. Jâajouterai, dâaprĂšs une indication de M. Neuville, quâelle serait aussi apparentĂ©e au zĂšbre, qui, lui aussi, possĂšde seulement cinq vertĂšbres lombaires et nâa de chĂątaignes quâaux membres antĂ©rieurs. Mais dâautres savants ont montrĂ© que les deux particularitĂ©s indiquĂ©es ne sont pas propres Ă la race africaine. M. Cossart Ewart (citĂ© par Boule, les Chevaux fossiles des grottes de Grimaldi, p. 8, dans Annales de palĂ©ontologie, V, 1910) en fait des caractĂšres typiques de son Equus cabullus celticus. Certains prĂ©tendent mĂȘme quâil sâagit simplement dâanomalies individuelles : pour les vertĂšbres, voir Aureggio, l. c., p. 64-65, 471-2.
230 LES TEMPS PRIMITIFS.
vigueur, rĂ©sistance aux privations et aux fatigues. Les barbes, dont le type pur est devenu rare par suite de croisements mul-tipliĂ©s avec les arabes, sont apparentĂ©s Ă des chevaux qui ont existĂ© ou existent encore dans le Nord-Est de lâAfrique(1). Le cheval dit arabe a le front plat et large, les arcades orbitaires saillantes, le chanfrein droit ou lĂ©gĂšrement concave, les joues plates, les narines plus larges que celles du barbe, les oreilles plus petites, la criniĂšre moins abondante, mais plus fine. Les formes du corps sont sveltes, souples, dâune Ă©lĂ©gan-ce et dâune harmonie qui nâexclut pas la vigueur. Cette race, dont les exemplaires les plus beaux sont en Syrie, se retrou-ve aujourdâhui dans tous les pays musulmans. Câest elle qui a donnĂ© naissance aux pur-sang anglais, par des individus ex-portĂ©s, au XVIIe et au XVIIIe siĂšcle, soit de Turquie, soit des Ătats barbaresques. Il nâest pas vraisemblable quâelle soit ori-ginaire dâArabie. Jusquâaux environs de notre Ăšre, les Arabes montaient des chameaux(2) ; plus tard, ils eurent des chevaux, qui durent venir surtout de Syrie(3) et qui restĂšrent en petit nom-bre jusquâaux conquĂȘtes de lâIslam(4). En BerbĂ©rie, la diffusion de la race arabe, ou plutĂŽt syrien-ne, ne parait pas dater de bien loin. On croit dâordinaire, mais sans preuves, quâelle nâa Ă©tĂ© introduite que par les musulmans, Ă partir du VIIe siĂšcle. En tout cas, la plupart des monuments____________________ 1. Câest la race de Dongola. â La race barbe a Ă©tĂ© introduite en Espagne (San-son, l. c., p. 57), peut-ĂȘtre dĂšs lâantiquitĂ©. 2. Conf. Hehn, Kulturpflanzen und Hausthiere, p. 28-29 de la 6e Ă©dition, 3. Il y eut aussi des importations de la cĂŽte orientale dâAfrique. Ce sont les chevaux de Berbera [et non de BerbĂ©rie], dont il est question dans AmroâlkaĂŻs, au VIe siĂšcle : voir de Slane, Diwan dâAmroâlkaĂŻs, p. 92. Ils devaient ĂȘtre de la race de Don-gola, apparentĂ©e Ă la race barbe. Mais ce ne serait pas une raison pour soutenir que les chevaux quâon appelle aujourdâhui arabes, et quâil vaudrait mieux appeler chiens, soient simplement des descendants de chevaux africains. Ils ont, nous lâavons indiquĂ©, des caractĂšres diffĂ©rents. 4. Voir Hahn, die Haustiere, p. 190. Il ne faut cependant pas affirmer que les Arabes nâaient eu de bons chevaux quâaprĂšs la conquĂȘte de lâAfrique du nord (contra : Hehn, l. c., p. 29-30). On sait combien lâĂ©loge du cheval est frĂ©quent dans la poĂ©sie antĂ©islamique.
ORIGINES DE LâĂLEVAGE ET DE LA CULTURE. 231
antiques qui reprĂ©sentent des chevaux de lâAfrique du Nord et les textes anciens qui les concernent semblent se rapporter Ă la race barbe(1). Depuis quand occupe-t-elle cette contrĂ©e ? Dans les stations palĂ©olithiques, les seuls Ă©quidĂ©s dont les ossements puissent ĂȘtre dĂ©terminĂ©s avec certitude sont des zĂš-bres(2). Nous nâavons aucune preuve que le cheval ait existĂ© alors en BerbĂ©rie. Il est Ă©galement absent ou trĂšs douteux dans les stations nĂ©olithiques les plus anciennes. Il ne se trouve que dans les couches supĂ©rieures des grottes(3). Il apparaĂźt, mais ra-rement, sur les gravures rupestres du Sud oranais, contempo-raines de lâindustrie nĂ©olithique berbĂšre. Sur lâune dâelles(4), un quadrupĂšde, fort mal dessinĂ©, mais qui ne peut ĂȘtre quâun cheval, est « affublĂ©, dit Pomel, dâune large ceinture, proba-blement en guise de selle(5) ». Une seconde image(6) non moins grossiĂšre, nous montre un autre cheval, portant une sorte de housse. On voit quâil sâagit dâanimaux domestiques. Un cheval, recouvert dâune grande housse et attachĂ© Ă un tronc dâarbre, est aussi reprĂ©sentĂ© sur un dessin du Sud du Maroc, qui semble bien, comme les prĂ©cĂ©dents, appartenir Ă la sĂ©rie des gravures dites prĂ©historiques(7). Dans lâĂ©tat actuel de nos connaissances, nous pouvons donc admettre que le cheval Ă©tait Ă©tranger Ă la faune de lâAfri-que septentrionale et quâil a Ă©tĂ© introduit par lâhomme Ă une Ă©poque assez rĂ©cente. Aux Ă©paules, aux genoux, aux jarrets de quelques-uns des____________________ 1. Nous reviendrons sur cette question. Voir Tissot, GĂ©ographie, 1, p. 354 et suiv. ; Bernard, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1906, p. I et suiv., en particulier p. 16. 2. Voir p. 101. 3. Grottes dâOran : Pallary, Assoc. française, Caen, 1894, II, p. 741. Doumergue et Poirier (Bull. dâOran, 1894, p. 111) indiquent de nombreux restes de chevaux dans la grotte de SaĂŻda ; ne seraient- ce pas des zĂšbres ? 4. Hadj Mimoun (Sud oranais) : Pomel, Singe et homme, pl. I, fig. 8. 5. Observer cependant quâau mĂȘme lieu, on voit une « ceinture » analogue autour du corps dâun animal qui parait ĂȘtre une antilope : Pomel, l. c., p1. I, fig. 2. 6. Oued Bridj (Sud oranais) : Pomel, l, c., p. 19, pl. I, fig. 4. 7. Duveyrier, Bull. de la SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie, 1876, II, p. 137 et planche, n°51 51.
232 LES TEMPS PRIMITIFS.
chevaux reprĂ©sentĂ©s sur des mosaĂŻques africaines, on observe des zĂ©brures, qui se voient encore aujourdâhui chez des bar-bes(1). Il ne semble pas impossible que cette race se soit cons-tituĂ©e par des croisements de zĂšbres africains et de chevaux domestiques importĂ©s(2). Nous avons dit quâun type trĂšs voisin de celui des barbes se trouve dans le Nord-Est de lâAfrique. Des monuments Ă©gyp-tiens nous apprennent quâil existait dans la vallĂ©e du Nil depuis le Nouvel Empire, vers le XVIe siĂšcle(3) ; auparavant, le cheval parait avoir Ă©tĂ© inconnu on Ăgypte(4). DâoĂč lâon peut conclure soit que la race africaine sâest formĂ©e Ă une Ă©poque antĂ©rieure dans le Nord-Ouest du continent et que, de la, elle sâest rĂ©pan-due vers lâEst(5), soit, au contraire, quâelle sâest constituĂ©e dans le Nord-Est de lâAfrique, vers le dĂ©but du Nouvel Empire, ou un peu plus tĂŽt, et quâelle sâest ensuite propagĂ©e en BerbĂ©rie. Mais rien n oblige Ă croire que, dans ce dernier pays, le cheval ait Ă©tĂ© domestiquĂ© avant le temps oĂč les Ăgyptiens sâen servirent. Nous nâavons non plus aucune raison dâadmettre que la BerbĂ©rie ait____________________Autres chevaux sur des gravures, peut-ĂȘtre prĂ©historiques, de la mĂȘme rĂ©gion ibid., p. 136, 137 ; planche, n° 17 et 36. â A Telliz ZarhĂ©ne, dans le Sahara, Barth (l. c., p. 216) a cru reconnaĂźtre un cheval parmi des bĆufs. Mais ce cheval est-il une gravure prĂ©historique ? 1. Ridgeway, the Origin and influence of the thorougbred horse (Cambridge, 1905), p. 457, 470 (conf. Reinach, dans lâAnthropologie, XIV, 1903, p. 202-3) ; Ber-nard, l, c., p. 22. Des zĂ©brures analogues se constatent, mais plus rarement, dans dâautres races de chevaux, soit par suite de croisements avec des africains, soit parce que ces races ont eu elles-mĂȘmes des Ă©quidĂ©s zĂ©brĂ©s parmi leurs trĂšs lointains ancĂȘtres : conf. Boule, dans lâAnthropologie, XVII, 1906, p. 152. Mais il est fort douteux que des Ă©qui-dĂ©s vĂ©ritablement zĂ©brĂ©s aient encore vĂ©cu en Europe Ă lâĂ©poque quaternaire (Boule, les Chevaux fossiles, etc., p. 21). â Les Ăąnes dâAfrique offrent les mĂȘmes indices dâune parentĂ© avec le zĂšbre : ils ont souvent, eux aussi, des raies transversales aux jambes. 2. Voir aussi lâobservation faite Ă la note 4 de la page 229. On a contestĂ©, il est vrai, que les produits du cheval et du zĂšbre puissent ĂȘtre fĂ©conds. La question parait devoir ĂȘtre tranchĂ©e dans le sens de lâaffirmative : voir Brehm, Vie des animaux, Mam-mifĂšres, II, p. 432 de la traduction française. 3. Sanson, l. c., p. 54 (« cheval dongolĂąwi). PiĂštrement, les Chevaux, p. 458-7. 4. Selon lâopinion commune (Maspero, Histoire ancienne des peuples de lâOrient classique, II, p. 51), il aurait Ă©tĂ© introduit parles HyksĂŽs : ce qui nâest pas prouvĂ©. 5. Opinion de M. Ridgeway, l. c., p. 227.
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reçu de lâEurope les animaux qui ont formĂ© la race barbe. Au contraire, lâĂgypte, Ă lâĂ©poque oĂč elle commença Ă avoir des chevaux, Ă©tait en relations suivies avec lâAsie. Or, dans lâOuest de ce continent, il y a des chevaux qui, tout en offrant un type distinct des barbes, leur sont cependant apparentĂ©s(1), et il est certain que cet animal a Ă©tĂ© employĂ© par lâhomme dans lâAsie occidentale plus tĂŽt que dans la vallĂ©e du Nil(2). Sans nous dis-simuler notre manque de compĂ©tence en cette question et la fragilitĂ© de nos hypothĂšses, nous sommes disposĂ© Ă croire que le cheval domestique a Ă©tĂ© importĂ© dâAsie en Ăgypte, que, dans le voisinage de lâĂgypte, peut-ĂȘtre dans la Nubie, soumise aux Pharaons, une race nouvelle sâest formĂ©e, par des croisements avec des zĂšbres, et qui ensuite elle sâest rĂ©pandue vers le Nord-Ouest(3), dans la seconde moitiĂ© du deuxiĂšme millĂ©naire avant J.-C., par lâintermĂ©diaire des Libyens habitant entre 1âEgypte et la grande Syrte : ceux-ci avaient certainement des chevaux au XIIIe et au XIIe siĂšcle, mais encore en petit nombre(4). Chez les peuples de lâantiquitĂ©, les chevaux furent dâabord utilisĂ©s surtout comme bĂȘtes de trait, attelĂ©es par paires Ă des____________________ 1. Le gĂ©nĂ©ral Daumas (les Chevaux du Sahara, p. 30) va jusquâĂ Ă©crire : « Tous les cheveux de lâAfrique et de lâAsie peuvent ĂȘtre confondus sous une dĂ©-nomination commune. » â Il est vrai que certains auteurs (voir, entre autres, S. Reinach, Comptes rendus de lâAcadĂ©mie des Inscriptions, 1903, p. 103) pensent que ces chevaux asiatiques apparentĂ©s aux africains sont leurs descendants, non leurs ancĂȘtres; quâen Asie, il nây avait auparavant que des chevaux semblables aux chevaux europĂ©ens prĂ©historiques (petits, avec une grosse tĂȘte). Il faudrait alors admettre, puisque le cheval nâest pas indigĂšne dans le Nord de lâAfrique, que des animaux, introduits soit dâEurope, soit dâAsie dans le continent africain, sây seraient beaucoup modifiĂ©s dans un laps de temps trĂšs court. Au reste, M. Boule (Annales de palĂ©ontologie, mĂ©moire citĂ©) a montrĂ© que, dĂšs lâĂ©poque quaternaire, il y avait dĂ©jĂ divers types de chevaux. 2. Voir E. Meyer, Geschichte des Altertums, 2e Ă©dit., I, 2, p. 579. Selon ce savant, la MĂ©sopotamie a pu connaĂźtre, vers 1900 avant J.-C. des chevaux importĂ©s du plateau iranien, oĂč les Aryens les auraient Introduits. 3. Peut-ĂȘtre y a-t-il eu en BerbĂ©rie de nouveaux croisements avec la zĂšbre. 4. Inscription de MĂ©nephtah, Ă Karnak (de RougĂ©, Revue archĂ©ologique, 1867, Il, p. 43 ; Chabas, Ătudes, p. 200) ; les Ăgyptiens sâemparent de quatorze pai-res de chevaux, appartenant au chef des Lebou et Ă ses fils. A propos de ce chiffre,
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chars lĂ©gers, qui portaient des guerriers. Il en fut ainsi chez les Libyens orientaux(1) : HĂ©rodote prĂ©tend mĂȘme que les Grecs apprirent dâeux Ă atteler quatre chevaux(2). Les habitants de la BerbĂ©rie eurent aussi des chars, qui sont signalĂ©s aux temps historiques(3). Mais, dĂšs une Ă©poque reculĂ©e, ils durent se servir de leurs chevaux comme de montures : les gravures rupestres que nous avons mentionnĂ©es autorisent cette supposition. En rĂ©sumĂ©, nous ignorons lâorigine des bĆufs domesti-ques de lâAfrique du Nord ; on peut se demander sâil ne sâagit pas dâune race issue de bĆufs sauvages indigĂšnes. Il en a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© de mĂȘme des Ăąnes, quoique lâintroduction dâanimaux domestiques du Nord-Est de lâAfrique nous paraisse beaucoup plus probable. Les moutons, les chĂšvres, les chiens et les che-vaux sont sans doute dâorigine Ă©trangĂšre. Les chĂšvres et les moutons semblent avoir Ă©tĂ© introduits tout dâabord et il est per-mis de conjecturer quâils sont venus de lâEst. Nous croyons quâon peut en dire autant des chevaux.
II
LâĂ©levage, associĂ© dâordinaire Ă la chasse, resta pendant fort longtemps, jusquâaux environs de notre Ăšre, la ressource essentielle dâus grand nombre dâindigĂšnes, non seulement dans_____________________de RougĂ© observe : « Il parait que les chevaux nâĂ©taient pas encore trĂšs nombreux sur les cotes africaines. » â Inscription de RamsĂšs III, Ă Medinet Habou (Chabas, l. c., p. 244) : 183 chevaux et Ăąnes pris aux Mashaouasha. 1. Si lâinscription de Karnak indique des paires de chevaux, câest sans doute parce que ces animaux Ă©taient attelĂ©s Ă des chars. Parmi le butin fait sur les Mas-haouasha, lâinscription de Medinet Habou mentionne non seulement des chevaux, mais aussi 93 chars. 2. IV, 189. Pour les chars des Libyens orientaux, voir encore HĂ©rodote, IV, 170 et 183 ; VII, 86 et 184. 3. HĂ©rodote, IV, 193, Diodore de Sicile, XX, 38, 1 ; XX, 64, 1. Strabon, XVII, 3, 7. On pourrait admettre des influences puniques.
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les rĂ©gions de steppes oĂč le climat interdisait la culture du sol, mais mĂȘme dans une bonne partie du Tell. Faire paĂźtre des troupeaux et recueillir leurs produits est une occupation qui demande assurĂ©ment moins de peine que le dĂ©frichement et lâagriculture, que la plantation, la greffe, lâentretien des arbres fruitiers, et câĂ©tait peut-ĂȘtre par indolence que bien des Africains se contentaient des maigres profits quâils tiraient dâun travail intermittent et facile. Mais il faut aussi se souvenir que, dans les contrĂ©es oĂč la sĂ©curitĂ© est prĂ©caire, les pasteurs, avec leurs troupeaux mobiles, Ă©chappent aux dangers du pillage et de la guerre mieux que les cultivateurs. Ceux-ci doivent ĂȘtre assurĂ©s de la possession paisible de leurs terres pendant les mois qui sâĂ©coulent entre les semailles et la rĂ©colte, pendant les annĂ©es qui se passent entre la plantation ou le greffage des arbres et 1âĂąge de la fructification. Ils ne peuvent pas dĂ©placer aisĂ©ment leurs provisions : la destruction de leurs vergers les ruine pour longtemps. Si beaucoup dâindigĂšnes se bornĂšrent Ă lâĂ©levage, alors que le climat et le sol leur auraient permis un autre genre dâexistence, ce fut moins par paresse que par crainte de tra-vailler en vain. Dâautres se, livrĂšrent Ă la culture. Des chasseurs, des pasteurs pouvaient vivre, sans sâastreindre Ă de longs par-cours, dans les pays de la BerbĂ©rie qui leur offraient en toute saison du gibier et les pĂąturages nĂ©cessaires Ă leurs troupeaux. Ils nâavaient aucune raison de se dĂ©placer, quand ils ne de-vaient pas sâenfuir devant des tribus plus fortes, ou quand ils ne convoitaient pas eux-mĂȘmes des territoires plus riches. Ils Ă©taient ainsi dans des conditions favorables pour devenir cultivateurs. En bien des lieux, cette occupation nouvelle a pu ĂȘtre un des effets, et non pas la cause premiĂšre de la fixitĂ© des demeures. Il nâest pas trop tĂ©mĂ©raire de croire que quelques lĂ©gumes aient Ă©tĂ© cultivĂ©s dans lâAfrique du Nord dĂšs une Ă©poque fort
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ancienne(1), entre autres la fĂšve, peut-ĂȘtre spontanĂ©e dans cette contrĂ©e(2). Quant aux cĂ©rĂ©ales, elles furent connues dans certaines rĂ©-gions dâassez bonne heure, en tout cas avant la domination car-thaginoise(3), avant mĂȘme la colonisation phĂ©nicienne. Il est vrai que les stations nĂ©olithiques du Sahara oĂč lâon trouve des meules Ă grains peuvent dater seulement de quelques siĂšcles avant notre Ăšre(4). Mais on a dĂ©couvert des ustensiles semblables dans une grotte du Rio Salado, sur le littoral oranais(5), et dans une grotte de Brezina (Atlas saharien)(6), avec un mobilier qui appartient Ă une industrie nĂ©olithique vraiment prĂ©historique(7). Le sorgho parait ĂȘtre indigĂšne dans le continent africain(8), oĂč il a rendu les mĂȘmes services aux hommes que le millet dans dâautres contrĂ©es ; mais nous nâavons pas de preuves quâil____________________ 1. Mais il faut Ă©carter les hypothĂšses de Movers (die Phönizier, II, 2, p. 410), qui attribue Ă plusieurs cultures lĂ©gumiĂšres une lointaine origine africaine. Ses arguments sont inadmissibles. Le terme punicum cicer, quâon trouve dans Columelle (11, 10, 20 ; IX, I, 8), indique simplement lâexistence dâune variĂ©tĂ© de pois, cultivĂ©e par les Carthaginois, et non par les Libyens. Les Ă©tymologies berbĂšres que Movers donne des mots cicer, lens, faba, sont tout Ă fait invraisemblables ; dans les cas mĂȘme oĂč les noms berbĂšres sont rĂ©ellement apparentĂ©s aux noms latins, lâemprunt est imputable aux Africains, non aux Italiens. 2. Voir plus haut, p. 108. Les fĂšves Ă©taient impures pour les Ăgyptiens (HĂ©rodote, II, 37), mais rien ne prouve que les indigĂšnes de la BerbĂ©rie sâen soient abstenus. A Bougie, on a trouvĂ© des fĂ©veroles calcinĂ©es, avec des objets dâune haute antiquitĂ©, postĂ©rieurs ce-pendant Ă la connaissance du fer : Debruge, Rec. de Constantine, XXXIX, 1905, p. 119. 3. Vers 506, HĂ©catĂ©e (Fragm. Hist. graec., Ă©dit. MĂŒller, I, p. 23, n° 305) indiquait des Libyens laboureurs et mangeurs de blĂ©, probablement dons la Tunisie orientale. Or il est Ă croire quâa cette Ă©poque, Carthage nâavait pas encore de possessions territoriales en Afrique (conf. Meltzer, Geschichte der Karthager, I, p. 82). 4. Voir p. 208. 5. Meule elliptique en basalte, avec un broyeur circulaire, aplati ; au musĂ©e dâAl-ger : conf. Pallaty, Revue africaine, LV, 1911, p. 324. 6. Delmas, Assoc. française, Toulouse, 1916, II, 2e partie, p. 372 (meules ellipti-ques), p, 371 (pilons et molettes). â Peut-ĂȘtre aussi Ă Redeyef, dans le Sud Ouest de la Tunisie : Gobert, dans lâAnthropologie, XXIII, 1912, p. 157-8 (dĂ©bris de meules dorman-tes en grĂ©s ; nombreuses molettes, consistant en galets de grĂšs ; cependant il nâest pas sĂ»r que ces objets aient servi Ă Ă©craser des grains). 7. Des meules en granit et en grĂšs, des broyeurs en quartzite ont Ă©tĂ© aussi recueillis Ă Bougie, mais ces objets sont postĂ©rieurs Ă la connaissance du fer Debruge, l. c., p. 109, 118, 119. 8. De Candolle, origine des plantes cultivĂ©es, p. 306-7. Körnicke, die Arten und VarietĂ€ten des Getreides, p, 19 et 302.
ORIGINES DE LâĂLEVAGE ET DE LA CULTURE. 237
ait Ă©tĂ© cultivĂ© trĂšs tĂŽt en BerbĂ©rie(1). Nous ne savons pas oĂč a commencĂ© la culture de lâorge et du blĂ©, ni de quelle maniĂšre elle sâest rĂ©pandue. En gĂ©nĂ©ral, on est disposĂ© Ă chercher leur centre de diffusion dans lâAsie occidentale, oĂč ces vĂ©gĂ©taux existent encore Ă lâĂ©tat sauvage(2), quoiquâun tĂ©moignage an-cien, dâailleurs sujet Ă caution, indique du blĂ© spontanĂ© dans une rĂ©gion voisine de la BerbĂ©rie, en Sicile(3). Faut-il admettre une pĂ©riode primitive de culture Ă la houe ? Ou lâorge et le blĂ© ont-ils Ă©tĂ© introduits dans lâAfrique du Nord en niĂšme temps que la charrue et lâusage des bovidĂ©s chĂątrĂ©s pour la tirer : conditions de lâagriculture des peuples classiques(4), qui Ă©taient rĂ©alisĂ©es en Ăgypte dĂšs le dĂ©but des temps historiques ? les habitants de la BerbĂ©rie auraient reçu le tout par lâintermĂ©diaire des Libyens orientaux(5). Ces hypothĂš-ses sont tellement fragiles quâil vaut mieux ne pas insister(6). Nous nâavons aucune indication prĂ©cise sur le lin, dont la_____________________ 1. On peut mĂȘme douter quâil lâait Ă©tĂ© aux Ă©poques punique et romaine. 2. Pour le blĂ© sauvage de Syrie et de Palestine, voir Anronsohn, Agricultural and botanicol explorations in Palestine (Washington, 1910), p. 42 et suiv. Il a pour satellite lâHordeum spontaneum et M. Auronsahn (p. 50) estime que la culture des deux cĂ©rĂ©ales a dĂ» commencer simultanĂ©ment. 3. Diodore, V, 2 (il cite aussi HomĂšre, OdyssĂ©e, IX, 109-110 ; mais il nâest pas certain que le pays des Cyclopes du poĂšte ait Ă©tĂ© situĂ© en Sicile). â Pomponius MĂ©la (III, 103) prĂ©tend mĂȘme que des cĂ©rĂ©ales poussent spontanĂ©ment sur la cĂŽte du Maroc : « Adeo est fertilis ut frugum genera non cumseratur modo benignissime procreet, sed quaedam profundat etiam non sala. » 4. Hahn, die Haustiere, p. 89 et 568. 5. Remarquer quâactuellement encore la culture Ă la charrue nâest pratiquĂ©e en Afri-que (en dehors des colonies europĂ©ennes) quâen Ăgypte, en Abyssinie et dans les pays ri-verains de la mĂ©diterranĂ©e : Hahn, das Alter der wirtschaftlichen Kultur der Mensckheit, p. 136. Aux Canaries, les Ganches, qui cultivaient le blĂ© et lâorge, nâavaient pas de charrues. 6. Nous noterons cependant la ressemblance des meules nĂ©olithiques de la BerbĂ©-rie et des meules quâon trouve en Espagne avec un mobilier analogue Ă celui des grottes africaines : voir Siret, lâEspagne prĂ©historique (extrait de la Revue des question scienti-fiques, octobre 1893), p. 28 et fig. 125 (avec le commentaire). â Selon PolĂ©mon dâIlion, Ă©crivain de lâĂ©poque hellĂ©nistique (Frag. Hist. Graec., Ă©dit. MĂŒller, III, p. 119), les ha-bitants dâArgos prĂ©tendaient que câĂ©tait chez eux que le froment avait Ă©tĂ© semĂ© pour la premiĂšre fois en GrĂšce et que le hĂ©ros Argos lâavait apportĂ© de Libye [câest-Ă -dire sans doute, du pays situĂ© entre lâĂgypte et la grande Syrte] ; conf. Festus, s. v. Libycus cam-pus. Nous ignorons les motifs de cette croyance. Sâagit-il dâune historiette, inventĂ©e pour
238 LES TEMPS PRIMITIFS.
culture remonte Ă une trĂšs haute antiquitĂ© en Ăgypte, comme dans lâEurope centrale(1). Il est fort douteux que quelques ron-delles en terre cuite, trouvĂ©es dans des grottes Ă mobilier nĂ©oli-thique, aient Ă©tĂ© des pesons de fuseaux(2). Des fonds de poteries, recueillis dans la grotte des Ours, Ă Constantine, offrent des empreintes de toiles grossiĂšres, sur lesquelles on avait placĂ© ces vases pour les faire sĂ©cher, mais il ne parait pas certain quâils appartiennent Ă lâindustrie nĂ©olithique(3). Lâarboriculture exige la pratique de la greffe, la crĂ©ation de vergers, des soins attentifs et une vie tout Ă fait sĂ©dentaire. La vigne, lâolivier, le figuier, lâamandier sont indigĂšnes en Ber-bĂ©rie(4) ; cependant rien ne prouve quâil y ait eu des espĂšces cultivĂ©es avant la pĂ©riode phĂ©nicienne(5), que les autochtones aient connu le vin et lâhuile aux temps prĂ©historiques(6). Obser-vons toutefois que la langue berbĂšre a, pour dĂ©signer lâolivier cultivĂ©, un nom particulier, azemmour(7) ; tandis que les Ita-liens empruntĂšrent le nom de cet arbre aux Grecs, qui furent sans doute leurs maĂźtres en olĂ©iculture, 1es Libyens nâont pas adoptĂ© le nom sĂ©mitique, importĂ© par les PhĂ©niciens(8). Il y a____________________expliquer le nom de ÎÎŻÎČÏ ÏÏα donnĂ© Ă une DĂ©mĂ©ter adorĂ©e Ă Argos, nom qui nâavait peut-ĂȘtre Ă lâorigine aucun rapport avec la Libye ? 1. Ce nâĂ©taient pas les mĂȘmes espĂšces quâon cultivait en Europe et en Ăgypte. Le lin des stations lacustres croit spontanĂ©ment en BerbĂ©rie : de Candolle, Origine des plan-tes cultivĂ©es, p. 98. 2. Grottes dâOran ; Pallary et Tommasini, Assoc. française, Marseille, 1891, II, p. 643 ; Doumergue, ibid, Pau, 1892, II, p. 628. 3. Voir plus haut, p. 105, n. 5. 4. Voir p. 166-8. 5. Fenestella, auteur du dĂ©but de lâEmpire, citĂ© par Pline (XV, I), affirmait quâil nây avait dâoliviers cultivĂ©s ni en Italie, ni en Espagne, ni en Afrique au temps de Tarquin lâancien, câest-Ă -dire au dĂ©but du Vie siĂšcle. Nous ne savons pas sur quoi il fondait cette assertion. 6. Au IVe siĂšcle, les habitants de lâĂźle de Djerba faisaient de lâhuile avec des fruits dâoliviers sauvages (PĂ©riple de Seylax, 110 : Geogr. gr. min., l. p. 87). Mais sâils nâavaient pas imitĂ© les PhĂ©niciens pour la greffe, ils avaient pu apprendre dâeux la fabrication de lâhuile. 7. Pour lâolivier sauvage, les BerbĂšres, comme les Arabes, se servent du mot ze-boudj ; il est douteux que ce mot soit dâorigine berbĂšre. 8. Et donnĂ© par eux Ă la ville de Zitha, sur la petite Syrte, prĂšs de lâĂźle de Djerba : conf. Tissot, GĂ©ographie, II, p. 206.
ORIGINES DE LâĂLEVAGE ET DE LA CULTURE. 239
lĂ un lĂ©ger indice dâune culture trĂšs ancienne. Au reste, il est certain quâon dehors du territoire punique, lâolĂ©iculture et la viticulture ne se sont guĂšre propagĂ©es avant la domination ro-maine. Au Ve siĂšcle, les Nasamons, peuplade du littoral de la grande Syrte, allaient sâapprovisionner de dattes Ă Augila, au Sud,de la CyrĂ©naĂŻque(1). CâĂ©tait sans doute de lâorient, des oasis Ă©gyptiennes, que les habitants de ce lieu et dâautres oasis situĂ©es plus Ă lâOuest(2) avaient reçu les leçons qui leur permettaient de se livrer Ă une culture pĂ©nible. Peut-ĂȘtre sâĂ©tait-elle rĂ©pandue au Sud-Est de la BerbĂ©rie dĂšs une Ă©poque reculĂ©e : nous nous montrĂ© lâĂ©troite parentĂ© de la civilisation nĂ©olithique saharien-ne avec celle de lâĂgypte protohistorique(3). En tout cas, il nây a pas lieu de croire que les PhĂ©niciens aient contribuĂ© il la diffu-sion de la culture du dattier au Sahara(4). AssurĂ©ment, les PhĂ©niciens ont pris une part fort importan-te au dĂ©veloppement de la civilisation dans lâAfrique du Nord. Il ne faut cependant pas lâexagĂ©rer, comme on lâa fait trop sou-vent. Les indigĂšnes de cette contrĂ©e nâont pas attendu la venue des navigateurs syriens pour pratiquer lâĂ©levage et lâagricul-ture. Quelques-uns de leurs progrĂšs furent-ils dus Ă leur initia-tive intelligente ? Nous lâignorons. Mais nous pouvons affirmer quâils reçurent beaucoup de lâĂ©tranger, nous avons des, raisons de supposer quâune bonne partie de ces prĂ©cieuses acquisitions leur vint dâĂgypte.____________________ 1. HĂ©rodote, IV. 172 (conf. IV. 182). 2. HĂ©rodote, IV, 183 (il nâa dâailleurs que des notions trĂšs vagues sur ces oasis). 3. Voir p. 209. 4. Le palmier que lâon voit sur les monnaies frappĂ©es par Carthage, depuis la fin dun Ve siĂšcle ou le dĂ©but du IVe, est une arme parlante, qui sâexplique par un jeu de mot grec, ÏÎżÎÎœÎčΟ signifiant Ă la fois palmier et PhĂ©nicien. Cela ne prouve pas, Ă©videmment, que les PhĂ©niciens aient Ă©tĂ© les introducteurs de la culture du palmier dans le Nord-Ouest de lâAfrique : le palmier, on lâa fait remarquer, ne fructifie pas en PhĂ©nicie (Meltzer, l. c., I, p. 420).
CHAPITRE III
ĂTAT SOCIAL. MAGIE ET RELIGION. ART.PRATIQUES FUNĂRAIRES
I
Nous ne savons Ă peu prĂšs rien sur lâĂ©tat social des Afri-cains primitifs. Les stations les plus anciennes paraissent nâavoir Ă©tĂ© occupĂ©es que par un petit nombre dâindividus ; mais nous ignorons si chacune dâelles servait de demeure Ă un groupe en quelque sorte autonome, ou si celui-ci nâĂ©tait pas rattachĂ© par des liens plus ou moins Ă©troits Ă dâautres groupes du voisinage. DĂšs les temps nĂ©olithiques(1), existent, nous lâavons dit(2), de vĂ©ritables villages, dont les habitants devaient former des so-ciĂ©tĂ©s distinctes. Les textes grecs et latins qui, Ă partir du Ve siĂšcle avant J.-C., donnent quelques renseignements sur les indigĂšnes de la BerbĂ©rie nous montrent la famille constituĂ©e : famille dont lâhomme, mari et pĂšre, est le chef(3), oĂč la femme est tenue le_____________________ 1. Et mĂȘme dĂšs lâĂ©poque de lâindustrie gĂ©tulienne, qui peut ĂȘtre, il est vrai, en partie contemporaine du dĂ©veloppement de lâindustrie nĂ©olithique dans dâautres rĂ©gions de lâAfrique du Nord : voir p. 187, II. 2. 2.. P. 198. 3. Il y a des exceptions, sur lesquelles nous reviendrons : voir en particulier HĂ©rodote, IV, 180. â Chez les Touaregs qui vivent actuellement dans le Sahara, la paternitĂ© nâest pus lĂ©galement reconnue, la maternitĂ© lâest seule ; les enfants dĂ©pendent et hĂ©ritent de leur oncle maternel, non de leur pĂšre (voir, entre autres, Gautier, la ConquĂȘte du Sahara, p. 191). Il y a lĂ , sans doute, une survivance dâun
ĂTAT SOCIAL. MAGIE ET RELIGION. ART. 241
plus souvent dans une condition infĂ©rieure, oĂč la polygamie est frĂ©quente. Ils indiquent des tribus ou des peuplades, dis-posant de territoires Ă©tendus, soumises, autant quâil semble, Ă un rĂ©gime monarchique(1). Des Ătats unissent sous une autoritĂ© commune un certain nombre de tribus. Nous ignorons comment se sont formĂ©s ces divers orga-nismes sociaux(2). Peut-ĂȘtre les Ătats ne sont-ils pas trĂšs an-ciens. On peut supposer quâĂ une Ă©poque antĂ©rieure, des tribus se liguaient parfois un cas de guerre et que ces confĂ©dĂ©rations temporaires Ă©taient commandĂ©es par des chefs, Agamemnons dont les pouvoirs expiraient Ă la fin des hostilitĂ©(3). Mais, Ă vrai dire, nous sommes dans une incertitude complĂšte Ă cet Ă©gard. Quant aux tribus, elles se sont probablement constituĂ©es de bonne heure : il Ă©tait nĂ©cessaire aux hommes de former des associations assez fortes pour se dĂ©fendre contre les attaques, pour sâassurer la possession de territoires oĂč les troupeaux ne fussent pas Ă lâĂ©troit sur des champs vite Ă©puisĂ©s, oĂč des sols variĂ©s pussent offrir des pĂąturages en toute saison.____________________Ă©tat de choses datent dâune lointaine antiquitĂ© : ce que lâon appelle souvent, et impro-prement le matriarcat. Cependant les documents anciens, qui font allusion Ă lâexis-tence de cette coutume chez les Ăthiopiens (Nicolas de Damas, Frag. Hist. Graec., Ă©dit. MĂŒller, III, p. 463, n° 42), ne la signalent pas chez les Libyens. 1. A une Ă©poque plus reculĂ©e, dans la deuxiĂšme moitiĂ© du second millĂ©naire avant J.-C., des documents Ă©gyptiens nous font connaĂźtre, entre la vallĂ©e du Nil et la BerbĂ©rie, des peuplades dont les plus importantes paraissent avoir Ă©tĂ© les Lebou des Mashaouasha ; elles avaient des chefs, qui, du moins chez les Labou, appartenaient Ă une famille princiĂšre. 2. Sur les gravures rupestres prĂ©historiques de Tyout (Sud oranais), les gens re-prĂ©sentĂ©s forment souvent des couples et un trait joint leurs parties gĂ©nitales ; peut-ĂȘtre a-t-on voulu indiquer ainsi le lien du mariage (les sexes ne sont pas distincts ; mais, quand lâun des deux personnages tient un arc, il y a lieu de supposer quâil sâagit dâun homme). Une de ces gravures nous montre trois individus ainsi associĂ©s : lâun est un archer, lâautre pourrait ĂȘtre une femme, le troisiĂšme, de plus petite taille, est proba-blement un enfant : les traits indiqueraient ici Ă la fois le mariage et la filiation. Conf. Bonnet, Revue dâethnographie, VIII, 1889, p. 156 ; Pomel, Singe et homme, p. 18. 3. Tels Ă©taient peut-ĂȘtre MĂąratou, prince des Lebou, et Kapour, prince des Mas-haouasha, qui, sous MĂ©nephtah et sou RamsĂšs III, commandĂšrent des armĂ©es que les Ăgyptiens eurent Ă combattre : voir Maspero, Histoire ancienne des peuples de lâOrient classique, II, p. 431-2 et 471.
242 LES TEMPS PRIMITIFS.
II
On constate encore de nos jours dans le Maghrib(1), et quelques textes anciens(2) signalent des pratiques dites magi-ques, destinĂ©es Ă acquĂ©rir des biens, Ă expulser ou Ă dĂ©tourner des maux, Ă nuire Ă des ennemis. Bien quâon ne puisse pas le prouver, certaines dâentre elles remontent sans doute Ă une trĂšs haute antiquitĂ©. Mentionnons, par exemple, les rites pour provoquer la pluie(3), auxquels un passage de Dion Cassius fait allusion(4) ; les baignades accomplies dans la mĂȘme intention, lors du solstice dâĂ©tĂ© : saint Augustin s Ă©lĂšve contre cet usage(5), qui a persistĂ© çà et lĂ en BerbĂ©rie(6) ; la coutume, indiquĂ©e peut-ĂȘtre par Arnobe(7), de nouer Ă des arbres des morceaux dâĂ©toffe, dans lesquels on croyait fixer les maux dont on voulait se dĂ©-livrer(8) ; les luttes rituelles, dont parlent HĂ©rodote(9) et saint Augustin(10), et qui avaient, semble-t-il, pour objet lâexpulsion____________________ 1. Voir surtout le livre de DouttĂ©, Magie et religion dans lâAfrique du Nord (Alger, 1909). 2. Outre ceux qui seront indiquĂ©s plus loin, voir Pline. VII, 16, citant Isigone et Nymphodore (en Afrique, il existe des familles de fascinateurs, dont les incantations font pĂ©rir les troupeaux, sĂ©cher arbres, mourir les enfants) ; Lucain, IX, 913 et suiv. (pratiques magiques des Psylles contre les serpents : conf. Plutarque, Calon le Jeune, 56, et Silius Italicus, III, 301). â Il nây a pas Ă tenir compte ici de la prĂȘtresse massyle dont il est question dans lâĂnĂ©ide (IV, 480 et suiv.). Ce sont des opĂ©rations de la magie classique que Virgile lui attribue : conf. Basset, Bull. de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique de Sousse, III, 1905, p. 266 ; Pichon, Revue de philologie, XXXIII, 1909, p. 248-9. 3. Voir surtout Bel, dans Recueil de mĂ©moires publiĂ© en lâhonneur du XIVe congrĂšs des Orientalistes par lâĂcole des Lettres dâAlger (Alger, 1905), p. 64-68, 70, 71, 85-87, 95-97 ; DouttĂ©, l. c., p. 582 et suiv. 4. LX, 9. 5. Sermons, CXCVI, 4 ; « Natali Joannis, de solemnitate superstitiosa pagana christiani ad mare veniebant et ibi se baptizabant. » 6. DouttĂ©, p. 567, 584. 7. I, 39 ; « veternosis in arboribus taenias ». 8. DouttĂ©, p. 436 et suiv. 9. IV, 180 ; combats rituels entre jeunes filles chez les Auses et les Machlyes, sur le littoral de la petite Syrte. 10. De doctrina christiana, IV, 24, 53 : dans une fĂȘte, dâorigine fort ancienne, qui revenait tous les ans Ă date fixe et durait plusieurs jours (on lâappelait la Caterva),
ĂTAT SOCIAL. MAGIE ET RELIGION. ART. 243
violente des maux logĂ©s dans les corps des combattants(1). Câest une opinion trĂšs rĂ©pandue quâon est maĂźtre de celui dont on possĂšde lâimage. Elle a vraisemblablement inspirĂ©, Ă lâĂ©poque prĂ©historique, les auteurs des gravures rupestres : il est permis de croire que beaucoup de ces dessins ont Ă©tĂ© tra-cĂ©s pour mettre Ă la disposition des hommes les animaux qui y Ă©taient reprĂ©sentĂ©s(2) ; des paroles magiques, prononcĂ©es devant les images, pouvaient en complĂ©ter lâeffet. Lâanimisme est, selon lâacception usuelle de ce terme, la croyance Ă des esprits douĂ©s dâintelligence et de volontĂ©, rĂ©si-dant dâune maniĂšre permanente ou temporaire dans des enve-loppes matĂ©rielles, provoquant les phĂ©nomĂšnes dont lâhomme est tĂ©moin ; ĂȘtres bienfaisants ou nuisibles, sur lesquels il con-vient dâagir par des procĂ©dĂ©s de contrainte ou de propitiation. Quelques documents de lâĂ©poque romaine, que nous aurons Ă Ă©tudier, nous font connaĂźtre, en diffĂ©rents lieux, des cultes des montagnes, des eaux, des arbres, qui tĂ©moignent plus ou moins nettement de superstitions animistes. Mais les peuples qui, aux temps historiques, ont pris pied en BerbĂ©rie ont pu contribuer Ă les propager : on sait lâimportance des hauts lieux dans la religion phĂ©nicienne(3) ; les Genii des sources, des riviĂšres, des montagnes que mentionnent des inscriptions latines sont, au moins en apparence, des divinitĂ©s romaines. Nous ne sau-rions dire non plus si le culte des pierres, prĂ©tendues demeures dâesprits puissants, a dans lâAfrique du Nord des origines trĂšs lointaines, car rien ne prouve quâil ait existĂ© avant la venue_____________________les habitants de Caesarea (Cherchel), partagĂ©s en deux camps, se battaient Ă coups de pierres. Saint Augustin les fit renoncer Ă cette coutume. 1. DouttĂ©, MerrĂąkech, p. 323-4 ; le mĂȘme, Magie et religion, p. 509. 2. Conf. Reinach, Cultes, mythes et religions, l. p. 123 et suiv. (pour lâart quaternaire dâEurope). 3. Maxime de Tyr (Dissert., VIII, 7) mentionne (avec des indications gĂ©o-graphiques fantaisistes) un culte cĂ©lĂ©brĂ© par les Libyens occidentaux au mont At-las. Peut-ĂȘtre ce culte Ă©tait-il proprement indigĂšne.
244 LES TEMPS PRIMITIFS.
des PhĂ©niciens(1) cette observation sâapplique dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale au fĂ©tichisme, qui attribue un pouvoir protecteur soit Ă une force impersonnelle, sorte de fluide, soit Ă des esprits, en-fermĂ©s dans des objets naturels ou fabriquĂ©s, dont on sâassure la possession. Cependant il est probable que les hommes des temps prĂ©historiques regardaient comme des fĂ©tiches, et non comme de simples ornements, les objets dont ils composaient des colliers(2). Nous pouvons ĂȘtre un peu plus affirmatifs pour lâidolĂątrie. Vers le dĂ©but du Ve siĂšcle de notre Ăšre, saint Augustin attribuait aux Ăgyptiens seuls le culte des animaux(3). Il y avait pourtant dans sa patrie des indigĂšnes auxquels ce culte nâĂ©tait pas Ă©tran-ger. Des vers Ă©crits par Corippus au VIe siĂšcle attestent que les Laguatan, peuplade de la Tripolitaine, adoraient Gurzil, nĂ© du dieu Ammon et dâune vache(4) ; il sâincarnait dans un taureau, quâon lĂąchait sur les ennemis au moment dâengager le com-bat(5). Plus tard, au XIe siĂšcle, El Bekri mentionne une tribu, habitant un pays montagneux dans le Sud du Maroc, qui adorait un bĂ©lier(6). De nos jours, on observe chez les berbĂšres de traits de mĆurs qui pourraient ĂȘtre interprĂ©tĂ©s comme de vagues in-dices dâune zoolĂątrie primitive, ou tout au moins dâantiques al-liances entre les bĂȘtes et les hommes : Ă©gards particuliers pour____________________ 1. Notons quâĂ Tamentit, dans le Touat, en plein Sahara, on conserve encore un aĂ©rolithe, qui fut autrefois vĂ©nĂ©rĂ© (Gautier. Sahara algĂ©rien, p. 253). Il sâagit sans doute dâun culte indigĂšne. Mais nous ignorons sâil date dâune antiquitĂ© trĂšs reculĂ©e. Un passage de Quinte-Curce (IV. 7, 23) a pu faire croire quâĂ lâoasis dâAmmon, le dieu Ă©tait adorĂ© sous la forme dâune pierre (voir H. Meltzer, dans Philologus, LXIII, 1904, p, 150 et suiv.). Mais lâumbilicus que lâauteur latin prend pour le dieu est probablement la chapelle qui contenait son image. â Des traces de lâadoration de pierres dressĂ©es se retrouvent dans les contes berbĂšres : voir, par exemple, Masqueray. Bull. de correspondance afri-caine, III. 1885, p. 101. Mais ces lĂ©gendes sâappliquent souvent Ă des pierres romaines. 2. conf. p. 196. 3. Sermons, CXCVII, 1. 4. Johannide, II, 110-1. 5. Ibid., V, 22 et suiv. Il y avait aussi des images de Gurzil en bois et en mĂ©tal : ibid., II, 404-6 ; V, 495-502. 6. Description de lâAfrique Septentrionale, trad. de Slane, p. 355.
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certains animaux, respect de leur vie, abstinence de leur chair(1). Outre les vers de Corippus, plusieurs documents anciens tĂ©moignent de lâexistence en Afrique dâanimaux sacrĂ©s. Nous laisserons de cĂŽtĂ© ceux qui concernent peut-ĂȘtre des cultes im-portĂ©s Ă lâĂ©poque historique(2). Mais il faut citer ici un passa-ge intĂ©ressant de Diodore de Sicile(3). Racontant lâexpĂ©dition dâAgathocle, qui eut lieu Ă la fin du IVe siĂšcle avant J.-C., cet historien parle dâun pays peuplĂ© dâune multitude de singes, oĂč se trouvaient trois villes, appelĂ©es, dâaprĂšs ces animaux, dâun nom dont la traduction grecque Ă©tait ÎÎčΞηÏÎżÏÏÏαÎč (on sait que ÏÎčΞηÏÎżÏ ; signifie singe en grec). Les singes y vivaient dans les habitations des hommes, qui les regardaient comme des dieux; ils disposaient Ă leur grĂ© des provisions de bouche. Les parents donnaient de prĂ©fĂ©rence Ă leurs enfants des noms tirĂ©s de ceux des singes. Tuer un singe Ă©tait dans ce pays la plus grande des impiĂ©tĂ©s, quâon expiait par la mort. Les gravures rupestres prĂ©historiques de la BerbĂ©rie nous permettent de remonter encore plus haut. Parmi les animaux di-vers quâelles reprĂ©sentent, il en est auxquels les hommes de ce temps attribuaient assurĂ©ment un caractĂšre sacrĂ© : cela ne peut pas ĂȘtre mis en doute pour les bĂ©liers coiffĂ©s dâun disque, dont nous parlerons tout Ă lâheure.____________________ 1. Voir, entre autres, Duveyrier, les Touareg du Nord, p. 401; Monchicourt, Revue tunisienne, XV, 1908, p. 12-15 ; Bertholon, ibid., XVII, 1910, p. 139 ; Bernard, les Con-fins algĂ©ro-marocains, p. 107-8 ; Cour, Bull. dâOran, 1911, p. 57 et suiv. 2. DâaprĂšs une indication recueillie par Eusinthe (Commentaire sur lâIliade, XXII, p. 1277, I. 30), les paons Ă©taient sacrĂ©s pour les Libyens et ceux qui leur faisaient du mal Ă©taient punis. Eustathe dit aussi (ibid., I. 31) que les Libyens vĂ©nĂ©raient lâibis. Mais le paon ne fut introduit dans les pays de la MĂ©diterranĂ©e occidentale que peu de temps avant lâĂšre chrĂ©tienne. Quant Ă lâibis, il est trĂšs rare en BerbĂ©rie : peut-ĂȘtre, si lâassertion dâEus-tathe a quelque valeur, sâagit-il de quelque autre Ă©chassier (on peut penser Ă la cigogne, qui est encore trĂšs respectĂ©e des indigĂšnes). â AthĂ©nĂ©e (IX, 40, p. 388, d) dit, dâaprĂšs Alexandre de Myndos, Ă©rudit du premier siĂšcle de notre Ăšre, qui se servit des Ă©crits du roi Juba, que le porphyrion (poule sultane) est un oiseau consacrĂ© aux dieux en Libye. Rien ne prouve que le respect accordĂ© Ă cet oiseau remontĂąt Ă des temps trĂšs anciens. 3. XX, 58.
246 LES TEMPS PRIMITIFS.
Le totĂ©misme est une croyance sur laquelle on a beaucoup dissertĂ© dans ces derniĂšres annĂ©es, non sans en exagĂ©rer lâimpor-tance. Un totem est gĂ©nĂ©ralement une espĂšce animale Ă laquelle un clan, groupe dâhommes unis entre eux par le sang, se prĂ©tend apparentĂ©. Le clan prend le nom du totem ; les gens de ce clan vivent, autant que possible, dans la familiaritĂ© des animaux de lâespĂšce Ă©lue ; ils sâabstiennent dâordinaire de les tuer et de les manger. Ils estiment quâils nâont rien Ă craindre dâeux ; si lâun de ces animaux fait quelque mal Ă un individu du clan, câest un signe quâil a de bonnes raisons de le renier pour son parent. Cette croyance a Ă©tĂ© constatĂ©e de nos jours dans les deux AmĂ©riques, en Inde, en OcĂ©anie, dans le continent africain(1). On a produit des arguments, dignes tout au moins dâattention, pour soutenir quâelle a existĂ©, dans les temps primitifs, chez divers peuples des pays mĂ©diterranĂ©ens et que, çà et lĂ , il en est restĂ© des ves-tiges jusquâen pleine Ă©poque historique. Peut-ĂȘtre est-il permis dâallĂ©guer pour lâAfrique du Nord le texte de Diodore de Sicile que nous avons mentionnĂ©. Divers dĂ©tails y font penser au totĂ©-misme : « villes » qualifiĂ©es de villes des singes ; familiaritĂ© des hommes et des singes; respect pour la vie de ces animaux. On peut ĂȘtre aussi tentĂ© de retrouver une superstition totĂ©mique dans des indications relatives aux Psylles de la rĂ©gion des Syrtes(2). Les cĂ©rastes (vipĂšres Ă cornes), ennemis des autres Libyens, avaient, raconte Ălien(3), une alliance avec les Psylles(4), qui Ă©taient____________________ 1. Rappelons, entre autres exemples, que les Touaregs du Sahara ne mangent pas lâourane, quâils disent ĂȘtre leur oncle maternel (câest-Ă -dire le parent qui lĂ©gale-ment leur tient lieu de pĂšre : conf. p. 246, II, 31 : Gautier, Sahara algĂ©rien, p. 333. 2. conf. Reinach, Cultes, mythes et religions, I, p. 74. 3. Nat. anim., I, 57. Conf. ibid., XVI, 27, oĂč Ălien cite Agatharchide. Voir aussi Pline. VII, 14 ; Varron, apud Priscien, Instit, X, 32, dans Kell, Crammatici latini, II, p. 524 ; Lucain, IX, 898-908 ; Silius Italicus, I, 413 ; Dion Cassius, LI, 14. Varron et Lucain disent que les serpents qui servaient Ă lâĂ©preuve Ă©taient des aspics. 4. On pourrait se demander si le nom des Psylles nâavait pas quelque rapport avec celui des serpents auxquels ils Ă©taient alliĂ©s. Ce nom aurait Ă©tĂ© une onomato-pĂ©e, imitant sifflement des reptiles.
ĂTAT SOCIAL. MAGIE ET RELIGION. ART. 247
insensibles Ă leurs morsures. Au dire des Libyens, quand un Psylle craignait que lâenfant mis au jour par sa femme ne fĂ»t adultĂ©rin, il remplissait de cĂ©rastes un coffre, dans lequel il je-tait le nouveau-nĂ©. Si les serpents, dâabord menaçants, sâapai-saient dĂšs que lâenfant les avait touchĂ©s, lâauteur de lâĂ©preuve en concluait que cet enfant Ă©tait bien son fils. Une forme de la zoolĂątrie, dont les rapports avec le totĂ©-misme restent fort obscurs(1), a consistĂ© dans lâadoration dâun animal appartenant Ă une espĂšce dĂ©terminĂ©e et choisi dâaprĂšs certaines marques : on croyait quâune divinitĂ© sâincarnait en lui. LâĂgypte ancienne Ă©tait pleine de ces dieux animaux, qui se retrouvent en BerbĂ©rie. Tels devaient ĂȘtre le taureau des La-guatan dont parle Corippus et le bĂ©lier des montagnards ma-rocains que signale El Bekri, II faut en dire autant des bĂ©liers reprĂ©sentĂ©s sur les rochers du Sud oranais avec des insignes spĂ©ciaux, qui prouvent quâon les distinguait nettement du menu peuple de leurs congĂ©nĂšres. Nous allons voir que ces animaux sacrĂ©s devaient ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme les incarnations dâun grand dieu. Dâautres gravures rupestres nous montrent des images oĂč la forme humaine est associĂ©e Ă une forme animale. Dans le Sud oranais, Ă Er Richa, câest un homme assis, il oreilles de liĂšvre, tenant de la main droite un bĂąton (?) recourbĂ©(2) ; sur des gravures que Barth(3) a vues Ă Telliz ZarhĂšne (dans le Sahara, rĂ©gion de Ghat), ce sont deux personnages debout, se faisant vis-Ă -vis(4) : lâun a une tĂȘte de bĆuf ou dâantilope et est pourvu dâune queue ; il tient un arc et des flĂšches; la tĂȘte de lâautre of-fre, selon Barth, une vague ressemblance avec celle de lâibis(5) ;____________________ 1. Si lâon veut admettre des rapports : hypothĂšse liĂ©s contestable. 2. Delmas, Bull. de la SociĂ©tĂ© dauphinoise dâethnologie et dâanthropologie, IX, 1902, p. 140, fig. IV. Dessin qui mâa Ă©tĂ© communiquĂ© par M. Flamand. 3. Reisen und Enideckungen, I, p. 210-2, fig. Ă la p. 210 4. Entre eux est un boeuf. 5. Cette ressemblance ne me frappe nullement sur le dessin insĂ©rĂ© dans lâouvra-ge de Barth et que celui-ci qualifie du reste dâesquisse imparfaite.
248 LES TEMPS PRIMITIFS.
il tient soit un arc, soit plutĂŽt un bouclier ovale(1). Des mons-tres, auxquels la superstition attribuait une existence rĂ©elle, ont Ă©tĂ© adorĂ©s par divers peuples de lâantiquitĂ©, en particulier par les Babyloniens. En Ăgypte, le mĂ©lange des formes humaine et animale fut une sorte de compromis entre la zoolĂątrie et lâan-thropomorphisme. Mais il faut probablement admettre ici une autre interprĂ©tation. Les personnages figurĂ©s peuvent ĂȘtre sim-plement des hommes, qui se revĂȘtaient de masques dans des cĂ©-rĂ©monies. De tels dĂ©guisements sont frĂ©quents chez les peuples de civilisation primitive ; par ce signe matĂ©riel, on sâidentifie soit avec les animaux divins, soit, lorsquâil sâagit dâune espĂšce totem, avec ceux qui sont apparentĂ©s au clan(2). Quant aux personnages que les gravures reprĂ©sentent sous des traits complĂštement humains et dans des postures diverses, rien ne nous autorise Ă les considĂ©rer comme des divinitĂ©s. HĂ©rodote dit que tous les Libyens offrent des sacrifices au soleil et Ă la lune ; que câest au soleil et Ă la lune seuls quâils sa-crifient(3). On ne doit pas invoquer, Ă lâappui de cette assertion,____________________ 1. On peul rapprocher de ces images une peinture beaucoup plus rĂ©cente, tracĂ©e dans une grotte artificielle de Tunisie (prĂšs de Gromhalin) ; elle reprĂ©sente deux person-nages Ă tĂȘte de cerf : Deyerolle, Bull. de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique de Sousse, I, 1003, p. 60-61. fig. 5 et 6. 2. Voir par exemple, pour lâAfrique centrale, Desplagnes, le Plateau central ni-gĂ©rien, p. 308. Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale : Cartailhac et breuil, la Caverne dâAltamira, p. 164 et suiv., 197, 242 ; Cumont, les MystĂšres de Mithra, 2e Ă©dit., p. 23 et 127-8. Ces mascarades paraissent avoir Ă©tĂ© usitĂ©es en Espagne et dans le Sud de la France dĂšs lâĂ©po-que quaternaire : Cartailhac et Breuil, l. c., p. 56-58, fig. 41-43 ; DĂ©chelette, Manuel dâarchĂ©ologie prĂ©historique, I, p. 223-4 et 257 ; Alcade del Rio, Breuil et Sierra, les Ca-vernes de la rĂ©gion cantabrique, p. 98, fig. 96 et pl. LV. Il convient dâobserver quâelles nâont pas toujours un caractĂšre sacrĂ© : dans certains cas, ce sont des dĂ©guisements de chasse. 3. IV, 188. Il fait exception pour ceux des bords du lac Tritonis (au Sud de la Tu-nisie), qui sacrifiaient aussi Ă AthĂ©na, Ă Triton et Ă PosĂ©idon. â Il indique dâautre part (IV, 184) que les Marantes, qui vivaient en plein dĂ©sert, Ă lâOuest des Garamantes, mau-dissaient et injuriaient le soleil, dont les rayons trop brĂ»lants dessĂ©chaient leur pays ; mais ces Marantes Ă©taient probablement des Ăthiopiens, non des Libyens. Conf. Nicolas de Damas, fragment 140, apud MĂŒller, Fragm. Historic. Graec., III, p. 403. Pomponius MĂ©la (I, 43) et pline (V, 45) attribuent cela aux Atlantes, par suite dâune altĂ©ration des manuscrits dâHĂ©rodote, et ils disent que ces indigĂšnes maudissent le soleil Ă son coucher,
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les dĂ©dicaces latines Ă Sol et Ă Luna qui ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes en Afrique, ni les images des deux astres qui apparaissent sur des, stĂšles, trouvĂ©es en gĂ©nĂ©ral dans des lieux oĂč les civilisa-tions punique et romaine sâĂ©taient fortement implantĂ©es ; car il est probable ou certain que ces monuments se rapportent Ă des croyances dâorigine Ă©trangĂšre(1). Il convient peut-ĂȘtre dâatta-cher plus dâimportance Ă un passage dâIbn Khaldoun, qui parle de BerbĂšres paĂŻens, adorateurs du soleil et de la lune(2) : on peut supposer quâil sâagit de cultes vraiment indigĂšnes(3). No-tons aussi un texte de Macrobe(4). Les Libyens, dit-il, reprĂ©sen-tent avec des cornes de bĂ©lier le dieu Ammon, quâils regardent comme le soleil couchant. Il est vrai que cet auteur retrouve le culte du soleil partout ; son affirmation nâaurait guĂšre de valeur, si elle nâĂ©tait pas corroborĂ©e par dâautres tĂ©moignages(5)._____________________aussi bien quâĂ son lever. Diodore de Sicile (III, 9) et Strabon (XVII, 2, 3) indiquent que certaine Ăthiopiens maudissent le soleil, lorsquâils le voient se lever. 1. Quelques monuments dâun art trĂšs grossier pourraient tĂ©moigner de croyan-ces vraiment indigĂšnes. Nous citerons : 1° une gravure tracĂ©e sur un rocher, non loin de lâoasis de Kriz, sur la rive septentrionale du chott el Djerid (Tunisie mĂ©ridionale) : elle reprĂ©sente une tĂȘte absolument sphĂ©rique, surmontĂ©e dâun croissant, par consĂ©quent une image de la lune (Duveyrier, Sahara, Journal de route, p. 86 et fig. Ă la p. 85 ; conf. Tissot, GĂ©ographie, 1, p. 479-480 et fig. 48) ; â 2° une pierre trouvĂ©e prĂšs de Bordj MĂ©-naĂŻel, dans lâOuest de la Kabylie : on y voit une tĂȘte radiĂ©e, figurĂ©e dâune maniĂšre fort maladroite (VirĂ©, Rec. de Constantine, XXXII, 1898, fig. 3 Ă la p. 48) ; â 3° une image rupestre existant Ă lâEst de Constantine (Atlas archĂ©ologique de dâAlgĂ©rie, f° 17, n° 144), qui offre aussi une tĂȘte radiĂ©e (il me parait impossible dây voir une image de la lune, comme le croit Mercier, Rec. de Cconstantine, XXXIV, 1909, p. 191-2) ; une inscription latine (C. I. L., VIII. 5073 = 19107) lui donne le nom dâIfra, ou peut-ĂȘtre dâIcra, appella-tion sans doute indigĂšne, quâon ne retrouve pas ailleurs. Mais le dernier de ces documents et probablement aussi les deux autres appartiennent Ă lâĂ©poque romaine (Ă Kriz, il y a des inscriptions votives latines sur une roche voisine de celle qui porte lâimage de la lune). Ils ne prouvent pas grand-chose pour lâexistence dâun culte trĂšs ancien du soleil et de la lune en BerbĂ©rie. 2. Histoire des BerbĂšres, trad. de Slane, I, p.177. 3. Conf. Basset, Revue de dâhistoire des religions, 1910, I, p. 302 : « Les Guan-ches de palma (Canaries) vĂ©nĂ©raient le soleil et lui donnaient le nom de Magec, et aussi dâAman, qui parait avoir signifiĂ© Seigneur. » 4. Saturn., I, 21, 19 : « Ammonem, quem deum solem occidentem Libyes existi-mant, arietinis cornibus fingunt. 5. Ne serait-il pas possible de rapprocher du nom dâAmmon celui dâAman, donnĂ© par les Guanches au soleil (conf. n. 3) ?
250 LES TEMPS PRIMITIFS.
Les deux principales divinitĂ©s des Carthaginois furent Baal Hammon et Tanit PenĂ© Baal(1), qui semblent bien avoir Ă©tĂ© un dieu solaire et une dĂ©esse lunaire(2). Baal Hammon se con-fondit avec 1âAmmon des autochtones, dont nous allons par-ler, mais il nâest pas prouvĂ© que ce Baal importĂ© de PhĂ©nicie ne soit devenu un dieu solaire quâaprĂšs son introduction dans lâAfrique du Nord. Il est Ă©galement impossible dâaffirmer que Tanit PanĂ© Baal ait Ă©tĂ© transformĂ©e dans cette contrĂ©e en une dĂ©esse lunaire par suite de son identification avec une divinitĂ© indigĂšne(3). On pourrait mĂȘme ĂȘtre tentĂ© de se demander si le culte du soleil et de la lune, rĂ©pandu chez les Libyens au temps dâHĂ©rodote, vers le milieu du Ve siĂšcle, ne leur venait pas des PhĂ©niciens. En ce qui concerne la lune, les documents nous manquent pour dissiper nos doutes. Il nâen est pas de mĂȘme pour le soleil : il y a de fortes rai-sons dâadmettre que le culte de cet astre est antĂ©rieur, en Ber-bĂ©rie, au dĂ©veloppement de la colonisation phĂ©nicienne. Nous avons dĂ©jĂ fait allusion aux gravures rupestres du Sud oranais qui figurent des bĂ©liers dont la tĂȘte est coiffĂ©e dâun disque(4), maintenu par une jugulaire : on en connaĂźt Ă Er Ri-cha (dans lâannexe dâAflou), Ă Bou Alem (dans la rĂ©gion de GĂ©ryville), oĂč il y en a deux, et au col de Zenaga (prĂšs de Fi-guig)(5). Sur lâun des dessins de Bou Alem et Ă Zenaga, le disque est flanquĂ© ou surmontĂ© de deux appendices, qui reprĂ©sentent____________________ 1. Transcription conventionnelle dâune appellation phĂ©nicienne dont la si-gnification reste douteuse. 2. Nous nâen avons pas de preuves pĂ©remptoires pour lâĂ©poque carthagi-noise. Mais, Ă lâĂ©poque romaine, cela est certain pour le Baal Hammon auquel on Ă©rigeait Ă Maktar des stĂšles portant des dĂ©dicaces en langue punique, comme pour la dĂ©esse Caelestis, qui doit ĂȘtre identifiĂ©e avec Tanit PenĂ© Baal, 3. Remarquer que le nom de la lune est masculin dans les dialectes berbĂšres (Basset, 1. c., p. 305) : ce qui pourrait faire croire que, si les Libyens primitifs ont adorĂ© la lune, ils en ont fait un dieu, et non une dĂ©esse, comme du reste la plupart des peuples de lâorient (Ăgypte, Arabie, Babylonie, Asie Mineure). 4. Ou peut-ĂȘtre dâune sphĂšre. 5. Pour les rĂ©fĂ©rences, voir Ă la p. 226.
ĂTAT SOCIAL. MAGIE ET RELIGION. ART. 251
des serpents(1). La signification de cet attribut est indiquĂ©e pur un grand nombre de monuments Ă©gyptiens, oĂč lâon voit le dis-que solaire, Ă droite et Ă gauche duquel se dresse un serpent naja. Nos gravures nous paraissent donc prouver que, dans le Sud-Ouest de lâAlgĂ©rie, le culte du soleil sâassocia Ă des su-perstitions zoolĂątriques, dĂšs une Ă©poque trĂšs ancienne, antĂ©-rieure sans doute au premier millĂ©naire avant J.-C. Il nâest pas trop tĂ©mĂ©raire de donner le nom dâAmmon au bĂ©lier sacrĂ© que ces images nous font connaĂźtre. Elles sâaccor-dent avec le texte de Macrobe, indiquĂ© plus haut, qui attribue au dieu libyen Ammon, Ă cornes de bĂ©lier, un caractĂšre solaire reprĂ©sentĂ© dâabord sous une forme entiĂšrement animale, le dieu fut ensuite figurĂ© en homme, tout en conservant de sa forme primitive soit la tĂȘte, soit seulement les cornes(2). Ce qui est plus important encore, câest que nos gravures sâaccordent avec nombre dâimages Ă©gyptiennes dâAmon(3) (appelĂ© le plus sou-vent Amon-RĂą, câest-Ă -dire Amon-Soleil), oĂč la tĂȘte du dieu bĂ©lier thĂ©bain est surmontĂ©e du disque solaire, flanquĂ© de deux serpents(4). La puissance des Pharaons dont ThĂšbes fut la capitale, au cours du second millĂ©naire, rehaussa le prestige de la divinitĂ© principale de cette ville et rĂ©pandit son culte, mĂȘme en dehors de lâĂgypte. Ce fut certainement lâAmon de ThĂšbes qui eut des sanctuaires en Nubie. A lâOuest de la vallĂ©e du Nil, il fut adorĂ© dans lâoasis de Syouah, appelĂ©e par les Grecs ÎΌΌÏΜΔÎčÎżÎœ. Les colons grecs de la CyrĂ©naĂŻque le connurent et lâadoptĂšrent sous le____________________ 1. Lâun de ces serpents est bien reconnaissable Ă Zenaga. A Bou Alem, on a imitĂ© trĂšs maladroitement des najas au cou gonflĂ©. 2. Sans parler ici des images inspirĂ©es par lâart grec, mentionnons une idole grossiĂšre Ă cornes de bĂ©lier, trouvĂ©e Ă Saint-Leu, sur le littoral de lâOranie : Doublet, MusĂ©e dâAlger, pl. IV, fig. 6. 3. Ou Ammon. 4. MM. S. Reinach et Valdemar Schmidt ont, il est vrai, contestĂ© la justesse de ce rapprochement (lâAnthropologie, XII, 1901, p. 537). Mais il me parait sâimposer, malgrĂ© la grossiĂšretĂ© des gravures oranaises. M. Schweinfurth (Zeitschrift fĂŒr Ethnolo-gie, XL, 1908, p. 93) est aussi de cet avis.
252 LES TEMPS PRIMITIFS.
nom de Zeus Ammon. Les gravures du Sud oranais attestent que le culte dâAmmon sâimplanta de bonne heure en BerbĂ©rie. Il sây maintint aprĂšs la venue des PhĂ©niciens, aprĂšs la conquĂȘte romaine(1), non sans subir, dans une grande partie de cette con-trĂ©e, des transformations plus ou moins profondes. Il sâĂ©tendit donc sur tout le Nord du continent africain. Nous nâavons aucun motif de croire quâavant dâĂȘtre at-teints parles influences Ă©gyptiennes, les Libyens aient adorĂ© un dieu bĂ©lier, quâils auraient appelĂ© Ammon(2) et qui, Ă ThĂšbes, aurait Ă©tĂ© un Ă©tranger, venu de lâOuest dĂšs une Ă©poque lointai-ne(3). Il est certain, dâautre part, que lâassociation chez ce dieu de la nature animale et de la nature solaire sâest accomplie dans la vallĂ©e du Nil. Ce fut, en effet, Ă RĂą, dieu soleil de la ville dâAn (HĂ©liopolis), que lâAmon bĂ©lier de ThĂšbes emprunta son second nom ; ce fut en sâidentifiant avec lui qui il devint une di-vinitĂ© solaire, comme dâautres dieux, Ă©galement identifiĂ©s avec RĂą ; ce fut Ă la suite de cette identification quâil reçut comme attribut le disque, flanquĂ© de deux serpents. Ainsi les gravures du Sud oranais reprĂ©sentent Amon-RĂą de ThĂšbes. Il a dĂ» parvenir jusque-lĂ en passant de tribu en tri-bu, car rien nâindique que les habitants de la BerbĂ©rie aient eu des rapports directs avec les Ăgyptiens, Ce fut peut-ĂȘtre entre____________________ 1. Il faut probablement reconnaĂźtre le dieu Ammon dans le bĂ©lier qui, au temps dâEl Bekri (voir plus haut, p. 244), Ă©tait adorĂ© dans le Sud du Maroc. 2. LâĂ©tymologie de ce soin est inconnue. On lit dans le commentaire de Servius sur 1âĂnĂ©ide (lV, 196) ; « Libyes ammonem arietem appelant » ; dans saint Athanase (Contra gentes, 24) : ÎÎčÎČÏ Î”Ï ÏÏÎČÏÎżÎœ, Ï ÏαλοΰÏÎčÎœ ÎŹÎŒÎŒÏΜα, ΞΔÏÎœ ÎÏÎżÏ ÏÎč. DâaprĂšs ces indications, ammon aurait Ă©tĂ© un mot de la langue libyque, signifiant bĂ©lier, mouton. A ma connaissance, en ne trouve rien de tel dans les dialectes ber-bĂšres. Mais, mĂȘme si cela est exact, le mot a pu ĂȘtre empruntĂ© Ă lâĂgypte. 3. LĂ©on de Pella, auteur dâun traitĂ© sur les dieux Ă©gyptiens, prĂ©tendait, il est vrai, quâau certain Hammon Ă©tait venu dâAfrique en Ăgypte, amenant Ă Liber (Osiris) beaucoup de bĂ©tail, et quâen rĂ©compense, il avait reçu un champ en face de ThĂšbes (citation faite par Hygin : voir Fragm. historic, graec., II, p. 332, n° 6). Lâexistence du culte dâAmmon chez les Libyens comme en Ăgypte a peut-ĂȘtre donnĂ© naissance Ă cette fable, quâon ne doit pas prendre au sĂ©rieux, ainsi que le fait Movers, die Phönizier, II, 2, p. 385.
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le XVIe et le XIIe siĂšcle, Ă lâĂ©poque de la grande puissance des souverains thĂ©bains, Ă lâĂ©poque aussi oĂč les libyens qui vivaient Ă lâEst de la grande Syrte Ă©taient attirĂ©s par lâĂgypte, quâils tentĂšrent plusieurs fois dâenvahir et que beaucoup dâen-tre eux habitĂšrent comme mercenaires(1). Nos gravures prouvent que, dĂšs ces temps reculĂ©s, les in-digĂšnes de lâAfrique du Nord nâadoraient pas seulement des gĂ©nies locaux, des dieux de clans ; le culte dâune grande di-vinitĂ© cosmique, du soleil, Ă©tait rĂ©pandu dans le Sud oranais, depuis Aflou jusquâĂ Figuig, et sans doute aussi dans les pays intermĂ©diaires entre cette rĂ©gion et lâĂgypte. Il nâest pas impossible quâun autre dieu Ă©gyptien ait Ă©tĂ© adorĂ© Ă Bou Alem. Une gravure de ce lieu figure un taureau, portant entre les cornes deux objets allongĂ©s. On a pu se de-mander (ce nâest dâailleurs quâune hypothĂšse) si cette image nâest pas celle du taureau dâErment, dont la tĂȘte Ă©tait surmontĂ©e de deux plumes(2). Les peuplades voisines de la VallĂ©e du Nil adoptĂšrent dâautres divinitĂ©s Ă©gyptiennes(3). Au XIVe siĂšcle, des guerriers libyens portaient aux bras et aux jambes des tatouages reprĂ©-sentant le symbole de Nit, la dĂ©esse de SaĂŻs(4). Celle-ci pĂ©nĂ©tra-t-elle par leur intermĂ©diaire en BerbĂ©rie, comme Ammon ? On peut dire seulement quâune AthĂ©na, â tel est le nom que lui donne HĂ©rodote(5), â adorĂ©e au Ve siĂšcle dans le Sud de la Tu-nisie, ressemble par son caractĂšre guerrier Ă Nit, identifiĂ©e elle aussi avec AthĂ©na(6)._____________________ 1. Cependant il ne serait pas inadmissible de remonter plus haut, au temps des rois thĂ©bains de la XIIe dynastie (commencement du second millĂ©naire, selon la chro-nologie proposĂ©e par E. Meyer). 2. Gsell, Monuments antiques de lâAlgĂ©rie,1, p. 47, n. I (dâaprĂȘs Leri hure). 3. A lâĂ©poque dâHĂ©rodote (IV, 186), Isis Ă©tait adorĂ©e par les femmes de la CyrĂ©-naĂŻque. Nais nous ignorons quand elle avait Ă©tĂ© introduite dans cette contrĂ©e. 4. Brugsch, Geographische Inschriften, ll, p. 79. Capari, les DĂ©buts de lâart en Egypte, fig. 10, Ă la p. 31. 5. IV, 180 et 188. 6. Conf. Meltzer, Geschichte Karthager, I, p. 07.
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HĂ©rodote et des auteurs plus rĂ©cents signalent chez les Li-byens, ou qualifient de libyques dâautres divinitĂ©s quâils dĂ©si-gnent sous des noms grecs, Nous Ă©tudierons plus tard ces textes, qui se rapportent Ă lâĂ©poque historique. Les dieux quâils men-tionnent nâont peut-ĂȘtre pas Ă©tĂ© tous adorĂ©s dans la contrĂ©e que nous appelons la BerbĂ©rie, puisquâil y eut des Libyens, beau-coup mieux connus des Grecs, dans des rĂ©gions plus orientales ; dâautre part, il est possible que lâĂ©pithĂšte « libyque » nâindique pas toujours une origine indigĂšne, mais quâelle sâapplique par-fois Ă des dieux introduits en Libye par les PhĂ©niciens(1). Si la connaissance des divinitĂ©s des temps prĂ©historiques nous Ă©chappe presque complĂštement, nous ne sommes pas mieux informĂ©s des rites. Des gravures rupestres dâEl Haria (Ă lâEst de Constan-tine)(2), de Khanguet el Hadjar (dans la rĂ©gion de Guelma(3)), de lâoued Itel (au Sud-Ouest de Biskra)(4), du Sud oranais(5) mon-trent des hommes et des femmes(6), se tenant debout ou flĂ©-chissant les genoux, les bras plus ou moins levĂ©s(7). TantĂŽt les mains sont ouvertes et vides; tantĂŽt elles tiennent des objets qui sont le plus souvent difficiles Ă dĂ©terminer(8) : Ă Ksar el Ahmar, probablement une hache emmanchĂ©e(9) ; Ă lâoued Itel, des ob-jets ovales, rayĂ©s de stries. Lâattitude de cas personnages(10) fait____________________ 1. LâHercule qui passait pour le fondateur de Capsa (Gafsa) est qualifiĂ© de libyen par Salluste (Jugurtha, LXXXIX, 4), de phĂ©nicien par Paul Orose (V, 15, 8). 2. Bosco et Solignac, Rec. de Constantine, XLV, 1911, pl. II, Ă la p. 330. 3. Vigneral, Ruines romaines du cercle de Guelma, pl. IX et X. 4. Blanchet, Rec. de Constantine, XXXIII, 1899, pl. Ă la p. 304. 5. A Ksar el Ahmar, Tyout, Moghar, Asla, Karrouba, Voir Pomel, Singe et homme, pl. I, fig. 1 ; Gsell, Monuments antiques de lâAlgĂ©rie, I, p. 42, fig. 10, et p. 45, fig. 12 ; Flamand, Bull. de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Lyon, XX, 1901, p. 199, fig. IV ; Delmas, Bull. de la SociĂ©tĂ© dauphinoise dâethnologie et dâanthropologie, IX, 1902, p. 143, fig. VI. 6. A Ksar el Ahmar, le sexe dâune femme est indiquĂ© trĂšs nettement (Pomel, l. c.). 7. Ils lĂšvent gĂ©nĂ©ralement les deux bras. Cependant, Ă lâoued Itel, on voit trois personnages qui ne lĂšvent que le bras gauche (Blanchet, l. c.). A Karrouba, un homme lĂšve seulement lâavant-bras gauche (Delmas, l. c.). 8. Pour Khangel el Hadjar, voir plus haut, p. 202, n. 9. 9. Voir p. 202, n. 8. Peut-ĂȘtre aussi Ă Tyout. 10.. On constate dĂ©jĂ cette attitude en Espagne sur des images qui datent des
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penser au geste classique de la priĂšre et lâon peut supposer que certains dâentre eux tiennent des offrandes. Dâautres gravures, qui se voient Ă Moghar(1), Ă Er Richa(2) (dans le Sud oranais) et Ă lâoued Itel(3) reprĂ©sentent de face des gens assis, les jam-bes Ă©cartĂ©es et les mains levĂ©es(4) ; sâagit-il aussi dâune posture rituelle ? Nous avons parlĂ© des individus qui paraissent por-ter des masques dâanimaux et qui participent peut-ĂȘtre sous ce dĂ©guisement Ă une cĂ©rĂ©monie(5). Il nây a aucune image de sa-crifice(6). PrĂšs de Tiaret (dans le dĂ©partement dâOran)(7), existe un grand rocher en forme de table grossiĂšre, qui sâest dĂ©tachĂ© dâune montagne ; la face supĂ©rieure porte trois bassins Ă©tagĂ©s, flanquĂ©s de petits trous(8). On a voulu y voir un lieu saint, dâune haute antiquitĂ©, oĂč des sacrifices auraient Ă©tĂ© cĂ©lĂ©brĂ©s ce qui nous semble une hypothĂšse bien hasardĂ©e(9).____________________temps quaternaires : Cartailhac et Breuil, la Caverne dâAltamira, p. 50-58, fig. 41-43 ; DĂ©chelette, Manuel dâarchĂ©ologie prĂ©historique, I, p. 257 ; Alende del Rio, Breuil et Sierra, les Cavernes de la rĂ©gion cantabrique, fig.96 (Ă la p. 106) et pl. LV. 1. Deux personnages, dont le sexe nâest pas distinct. Flamand, Bull. de la SociĂ©tĂ© dâanthr. de Lyon, l. c. ; voir aussi Bull, de la SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie de Toulouse, II, 1883, pl. 2, Ă la p. 40. 2. Dessin communiquĂ© par M. Flamand. Le personnage reprĂ©sentĂ© parait bien ĂȘtre un homme. 3. Deux personnages, dont lâun est certainement de sexe fĂ©minin. Rec. de Constan-tine, XXXIII, 1899, planches aux p. 300 et 304 ; conf. ibid., XXXVIII, 1904, planches Ă la p. 167). â Cette femme a la tĂȘte surmoulĂ©e dâun objet quâon a comparĂ© Ă un turban. 4. Peut-ĂȘtre aussi dans une grotte de la Tripolitaine, Ă lâouadi el Cheil, entre Mizda et GhadamĂšs : « une femme nue dans une posture trĂšs indĂ©cente » (Rohlfs, Quer durch Afrika, I, p. 52). 5. Voir p. 247-8. Une gravure du Sud oranais (Pomel, Singe et homme, p. 11 et pl. II, fig. 9) reprĂ©sente peut-ĂȘtre non un singe, comme le croit Pomel, mais un homme marchant « Ă quatre pattes », pour imiter lâallure dâun animal. 6. A El Hadj Mimoun (Sud oranais), un homme qui lĂšve la main droite parait entraĂźner de lâautre main un quadrupĂšde cornu (antilope ?) : Pomel, l. c., pl. I, fig. 2. A Khanguet el Hadjar, un personnage tient un bĆuf en laisse (conf. plus haut, p. 221, n. 2). A Ksar el Ahmar, un homme, levant les bras et tenant une hache, est suivi dâun mouton qui semble bien avoir Ă©tĂ© gravĂ© en mĂȘme temps : Gsell, Monuments, l, p. 45, fig. 12. Sont-ce des animaux destinĂ©s Ă ĂȘtre sacrifiĂ©s ? Il serait bien tĂ©mĂ©raire de lâaffirmer. 7. Atlas archĂ©ologique de lâAlgĂ©rie, f° 33, n° II. 8. La BlanchĂšre, dans Archives des missions, 3e sĂ©rie, X, 1883, p. 41-43, pl. VII, fig. 4, n° 6 ; conf. Basset, Revue de lâhistoire des religions, 1910, I, p. 296-7. 9. M. Fabre (Bull. dâOran, 1903, p. 130 et planche) signale, Ă trois kilomĂštres de
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Il est Ă croire que des actes religieux sâaccomplissaient devant ces images qui reprĂ©sentent des ĂȘtres divins et proba-blement aussi des scĂšnes dâadoration. Elles ont Ă©tĂ© presque toutes tracĂ©es sur des rochers en plein air. Cependant, Ă lâoued Itel, les dessins couvrent les parois de quelques hypogĂ©es arti-ficiels, formĂ©s dâun couloir dâaccĂšs et dâune ou plusieurs gale-ries, perpendiculaires au couloir et assez rĂ©guliĂšres(1). En Tri-politaine, Ă lâouadi et Cheil, des gravures tapissent une grotte naturelle(2). Les cavernes qui, pendant de longs siĂšcles, avaient servi dâhabitations durent rester çà et lĂ des lieux de culte. Ce fut peut-ĂȘtre avec une intention religieuse que lâon traça une figure anthropomorphe Ă lâentrĂ©e de la grotte de Bou Zabaoui-ne (prĂšs dâAĂŻn Mlila, dans le dĂ©partement de Constantine)(3). Il y avait encore en BerbĂ©rie des grottes sacrĂ©es Ă lâĂ©poque historique, mĂȘme au temps de saint Augustin. Si lâon peut ad-mettre que, dans quelques-unes, se cĂ©lĂ©braient des cĂ©rĂ©monies dâorigine Ă©trangĂšre(4), dâautres servaient sans doute Ă des cul-tes vĂ©ritablement indigĂšnes(5).____________________lĂ un rocher qui offre des dispositions analogues et qui me parait avoir servi de pressoir. 1. Blanchet, Rec. de Constantine, XXXIII, p. 296-7 ; conf. Gsell, Monu-ments, I, p. 48. 2. Rohlfs, l. c. A Timissao, en plein Sahara, le sol, les parois et le plafond dâun abri sous roche sont couverts de gravures, dont quelques-unes paraissent ap-partenir Ă la sĂ©rie prĂ©historique : Gautier, Sahara algĂ©rien, p. 112-3. 3. Robert, dans CongrĂšs prĂ©historique de France, PĂ©rigueux, 1905, p. 225, fig. I. Nous ne savons pas de quand date cette figure : il nâest pas prouvĂ© quâelle soit contemporaine du mobilier nĂ©olithique recueilli Ă lâintĂ©rieur de la grotte, M. Robert (Rec. de Constantine, XXXIV, 1900, p. 232) signale aussi deux personna-ges, dâun dessin uniforme, Ă lâentrĂ©e de la grotte de Dekhlet Zitoune, dans la mĂȘme rĂ©gion. â Un grand nombre de signes, gravĂ©s et peints en rouge, ont Ă©tĂ© tracĂ©s, Ă une Ă©poque indĂ©terminĂ©e, Ă lâentrĂ©e dâune caverne de Kef el Kherraz (Atlas ar-chĂ©ologique de lâAlgĂ©rie, f° 18, n° 255). 4. Tel Ă©tait peut-ĂȘtre le cas pour une grotte consacrĂ©e Ă Hercule, prĂšs de Tan-ger (MĂ©la, I, 26). Il est assez vraisemblable quâil sâagit de lâHercule phĂ©nicien. 5. Conf. Basset, l. c., 297-8.
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III
Dans les pages prĂ©cĂ©dentes, nous avons souvent mention-nĂ© des gravures rupestres, dont il convient de parler dâune ma-niĂšre plus dĂ©taillĂ©e(1). Nous nâavons pas Ă Ă©tudier ici toutes les gravures sur roche de lâAfrique septentrionale(2). Il est certain, en effet, que beau-coup dâentre elles ne datent pas des temps dits prĂ©historiques. Ce sont celles que lâon qualifie gĂ©nĂ©ralement de libyco-berbĂš-res et qui se rencontrent en abondance dans le Sud oranais(3) et dans tout le Sahara(4) ; il y en a aussi dans le Sud du Maroc(5)._____________________ 1. Sur ces gravures, voir surtout Bonnet, Rev. Dâethnographie, VIII, 1889, p. 149-158 ; Flamand, lâAnthropologie, III, 1892, p. 145-156 ; le mĂȘme, Bull. de la So-ciĂ©tĂ© dâanthropologie de Lyon, XX, 1901, p. 181-222 ; Gsell, Monuments antiques de lâAlgĂ©rie, I, p. 41-54 (avec la bibliographie) ; Gautier, Sahara algĂ©rien, p. 87-120. M. Flamand, qui prĂ©pare depuis vingt ans un ouvrage dâensemble sur cette question, a bien voulu mes communiquer ces documents. 2. On a signalĂ© aussi, en divers lieux, des images rupestres non gravĂ©es, mais peintes en rouge ou en rouge-brun : 1° au Sud-Est de Constantine : Bosco et Solignac, Rec. de Constantine, XLV, 1911, p. 340-2 et planches ; 2° au djebel Blidji, entre Gafsa et Tamerza : Roux, Revue tunisienne, XVIII, 1911, p. 320-2 et fig. : le mĂȘme, Bulletins de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Paris, 1911, p. 31-32 : 3° dans le Sud du Djebel Amour : MaumenĂ©, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1901, p. 305-7 et pl. XXV. Je dois me con-tenter de les mentionner ici, car je crois que de nouvelles Ă©tudes seraient nĂ©cessaires pour Ă©lucider leur technique et fixer leur Ăąge. On peut se demander sâil sâagit bien de peintures, et non de raclages qui auraient fait apparaĂźtre la couleur naturelle rouge de la roche de grĂšs, oxydĂ©e Ă la surface par les agents atmosphĂ©riques (comme le croit M. Flamand ; conf. Cartailhac et breuil, la Caverne dâAltamira, p. 171, note Ă la fig. 129). Par leur style, ces images se distinguent nettement des gravures rupestres prĂ©histori-ques. Constituent-elles cependant une sĂ©rie Ă peu prĂšs contemporaine de celles-ci ? ou sont-elles beaucoup plus rĂ©centes, et doivent-elles ĂȘtre comparĂ©es aux gravures libyco-berbĂšres ? Jâavoue que je suis dans le doute. 3. Voir Hamy, Revue dâethnographie, I, 1882, p. 132 et suiv. ; Bonnet l. c., p. 152-3, 157 ; Flamand, lâAnthropologie, III, 1892, p. 153-4, et VIII, 1897, p. 284-292 ; le mĂȘme, Bull. de la Soc. dâanthr. De Lyon, XX, p. 215 : Hilaire, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1904, p. 160-2. 4. Foureau, Documents scientifiques de la mission Foureau-Lamy, p. 1095, fig. 388-392. Duvaux, Bull. dâOran, 1901, p. 306-311 et planches. Flamand, Bull. de gĂ©o-graphie historique, 1903, p. 498-526 ; 1903, p. 275-297 et planches. Gautier, l. c., p. 97 et suiv., passim. Benhazera, Six mois chez les Touareg du Ahaggar (Alger, 1908), p. 213-9, Etc. 5. Des gravures appartenant Ă cette sĂ©rie se trouvent certainement parmi celles
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Ces images, de petites dimensions, sont pour la plupart tracĂ©es en un pointillĂ© grossier, peu profond, qui ne donne que des con-tours vagues et dâordinaire fort incorrects(1). Dâautres, cepen-dant, que lâon trouve dans le Sahara, consistent en des traits continus, minces et dâun dessin moins barbare, Ă lâintĂ©rieur desquels la surface du rocher a Ă©tĂ© souvent grattĂ©e(2). Les instru-ments employĂ©s Ă©taient en pierre(3). Les sujets reprĂ©sentĂ©s sont des guerriers, fantassins et cavaliers, qui tiennent un bouclier et plusieurs javelines, des dromadaires, dont beaucoup sont mon-tĂ©s, des chiens, des bĆufs, quelquefois bĂątĂ©s, des mouflons, des girafes (dans le Sahara central)(4), des antilopes, des autruches et probablement dâautres oiseaux, des lĂ©zards, etc. Les figures sont trĂšs frĂ©quemment accompagnĂ©es dâinscriptions en lettres dites tifinagh, qui doivent ĂȘtre, pour une bonne part, contem-poraines des images(5), comme lâindiquent lâidentitĂ© de facture et aussi lâidentitĂ© de patine. Or ces inscriptions offrent un al-phabet intermĂ©diaire entre lâĂ©criture dite libyque, usitĂ©e dans lâAfrique septentrionale Ă lâĂ©poque romaine, et celle dont les Touaregs du Sahara se servent de nos jours. Lâabondance des images de dromadaires prouve que ces animaux Ă©taient trĂšs rĂ©pandus dans le Sud du Maghrib et dans le Sahara qui nous reporte Ă des temps postĂ©rieurs au Haut-Empire romain. Dans le Nord de lâAĂŻr, une inscription arabe dâun type trĂšs ancien a paru Ă M. Chudeau(6) appartenir Ă la mĂȘme Ă©poque que les____________________dont les estampages ont Ă©tĂ© pris par le rabbin MardochĂ©e (Duveyrier, Bull. de la SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie, 1876, II, p. 129 et suiv., avec la planche annexe) et celles quâa signalĂ©es Lenz (Timbokto, II, p. 11) : conf. Flamand, Bull. de la Soc. dâanthr. De Lyon, XX, note Ă la p. 183. 1. Bonnet, l. c., p. 152. Flamand, lâAnthropologie, III, p. 153 ; VIII, p. 286. 2. Gautier, l, c., p. 112, Flamand, Bull. de gĂ©ographie historique, 1903, p. 501. Ces gravures au trait sont souvent plus grandes que les autres. 3. Gautier, p. 118, 119. 4. Gautier, p. 114, 115. 5. Il y en a de plus rĂ©centes, qui recouvrent des figures : voir, par exemple, Fou-reau, l. c., p. 1095 et 1096. 6. Bull. de la Soc. dâanthropologie de Paris, 1907, p. p. 143-4 ; conf. Gautier l. c., p. 115-6.
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gravures libyco-berbĂšres qu elle accompagne(1). Quant aux ti-finagh, les indigĂšnes dâaujourdâhui ne les comprennent plus. On peut dâailleurs admettre que ces figures et ces inscriptions sâĂ©chelonnent sur une pĂ©riode assez longue, que les plus rĂ©cen-tes datent seulement de quelques siĂšcles(2). Il Ă©tait utile de parler briĂšvement des gravures libyco-ber-bĂšres, dâabord pour montrer que les renseignements quâelles nous apportent ne concernent en rien les Africains primitifs, ensuite parte quâelles nous donnent un indice sur lâĂ©poque des autres gravures rupestres, de celles qui peuvent ĂȘtre appelĂ©es prĂ©historiques. En divers lieux(3), elles recouvrent ces derniĂšres, dont la patine trĂšs sombre est toute diffĂ©rente(4) et auxquelles el-les sont certainement bien postĂ©rieures. Il faut donc distinguer deux sĂ©ries : lâune ancienne, caractĂ©risĂ©e, comme nous le ver-rues, par un tracĂ© large et profond et par une faune qui a en par-tie disparu de lâAfrique septentrionale ; lâautre, par le dessin en pointillĂ© ou en traits minces et par une faune qui existe encore dans le pays, surtout par le dromadaire. Du reste, il est probable quâentre ces deux Ă©poques lâusage de graver des images rupes-tres ne sâest jamais complĂštement perdu : des recherches et des examens attentifs permettront sans doute de constituer une strie intermĂ©diaire(5). Les gravures prĂ©historiques sont assez rares dans les pays voisins de la MĂ©diterranĂ©e(6). Dans le dĂ©partement de Constan-____________________ 1. En gĂ©nĂ©ral, les inscriptions arabes tracĂ©es auprĂšs des figures et inscriptions libyco-berbĂšres sont plus rĂ©centes quâelles. 2. Dans cette question de chronologie, il nây a pas Ă tenir compte de la prĂ©tendue aversion des musulmans pour les images dâĂȘtres animĂ©s ; conf. Flamand, Bull. de gĂ©ogra-phie historique, 1905, p. 294, n. 2 3. Voir Hamy, l. c., p. 132 et fig. 87-88, aux p. 131 et 133 ; Bonnet, l. c., p ; 154, 157 ; Flamand, lâAnthropologie, III, p. 153 et fig. 2, Ă la p. 154 : le mĂȘme, Bull. de la Soc. dâanthr. De Lyon, XX, p. 208. 4. Bonnet, l. c., p. 152. Flamand, lâAnthropologie, III, p. 150. Gautier, l. c., p. 87. 5. Conf. Gautier, p. 110-2 (Mouidir, Ahmet), 114-5 (Ahaggar), 120. 6. Comme lâobserve M. Chudeau (Sahara soudanais, p. 287), ces gravures ont pu ĂȘtre dĂ©truites par les pluies dans les rĂ©gions humides du Tell plus facilement que dans les pays secs oĂč on les rencontre encore en abondance.
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tine, on en connaĂźt au lieu dit Khanguet el Hadjar (au Sud-Ouest de Guelma(1)), et non loin de lĂ , au Sud-Est, Ă Kef Messiouer(2) ; il y en a aussi dans les rĂ©gions dâEl Haria et du Kroub (Ă lâEst et au Sud-Est de Constantine)(3). Elles abondent au contraire dans les montagnes de lâAtlas saharien, au Sud de la province dâOran (djebel Amour et monts des Ksours)(4) : dans les rĂ©gions dâAflou(5), de GĂ©ryville(6), dâAĂŻn Sefra(7) cet, plus au Sud-Ouest, prĂšs de Figuig(8). On en retrou-ve au delĂ de cette ville, dans le Sahara, aux abords de lâoued Zousfana et de la haute Saoura(9). Dans ces pays, elles ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©es avec soin et distinguĂ©es des graffites libyco-berbĂšres. Il nâen a pas Ă©tĂ© de mĂȘme des gravures sur roche du Sud du____________________ 1. Vigneral, Ruines romaines du cercle de Guelma, pl. IX et X (dessins qui ne sont pas trĂšs exacts. Gsell, Monuments, 1, p. 47 (avec la bibliographie). 2. Gsell, l. c., p. 47-48 et fig. 14 ; conf. Rec. de Constantine, XXVII, 1892, pl. Ă la p. 98. A une cinquantaine de mĂštres de lĂ , autres gravures (gazelles, autruches) : Atlas archĂ©ologique de lâAlgĂ©rie, f° 18, n° 255. â On signale encore dans la rĂ©gion situĂ©e en-tre Guelma et Constantine, des « dessins libyques », reprĂ©sentant deux chevaux, un bĆuf Ă grandes cornes et peut-ĂȘtre un mouton : Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1888, p. 105. Sâagit-il de gravures prĂ©historiques ? Je ne les ai pas vues. 3. Bosco et Solignac, Rec. de Constantine, XLV, 1911, p. 324, 333 et suiv., et planches (conf. Laborde, ibid., XXXV, 1901, p. 192-3). â Les grossiĂšres figures tracĂ©es Ă lâentrĂ©e des grottes de Bou Zabaouine et de Dekhlel Zitoune (voir plus haut, p. 256, n. 3) ne sont peut-ĂȘtre pas de la mĂȘme Ă©poque que les images de Khanguet el Hadjar et de Kef Messiouer. 4. Les stations actuellement connues sont Ă©numĂ©rĂ©es par Flamand, Bull. de la Soc. dâanthr. De Lyon, XX, p. 188-9 et 205. 5. Voir Delmas, Bull. de la SociĂ©tĂ© dauphinoise dâethnologie et dâanthropologie, IX, 1902, p. 139-147 ; MaumenĂ©, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ© 1904, p. 301-5. Les principales stations sont celles dâAĂŻn Slissifa, de Kef Mektouha et des environs dâEr Ri-cha (en particulier Ă Enarfous). 6. Stations de Bou Alem (Gsell, l. c., I, p. 46-47 et fig. 13), de Ksar el Ahmar, prĂšs de Keragda (ibid., p. 45-46 et fig. 12), de Guebar Rechim (ibid., p. 46), de Tazina (ibid., p. 45 et fig. 11), dâAĂŻn ed Douis, dâAsia, etc. 7. Djebel Mahisserat (ibid., p. 45) ; Tyout (ibid., 41-43 et fig. 10, avec la biblio-graphie) : Moghar el Thatani (ibid., p. 43-44 ; ajouter Ă la bibliographie Jacquot, Revue de lâĂcole dâanthropologie, XVI, 1906, p. 289-291). 8. El Hadj Mimoun (Hamy, Revue dâethnographie, I, 1882, p. 131-4, fig. 87 et 88) ; Oued Dermel : col de Zenaga (Gautier, Sahara algĂ©rien, p. 87-93). 9. Barrebi, dans lâoasis de Taghit (Gautier, l. c., p. 94-97) ; El Aouedj, plus au Sud-Ouest (BarthĂ©lemy et Capitan, Revue de lâĂcole dâanthropologie, XII, 1902, p. 306 et fig. 108) ; AĂŻn Memmouna, entre Zousfana et le guir (Gautier, p. 98-99) : Hadjra Meklouha sur la Saoura, entre Beni AbbĂšs el Kerzaz (Gautier, p. 100-101).
ĂTAT SOCIAL. MAGIE ET RELIGION. ART. 261
Maroc, signalĂ©es dans le Sous, dans lâAnti-Atlas et au Sud de lâoued Draa(1). Les indications donnĂ©es par quelques voyageurs ne peuvent donc ĂȘtre utilisĂ©es quâavec rĂ©serve. A la lisiĂšre septentrionale du Sahara constantinois, au Sud-Ouest de Biskra, dans un ravin voisin de lâoued Itel, il existe un groupe intĂ©ressant dâimages, qui appartiennent a la sĂ©rie an-cienne(2). Il y a aussi quelques gravures dites prĂ©historiques Ă lâin-tĂ©rieur mĂȘme du grand dĂ©sert(3). Mais le nombre des dessins rĂ©-cents (avec figures de dromadaires) est infiniment plus Ă©levĂ©. Dâautres appartiennent peut-ĂȘtre Ă une pĂ©riode intermĂ©diaire(4). Ces images, tracĂ©es sur des grĂšs (sauf de rares exceptions, oĂč la roche est calcaire(5)), dĂ©corent presque toutes des parois____________________ 1. Duveyrier, dâaprĂšs les estampages du rabbin MardochĂ©e, Bull. de la SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie, 1876, II, p. 129-146 et planche. Douls, ibid., 1888, p. 456. Lenz, Timbuktu, II, pl. 11. Ces trois auteurs mentionnent lâĂ©lĂ©phant parmi les animaux reprĂ©sentĂ©s ; Du-veyrier indique aussi le rhinocĂ©ros, Douls, lâhippopotame. 2. Blanchet, Rec. de Constantine, XXXIII, 1899, p. 294-310 et planches. Gsell, l. c., p. 48-49. Voir aussi Rec. de Constantine, XXXVIII, planches Ă la p. 167. 3. Elles y semble rares : Gautier, l. c., p. 120 et 135. Il y en a peut-ĂȘtre Ă la gara Bou Douan, dans le TadmaĂŻt (Flamand, Bull. de gĂ©ographie historique, 1905, p. 290 et pl. X, n° 8), et Ă lâoued Taghit, dans lâAhnel (Gautier, p. 104, 105). Gautier, p. 104, 105). Gautier (p. 112-3) en signale Ă Timissao, dans le Tanezrouft ; Foureau (Documents, p. 1071, fig. 380), dans le Tassili. â En Tripolitaine, Ă lâouadi el Cheil, entre Mizda et GhadamĂšs, Rohlfs (Quer darch Afrika, I, p. 52) indique, sur les parois dâune caverne, des figures grossiĂšres, reprĂ©sentant des Ă©lĂ©phants, des chameaux, des antilopes, une femmes : il y a lĂ probablement des gravures prĂ©historiques et des graffites libyco-berbĂšres (Rohlfs note cependant lâabsence de tillnagh). â Pour les gravures de Telliz ZarhĂšne, dans la rĂ©gion de Ghat, voir Barth, Reisen und Entdeckungen, I, p. 210-7. Les personnages Ă tĂȘte dâanimal (conf. plus haut, p. 247) et sans doute aussi des bĆufs appartiennent Ă la sĂ©rie ancienne, mais il doit y avoir des gravures plus rĂ©centes ; Barth signale en ce lieu de nom-breux tillnagh. â Nachtigal (Sahara und Sudan, I, p. 307-9) a vu dans le Tibesti, sur des rochers du fleuve des Gazelles, des gravures reprĂ©sentant surtout des bĆufs. Une figure humaine, isolĂ©e, est un guerrier tenant une lance et un bouclier. Une image de chameau, fort mal dessinĂ©e, a paru Ă Nachtigal plus rĂ©cente que les bĆufs. Peut-ĂȘtre faut-il distin-guer en effet deux sĂ©ries dâĂ©poques diffĂ©rentes ; mais la plus ancienne est-elle contempo-raine de nos gravures prĂ©historiques ? â Les gravures dâAnaĂŻ (au Sud du Fezzan), quâon a signalĂ©es Ă Duveyrier (Touareg du Nord, p. 221, 458), reprĂ©sentaient des bĆufs Ă bosse, traĂźnant des chariots. Il est probable quâelles nâappartiennent pas Ă la sĂ©rie prĂ©historique. 4. Voir plus haut, p. 259, n. 5. 5. A Hadjra Mekouta, sur la Saoura : Gautier, p. 100. Les grottes de lâoued Itel ont Ă©tĂ© taillĂ©es dans des bancs calcaires : Blanchet, l. c., 295. Les gravures sur calcaire
262 LES TEMPS PRIMITIFS.
verticales, qui, frĂ©quemment, dominent des points dâeau. A Khanguet el Hadjar, elles couvrent les deux faces dâun vaste rocher (la face principale mesure Ă peu prĂšs 17 mĂštres de long), Ă lâentrĂ©e dâune gorge et au-dessus dâune, source. A Tyout, elles occupent une paroi longue dâenviron 75 mĂštres, haute de 20. Il est rare quâelles soient gravĂ©es sur des surfaces horizontales, comme Ă Moghar et Tathani, oĂč elles sâĂ©talent sur une longe sĂ©-rie de roches, parsemant le plateau qui domine lâoasis; comme aussi Ă AĂŻn Memnouna(1). Nous avons dit quâelles tapissent, Ă lâoued Itel, des grottes faites de main dâhomme et; ailleurs, des cavitĂ©s naturelles(2). On sâest rendu compte, surtout dans le Sud oranais, de la technique employĂ©e(3). Un trait lĂ©ger indiquait dâabord lâen-semble de la figure. Sur cette esquisse, lâartisan exĂ©cutait, Ă lâaide dâun poinçon, un pointillĂ© fortement accusĂ©, quâil polis-sait ensuite avec soin, de maniĂšre Ă produire un trait rĂ©gulier, continu, « trĂšs net, large de 1 centimĂštre Ă 1 centimĂštre et demi, profond de 10 millimĂštres, Ă©vasĂ© Ă sa partie supĂ©rieure, jamais anguleux, lisse et parfaitement poli ; il semble avoir Ă©tĂ© obtenu parle frottement prolongĂ© dâun instrument Ă extrĂ©mitĂ© mous-se(4) ». Cet outil ne pouvait ĂȘtre ni en bois, ni en mĂ©tal, car il aurait Ă©tĂ© soit trop mou pour entamer le grĂšs, soit trop tranchant; il Ă©tait nĂ©cessairement en pierre, connue aussi, sans doute, la____________________que Lenz (l. c.) a vues dans lâAnti-Atlas paraissent ĂȘtre en gĂ©nĂ©ral libyco-berbĂšres ; celles de Tilmas Djelguem, dans le TadmaĂŻt (Flamand, la GĂ©ographie, 1900, I, p. 362), sont aussi dâun type rĂ©cent. â M. Gautier (p. 48-49) fait remarquer que les gravures sur calcaire ont pu ĂȘtre beaucoup plus nombreuses, le calcaire rĂ©sistant mois Ă la pluie que le grĂšs. 1. Gautier, l. c., p. 98. Il signale aussi des gravures sur des surfaces horizontales au col de Zenaga (p. 88). â Il y en avait peut-ĂȘtre un plus grand nombre plus exposĂ©s Ă la pluie que les gravures tracĂ©es dans le sens vertical, elles risquaient plus de disparaĂźtre. 2. Supra, p. 256. 3. Bonnet, Revue dâethnographie, VIII, 1889, p. 152. Flamand, lâAnthropologie, III, 1892, p. 149-150. MaumenĂ©, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1901, p. 301. Conf., pour les gravures de la rĂ©gion de Constantine, Bosco et Solignac, Rec. de Constantine, XLV, 1911, p. 337 et 339. 4. Bonnet. l. c.
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pointe et le poinçon employĂ©s prĂ©alablement. On a constatĂ© quelquefois un polissage de la roche Ă lâintĂ©rieur des con-tours(1). Les dimensions des images sont fort variables. GĂ©nĂ©ra-lement, elles sont plus petites que nature. Il y a cependant des exceptions : par exemple Ă Kef Messiouer(2). A notre connaissance, des plantes, des arbres, des fleurs nâapparaissent nulle part : on sait du reste que les primitifs re-produisent rarement les vĂ©gĂ©taux. Partout, au contraire, des animaux, sauvages ou domestiques ; nous avons mentionnĂ© les espĂšces reprĂ©sentĂ©es(3). Ce ne sont guĂšre que des quadrupĂšdes ; sauf des autruches, les oiseaux sont rares(4) ; les reptiles sont exceptionnels(5). Nous avons parlĂ© aussi des hommes et de leurs attitudes(6). Il y a quelques objets isolĂ©s. A Asla, on reconnaĂźt une hache, un bouclier(7) et peut-ĂȘtre des boumerangs(8). A Mo-ghar, deux images Ă©nigmatiques sont formĂ©es de lignes croi-sĂ©es on enchevĂȘtrĂ©es(9).____________________ 1. Bonnet, p. 150 (Ă Tyout). Flamand, apud Pomel, Singe et homme, p. 20 (Ă Ksar el Ahmar), Gautier, p. 92 (Ă Zenaga). MM. Bosco et Solignac (l. c., p. 341, 342) indiquent, dans la rĂ©gion de Constantine, quelques gravures dont les creux offriraient quelques vestiges dâune couleur rouge-brun. Sâagit-il bien dâune coloration intentionnelle, destinĂ©e Ă faire ressortir les images ? ou ne serait-ce pas la teinte naturelle de la roche au-dessous de la croĂ»te plus foncĂ©e qui forme la surface ? dans ce cas, les traits qui apparaissent en rouge auraient, pour telle ou telle raison, Ă©tĂ© prĂ©servĂ©s de la patine qui a donnĂ© aux autres traits une couleur sombre. 2. A Ksar el Ahmar, une femme mesure 1 m. 35 ; Flamand, lâAnthropologie, III, p. 148. A Zeunga, les figures sont souvent de grandeur naturelle ; Gautier, p. 88. Etc. 3. Supra, p. 106-7, pour les animaux sauvages. â p. 217 (chien), 219-220 (bĆuf), 225-6 (mouton et chĂšvre), 228 (Ăąne), 231 (cheval). 4. Ăchassier indĂ©terminĂ© Ă Ksar el Ahmar : Pomel, Babalus antiquus, pl. X, fig. 1. Outarde Ă Tyout, selon Bonnet (l. c., 156) ; Pomel (Singe et homme, p. 18 et pl. II, fig. 2) indique aussi Ă Tyout un oiseau quâil dĂ©signe dubitativement sous le nom dâoutarde ; jây verrais plutĂŽt une autruche. Deux oiseaux indĂ©terminĂ©s Ă Moghar : Jacquot, Revue de lâĂco-le dâanthropologie, XVI, 1906, p. 289, fig. 97 (conf. Bull. de la SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie de Toulouse, II, 1883, pl. 2, Ă la p. 40). Voir aussi Duveyrier, Bull. de la SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie de Paris, 1876, II, planche jointe au mĂ©moires de p. 120-146, nos 42 et 45. 5. M. Bonnet (l. c., p. 156) indique une vipĂšre Ă cornes Ă Tyout ; M. MaumenĂ© (l. c., p. 301), une Ă©bauche de serpent Ă AĂŻn Silssifa. 6. Supra, p. 201-3 et 254-5. 7.Pomel, Singe et homme, pl. I, fig. 7 et 9. 8. Pomel, ibid., fig. 5 et 6. Conf. plus haut, p. 202. 9. Lâun de ces objets est reproduit par Bonnet, l. c., p. 152, fig. 5 : sphĂšre aplatie,
264 LES TEMPS PRIMITIFS.
Les animaux se prĂ©sentent de profil; les hommes, au contraire, sont frĂ©quemment de face. Les figures se rĂ©duisent dâordinaire Ă des contours, Ă de simples silhouettes; parfois, quelques dĂ©tails intĂ©rieurs sont sommairement indiquĂ©s : yeux, poils, ligne des hanches, etc. Le dessin est presque toujours enfantin, gauche, incorrect(1). Ces images sont assurĂ©ment trĂšs supĂ©rieures aux graffites libyco-berbĂšres, mais elles ne peuvent en aucune maniĂšre soutenir la comparaison avec les admirables Ćuvres de peinture, de gravure et de sculpture que les troglody-tes quaternaires de lâEurope occidentale nous ont laissĂ©es. Bien souvent, il est impossible de distinguer lâanimal que lâ « ar-tiste » a voulu reprĂ©senter. Il y a pourtant des exceptions. Les lions, les chacals et le sanglier de Kef Messiouer(2), le bĂ©lier sacrĂ© de Bou Alem(3), des Ă©lĂ©phants(4) et des buffles(5) de plu-sieurs stations du Sud oranais rĂ©vĂšlent des dons dâobservation assez remarquables : un profil ferme et net rend avec bonheur lâaspect des animaux, parfois mĂȘme leur attitude dans tel ou tel mouvement. Il semble bien quâen gĂ©nĂ©ral les images gravĂ©es dans cha-que station aient Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©es sĂ©parĂ©ment. En quelques lieux, surtout Ă Tyout et Ă Khanguet el Hadljar, les ligures, fort nom-____________________rayĂ©e de traits qui ne croisent et pourvue de trois appendices allongĂ©s ; on peut ;ce de-mander si ce nâest pas une sorte de coiffure, destinĂ©e Ă un animal sacrĂ©. Pour lâautre, voir Jacquot, Revue de lâĂcole dâanthropologie, XVI, p. 206, fig. 98 (conf. Bull. de la Soc. dâethnographie de Toulouse, II, pl. 2, Ă droite, en haut), â Voir aussi Jacquot, 1, c., p. 289, fig. 97 (eu bas) : deux objets indĂ©terminĂ©s, de forme allongĂ©e. Flamand, Bull. de la Soc. dâanthr. De Lyon, XX, p. 199, fig. IV (en bas Ă gauche) : objet allongĂ©, qui sem-ble ĂȘtre attachĂ© par une corde (peut-ĂȘtre Ă la jambe dâun personnage). Pomel, l. c., pl. II, fig. 6 (et p. 22) : peut-ĂȘtre une coquille (conf. supra, p. 210, n. 5). â Dans la rĂ©gion de Constantine, il y a aussi des figures Ă©nigmatiques, formĂ©s de lignes enchevĂȘtrĂ©es : Bosco et Solignac, Rec. de Constantine, XLV, 1911, pl. V et VI, Ă la p. 340. 1. En particulier pour les extrĂ©mitĂ©s. 2. Gsell, Monuments, I, p. 48, fig. 14. 3. Gsell, ibid., p. 46, fig. 13. Zeitschrift fĂŒr Ethnologie, XL, 1908, fig. Ă la p. 92. 4. Pomel, ĂlĂ©phants quaternaires, pl. XIV. Fig. 4 (Guebar Rechim) ; pl. XV, fig. 6 (djebel Mahisserat). 5. Pomel, Rabalus antiquus, pl. X ; Flamand, Bull. de la Soc. dâanthr. De Lyon, XX, p. 191, 195, 197, fig. 1-m (Ennefous, Tazina, Ksar el Ahmar).
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breuses, sâoffrent dans le plus grand dĂ©sordre, avec des dimen-sions trĂšs diverses, en diffĂ©rents sens ; quelquefois mĂȘme elles se coupent et se mĂȘlent. Cependant ou trouve çà et lĂ des scĂš-nes Ă plusieurs acteurs, des tableaux composĂ©s. A Ennefous, prĂšs dâEr Richa, câest lui combat de deux grands buffles(1) ; Ă AĂŻn Slissifa, un Ă©lĂ©phant protĂ©geant un Ă©lĂ©phanteau contre une panthĂšre, en prĂ©sence dâun autre Ă©lĂ©phant(2) : Ă Kef Messiouer, la curĂ©e du sanglier par une famille de lions, tandis que plu-sieurs chacals semblent attendre le moment de se jeter sur les restes(3) (le tableau comprend dix figures) ; Ă Guebar Rechim et au djebel Mahisserat, ce sont des troupeaux dâĂ©lĂ©phants, sâavançant en file(4) ; Ă Tyout, des chasseurs, accompagnĂ©s de chiens et visant de leur arc quelque gibier, autruche ou quadru-pĂšde(5) ; Ă lâoued Itel, trois personnages alignĂ©s, dont la main gauche levĂ©e porte peut-ĂȘtre une offrande(6) ; Ă Telliz ZarhĂšne, deux guerriers couverts, semble-t-il, de masques dâanimaux et se faisant vis-Ă -vis dans une danse sacrĂ©e(7). Les gravures que nous venons dâĂ©tudier se rĂ©partissent sur une longue suite dâannĂ©es, sans doute sur plusieurs siĂšcles. Leur abondance en certains endroits, les recoupements que nous avons signalĂ©s attestent que de nombreuses gĂ©nĂ©rations ont passĂ© par lĂ . Mais il est difficile dâĂ©tablir la chronologie de____________________ 1. Flamand, l. c., p. 191, fig. I (reproduite dans la Revue de lâĂcole dâanthropolo-gie, XII, 1902, p. 169, fig. 60 ; dans la Zeitschrift fĂŒr Ethnologie, l. c., fig. Ă la p. 91 ; dans DĂ©chelette, Manuel dâarchĂ©ologie prĂ©historique, I, p. 267, fig. 169) ; conf. MaumenĂ©, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1901, p. 303, fig. 3. 2. Delmas, Bull. de la SociĂ©tĂ© dauphinoise dâethnologie et dâanthropologie, IX, 1902, p. 135, fig. I ; MaumenĂ©, l. c., p. 301, fig. 1). 3. Voir supra, p. 260, n. 2. â Sur la croyance, commune Ă divers peuples, que les chacals sont les serviteurs des lions et mangent leurs restes, voir O. Keller, Thiere des classischen Alterthums, p. 192. 4. Flamand, lâAnthropologie, III, 1892, p. 149, fig. 1. Tissot, GĂ©ographie, l. p. 372, fig. 41 ; conf. Gsell, l. c., p. 45. 5. Gsell, l. c., p. 42, fig. 10 ; conf. Pomel, Singe et homme, pl. II, fig. 2 et 3. 6. Rec. de Constantine, XXXIII, 1890, pl. Ă la p. 304. â Sur une gravure de la rĂ©-gion dâEl Haria, Ă lâEst de Constantine, il y a aussi, autant quâil semble, trois personnages debout, alignĂ©s : ibid., XLV, 1911, pl. III, Ă la p. 336. 7. Barth, Reisen, I, fig. Ă la p. 210.
266 LES TEMPS PRIMITIFS.
cet art primitif. Constater par lâexamen des patines que, dans le Sud oranais, les figures anciennes sont bien antĂ©rieures aux graffites libyco-berbĂšres, cela permet seulement de dire quâel-les doivent remonter au moins au premier millĂ©naire avant J.-C. La faune reprĂ©sentĂ©e dans cette rĂ©gion, et aussi dans le sud du Maroc, comprend des espĂšces aujourdâhui disparues et qui avaient probablement besoin dâun climat plus humide que le climat actuel(1). Mais ce nâest pas une preuve dâune antiquitĂ© trĂšs reculĂ©e(2) : nous savons que lâĂ©lĂ©phant existait encore dans lâAfrique septentrionale au dĂ©but de notre Ăšre(3). Nous avons dit que les hommes qui tracĂšrent ces images avaient des animaux domestiques, chiens, moutons, chĂšvres, bĆufs, chevaux ; quâils se servaient, autant quâil semble, de haches emmanchĂ©es, iden-tiques Ă celles que lâon trouve dans les stations nĂ©olithiques rĂ©-centes ; que quelques-unes de ces stations ont dĂ» ĂȘtre habitĂ©es par eux(4). Peut-ĂȘtre est-il permis de prĂ©ciser davantage, si lâon admet avec nous que le cheval ait Ă©tĂ© introduit dâĂgypte en Ber-bĂ©rie(5) et que les bĂ©liers coiffĂ©s dâun disque soient des images du dieu Ă©gyptien Ammon(6), Il deviendrait vraisemblable que les gravures reprĂ©sentant des chevaux et les bĂ©liers sacrĂ©s ne sont pas antĂ©rieures au Nouvel Empire, quâelles ne datent guĂš-re que de la deuxiĂšme moitiĂ© du second millĂ©naire(7). Dâautres____________________ 1. conf. supra, p. 54. 2. Quâadmat M. Flamand (Recherches gĂ©ologiques et gĂ©ographiques sur le Haut Pays de lâOranie, p. 728 et 746). Tout en reconnaissant sur ces gravures la prĂ©sence dâavidĂ©s et de chiens domestiquĂ©s, et dâune hache « dont la silhouette est tout Ă fait celle dâune hache nĂ©olithique emmanchĂ©e », il croit quâelles « sont du plĂ©istocĂšne rĂ©cent, câest-Ă -dire quaternaires, et non actuelles ; elles remontent donc Ă une trĂšs haute anti-quitĂ© ». Je regrette de ne pas pouvoir adopter cette opinion. 3. Voir p. 74-75. 4. Supra, p. 201. 5. P. 233. 6. P. 250 et suiv. 7. Il y aurait lieu aussi dâinvoquer la forme des boucliers Ă Ă©chancrures latĂ©rales (conf. p. 203, n. 2), si cette forme nâavait pu ĂȘtre inventĂ©e dans diverses rĂ©gions, restĂ©es sans relations entre elles. â Le bouclier rond ne parait pas avoir Ă©tĂ© en usage dans les pays mĂ©diterranĂ©ens avant les derniers siĂšcles du second millĂ©naire (A. J.-Reinach, Revue
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dessins de la sĂ©rie dite prĂ©historique peuvent ĂȘtre plus anciens ou plus rĂ©cents. Des Gravures ont Ă©tĂ© tracĂ©es sur des rochers Ă des Ă©po-ques et dans des rĂ©gions trĂšs diverses. Elles sont gĂ©nĂ©ralement fort diffĂ©rentes des nĂŽtres, mĂȘme celles de SuĂšde et des Alpes maritimes, qui, elles aussi, pourraient dater en partie du second millĂ©naire(1). On connaĂźt fort mal les images rupestres qui exis-tent le long du Nil, dans la Haute Ăgypte(2) et en Nubie(3). Il faut cependant les mentionner ici, car celles qui paraissent ĂȘtre les plus anciennes et qui reprĂ©sentent, entre autres animaux, des Ă©lĂ©phants et des girafes, rappellent les gravures oranaises par leur technique et par leur style(4). Mais, mĂȘme si ces ressem-blances ne doivent pas ĂȘtre imputĂ©es au hasard, on ne saurait en conclure que les hommes qui ont tracĂ© ces figures aient Ă©tĂ©____________________archĂ©ologique, 1910, I, p. 28 et 29 ; conf. Revue de lâhistoire des religions, 1910, I, p. 208-9). Nous aurions peut-ĂȘtre lĂ un indice chronologique, sâil Ă©tait certain que cette arme ait Ă©tĂ© figurĂ©e Ă Asla (voir p. 202, n. 10). 1. DĂ©chelette, Manuel, II, p. 492 et suiv. On peut observer que de images dâhom-mes gravĂ©es ou peintes de la rĂ©gion de Constantine (Bosco et Solignac, Rec. de Cons-tantine, XLV, 1911, pl. IV, Ă la p. 338) rappellent assez, par leur style schĂ©matique, celles des Alpes Maritimes (conf., par exemple, Issel, Liguria preistorica, dans Atti della Societa ligure di storia patria, XL, 1908, p. 472-3). Mais je ne sais si elles sont contemporaines des gravures certainement prĂ©historiques de la mĂȘme rĂ©gion. â MM. Capitan, Breuil et Charbonneau-Lassy ont Ă©tudiĂ© des gravures rupestres, dâĂ©poque indĂ©-terminĂ©e, qui se trouvent Ă la Vaulx, en VendĂ©e (Comptes rendus de lâAcadĂ©mie des Ins-criptions, 1904, p. 132-155). Ils disent au sujet des figures de quadrupĂšdes (p. 140) : « Leur stylisation est extrĂȘme, et, chose singuliĂšre, rappelle absolument celle de certaines gravures rupestres dâAlgĂ©rie. » Si lâon tient Ă cette comparaison, elle doit sâappliquer aux graffites libyco-berbĂšres, et non aux gravures prĂ©historiques. 2. Entre Edfou et Silsitis : voir de Morgan (dâaprĂšs Legrain), Recherches sur les origines de lâĂgypte, I, p. 163-4 et fig. 487-492 ; Capart, les DĂ©buts de lâart en Ăgypte, p. 194 et suiv. PrĂšs dâAssouan : Schweinfurth, Zeitschrift fĂŒr Ethnologie, XLIV, 1912, p. 627-678. 3. Weigall, a Report on the antiquities of Lowwer Nubia (Oxford, 1907), en par-ticulier pl. XXXVII et LXVII. 4. M. Capari le remarque (l. c., p. 108). â De quand datent ces images ? On ne saurait le dire. Leur style rappelle beaucoup celui des gravures et des peinture tracĂ©es sur des vases Ă©gyptiens qui peuvent ĂȘtre attribuĂ©s au quatriĂšme millĂ©naire (conf. Ca-part, p. 194 et fig. 101, Ă la p. 134). Mais cela ne prouve pas quâelles soient de la mĂȘme Ă©poque. En tout cas, il me parait impossible, malgrĂ© la ressemblance des styles, de faire remonter aussi haut les gravures rupestres de la BerbĂ©rie.
268 LES TEMPS PRIMITIFS.
apparentĂ©s. Duveyrier(1) et dâautres aprĂšs lui(2) ont voulu attri-buer celles de lâAfrique septentrionale Ă des populations noi-res(3). Il est vrai quâĂ lâĂ©poque historique des Ăthiopiens occu-paient les parties habitables du dĂ©sert, au Sud de la BerbĂ©rie(4). Il en Ă©tait sans doute de mĂȘme dans des temps plus reculĂ©s et, malgrĂ© lâabsence de preuves, nous pourrions admettre que les gravures du Sahara, du sud marocain, peut-ĂȘtre celles du Sud oranais ont Ă©tĂ© faites par des noirs. Mais nous nâavons point les mĂȘmes raisons de croire que des Ăthiopiens aient tracĂ© celles des rĂ©gions de Constantine et de Guelma. Il nây a pas Ă faire in-tervenir lâanthropologie dans cette question, pas plus que dans celle des dolmens et dans dâautres encore oĂč elle a Ă©tĂ© impru-demment invoquĂ©e. LâexĂ©cution de ces dessins exigeait un travail long et pĂ©ni-ble. Ceux qui les ont tracĂ©s obĂ©issaient Ă©videmment Ă dâautres mobiles quâĂ un simple instinct dâimitation(5). Le caractĂšre re-ligieux de plusieurs figures nâest pas contestable : nous lâavons montrĂ© pour les bĂ©liers coiffĂ©s dâun disque. Nous avons indi-quĂ© aussi que les attitudes de certains personnages semblent ri-tuelles, que des scĂšnes paraissent ĂȘtre des mascarades sacrĂ©es. Nous avons dit encore que les croyances de la magie sympathi-que expliquent peut-ĂȘtre une bonne partie des gravures : pos-sĂ©dant les images des animaux, les hommes pensaient pouvoir se rendre maĂźtres des animaux eux-mĂȘmes, soit pour sâen nour-rir(6), soit pour obtenir leur assistance, ou acquĂ©rir les qualitĂ©s_____________________ 1. Touareg du Nord, p. 279-280 ; Bull. de la SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie, 1876, II, p. 144 ; Compte rendu des sĂ©ances de la sociĂ©tĂ© de gĂ©ographie, 1882, p. 50-57 2. Par exemple La BlanchĂšre, Bull. de correspondance africaine, I, 1882-3, p. 356-8. 3. Les images dâhommes quâon rencontre sur les gravures sont si sommaires et si imparfaites quâelles ne peuvent rien nous apprendre Ă cet Ă©gard. Notons cependant que Rohlfs (Quer darch Afrika, I, p. 52) a cru reconnaĂźtre le type nĂšgre chez une femme re-prĂ©sentĂ©e dans une grotte de lâintĂ©rieur de la Tripolitaine. 4. Voir plus loin, chap. IV. 5. Conf., pour les gravures et peintures quaternaires dâEurope, S. Reinach, Cultes, mythes et religions, I, p. 132 ; DĂ©chelette, Manuel, I, p. 268-271. 6. Reinach, l. c., p. 132-3. M. Reinach (ibid., p. 126) remarque que les animaux
ĂTAT SOCIAL. MAGIE ET RELIGION. ART. 269
quâils leur prĂȘtaient(1). Les petits tableaux de Tyout reprĂ©sentant des chasseurs ont pu garantir le succĂšs des chasses vĂ©ritables(2). Lâimage du bĂ©lier Ammon rendait le dieu prĂ©sent au milieu de ses adorateurs. En fixant sur le rocher certains rites que les dĂ©vots jugeaient propres Ă la rĂ©alisation de leurs souhaits, ils croyaient peut-ĂȘtre leur assurer une efficacitĂ© permanente. Sans doute, il est impossible dâexpliquer dâune maniĂšre prĂ©cise la signification de la plupart des gravures. Mais câest du cotĂ© de la religion et de la magie quâil faut diriger les hypothĂšses.
IV
Nous terminerons ce chapitre par des indications, malheu-reusement trop brĂšves, sur des pratiques funĂ©raires qui tĂ©moi-gnent, sinon dâun culte des morts, pour employer un terme dont on a abusĂ©, du moins de quelque souci des dĂ©funts. On a recueilli des ossements humains dans presque toutes les grottes occupĂ©es aux derniers temps de la civilisation palĂ©o-lithique(3) et Ă lâĂ©poque nĂ©olithique(4). On en a rencontrĂ© aussi____________________figurĂ©s par lâart quaternaire europĂ©en sont exclusivement ceux dont se nourrit un peu-ple de chasseurs et de pĂȘcheurs. Je ne sais si cette explication est rigoureusement vraie pour les gravures africaines. En tout cas, elle ne nous fait pas comprendre pourquoi lâon a reprĂ©sentĂ© certaines scĂšnes, telles quâune famille de lions dĂ©vorant un sanglier, une panthĂšre attaquant un jeune Ă©lĂ©phant, un lion dĂ©vorant une gazelle (Ă Er Richa : Delmas, l. c., p. 139, fig. III), un combat de buffles, un combat de chĂšvres (Ă Guebar Rechim : Flamand, Bull. de la Soc. dâanthr. De Lyon, XX, p. 204, fig. VI). 1. On peut aussi se demander si certaines images dâanimaux ne sont pas des offrandes permanentes Ă des divinitĂ©s. 2. Plusieurs archers de Tyout sont reliĂ©s par des traits Ă dâautres personnages qui appartenaient peut-ĂȘtre Ă leur famille (voir p. 241, n. 2). Ceux-ci lĂšvent les bras : prient-ils pour lâheureuse issue de la chasse de leur parent ? 3. Pour les abris de Lalla Marnia et de Reydeyef, voir plus loin. 4. Par exemple, dans des grottes dâOran (Pallary et Tommasini, Association française pour lâavancement des sciences, Marseille, 1891, II, p. 644), de Bougie (De-bruge, ibid., Montauban, 1902, II, p. 869-872 : le mĂȘme, Rec. De Constantine, XL, 1906, p. 143, 145, 146), de Khenchela (Julien, MatĂ©riaux pour lâhistoire primitive de lâhomme, XIII, 1877, p. 46).
270 LES TEMPS PRIMITIFS.
dans des stations en plein air(1). Ils apparaissent souvent en grand dĂ©sordre et brisĂ©s. Ce nâest pas, nous lâavons dit(2), une preuve de cannibalisme : des squelettes ont pu ĂȘtre dispersĂ©s lorsque les troglodytes vidaient des cavernes encombrĂ©es. Du reste, ce dĂ©sordre ne se constate pas partout. ĂĂ et lĂ , quelques dispositions permettent dâaffirmer quâon se trouve en prĂ©sence de vĂ©ritables sĂ©pultures. Dans des abris voisins de Lalla Marnia (province dâOran), gisaient parmi des cendres des squelettes, dont la tĂȘte Ă©tait pla-cĂ©e Ă lâOuest et le corps inclinĂ© sur le cotĂ© droit; plusieurs dâen-tre eux avaient les jambes pliĂ©es. Une pierre plate protĂ©geait la poitrine de chaque mort(3); une autre avait Ă©tĂ© parfois placĂ©e sous le dos ou sous les reins. Toutes ces pierres, qui prĂ©sen-taient des traces de calcination, avaient appartenu Ă des foyers. La terre, mĂ©langĂ©e de cendres, de dĂ©bris de charbon et dâun grand nombre dâescargots, qui recouvrait les corps, semblait avoir Ă©tĂ© fortement tassĂ©e(4). Ces ensevelissements datent de la fin de lâĂ©poque palĂ©olithique, comme lâindiquent les objets trouvĂ©s Ă lâintĂ©rieur et en avant des grottes. Un abri de Redeyef (Sud-Ouest de la Tunisie) contenait, entre autres ossements humains, huit squelettes dâenfants, ras-semblĂ©s dans des positions diverses; deux dâentre eux Ă©taient cachĂ©s sous des pierres plates. Les objets qui les entouraient se rapportaient Ă une industrie gĂ©tulienne assez rĂ©cente(5).____________________ 1. EscargotiĂšres de la rĂ©gion de Tebessa (Debruge, Rec. de Constantine, XLIV, 1910, p. 67). de ChĂąteaudun-du-Rummel (Mercier, ibid., XLI, 1907, p. 177-9), dâAĂŻn Mlila (Thomas, Bull. de la SociĂ©tĂ© des sciences physiques dâAlger, XIII, 1877, p. 1-9 [pagination particuliĂšre]). Stations nĂ©olithiques dâAĂŻn el Bey (Tho-mas, ibid., p. 40-42), de Roseville (Pallary, dans lâHomme prĂ©historique, III, 1903, p. 30). Etc. 3. Un squelette Ă©tait mĂȘme recouvert de trois pierres. 4. Barbin, Bull. dâOran, 1910, p. 85 ; 1912, p. 308-9. 5. Gobert, dans lâAnthropologie, XXIII, 1912, p, 164. â Un autre squelette est celui dâun homme qui a Ă©tĂ© surpris et tuĂ© par un Ă©boulement : voir Boudy, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1906, p. CCXLVII ; Revue de LâĂcole dâanthropologie, XX, 1910, p. 271-2.
PRATIQUES FUNĂRAIRES. 271
Dans deux grottes Ă mobilier nĂ©olithique, fouillĂ©es au Cuartel, prĂšs dâOran, et au Rio Salado, au Sud-Ouest de cette ville, des restes de squelettes ont Ă©tĂ© trouvĂ©s entre de grossiers remparts de pierres(1). On a recueilli, dans la grotte Ali Bacha, Ă Bougie, un crĂą-ne placĂ© dans une sorte de niche naturelle et recouvert dâune pierre plate ; tout auprĂšs, il y avait des ossements humains en dĂ©sordre, qui ont pu appartenir au mĂȘme individu et ĂȘtre dĂ©-rangĂ©s soit par un vidage partiel de lâabri, soit par des carnas-siers(2). Il est donc certain quâen BerbĂ©rie des morts ont Ă©tĂ© ense-velis dans des grottes naturelles, selon une coutume que lâon constate dans beaucoup dâautres contrĂ©es aux Ă©poques palĂ©oli-thique et nĂ©olithique, et qui, Ă proximitĂ© du continent africain, sâest conservĂ©e chez les Guanches des Canaries jusquâau XVe siĂšcle de notre Ăšre. On ne doit pas rĂ©pugner Ă la pensĂ©e que les troglodytes aient occupĂ© des abris qui auraient Ă©tĂ© en mĂȘme temps des lieux de sĂ©pulture. Il est possible, cependant, que des cavernes aient servi alternativement de sĂ©jour aux vivants et aux morts(3). A Lalla Marnia, un des abris dont nous avons parlĂ© Ă©tait en partie barrĂ© par de grosses pierres, qui en dĂ©fendaient lâaccĂšs(4). Nous ignorons si les habitants des grottes, si ceux des sta-tions Ă ciel ouvert ont aussi enterrĂ© les morts en dehors de leurs demeures, au fond de fosses creusĂ©es dans le sol(5).____________________ 1. Indications de M. Pallary. 2. Debruge, Rec . de Constantine, XL, 1906, p. 136-7. M. Debruge croit Ă un dĂ©charnement du corps avant lâensevelissement dĂ©finitif ; ce qui ne me sembles pas une hypothĂšse nĂ©cessaire. Il pense quâil sâagit dâune sĂ©pulture de lâĂ©poque moustĂ©-rienne. Je nâen suis pas certain : il nâest pas prouvĂ© que les outils en pierre trouvĂ©s aux abords des ossements (l. c., fig. 14) appartiennent Ă cette Ă©poque ; on en a dĂ©couvert de semblables en AlgĂ©rie dans des gisements nĂ©olithiques, 3. Conf. Pallary et Tommasini, l, c. 4. Barbin, l. c., 1910, p. 84. 5. Au cap Spartel, prĂšs de Tanger, des sĂ©pultures contenant des squelettes re-pliĂ©s ont Ă©tĂ©, dĂ©couvertes dans le voisinage de grottes qui furent habitĂ©es Ă lâĂ©poque
272 LES TEMPS PRIMITIFS.
Les ossements humains Ă©taient mĂȘlĂ©s partout Ă des cen-dres ; mais on ne peut pas en conclure que les corps aient Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s intentionnellement dans des foyers ; ces cendres, avec toute sorte de dĂ©bris, formaient dans les grottes et dans les cam-pements une couche plus ou moins Ă©paisse, au milieu de la-quelle les dĂ©funts Ă©taient ensevelis. On ne saurait dire non plus si les objets trouvĂ©s en contact avec les ossements, instruments en pierre et en os, coquilles ayant servi Ă la parure, restes ali-mentaires(1), avaient Ă©tĂ© placĂ©s Ă dessein auprĂšs des cadavres. Cette hypothĂšse est dâailleurs fort admissible, puisque le dĂ©-pĂŽt de parures, consistant surtout en coquilles, et parfois aussi dâoutils ou dâarmes en os et en pierre a Ă©tĂ© constatĂ© avec certi-tude dans des sĂ©pultures europĂ©ennes dâune pĂ©riode reculĂ©e du la civilisation palĂ©olithique : tĂ©moignage de la croyance Ă une survie matĂ©rielle(2). Dans des grottes occupĂ©es Ă lâĂ©poque nĂ©olithique, lâune voisine dâOran(3), lâautre prĂ©s de TĂ©bessa(4), deux crises portaient des traces dâune coloration rouge(5). Des dĂ©couvertes analogues ont Ă©tĂ© faites en Europe dans des tombes de lâĂąge de la pierre(6),____________________nĂ©olithique, et aussi plus tard (Bleicher, dans MatĂ©riaux, XI, 1875, p. 210). Mais il nâest pas certain que ces ensevelissements datent du temps de lâoccupation des grottes. 1. Voir, entre autres, Debruge, l. c., p. 149 (grotte Ali Bacha, Ă Bougie) ; Pal-lary, Bull. de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Lyon, XI, 1892, p. 20 (grotte du Cnartel, Ă Oran). 2. Un abri sous roche, fouillĂ© par M. Debruge prĂšs de Bougie (Rec. de Constan-tine, XXXVII, 1903, p. 135-140), contenait un quelette qui partait un collier composĂ© de coquillages perforĂ©s, de rondelles dâĆufs dâAutruche, de cylindres en corail et de quelques perles de coraline ; prĂšs du corps, il y avait une boucle en cuivre. Il est Ă©vident que ces objets avaient Ă©tĂ© placĂ©s lĂ pour servir de parure au mort. Mais cette sĂ©pulture est probablement dâune Ă©poque assez rĂ©cente. 3. Grotte de la TranchĂ©e : voir Pallary, Bull. de la Soc. dâanthropologie de Lyon, XI, 1892, p. 203 ; conf. Revue africaine, LV, 1911, p. 315. 4. Grotte fouillĂ©e rĂ©cemment par MM. Latapie et Reygasse : indication de M. Pallary. 5) Dans la grotte Ali Bacha, il y avait un morceau dâhĂ©matite rouge auprĂšs dâun crĂąne que nous avons mentionnĂ© (Debruge, Rec. de Constantine, XL, p. 138). Peut-ĂȘtre Ă©tait-ce une provision de couleur laissĂ©e au mort (conf. DĂ©chelette, Manuel, I, p. 204, 462, 464, 565 ; Modestov, Introduction Ă lâhistoire romaine, p. 44). 6. DĂšs lâĂ©poque palĂ©olithique.
PRATIQUES FUNĂRAIRES. 273
en BerbĂ©rie dans des sĂ©pultures qui datent des temps histori-ques et que nous Ă©tudierons plus tard. Lâusage des peintures corporelles, que nous avons signalĂ© chez les vivants(1), devait ĂȘtre aussi appliquĂ© aux morts. Il nâest pas nĂ©cessaire de croire quâun badigeonnage ait Ă©tĂ© fait sur les ossements mĂȘmes, dĂ©-charnĂ©s Ă la suite dâune exposition en plein air ou dâun enseve-lissement provisoire : la matiĂšre colorante pouvait ĂȘtre dĂ©posĂ©e sur le cadavre et, aprĂšs la disparition des chairs, teindre les os avec lesquels elle entrait en contact(2). Pour lâĂ©poque prĂ©histo-rique, rien nâatteste avec Ă©vidence le rite du dĂ©charnement dans lâAfrique du Nord(3). LâincinĂ©ration aurait Ă©tĂ© constatĂ©e a Tifrit, prĂšs de SaĂŻda (province dâOran), dans une grotte Ă mobilier nĂ©olithique(4) ; mais cette dĂ©couverte nâa pas fait lâobjet dâun compte rendu dĂ©taillĂ©. Peut-ĂȘtre sâagit-il dâossements calcinĂ©s accidentellement, par des foyers qui auraient Ă©tĂ© Ă©tablis sur des sĂ©pultures. On a vu quâĂ Lalla Marnia plusieurs corps avaient les jambes pliĂ©es(5). Cette attitude se retrouve, en dehors de la Ber-bĂ©rie, dans un grand nombre de tombes primitives. En BerbĂ©rie mĂȘme, elle est trĂšs frĂ©quente Ă une Ă©poque plus rĂ©cente : nous indiquerons les diverses hypothĂšses qui ont Ă©tĂ© Ă©mises pour____________________ 1. Supra, p. 188, 196. 2. Conf. DĂ©cherette, I, p. 470 ; Cartailhac, les grottes de Grimaldi, ArchĂ©ologie, II, p. 303 et suiv. 3. Le dĂ©sordre des ossements peut, nous lâavons vu, sâinterprĂ©ter autrement. Lâhy-pothĂšse du dĂ©charnement expliquerait cependant certains faits (Ă supposer quâils aient Ă©tĂ© bien observĂ©s). Dans une grotte de Khenchela, Jullien (MatĂ©riaux, XIII, p. 46) a dĂ©couvert un grand nombre dâossements humains, dâordinaire brisĂ©s et pĂȘle-mĂȘle, immĂ©diatement au-dessous dâun amas de grosses pierres. Dans la grotte Ali Bacha, M. Debruge croit avoir trouvĂ© deux crĂąnes emboĂźtĂ©s lâun dans lâautre et bourrĂ©s dâossements divers, qui auraient appartenu Ă plusieurs individus (Assoc. française, Montauban, 1902, II, p. 870. 4. Doumergue, Assoc. française, Nantes, 1898, II, p. 580 : « CâĂ©tait plutĂŽt un lieu de sĂ©pulture quâun lieu dâhabitation. Je crois y avoir relevĂ© des preuves dâincinĂ©ration mĂ©thodique. 5. Dans la grotte du Mouflon, Ă Constantine, M. Debruge a trouvĂ©, au sommet de la couche nĂ©olithique, un squelette dont, dit-il, « le corps avait Ă©tĂ© repliĂ© sur lui-mĂȘme, car dans les ossements se trouvaient amoncelĂ©s dans un espace relativement restreint » : Assoc. française, Lille, 1909, II, p. 822.
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lâexpliquer lorsque nous dĂ©crirons les sĂ©pultures indigĂšnes de la pĂ©riode historique(1). Nous diffĂ©rons en effet lâĂ©tude des tombes en pierres sĂš-ches, dĂ©signĂ©es sous les noms de tumulus, bazinas, dolmens, chouchets, qui sont rĂ©pandues par milliers dans lâAfrique sep-tentrionale et qui se distinguent nettement des sĂ©pultures phĂ©-niciennes et romaines. Que les types lie ces tombeaux remon-tent a une antiquitĂ© reculĂ©e, comme les rites funĂ©raires quâon y rencontre, nous le croyons sans peine : certains dâentre eux offrent des ressemblances qui ne peuvent pas ĂȘtre fortuites avec des monuments Ă©levĂ©s, au troisiĂšme et au second millĂ©naire avant J.-C., dans lâOuest de lâEurope et dans les pays riverains de la MĂ©diterranĂ©e occidentale. Mais, dans lâĂ©tat actuel de nos connaissances, toutes les sĂ©pultures africaines en pierres sĂšches que lâon peut dater appartiennent aux siĂšcles qui ont immĂ©dia-tement prĂ©cĂ©dĂ© et suivi lâĂšre chrĂ©tienne.____________________ 1. Notons dĂšs maintenant que les postures varient. TantĂŽt, comme Ă Lalla Marnia, les jambes sont simplement pliĂ©es, le reste du corps Ă©tant Ă©tendu. TantĂŽt les genoux sont ramenĂ©s vers la poitrine, le mort ayant Ă©tĂ© soit couchĂ© sur le flanc, soit assis sur les talons ? en mĂȘme temps que les jambes, les bras ont souvent Ă©tĂ© repliĂ©s.
CHAPITRE IV
ANTHROPOLOGIE
I
Quel Ă©tait lâaspect de ces habitants primitifs de lâAfrique du Nord dont nous avons Ă©tudiĂ© les mĆurs dans les chapitres prĂ©cĂ©dents ? En essayant de rĂ©pondre Ă cette question, nous nous abstiendrons de lâembrouiller, comme on lâa fait trop sou-vent, par des considĂ©rations sur la langue et la civilisation : anthropologie, linguistique, ethnographie sont des sciences in-dĂ©pendantes, et de nombreux exemples nous apprennent que divers groupes humains peuvent parler le mĂȘme idiome, mener le mĂȘme genre de vie, professer les mĂȘmes croyances, tout en diffĂ©rant beaucoup par leur conformation physique. On sait que les textes classiques concernant les Libyens ne sont pas antĂ©rieurs au Ve siĂšcle avant notre Ăšre, quâils ap-partiennent Ă une pĂ©riode historique oĂč ces indigĂšnes Ă©taient en rapports avec dâautres peuples mĂ©diterranĂ©ens, oĂč une partie dâentre eux subissaient des maĂźtres Ă©trangers. Cependant, com-me nous le verrons tout Ă lâheure, les immigrĂ©s, les conquĂ©rants ne paraissent guĂšre avoir modifiĂ© le fond de la population ; si nous trouvions dans les auteurs grecs et latins des descriptions prĂ©cises des Africains qui vivaient de leur temps, nous pourrions
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les invoquer, sans trop de tĂ©mĂ©ritĂ©, pour lâĂ©poque dite prĂ©histori-que. Mais lâanthropologie est une science moderne : les anciens ne se sont guĂšre inquiĂ©tĂ©s dâobserver minutieusement lâaspect des hommes et de les classer dâaprĂšs cet aspect Si, dâune ma-niĂšre gĂ©nĂ©rale, ils distinguent en Afrique les Ăthiopiens, câest-Ă -dire les gens Ă la peau trĂšs foncĂ©e(1), du reste des indigĂšnes(2), ils nâindiquent, ni pour le uns ni pour les autres divers groupes correspondant Ă un ensemble de caractĂšres physiques. Par les termes Numides, GĂ©tules, Maures, MasĂŠsyles, Massyles, etc., ils dĂ©signent les habitants de telle ou telle contrĂ©e, les sujets de tel ou tel royaume ; nullement ce quâaujourdâhui lâon se plait Ă appeler des races. Les reprĂ©sentations figurĂ©es ne compensent pas lâinsuf-fisance des textes. Les gravures rupestres qui appartiennent Ă la pĂ©riode que nous Ă©tudions offrent quelques images humai-nes, mais elles sont dâune exĂ©cution si rudimentaire quâel-les ne peuvent pas, comme certaines peintures et sculptures Ă©gyptiennes, servir de documents anthropologiques(3). Il en est de mĂȘme des stĂšles plus rĂ©centes qui nous montrent des indigĂšnes. Lâexamen des ossements que contiennent les grottes oc-cupĂ©es pendant lâĂąge de la pierre et les sĂ©pultures construites plus tard par les autochtones fera connaĂźtre la structure anato-mique des Libyens primitifs et de leurs descendants. Mais ces recherches sont Ă peine Ă©bauchĂ©es. Elles ne nous apprendront rien sur dâautres caractĂšres importants : couleur de la peau, des yeux, couleur et forme des cheveux, Faute de mieux, lâĂ©tude des indigĂšnes actuels nous per-mettra dâindiquer ce quâĂ©taient leurs lointains ancĂȘtres. On peut____________________ 1. Voir plus loin, p. 299. 2. HĂ©rodote (IV, 197) dit nettement quâen Libye il nây a que quatre peuples, deux indigĂšnes, les Libyens et les Ăthiopiens, habitant les uns au Nord, les autres au Midi, et deux Ă©trangers, les PhĂ©niciens et les Grecs. 3. Conf. p. 268, n. 3.
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admettre en effet que, depuis les temps historiques, la popula-tion de la BerbĂ©rie nâa pas Ă©tĂ© profondĂ©ment modifiĂ©e par des Ă©lĂ©ments Ă©trangers. Les PhĂ©niciens ont fondĂ© sur les cĂŽtes des colonies qui, pour la plupart, Ă©taient Ă©troitement enfermĂ©es dans leurs mu-railles, ou ne disposaient que dâune banlieue restreinte. Car-thage ne se dĂ©cida quâaprĂšs plus de trois siĂšcles Ă occuper un territoire qui ne semble pas sâĂȘtre Ă©tendu au delĂ de la Tunisie septentrionale; rien ne prouve dâailleurs quâil ait Ă©tĂ© fortement colonisĂ© par les conquĂ©rants. JusquâĂ Jules CĂ©sar, les Romains ne dĂ©tinrent que le Nord-Est de la Tunisie et, sauf une tentative malheureuse pour rele-ver Carthage, ils nâinstituĂšrent aucune colonie. Il est vrai que, dans le demi-siĂšcle qui prĂ©cĂ©da et dans le siĂšcle qui suivit lâĂšre chrĂ©tienne, la fondation de quelques douzaines de colonies im-planta en Afrique un certain nombre dâĂ©trangers, surtout dâIta-liens. Nous savons trĂšs peu de choses sur cette immigration officielle, mais il ne faut point en exagĂ©rer lâimportance : on a, par exemple, des raisons de croire que cinq cents familles, tout au plus, furent installĂ©es Ă Thamugadi, qui ne fut assurĂ©ment pas la moindre de ces communes nouvelles(1). Nous devons aus-si tenir compte de ceux qui obtinrent des concessions sur des territoires non coloniaux, de ceux qui vinrent se fixer volontai-rement dans les provinces africaines. A leur Ă©gard, tout calcul prĂ©cis est impossible ; cependant il nây a pas lieu dâadmettre quâils aient Ă©tĂ© trĂšs nombreux. Ce furent surtout dâanciens sol-dats des armĂ©es dâAfrique qui reçurent des terres non colonia-les. Or les effectifs de ces armĂ©es ne devaient guĂšre dĂ©passer vingt-cinq mille hommes sous le Haut-Empire et, comme le service militaire durait longtemps (vingt-cinq ans), le chiffre____________________ 1. Voir Barthel, Römische Limitation in der Provinz Africa (extrait des Bon-ner JahrbĂŒcher, CXX, 1911), p. 104. â La colonie la plus importante dâAfrique, celle quâAuguste fonda Ă Carthage, compta trois mille, colons romains : Appien, Lib., 136.
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annuel des libĂ©rĂ©s Ă©tait peu Ă©levĂ©. Depuis le IIe siĂšcle, les trou-pes furent composĂ©es de gens du pays pour une trĂšs grande part, en totalitĂ© pour la lĂ©gion, corps de citoyens romains. LâIta-lie, dont la natalitĂ© Ă©tait faible, ne pouvait pas fournir de forts contingents Ă des rĂ©gions qui Ă©taient au contraire trĂšs peuplĂ©es. LâĂ©tude des mĆurs, des croyances, des noms nous rĂ©vĂšle moins lâafflux dâimmigrants que lâacheminement dâune partie des Africains vers la civilisation latine(1). Quant aux tribus restĂ©es barbares, sur lesquelles Ammien Marcellin, Procope et Corip-pus nous donnent quelques renseignements au IVe et au VIe siĂšcle, il est Ă©vident quâelles avaient conservĂ© intact le sang de leurs pĂšres(2). A leur entrĂ©e dans lâAfrique du Nord, les Vandales devaient ĂȘtre tout au plus deux cent mille(3). Ils ne se mĂȘlĂšrent point aux Africains et lorsquâau bout dâun siĂšcle, le royaume fondĂ© par____________________ 1. Sur le petit nombre de Romains qui vinrent sâĂ©tablir en Afrique, conf. Tou-tain, Les citĂ©s romaines de Tunisie, p. 246-253 ; Gauckler, lâArchĂ©ologie de la Tunisie, p. 61-63. 2. Il nây a sans doute aucun exemple Ă tenir des prĂ©tentions de certains groupes BerbĂšres Ă descendre des Romains (probablement parce quâils ont des ruines romaines sur leur territoire, ou mĂȘme simplement parce quâils ont conservĂ© un vague souvenir de la domination romaine). Voir, pour lâAurĂšs, Masqueray, Revue africaine, XXII, 1878, p. 263-4, 459 ; le mĂȘme, Bull. de correspondance africaine, I, 1882-3, p. 327-332 ; le mĂȘme, Formation des citĂ©s de lâAlgĂ©rie, p. 164 ; Malbot et Verneau, dans lâAnthropologie, VIII, 1897, p. 15 ; â au Nord et au Nord-Ouest de lâAurĂšs : Pont, Rec. de Constantine, XII, 1868, p. 223 ; Joly, Revue africaine, LV, 1911, p. 415 ; â en Kabylie : FĂ©raud, Revue africaine, II, 1857-8, p. 459-460, et Rec. de Constantine, XIII, 1869, p. 170 ; VirĂ©, ibid., XXXII, 1898, p. 62 ; Masqueray, Formation, p. 114 ; â dans la rĂ©gion de Djelfa : Hart-mayer, Revue africaine, XXXIX, 1885, p. 149. 3. Victor de Vite (I, 2) indique quâun recensement ordonnĂ© par GensĂ©ric, lors de son passage en Afrique, donna un chiffre de 80 000 personnes, parmi lesquelles furent comptĂ©s vieillards, jeunes gens, enfants et esclaves. M. Schmidt croit quâil sâagit de tous ceux qui accompagnĂšrent GensĂ©ric, y compris les femmes. Selon dâautres savants (et leur opinion me parait plus vraisemblable), ce chiffre reprĂ©senterait seulement ceux que GensĂ©ric voulait faire passer pour des combattants. Le nombre des Vandales et des gens que lâon confondait sous ce nom se serait accru pendant le rĂšgne de GensĂ©ric, par suite de lâexcĂ©dent des naissances et de lâarrivĂ©e dâautres barbares (Procope, Bell. Vand., I, 5, 20). Pourtant, vers lâannĂ©e 480, Victor de Vite affirme (l. c.) que les Vandales Ă©taient fort loin de compter 80 000 guerriers. Sur cette question, voir Haury, Byzantinische Zeitschrift, XIV, 1905, p. 527-8 ; Schmidt, ibid., XV, 1906, p. 620-1 ; Martroye, GensĂ©ric, p. 103-4, 218-220 ; Dieht, lâAfrique byzantine, p. 8-9.
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GensĂ©ric fut anĂ©anti, ceux qui ne disparurent pas dans la tour-mente furent presque tous exilĂ©s par les Grec vainqueurs(1). Ces derniers ne laissĂšrent pas de traces plus durables : ils dĂ©fen-dirent, administrĂšrent, exploitĂšrent tant bien que mal les par-ties des anciennes provinces romaines dont ils purent se rendre maĂźtres; ils ne les couvrirent pas de colons. Il en fut de mĂȘme des guerriers arabes qui dĂ©truisirent la domination byzantine, soumirent les indigĂšnes et les con-vertirent Ă lâislamisme(2). GroupĂ©s dans les villes et dâailleurs peu nombreux, ils ne pĂ©nĂ©trĂšrent pas les masses profondes des BerbĂšres, qui, bientĂŽt mĂȘme, reprirent possession de leur pays. Ce fut seulement au milieu du XIe siĂšcle que lâAfrique septen-trionale eut Ă subir une grande invasion arabe, celle des Ouled Hilal et des Ouled SoleĂŻm. Vinrent-ils au nombre de 150 000, de 200 000, de 500 000, dâun million, de deux millions ? Tous ces chiffres ont Ă©tĂ© indiquĂ©(3), tous sont arbitraires(4). Mais il est certain que les nouveaux venus constituĂšrent dĂ©sormais un des Ă©lĂ©ments importants de la population. Pasteurs nomades, ils se dispersĂšrent dans les plaines du Tell, dans les steppes du haut pays, sur la lisiĂšre septentrionale du Sahara. De nom-breuses tribus se rattachent Ă ces envahisseurs. Cependant elles____________________ 1. Voir Procope, 1, c., II, 5, 1 ; II, 19, 3 ; II, 28, 40. Conf. Hroca, Revue dâanthro-pologie, 1870, p. 309. 2. Je laisse de cĂŽtĂ© de prĂ©tendues invasions dâArabes himyarites qui, passant par lâĂthiopie et le Sahara, se serraient succĂ©dĂ© dons lâAfrique du Nord depuis les derniers siĂšcles avant J.-C. jusquâĂ la conquĂȘte musulmane (Slouschz, dans Archives marocai-nes, XIV, 1908, p. 319-321). Cette hypothĂšse ne sâappuie sur aucun argument solide. M. Slouschz a eu un prĂ©curseur, Tauxier, qui admettait une immigration arabe dans lâAfrique septentrionale au dĂ©but du IIe siĂšcle de notre Ăšre : Revue africaine, XXIV, 1880, p. 375 et suiv. ; XXV, 1881, p. 138 et suiv. 3. Voir Carette, Recherches sur lâorigine des principales tribus de lâAfrique sep-tentrionale, p. 397 et 434 ; Mercier, Histoire de lâAfrique septentrionale, II, p. 10 ; Mas-queray, Formation des citĂ©s, p. 12 ; Schimer, le Sahara, p. 297. 4. M. Collignon (Bull. de gĂ©ographie historique, 1886, p. 228 et 325 remarque que, dâaprĂšs un poĂšte citĂ© par Ibn Khaldoun (Histoire des BerbĂšres, trad. de Slane ; I, p. 35), les envahisseurs uâauraient mis en ligne que 3 000 combattants dans une bataille dĂ©cisive. LĂ©on lâAfricain (Description de lâAfrique, trad. Temporal, Ă©dit. Schefer, I, p. 42) parle dâune invasion de 50 000 combattants et dâun nombre infini de lemmes et dâenfants.
280 LES TEMPS PRIMITIFS.
sont toutes plus ou moins mĂ©langĂ©es de sang berbĂšre et le type arabe pur y est fort rare(1). CrĂąne trĂšs renflĂ© au-dessus de la nu-que(2) ; figure longue et rĂ©guliĂšrement ovale ; nez long, mince et aquilin ; lĂšvres fines, belles dents ; menton arrondi ; yeux grands, foncĂ©s et brillants; sourcils peu fournis, dâune courbe rĂ©guliĂšre, dâun noir de jais, comme la barbe, Ă©galement peu fournie; teint mat : telles sont les principales caractĂ©ristiques de ce type(3), bien distinct des types indigĂšnes. Les BerbĂšres se sont maintenu, intacts dans la majeure partie de lâAfrique du Nord, surtout dans les massifs montagneux, oĂč les Arabes nâont pas pĂ©nĂ©trĂ©. Les aventuriers, soldats ou corsaires, qui sont venus des rĂ©gions les plus diverses de la MĂ©diterranĂ©e pendant la pĂ©riode turque(4), nâont presque rien laissĂ© derriĂšre eux. Ils ne se sont pas rĂ©pandus en dehors de quelques villes du littoral, de quelques garnisons de lâintĂ©rieur. Vite emportĂ©s par une vie de dangers et de plaisirs, ils fondaient rarement des familles durables : ce nâest guĂšre quâĂ Tlemcen quâont subsistĂ© des Koulouglis, mĂ©tis de soldats turcs et de femmes indigĂšnes. Nous devons mentionner encore dâautres Ă©trangers, dont lâĂ©tablissement en BerbĂ©rie nâa pas Ă©tĂ© la consĂ©quence dâune conquĂȘte. Il y a environ 300 000 Juifs en Tripolitaine, en Tunisie, en AlgĂ©rie et au Maroc(5). Ils Ă©taient dĂ©jĂ assez nombreux Ă lâĂ©poque_____________________ 1. Resterait Ă savoir si tous les envahisseurs dits arabes prĂ©sentaient ce type : ce qui Ă priori est plus que douteux. Chez les Arabes de Tunisie, M. Collignon (l. c., p. 326 et suiv.) distingue, outre le type classique « Ă nez aquilin vrai », deux ty-pes : 1° type grossier, assyroĂŻde, Ă nez convexe mĂ©sorhinien : 2° type mongoloĂŻde, Ă nez en museau de chĂšvre. 2. Occiput « en point dâinterrogation ». 3. Conf. Collignon, l. c., p. 320-330 4. Les janissaires Ă©taient surtout des Turcs, venus dâAsie Mineure. Les corsai-res vinrent dâabord des rivages de la MĂ©diterranĂ©e orientale soumis Ă lâempire turc, ou furent des Andalous, rĂ©fugiĂ©s en BerbĂ©rie ; il y eut ensuite parmi eux un grand nombre de renĂ©gats, dont la plupart Ă©taient originaires du Sud-Ouest de lâEurope. 5. On en compte plus de 60 000 en Tunisie et Ă peu prĂšs autant en AlgĂ©rie.
ANTHROPOLOGIE. 281
romaine et il est Ă croire que la plupart dâentre eux Ă©taient de vĂ©ritables HĂ©breux, se rattachant peut-ĂȘtre Ă ceux que les Pto-lĂ©mĂ©es avaient transportĂ©s en CyrĂ©naĂŻque(1). Plus tard, il en vint beaucoup, Ă diverses reprises, du Sud de lâEurope, surtout de la pĂ©ninsule ibĂ©rique, doĂč les rois chrĂ©tiens les expulsĂšrent en masse. Ces Juifs formaient des colonies distinctes du reste de la population. On a cependant des raisons de supposer que, vers la fin des temps antiques, la religion israĂ©lite se propagea dans certaines tribus indigĂšnes(2) peut-ĂȘtre des descendants de ces convertis se trouvent-ils aujourdâhui confondus avec ceux des Juifs dâorigine Ă©trangĂšre. Soit par atavisme, soit par adaptation au milieu, beaucoup de Juifs maghrĂ©bins offrent des traits qui rappellent des visages berbĂšres et nâont rien de « sĂ©mitique »(3). Des Maures ou Andalous, chassĂ©s dâEspagne par les chrĂ©-tiens vainqueurs, ont fondĂ© des colonies dans des villes maro-caines(4), algĂ©riennes(5) et tunisiennes(6), oĂč ils se livrent surtout au commerce et au jardinage. Ils se distinguent des BerbĂšres par leur physionomie plus douce, leur teint plus clair, souvent____________________Ils peuvent ĂȘtre 15 Ă 20 000 en Tripolitaine. Au Maroc, leur nombre parait dĂ©passer de beaucoup le chiffre de 100 000, qui est approximativement celui de la population juive des villes importantes. 1. Voir Monceaux, Revue des Ă©tudes juives, XLIV, 1902, p. 1-28. On constate-rait çà et lĂ en BerbĂ©rie de vagues traces dâun judaĂŻsme non talmudique, qui remonte-rait Ă une Ă©poque reculĂ©e : Slouschz, l. c., p. 343 et suiv. 2. Ibn Khaldoun (Histoire de BerbĂšres, I, p. 208-9 ; conf. p. 177) indique plu-sieurs tribus berbĂšres professant le judaĂŻsme. La question est fort obscure. Les groupes juifs que lâon trouve actuellement dans les campagnes croient Ă leur origine palesti-nienne et certains indices pourraient faire penser quâils nâont pas toujours tort : voir (sans accepter les interprĂ©tations de lâauteur) Slouschz, dans MĂ©moires prĂ©sentĂ©s Ă lâAcadĂ©mie des Inscriptions, XII, 2e partie, p. 491 et suiv., 539 et suiv. Je ne puis adop-ter les hypothĂšses relatives aux Juifs africains que M. Slouschz prĂ©sente dans son livre intitulĂ© HĂ©braeo-PhĂ©niciens et JudĂ©o-BrebĂšres (Archives marocaines, tome XIV). 3. Conf. Collignon, l. c., p. 307 et 339 ; voir aussi dans lâAnthropologie, XVII, 1906, p. 178-180, lâanalyse dâun travail de Fishberg. 4. TĂ©touan, Tanger, Rabat, Azemmour, Fez, Conf. DouttĂ©, Bull, dâOran, 1910, p. 30-38. 5. ColĂ©a, Blida, quartier des Tagarins Ă Alger, Dellys, etc. 6. Bizerte, Tunis, TĂ©hourba, Soliman, Zaghouane, Testour, Nabeul.
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aussi par leur corpulence : diffĂ©rences qui doivent sâexpliquer par la diversitĂ© des conditions dâexistence(1). Enfin les nĂšgres, originaires du centre de lâAfrique, sont trĂšs nombreux au Maroc ; ils ne manquent ni en AlgĂ©rie, ni en Tunisie, quoiquâils aient beaucoup diminuĂ© depuis la con-quĂȘte française et lâabolition de lâesclavage(2). Lâimportation de noirs Ă travers le Sahara date peut-ĂȘtre de loin. Toutefois, dans lâantiquitĂ©, elle ne semble pas avoir Ă©tĂ© trĂšs active(3). Mais, depuis que lâislamisme a pĂ©nĂ©trĂ© dans le cĆur du continent, la traite nâa guĂšre cessĂ© dâamener en BerbĂ©rie des convois de Soudanais. La plupart dâentre eux devenaient des esclaves do-mestiques ; dâautres formaient des corps de troupes au service des souverains du Maghrib ; dans les oasis du Sud, dâautres venaient renforcer la population agricole dont nous parlerons plus loin. Bien traitĂ©s par les musulmans, qui nâont pas de prĂ©-jugĂ© de couleur et qui regardent leurs esclaves presque comme des membres de leur famille, ils ont mĂȘlĂ© largement leur sang a celui des indigĂšnes, surtout au Maroc(4), oĂč des mĂ©tis ont oc-cupĂ© et occupent encore un rang social Ă©levĂ©(5). Il convient de tenir compte des altĂ©rations que ces mĂ©langes ont pu faire subir aux types berbĂšres primitifs. Mais les traits caractĂ©ristiques des Nigritiens, ou nĂšgres du Soudan, â prognathisme, cheveux laineux, nez large et aplati, lĂšvres charnues et retroussĂ©es, â____________________ 1. Il y avait sans doute du sang berbĂšre, mĂȘlĂ© Ă beaucoup de sang espagnol, chez les ancĂȘtres de ces Maures. 2. Au Maroc mĂȘme, lâimportation des nĂšgres est bien moindre depuis lâoccupa-tion par la France des rĂ©gions soudanaises dâoĂč on les tirait principalement 3. Voir plus loin, p. 302. 4. M. Bloch (Bulletin de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie de Paris, 1903, p. 574-8) croit que beaucoup de Marocains noirs ne descendent pas de nĂšgres soudanais, mais quâils appartiennent Ă une race spĂ©ciale, Ă©tablie dans le pays depuis des temps trĂšs re-culĂ©s, race non prognathe, qui nâaurait ni les cheveux crĂ©pus, ni le nez Ă©patĂ©, n i les pommettes saillantes, ni les lĂšvres dĂ©roulĂ©es. Cette hypothĂšse ne peut pas ĂȘtre rejetĂ©e Ă priori (voir plus loin, p. 304), mais elle est fondĂ©e sur des impressions trop rapides pour faire Ă©carter lâhypothĂšse contraire : Ă savoir quâil sâagit de mĂ©tis de Soudanais et de BerbĂšres. 5. Conf. Faidherbe, Bull. de la Soc. dâanthr., 1873, p. 609-610.
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sont aisĂ©s Ă reconnaĂźtre et lâon peut constater quâils font dĂ©faut chez la plupart des BerbĂšres. En rĂ©sumĂ©, malgrĂ© les apports que nous venons dâĂ©numĂ©-rer et dont les plus considĂ©rables sont probablement ceux des Arabes hilaliens et des nĂšgres, il nâest pas tĂ©mĂ©raire de soutenir que les habitants actuels de lâAfrique du Nord ne doivent guĂšre diffĂ©rer des hommes qui peuplaient le pays il y a environ trois mille ans. Pour savoir ce quâĂ©taient ces derniers, regardons autour de nous, sans nĂ©gliger les rares documents que lâarchĂ©o-logie et les auteurs anciens nous fournissent.
II
Il faut avouer que lâĂ©tude anthropologique des BerbĂšres dâaujourdâhui est encore bien peu avancĂ©e. Nous ne disposons que dâun petit nombre dâobservations prĂ©cises, minutieuses, et les essais de classement que lâon a prĂ©sentĂ©s ne peuvent pas ĂȘtre regardĂ©s comme dĂ©finitifs(1). Comme Ă peu prĂšs partout sur la terre, les croisements ont Ă©tĂ© innombrables entre les indigĂšnes____________________ 1. Pour la Tunisie, il existe un excellent travail de M. Collignon, dans Bull. de gĂ©o-graphie historique, 1886, p. 181-353 ; je mâen suis beaucoup servi (voir aussi le mĂȘme, Revue dâanthropologie, 1888, p. 1-8). On peut encore consulter Bertholon, Revue gĂ©nĂ©-rale des sciences, VII, 1896, p. 972-1008. Ătudes particuliĂšres sur lâanthropologie de la Khoumirie et de la Mogadie : Bertholon, Bull. de gĂ©ographie historique, 1891, p. 423 et suiv. ; de lâĂźle de Djerba : le mĂȘme, dans lâAnthropologie, VIII, 1897, p. 399-425. â Pour lâAlgĂ©rie, presque tout est Ă faire, Mensurations de Gillebert dâHercourt, MĂ©moires de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie, III, 1868, p. 1-23 ; courtes indications de Topinard : Bull. de la Soc. dâanthr., 1873, p. 623 et suiv., et 1881, p. 438-454, Kabyles : Duhousset, MĂ©m. De la Soc. dâethnographie [=Revue orientale et amĂ©ricaine, XII, 1874], p. 17-39 ; Sabatier, Bull. de la Soc. dâanthr., 1882, p. 888-895. Dans un travail restĂ© inĂ©dit, Prengrueber &a consignĂ© de nombreuses observations sur les Kabyles : Lissauer, Zeitschrift fĂŒr Ethnolo-gie, XL, 1908, p. 516 et suiv. Habitants de lâAurĂšs : Papillaut, Bull. de la Soc. dâanthr., 1807, p. 537-544 ; Randall-Maciver et Wilkin, Libyan notes (1904), p. 95 et suiv. Oasis de Biskra : Topinard, Bull. de la Soc. dâanthr., 1870, p. 548-555 ; la mĂȘme, Assoc. française pour lâavancement des sciences, Alger, 1881, p. 757-764, Mzabites : Amat, le Mzab et les Mzabites (1884), 239-252 (conf. Revue dâanthropologie, 1885, p. 623-631) ; Huguet, Re-vue de lâĂcole dâanthropologie, XVI, 1906, p. 21, 28, 30-31 ; Chantre, Bull. de la SociĂ©tĂ©
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des diverses rĂ©gions de lâAfrique septentrionale(1). Relations crĂ©Ă©es par le voisinage, le commerce, les nĂ©cessitĂ©s de la trans-humance, migrations causĂ©es par les guerres et les famines, transplantations de tribus vaincues ont rapprochĂ© et confondu les groupes primitifs(2). Nulle part, on ne constate lâexistence de populations dont tous les individus offriraient un type uni-forme(3). Dans ce chaos, il est malaisĂ© dâintroduire lâordre. Les classifications proposĂ©es se fondent sur les caractĂšres anatomiques (formes, dimensions et proportions du squelette, en particulier du crĂąne et des os de la face) et sur les caractĂš-res extĂ©rieurs (couleur de la peau, de lâiris des yeux, forme et couleur des cheveux et des poils). Mais les anthropologistes ne sont pas dâaccord sur la valeur respective de ces caractĂš-res, sur leur persistance hĂ©rĂ©ditaire, sur la durĂ©e des effets du mĂ©tissage. Les uns attribuent une importance prĂ©pondĂ©rante Ă lâĂ©tude des crĂąnes ; ils partagent lâhumanitĂ© en gens Ă tĂȘte longue, large ou moyenne (dolichocĂ©phales, brachycĂ©phales, mĂ©socĂ©phales). Dâautres soutiennent que, mĂȘme dans les grou-pes les plus isolĂ©s, il y a diffĂ©rentes formes de crĂąnes. Certains admettent que ces formes se maintiennent immuables Ă travers les gĂ©nĂ©rations, en dĂ©pit des croisements et des circonstances____________________dâanthropologie de Lyon, XXIX, p. 92-94. â Pour le Maroc, on nâa que des mensura-tions de quelques crĂąnes de Mogador, par Verneau, dans lâAnthropologie, XXIII, 1912, p. 667-702. â ExposĂ©s gĂ©nĂ©raux dans Sergi, Africa, Antropologia della stirpe camitica (1897), p. 273 et suiv. ; dans Weisgerber, les Blancs dâAfrique., p. 34 et suiv. MM. Ber-tholon et Chantre prĂ©parent sur lâanthropologie de lâAfrique du Nord un ouvrage dâen-semble, au sujet duquel ils ont donnĂ© quelques indications : voir, en particulier, Assoc. française. Dijon, 1911, Compte rendu, p. 120-8, 130-l. [Cet ouvrage vient de paraĂźtre, sous le titre Recherches anthropologiques dans la BerbĂ©rie orientale. Je regrette de ne pas pouvoir 1âutiliser dans le prĂ©sent chapitre, dĂ©jĂ imprimĂ©. Juin. 1913]. 1. MĂȘme dans les rĂ©gions montagneuses, qui ont Ă©tĂ© des refuges. 2. On peut consulter lĂ -dessus lâouvrage de Carette, Recherches sur lâorigine et les migrations des principales tribus de lâAfrique septentrionale (1853). 3. M. Collignon (Bull. de gĂ©ographie historique, 1886, p. 282), Ă©crit Ă propos de la Tunisie : « Il nâest pour ainsi dire pas de localitĂ© oĂč il ne sait possible de retrouver plu-sieurs, sinon la totalitĂ© des types rĂ©pandus sur le territoire. » Dans le massif de lâAurĂšs, en Kabylie, etc., on trouve pĂȘle-mĂȘle des types trĂšs divers (conf. papillault, Bull. dela Soc. dâanthr., 1897, p. 539).
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extĂ©rieures ; dâautres croient quâelles peuvent se modifier, Pour les uns, la couleur de la peau et celle des cheveux priment, comme Ă©lĂ©ments de classification, les caractĂšres ostĂ©ologi-ques ; dâautres restent plus ou moins fidĂšles Ă la vieille opinion qui rapporte les diversitĂ©s de la pigmentation aux influences des climats. On ne sait pas exactement dans quelle mesure les conditions de la vie modifient la taille. Il est presque super-flu dâajouter que des individus ayant la mĂȘme conformation peuvent beaucoup diffĂ©rer dâaspect selon leur alimentation, leur existence sĂ©dentaire ou active, lâintensitĂ© de la lumiĂšre et de la chaleur; sans parler des impressions trompeuses que les costumes provoquent chez des observateurs superficiels. Les pages qui suivent tĂ©moigneront de la difficultĂ© et de lâin-suffisance des recherches, aussi bien que de lâincertitude des mĂ©thodes. En gĂ©nĂ©ral, les BerbĂšres ont le visage droit, des yeux ho-rizontaux, non saillants, un nez plus ou moins long, plus ou moins large, mais non pas Ă©patĂ©, comme celui des nĂšgres, Leur corps est dâordinaire bien proportionnĂ©, leur complexion ro-buste. Ils rĂ©sistent aux variations de la tempĂ©rature, aux priva-tions, aux longues marches et, quand cela est nĂ©cessaire, aux durs travaux : ils atteignent souvent une extrĂȘme vieillesse(1). A leur naissance, leur peau est blanche, mais le soleil la brunit rapidement : il ne faut sans doutĂ© pas chercher dâautre cause au teint foncĂ© que de nombreux textes anciens attribuent Ă des indigĂšnes du Nord de lâAfrique(2). La plupart ont des yeux____________________ 1. Conf. plus haut, p. 174. 2. Lucain, IV, 678-9 : « concolor Indo Maurus », Sillus Italicus, II, 439 : « usta cutem nigri soror horrida Mauri » ; VIII, 267 : « adustus corpora Maurus ». Juvenal, V, 54 : « nigri Mauri » ; XI, 123 : « Mauro obscurior Indus ». NĂ©mĂ©sica, Cyneg., 261 : « coloratus Mazax ». Corippus, Johannide, I, 215-6 : « Maura vide-batur facies nigroque colore horrida » ; II, 137 : « nigra planta » : IV, 321 : (nigrae facies » ; VIII, 415 : « nigro de corpore » ; voir encore V, 341 : VIII, 426 ; VIII, 482. Procope (Bell. vand., II, 13, 20) qualifie les Maures de gens au teint noir : ΌΔαΜÏÏοοοÎč. PolĂ©mon (dans Scrptores physiognomoniae colores, Ă©dit. Franz, p. 184)
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noirs, trĂšs vifs chez les enfants, des cheveux noirs ou bruns(1) non laineux. Un type(2) trĂšs rĂ©pandu est de taille Ă©levĂ©e. (aux environs de 1 m. 70). Le crĂąne est long, le front droit, avec des arcades sourciliĂšres bien accusĂ©es. La face sâallonge en pointe Ă partir des tempes, les pommettes Ă©tant Ă peine indiquĂ©es. Le nez est mince et long, souvent busquĂ©, le menton droit, la barbe peu abondante. La musculature apparaĂźt sur le corps maigre et sec. Des Ă©paules larges surmontent un thorax qui se rĂ©trĂ©cit en tronc de cĂŽne renversĂ©. Les individus qui appartiennent Ă ce type sont trĂšs nombreux en AlgĂ©rie(3) ; selon M. Collignon(4), ils forme-raient Ă peu prĂšs la moitiĂ© de la population de la Tunisie. On pourrait voir en eux les descendants de ces Africains, grands, secs, maigres, qui sont mentionnĂ©s dans 1âantiquitĂ©(5). Dâautres BerbĂšres(6) sont petits (en moyenne 1 m. 63). Leur crĂąne est Ă©galement allongĂ©, avec des bosses pariĂ©tales et un occiput trĂšs saillants : vu dâen haut, il prĂ©sente une forme pen-tagonale. La face est, au contraire, courte et large; les pommet-tes sont fortement dĂ©veloppĂ©es et les angles de la mĂąchoire trĂšs Ă©cartĂ©s. Le nez, assez large, est dâordinaire convexe ; le menton,_____________________dit que les Libyens ressemblent aux Ăthiopiens. â par un jeu de mots, le nom ethni-que Maures, employĂ© par les Latins et plus tard par les Grecs : ÎαΰÏÎżÏ, fut rapprochĂ© du mot grec ÎŹÎŒÎ±Ï ÏÏÏ qui signifie sombre, obscur et qui se prĂ©sente mĂȘme sous la forme ΌαΰÏÎżÏ. Voir Manilius, IV, 727-8 : « Mauretania nomen oris habet titulumque sun fert ipsa colore » : Isidore de SĂ©viIle, Etymol., IX, 2, 122 ; « ... licet Mauri ob colorem a Graecis vocentur : Graeci enim nigrum ΌαΰÏÎżÎœ vocant, aestifero quippe colore afflati atri coloris specimen ducunt » ; conf. le mĂȘme, XIV, 5, 10. 1. Conf. Claudien, De consulatu Stilichonis, III, 19 : nigris hine Mauri crini-bus irent ».âą. 2. Je dis type, et non race, terme que jâĂ©vite Ă dessein. â Sur ce premier type, voir Collignon, Bull. de gĂ©ographie historique, 1886, p. 303-9. 3. Conf. les indications de Topinard, Bull, de la Soc. dâanthr. de Paris, 1881, p. 446-7 ; de Sabatier, ibid., 1882, p. 891-4 ; de Chantre, Bull, de la Soc, dâanthr. de Lyon, XXIX, 1910, p. 85 (type I, a). 4. L. c., p. 305. 5. Ălien, Nat. min., III, 2 ; XIV, 5. 6. Collignon, l. c., p. 315-221.
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saillant, sâencadre dâune barbe bien fournie; la bouche est gran-de, aux lĂšvres charnues. Poitrine large, taille fine, hanches trĂšs dĂ©veloppĂ©es. Ce type parait ĂȘtre dissĂ©minĂ© dans tout le Ma-ghrib; on lâa signalĂ© en Khoumirie(1), dans la vallĂ©e de la Me-djerda(2), dâans le massif montagneux de la Tunisie centrale(3), sur le littoral oriental(4), en particulier Ă GabĂšs(5), dans la rĂ©gion dâAlger, dans le Sud de lâAlgĂ©rie(6). Par la forme de la tĂȘte, il est Ă©troitement apparentĂ© au type dit de Cro-Magnon(7), qui se ca-ractĂ©rise par la longueur du crĂąne et par la largeur de la face(8). Les types que nous venons de dĂ©crire sont trĂšs anciens dans lâAfrique septentrionale. Des crĂąnes qui pourraient ĂȘtre classĂ©s dans lâune ou lâautre des deux sĂ©ries se rencontrent dĂšs lâĂąge de la pierre(9), ainsi que dans des sĂ©pultures indigĂšnes plus rĂ©centes(10).____________________ 1. OĂč il formerait le quart de la population : Bertholon, Bull. de gĂ©ographie histo-rique, 1891, p. 440, 446, 451. 2. Chantre et Bertholon, Assoc. française, Dijon, 1911, p. 127. 3. Collignon, l. c. (rĂ©gion dâEllez et de Kessera). 4. Chantre et Bertholon, l. c. 5. Bertholon, lâAnthropologie, VIII, 1807, p. 416. 6. Chantre, Assoc. française, Toulouse, 1910, l, p. 353 ; Bull. de la Soc. dâanthr. De Lyon, XXIX, 1910, p. 86 (type III). 7. Du nom dâun gisement prĂ©historique du dĂ©partement de Dordogne. 8. Collignon, l. c., p. 256, 319-320. â La taille de ces BerbĂšre est, il est vrai, plus petite que dans le type de Cro-Magnon. Mais, en Europe, les gens de Chancelade, de lâHomme-Mort, de Baumes-Chaudes, apparentĂ©s Ă ceux de Cro-Magnon, Ă©taient de taille peu Ă©levĂ©e, et il y a actuellement encore dans le PĂ©rigord des individus de petite taille qui reprĂ©sentent le type de Cro-Magnon : Collignon, Annales de GĂ©ographie, V, 1895-6, p. 164. 9. Grotte Ali Bacha, Ă Bougie : Delisle, Rec. de Constantine, XL, 1906, p. 107-200, planches Ă la p. 138 ; conf. lâAnthropologie, XVII, 1906, p. 124. Grotte du Grand-Rocher, prĂšs dâAlger : Pomel, Singe et homme, p. 24-26 et pl. VI. EcsargotiĂšre dâAĂŻn Mlila : Tho-mas, Bull. de la SociĂ©tĂ© des sciences physiques dâAlger, XIII, 1877, p. 3 [pagination spĂ©-ciale] ; Pomel, l. c., p. 26-27 et pl. IV. Station nĂ©olithique dâAĂŻn el Bey : Thomas, l. c., p. 41. 10. Dolmens de Roknia : Pruner-Bey, apud,Bourguignat, Histoire des monuments mĂ©galithiques de Roknia, p. 39-47 et pl. VII ; Faidherbe, Bull. de lâAcadĂ©mie dâHip-pone, IV, 1867, p. 54 et suiv., tableaux 1-3 et planches ; le mĂȘme, CongrĂšs international dâanthropologie de Bruxelles, 1872, Compte rendus, p. 412-3 ; de Quatrefages et Hamy, Crania ethnica, p. 96. â Dolmens de Guyotville : collections gĂ©ologiques de la FacultĂ© des sciences dâAlger ; musĂ©e des antiquitĂ©s dâAlger. â Tombeaux voisins du MĂ©dra-cen, mausolĂ©e royal : Letourneau et Papillaut, Bull. de la Soc. dâanthr., 1895, p. 347-8. â La platyonĂ©mie (aplatissement transversal en lame de sabre, observĂ©e sur des tibias de
288 LES TEMPS PRIMITIFS.
On a constituĂ© un troisiĂšme groupe(1) avec des gens Ă tĂȘte ronde, de stature mĂ©diocre (on moyenne 1 m. 64 â 1 m. 65). Visage large et court, front souvent bombĂ©, sourcils Ă©pais, se re-joignant presque, nez court et assez large, bouche plutĂŽt grande, menton arrondi, barbe clairsemĂ©e, poitrine trapue telles sont les caractĂ©ristiques de ce type, trĂšs frĂ©quent dans lâĂźle de Djerba et dans les oasis du Mzab(2). Il se retrouve, plus ou moins pur, sur la cĂŽte orientale de la Tunisie(3), dans les montagnes situĂ©es au Sud de GabĂšs(4), en Tripolitaine(5), sur le littoral algĂ©rien(6), en Kabylie(7) dans lâAurĂšs(8), etc.(9). Beaucoup de Mzabites se distinguent des autres indigĂšnes par leur teint trĂšs mat, que le soleil dore, au lieu de le brunir. CâĂ©tait peut-ĂȘtre au mĂȘme type quâappartenaient des indi-vidus Ă tĂȘte large, ensevelis sous des dolmens de Roknia(10) et de Guyotville(11).____________________lâĂ©poque nĂ©olithique et de la date plus rĂ©cente (Pomel, l. c., p. 30-31, pl. VII, fig. 3 et 4, pl. VIII, fig. 3-5 ; Tommasini, Assoc. française, Oran, 1888, l, p. 201) est un des caractĂšres de la race de Cro-Magnon. Mais il faut ajouter quâelle est Ă peu prĂšs gĂ©nĂ©rale dans lâAfrique du Nord : Collignon, l. c., p. 319. 1. Collignon, l. c., p. 285-303 (conf. ibid., p. 216 et suiv.). Bertholon, lâAnthropo-logie, VIII, 1897, p. 399 et suiv., 419-423. 2. Les Mzabites, on le sait, nâoccupent leurs oasis que depuis quelques siĂšcles. 3. Chantre et Bertholon, Assoc. française, Dijon, 1911, p. 127. Surtout deux grou-pes voisins de Sousse : Collignon, l, c., p. 288-9. 4. Bertholon, lâAnthropologie, VIII, p. 408. Chantre, Assoc. française, Reims, 1907, I, p. 294. 5. Chantre, Assoc. française, Clermont-Ferrand, 1908, II, p. 680. 6. Chantre, Assoc. française, Toulouse, 1910, I, p. 353 ; ibid., Dijon, 1911, p. 127 ; Bull. de la Soc. dâanthr. De Lyon, XXIV, p. 85 (type II). 7. Sabatier, Bull. de la Soc. dâanthr. de Paris, 1882, p. 889-890. Collignon, l. c., p. 297-300. Bertholon, lâAnthropologie, VIII, p. 423. Les tĂȘtes larges semblent ĂȘtre bien moins nombreuses en Kabylie que les tĂȘtes longues : conf. Lissauer, Zeitschrift fĂŒr Eth-nologie, XL, 1908, p. 518 (dâaprĂšs Prengrucher). 8. Bertholon, l. c. 9. Il est rare en Khoumirie (Bull. de gĂ©ographie historique, 1891, p. 440, 455), mais ne manque pas dans le centre de la Tunisie (Bertholon, lâAnthropologie, VIII, p. 422). â Il parait exister dans le Titteri, Ă lâintĂ©rieur de la province dâAlger : Joly, Ătude sur le Titteri (extrait du Bull. de la SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie dâAlger, 1906), p. 36. 10. Faidherbe, Bull. de lâAcad. DâHippone, IV, p. 55 ; CongrĂšs de Bruxelles, p. 413-4, Bertholon, l. c., p. 423. 11. Bull. de la SociĂ©tĂ© algĂ©rienne de climatologie, XII, 1876, p. 198.
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Cette classification nâest nullement dĂ©finitive ; elle ne doit pas nous faire oublier quâen dehors des BerbĂšres se rattachant aux types mentionnĂ©s, il en est dâautres, sans doute plus nom-breux, qui prĂ©sentent des caractĂšres mixtes : nous dirions hy-brides, si nous voulions admettre que ces trois types seuls sont primitifs, et quâils ont produit des variĂ©tĂ©s en se croisant(1). Dans la masse des indigĂšnes, on rencontre souvent des bar-bes et des cheveux blonds, roux, chĂątains; des yeux bleus, gris, verts; des carnations pales, qui, sous le soleil, rougissent au lieu de brunir, ou bien se couvrent de taches de rousseur. Ces particu-laritĂ©s ne sont pas toujours associĂ©es, comme elles le sont dâor-dinaire dans le Nord de lâEurope. Les yeux clairs, ou du moins trĂšs peu foncĂ©s, paraissent ĂȘtre bien plus frĂ©quents que les che-veux et les teints clairs. On sâest le plus souvent contentĂ© de noter la couleur des cheveux, sans indiquer dâautres caractĂšres physi-ques. Il semble pourtant quâil y ait beaucoup de gens de haute taille parmi ces blonds(2). Leur prĂ©sence au milieu dâune grande majoritĂ© de bruns a frappĂ© plus dâun observaleur au point de____________________ 1. Ainsi, selon MM. Chantre et Bertholon (Assoc. française, Dijon, p. 128 et 130 ; Bull. de la Soc. dâanthr. de Lyon, XXIX, p. 85, type I, b), le premier et le troisiĂšme types, en se croisant, auraient produit un sous-type de haute taille, Ă tendance brachy-cĂ©phale. â M. Verneau (dans lâAnthropologie, XXIII, 1912, p. 671-683) reconnaĂźt au Maroc un type oĂč lâon retrouve certains caractĂšres de nos deux premiers : crĂąne assez allongĂ©, Ă bosses pariĂ©tales trĂšs saillantes, front et face relativement Ă©troits, nez dâor-dinaire assez mince, menton saillant. Ce type prĂ©sente dâautre part un notable progna-thisme alvĂ©olaire. 2. Voir, pour les Doukkalas du Maroc, DouttĂ©, MerrĂąkeck, p. 240 ; pour les blonds du voisinage dâHonaĂŻn, VĂ©lain, Bull. de la Soc. dâanthr., 1874, p. 123 ; pour ceux de la Khoumirie, Bertholon. Bull. de gĂ©ographie historique, 1891, p. 455. M. Bertholon clas-se les BerbĂšres blonds dans le premier des trois types indiquĂ©s plus haut ; il croit mĂȘme que ce type reprĂ©sente une « race » primitivement blonde, qui sâest modifiĂ©e par des mĂ©-tissages avec des bruns (Assoc. française, Reims, 1907, II, p. 1040). Selon M. Verneau (Archives des mirssions, 3e sĂ©rie, XIII, 1887, p. 720 et suiv.), les Guanches, anciens ha-bitants des Ăźles Canaries, Ă©taient, pour une bonne part, des blonds de haute taille, offrant le type de Cro-Magnon. â Il est dâailleurs certain que les blonds sont loin de prĂ©senter un type uniforme : conf. Collignon, l. c., p. 322 ; ElisseĂŻeff, analysĂ© par Doniker, Revue dâanthropologie, 1886, p. 353 (il signale des sous-brachycĂ©phales blonds dans lâAurĂ©s) ; Papillault, Bull. de la Soc. dâanthr., 1807, p.543-4 (il note que, dans lâAurĂšs, ce sont les indigĂšnes les plus petits qui paraissent ĂȘtre les moins pigmentĂ©s) ; VirĂ©, ibid., 1893,
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faire exagĂ©rer leur nombre(1). Ătaient-ils plus rĂ©pandus autre-fois ? Nous ne pouvons pas lâaffirmer, car il nâest nullement prouvĂ©, comme on lâa cru(2), que, dans toute population mĂ©lan-gĂ©e de blonds et de bruns, la proportion des premiers ait ten-dance Ă diminuer. Des blonds ont Ă©tĂ© signalĂ©s depuis le dĂ©troit de Gibraltar, jusquâau delĂ des Syrtes(3). Cependant ils ne sont pas rĂ©partis dâune maniĂšre uniforme. Au Maroc, ils abondent dans le Rif(4), mais ailleurs ils sont beaucoup plus rares(5). En AlgĂ©rie, leur nombre est trĂšs Ă©levĂ© dans la grande Kabylie(6) et dans le massif____________________p. 71 (eu Kabylie, les blonds ne diffĂšreraient guĂšre des bruns pour la taille et pour la forme du crĂąne ; ils auraient cependant la face plus raccourcie, le nez moins convexe et plus charnu) ; Joly. Ătude sur le Titteri, p. 36 (brachycĂ©phales qui tendent vers le type blond). Tout cela est Ă reprendre. 1. Conf. les rĂ©serves de Faidherbe, Bull. de lâAcadĂ©mie dâHippone, IV, p. 69 : « Sur quatre cents tirailleurs de la garnison de BĂŽne, presque tous BerbĂšres de race, nous nâen avons trouvĂ© que cinq blonds et vingt chĂątains. » Voir aussi Collignon, Revue dâan-thropologie, 1888, p. 2-3. 2. Perier, MĂ©moires de la Soc. dâanthropologie, 2e sĂ©rie, I, 1873, p. 42-43, A. de Candolle, Revue dâanthropologie, 1887, p. 265. Bertholon, Assoc. française, l. c., 1047. 3. Voir, dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, Perier, l. c., p. 36-38 ; Schrimer, De nomine, populorum qui Berberi dicuntur, p. 59 et suiv. ; Sergi, Africa, p. 284 et suiv. ; Bertholon, Assoc. française, Reims, p. 1010-1047. Pour la Tunisie, Collignon, Revue dâanthropolo-gie, 1888, p. 1-8. 4. Tissot, GĂ©ographie, I. p. 403-4. Quedenfeld (traduction française), Revue afri-caine, XLVI, 1902, p. 106. De Segonzac, Voyages au Maroc, p. 47 (Ă peu prĂšs la moitiĂ© de la population). 5. Conf. Quedenfeldt, l. c., p. 107 et 110 ; de Segonzac, l. c., p. 209 ; le mĂȘme, au CĆur du Maroc, p. 169. Tissot (l. c., p. 403) se trompait fort quand il Ă©crivait : « On reste certainement au-dessous de la vĂ©ritĂ© en affirmant que le type blond forme le tiers de la population totale du Maroc. » â En dehors du Rif, on a signalĂ© des blonds chez les Beni Mtir, au Sud de MeknĂšs (Weisgerbert, les Blancs dâAfrique, p. 172), chez les Doukkalas, au Sud de Mazagran (DouttĂ©, MerrĂąkech, p. 240 ; ils sont nombreux dans cette tribu ; chez les AĂŻt AĂŻach, sur la haute Moulouia (Segonzac, Voyages, p. 166) ; Ă Figuig (Quedenfeldt, Rev. Africaine, XLVII, 1903, p. 382), et mĂȘme dans lâextrĂȘme Sud (voir Schrimer, l. c., p. 60). 6. Shaler et Daumas, citĂ©s par Vivien de Saint-Martin, le Nord de lâAfrique dans lâantiquitĂ©, p. 50, n. 1. PrĂ©vost. Revue archĂ©ologique, IV, 1847-8, p. 667. Fournel, Ri-chesse minĂ©rale de lâAlgĂ©rie, II, p. 106 ? FĂ©raud, Revue africaine, II, 1857-8, p. 460. Duhousset, MĂ©moires de la Soc. dâethnographie (article citĂ©), p. 33. Bertillon, Bull. de la Soc. dâanthr., 1882, p. 391-2. VirĂ©, ibid., 1893, p. 70. Etc. â M. VirĂ© Ă©value les blonds, les roux et les chĂątains au tiers de la population de la Kabylie, ce qui me parait exagĂ©rĂ©. Parmi les Kabyles Ă©tudiĂ©s par M. Prengrueber, la proportion des blonds et des chĂątains rĂ©unis est de 13,44 p. 100 ; Lissauer, Zeitschrift fĂŒr Ethnologie, XL, p. 518.
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de lâAurĂšs(1) ; on en retrouve aussi dans dâautres rĂ©gions : prĂ©s dâHonain (sur la cĂŽte oranaise(2)), autour de SaĂŻda et de Tiaret(3) ; de Boghar et de TĂ©niet(4), aux environs de Collo(5), au Nord de la plaine du Hodna(6), au Sud-Ouest et au Sud-Est de Constan-tine(7) entre Philippeville et Guelma(8). En Tunisie, lâassociation du teint, des yeux et des cheveux clairs est exceptionnelle(9) : il existe pourtant de vĂ©ritables blonds, peu nombreux, en Khou-mirie(10), dans les montagnes Ă lâEst de Gafsa(11), dans lâextrĂȘme Sud(12) et çà et lĂ sur la cĂŽte orientale(13). A peu prĂšs partout, en AlgĂ©rie(14) comme on Tunisie(15), on rencontre des cheveux____________________ 1. Auteurs citĂ©s par Vivien de Saint-Martin, l. c., et par Perier, l. c., p. 44, n. 1. Masqueray, Revue africaine, XXI, 1877, p. 98, 104, 107 ; XXII, 1878, p. 112, 278, 280, 459. Randall-Maciver et Wilkin, Libyan notes, p. 98. Bertholon, l. c., p. 1042-3. â LĂ aussi, le nombre des blonds a Ă©tĂ© exagĂ©rĂ© : conf. Papillault, Bull de la Soc. dâanthropologie, 1897, p. 540 ; de Lartigue, Monogra-phie de lâAurĂšs, p. 387. 2. VĂ©lain, Bull. de la Soc. dâanthr., 1874, p. 125. 3. La BlanchĂšre, Archives des missions, 3e sĂ©rie, X, 1883, p. 35 (peu nombreux). 4. Joly, Ătude sur le Titteri, p. 36, n. 1 (assez communs). 5. Les blonds de Collo ont Ă©tĂ© dĂ©jĂ signalĂ©s par Poiret, Voyages en Barbarie, I, p. 125, et par le baron Baude, lâAlgĂ©rie, I, p. 149. 6. Goyt, Rec. de Constantine, XXIV, 1886-7, p. 73 (chez les Ouled HannĂšche). 7. FĂ©raud, ibid., VIII, 1864, p. 255 (chez les Ouled Abd en Nour). Le mĂȘme, Revue afri-caine, XVI, 1872, p. 406 (chez les Haractas). 8. Sergent, Bull. de la Soc. dâanthr., 1870, p. 55 (chez lzq Denhadjas : quelques individus seulement ; des conclusions trĂšs contestables ont Ă©tĂ© tirĂ©es de la prĂ©sence de ces blonds prĂšs des dolmens de Roknia). 9. Collignon, Bull. de gĂ©ographie historique. 1886, p. 231, 321-322 ; le mĂȘme, Revue dâanthropologie, 1888, p. 5. 10. Bertholon, Bull. de gĂ©ogr. Hist., 1891, p. 431-2 ; Assoc. française, l. c., p. 1041. 11. Provotelle, Ătude sur la tamazirât de QalaĂąt es Sened (1911), p. 2. â Dureau de la Malle (Province de Constantine, Recueil de renseignements, p. 181) mentionne aussi, dâaprĂšs Genville Temple, des blonds plus au Sud, dans la rĂ©gion des chotts. 12. A Chenini : Bertholon, Assoc., l. c., p. 1041, de la Malle (Province de Constantine, Recueil de renseignements, p. 181) mentionne aussi, dâaprĂšs Grenville Temple, des blonds plus au Sud, dans la rĂ©gion des chotts. 12. A Chemini : Bertholon, Assoc., l. c., p. 1039. 13. Collignon, Revue dâanthropologie, 1888, p. 6 ; Bertholon, Assoc., l. c., p. 1040 ; voir aussi le mĂȘme, Assoc., Lille, 1909, II, p. 908-9 (Ă El Djem). Sur le littoral, plus ouvert que lâintĂ©-rieur du pays aux Ă©lĂ©ments Ă©trangers, des blonds europĂ©ens ont pu sâintroduire dans ces derniers siĂšcles. Voir cependant le texte de Scylax citĂ© plus loin. 14. Voir entre autres, Berttillon, Bull. de la Soc. dâanthr., 1882, p. 391 (Kabylie) ; Pa-pillault, ibid., 1897, p. 341 (AurĂšs) ; Joly, l. c., p. 36 (Titteri). â De mĂȘme au Maroc ; voir, par exemple, MouliĂ©ras, le Maroc inconnu, II, p. 777. 15. Bertholon, Bull. de gĂ©ogr. Histor., 1891, p. 428-431 ; Assoc., Reims, p. 1041 (au Nord de la Medjerda). Collignon, Rev. Dâanthr., 1888, p. 7 (massif central et cĂŽte orientale), Bertholon, Assoc., Lille, p. 908 (Tunisie mĂ©ridionale) ; lâAnthropologie, VIII, 1897, p. 403-5, 414-5 (Ăźle de Djerba). Etc.
292 LES TEMPS PRIMITIFS.
et des yeux Ă nuances intermĂ©diaires entre la couleur claire et la couleur foncĂ©e : il est permis de croire que les gens qui of-frent ces caractĂšres ont eu des blonds parmi leurs ancĂȘtres. Des blonds sont aussi signalĂ©s en CyrĂ©naĂŻque(1). Il y en aurait jusque dans les tribus nomades du Sahara, mais ils nây forment cer-tainement quâune infime minoritĂ©(2). Notons enfin quâau Sud-Ouest du Maroc, les cheveux blonds paraissent avoir Ă©tĂ© frĂ©-quents chez les Guanches, qui habitaient les Ăźles Canaries avant lâoccupation espagnole(3). Il est inutile de discuter lâopinion qui rattache ces blonds aux Vandales(4), ou celle qui en fait des descendants de soldats gaulois, introduits par Carthage et par Rome(5). Nous savons quâaprĂšs leur dĂ©faite, les Vandales disparurent Ă peu prĂšs de lâAfrique septentrionale(6). Les Gaulois qui y vinrent au service des Carthaginois et des Romains ne furent pas trĂšs nombreux et, en gĂ©nĂ©ral, ils ne durent pas faire souche dans le pays; il test du reste pas prouvĂ© quâils aient Ă©tĂ© surtout des gens blonds. La grande extension de ce type doit faire admettre quâil a existĂ© et quâil sâest rĂ©pandu on BerbĂ©rie dĂšs une Ă©poque lointaine. Il nâĂ©tait pas inconnu des anciens(7). Au VIe, siĂšcle de no-tre Ăšre, au lendemain de la destruction du royaume vandale, Ortaias, prince indigĂšne, affirmait Ă Procope quâau delĂ de son____________________ 1. Bertholon, Assoc., Reims, p. 1038-9 (dans le djebel Lakhdar). 2. Daumas, citĂ© par Vivien de Saint-Martin, l. c., p. 57, note. Deniker, dâaprĂšs ElisseĂŻeff, Rev. dâanthropologie, 1899, p. 354. Duveyrier (les Touareg du Nord, p. 382) parle seulement de quelques yeux bleus, 3. Broca, Revue dâanthropologie, 1876, p. 402. Verneau, Archives des mis-sions, 3e sĂ©rie, XIII, 1887, p. 583-4. 4. Shaw, Voyages dans plusieurs provinces de la barbarie, (traduct. fran-çaise de 1743), I, p. 150, et beaucoup dâautres depuis, jusquâĂ Quedenfeldt, Revue africaine, XLVI, 1902, p. 107. Contra : Broca, l. c., p. 308-403. 5. Opinion IndiquĂ©e par Faidherbe, Bull. de lâAcadĂ©mie dâHippone, IV, p. 68, et Collection complĂšte des inscriptions numidiques, p. 19. Conf. Perier, l. c., p. 47. 6. Voir plus haut, p. 270. 7. Pour 1es textes concernant les blonds dâAfrique, voir, entre autres, Me-hlis, Archiv fĂŒr Anthropologie, Neue Folge, VIII, 1909, p. 285-6.
ANTHROPOLOGIE. 293
territoire (situĂ© Ă lâOuest de lâAurĂšs), il y avait un dĂ©sert trĂšs vaste, puis des hommes qui nâavaient pas le teint noir comme les Maures, mais dont le corps Ă©tait trĂšs blanc, avec des che-veux blonds(1). Cette indication sommaire ne permet malheu-reusement pas de dire quelle rĂ©gion ils occupaient. Neuf siĂšcles environ plus tĂŽt, le PĂ©riple mis sous le nom de Scylax men-tionne des Libyens « blonds... et trĂšs beaux(2) » entre Thapsus et NĂ©apolis (en arriĂšre du golfe de Hammamet), câest-Ă -dire dans un pays oĂč les blonds sont aujourdâhui fort rares. A lâEst de la BerbĂ©rie, les blondes Libyennes de la CyrĂ©naĂŻque ont Ă©tĂ© cĂ©lĂ©brĂ©es par le poĂšte Callimaque(3), nĂ© lui-mĂȘme Ă CyrĂšne vers la fin du IVe siĂšcle avant J.-C.(4). Enfin des indigĂšnes qui ha-bitaient Ă lâOuest de la vallĂ©e du Nil sont reprĂ©sentĂ©s avec un teint mat, blanc sale ou jaune clair, des yeux bleus, une barbe chĂątain sur des peintures Ă©gyptiennes de lâĂ©poque du Nouvel Empire, dans la deuxiĂšme moitiĂ© du second millĂ©naire(5).
III
Dans les oasis du Sahara septentrional, depuis le Sud du Maroc jusquâĂ la Tripolitaine, vivent des gens Ă la peau noire ou, tout au moins, trĂšs foncĂ©e. Ils y sĂ©journent dans des con-ditions plus favorables que les blancs, car ils sont beaucoup_____________________ 1. Procope, Bell. Vand., II, 13, 29 : ÎżÏÏ ÏÏÏÎ”Ï ÎżÎŻ ÎÎ±Ï ÏÎżÏÎż ÎżÎč ΌΔλαΜÏÏÏοοÎč, ΏλλΏ Î»Î”Ï ÏÎżÎč ÏΔ Î»ÎŻÎ±Îœ ÏÎŹ ÏÏΌαÏα Ïαί ÏÎŹÏ ÎŸÎ±ÎœÎžÎżÎŻ. 2. § 110 (Geogr. gr. min., Ă©dit. MĂŒller, I, p. 88) : οΰÏÎżÎč ÎłÎ±Ï ÎŹÏαΜÏÎ”Ï ÎÎŻÎČÏ Î”Ï Î»ÎÎłÎżÎœÏαÎč ÎŸÎ±ÎœÎžÎżÎŻ, ÎŹÏαÏÏÎżÎč (corr. peut-ĂȘtre ΔÏÏλαÏÏÎżÎč) Ïαί ÏΏλλÎčÏÏÎżÎč. Voir pour le contexte, la traduction de M. Desrousseaux, publiĂ©e dans la revue de gĂ©ographie, XXXVIII, 1890, p. 350. 3. Hymne Ă Apollon, vers 86 (p. 18 de lâĂ©dit. Meincke) : ÎŹÎœÎÏÎ”Ï ÏÏÏÎźÏαΜÏÎż ΌΔÏÎŹ ÎŸÎ±ÎžÎźÏÎč ÎÎčÎČÏÏÏηÏ. 4. Quant aux serviteurs blonds de ClĂ©opĂątre (Lucain, X, 120-131), on igno-re dâoĂč ils Ă©taient venus en Ăgypte. 5. Rosellini, Monumenti dellâ Egitto, I, pl. CLVI (en bas) et pl. CLX ; voir aussi pl. CLIX (en haut).
294 LES TEMPS PRIMITIFS.
moins atteints par les fiĂšvres(1). Ce sont soit des esclaves, dâori-gine soudanaise, soit des mĂ©tayers, appelĂ©s haratines dans le Sud du Maroc et de lâAlgĂ©rie(2). La couleur de la peau des ha-ratines offre des nuances variĂ©es : Ă©bĂšne, chocolat, cuivre, can-nelle. Il en est dont la physionomie rappelle des visages ber-bĂšres; dâautres sont de purs nĂšgres, offrant les traits classiques des Nigritiens du Soudan. Un type qui est trĂšs frĂ©quent dans le Sud de la Tunisie, surtout dans le Djerid, oĂč il a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© avec soin(3), et qui se retrouve ailleurs(4), offre les caractĂšres suivants : taille au-des-sus de la moyenne ; crĂąne fort long et Ă©troit, dont le sommet est rejetĂ© en arriĂšre; front oblique; arcades sourciliĂšres saillan-tes ; fortes pommettes, Ă partir desquelles le devant de la face sâallonge en triangle ; nez Ă Ă©chancrure profonde, court et re-troussĂ©, mais non Ă©patĂ© ; grande bouche, avec de fortes lĂšvres ; menton fuyant ; Ă©paules larges et carrĂ©es ; thorax en tronc de cĂŽne renversĂ©, trĂšs Ă©troit au-dessus du bassin. La peau est trĂšs foncĂ©e, dâun bruit rougeĂątre ; les yeux sont trĂšs noirs ; les che-veux, qui ne sont pas crĂ©pus, de la couleur du jais. Il est certain que parmi les cultivateurs des oasis, il y a des fils et des petits-fils dâesclaves soudanais(5), que beaucoup dâautres sont des mĂ©tis dâArabes, de BerbĂšres et de Nigritiens.Mais on peut se demander si bon nombre dâentre eux ne des-cendent pas de populations Ă©tablies sur les lieux depuis fort longtemps.____________________ 1. Conf. plus haut, p. 175. 2. Au singulier hartani. Sur les haratines voir en particulier Gautier, Sahara algĂ©rien, p. 265 et suiv. 3. Collignon, Bull, de gĂ©ographie historique, 1886, p. 309-315. Il est fort rĂ©-pandu Ă GabĂšs, dans le Nefzaoua, dans lâextrĂȘme Sud tunisien : conf. Bertholon et Chantre, Assoc. française, Dijon, 1911, Compte rendu, p. 131. 4. Oasis de la Tripolitaine et de lâAlgĂ©rie ; voir quelques indications donnĂ©es par MM. Bertholon et Chantre : Revue tunisienne, II, 1895, p. 23 ; Assoc. française, Tunis, 1896, l. p. 209-210 ; Reims, 1907, l, p. 314 ; Toulouse, 1910, I, p. 353 ; Bull. de la Soc. dâanthr. de Lyon, XXVI, 1907, p. 150-7. 5. Eux-mĂȘmes le reconnaissent : Gautier, l. c., p. 266.
ANTHROPOLOGIE. 295
De nombreux tĂ©moignages(1) prouvent que, dans lâanti-quitĂ©, toute la BerbĂ©rie Ă©tait bordĂ©e au Sud par des « Ăthio-piens(2) », appelĂ©s quelquefois Ăthiopiens occidentaux(3). Stra-bon(4) dĂ©clare quâil ne saurait indiquer les limites de lâĂthiopie et de la Libye, mĂȘme dans la contrĂ©e qui est du cĂŽtĂ© de lâOcĂ©an. On peut cependant tirer des textes quelques renseignements, plus ou moins prĂ©cis. La traduction grecque du PĂ©riple dâHannon mentionne des Ăthiopiens, non seulement sur les cĂŽtes du Sahara(5), oĂč on les retrouve plus tard(6), mais encore au Sud du Maroc, dans la rĂ©gion montagneuse dâoĂč sort le Lixos, câest-Ă -dire lâoued Draa(7). Ce sont peut-ĂȘtre les Ăthiopiens Daratites (riverains du fleuve DaraĂŻ, qui est aussi lâoued Dara), nommĂ©s sur la cĂŽte par Pline, dâaprĂšs Polybe ou Agrippa(8). Pline classe parmi les Ăthiopiens les Nigritae, les Pharusii et les Perorsi(9). Ces derniers habitaient le littoral de lâOcĂ©an ; les Pharusii, dit ailleurs Pline(10), Ă©taient en arriĂšre dâeux (Ă lâin-tĂ©rieur des terres). Du reste, il est vraisemblable que Pharusii____________________ 1. En partie indiquĂ©s par M. Bloch ; Assoc. française, Tunis, 1896, II, p. 513 et suiv. 2. Outre les textes qui vont ĂȘtre citĂ©s, voir dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale Isidore de SĂ©-ville, Etymol., XIV, 5, 17. 3. Strabon, III, 4, 5 ; XVII, 3, 5; XVIII, 3, 7 et 8. MĂ©la, III, 96. Pline lâAncien, V, 43 et 77. Eustathe, Commentaire Ă Denys le PĂ©riĂ©gĂšte, au vers 179 (Geogr. gr. min., II, p. 248). AgathĂ©mĂšre, II, 7 (ibid., p. 473). 4. XVII, 3, 23. 5. § 11 (Geogr. gr. min., l, p. 9). 6. Scylax, 112 (p. 94) : prĂšs de lâĂźle du CernĂ©. 7. § 7 (p. 6). â Sur lâidentitĂ© du Lixos et du Darat avec lâoued Draa, voir Tissot, dans MĂ©moires prĂ©sentĂ©s Ă lâAcadĂ©mie des Inscriptions, IX, 1° partie (1878), p. 255-7. 8. Pline, V, 10 : « ... in ora Aethiopas Daratitas. » 9. livre V, 43 : « ... Aethiopum gentes Nigritae a quo dictum est flumine, gymnetes Pharusii, iam oceanum attingentes quos in Mauretaniae fine diximus Perorsi. » DâaprĂšs la tournure de la phrase, les mots iam oceanum attingentes se rapportent Ă Perorsi, et non aux peuples indiquĂ©s auparavant (conf. Schweder, dans Philologus, XLVII, 1888, p. 638). Le terme grec gymnetes parait ĂȘtre une Ă©pithĂšte de Pharusii : Vivien de Saint-Martin, le Nord de lâAfrique, p. 158-9. â Pour les Perorsi qualifiĂ©s dâĂthiopiens, voir encore Pline, V, 16, et VI, 105. 10. Livre V, 10 : « (promunturium) Surrentium, postea flumen Salsum, ultra quod Aethiopas Perorsos, quorum a tergo Pharusios.
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(du grec ΊαÏÎżÏÏÎčÎżÎč) et Perorsi ne sont que deux transcriptions dâun mĂȘme nom africain(1). LâĂ©numĂ©ration de Pline allant de lâEst Ă lâOuest, les Nigritae habitaient plus loin vers lâOrient, â nous verrons tout Ă lâheure quâils devaient sâĂ©tendre jusquâĂ lâoued Djedi, au Sud des provinces dâAlger et de Constantine, â et MĂ©la doit se tromper(2) quand il affirme qu ils atteignaient la cĂŽte(3). Strabon, qui mentionne Ă©galement les Pharusiens et les Nigrites(4), dit quâils habitent au-dessus [au delĂ ] des Mau-rusiens, dans le voisinage des Ăthiopiens occidentaux, dont il les distingue(5). Il indique, probablement dâaprĂšs le PĂ©riple dâOphellas(6), que leur pays est Ă©loignĂ© de trente journĂ©es de marche de la ville de Lixus(7). Si lâon admet que le chiffre est exact, on doit chercher ces deux peuples dans lâextrĂȘme Sud du Maroc, vers lâoued Draa,.et sans doute aussi plus Ă lâEst, dans les rĂ©gions de lâoued Ziz, de lâoued Guir, de lâoued Zousfana. Nous ne savons rien de prĂ©cis sur les Ăthiopiens occiden-taux contre lesquels Bogud, roi de MaurĂ©tanie, fit une expĂ©di-tion(8) : il est Ă croire quâils nâĂ©taient pas trĂšs Ă©loignĂ©s des Ă©tats de ce prince. Des Ăthiopiens, voisins du royaume maurĂ©tanien de____________________ 1. Pline (V, 46) qualifie les Pharusii de « quondam Persae » : ce qui sâexplique par un jeu de mots supposant le nom intermĂ©diaire Perorsi. Ailleurs (V, 16), Pline indique, probablement dâaprĂšs le gĂ©nĂ©ral SuĂ©tonius Paulinus, que le peuple Ă©thiopien des Perorsi se trouvait non loin du fleuve Guir, câest-Ă -dire sans doute de lâoued Guir, par consĂ©quent dans la rĂ©gion oĂč il conviendrait de chercher les Pharusii. â Strabon (voir plus loin) et MĂ©la (I, 22 ; IlI, 103) ne connaissent que les ΊαÏÎżÏÏÎčÎżÎč, Pharasii (MĂ©la parait les placer sur le littoral). Comme Pline, PtolĂ©mĂ©e mentionne Ă la fois les ÎÎÎÏÎżÏÏÎżÎč et les ΊαÏÎżÏÏÎčÎżÎč (dans la Libye intĂ©rieure). 2. Comme le croit Schweder, l. c., p. 637-8. 3. III, 104 : « Nigritarum Gaetulorumque passim vagantium ne littora quidem infecunda sunt. » 4. II, 5, 33 ; XVII, 3, 3 et 7. Il Ă©crit soit ÎÎčÎłÏÎÏαÎč, soit ÎÎčÎłÏηÏΔÏ. 5. XVII, 3, 7 (conf. II, 5, 33, oĂč il dit que les Gnramantes, les Pharusiens et les Ni-grites habitent au-dessous des Ăthiopiens et au-dessus des GĂ©tules). MĂ©la (I, 22) donne une indication semblable ; « Mauri in Atlanticum pelagus expositi. Ultra Nigritae sunt et Pharusii usque ad Aethiopas. » Voir aussi Denys le PĂ©riĂ©gĂšle, 215-8 (Geogr. gr. min., II, p. 114). 6. Qui date peut-ĂȘtre de la fin du IVe siĂšcle avant J.-C. 7. XVI I, 3, 3. 8. Strabon, XVII, 3, 5. Il mentionne ailleurs (II, 3, 4), dâaprĂšs une indication dâEudoxe de Cyzique, des Ăthiopiens voisins du royaume de Bogud.
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Bocchus, sont aussi mentionnĂ©s dans un fragment dâAppien(1) ; ils sâĂ©tendaient vers lâOccident « jusquâĂ la montagne de la Maurusie quâon appelle lâAtlas », par, consĂ©quent jusquâau Sud du Maroc(2). Salluste(3) indique des GĂ©tules au-dessus de la Numidie (câest-Ă -dire au-dessus du royaume de Jugurtha, situĂ© entre le Maroc et le centre de la Tunisie) ; puis, en arriĂšre dâeux, des Ăthiopiens ; plus loin, se trouvent, dit-il, des lieux brĂ»lĂ©s par lâardeur du soleil(4). Pline affirme que la limite entre la pro-vince romaine dâAfrica (y compris la Gaetulia) et lâĂthiopie est le fictive Nigris(5), qui parait rĂ©pondre Ă lâoued Djedi(6), ri-viĂšre coulant de lâOuest Ă lâEst depuis la rĂ©gion de Laghouat jusquâau Sud-Est de Biskra. Dans un autre passage(7), il dit que les Nrigritae doivent leur nom Ă ce fleuve(8). Câest peut-ĂȘtre de ce cĂŽtĂ© quâil faut chercher des Ăthiopiens mentionnĂ©s par Am-mien Marcellin ; ils prirent part Ă la rĂ©volte du prince maure Firmus, vers la fin du IVe siĂšcle(9).____________________ 1. Numid., 5 (p. 325 de lâĂ©dition Mendelssohn). 2. Pausanias (I, 33, 5) parle des Ăthiopiens qui sont voisins des Maures et qui sâĂ©ten-dent jusquâaux Nasamons (il appelle Nasamons un peuple habitant au pied de lâAtlas). 3. Jugurtha, XIX, 6-7. 4. Paul Orose (I, 2, 03) mentionne aussi des Ăthiopiens au delĂ des montagnes qui bordaient au Sud les deux provinces romaines de MaurĂ©tanie CĂ©sarienne et de MaurĂ©ta-nie Sitifienne, câest-Ă -dire lâOuest et le centre de lâAlgĂ©rie, 5. V, 30 : « .... et tota Gaetulia ad flumen Nigrim, qui Africam ab Aethiopia diri-mit. » Le mot Africa a ici un sens administratif : voir le contexte. Il dĂ©signe la province dâAfrique, dont faisait partie officiellement la rĂ©gion qui devint plus tard la province de Numidie. Dans deux autres passages, oĂč Pline cite Polybe et Juba, Africa semble ĂȘtre un terme de gĂ©ographie physique, dĂ©signant la contrĂ©e situĂ©e au Nord du Sahara: VIII, 31 (« in extremis Africae, qua confinis Aethiopiae est ») ; V, 53 (le fleuve quâon identifie avec le Nil sort dâune source appelĂ©e Niger, puis sĂ©pare lâAfrique de lâĂthiopie). 6. Voir Vivien de Saint-Martin, le Nord de lâAfrique, p. 437. 7. V, 43 (voir plus haut, p. 293, n. 9). 8. MĂȘme indication dans Ătienne de Byzance :ÎÎŻÎłÏηÏΔÏ, ÎÎžÎœÎżÏ ÎÎčÎČÏηÏ, ÎŹÏÏ ÏÎżÏÎ±ÎŒÎżÎ° ÎÎčÎłÏηÏÎżÏ. â Ailleurs, Pline (V, 44) indique encore des Ăthiopiens sur le fleuve Nigris : « oritur inter Tarraelios Aethiopas et Oechalicas », PtolĂ©mĂ©e (IV, 6, 5) mentionne le peuple ÏÏÎœ ÎÎčÎłÏÎčÏÏÎœ ÎίΞÎčÏÏÏÎœ au nord du ÎίγΔÎčÏ, mais il est trĂšs douteux que ce fleuve soit identique au Nigris de Pline. 9. XXIX, 5, 37. Voir Ă ce sujet Gsell, Rec. de Constantine, XXXVI, 1902, p. 30-40.
298 LES TEMPS PRIMITIFS.
Selon Paul Orose(1), des tribus dâĂthiopiens « erraient » au delĂ des montes Uzarae, qui bordaient au Midi la Numidie et la ByzacĂšne : il sâagit de lâAurĂšs et des montagnes situĂ©es plus Ă lâEst. Il y avait des noirs, â de la couleur des corbeaux, dit Co-rippus(2), â dans la coalition dâindigĂšnes du Sud tunisien et de la Tripolitaine que le gĂ©nĂ©ral byzantin Jean Troglita vainquit au VIe siĂšcle. Enfin nous devons ranger parmi les Ăthiopiens les Garamantes(3), qui, Ă lâĂ©poque dâHĂ©rodote(4) comme au temps de lâEmpire romain, peuplaient les oasis du Fezzan. Les Ăthiopiens occupaient donc, dans le voisinage immĂ©-diat de la BerbĂ©rie, toutes les parties habitables du grand dĂ©sert. En gĂ©nĂ©ral, ils Ă©taient les maĂźtres des rĂ©gions oĂč ils sĂ©journaient : plus lard, on ne sait quand ni comment, ils furent asservis et partiellement refoulĂ©s(5) par les BerbĂšres(6), dont des tribus se____________________ 1. I, 2, 91-92. 2. Johannide, VI, 92-95. Nec color ipso fuit captivis omnibus unus. Concolor illa sedet cum nigris horrida natis. Corvorum veluti videas nigrescere pullos, Matre sedente super.... 3. Solin, XXX, 2 : « Garamantici Aethiopes ». Isidore de SĂ©ville (Etymol., IX, 2, 128) indique aussi les Garamantes comme un peuple dâĂthiopiens. PtolĂ©mĂ©e (I, 8, 5, Ă©dit. MĂŒller) est disposĂ© Ă les ranger parmi les Ăthiopiens. Strabon (II, 5, 33 ; XVII, 3, 19) et Denys le PĂšriĂ©gĂšle (V, 217-8) les en distinguent. HĂ©rodote,qui sĂ©pare les Libyens des Ăthiopiens (voir plus haut, p. 276, n. 2), mentionne cependant parmi les Libyens no-mades (conf. au chap. 181 du livre IV) une peuplade de la rĂ©gion de la grande Syrte que les manuscrits appellent ÎαÏÎŹÎŒÎ±ÎœÏÎ”Ï ; (IV, 174). Mais ces indigĂšnes semblent nâavoir eu rien de commun avec les Garamantes du Fezzan (voir Vivien de saint-Martin, l. c., p. 50) et le texte primitif parait avoir portĂ© ÎαΌÏÎŹÏαΜÏÎ”Ï (conf. MĂ©la, I, 47 et 23 ; Pline, V, 44 et 45). â Les Garamantes Ă©taient certainement de couleur trĂšs foncĂ©e. Ils sont qualifiĂ©s de perusli par Lucain (IV, 679), de furvi par Arnabe (VI, 5); un poĂšte africain Ă©crit (Anthologia latina, Ă©dit. Riese, p. 155, n° 183); Faex Garamantarum nostrum processit arem Et picos gaudet corpore verna niger. 4. IV, 183. 5. Au sud du Maroc, sur la cĂŽte de lâAtlantique, ou les anciens signalent des Ăthiopiens, la limite septentrionale des vĂ©ritables nĂšgres est aujourdâhui vers le cap Blanc. 6. Il est possible que, dĂšs lâĂ©poque dâHĂ©rodote, les Nasamons, peuple libyen du littoral de la grande Syrte, aient possĂ©dĂ© lâoasis dâAugila, oĂč ils allaient en automne faire la rĂ©colte des dattes (HĂ©rodote, IV, 172 et 182).
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rĂ©pandirent non seulement par tout le Sahara(1), mais mĂȘme au delĂ de la boucle du Niger. QuâĂ©taient ces Ăthiopiens ? Le mot grec ÎίΞίοÏΔÏ, que les Latins adoptĂšrent, veut dire gens au visage brĂ»lĂ©. Il sâappliquait aux vĂ©ritables nĂšgres(2). Il a pu dĂ©signer aussi des hommes dont la peau, sans ĂȘtre absolument noire, Ă©tait naturellement trĂšs foncĂ©e(3). Il est vrai que MĂ©la, Pline et PtolĂ©mĂ©e mentionnent dans le Sahara des Ăthiopiens blancs(4) ; mais, Ă notre avis, il ne sâagit pas dâĂthiopiens Ă la peau blanche, termes qui auraient Ă©tĂ© contradictoires(5) : nous croyons plutĂŽt que cette dĂ©nomina-tion peut sâexpliquer par la coutume qui auraient eue des noirs de se peindre le corps en blanc(6). Comme les haratines actuels, les Ăthiopiens dont parlent les anciens, devaient ĂȘtre douĂ©s dâune constitution leur permet-tant de rĂ©sister aux fiĂšvres et de se livrer Ă la culture. On peut admettre quâĂ lâĂ©poque historique, des esclaves____________________ 1. Pour quelques retours offensifs des Ătats nĂšgres dans cette contrĂ©e, voir Schir-mer, le Sahara, p. 226 et 238. 2. Voir, entre autres, HĂ©rodote, VII, 70 : Diodore, III, 8. 3. Les BerbĂšres, dont le teint blanc est noirci par le soleil, sont qualifiĂ©s de nigri par des auteurs anciens (voir p. 285, n. 2), mais on ne les appelle pas Ăthiopiens. Quant aux hommes naturellement foncĂ©s, on a peut-ĂȘtre hĂ©sitĂ© quelquefois Ă ranger parmi les Ăthiopiens ceux qui nâĂ©taient pas tout Ă fait noirs. Doit-on expliquer par cette hypothĂšse les contradictions apparentes des textes relatifs aux Pharusiens, aux Nigrites et aux Ga-ramantes ? La question que nous traitons ici est vraiment bien embrouillĂ©e. En tout cas, nous ne croyons pas que le mot Aethiopia ait Ă©tĂ© employĂ© dans un sens purement gĂ©ographique, sans tenir compte de la couleur des habitants. LâĂthiopie Ă©tait le pays des Ăthiopiens, des « gens au visage brĂ»lĂ© ». 4. MĂ©la, I, 23 : Leucoaethiopes. Pline, V, 43 : Leucoe Aethiopes. PtolĂ©mĂ©e, IV, 6. 5. LâantithĂšse entre « blancs » et « Ăthiopiens » est classique. Par exemple, JuvĂ©-nal, II, 23 : « Loripedem rectus derideat, Aethiopem albus. » 6. HĂ©rodote (VII, 69) dit que les Ăthiopiens qui vivaient au Sud de lâĂgypte se peignaient le corps, moitiĂ© avec de la chaux, moitiĂ© avec du vermillon. Il y a encore, au centre de lâAfrique, des nĂšgres qui, dans certaines circonstances, se peignent tout le corps en blanc : Weisgerber, les blancs dâAfrique, p. 5. â Des couleurs sacrĂ©es peuvent donner lieu Ă des dĂ©nominations analogues Ă celle quâindiquent les trois auteurs citĂ©s. Dans la rĂ©gion nigĂ©rienne, les Blancs, les Rouges et les Noirs sont appelĂ©s ainsi, non pas Ă cause de leur teint, mais Ă cause de la couleur qui leur sert dâemblĂšme : Desplagnes, le Plateau central nigĂ©rien, p. 104-5. â Pour les prĂ©tendus Ăthiopiens rouges de PtolĂ©-mĂ©e, voir plus loin, p. 301, n, 4.
300 LES TEMPS PRIMITIFS.
furent amenĂ©s de lâintĂ©rieur du continent jusque dans les oasis du Sahara septentrional. Suivant HĂ©rodote(1), les Garamantes allaient donner la chasse aux Ăthiopiens troglodytes, proba-blement aux habitants du Tibesti(2) ; sâils gardaient leurs pri-sonniers, ils les employaient peut-ĂȘtre Ă des travaux agricoles. Mais il est Ă©vident que tous les Ăthiopiens Ă©tablis au Sud de la BerbĂ©rie n Ă©taient pas de condition servile. Les textes nous les montrent formant des peuplades, se dĂ©plaçant Ă leur grĂ©(3), faisant la guerre aux Maures et aux Romains. Ils Ă©taient chez eux dans ces rĂ©gions et ils les occupaient sans doute depuis fort longtemps(4). Souhaitons que des fouilles de stations ou de sĂ©pultures prĂ©historiques nous apportent des prĂ©cisions Ă cet Ă©gard. RĂ©cemment, on a dĂ©couvert Ă Redeyef, dans le Sud-Ouest de la Tunisie, plusieurs squelettes dâindividus contem-porains de lâindustrie gĂ©tulienne. Or ils prĂ©sentent des carac-tĂšres nettement nĂ©groĂŻdes, « mĂąchoires prognathes,... extrĂȘme platyrhinie,... face courte et large,... relief mĂ©dian de la voĂ»te crĂąnienne donnant Ă celle-ci, vue de face, un aspect ogival(5) ». Le Sahara Ă©tait alors plus habitable et plus facile Ă parcourir____________________ 1. IV, 183. 2. Observer que, sâil sâagit des ancĂȘtres des TĂ©das, habitants actuels du Tibesti, et nâĂ©taient pas de vrais Nigritiens, mais des gens Ă la peau bronzĂ©e, aux traits rĂ©guliers (conf. Schirmer, le Sahara, p. 236). 3. Les Pharusiens se rendaient chez les Maures et mĂȘme jusquâĂ Cirta (Constan-tine) : Strabon, XVII, 3, 7. Avec les Nigrites, ils seraient allĂ©s dĂ©truire un grand nombre de colonies phĂ©niciennes sur la cĂŽte du Marne: XVII, 3, 3. 4. Comme le dit M. Gautier (Sahara algĂ©rien, p. 266-7), « dans un pays oĂč, pour des raisons climatiques, les nĂšgres sont les seule cultivateurs possibles. et qui dâailleurs est en libre communication avec la Nigritie, il serait imprudent, et lâon pourrait dire pres-que absurde, dâalarmer a priori quâils ont Ă©tĂ© un Ă©piphĂ©nomĂšne, des immigrants tardifs, ouvriers malgrĂ© eux de la onziĂšme heure ». 5. Bertholon, dans lâAnthropologie, XXIII, 1912, p. 167. Ces individus Ă©taient de petite taille. â M. Bertholon (SeptiĂšme CongrĂšs prĂ©historique, NĂźmes, 1911, p. 214) a aussi constatĂ© quelques caractĂšres nĂ©groĂŻdes sur des crĂąnes trouvĂ©s dans une station gĂ©-tulienne voisine de TĂ©bessa : « lĂ©ger prognathisme; forme plutĂŽt parabolique des arcades dentaires; largeur du nez, avec aplatissement des os nasaux ; briĂšvetĂ© de la face TĂ©bessa est dĂ©jĂ assez loin du Sahara. Mais on peut supposer que ces individus Ă caractĂšres nĂ©-groĂŻdes Ă©taient plus ou moins apparentĂ©s Ă des gens qui vivaient plus au Sud. Il est vrai quâils pouvaient lâĂȘtre aussi Ă des populations, Ă©galement nĂ©groĂŻdes, qui auraient Ă©tĂ© Ă©ta-blies Jusque dans le voisinage de la MĂ©diterranĂ©e : v. infra.
ANTHROPOLOGIE. 301
quâaujourdâhui(1) ; Ă lâintĂ©rieur comme au Nord et au Sud de cette contrĂ©e, ont pu vivre des populations dâaspect fort sem-blable(2). Dâautre part, le type, si rĂ©pandu, du Djerid est nette-ment caractĂ©risĂ©. RĂ©sulte-t-il de croisements entre des noirs et des blancs ? Nous lâignorons(3). En tout cas, il y a lieu de croire qu il sâest fixĂ© dĂšs une Ă©poque lointaine. Peut-ĂȘtre les gens qui appartiennent Ă ce type ont-ils quelque parentĂ© avec 1es peu-ples de haute taille et de couleur brun-rouge quâon rencontre plus au Sud, en une longue traĂźnĂ©e sâĂ©tendant depuis la cĂŽte des Somalis jusquâau SĂ©nĂ©gal(4), et dont le berceau est proba-blement lâAfrique orientale(5). Tel aurait Ă©tĂ© le fond ancien(6), modifiĂ© plus tard par des Ă©lĂ©ments nouveaux : noirs amenĂ©s du Sud, BerbĂšres et Arabes venus du Nord(7). Les haratines actuels____________________ 1. Les habitants du Sud de lâEspagne, disait Ăphore (apud Strabon, I, 2, 26), racon-taient que les Ăthiopiens avaient traversĂ© la Libye jusquâĂ lâOccident, oĂč une partie dâentre eux Ă©taient restĂ©s. Mais câĂ©tait probablement une maniĂšre dâexpliquer la prĂ©sence de noirs au Sud du Maroc comme au Sud de lâĂgypte. 2. Il faut noter cependant que les Ăthiopiens de trĂšs haute taille qui vivaient en face de lâĂźle de CernĂ©, au Sud du, Maroc, nâĂ©taient pas des purs Nigritiens, Ă en juger par ce que le PĂ©riple de Scylax dit dâeux (§ 112) : « Ils ont une longue barbe et de longs cheveux et sont les plus beaux de tous les hommes. » 3. M. Collignon ne le croit pas (Bull. de gĂ©ographie historique, 1886, p. 311-3) ; M. Chantre non plus (Assoc. française, Reims, 1907, I, p. 304 ; Bull. de la SociĂ©tĂ© dâanthropo-logie de Lyon, XXVI, 1907. p. 157). 4) Gallas, Abyssins, Bedjas, FoulbĂ©s, etc. On a voulu leur rattacher des Ăthiopiens rou-ges qui seraient mentionnĂ©s par PtolĂ©mĂ©e (IV, 6, 5) : Kiepert, Manuel de gĂ©ographie ancienne, trad. française, p.133, n. 3 ; Schirmer, l. c., p. 229, mais dâabord cette mention nâest pas certaine : les manuscrits donnent ÎÎčÏÏÎÏÎœ, Î Ï ÏÏÎÏÎœ, Î Ï ÏαίÏÎœ, Î Ï ÏÎÏÎœ, Î Ï ÏÏαίÏÎœ (ÎίΞÎčÏÏÏÎœ) Câest par conjecture que lâon a corrigĂ© Î Ï ÏÏÏÎœ ; MĂŒller propose ÎΔÎčÏÎÏÎœ, ou ÎΔÎčÏαίÏÎœ (du fleuve ÎÏÎŻÏ). Quand bien mĂȘme il y aurait eu des Ăthiopiens qualifiĂ©s de rouges, lâĂ©pithĂšte nâindi-querait pas nĂ©cessairement quâils aient eu la peau de cette couleur : conf. plus haut ce que nous avons dit des Ăthiopiens blancs. Pline (VI, 190) dit, Ă propos de certaines peuplades noires de la vallĂ©e du Nil : « atri coloris iota corpora rubrica inlinunt ». On sait que les lâeaux Rouges dâAmĂ©rique ont Ă©tĂ© appelĂ©s ainsi Ă cause de la couleur quâils Ă©tendaient sur leur visage. 5. Conf. Chantre, Bull. de la Soc. dâanthr. de Lyon, l. c. ; Bertholon, Assoc. française, Lille, 1909, II, p. 905. 6. Divers auteurs estiment que les gens brun foncĂ© des oasis appartiennent Ă une race saharienne spĂ©ciale, distincte des Nigritens : Carette, Recherches, p. 305 ; Duveyrier, les Touareg du Nord, p. 285, 288 (« race subĂ©thiopienne », ou « garamantique ») ; Topinard, Bull. de la Soc. dâanthropologie, 1873, p. 638, n. 1 ; Tissot, GĂ©ographie, I, p. 400, 402 ; Col-lignon, l. c. (pour le type du Djerid). 7. Les MĂ©lanogĂ©tules que PtolĂ©mĂ©e mentionne dans la Libye intĂ©rieure (IV, 6, 5) Ă©taient-ils des mĂ©tis, comme on le pense dâordinaire ? Cela nâest pas certain. Dâautres
302 LES TEMPS PRIMITIFS.
reprĂ©sentent ces mĂ©langes, oĂč semble prĂ©dominer lâĂ©lĂ©ment ni-gritien, sans cesse renforcĂ© par des apports du Soudan(1). Depuis la pĂ©riode carthaginoise, des noirs, originaires soit des oasis sahariennes, soit du centre africain, ont Ă©tĂ© introduits comme esclaves dans les villes ou dans les rĂ©gions de lâAfri-que du Nord voisines du littoral(2). Ils ne devaient pas ĂȘtre trĂšs nombreux. Rien nâindique que la traite ait fourni, sous lâEm-pire romain, les bras nĂ©cessaires Ă lâexploitation des grands do-maines : le pays Ă©tait assez peuplĂ© pour se passer dâune main-dâĆuvre appelĂ©e du dehors. Mais, bien avant la venue de ces Ă©trangers, des hommes que les anciens auraient appelĂ©s Ăthiopiens nâont-ils pas vĂ©cu dans le Tell ? HypothĂšse qui nâaurait rien dâinvraisemblable : les fouilles de Menton ont prouvĂ© quâĂ lâĂ©poque quaternaire il y avait des gens apparentĂ©s aux nĂšgres jusque sur les cĂŽtes de____________________hypothĂšses sont possibles. Conf. Duveyrier, 1. c., p. 392. (les Arabes qualifient parfois les Touaregs de blancs ou de noirs selon la couleur de leur voile) ; Avelot, Bull. de gĂ©ographie historique, 1908, p, 55 (il croit que les MĂ©lanogĂ©tules Ă©tait une peuplade dont le noir Ă©tait la couleur sacrĂ©e). â Il nâest pas sur non plus que les Libyaethiopes dâOrose (I, 2, 80) aient Ă©tĂ© des mĂ©tis : ce mot parait signifier simplement Ăthiopiens de Libye (dâAfrique), 1. Conf. Gautier, l, c., p. 137. 2. CrĂąne de nĂ©gresse dans une tombe punique de carthage : Bertholon, Revue gĂ©nĂ©rale des Sciences, 1896, p. 974, n. 1, et apud Delattre, la nĂ©cropole de DouĂŻmĂšs (extrait du Cosmos, 1897), p. 23, n. 1. Nourrice de deux Carthaginoises, dans Plaute, Pocnulus, 112-3 : « statura haud magna, corpore aquilost⊠specie venusta, ore atque oculis pernigris ». Saint Augustin, Enarr, in psalm. XXXIII, 2e partie, 15 : esclave « color tetro ». Passio Marcianae, 3 (dans Acta Sanctorum Boll., Anvers, 1643, Ja-nuar., l, p. 569) : Ă Caesarea de MaurĂ©tanie, un gladiateur nĂšgre, « de nation barbare, de couleur noire ». Anthologia latina, Riese, p. 155, n° 183 : vers citĂ©s plus haut, p. 208, n. 3 ; ils se rapportent Ă un noir qui Ă©tait venu du pays des Garamantes Ă Hadru-mĂšte. Lettre du diacre Ferrand Ă saint Fulgence, dans Migue. Patr. Lat., LXV, p. 378 : mention dâun jeune serviteur nĂšgre Ă Carthage, « colore Aethiops, ex ultimus credo barbare provinciae partibus, ubi sicco solis ignei calore fuscantur, adductus ». Une mosaĂŻque de Timgad reprĂ©sente un nĂšgre avec exactitude qui semble indiquer que lâar-tiste avait sous les yeux des modĂšles vivants : Ballu, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1906. Djem : de Pachtere, MĂ©langes de lâĂcole française de Rome, XXXI, 1911, pl. XIX-XX ; Merlin, ProcĂšs-verbaux de la Commission de lâAfrique du Nord, avril 1913, p. XI). â Il est vrai que des nĂšgres ont pu ĂȘtre amenĂ©s dâOrient, par Alexandrie : voir Anthologia latina, p. 277-8, nos 353-4 ; p. 251, n° 203 ; p. 155, n° 182.
ANTHROPOLOGIE. 303
la Ligurie(1). En AlgĂ©rie, des crĂąnes tirĂ©s de deux grottes Ă mo-bilier nĂ©olithique de la rĂ©gion dâOran(2) ont paru prĂ©senter des caractĂšres nĂ©groĂŻdes, sur lesquels on nâa pas insistĂ© jusquâĂ prĂ©sent. Sous des dolmens de la nĂ©cropole de Roknia (au Nord-Ouest de Guelma), on a aussi trouvĂ© plusieurs crĂąnes qui ont Ă©tĂ© attribuĂ©s Ă des nĂšgres et Ă des mulĂątres(3). Ces tombes, il est vrai, ne sont probablement pas fort antĂ©rieures Ă notre Ăšre ; les condi-tions politiques et Ă©conomiques permettaient alors des relations entre la BerbĂ©rie et les pays du Sud habitĂ©s par des Ăthiopiens. Il sâagit donc, peut-ĂȘtre, dâimmigrĂ©s ou de descendants dâim-migrĂ©s, venus isolĂ©ment jusquâen Numidie. Mais un passage de Diodore de Sicile, relatif Ă lâexpĂ©dition dâAgathocle, mention-ne, Ă proximitĂ© dâune ville de PhellinĂ© (ÎŠÎ”Î»Î»ÎŻÎœÎ·), une tribu tout entiĂšre, les AsphodĂ©lodes, qui rappelaient les Ăthiopiens par la couleur de leur peau(4). Sâils avaient Ă©tĂ© simplement des gens brunis par le soleil, il ri y avait sans doute pas de raisons pour quâils diffĂ©rassent de leurs voisins et leur coloration nâaurait pas frappĂ© les Grecs. PhellinĂ© signifiant, autant qui il semble, la ville des chĂȘnes liĂšges(5), ces AsphodĂ©lodes visitĂ©s par les sol-dats dâAgathocle ne pouvaient guĂšre habiter que dans le Nord de la Tunisie ou le Nord-Est de la province de Constantine. Ătait-ce une tribu autochtone ? une colonie dâĂthiopiens venus des oasis sahariennes ou mĂȘme de plus loin ? Nous ne saurions le dire(6). Mais il convient dâobserver que, dans la Khoumirie,___________________ 1. Race dite de Grimaldi. 2. Grotte des Troglodytes Ă Oran, grotte du Rio Salado : voir Pallary, Instruc-tions pour les recherches prĂ©historiques, p. 79, n. 2. 3. Faidherbe, Bull. de lâAcadĂ©mie dâHippone, IV, 1867, p. 58, 60 (un nĂšgre). Pruner-Bey, apud Bourguignat, Histoire des monuments mĂ©galithiques de Roknia, p. 47-49 et pl. VIII (un nĂšgre, deux mulĂątres). Selon M. Bertholon, le caractĂšre nĂšgre de ces tĂȘtes est contestable : Assoc. française, Tunis, 1896, I, p. 210. 4. XX, 57 : ÏÎżÏÏ ÏÎ±Î»ÎżÏ ÎŒÎÎœÎżÏ Ï ÎÏÏΎΔλÏΎΔÎčÏ ÏÎœÏÎ±Ï ÏÏ ÏÏÏΌαÏÎč ÏαÏαÏληÏÎčÎżÏ Ï ÏÎżÎÏ ÎίΞίοÏÎč. 5. Voir plus haut, p. 143, n. 6. 6. Au dĂ©but du Ve siĂšcle avant J.-C, il y avait en Sicile, dans une armĂ©e cartha-ginoise, des soldats auxiliaires qui Ă©taient trĂšs noirs, « nigerrimi » ,dit Frontin (Sira-tag., I, II, 18). Mais nous ne savons pas dâoĂč ils venaient.
304 LES TEMPS PRIMITIFS.
vĂ©ritable pays du chĂȘne liĂšge, M. Bertholon(1) a constatĂ© lâexis-tence dâun trĂšs grand nombre dâindividus chez lesquels il a re-trouvĂ© le type du Djerid : ils formeraient environ le tiers de la population de cette rĂ©gion montagneuse. Il y a donc quelques indices de lâexistence dâĂthiopiens indigĂšnes dans le Tell Ă lâĂ©poque prĂ©historique, aux temps anti-ques, peut ĂȘtre mĂȘme jusquâĂ nos jours. Faut-il voir en eux les plus anciens habitants de lâAfrique du Nord ? Ils auraient Ă©tĂ© refoulĂ©s par les ancĂȘtres des BerbĂšres et ne se seraient main-tenus que dans des montagnes dâaccĂšs difficile et Ă la lisiĂšre mĂ©ridionale de la contrĂ©e dont ils auraient Ă©tĂ© auparavant les seuls maures(2) ? Nous pouvons le supposer, mais, Ă vrai dire, nous nâen savons rien.
IV
Nous ignorons Ă©galement les origines des BerbĂšres bruns(3). Toutefois, il est permis dâaffirmer quâils sont apparentĂ©s Ă une grande partie des habitants des Ăźles mĂ©diterranĂ©ennes et de____________________ 1. Bull. de gĂ©ographie historique, 1891, p. 453. 2. M. Deniker (les Races et les peuples de la terre, p, 491) croit que lâAfrique du Nord a Ă©tĂ© peuplĂ©e primitivement par des nĂšgres et quâun Ă©lĂ©ment blanc, asiatique ou europĂ©en, sâest dĂ©posĂ© sur ce fond primitif; restĂ© pur chez les BerbĂšres, il se serait transformĂ©, peut-ĂȘtre sous lâinfluence du mĂ©langes avec les nĂšgres, en une race nou-velle, analogue Ă la race Ă©thiopienne (câest-Ă -dire Ă la race il laquelle appartiennent les Gallas, les Bedjas, etc.). Voir aussi La BlanchĂšre, Bull. de correspondance africaine, I, 1882-3 p. 356. â M. Collignon (Bull. de gĂ©ographie historique, 1886, p. 314-5. 346) est dâavis que le type du Djerid reprĂ©sente la population la plus ancienne de la BerbĂ©rie ; conf. Bertholon, Revue tunisienne, II, 1895, p. 23. Lissauer (Zeitschrift fĂŒr Ethnologie, XL, p. 527 et 528) admet lâexistence dâune population primitive apparen-tĂ©e aux Gallas et portent la langue dont dĂ©rivent les dialectes berbĂšres : elle aurait Ă©tĂ© refoulĂ©e vers le Sud par des envahisseurs, ancĂȘtres des Kabyles, venus dâEspagne, qui auraient adoptĂ© la langue des vaincus ; conf. Stuhlmann, Ein Kulturgeschichtlicher Ausflug in den Aures (Abhandlungen des Hamburgischen Kolonialinstituts, X, 1912), p. 127, 135-6. 3. Il nous parait bien aventureux de vouloir dĂ©terminer, dâaprĂšs la rĂ©partition actuelle des types IndigĂšnes, leur ordre de venue dans le pays, â Ă supposer quâil se
ANTHROPOLOGIE. 305
lâEurope mĂ©ridionale. Nombre dâobservateurs(1) ont Ă©tĂ© frap-pĂ©s de la ressemblance de beaucoup dâentre eux avec des Es-pagnols, des Français du Centre et du Midi, des Italiens, des Siciliens, des Corses, des Sardes(2). Il y en a beaucoup aussi qui rappellent des fellahs Ă©gyptiens(3). Ces impressions sont corro-borĂ©es par lâexamen des caractĂšres anatomiques. On a insistĂ© sur lâextrĂȘme frĂ©quence, au Sud comme au Nord de la MĂ©diter-ranĂ©e, des mĂȘmes formes de tĂȘtes(4), en particulier du type dit de Cro-Magnon, qui, de part et dâautre, se rencontre dĂšs une Ă©poque trĂšs ancienne(5). Nous avons notĂ© chez un grand nombre____________________soient succĂ©dĂ©. MM. Bertholon et Chantre (Assoc. française. Dijon, 1911, p. 127-8) sont disposĂ©s Ă croire que les petits dolichocĂ©phales (notre second type) sont les plus anciens ; que le type Ă crĂąne court (troisiĂšme type) sâest enchĂąssĂ© dans le prĂ©cĂ©dent et quâil Ă Ă©tĂ© in-troduit par une colonisation maritime ; que les grands dolichocĂ©phales (premier type) sont venus les derniers. Conf. Collignon, l. c., p. 346-7 ; Stuhlmann, l. c., p. 128. 1. M. Martin, Bull. de la Soc. dâanthr., 1881, p. 461 (conf. Deloche, ibid., p. 465). La BlanchĂšre, Archives des missions, 3e sĂ©rie, X, 1883, p. 34-35. Collignon, l. c., p. 306. Tissot, GĂ©ographie, I, p. 404. Lissauer, l. c., p. 518. Etc. 2. Races ibĂ©ro-insulaire, CĂ©venale, Littorale ou Atlanto-mĂ©diterranĂ©enne de Deni-ker, l. c., p. 388-390. 3. Faidherbe, Bull. de la Soc. dâanthr., 1872, p. 612. Hatmann, les Peuples de lâAfrique, p. 14 et 68. Collignon, l. c., p. 261. Chantre, Recherches anthropologiques en Ăgypte, p. 303 et suiv. F. von Luschan, apud Meinhof, die Sprachen der Hamiten (Abh. Des Hamburg. Kolonialinstituts, IX, 1912), p. 243-4. Etc. Voir par exemple le fellah dont le portrait est donnĂ© par Weisgerber, les blancs dâAfrique, p. 262 et 263 (dâaprĂšs Chantre). Il a tout Ă fait lâaspect dâun Kabyle. En gĂ©nĂ©ral, la physionomie des fellahs est beaucoup plus douce que celle des BerbĂšres, mais câest lĂ une diffĂ©rence peu importante (on pour-rait en dire autant des Tunisiens par rapport aux Marocains). 4. Voir pour des crĂąnes berbĂšres et Ă©gyptiens, Pruner-Bey, MĂ©moires de la Soc. dâanthr., I, 1860-3, p. 414-5. Ce savant (apud Bourguignat, Histoire des monuments mĂ©-galithiques de Roknia, p. 49 et pl. VIII) qualifie dâĂ©gyptien un crĂąne des dolmens de Rok-nia. â Dans divers Ă©crits (Origine e diiffuzione della stirpe mediterranea, 1895 ; Africa, 1897 ; Europa, 1898, en particulier p. 111 et suiv., 238 et suiv.). M. Sergi a prĂ©sentĂ© son Homo eurafricus, originaire dâAfrique, dâoĂč il aurait passĂ© en Europe dĂšs lâĂ©poque pa-lĂ©olithique. Diverses formes de crĂąnes, ellipsoĂŻde, ovoĂŻde, pentagonoĂŻde, etc., ne seraient que des variations internes dâune forme fondamentale allongĂ©e ; elles se retrouveraient partout oĂč cet homme se serait rĂ©pandu : dans tout le Nord du continent africain, sur tou-tes les rives de la MĂ©diterranĂ©e, dans lâEurope occidentale. 5. De Quatrefages et Hamy, Crania ethnica, p. 96. de Quatresfages, Histoire gĂ©-nĂ©rale des races humaines, p. 445. Hamy, apud Bertrand, la Gaule avant les Gaulois, 2e Ă©dit., p. 287 et suiv. Cartailhac, les Ăges prĂ©historiques de lâEspagne et du Portugal, p. 327. Verneau, Revue dâanthropologie, 1886, p. 10-24 ; le mĂȘme, dans Bull. de la Soc. dâanthr., 1899, p. 27, et dans lâAnthropologie, XVI, 1905, p. 351. Collignon, Annales de gĂ©ographie, V, 1893-6, p. 164.
306 LES TEMPS PRIMITIFS.
de BerbĂšres la largeur des Ă©paules et lâamincissement du thorax en tronc de cĂŽne renversĂ© : cette conformation se retrouve chez les Ăgyptiens qui, dans lâantiquitĂ©, lâont reproduite fidĂšlement sur leurs monuments, souvent aussi chez les Espagnols(1) et les Basques(2). Il conviendra de prĂ©ciser ces ressemblances. Elles rĂ©vĂš-lent des origines communes, qui se perdent dans un passĂ© trĂšs lointain, Elles ne justifient pas les thĂ©ories aventureuses dâĂ©ru-dits qui prĂ©tendent savoir ce que nous ignorerons toujours. Les uns soutiennent que les ancĂȘtres dâune bonne partie des BerbĂš-res(3), entre autres ceux du type de Cro-Magnon(4), sont venus dâEurope en Afrique, surtout par lâEspagne. Dâautres croient, au contraire, que ceux quâils appellent les IbĂšres, les Ligures sont originaires du Nord-Ouest de lâAfrique(5). Des savants ont placĂ© le berceau des BerbĂšres dans le Nord-Est africain(6), ou bien on Asie(7), ou mĂȘme dans la fabuleuse Atlantide(8). On sâest aussi efforcĂ© dâexpliquer la prĂ©sence de blonds dans le Maghrib. Comme leur nombre diminue de lâOuest Ă lâEst, on les a rattachĂ©s Ă des populations qui seraient venues par le dĂ©troit de Gibraltar et dont la force dâexpansion aurait dĂ©cru____________________ 1. Bertholon, Bull. de la Soc. dâanthr., 1896, p. 665. 2. Collignon, les Basques (MĂ©moires de la Soc. dâanthr., 3e sĂ©rie, I, 1893. â Nous avons indiquĂ© la mĂȘme conformation dans le type du Djerid. Elle se retrouve chez les Berjas, les Abyssins, les Gallas : conf. Deniker, l. c., p. 504. 3. H. Martin, Bull. de la Soc. dâanthr., 1881, p. 451. Tissot, GĂ©ographie, L, p. 402, Lissauer, l, c., p. 527, 528. 4. Hamy, apud Bertrand, l. c., p. 204. Verneau, Revue dâanthr., l. c. 5. Roget de Belloguet, EthnogĂ©nie gauloise, 2e Ă©dition, II, p. 331 et suiv. Ko-belt, reiserinnerungen, p. 214-5. Mehlis, Archiv fĂŒr Anthropologie, XXVI, 1899-1900, p. 1078 ; ibid., Neue Falge, VIII, 1909, p. 273. Modestov, Introduction Ă lâhistoire romaine, p. 122. Etc. (conf. la bibliographie donnĂ©e par Pais, Atti dellâ Academie dei Lincei, Serie terza, Memorie della classe di scienze morali, VII, 1881, p. 276, n. 1) 6. Sergi, dans son livre Origine, etc. (voir plus haut, p. 305, n. 4). Modestov, l. c., p. 107 et suiv. 7. Kaltbrunner, Recherches sur lâorigine des Kabyles, extrait du Globe, GenĂšve, 1871. Fr. MĂŒller, Allgemeine Ethnographie, 2e Ă©dit., p. 42 et 81. Stuhlmann, Ein kultur-geschichtlicher Ausflug, p. 127-9. 8. DâArbois de Jubainville, les Premiers habitants de lâEurope, 2e Ă©dit., l, p. 21, 24, 69.
ANTHROPOLOGIE. 307
Ă mesure quâelles sâavançaient vers lâOrient(1). On a admis quâune « race » blonde nâa pu se constituer que sous un climat froid et on a cherchĂ© la patrie primitive des blonds africains dans le Nord de lâEurope(2). On les a qualifiĂ©s dâAryens(3), ou mĂȘme de Celtes(4) ; on leur a attribuĂ© lâintroduction des dol-mens en BerbĂ©rie(5). Dâautres sont dâavis qui ils appartenaient aux « peuples de la mer », signalĂ©s par des documents Ă©gyp-tiens, et quâils sont venus du Nord-Est, des rives de lâArchipel, au cours du second millĂ©naire avant JĂ©sus-Christ(6). Mais le terme aryen ne signifie rien au point de vue anthro-pologique et nâa de valeur que pour le linguiste ; rien ne prouve du reste quâune langue de la famille indo-europĂ©enne (nommĂ©e inexactement aryenne) ait Ă©tĂ© parlĂ©e dans le Nord-Ouest de____________________ 1. Tissot, GĂ©ographie, I, p. 409 ; conf. Broca, Revue d anthropologie, 1876, p. 397. â Noter que, si lâon sen tient aux documents de lâantiquitĂ©, ou peut croire au con-traire que les blonds Ă©taient tort nombreux dans le voisinage de lâĂgypte, en CyrĂ©naĂŻque et sur la cĂŽte orientale de la Tunisie. 2. Faidherbe, Collection complĂšte des inscriptions numidiques, p. 23-24 ; le mĂȘme, Bull. de la Soc. dâanthr., 1869, p. 537-8 ;1873, p. 606. Topinard, ibid., 1873, p. 645-6. Broca, l. c., p. 303 et suiv. Masqueray, Revue africaine, XXII, 1878, p. 278. Bertholon, Assoc. française, Lille, 1909, II, p. 969. Luschan, apud Meinhof, l. c., p. 244-5. Stuhl-mann. l. c., p. 120. Etc. : voir les indications bibliographiques de M. Mehlis, Archiv, N.F., VIII, p. 262. M. Mehlis adopte cette opinion et la prĂ©cise : la migration, a eu lieu vers la fin du troisiĂšme millĂ©naire et lâon peut retrouver Ă travers lâEurope des traces du passage de ces Aryens septentrionaux. 3. Lenormant, Histoire ancienne de lâOrient, 9e Ă©dit., II, p. 282 ; VI, p. 606. Tis-sot, 1. c., p. 409-410. Y. de Lapouge, lâAryca, p, 201. Etc. 4. M. Martin, Rev. archĂ©ologique, 1867, II, p. 395, et Bull. de la Soc, dâanthr., 1881, p. 462. 5. H. Martin, II. cc. Faidherbe, ll. cc. et CongrĂšs international dâanthropologie de Bruxelles, 1872, p. 411. Topinard, 1. c. Broca, l. c. Verneau, Revue dâanthropologie, 1886, p. 21. Etc. â Contra : Schirmer, De nomine populorum qui Berberi dicuntar, p. 71-72. Comme le fait remarquer Lissauer (Zeitschrift fĂŒr, Elthnologie, XL, p. 528), il nây a pas de dolmens dans le Djurdjura, oĂč les blonds sont nombreux. â De son cĂŽtĂ©, M. Collignon (Bull. de gĂ©ographie historique, 1886. p. 320 et 346) serait disposĂ© Ă attribuer lâintroduction des dolmens aux petits dolichocĂ©phales bruns : lâaire de ce type et celle des dolmens concor-deraient Ă peu prĂšs dans la Tunisie centrale. On peut renvoyer les deux opinions dos Ă dos. 6. Lenormant, l. c., II, p, 282-3. Bertholon, Revue tunisienne, IV, 1807, p, 417 et suiv. ; VI, 1899, p. 50-51. â M. Brinton (the Ethnologie affinities of the ancient Etruscans, dans Proceedings of the american philosophical Society, XXVI, 1880, p. 510-1) croit que les blonds africains Ă©taient proches parents des Toursha (Ătrusques), un des peuples de la mer, qui vint sâĂ©tablir en Italie : il fait des Ătrusques de grands dolichocĂ©phales blonds.
308 LES TEMPS PRIMITIFS.
lâAfrique avant la conquĂȘte romaine(1). Nous ignorons quand, comment et par qui le type de sĂ©pulture appelĂ© dolmen sâest rĂ©-pandu dans cette contrĂ©e. Les guerriers au teint mat et aux yeux bleus, figurĂ©s sur des peintures Ă©gyptiennes, sont des Africains(2), et non pas des gens appartenant aux peuples de la mer(3). Nous nâavons aucune raison de croire que ceux-ci aient Ă©tĂ© blonds. Sâils se fixĂšrent en BerbĂ©rie, â ce qui est douteux(4), â ils nâĂ©taient vraisemblablement pas en nombre suffisant pour lais-ser des descendants depuis les Syrtes jusquâĂ lâOcĂ©an, et dans des rĂ©gions Ă©loignĂ©es des parages oĂč lâon peut Supposer quâils prirent pied. Nous ne connaissons guĂšre les conditions da la production et de la diffusion du pigment dans le corps humain, par consĂ©quent les causes des colorations diverses de la peau, des cheveux, des yeux(5) : est-il donc bien nĂ©cessaire dâadmet-tre que les BerbĂšres blonds descendent dâimmigrĂ©s, que leurs ancĂȘtres soient venus des pays froids du globe ? Un fait reste cependant certain. LâEurope septentrionale est la seule partie de la terre oĂč des hommes aux cheveux, aux yeux et au teint clairs forment une population homogĂšne et trĂšs Ă©tendue, tandis quâailleurs ils sont dissĂ©minĂ©s et relativement peu nombreux(6) : argument spĂ©cieux en faveur de lâhypothĂšse qui place dans cet-te contrĂ©e le berceau des blonds Ă©pars Ă travers le monde, en particulier des blonds du Nord de lâAfrique. Mais il ne faut pas oublier que câest une hypothĂšse, une fragile hypothĂšse.____________________ 1. Voir au chapitre suivant. 2. Comme lâindiquent leur coiffure de plumes dâautruche et la disposition de leurs cheveux (avec une mĂšchen tombant sur le cĂŽtĂ©). Conf. Sergi, Africa, p. 291-2. 3. Parmi ces peuples Ă©taient les Shardana, les Toursha et les Shagalsha, que des monuments Ă©gyptiens nous montrent sous un tout autre aspect : voir par exemple W. M. MĂŒller, Asien und Europa nach altĂ€gyptischen DenkmĂ€lern, p. 374-7, 380-1 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de lâOrient classique, II, fig. aux p. 394 et 465. 4. Voir plus loin, p. 348. 5. M. Sergi (Africa, p. 296, dâaprĂšs les recherches de M. Livi) est disposĂ© Ă attri-buer la coloration blonde au climat des montagnes (hypothĂšse dĂ©jĂ indiquĂ©e par Dureau de la malle, Province de Constantine, p. 193). Mais si lâon trouve des BerbĂšres blonds dans des pays montagneux, Rif, Kabylie, AurĂšs, ils paraissent ĂȘtre fort rares dans le Moyen et le Haut-Atlas, dont lâaltitude est plus Ă©levĂ©e. 6. Comme lâobserve Lissaouer, l. c., p. 526.
CHAPITRE V
LA LANGUE LIBYQUE
I
Les indigĂšnes de lâAfrique septentrionale parlent soit lâarabe, importĂ© par la conquĂȘte islamique, soit une langue qui se ramifie en un assez grand nombre de dialectes(1), dits ber-bĂšres(2). Cet idiome, qui nâa pas produit dâĆuvres littĂ©raires(3) et qui nâa conservĂ© un alphabet propre que chez les Touaregs, a subi et subit encore la concurrence de lâarabe, seule langue religieuse admise par les musulmans orthodoxes ; il se dĂ©fend cependant avec opiniĂątretĂ© : en AlgĂ©rie, il est encore parlĂ© par plus du quart de la population indigĂšne(4). Entre les dialectes berbĂšres, il y a des diffĂ©rences mar-quĂ©es, qui portent surtout sur la prononciation(5) et sur le vocabu-laire, plus ou moins riche, plus ou moins envahi par des termes____________________ 1. Une quarantaine. 2. Ils ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s par Brosselard, Newmann, Hanoteau, Masqueray, Mo-tylinski, Stumme, etc., surtout par M. Basset et ses Ă©lĂšves (nombreux fascicules des Publications de lâĂcole des lettres dâAlger ; voir en particulier Basset, Ătudes sur les dialectes berbĂšres, Paris, 1894). 3. On peut tout au plus mentionner quelques ouvrages religieux, Ă©crits au Maroc : voir de Slane, dans sa traduction dâIbn Khaldoun, Histoire des BerbĂšres, IV, p. 531 et suiv. ; Luciani, Revue africaine, XXXVII, 1893, p.150 et suiv. ; Bas-set, Revue de lâhistoire des religions, 1910, I, p. 338, 339, 340. 4. Gautier, Annales de GĂ©ographie, XXII, 1913, p. 256. 5. On a proposĂ© un classement des dialectes fondĂ© sur la prononciation. : dialectes forts, faibles, intermĂ©diaires : Basset, Manuel de langue kabyle, p. 3.
310 LES TEMPS PRIMITIFS.
arabes. Ceux qui en font usage se comprennent mal ou ne sa comprennent pas dâun groupe Ă lâautre, Mais lâidentitĂ© du sys-tĂšme grammatical et dâune foule de racines ne permet pas de douter que ces dialectes ne se rattachent Ă une mĂȘme langue. Celle-ci sâest rĂ©pandue en dehors de la BerbĂ©rie, sur le Sahara, de lâoasis de Syouah Ă lâOcĂ©an(1) ; elle a atteint le SĂ©nĂ©gal et le Niger. Quand mĂȘme nous nâen aurions aucune preuve, nous de-vrions admettre qui elle se parlait dĂ©jĂ dans les siĂšcles qui prĂ©-cĂ©dĂšrent et suivirent lâĂšre chrĂ©tienne : nous sommes assez ren-seignĂ©s sur les temps postĂ©rieurs pour pouvoir affirmer quâelle nâest pas dâimportation plus rĂ©cente. Malheureusement, le passĂ© de cette langue berbĂšre, ou, si lâon veut, libyque nous Ă©chappe presque entiĂšrement. On connait quelques centaines dâinscriptions dites liby-ques, qui datent du temps des rois numides et surtout de la do-mination romaine. Elles sont Ă©crites en un alphabet qui prĂ©sente une Ă©troite ressemblance avec celui des Touaregs : les inscrip-tions dites libyco-berbĂšres du Sud oranais et du Sahara offrent une Ă©criture intermĂ©diaire(2). Les inscriptions libyques ne sont Ă©videmment rĂ©digĂ©es ni en punique, ni en latin, car plusieurs sont accompagnĂ©es dâune traduction dans lâune de ces deux langues, qui avaient leur alphabet propre. De plus, beaucoup dâentre elles contiennent un terme que lâon a expliquĂ© : câest le mot ou, qui signifie fils et qui se retrouve dans la langue des BerbĂšres. Il est donc certain quâune bonne partie de ces textes, sinon tous, sont rĂ©digĂ©s dans un idiome apparentĂ© aux dialectes actuels, Mais, Ă lâexception du mot ou(3) et dâun grand nombre____________________ 1. Le guanche des Ăźles Canaries, aujourdâhui disparu, Ă©tait aussi un dialecte berbĂšre. 2. Conf. plus haut, p. 258. 3. On peut y joindre le mot aguellid, roi, chef, qui se rencontre avec cette si-gnification dans une inscription libyco-punique de Dougga joli il est reprĂ©sentĂ© par le groupe de lettres GLD) : voir Lidebarski, Sitzungsberichte der preussischen Akademie der Wissenschaften, 1913, p. 297.
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de noms propres, dont les uns sont puniques et dont dâautres ont une physionomie berbĂšre, les inscriptions libyques sont restĂ©es indĂ©chiffrables. Il nây a presque rien Ă tirer des auteurs anciens: on sait quâen gĂ©nĂ©ral les Grecs et les Latins ne sâintĂ©ressaient guĂšre aux langues des barbares(1). Quelques-uns se contentent de mention-ner le parler Ăąpre, sauvage des indigĂšnes(2), de dire que ceux-ci peuvent seuls prononcer les noms de leur pays(3). Ammien Marcellin(4) et, ce qui est plus important, lâAfricain Corippus(5) notent la diversitĂ© des langues en usage dans les tribus : rien ne Trouve du reste quâil ne sâagisse pas simplement de dialectes, qui, comme ceux dâaujourdâhui, auraient Ă©tĂ© assez diffĂ©rents(6). Dâautre part, saint Augustin fait remarquer que de trĂšs nombreu-ses tribus barbares dâAfrique parlent une seule et mĂȘme lan-gue(7), mais les termes dont il se sert ne permettent pas de savoir sâil fait allusion Ă la langue libyque, dont il aurait connu lâunitĂ© sous ses divers dialectes, ou Ă quelque dialecte fort rĂ©pandu. Certains textes(8) signalent des termes qui, nous dit-on, ont_____________________ 1. Salluste se contente dâindiquer incidemment (Jugurtha, LXXVIII, 4) que les Numides parlaient une autre langue que les colons phĂ©niciens. 2. Silius Italicus, III, 305 : Miscebant avidi trucibus fera murmura linguis. Corippus, Johannide, II, 27 ... ferea barbaricae latrant sua nomina linguae. Ibid., IV, 351-2 Latratus varios, stridentibus horrida linguis Verba ferunt. 3. Pline lâAncien, V, 1 : « Populorum eius [de lâAfrique] oppidorumque nomina vel maxime ineffabilia praeterquam ipsorum linguis. » 4. XXIX, 5, 28 : « dissonas cultu et sermonum varietate nations plurimas ». 5. L. c., V, 36 : « varias⊠linguas » ; conf. IV, 351 : « Intratus varios ». 6. Saint Hippolyte (Bauer, Chronik des Hippolytos, p. 102) mentionne parmi les langues parlĂ©es en Afrique celles des ÎαΰÏÎżÎč, des ÎαÏÎżÏ Î±Ïοί (il sâagit des Baqua-tes, en MaurĂ©tanie). des ÎαίÏÎżÏ Î»ÎżÎč, des ÎÏÏÎżÎč, des ÎΏζÎčÏΔÏ. Mais on ne saurait dire si cette indication a quelque valeur. 7. Civ. Dei. XVI, 6 : « Auctus est autem numerus gentium multo amplius quam linguarum, nam et in Africa barbares gentes in una lingua plurimas novimus. » 8. En partie citĂ©s par de Slane, l. c., IV, p. 578-580 ; conf. Bertholon, Revue tunisienne, XII, 1905, p. 563 et suiv.
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Ă©tĂ© employĂ©s par les Libyens, par les Africains, par les indigĂš-nes. Ces indications ne doivent ĂȘtre accueillies quâavec beau-coup de rĂ©serve. Les mots peuvent avoir Ă©tĂ© altĂ©rĂ©s en se trans-mettant oralement ou par Ă©crit, avant de parvenir aux auteurs qui les mentionnent(1) ; il est possible que quelques-uns lâaient Ă©tĂ© plus tard dans les manuscrits. Dâordinaire, on les a affublĂ©s de terminaisons grecques et latines. Il faut aussi se souvenir que les qualificatifs libyen, libyque, africain sâappliquent quel-quefois Ă des hommes et Ă des choses puniques(2). Une liste que nous avons dressĂ©e comprend une quinzaine de mots(3) : addax(4), ammon(5), ÎČαÏÏαÏία(6), ÎČÎŹÏÏÎżÏ(7), ÎČÏÎčÏÏÎœ(8),____________________ 1. Le berbĂšre a plusieurs sons que les Ă©trangers prononcent difficilement. 2. Voir par exemple Arrien, Indica, XLIII, 11 : ÎΜΜÏÎœ Ï ÎÎčÎČÏ Ï. Il sâagit du fameux Hannon, roi des Carthaginois, dont nous avons le PĂ©riple. â Des listes joins au traitĂ© de Dioscoride sur la matiĂšre mĂ©dicale indiquent les noms que les ÎÏÏÎżÎč don-naient Ă un certain nombre de plantes mĂ©dicinales. Mais il sâagit de noms puniques. Conf., par exemple, Dioscoride, Ă©dit. Wellmann, IV, 150 : ÎÏÏÎżÎč ÏÎżÏ ÏÏÎčÎŒÎÎ¶Î±Ï et Pseudo-ApulĂ©e, De Medicaminibus herbarum, Ă©dit, Ackermaan, 113 : « Punici cas-simezar ». Certains noms ont dâailleurs une tournure trĂšs nettement sĂ©mitique : voir Gesenius, Scripturae linguaeque Phoeniciae monumenta, p. 383 et suiv. ; Blau, Zeits-chrift der deutschen morgeniĂ€udischen Gesellseschaft, XXVII, 1873, p. 521-532. 3. Elle est peut-ĂȘtre incomplĂšte. 4. EspĂšce dâantilope (conf. plus haut. p. 120). Pline, XI, 124 : « strepsiceroti quem addacem Africa appelint ». 5. Servius, In Aeneid., IV, 196 : « Libyes ammonem arictem appelant ». Il y a probablement lĂ une inexactitude. Ammon a dĂ» rester le nom propre du dieu bĂ©lier (conf. plus haut, p. 252, n. 2). 6. Petits renards. HĂ©sychius : ÎαÏÏÎŹÏÎčα ÏÎŹ ΏλÏÏÎÏÎčα οί ÎÎŻÎČÏ Î”Ï Î»ÎÎłÎżÏ ÏÎč. HĂ©-rodote (IV, 102) mentionne des ÎČαÏÏÎŹÏÎčα chez les Libyens nomades (conf. plus haut, p. 113). Voir encore HĂ©sychius : ÎαÏÏαÏÎŻÏ, ΏλÏÏηΟ, Ïαί ÎČαÏÏÎŹÏη ÏαÏÎŹ ÎÏ ÏÎ·ÎœÎ±ÎŻÎżÎčÏ ; Etymologicon magnum (s. v. ÎαÏÏÎŹÏα) : λÎγΔÏαÎč ÎČÎŹÏÏαÏÎżÏ Îź ΏλÏÏηΟ ÏαÏÎŹ ÎÏÏÎŽÎżÏÎżÎœ (ce qui est inexact) ÏÏÏ ÎÏ ÏÎ·ÎœÎ±ÎŻÏÎœ. Le mot est probablement dâorigine thrace et a dĂ» ĂȘtre importĂ© en CyrĂ©naĂŻque par les colons grecs : conf. S. Reinach, Cultes, mythes et religions, II, p. 107 et suiv. ImplantĂ© en Libye, il a passĂ© en Ăgypte, oĂč il sâest transmis au copte (bashar = renard : Peyron, Lexicon linguae coptieae, s. v.). 7. Roi. HĂ©rodote, IV, 155 : ÎÎŻÎČÏ Î”Ï ÎČαÏÎčλÎα ÎČÎŹÏÏÎżÎœ ÏαλÎÎżÏ ÏÎč. Ce terme fut adoptĂ© par les Grecs de CyrĂ©naĂŻque. 8. Anc. HĂ©sychius : ÎÏÎčÏÏÎœ ÏÎœÎżÎœ ÎÏ ÏηΜαÎÎżÎč ÎČÎŹÏÎČαÏÎżÎœ. Faut-il chercher de ce cĂŽtĂ© lâorigine du mot latin buricus, Lurichus (petit cheval : voir Thesauruslinguae latinae, s. v,), qui sâest perpĂ©tuĂ© dans lâitalien bricco, lâespagnol borrico, le français bourrique ?
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ou caesa(1), ζΔγÎÏÎčΔÏ(2), ÏÏÏηÏ(3), lalisio(4), Î»ÎŻÎ»Ï (5), mapalia(6), nepa(7), ÏαΌαΞÏ(8), ÏÎŻÏÏ ÏÎżÏ (tityrus)(9). Or un seul se retrouve peut-ĂȘtre____________________ l. ĂlĂ©phant. Spartien, Aelius, II, 3 : « elephanto, quilingua Maurorum caesai dicitur ». Servius, in aneid., I, 286 : « elephantem, qui caesa dicitur lingua Poenorum ». Mot indi-gĂšne adoptĂ© par les Carthaginois ? Conf. plus haut, p.77. (2) Selon HĂ©rodote (IV, 192), c Ă©tait un nom libyque, qui signifiait en grec collines ; il dĂ©signait des rats dâune certaine espĂšce (voir plus haut, p. 128 : οί ΎΠζΔγÎÏÎčÎ”Ï (ÏÏ ÎŽÎ ÎżÏÎœÎżÎŒÎ± ÏοΰÏÏ ÎÏÏÎč ÎŒÎÎœ ÎÎčÎČÏ ÏÏÎœ, ÎŽÏΜαÏαÎč ÎŽÎ ÏαÏÎŹ ÎλΏΎα γλÏÏÏαΜ ÎČÎżÏ ÎœÎżÎŻ). Aucun mot ayant lâun de ces deux sens ne se rencontre dans les dialectes actuels : conf. Duveyrier, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1888, p. 475, n. 1. Tissot (GĂ©ographie, I, p. 373 ; II. p. 689) veut le retrouver dans un nom propre, Timezegeri turris, que la Table de Peutinger indique dans le Sud de la Tuni-sie (voir dĂ©jĂ Judas, Rec. de Constantine. IX, 1863, p.13-14, 21). Le P. Mesnage (lâAfrique chrĂ©tienne, p. 34) cite aussi lâethnique Auzegerenis, nom dâun Ă©vĂȘchĂ© de ByzacĂšne (Notice de 484, ByzacĂšne, n° 96). Il sâgit probablement dâun mot punique, signifiant colline; un mot dĂ©rivĂ© aurait dĂ©signĂ© le (rat) de colline, ou rat de montagne. Une addition Ă lâouvrage mĂ©dical de Dioscoride (Ă©dit. Wellmann, IV, 123) indique que le Africains (ÎÏÏÎżÎč) appellent Î¶ÎŻÎłÎ±Ï une plante nommĂ©e par les Grecs ÎČÎżÏ ÎœÎŻÎżÎœ (de colline) ; or le mot ÎÏÏÎżÎč dĂ©signe ici les Carthagi-nois (conf. plus haut, p. 312, n. 2). Voir Ă ce sujet Judas, l. c., p.12-13 ; Blau, Zeitschrift der deutschen morgenlĂ€ndischen Geseilschaft, XXVII, 1873, p. 532. 3. Les vignes: nom donnĂ© parles indigĂšnes ou cap Spartel et qui fut traduit en grec ÎÎŒÏÎ”Î»ÎżÏ Ïία (dâÎŹÎŒÏΔλοÏ, vigne). Pomponius MĂ©la, I, 25 : « promuntarium quod Graccia Ampelusiam, Afri aliter, sed idem significante vocabulo appetlant », câest-Ă -dire kĂŽtĂšs : conf. PtolĂ©mĂ©e, IV, 1, 2 ; Strabon, XVII, 3, 2 (αί ÎÏÏΔÎčÏ Î»ÏÎłÏΌΔΜαÎč). 4. Poulain de lâĂąne sauvage (conf. p. 117). Pline, VIII, 174 : « Onagri... ; pullis co-rum.., sapore Africa gloriatur, quos lalisiones appellat. » 5. Eau, HĂ©sychius : Î»ÎŻÎ»Ï , ÏÏ Î°ÎŽÏÏ ÎÎŻÎČÏ Î”Ï. M. HalĂ©vy (Journal asiatique, 1874, I, p. 140) prĂ©tend retrouver ce mot dans le nom de Lilybaeum, « ville fondĂ©e par les PhĂ©niciens en Sicile, car la principale population des colonies phĂ©niciennes Ă©tait presque toujours composĂ©e de Libyens Ă©migrĂ©s de lâAfrique ». 6. Pluriel neutre. Huttes des indigĂšnes. Salluste, Jug., XVIII, 8 : « aeditteia Numi-darum agrestium, quae mapalia illi vocant ». Saint JĂ©rĂŽme, Comm. in Amos, prologus (dans Migne, Patrologie latine, XXV, p. 990) : « agrestes casae et furnorum similes, quas Afri apperlant mapalia ». Ce mot se prĂ©sente aussi sous la forme magalia (Virgile, ĂnĂ©ide. I, 421 ; IV, 250 ; Servius, Comm., IV, 259 ; etc.). Peut-ĂȘtre est-il punique (noter que la lettre p manque dans les dialectes berbĂšres ; elle ne se rencontre que dans la zenaga, au SĂ©nĂ©gal : Basset, Ătudes, p. 4). Mais, quoi quâen pense Survius, il parait devoir ĂȘtre distinguĂ© du mot magar, qui, en punique, aurait signifiĂ© villa (ferme) : Servius, l, c., Ă I, 421 ; conf. Isidore de SĂ©ville, Etymol., XV, 12, 4. 7. Scorpion. Festus, De verberum significatu (et Paul Dincre), Ă©dit. Thewrewk de Ponor, p. 166-7 : « Nepa, Afrorum lingua sidus quod dicitur nostris cancer, vel, ut quidam volunt, scorpios. Le mot nepa a Ă©tĂ© employĂ© par les Latins pour signifier soit scorpion, soit Ă©crevisse ; ce dernier sens ne peut pas ĂȘtre dâorigine africaine, puisquâil nây a pas dâĂ©crevisses en Afrique. Pour le p, voir lâobservation Ă mapalia. Mot, punique ? 8. Grande. Alexandre Polyhistor, apud Ătienne de Byzance, s. v. ÎÎŹÎłÎœÎ± : ÎœÎźÏÎżÏ ÎÎčÎČÏ ÏÎź... ÎÏαÏÎŹ ÏÎźÎœ ÏÏÎœ ÎÎčÎČÏÏÎœ ÏÏÎœÎźÎœ ÎŁÎ±ÎŒÎ±ÎžÏ, Ï ÎÏÏÎč ÎŒÎ”ÎłÎŹÎ»Î·. M. BĂ©rard (Annales de GĂ©ographie, IV, 1894-5, p. 420) croit ce mot phĂ©nicien. 9. Douc. Probus, Ă Virgile, Buc., I, 1 (dans Thilo et Hagen, Ă©dit, de Servius, III, 2,
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dans le langage des indigĂšnes dâaujourdâhui Î»ÎŻÎ»Ï , eau. M. DouttĂ©(1) indique que les gens de Mazagan, sur la cĂŽte du Ma-roc, sâaspergent mutuellement dâeau Ă la fĂȘte de lâAĂŻd el Kebir et quâils appellent cela helillou. Aucun des autres mots citĂ©s par les anciens nâappartenait-il Ă lâidiome que reprĂ©sentent les dia-lectes berbĂšres ? Cette conclusion ne serait pas lĂ©gitime, car le vocabulaire sâuse et se remplace vite(2). Mais nous devons nous rĂ©signer Ă ne pas tirer parti dâune sĂ©rie de renseignements qui semblaient prĂ©cieux. On a allĂ©guĂ©(3) des mots berbĂšres, ou prĂ©tendus tels, qui ressemblent plus ou moins Ă des mots grecs ou latins, ayant la mĂȘme signification, et on a soutenu que ceux-ci ont Ă©tĂ© em-pruntĂ©s aux Africains. Mais pour les termes qui sont vraiment apparentĂ©s, câest au contraire aux Africains que lâemprunt est imputable(4). Il nây a donc pas lieu de chercher de ce cĂŽtĂ© des informations sur la langue libyque(5). LâĂ©tude des noms propres mentionnĂ©s soit dans les inscrip-____________________Appendix Serviana, p. 320) : Hircus Libyca lingua tilyrus appellatur. » Mais ce mot est dorien et a Ă©tĂ© introduit par les Grecs en CyrĂ©naĂŻque, comme en Sicile : conf. Servius, Ă Virgile, l. c. « Laconum lingua tityrus dicitur aries maior » ; Junius Philargyrius, dans Appendix Serviana, p, 15 : « Hircum Siculi lityrum vocant. » â MĂȘme observation pour ÏÎčÏÏÏΜα, vĂȘtement fait de peaux cousues, quâon indique comme un mot usitĂ© en Libye ( ÏαÏÎŹ ÎÎčÎČÏηΜ) : Scolies dâAristophane, Oiseaux, 122 ; HĂ©sychius, s. v. â On a cru trouver dans Ătienne de Byzance une indication du nom de la chĂšvre en langue libyque : ÎÎŻÎłÎżÏ Ïα, ÎœÎźÏÎżÏ ÎÎčÎČÏηÏ, ÏαÏÎŹ ÎÎŻÎČÏ Î±Ï Î»Î”ÎłÎżÎŒÎη ÎαÏÏία. Mais ce texte ne dit pas expressĂ©-ment quâÎÎÎłÎżÏ Ïα (dâαÎΟ, chĂšvre) soit une traduction de ÎαÏÏία, comme le veut Movers, die Phönizier, II, 2, p.367, note. Il est vrai quâon invoque Ă ce sujet (A, J.-Reinach, Revue de lâhistoire des religions, 1910, I, p. 202) le mot caetra, nom dâun bouclier de cuir dont se servaient les Africains et les Espagnols : « caetra est scutum loreum quo utuntur Afri et Hispani » (Servius, In Aen., VII, 732). Jâavoue que cela ne me semble pas convaincant. 1. MerrĂąkech, p. 382. 2. Ajoutons que certains de ces mots nâont peut-ĂȘtre Ă©tĂ© employĂ©s que dans une rĂ©gion limitĂ©e. Ils ont pu disparaĂźtre avec le dialecte auquel ils appartenaient. 3. Movers, l. c., II, 2, p. 409-410. 4. Conf. plus haut, p. 236, n. 1. 5. On pourrait cependant retenir une observation de Tissot (Bull. des antiquai-res de France, 1880, p.180) au sujet dâun mot vatassae, qui se lit sur le tarif de douane de ZraĂŻa : C. I. L., VIII, 4508 (ligne 25) = 18043. Il rapproche ce mot, dont le sens est inconnu et qui nâest sans doute pas dâorigine latine, de fattas, fattassa, pois vert, dans le dialecte de Djerba.
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tions(1), soit dans les auteurs donne des rĂ©sultats plus satisfaisants. Beaucoup de noms de personnes ont une tournure tout Ă fait berbĂšre(2). La Johannide de Corippus offre un intĂ©rĂȘt par-ticulier Ă cet Ă©gard, car le poĂšte, au lieu de latiniser les noms propres, les reproduit en gĂ©nĂ©ral sous leur forme indigĂšne(3). Un grand nombre dâentre eux se terminent par la dĂ©sinence an (Altisan, Audiliman, Carcasan, Esputredan, Guenfan, Imas-tan, Manonasan, Sidifan, etc.)(4), qui rappelle la formation du participe berbĂšre des verbes qualificatifs, participe tenant lieu dâadjectif par exemple, aberkan, Ă©tant noir, celui qui est noir. Dâautres se prĂ©sentent avec la dĂ©sinence in (Autufadin, Cutin, Garafin Marzin, Sanzin, etc.), ou avec la dĂ©sinence asen (His-dreasen, Ielidassen, Macurasen, Manzerasen) : ces formes se sont perpĂ©tuĂ©es dans le Maghrib; pour lâĂ©poque musulmane, on peut citer Bologguin, TĂąchfin, YarmorĂącen(5). Des noms de lieux antiques sâexpliquent par les dialectes berbĂšres. Strabon nous apprend que les « barbares » appelaient lâAtlas ÎÏÏÎčÎœ(6) : indication que confirme Pline(7). Ce mot doit____________________ 1. Ăpitaphes latines; quelques inscriptions nĂ©opuniques et des inscriptions liby-ques (qui omettent les voyelles). 2. Nous reviendrons lĂ -dessus quand nous Ă©tudierons lâonomastique africaine Ă lâĂ©poque romaine. 3. Voir Ă ce sujet de Slane, dans sa traduction dâIbn Khaldoun, IV, p. 581-2 ; Partsch, dans Satura Viadrina (Breslau, 1896), p. 34-37. 4. Conf., sur les inscriptions, Cotuzan (C. I. L, VIII, 5218), Vaselan (idid., 9725), Mastucaran (Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1904, p. 239), etc 5. Pour les noms propres de personnes, on a invoquĂ© aussi le groupe de lettres Mas, par lequel beaucoup de ces noms dĂ©butent, Les uns croient que câest un mot si-gnifiant fils (comme le remarque de Slane, l. c., p. 500, il faudrait supposer que ce qui suit Mas reprĂ©sente le nom de la mĂšre, car nous connaissons les pĂšres de quelques personnages dont le nom commence ainsi, et la comparaison ne justifie nullement cette interprĂ©tation). Dâautres le rapprochent de mess, qui veut dire maĂźtre chez les Touaregs. Cela me parait bien aventureux. â Par contre, le nom Mazic, Mazices, frĂ©quent pour dĂ©-signer soit des individus, soit des tribus, est sans doute un vieux mot libyque; peut-ĂȘtre signifie-t-il noble, comme une indication de LĂ©on lâAfricain permettrait de le supposer (Description de lâAfrique, trad. Temporal, Ă©dit. Schefer, I, p. 28). 6. XVII, 3, 2 : ÏÏÎżÏ... ÏÏÎ”Ï ÎżÎŻ ÎŒÎÎœ ÎÎ»Î»Î·ÎœÎ”Ï ÎÏλαΜÏα ÏαλοΰÏÎčÎœ, οί ÎČÎŹÏÎČαÏÎżÎč ÎŽÎ ÎÏÏÎčÎœ. Conf. Eustathe, Commentaire de Denys le PĂ©riĂ©gĂšte, V. 66, dans GĂ©og. gr. min., II, p. 220. 7. V, 13 : « amnem Fut ; ab eo Addirim (hoc enim Atlanti nomen esse eorum â
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ĂȘtre rapprochĂ© de celui qui signifie montagne : singulier adrar, pluriel idraren; aujourdâhui encore, lâAtlas est appelĂ© par ses habitants Idraren(1). Thala signifie source en berbĂšre : tel Ă©tait le nom antique dâau moins deux localitĂ©s situĂ©es dans la Tunisie actuelle(2). Souf, riviĂšre, explique le dĂ©but des noms de Sufes, Sufetula (villes de la Tunisie centrale) et Sufasar (sur le ChĂ©-lif)(3). Ghir, gher, qui veut dire cours dâeau(4), se retrouve dans Ger, nom donnĂ© dans lâantiquitĂ© Ă des riviĂšres sahariennes(5). Tasuccora, nom dâune riviĂšre et dâune ville situĂ©es dans la pro-vince dâOran(6), rappelle thasekkourth, perdrix(7). Agoursal, me fait observer M. Basset, signifie champignon dans le dialecte de la grande Kabylie(8) : il ressemble fort Ă Aggersel, dans lâEn-fida(9), Ă Agarsel et Agyarsel Nepte, dans la Tunisie mĂ©ridiona-le(10), Thamalla (Thamallula, Thamalluma, etc.), nom de deux villes dont lâune Ă©tait dans la rĂ©gion de SĂ©tif, lâautre dans le Sud de la Tunisie(11), se compare Ă thamallalth, la blanche._____________________il sâagit des indigĂšnes â lingua convenit) cc(milia passuum ». Lire ad Dirim (conf. Meltzer, Geschichte der Karthager, I, p. 427), ce que nâa pas vu Solin (XXIV, 15), qui, copiant Pline, Ă©crit : de Atlante quem Mauri Addirim nominant » ; Martianus Ca-pella (Ă©dit. Essenhardt, p. 220) Ă©crit de mĂȘme : « hunc (lâAtlas) incolae Adirim vocant ». Vitruve (VIII, 2, 6) indique le Dyris comme un fleuve sortant « ex monte Atlante » : il a dĂ» commettre une confusion : voir MĂŒller, Ă©dit. De PtolĂ©mĂ©e, n. Ă p. 741. 1. Conf. de Slane, l. c., p. 579-580 ; Vivien de Saint-Martin, le Nord de lâAfri-que dans lâantiquitĂ©, p. 154 : Tissot), GĂ©ographie, I, p. 386, n. 2. 2. Salluste, Jug., LXXV. Tacite, Annales, III, 21. Conf. C. I. L. VIII, p. 69. 3. Tissot, l. c., p. 420, n. 1. 4. Duveyrier, les Touaregs du Nord, p. 409 ; le mĂȘme, Bull. de la SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie, 1872, II, p. 226, n. 2. 5. Pline, V, 15 ; PtolĂ©mĂ©e, IV, 6, 4. Conf. Tissot, p. 91, n. 3 ; MĂŒller, Ă PtolĂ©-mĂ©e, p. 737-8. 6. Gsell, Atlas archĂ©ologique de lâAlgĂ©rie, F° 21, n° 23 ; f° 31, n° 76. Bull. dâOran, 1911, p. 202. 7. Conf. Demneght, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1894, p. 317, n. 1. 8. Ioursel dans dâautres dialectes : Basset, NĂ©dromah et les Traras, p. 140. 9. Table de Peutinger. Conf. Tissot, II, p. 360. 10. Table de Peutinger, Conf. Tissot, II, p. 685 et 686 11. Voir Gsell, MĂ©langes de lâĂcole française de Rome, XV, 1895, p. 64-66 ; le mĂȘme, Atlas archĂ©ologique de lâAlgĂ©rie, f° 26, n° 19 ; Mesnage, lâAfrique chĂ©-tienne, p. 157 et 380.
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On a fait dâautres rapprochements qui ne sont pas aussi probants(1) et sur lesquels nous pouvons nous dispenser dâin-sister ; mais il est certain quâun savant familiarisĂ© avec les dia-lectes berbĂšres y trouverait lâexplication dâun grand nombre de dĂ©nominations gĂ©ographiques mentionnĂ©es dans les docu-ments anciens. Notons lâabondance des noms commençant par Th (Thabraca, Thagaste, Thamugadi, Thamascaltin, etc.) : câest peut-ĂȘtre, dans beaucoup de cas, le prĂ©fixe qui indique le fĂ©minin en berbĂšre. Les exemples que nous avons; citĂ©s concernent des lieux dissĂ©minĂ©s dans le Maroc, en AlgĂ©rie et en Tunisie. On en peut donc conclure que lâaire du libyque comprenait toute la BerbĂ©-rie. Câest un fait remarquable que la diffusion de cette langue dans un pays que la nature a profondĂ©ment morcelĂ© : elle nây a Ă©tĂ© dâailleurs quâun faible agent de cohĂ©sion, sâil est vrai que, dĂšs une Ă©poque lointaine, elle se soit partagĂ©e en diffĂ©rents dia-lectes, nettement distincts(2). SâĂ©tendait-elle aussi, comme de nos jours, sur le Sahara et jusque dans le Soudan ? Nous nâavons pas de renseignements certains Ă cet Ă©gard. HĂ©rodote(3) dit quâon parlait un idiome mi-Ă©gyptien, mi-Ă©thiopien dans lâoasis dâAmmon (ou de Syouah, qui a son dialecte berbĂšre propre(4)). Mais lâinformation a-t-elle____________________ 1. On lit dans le GĂ©ographe de Ravenne (Ă©dition Pinder et Parthey, p. 164 : conf. p. 8 et 162) : « Mauritania Gaditana quae et barbaro modo Abrida dicitur. » ce nom a Ă©tĂ© comparĂ© au mot berbĂšre abrid, chemin : Carette, Recherches sur lâorigine des tribus, p. 9 : de Slane, l. c., p. 580 ; Tissot, l. c., I, p. 386, n. 2. â Tissot (MĂ©moires prĂ©sentĂ©s Ă lâAcadĂ©mie de Inscriptions, IX, Ire partie, p. 157) rapproche de tamda, ma-rais, le nom de Tamuda (Pline, V, 18), lâoued Martil, fleuve du Rif dont lâembouchure est marĂ©cageuse. â Aggar, lieu habitĂ©, se retrouverait dans deux noms antiques, Ag-gar, prĂšs de Thapsus (Bell. afric., LXVII, 1), et Aggar, dans la Tunisie centrale (Table de Peutinger) : Tissot, II, p. 685, n. 2. â Pour dâautres comparaisons, voir Tissot, I. p. 40, n. 2 ; p. 516 ; Partsch, Ă©dit. De Corippus, p. XXXI (conf. Tissot, II, p. 768-9). Etc. 2. Au temps de Massinissa et de ses successeurs, la langue officielle des rois numides fut le punique. Il nây avait donc pas de raisons pour quâun de ces dialectes sâĂ©levĂąt Ă la dignitĂ© de langue nationale et supplantĂąt les autres. 3. II, 42. 4. Voir Basset, le Dialecte de Syouach (Paris, 1890).
318 LES TEMPS PRIMITIFS.
Ă©tĂ© puisĂ©e Ă une bonne source ? et quâĂ©tait cette langue qualifiĂ©e dâĂ©thiopienne ? Selon le mĂȘme auteur(1), les Ăthiopiens troglo-dytes que les Garamantes allaient capturer, probablement dans leTibesti, se servaient dâun langage qui nâavait rien de commun avec celui des autres hommes et qui ressemblait aux cris aigus de la chauve-souris : quoi quâon pense de cette affirmation(2), il est Ă croire quâils ne parlaient pas une langue apparentĂ©e Ă celle des Libyens. Du reste, le berbĂšre nâa pas pĂ©nĂ©trĂ© depuis lors dans le Tibesti. Dans le dĂ©sert, Ă dix journĂ©es Ă lâOuest des Garamantes, HĂ©rodote mentionne un peuple quâil appelle Atarantes(3). Ce nom a frappĂ© Barth(4), qui lâa rapprochĂ© dâun mot haoussa, atara, signifiant rassemblĂ©. Si la conjecture est exacte(5), les Atarantes nâauraient pas fait usage de la langue libyque(6). Hannon, lorsquâil quitta le littoral voisin de lâoued Draa pour se diriger vers le Sud avec sa flotte, prit chez les Lixites des interprĂštes(7). Comment ceux-ci pouvaient-ils se faire entendre des Carthaginois ? parlaient-ils un dialecte li-byque, que certains compagnons dâHannon auraient compris ? ou avaient-ils eu lâoccasion dâapprendre un peu de punique ? Nous lâignorons. Ce qui est certain, câest quâils ne comprenai-ent pas la langue des Ăthiopiens qui vivaient sur la cĂŽte du Sa-hara, au delĂ du cap Bojador(8). On peut enfin remarquer que les____________________ 1. IV. 183. 2. Peut-ĂȘtre sâagit-il dâun langage conventionnel, destinĂ© aux communications Ă longue distance, qui nâaurait pas empĂȘchĂ© les troglodytes de se servir dâune langue parlĂ©e. Sur le langage sifflĂ©, aux Canaries et ailleurs, voir Deniker, Races et peuples de la terre, p. 159. 3. IV, 184 : ÎÏÎŹÏαΜÏÎ”Ï (câest ainsi quâil faut lire : voir, entre autres, Neumann, Nordafrika nach Herodot, p. 114, n. 1). 4. Sammlung und Bearbeitung Central afrikanischer Vokabularien, I, p. CI-CII ; conf. Tissot, I, p. 442, n. 2, et Schirmer, le Sahara, p. 327. 5. Dâautres veulent au contraire dĂ©river ce nom du mot berbĂšre adrar (montagne) : voir Vivien de Saint-Martin, le Nord de lâAfrique dans lâantiquitĂ©, p. 60 et 154, n. 6. 6. Il est vrai que le haoussa est une langue apparentĂ©e aux dialectes berbĂšres. Lepsius (Nabische Grammatik, p. LI) veut mĂȘme voir dans ces Atarantes une colonie de Libyens. 7. PĂ©riple, 8 (Geogr. gr. min., I, p. 6). 8. Ibid., 11 (p. 9).
LA LANGUE LIBYQUE. 319
explorateurs Nasamons, mentionnĂ©s par HĂ©rodote(1), rencontrĂš-rent de petits hommes noirs dont le langage leur Ă©tait inconnu, quand, aprĂšs avoir traversĂ© le dĂ©sert, ils arrivĂšrent Ă de vastes marais et Ă un grand fleuve. Ces divers textes ne nous apprennent pas grand-chose. Cependant ils donnent lâimpression que, dans les siĂšcles qui prĂ©cĂ©dĂšrent lâĂšre chrĂ©tienne, le libyque ne sâĂ©tait guĂšre rĂ©pan-du au delĂ du Nord de lâAfrique, dans les rĂ©gions occupĂ©es par les Ăthiopiens. Cette langue a dĂ» beaucoup se modifier depuis le dĂ©but des temps historiques. Dans le Nord-Est de la BerbĂ©rie et sur les cĂŽtes, elle a sans doute admis des mots puniques, dont on ne retrouve pas de traces certaines(2), mais qui, eu Ă©gard Ă lâĂ©troi-te parentĂ© de lâarabe et du phĂ©nicien, se dissimulent peut-ĂȘtre sous des mots arabes. Plus tard, elle a reçu des mots latins, qui subsistent encore çà et lĂ , en trĂšs petit nombre, il est vrai(3). Mais les apports les plus considĂ©rables ont Ă©tĂ© ceux de lâarabe. Dans les pays, oĂč la langue de lâIslam nâa pas anĂ©anti les dia-lectes berbĂšres, elle les a profondĂ©ment pĂ©nĂ©trĂ©s. Au Sud du Sahara, il faut tenir compte aussi de lâintrusion des idiomes parlĂ©s par les nĂšgres. Les altĂ©rations, les emprunts ont portĂ© surtout sur le vocabulaire, la partie la moins rĂ©sistante des lan-gues; cependant lâinfluence de lâarabe sâest exercĂ©e aussi sur____________________ 1. II, 32. 2. Sauf pour le nom de lieu Agadir (port de la cĂŽte marocaine; ancien nom de Tlemcen). qui sâexplique par le phĂ©nicien : enclos, lieu fortifiĂ©. Pline, IV, 120 : « Gadir, ita Punica lingua saepem significante » ; Festus AviĂ©nus. Ora maritima, V. 268-9 : « Puni-corum lingua conseptmn locum Gadir vocabat » ; conf. le mĂȘme, Orbis terrae, V, 615-6. En hĂ©breu gadĂȘr signifie mur. On ne connaĂźt pas de mot arabe semblable. Voir Movers, die Phönizier, II, 2, p. 459), 622 ; Meltzer, Geschichte der Karthager, I, p, 447 ; Tissot, dans MĂ©moires prĂ©sentĂ©s Ă lâAcadĂ©mie des Inscriptions. IX, Ire partie, p. 255), n. 1 ; Hassel, NĂ©dromah et les Traras, p. XI, n. 4 ; Mowat, Bull. de la SociĂ©tĂ© des antiquaires de France, 1910, p. 390-1 ; Stumme, Zeitschrift fĂŒr Assyriologie, XXVII, 1912, p. 123. â Pour quelques emprunts possibles des BerbĂšres Ă la langue phĂ©nicienne, voir Stumme, l. c., p. 125 et 126. 3. Voir des indications donnĂ©es par de Slane, l, c., p. 580-1 ; Tissot, GĂ©ographie, I, p, 419, n. 1 ; Masqueray, Bull. de correspondance africaine, I, 1882-3, p. 243, n. 1 ; Stumme, l. c., p. 122.
320 LES TEMPS PRIMITIFS.
la grammaire et sur la prononciation. Nous nâavons aucun moyen de dire sâil en a Ă©tĂ© de mĂȘme du punique et du latin.
II
On a souvent cherchĂ© Ă rattacher le libyque Ă dâautres langues, parlĂ©es autrefois ou aujourdâhui encore en dehors du Nord-Ouest de lâAfrique. Dans cette question, il faut Ă©tudier les faits grammaticaux, bien plus que les mots, qui sâĂ©changent fa-cilement dâun idiome Ă lâautre. Les comparaisons faites par des Ă©rudits entre les dialectes berbĂšres et le basque(1), lâĂ©trusque(2), le grec(3), les langues touraniennos(4) ont Ă©tĂ© conduites avec des mĂ©thodes critiquables et doivent ĂȘtre Ă©cartĂ©es. Il nâen est pas de mĂȘme pour lâĂ©gyptien ancien, devenu plus tard le copte(5) ; pour des idiomes parlĂ©s en Nubie (entre le Nil et la mer Rouge), en Abyssinie et au Sud de cette contrĂ©e ; pour ceux des Gallas, des Somalis, des MassaĂŻs ; pour le haoussa (entre le lac Tchad et le Niger) et le peul (dissĂ©minĂ© dans le Soudan central et occiden-tal)(6). La parentĂ© de ces diffĂ©rentes langues entre elles et avec les dialectes berbĂšres peut ĂȘtre aujourdâhui regardĂ©e comme____________________ 1. Voir, entre autre, von der Gabelentz, die Verwandischaft des Baskischen mit den Berbersprachen Nord-Africas (Brunswick, 1894) ; H. Kenne, Mun past and present, p. 460-2 ; de Charencey, Association française pour lâavancement des sciences. Pau, 1892, II, p. 573-8 ; le mĂȘme, journal asiatique, 1904, I, p. 534-540. Contra : Blade, Ătudes sur lâorigine des Basques, p. 322-9 ; Tissot, I, p. 424. Il y aura peut-ĂȘtre lieu de reprendre dette question, mais avec dâautres procĂ©dĂ©s de comparaison. 2. Brinton, dans Proceedings of the american philosophical Society, XXVI, 1889, p. 514-527 ; XXVIII, 1890, p. 39-52. 3. Bertholon, Revue tunisienne, X-XIII, 1903-6 (Origine et formation de la lan-gue brebĂšre) : le libyque aurrait-Ă©tĂ© un dialecte hellĂ©nique, importĂ© par une immigration thraco-phrygienne et encore transparent dans les dialectes berbĂšres. 4. Riun, Revue africaine, XXV-XXXIII, 188-9 (Essai dâĂ©tudes linguistiques et ethnologiques sur les origines berbĂšres). 5. Pour la comparaison des procĂ©deĂ©s grammaticaux de lâĂ©gyptien et du berbĂšre, voir de Rochemouleix, dans CongrĂšs international des Orientalistes, PremiĂšre session (Paris, 1873), Compte-rendu, II (1876), p. 66-106. 6. Voir C. Meinhof, die Sprachen der Hamiten (Abhandlungen des Hamburgis-chen Kolonialinstituts, IX, 1912). Quelques savants, entre autres M. Deinfosse, excluent de ce groupe le haoussa et le peul.
LA LANGUE LIBYQUE. 321
dĂ©montrĂ©e. On a ainsi constituĂ© une famille linguistique que lâon appelle dâordinaire chamitique(1) : famille qui sâĂ©tend ou sâest Ă©tendue sur tout le Nord du continent africain, depuis le cap Guardafui jusquâĂ lâAtlantique, qui sâavance au Sud-Est jusquâentre le lac Victoria-Nyanza et lâOcĂ©an indien, et qui, dans le Soudan, est reprĂ©sentĂ©e çà et lĂ au milieu de langues trĂšs diffĂ©rentes(2). Mais cette parentĂ© est Ă©videmment trĂšs lointaine. Plusieurs milliers dâannĂ©es avant notre Ăšre, lâĂ©gyptien Ă©tait constituĂ© et suivait ses destinĂ©es ; le libyque, de son cĂŽtĂ©, a dĂ©veloppĂ© son systĂšme grammatical dâune maniĂšre autonome. Il semble vain de se demander dans quelle partie de la terre a Ă©tĂ© parlĂ©e la lan-gue qui leur a donnĂ© naissance, ainsi quâaux autres idiomes de la famille chamitique. Celle-ci a Ă©tĂ© parfois qualifiĂ©e de protosĂ©mitique(3). Par ce mot, des savants ont voulu indiquer leur croyance Ă une parentĂ©, du reste fort Ă©loignĂ©e, des familles sĂ©mitique et chamitique(4). On remonterait ainsi Ă une langue parlĂ©e Ă une Ă©poque extrĂȘ-mement reculĂ©e, dans un pays qui a pu ĂȘtre soit en Afrique, soit en Asie (comme on le croit dâordinaire, mais sans preuves(5)). Les deux branches de cette langue se seraient diversement dĂ©-veloppĂ©es, la famille chamitique sâĂ©tant arrĂȘtĂ©e Ă des procĂ©-dĂ©s grammaticaux Ă©lĂ©mentaires dâoĂč le nom de protosĂ©mitique quâon a proposĂ© de lui donner.____________________ 1. Renan, Histoire gĂ©nĂ©rale des langues sĂ©mitiques, p. 88 de la 2e Ă©dition. Lep-sius, Nubische Grammatik, p. XV-XVI. Etc. 2. On y a rattachĂ© aussi la langue des Hottentots, au Sud-Ouest de lâAfrique. 3. Basset, Manuel de langue kabyle, p. 1. 4. Sur la parentĂ© probable de lâĂ©gyptien et des langues sĂ©mitiques, voir Maspero, Histoire ancienne des peuples de lâOrient classique, I, p. 46 (et n. 2 : indications biblio-graphiques) : « On peut presque affirmer que la plupart des procĂ©dĂ©s grammaticaux en usage dans les langues sĂ©mitiques se retrouvent dans lâĂ©gyptien Ă lâĂ©tat rudimentaire. » Pour la parentĂ© des deux familles chamitique et sĂ©mitique, voir en particulier L. Reinisch, das persönliche FĂŒrwort und die Verbalflexion en den chamito-semitischen Sprachen (Vienne, 1900), surtout p. 308 et suiv. ; Meinhof, l. c., p. 227-8. 5. Voir par exemple Lepsius, l. c., p. XV et XVIII. Reinisch (l. c., p. 314) cherche au contraire en Afrique le berceau du peuple chamito-sĂ©mite.
322 LES TEMPS PRIMITIFS.
III
Quelles que soient les origines du libyque, nous le trou-vons Ă©tabli dans lâAfrique du Nord Ă lâĂ©poque oĂč lâhistoire commence pour cette contrĂ©e. Peut-on supposer quâaux temps prĂ©historiques, dâautres langues y aient Ă©tĂ© parlĂ©es, sur des es-paces plus ou moins Ă©tendus, langues qui sây seraient intro-duites soit avant, soit aprĂšs le libyque, et qui auraient ensuite disparu, ne laissant que quelques traces dans cet idiome. Les textes anciens ne contiennent aucun renseignement Ă ce sujet. Quelques mots qui se rencontrent dans les dialectes berbĂšres et qui rappellent plus ou moins des mots de mĂȘme signification existant dans dâautres langues, par exemple le basque ou un idiome indo-europĂ©en(1), ne prouvent pas grand-chose. Il fau-drait ĂȘtre sĂ»r que ce ne sont pas des ressemblances trompeuses : on sait combien de gens, en compulsant quelques dictionnaires, y ont trouvĂ© les matĂ©riaux propres Ă Ă©difier les hypothĂšses les plus imprĂ©vues. Il faudrait ĂȘtre sĂ»r aussi que ces mots ne sont pas dâintroduction relativement rĂ©cente dans lâune des deux langues, ou dans les deux. Quand mĂȘme on pourrait dĂ©montrer que les ressemblances datent de trĂšs loin, on nâaurait aucun moyen de dire sâil sâagit dâemprunts faits dâun pays Ă un autre, ou de vestiges dâune langue conservĂ©s dans une autre langue qui aurait remplacĂ© la premiĂšre. Lâonomastique gĂ©ographique a plus dâimportance : elle a parfois permis de dĂ©limiter lâaire dâidiomes disparus ou rĂ©duits avec le temps Ă un Ă©troit espace.____________________ 1. HĂ©rodote (IV, 159) parle dâun roi des Libyens de CyrĂ©naĂŻque qui sâappe-lait ÎÎŽÎčÏÏÎŹÎœ. On a supposĂ© que Iâhistorien a pris ici pour un nom propre un nom commun, quâon retrouverait dans le sanscrit adikurana, avec le sens de chef : Tissot, I, p. 419, n. 1 ; conf. Le Page Renouf, Proceedings of the Society of biblical ArchĂŠo-logy, XIII, 1891, p. 601. Il me parait tout Ă tait invraisemblable quâun mot se soit ainsi conservĂ© presque intact Ă travers les siĂšcles, et comme un tĂ©moin isolĂ©, dans deux contrĂ©es si Ă©loignĂ©es.
LA LANGUE LIBYQUE. 323
HĂ©rodote(1), le PĂ©riple de Scylax(2) et PtolĂ©mĂ©e(3) indiquent un ou plusieurs lacs et fleuves appelĂ©s ΀ÏÎčÏÏÏ ÎŻÏ (΀ÏÎčÏÏ ÏÎŻÏÎčÏdans PtolĂ©mĂ©e), ΀ÏÎčÏÏÏ , quâils placent certainement dans la Tunisie actuelle. Ces noms se retrouvent dans plusieurs rĂ©gions de la GrĂšce(4). Ils ont dĂ» ĂȘtre introduits dans la nomenclature gĂ©ographique de lâAfrique du Nord par les Grecs. Mais ce ne fut sans doute quâen pleine pĂ©riode historique, aprĂšs que ceux-ci eurent pris pied en CyrĂ©naĂŻque, quâil y eut aussi un ou deux lacs ΀ÏÎčÏÏÏ ÎčÏ(5) Le nom quâils donnĂšrent dâabord Ă des lacs du pays quâils occupĂšrent, ils lâauraient ensuite reportĂ© plus Ă lâOuest, de mĂȘme quâils reportĂšrent vers lâOccident le jardin des HespĂ©rides et le royaume dâAntĂ©e(6). On ne saurait affirmer, sur ce prĂ©tendu tĂ©moignage, que des Ă©trangers, parlant le grec, se soient Ă©tablis en Tunisie Ă une Ă©poque trĂšs lointaine(7). Sur la frontiĂšre militaire constituĂ©e par les Romains au Sud de la petite Syrte, lâItinĂ©raire dâAntonin indique un lieu quâil ap-pelle Tillibari(8). Il faut en convenir : ce nom rappelle fort celui dâIliberri(9), que lâon rencontre dans lâonomastique ancienne de lâEspagne et du Sud de la Gaule, et que lâon regarde comme ibĂš-re; le basque atteste quâIliberri est composĂ© de deux Ă©lĂ©ments, dont le premier signifie lieu habitĂ© et le second nouveau(10).____________________ 1. IV, 178, 179, 180, 186, 187, 188. 2. § 120) (Geogr. gr. min., 1, p. 88). 3. IV, 3, 3 et 6. 4. Ver Pape, Wörterbuch der griechischen Eigennamen, s, v ; MĂŒller, Ă©dition de PtolĂ©mĂ©e, n, Ă p. 625. 5. MĂŒller, l. c. 6. Diodore de Sicile (III, 53, dâaprĂšs Dionysios Scytobrachion) transporte le lac Tritonis et le fleuve Triton tout Ă fait Ă lâextrĂ©mitĂ© occidentale de la Libye, prĂšs de lâOcĂ©an. 7. Il est vrai quâun a cru retrouver Ă profusion, dans lâonomastique de la BerbĂ©rie comme dans la langue des BerbĂšres, des mots Ă©troitement apparentĂ©s au grec. Citons au hasard Thagora et Tipasa, oĂč lâun reconnaĂźt en effet sans peine ΏγοÏÎŹ et ÏÎŹÏα (avec un prĂ©fixe indiquant le fĂ©minin) et qui doivent par consĂ©quent signifier « le marchĂ© » et « la complĂšte » (Revue tunisienne, X, 1903, p. 489). 8. Ădition Parthey et Pinder, p. 34 (un manuscrit donne Tilliberi). Ce lieu est aussi mentionnĂ© par Corippus (Johannide, II, 89) : Tillibaris. 9. Le rapprochement a Ă©tĂ© fait par Tissot, I, p. 424. 10. Conf., entre autres, Schuchardt, die iberische Deklination, p. 5, 8-4 (dans
324 LES TEMPS PRIMITIFS.
La lettre T dans Tillibari pourrait ĂȘtre le prĂ©fixe berbĂšre du fĂ©-minin. Mais de quand date cette dĂ©nomination ? Peut-ĂȘtre seu-lement de lâĂ©poque romaine. Nous pouvons nous demander â je nâinsiste point sur cette hypothĂšse, â sâil ne sâait pas dâun camp fondĂ© par un corps de troupes composĂ© dâEspagnols qui servaient dans lâarmĂ©e dâAfrique(1). Dâautres rapprochements ont Ă©tĂ© indiquĂ©s(2), ou peuvent lâĂȘtre, entre des noms gĂ©ographiques qui se rencontrent, dâune part dans lâAfrique du Nord, dâautre part dans le Sud et lâOuest de lâEurope, surtout en Espagne : mots terminĂ©s par les grou-pes de lettres ili(3), gi(4) et, dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, frĂ©quence des dĂ©sinences en i(5) ; quelques noms tout Ă fait ou presque____________________Sitzungsberichte der Akademie der Wissenschaften in Wien, Phil. hist. Klasse, CLVII, 1907). 1. Il y avait dans cette armĂ©e plusieurs cohortes espagnoles : voir Cagnat, lâArmĂ©e romaine dâAfrique, 2e Ă©dit., p. 203-4. 2. Movers die Phönizier, II, 2, p. 637 et suiv. Philipps, Sitzungsberichte der Aku-dernien der Wissenschaften in Wien Phil.-hist. Classe, LXV, 1870, p. 346-8. Berlioux, les Atlantes, p. 81-84. Tissot, l. c., I, p. 419-420, 424-5. HĂŒbner, Monumenta linguae ibericae, p. LXXXVII. Waekernagel, Archiv fĂŒr lateinische Lexikographie, XIV, 1904-5 p. 23. Mehlis, Archiv fĂŒr Anthropologie, Neue Folge, VIII, 1909, p. 273 et suiv. Parmi ces rapprochements, beaucoup sont Ă©videmment arbitraires. â Câest bien Ă tort, le crois, quâon a voulu retrouver les Libyens dans les noms des Libui, Libiei, Lebeci (Italie septen-trionale), des Liburni (Italie et Illyrie), des bouches occidentales du RhĂŽne dites Libica : voir dâArbois de Jubainville, les Premiers habitants de lâEurope, 2e Ă©dit. I, p. 37, 40, 70, 71 (il fonde lĂ -dessus lâhypothĂšse dâun « vaste empire ibĂ©ro-libyen », de « conquĂȘtes africaines de la race ibĂ©rique » ; conf. Berlioux, l. c., 92). 3. Volubilis, au Maroc : C. I. L., WIII, p. 2072. Cartili, sur la cĂŽte de lâAlgĂ©rie : ItinĂ©raire dâAntonin, p. 6 : Gsell, Atlas archĂ©ologique de lâAlgĂ©rie, f° 4, n° 1 ; la premiĂšre partie du mot est probablement phĂ©nicienne . Igilgili (Djidjeli) ; Gsell, l. c., f° 7, n° 77. ÎÏÏαÏÎčλίÏ, en MaurĂ©tanie CĂ©sarienne. PtolĂ©mĂ©e, IV, 2, 6. Thibilis, dans lâEst de lâAlgĂ©rie : Gsell, l. c., f° 18, n° 107. Zerquilis, dans lâAurĂšs : Corippus, Johannide, II, 145. Ethnique Midilensis, dans la province de Numidie, Notice ecclĂ©siastique de 484, Numidie, n° 41. Zersilis, dans la rĂ©gion des Syrtes : Corippus, II, 76. â En Espagne, Bibilis, Singili, etc. 4. Tingi (Tanger). Ethniques Mizigitanus et Simigitanus, en Tunisie : Mesnage, lâAfrique chrĂ©tienne, p. 59 et 143. â En Espagne, Astigi, Ossigi, etc. 5. on peut encore noter la dĂ©sinence uli ou ulii pour des noms de peuples : en Afri-que Gaetuli, Maesulii, Masaesulii (les Massyles et les Masaesyles : : jâindique les formes donnĂ©es par Tite-Live) ; en Espagne, Turduli, Varduli, Bastuli. â Dans les documents la-tins, la dĂ©sinence tanus est trĂšs frĂ©quente pour les ethniques dâEspagne (voir entre autres, BladĂ©, Ătudes sur lâorigine des Basques, p. 316 et suiv.). Elle lâest aussi pour les ethniques de lâAfrique du Nord (voir Wackernagel, l. c., p. 20-22). En ce qui concerne lâAfrique,
LA LANGUE LIBYQUE. 325
semblables (en Afrique, Ucubi(1), Subur(2), Tucca, Thucca, Thugga(3) Obba(4), la tribu des Salassii(5) ; en Espagne, Ucubi(6), Subur(7), Tucci(8), Obensis(9), ethnique formĂ© sans doute dâOba ; sur les Alpes, la tribu des Salassi, qui occupait le val dâAoste(10). On a surtout comparĂ© lâonomastique des riviĂšres, qui est souvent trĂšs vivace(11). Câest ainsi que 1âon peut allĂ©guer le Bagrada (la____________________les Romains lâemploient dĂšs la fin du second siĂšcle avant J: C. (loi agraire de lâannĂ©e III : C.I. L., I, 200, § LXXIX). On a cru que ces noms, sous leur forme indigĂšne, avaient mĂȘme terminaison en Afrique et en Espagne, et on y a vu la preuve dâune parentĂ© linguistique (Wackernagel, aprĂ©s dâautres). Câest lĂ une erreur. M. Schuchardt (l. c., p. : 34) a montrĂ© que, pour les noms dâEspagne, les suffixes itanus et etanus nâont rien dâindigĂšne. Pour les noms dâAfrique, la terminaison est presque toujours itanus et, sauf quelques excep-tions, elle sâapplique Ă des ethniques dĂ©signant des habitants de villes, non des peuples. Il est probable que les Latins ont dâabord employĂ© cette forme dâaprĂšs le suffixe grec ÎčÏÎ·Ï pour certaines villes du littoral que les Grecs frĂ©quentaient comme eux. Puis elle se sera gĂ©nĂ©ralisĂ©e, sâĂ©tendant mĂȘme Ă des ethnies pour lesquels la forme ÎčÏÎ·Ï nâexistait pas. Pour Mauretania, qui est, je crois, le seul exemple africain de la forme etan-, jâadmettrais volontiers, avec M. Schuchardl (l. c.), une imitation par les Latins des noms dâEspagne quâils terminaient de mĂȘme : Carpetanus (Carpetania), Turdetanus, etc. â Dans la com-paraison des dĂ©sinences, on devra peut-ĂȘtre tenir compte des noms africains en enna : Certennas, sur la cĂŽte de lâAlgĂ©rie (Gssel, l. c., f° 12, n° 20) ; Matugenna, prĂšs de BĂŽne (ibid., ° 9, p. 11, col. 1) : Uppenna, en Tunisie (C. I. L., VIII, 11157) ; Siccenna : Mesnage, l. c., p. 221-2 ; ethnique Bencennensis : ibid., p, 58, et C. I. L., VIII, 15447. 1. En Tunisie : C. I. L., VIII, 15069. 2. Fleuve et ville de MaurĂ©tanie Tingitane : PtolĂ©mĂ©e, IV, 1, 2 et 7. Le mĂȘme mot se retrouve sans doute dans Suburbures, tribu de Numidie (Gsell, l. c., f° 17, n° 214 ; conf. f° 16, n° 468) ; probablement aussi dans Thubursicu Numidarum, Thubursicu Bure, Thuburnica, villes situĂ©es lâune dans lâEst de lâAlgĂ©rie (Gsell, l. c., f° 18, n° 207), les deux autres en Tunisie (C. I. L., VIII, p. 177 et 1428). 3. Noms dâau moins trois villes, situĂ©es dans la province de Constantine et en Tunisie : Gsell, l. c., f° 8, n° 5 ; C. I. L., VIII, p. 77 et 182. 4. Tunisie, rĂ©gion du Kef : Table de Peutinger; C. I. L., VIII, p. 1562. 5. En MaurĂ©tanie CĂ©sarienne : PtolĂ©mĂ©e, IV, 2, 5. Conf. C. I. L., VIII, 19923 : inscrip-tion trouvĂ©e dans la rĂ©gion de Constantine, qui mentionne un prĂ©fet de la tribu des Salas. 6. Ville de BĂ©tique : Bell. hispan., VII, 1 ; VIII, 6 ; etc. ; Pline lâAncien, III, 12. 7. Ville de la rĂ©gion de Tarragone : MĂ©la, II, 90 ; Pline, III, 21 ; PtolĂ©mĂ©e, II, 6, 17 ; C. I. L., II, 4271. 8. Villes de BĂ©tique : Pline, III, 10 et 12 ; PtolĂ©mĂ©e, II, 4, 9. 9. Res publica Obensis, en BĂ©ique : C. I. L., II, 1330. 10. Holder, Alt-celtischer Sprachschatz, s. v. 11. Observons cependant que beaucoup de riviĂšres du lâAfrique du Nord ont changĂ© de main depuis lâĂ©poque romaine. Sous avons dĂ©jĂ indiquĂ© (p. 26-27) que, dans cette contrĂ©e, les cours dâeau nâont pas la mĂȘme importance que dans dâautres pays, par-ticuliĂšrement en France.
326 LES TEMPS PRIMITIFS.
Medjerda) et le Magrada, en Espagne(1) ; lâIsaris, dans lâOuest de lâAlgĂ©rie(2), et les Isara qui sâappellent aujourdâhui lâIsĂšre, lâOise, lâIsar(3) ; le Savus, prĂšs dâAlger(4), la Sava, dans la rĂ©-gion de SĂ©tif(5), et les deux Save, Sava et Savus, affluents de la Garonne et du Danube(6) ; lâAusere de la petite Syrte(7) et lâAu-ser dâĂtrurie(8) ;1âAnatis de la MaurĂ©tanie Tingitane(9) et lâAnas dâEspagne (la Guadiana). Des deux cĂŽtĂ©s de la MĂ©diterranĂ©e, il y a des cours dâeau dont le nom commence par Ar(10) et par Sar(11). Ce sont lĂ de simples indications. Un examen prĂ©cis et Ă©tendu, entrepris par des linguistes, permettra peut-ĂȘtre de dire si elles ont quelque valeur. Il serait, croyons-nous, imprudent dâen faire Ă©tat pour affirmer, sans plus tarder, quâavant les temps historiques, une ou plusieurs langues Ă©troitement apparentĂ©es ont Ă©tĂ© parlĂ©es en Europe et en BerbĂ©rie.____________________ 1. Dans le Nord de la pĂ©ninsule : MĂ©la, III, 15 (seul texte mentionnant cette riviĂšre). 2. GĂ©ographe de Ravenne, Ă©dit. Pinder et Parthey, p. 168 ; conf. Gsell, Atlas, f° 31, n° 42: probablement lâIsser de lâOuest (il y a un autre Isser, en Kabylie). â Il faut peut-ĂȘtre mentionner les deux ÎÏÏαÏΏΞ de PtolĂ©mĂ©e (IV, 2, 2), dans lâOuest de lâAlgĂ©rie et prĂšs de Djidjeli ; lâUsar de Pline (V, 21) et du GĂ©ographe de Ravenne (p. 158), qui pourrait corres-pondre Ă lâIsser de Kabylie. 3. Cependant, pour lâIsaris dâAfrique, il est possible que ce nom soit simplement le mot libyque signifiant riviĂšre (ighzer dans divers dialectes berbĂšres). 4. PtolĂ©mĂ©e, IV, 2, 2. (ΣαÏÎżÏ , gĂ©nitif). 5. Gsell, l. c., f° 16, n°6. 6. Mais le nom des cours dâeau africains ne pourrait-il pas ĂȘtre rapprochĂ© de souf, asif, qui signifient riviĂšre en berbĂšre ? 7. Table de Peutinger ; conf. Tissot, II, p. 604. 8. Pline, III, 50 ; etc. 9. Pline, V, 9 (citant Polybe). Ce nom est-il certain ? Le mĂȘme fleuve, autant quâil semble, est appelĂ© ÎÏÎŹÏ Î±, ou ÎÏÎŹÎŒÎ± dans PtolĂ©mĂ©e (IV, 1, 2), Asana dans Pline (V, 13), ÎÏ ÎŻÏÎ·Ï dans le PĂ©riple de Scylax (§ 112). Des savants ont dâailleurs pensĂ© que lâAnatis mentionnĂ© par Pline est la Guadiana, fleuve espagnol. 10. Armua, sur la cĂŽte, entre Hippone et Tabarca : Pline, V, 22. Armasela, affluent de la Medjerda : Table de Peutinger ; conf. Tissot, l., p. 72. Ardalio, dans la rĂ©gion de Te-bessa : Paul Orose, Adv. Paganos, VII, 36, 6. â En Europe, Arar, Arauris, Arva, Arnus (SaĂŽne, HĂ©rault, Arve, Arno), etc. Il faut dire quâon en retrouve un peu partout ; conf. Tis-sot, I, p. 420. 11. Sardabale ou Sardaval, dans lâOuest de lâAlgĂ©rie : MĂ©la, I, 31 ; Pline, V, 21. â En Europe, Sara, Saravus (Sarre, affluent de la Moselle) ; Sara (Serre, affluent de lâOise), Sarnus (Sarne, en Campanie). â Doit-on aussi mentionner la Sira, dans lâOuest de lâAlgĂ©-rie (GĂ©ographie de Ravenne, p. 158 ; conf. Gsell, l. c., f° 21, n° 28) ? Ces rapprochements ne sont guĂšre convaincants.
CHAPITRE VI
RELATIONS DES INDIGĂNES DE LâAFRIQUE DU NORDAVEC DâAUTRES CONTRĂES
I
Des auteurs grecs et latins racontent ou mentionnent di-verses invasions de lâAfrique septentrionale qui auraient eu lieu dans des temps trĂšs anciens. Avant tout examen, lâon peut Ă©carter ces indications du domaine de lâhistoire et les consi-dĂ©rer soit comme des tables inventĂ©es par des faiseurs de ro-mans, soit comme des traditions trĂšs suspectes, puisque, avant dâĂȘtre Ă©crites, elles auraient passĂ©, pendant de longs siĂšcles, par un grand nombre de bouches et se seraient profondĂ©ment altĂ©rĂ©es. Dans le TimĂ©e, dialogue de Platon(1), Critias rĂ©pĂšte, assu-re-t-il, un rĂ©cit qui aurait Ă©tĂ© fait Ă Solon par un prĂȘtre Ă©gyptien de SaĂŻs ; celui-ci lâaurait trouvĂ© dans des livres sacrĂ©s. En avant des Colonnes dâHĂ©raclĂšs, dans la mer Atlanti-que, existait jadis une Ăźle, lâAtlantis, plus grande que la Libye et lâAsie rĂ©unies. Les souverains trĂšs puissants qui y rĂ©gnaient Ă©tendaient leur domination Ă lâEst du dĂ©troit, sur la Libye jus-que dans le voisinage de lâĂgypte et sur lâEurope jusquâĂ la Tyr-rhĂ©nie (lâItalie). Il arriva quâune expĂ©dition, rĂ©unissant toutes_____________________ 1. P. 24, e-25, d, Dans le Critias, autre dialogue qui eut restĂ© inachevĂ©, Pla-ton fait de lâAtlantis un tableau dont tous les traits sont dus Ă son imagination.
328 LES TEMPS PRIMITIFS.
les forces de cet Ătat, essaya de conquĂ©rir lâĂgypte, la GrĂšce et, dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, tous les pays de la mer intĂ©rieure. Mais les AthĂ©niens arrĂȘtĂšrent les envahisseurs, sauvĂšrent les peuples menacĂ©s et dĂ©livrĂšrent mĂȘme ceux qui Ă©taient asservis en deçà des Colonnes. Plus tard, des tremblements de terre et des inondations anĂ©antirent en un jour et en une nuit vainqueurs et vaincus : tous les guerriers AthĂ©niens furent engloutis et lâAt-lantis sâenfonça dans la mer. Depuis lors, celle-ci est inacces-sible dans ces parages, Ă cause des boues que lâĂźle effondrĂ©e a laissĂ©es. Cet Ă©vĂ©nement se serait passĂ© neuf mille ans avant Platon(1). LâAtlantide nâest mentionnĂ©e que par Platon et par ceux qui lâont lu(2). Est-ce une pure invention du philosophe ? Ou faut-il croire que Solon ait vĂ©ritablement entendu ce rĂ©cit en Ăgypte ? Nous ignorons(3). En tout cas, il est impossible aux historiens____________________ 1. Pour la date, voir Critias, p. 108, e. 2. Entre autres, par les Africains Tertullien (Apolog., 40 ; Ad nationes, I, 9 ; De pallio, 2) et Arnobe (I, 5). â Un certain Marcellus, auteur dâun ouvrage historique inti-tulĂ© ÎÎŻÎșÎżÏÎčÏ, que Procope cite dans son commentaire sur le TimĂ©e (Ă©dit. Diehl, I, p. 177 ; conf. Fragm. hist. grace., IV, p. 443), parlait dâĂźles situĂ©es dans lâOcĂ©an, trois trĂšs grandes, dont lâune, celle de PosĂ©idon, Ă©tait au milieu des deux autres et avait mille stades de tour, et sept autres, plus petites. Les habitants de lâĂźle de PosĂ©idon auraient eu des traditions relatives Ă une Ăźle immense, lâAtlantis, qui, pendant fort longtemps, aurait dominĂ© sur toutes les Ăźles de la mer Atlantique, Mais comment Marcellus, qui ne nous est pas autre-ment connu, a-t-il recueilli ces prĂ©tendues traditions indigĂšnes ? et si ses sept Ăźles sont les Canaries, oĂč sont les trois autres ? Il nây a sans doute dans cette mention de lâAtlantis quâun Ă©cho de Platon. â On nâa donnĂ© aucune bonne raison pour rapporter Ă lâAtlantide un rĂ©cit, dâailleurs purement lĂ©gendaire, que SilĂšne aurait fait au roi Midas (Ălien, Var. hist., III, 18, citant ThĂ©opompe = Fragm. hist. graec., I, p. 289-290) : il y est question dâun continent situĂ© au delĂ de lâOcĂ©an (et non dâune Ăźle de lâOcĂ©an), dâenvahisseurs qui seraient venus de ce continent chez les HyperborĂ©ens (et non en Afrique) et nây seraient dâailleurs pas restĂ©s. Un passage dâAmmien Marcellin (XV, 9, 4), que lâon a aussi allĂ©guĂ©, ne se rapporte pas davantage Ă lâAtlantide. 3. Il y a dans Platon des contradictions qui mettent en dĂ©fiance. Dans le TimĂ©e, Critias dit que cette histoire avait Ă©tĂ© racontĂ©e devant lui, alors quâil Ă©tait enfant, par son aĂŻeul qui la tenait de Salon, et quâil a dĂ» rĂ©flĂ©chir la nuit pour ressembler de lointains sou-venirs. Dans le Critias, il affirme quâil a en sa possession des notes de Salon sur ce sujet et quâil les a beaucoup Ă©tudiĂ©es dans son enfance. Solon, de retour dans sa patrie, nâaurait eu aucun motif de se taire sur les exploits attribuĂ©s aux ancĂȘtres des AthĂ©niens, surtout sâil y croyait au point de vouloir les cĂ©lĂ©brer lui-mĂȘme, comme le dit Platon (et aussi Plutarque,
RELATIONS AVEC DâAUTRES CONTRĂES. 329
de tenir le moindre compte des assertions de Platon et il nous parait superflu de signaler les nombreuses hypothĂšses et dis-cussions auxquelles elles ont donnĂ© lieu(1). Des gĂ©ologues et des zoologistes(2) peuvent dĂ©montrer que, dans un passĂ© trĂšs lointain, lâAmĂ©rique et le Nord-Ouest de lâAfrique furent reliĂ©s par un continent ; que des cataclysmes successifs morcelĂšrent ce pont gigantesque, puis le firent disparaĂźtre, sauf quelques dĂ©-bris, MadĂšre, Açores, Canaries, archipel du cap Vert. Ils peuvent soutenir que les derniers effondrements eurent lieu dans des temps assez rĂ©cents pour que des hommes en aient Ă©tĂ© tĂ©moins ; que le chenal sĂ©parant les Canaries de lâAfrique est postĂ©rieur Ă lâĂ©poque quaternaire. Mais, puisquâils se rĂ©clament de Platon, il leur reste Ă nous convaincre que des contemporains de la civilisation palĂ©olithique, ou mĂȘme de la civilisation nĂ©olithi-que, ont Ă©tĂ© rĂ©unis en un trĂšs grand Ătat, ont formĂ© dâimmenses armĂ©es, construit dâinnombrables vaisseaux, conduit leurs flot-tes Ă travers lâOcĂ©an jusque dans la MĂ©diterranĂ©e; que, dans le mĂȘme temps, les ancĂȘtres des AthĂ©niens ont constituĂ© un Ătat assez puissant pour repousser cette formidable invasion. Nous trouvons dans la Guerre de Jugurtha(3) le rĂ©sumĂ© dâun____________________Solon, XXXI, 7, mais certainement (dâaprĂšs Platon). Il est vraiment bien Ă©tonnant que Platon ait eu Ă les rĂ©vĂ©ler Ă ses concitoyens, deux siĂšcles plus tard : on voit en effet, par les termes mĂȘmes dont il se sert, que les interlocuteurs de Critias les ignoraient. â Si lâon veut absolument que Platon nâait pas inventĂ© ce rĂ©cit, on peut supposer que câest lui, et non Solon, qui lâa entendu en Ăgypte. 1. Voir lâexposĂ© trĂšs dĂ©taillĂ© fait en 1841 par Henri Martin, Ătudes sur le TimĂ©e de Platon, I, p. 257-333. La rĂ©futation de Martin nâa pas empĂȘchĂ© lâĂ©closion de nouvelles dissertations sur lâAtlantide : par exemple, Gaffarel, dans la Revue de gĂ©ographie, 1880, I, p. 241-250, 331-345, 421-430, et II, p. 21-29 ; Lagneau, Revue dâanthropologie, 1880, p. 460-8; nouvelle rĂ©futation par Ploix, ibid., 1887, p. 291-312. Il faut naturellement Ă©carter, avant toutes les autres, les hypothĂšses qui faussent la donnĂ©e du problĂšme (une Ăźle immense en avant du dĂ©troit de Gibraltar) : par exemple celle de Berlioux (les Atlan-tes, Paris, 1882), qui place lâAtlantide dans le Maroc occidental, au pied de lâAtlas, 2. Voir Gentil, le Maroc physique, p. 103-124 ; Termier, dans Revue scienti-fique, n° du 11 janvier 1913 ; Germain, dans Annales de gĂ©ographie, XXII, 1913, p. 209-226. 3. Chap. XVIII. â Allusions Ă la lĂ©gende rapportĂ©e par Salluste dans Pompo-nius MĂ©la, III, 103, et dans Pline, V, 46 : conf. plus loin, p. 334. Je serais peu disposĂ©
330 LES TEMPS PRIMITIFS.
long rĂ©cit quâon avait traduit Ă Salluste dâaprĂšs des livres puni-ques, qui regis Hiempsalis dicebantur (nous reviendrons sur ce membre de phrase) : lâauteur latin ajoute que cet exposĂ©, con-traire Ă la tradition la plus rĂ©pandue, est cependant conforme Ă lâopinion des gens du pays ; dâailleurs, il ne veut pas en prendre la responsabilitĂ©(1). « LâAfrique fut dâabord habitĂ©e parles GĂ©tules et les Li-byens, gens rudes et sauvages, qui se nourrissaient de la chair des bĂȘtes fauves et aussi, comme le bĂ©tail, de lâherbe des champs. Sans mĆurs,sans lois, sans maĂźtres, ils erraient au hasard, sâar-rĂȘtant dans les lieux oĂč la nuit les surprenait. « Lorsque Hercule, selon lâopinion des Africains, mourut en Espagne, son armĂ©e, composĂ©e de diffĂ©rents peuples, ayant perdu un chef dont beaucoup se disputaient la succession, ne tarda pas Ă se disperser. Les MĂšdes, les perses et les ArmĂ©niens qui en faisaient partie passĂšrent en Afrique sur des vaisseaux et occupĂšrent les pays voisins de notre mer. Les Perses sâĂ©tablirent plus loin que les autres, du cĂŽtĂ© de lâOcĂ©an, et se servirent en guise dâhabitations des coques de leurs navires, quâils retour-nĂšrent, car ils ne trouvaient point de matĂ©riaux convenables sur place et ils ne pouvaient pas en tirer dâEspagne par achat ou par Ă©change : lâĂ©tendue de la mer et lâignorance de la langue empĂȘ-chaient tout commerce. Peu Ă peu, ils se fondirent par des ma-riages avec les GĂ©tules. Comme ils sâĂ©taient souvent dĂ©placĂ©s pour Ă©prouver la valeur du pays, ils sâappelĂšrent eux-mĂȘmes Nomades(2). Aujourdâhui encore, les demeures des paysans Nu-mides, les mapalia, ainsi quâils les nomment, ressemblent Ă une carĂšne de navire par leur forme oblongue et leur toiture cintrĂ©e,____________________Ă trouver un Ă©cho de cette lĂ©gende (voir Pichon, les Sources de Lucain, p. 35, n. 8) dans ces vers de Lucain (IV, 680-1) : acquaturus sagittas Modorom, tremulum cum torsit missile, Mazax.
1. Chap. XVII, in fine. 2. « Semet ipsi Nomadas adpellavere. »
RELATIONS AVEC DâAUTRES CONTRĂES. 331
« Aux MĂšdes et aux ArmĂ©niens sâunirent les Libyens, qui vivaient plus prĂšs de la mer africaine(1) (tandis que les GĂ©tules Ă©taient plus exposĂ©s aux ardeurs du soleil, non loin de la zone torride). Ils eurent de bonne heure des villes, car, nâĂ©tant sĂ©-parĂ©s de lâEspagne que par le dĂ©troit, ils instituĂšrent avec les habitants de cette contrĂ©e un commerce dâĂ©changes. Le nom des MĂšdes fut peu Ă peu altĂ©rĂ© par les Libyens, qui, dans leur langue barbare, les appelĂšrent Maures. « Cependant la puissance des Perses sâaccrut rapidement. LâexcĂšs de la population obligea une partie dâentre eux Ă sâĂ©loi-gner de leurs familles et, sous le nom de Numides, ils allĂšrent occuper le pays qui sâappelle la Numidie, Ă proximitĂ© de Car-thage. Plus tard, ces deux fractions des Numides, se prĂȘtant un mutuel appui, soumirent Ă leur domination leurs voisins, soit par les armes, soit par la crainte, et accrurent leur nom et leur gloire : surtout les Numides qui sâĂ©taient avancĂ©s jusquâĂ notre mer, car les Libyens sont moins belliqueux que les GĂ©tules. La plus grande partie de la rĂ©gion infĂ©rieure de lâAfrique(2) fait par tomber au pouvoir des Numides et tous les vaincus se fondirent avec les vainqueurs, dont ils prirent le nom. » Salluste dit que ce rĂ©cit est empruntĂ© Ă des livres(3) en lan-gue punique. Qui les avait Ă©crits ? Lorsque Carthage disparut, en 146, les bibliothĂšques que lâincendie Ă©pargna Ă©churent Ă des rois indigĂšnes(4). Peut-ĂȘtre une partie des ouvrages qui les composaient devint-elle la pro-priĂ©tĂ© dâHiempsal, roi de Numidie au commencement du pre-mier siĂšcle avant notre Ăšre(5), petit-fils et petit-neveu des princes____________________ 1. La MĂ©diterranĂ©e. 2. La rĂ©gion du littoral. 3. Plus probablement Ă un ouvrage en plusieurs livres. 4. Pline, XVIII, 22 : « senatus noster... Carthagine capta⊠cum regulis Afri-cae bibliothecas donaret.... » 5. Il ne sâagit pas dâun autre Hiempsal (fils de Micipsa), qui fut assassinĂ© dĂšs le dĂ©but de son rĂšgne.
332 LES TEMPS PRIMITIFS.
contemporains de la destruction de Carthage, Le gĂ©nitif em-ployĂ© par Salluste (ex libris punicis qui regis Hiempsalis di-cebantur) marquerait la possession(1), et il faudrait en conclure que lâauteur Ă©tait un Carthaginois. Cependant on ne voit guĂšre pourquoi Salluste aurait nommĂ© ici Hiempsal, qui nâaurait Ă©tĂ©, parmi les souverains numides, ni le premier, ni sans doute le dernier dĂ©tenteur de ces livres : ils durent passer Ă son fils Juba Ier, roi du pays avant la constitution de la province romaine dont Salluste fut le premier gouverneur. Les termes dont lâhistorien se sert indiquent plutĂŽt que lâauteur Ă©tait Hiempsal(2). Certains princes numides ne dĂ©daignaient pas la littĂ©rature : le grand-pĂšre dâHiempsal, Mastanabal, Ă©tait, nous dit-on, instruit dans les lettres grecques(3) ; son petit-fils, Juba II, fut un Ă©crivain grec cĂ©lĂšbre. Il nây aurait pas lieu de sâĂ©tonner quâHiempsal se fĂ»t servi de la langue punique. Ces rois Ă©taient tout imbus de civili-sation carthaginoise : plusieurs dâentre eux portaient des noms puniques (Mastanabal, Adherbal) ; leur langue officielle Ă©tait le punique, comme le prouvent leurs monnaies; enfin nous Ve-nons de voir quâils recueillirent les dĂ©bris des bibliothĂšques de Carthage. Ajoutons que cette seconde hypothĂšse parait mieux justifier la vogue dont le rĂ©cit traduit par Salluste jouissait par-mi les habitants du pays. Quoi quâil en soit, nous y reconnaissons un Ă©lĂ©ment propre-ment phĂ©nicien. Cet Hercule, mort en Espagne, Ă©tait sans doute le dieu qui avait prĂšs de GadĂšs, colonie tyrienne, un sanctuaire fameux oĂč lâon montrait son tombeau(4) : câĂ©tait Melqart, le « maĂźtre de la ville » (de Tyr), dont le culte se rĂ©pandit Ă travers____________________ 1. Conf. QuatremĂšre, Journal des Savants, 1838, p. 301. Voir aussi Meltzer, Geschichte der Karthager, I, p; 435. 2. Opinion de Movers, die Phönizier, II, 2, p. 111, et de beaucoup dâautres. 3. Live, Epit. I. L : « Graecis litteris eruditus ». 4. Pomponius MĂ©la, III, 46 : « .... templum Aegyptii Herculis conditoribus, religione, vetustate, opibus inlustre. Tyrii constituere ; cur sanctum sit ossa eius ibi sita efficiunt » Arnobe, I, 36 : « Thebanus aut Tyrius Hercules, hie in finibus sepultus Hispaniae, flammis alter concrematus Oetaeis. »
RELATIONS AVEC DâAUTRES CONTRĂES. 333
la MĂ©diterranĂ©e et que les Grecs identifiĂšrent avec leur HĂ©ra-clĂšs. Les lĂ©gendes qui se rapportent aux expĂ©ditions dâHercule en Occident sont trĂšs nombreuses. On peut supposer que cer-taines dâentre elles se rattachent, dâune maniĂšre plus ou moins Ă©troite, Ă Melqart(1). Cependant les Grecs, Ă lâimagination fer-tile, ont dit prendre une part beaucoup plus importante que les PhĂ©niciens Ă la formation de ces fables, soit quâils les aient attribuĂ©es Ă un dieu purement grec, HĂ©raclĂšs, soit que le culte de Melqart, constatĂ© par eux en divers lieux, ait fourni des traits Ă leurs contes. De leur cĂŽtĂ©, les Ă©crivains de langue punique, fortement imprĂ©gnĂ©s de culture hellĂ©nique, purent faire des emprunts aux Grecs. Il est bien difficile, sinon impossible, de dĂ©mĂȘler les Ă©lĂ©ments dont se compose chaque lĂ©gende. Dans celle que nous Ă©tudions, une indication est dâorigi-ne grecque : câest lâĂ©tymologie du nom des Numides, identifiĂ© avec le mot ÎœÎżÎŒÎŹÎŽÎ”Ï, des nomades(2). Il sâagit soit dâun nom africain, que les Grecs auraient transformĂ© en ÎÎżÎŒÎŹÎŽÎ”Ï, par un jeu de mots, soit dâune appellation purement grecque(3). Ce fu-rent sans doute aussi des Grecs qui, les premiers, donnĂšrent le nom de Libyens (ÎÎŻÎČÏ Î”Ï) aux habitants de la BerbĂ©rie. Ce nom, sous sa forme africaine Lebou, dĂ©signa dâabord des indigĂšnes qui vivaient au Nord-Ouest de la vallĂ©e du Nil ; les Grecs durent le recevoir des Ăgyptiens et le retrouver ensuite en CyrĂ©naĂŻ-que ; plus tard, ils lâĂ©tendirent jusqu Ă lâextrĂ©mitĂ© occidentale de lâAfrique du Nord. Notons encore que la courte description des mĆurs des autochtones rĂ©pond Ă une conception en quelque sorte classique, bien que trĂšs contestable, de la vie primitive____________________ 1. Mais non pas toutes, comme lâa prĂ©tendu Movers, die Phönizier, II, 2, p. 117 et suiv. 2. Conf. Meltzer, l. c., I, p. 57, 58. 3. Dans la premiĂšre hypothĂšse, le latin Numidae pourrait reproduire plus exactement le nom indigĂšne ; dans la seconde, les Romains auraient adoptĂ© le nom grec, en lui faisant subir une altĂ©ration difficile Ă expliquer.
334 LES TEMPS PRIMITIFS.
de lâhumanitĂ©(1) : peut-ĂȘtre est-elle Ă©galement dâorigine grec-que. Dâautre part, un dĂ©tail est africain. Câest en effet lâaspect des cabanes, des mapalia des Numides qui a inspirĂ© le passage relatif aux vaisseaux des Perses, retournĂ©s et transformĂ©s en habitations. Nous distinguons donc dans notre lĂ©gende des Ă©lĂ©ments phĂ©niciens, grecs et africains. Pourquoi amĂšne-t-elle jusquâen Afrique des Perses, des ArmĂ©niens et des MĂšdes, dont la venue dans cette contrĂ©e est tout Ă fait invraisemblable(2) ? Pour les Perses, on peut donner une explication trĂšs plau-sible(3). Nous avons vu(4) quâau Sud du Maroc, divers auteurs signalent des Pharusii et des Perorsi, qui nâĂ©taient probable-ment quâun seul et mĂȘme peuple, bordant le rivage de lâOcĂ©an, mais sâenfonçant au loin dans lâintĂ©rieur des terres. Par dĂ©sir de les rattacher Ă une nation cĂ©lĂšbre, on en fit des Perses. Pli-ne(5), mentionnant les Pharusii, ajoute : quondam Persac ; il y a lĂ une allusion Ă la lĂ©gende, comme le prouvent les mots qui suivent : comites fuisse dicuntur Herculis ad Hesperidas tendentis(6). Les MĂšdes ont-ils Ă©tĂ© introduits dans cette fable____________________ 1. Conf. plus haut, p. 216. 2. Quoi quâen ait dit Movers (l. c., II, 2, p. 124-5), qui croit que ces peuples ont pu prendre part Ă la colonisation phĂ©nicienne, reprĂ©sentĂ©e dans le rĂ©cit dâHiempsal par Hercule, câest-Ă -dire Melqart de Tyr. â Voir le rĂ©sumĂ© de diverses hypothĂšses dans Vi-vien de Saint-Martin, le Nord de lâAfrique dans lâantiquitĂ©, p. 126. Cet auteur me parait avoir indiquĂ© la vraie solution, du moins dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale : invention pour ex-pliquer les noms de certaines peuplades indigĂšnes ; conf. Meltzer, l. c., I, p. 57 et 434 ; Tissot ; GĂ©ographie, I, p. 413, n. 1. Isidore de SĂ©ville (Ethymol., 1X, 2, 118) prĂ©sente une explication analogue et aussi absurde peur les GĂ©tules : « Getuli Getae dicuntur fuisse, qui ingenti agmine a locis suis navibus conscendentes loca Syrtium in Libya accupaverunt, et, quin ex Getis venerant, derivato nomine Getuli engnominati sunt. » 3. Vivien, p. 127-8. 4. P. 265-6. 5. V, 46. 6. Conf. MĂ©la, III, 103 ; « Pharusii atiquando tendente ad Hesperidas Hercule di-tes. » Varron (apud Pline, III, 8) faisait venir des Perses en Espagne. Sâagit-il dâune vieille tradition, dâorigine inconnue, qui, avec lâexistence des Pharusii, des Perarsi en Afrique, a pu contribuer Ă la formation de la lĂ©gende ? Il est plus probable que Varron a connu le rĂ©cit
RELATIONS AVEC DâAUTRES CONTRĂES. 335
pour justifier lâappellation de Maures donnĂ©e Ă une grande par-tie des indigĂšnes ? Le passage Libyes... barbara lingua Mauros pro Medis adpellantes pourrait le faire croire. Il faudrait con-naĂźtre exactement le nom, employĂ© en Afrique, que les Romains ont transcrit Mauri et dont les Grecs ont fait ÎÎ±Ï ÏÎżÏÏÎčÎżÎč. Sâil sâagit dâun mot phĂ©nicien signifiant les Occidentaux, câĂ©tait Mahourim, ou quelque forme voisine; mais peut-ĂȘtre le terme dont les indigĂšnes se servaient ressemblait-il davantage au nom que les PhĂ©niciens donnaient aux MĂšdes(1). Quant aux ArmĂ©-niens, leur prĂ©tendue invasion doit sâexpliquer de la mĂȘme ma-niĂšre : il y avait sans doute quelque peuplade africaine portant un nom analogue; cependant on nâa prĂ©sentĂ© Ă cet Ă©gard que des hypothĂšses peu satisfaisantes(2). Puisquâon faisait venir de si loin les prĂ©tendus ancĂȘtres dâune partie des indigĂšnes, il fallait leur donner quelquâun pour les conduire. Hercule, lâinfatigable voyageur, Ă©tait dĂ©signĂ© pour ce rĂŽle ; nous allons voir que ce nâest pas la seule lĂ©gende____________________reproduit par Salluste dans le Jugurtha ; peut-ĂȘtre les deux indications du Misa et de Pline relatives aux Pharusii, que nous venons de citer, lui ont-elles Ă©tĂ© empruntĂ©es. 1. Pour expliquer la mention de ces MĂšdes, un a invoquĂ© les noms de plusieurs tribus berbĂšres signalĂ©es par des auteurs arabes : les Medùça, les Mediouna (Vivien, p. 127 ; conf. Tissot, I, p. 413, n. t), les Masmouda (Tauxier, Revue africaine, VII. 1863, p. 464 ; Bertholon, Revue tunisienne. V, 1898, p. 432). On a aussi parlĂ© de la Medjana, grande plaine, Ă lâOuest de SĂ©tif (Cat. Essai sur la province romaine de MaurĂ©tanie CĂ©-sarienne, p.173 ; ce nom pourrait venir directement dâun terme employĂ© par les Latins, Medianas, mais celui-ci est peut-ĂȘtre dâorigine indigĂšne). On peut encore penser Ă un ethnique qui se retrouverait dans Madghis, Madghes, prĂ©tendu ancĂȘtre dâune des deux grandes familles des BerbĂ©res (Ibn Khaldoun, Histoire des BerbĂšres, trad. de Slane, I, p, 168 et 181 ; conf. III, p. 180 et 181) ; dâoĂč Madghasen, nom donnĂ© Ă un tombeau royal de Numidie (Gsell, Monuments antiques de lâAlgĂ©rie, I, p. 63 et suiv.). Ou bien au mot .Mazic, ethnique qui reparaĂźt dans diverses rĂ©gions de lâAfrique du Nord ; dans ces mot le z avait un son voisin du d (C. I. L., VIII, 9613 ; Gsell, Rec. de Constantine, XXXVI, 1902, p. 23, n. 2). Mazigh, fils de Canaan, passait pour lâancĂȘtre dâune partie des BerbĂšres: Ibn Khaldoun, l. c., I, p. 169 et 178. Mais toutes ces conjectures sont Ă©videmment trĂšs peu solides. 2. Vivien de Saint-Martin (p. 127) pense aux Ourmana, mentionnĂ©s par Ibn Khaldoun (l. c., I, p. 279) ; Miller (dans Philologus, LVI, 1897, p. 333), ou bien aux riverains du fleuve Armua, en Numidie (Pline, V, 22), ou mĂȘme aux Garamantes. Je ne suis nullement convaincu.
336 LES TEMPS PRIMITIFS.
oĂč il figure comme chef dâexpĂ©ditions venues de lâAsie. Les Perorsi Ă©tant Ă©tablis sur la cĂŽte de lâOcĂ©an, il Ă©tait naturel de faire passer leurs aĂŻeux par lâEspagne. La mort dâHercule dans cette contrĂ©e expliquait pourquoi les Asiatiques, privĂ©s dâun tel chef, sâĂ©taient contentĂ©s dâoccuper une rĂ©gion limitĂ©e du litto-ral, Ă proximitĂ© de la pĂ©ninsule ibĂ©rique, au lieu de conquĂ©rir immĂ©diatement toute la BerbĂ©rie. En somme, tout est fable dans ce rĂ©cit(1). Je ne vois mĂȘme pas pourquoi lâon y chercherait un souvenir trĂšs vague dâune grande invasion qui aurait pĂ©nĂ©trĂ© dans lâAfrique septentrio-nale par le dĂ©troit de Gibraltar(2).
II
Selon Strabon(3), quelques-uns disaient que les Maures Ă©taient des Indiens, qui Ă©taient venus en Libye avec HĂ©raclĂšs. On nâa pas dâautres renseignements sur cette lĂ©gende(4). Nous savons ce quâil faut penser du rĂŽle attribuĂ© Ă Hercule. Quant aux Indiens, rien ne permet de croire quâils aient contribuĂ© au peuplement de lâAfrique du Nord. Carl Ritter(5) a rapprochĂ©, il est vrai, le nom de BerbĂšres, donnĂ© par les Arabes aux indigĂšnes du Maghrib, de plusieurs autres noms que lâon rencontre soit en Inde (les Warwara, qui, dans des temps reculĂ©s, auraient habitĂ© dans le Dekhan), soit sur le golfe dâAden (la rĂ©gion appelĂ©e____________________ 1. Que Movers (l. c., II, 2, p. 112 123-4) considĂšre comme un document de la plus haute importance pour lâhistoire ancienne de lâAfrique. 2. « Ainsi sâexplique la prĂ©sence, parmi les Kabyles de lâAlgĂ©rie, de tribus blon-des » : Lenormant (et Babelon), Histoire ancienne de lâOrient. VI, p. 605-6. Conf. Tissot, GĂ©ographie, I, p. 414. 3. XVII, 3, 7 : ΀οÏÏ ÎŽÎ ÎÎ±Ï ÏÎżÏ ÏÎŻÎżÏ Ï ÎÎœÎčÎżÎč ÏαÏÎčÎœ ÎÎœÎŽÎżÏÏ Î”ÎΜαÎč ÏÎżÏÏ ÏÏ ÎłÏαÏΔλΞÏÎœÏÎ±Ï ÎÏαÏλΔΠΎΔΰÏÎż. 4. Il parait tĂ©mĂ©raire de citer ici Lucain (IV, 678-9 « concolor Indo Maurus », et JuvĂ©nal (XI, 125) : « Mauro obscurior Indus ». Il se peut cependant que les gens dont parle Strabon nâaient pas eu dâarguments plus sĂ©rieux que ces comparaisons pour ratta-cher les Maures aux Indiens. 5. Die Erdkunde, 2e Ă©dit (1822), I, p, 554 et suiv. Conf. Vivien de Saint-Martin, p. 208-9.
RELATIONS AVEC DâAUTRES CONTRĂES. 337
dans lâantiquitĂ© Barbaria, oĂč se trouve le lieu quâon nomme encore aujourdâhui Berbera), soit en Nubie (les Barabra(1), qui vivent dans la vallĂ©e du Nil entre la premiĂšre et la quatriĂšme cataracte; il y a sur le fleuve, en aval du confluent de lâAtbara, un lieu appelĂ© Berber)(2). Ces noms ne jalonneraient-ils pas la route suivie par les BerbĂšres entre lâInde et le Nord-Ouest du continent africain ? Mais une telle hypothĂšse nâest pas soutena-ble. Sans vouloir discuter lâorigine des autres noms indiquĂ©s, il nous suffira dâobserver que, dans le Maghrib, le terme Berber nâest pas un ethnique datant dâune Ă©poque trĂšs lointaine, quâil est simplement le mot latin barbarus, ou, comme lâon disait dans lâAfrique romaine, barbar(3). Avant lâinvasion arabe, il dĂ©-signait les indigĂšnes restĂ©s rĂ©fractaires Ă la civilisation latine ; pour les Arabes eux-mĂȘmes, il sâopposait au terme Roum, les Romains(4). JosĂšphe(5) donne une trĂšs courte indication qui peut faire supposer que certains auteurs attribuaient aux GĂ©tules une ori-gine orientale. Lâhistorien juif, commentant le chapitre X de la GenĂšse, dit quâÎÏ ÎŻÎ»Î±Ï (HĂ©vila), fils de Koush et petit-fils de Cham, fut lâauteur des ÎÏÎčλαίοÎč, « qui maintenant sont appelĂ©s GĂ©tules (ÎαÎčÏοΰλοÎč)(6) ». Or les fils de Koush Ă©numĂ©rĂ©s dans la Bible(7) (le passage semble dater du VIe ou du Ve siĂšcle)______________________ 1. Au singulier Berberi. 2. Ritter allĂšgue aussi un passage dâHĂ©rodote (II, 158) : ÎαÏÎČÎŹÏÎżÏ Ï ÎŽÎ ÏÎŹÎœÏÎ±Ï ÎżÎŻ ÎÎŻÏÏÏÎčÎżÎč ÏαλÎÎżÏ ÏÎč ÏÎżÏÏ ÎŒÎź ÏÏÎŻÏÎč ÏÎŒÎżÎłÎ»ÏÏÏÎżÏ Ï. Mais le mot ÎČÎŹÏÎČαÏÎżÏ est pure-ment grec et HĂ©rodote sâen sert ici pour traduire un terme Ă©gyptien. 3. Appendix Probi, Ă©dit. Heracus, dans Archiv fĂŒr lateinische Lexikographie, XI, p. 397 : [il faut dire] « barbarus, non barbar ». Avec G. Paris et dâautres, je crois que cette liste de fautes de langage a Ă©tĂ© rĂ©digĂ©e en Afrique, au IIIe siĂšcle de notre, Ăšre. 4. Kaltbrunner (rĂ©fĂ©rence indiquĂ©e Ă la p. 306, n. 7) a soutenu aussi que, dans les temps prĂ©historiques, une migration partie de lâInde Ă©tait venue peupler tout le Nord de lâAfrique. Il sâest fondĂ© sur la rĂ©partition des dolichocĂ©phales et des dolmens : arguments dĂ©nuĂ©s de valeur. 5. Antiq. jud., I, 6, 2. 6. conf. saint JĂ©rĂŽme, Quaest, Hebraic, in Genesim, X, 7 (dans Migne, Patr. lat., XXIII, p. 953 ; « Evila, Getuli in parte remotioris Africae eremo cohnerentes. » 7. GenĂšse, X, 7.
338 LES TEMPS PRIMITIFS.
reprĂ©sentent les peuples qui occupaient les pays situĂ©s au Sud de lâĂgypte(1) et aussi lâArabie mĂ©ridionale(2). Mais, comme nous ne savons nullement pourquoi JosĂšphe identifie les GĂ©-tules avec les ÎÏÎčλαÎÎżÎč, il vaut mieux nous abstenir dâinutiles hypothĂšses(3). Un rĂ©cit aussi fameux que celui de Salluste se trouve dates Procope(4), qui prĂ©tend expliquer dâoĂč les Maures (ÎÎ±Ï ÏÎżÏÏÎčÎżÎč) vinrent en Libye et comment ils sây Ă©tablirent. « Lorsque les HĂ©breux, aprĂšs leur sortie dâĂgypte, arrivĂš-rent prĂšs des limites de la Palestine, Moise..., qui les avait guidĂ©s,____________________ 1. Câest ce quâentend JosĂšphe quand il dit que ΧοΰÏÎżÏ fut le chef des Ăthio-piens. 2. Il est vraisemblable quâHĂ©vila est une rĂ©gion de cette derniĂšre contrĂ©e : voir Guthe, dans la RealenfcyclopĂ€die fĂŒr protest. Theologie dâHerzog-Hauck, XX. p. 716. 3. Dans le mĂȘme passage, JosĂšphe indique quâun fils de Cham ΊοÏÏηÏ, colinisa la Libye, et il signale un fleuve de ce nom qui ce trouvait un MaurĂ©tanie : il sâagit dâun cours dâeau dĂ©bouchant dans lâOcĂ©an, que Pline (V, 13) appelle Fat, et PtolĂ©mĂ©e (IV, I, 2) ΊοÏΞ, aujourdâhui lâoued Tensift. DĂ©jĂ les Septante ont quelquefois traduit Phout par ÎÎŻÎČÏ Î”Ï (ĂzĂ©chiel XXVII, 20 ; XXXVIII, 5). Pourtant, dans la GenĂšse, Phout est le Pouault des Ăgyptiens, câest-Ă -dire le sud de lâArabie et le pays des Somalis. Est-ce le nom du fleuve mauritanien qui a fait assigner la Libye aux enfants de Phout ? Ce fut peul-ĂȘtre par un motif aussi futile quâon transforma les GĂ©tules en enfants dâHĂ©vila. â Il nây a pas non plus Ă tenir compte dâune autre indication de JosĂ©phe (Antiq. jud., I, 15 ; conf. EusĂšbe, Pruep. Evang., IX, 20) : un petit-fils dâAbraham, Ophren (ÎÏÏÎźÎœ), serait allĂ© occuper la Libye, que ses descendants, Ă©tablis dans ce pays, auraient appelĂ©e ÎÏÏÎčαη, dâaprĂšs son nom. Selon Alexandre Polyhistor, que JosĂšphe cite Ă ce sujet, deux fils dâAbraham, Apheras et Iaphra, firent compagne en Libye avec HĂ©raclĂ©s, lors de son expĂ©dition contre AntĂ©e ; dâeux vinrent les noms de la ville, dâAphra et de la terre dâAfrique. Ou voit que ces personnages ont Ă©tĂ© introduits en Libye (Ă la suite dâHercule, comme dâautres) pour fournir une Ă©tymologie fantaisiste. 4. Bell. Vand., II, 10, 13 et suiv. â Ăchos du rĂ©cit de Procope : 1°dans Ăvagre, Hist. Eccles., IV, 18 (Migne, Patr. Gr., LXXXVI, p. 2736) ; il cite expressĂ©ment Procope ; Georges le Syncelle, Chronogr., p. 87 de lâĂ©dit. De Bonn ; ThĂ©ophane, Chronogr., 170 (Migne, Patr. gr., CVIII, p. 452) ; Suidas, s. v. Î§Î±ÎœÎ±ÎŹÎœ ; 2° dans le Talmaud (rĂ©fĂ©rence apud Movers, II, 2, p. 427) ; 3° dans MoĂŻse de Kharen (I, 19), dont lâHistoire dâArmĂ©nie date du VIIIe siĂšcle, et non du Ve, comme on lâavait cru, et qui, dans ce passage, sâest servi de la mĂȘme source intermĂ©diaire que Suidas, peut-ĂȘtre un fragment perdu de la Chronique de Malalas (CarriĂšre, Nouvelles sources de MoĂŻse de Khoren, SupplĂ©ment, Vienne, 1804, p. 30 et suiv.) ; 4° dans une indication dâIbn el Kelbi, citĂ© par Ibn Khal-doun (Histoire des BerbĂšres, trad. De Slane, I, p. 177). â Dans une version latine de la Chronique de saint Hippolyte, il est dit aun sujet des Ăźles BalĂ©ares : « Harum inhabitatores fuerunt Chananei fugientes a facie Ihesu, Illi Nave⊠Gades autem ielusei condiderunt et ipsi similiter profugi » : Mominsen, Chronica minora, I, p. 110, § 216. Câest certainement une addition inspirĂ©e par le rĂ©cit de Procope.
RELATIONS AVEC DâAUTRES CONTRĂES. 339
mourut. Il eut pour successeur JĂ©sus(1), fils de NavĂ©, qui fit en-trer ce peuple en Palestine et qui occupa le pays, montrant dans la guerre une valeur surhumaine. Il triompha de toutes les tri-bus, sâempara sans peine des villes et acquit la rĂ©putation dâun chef invincible. Alors toute la rĂ©gion maritime qui sâĂ©tend de Sidon jusquâaux frontiĂšres de lâĂgypte Ă©tait appelĂ©e PhĂ©nicie ; dĂšs une Ă©poque lointaine, elle fut soumise Ă un roi, comme le disent dâun commun accord ceux qui ont Ă©crit sur les anti-quitĂ©s phĂ©niciennes. LĂ vivaient des tribus qui comptaient une grande multitude dâhommes, les GergĂ©sĂ©ens, les JĂ©busĂ©ens et dâautres encore qui sont nommĂ©s dans lâhistoire des HĂ©breux. Cette population, lorsquâelle vit quâil Ă©tait impossible de rĂ©-sister au gĂ©nĂ©ral Ă©tranger, sortit de sa patrie et se rendit en Ăgypte. Mais, constatant que la place lui manquerait dans une contrĂ©e qui fut de tout temps trĂšs peuplĂ©e, elle se dirigea vers la Libye. « Les nouveaux venus lâoccupĂšrent tout entiĂšre, jus-quâaux Colonnes dâHĂ©raclĂšs, et y fondĂšrent un grand nom-bre de villes ; leur descendance y est restĂ©e et parle encore aujourdâhui la langue des PhĂ©niciens. Ils construisirent aussi un fort en Numidie, au lieu oĂč sâĂ©lĂšve la ville de Tigisis. LĂ , prĂšs de la grande source, on voit deux stĂšles de pierre blan-che, portant, gravĂ©e en lettres phĂ©niciennes et dans la langue des PhĂ©niciens, une inscription dont le sens est: « Nous som-mes ceux qui avons fui loin de la face du brigand JĂ©sus, fils de NavĂ©(2). » « Avant eux, la Libye Ă©tait habitĂ©e par dâautres peuples qui, sây trouvant fixĂ©s depuis une haute antiquitĂ©, Ă©taient regardĂ©s comme autochtones... Plus tard, ceux qui quittĂšrent la PhĂ©ni-cie avec Didon allĂšrent rejoindre ces parents, Ă©tablis en Libye,____________________ 1) JosuĂ©. 2) II, 16, 22 : [ÏÏΟλαÎč] ÎłÏÎŹÎŒÎŒÎ±Ïα ΊοÎčÎœÎčÏÎčÏÎŹ ÎÎłÏΔÏÎżÎ»Î±ÎŒÎŒÎΜα ÎÏÎżÏ ÏαÎč ÏÎź ΊοÎčÎœÎŻÏÏÎœ γλÏÏÏη λÎÎłÎżÎœÏα ÏΎΔ « ÎΌΔÎÏ ÎÏΌΔΜ οί ÏÏ ÎłÏÎœÏÎ”Ï ÎŹÏÏ ÏÏÎżÏÏÏÎżÏ ÎηÏÎżÏ Ïοΰ ληÏÏοΰ, Ï ÎŻÎżÎ° ÎÎ±Ï Îź ».
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et furent autorisĂ©, par eux Ă fonder Carthage. Puis, devenue grande et trĂšs peuplĂ©e, Carthage fit la guerre Ă ses voisins, qui, comme nous lâavons dit, Ă©taient venus de Palestine et qui sâap-pellent maintenant les Maures. Elle les vainquit et les refoula le plus loin quâelle put. » Tigisis Ă©tait situĂ©e Ă environ cinquante kilomĂštres au Sud-Est de Constantine, au lieu appelĂ© aujourdâhui Ain el Bordj(1). On y retrouve la source abondante dont parle Procope : celui-ci, qui avait accompagnĂ© BĂ©lisaire en Afrique et Ă©tait ensuite restĂ© auprĂšs du gĂ©nĂ©ral Solomon, avait peut-ĂȘtre visitĂ© Tigisis ; en tout cas, il lui Ă©tait facile dâĂȘtre renseignĂ©. Nous pouvons parfaitement admettre lâexistence dans ce bourg, au VIe siĂšcle, de deux stĂšles portant des inscriptions en langue et en Ă©criture phĂ©niciennes. On en a dĂ©couvert dans la rĂ©gion(2) ; elles offrent le type dâalphabet qualifiĂ© de nĂ©opunique, qui fut en usage sous la domination romaine et mĂȘme auparavant. Ce sont soit des dĂ©dicaces religieuses, soit des Ă©pitaphes. Il nâest pas vraisem-blable quâon en fit encore dans le pays Ă lâĂ©poque de Procope; il est mĂȘme fort possible qu il nây ait eu alors Ă Tigisis per-sonne en Ă©tat de dĂ©chiffrer ces textes. Un siĂšcle environ plus tĂŽt, au temps de saint Augustin, le punique Ă©tait encore parlĂ©, sinon aux environs de Constantine, du moins dans les rĂ©gions de BĂŽne et de Souk Ahras(3) : mais câĂ©tait un idiome dont se ser-vaient les paysans et que les savants dĂ©daignaient : il ne devait guĂšre sâĂ©crire. En tout cas, la traduction donnĂ©e Ă Procope de ces inscriptions plus ou moins anciennes est Ă©videmment fan-taisiste. Elle est peut-ĂȘtre une invention de quelque clerc(4), qui savait par la Bible que les HĂ©breux sâĂ©taient Ă©tablis Ă lâOuest____________________ 1. Gsell, Atlas archĂ©ologique de lâAlgĂ©rie, f° 17, n° 340. 2. Voir Gsell, dans Recueil de mĂ©moires publiĂ©s en lâhonneur du XIVe CongrĂšs des Orientalistes par lâĂcole des Lettres dâAlger (Alger, 1903), p. 367-8. 3. Gsell, Recueil citĂ©, p. 366-7. 4. Ou, si lâon veut, dâun Juif. ÎηÏÎżÎ°Ï et ÎÎ±Ï Îź est une forme adoptĂ©e par les Septante ; naturellement, elle ne pouvait pas figurer dans un texte sĂ©mitique. Mais il ne faut pas attacher dâimportance Ă ce dĂ©tail, puisque Procope ne nous donne quâune
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du Jourdain aux dĂ©pens de divers peuples, les GergĂ©sĂ©ens, les JĂ©busĂ©ens, etc., habitants du pays de Canaan. Ce dernier nom sâappliquait non seulement Ă lâintĂ©rieur de la Palestine, mais aussi au littoral occupĂ© par les PhĂ©niciens : dans la fameuse Ă©numĂ©ration des descendants de NoĂ© qui se trouve au chapitre X de la GenĂšse(1), Sidon est appelĂ© le pre-mier-nĂ© de Canaan. Les PhĂ©niciens eux-mĂȘmes sâen servaient(2). Aussi les Africains qui parlaient encore la langue phĂ©nicienne Ă lâĂ©poque de saint Augustin reçurent-ils et acceptĂšrent-ils le nom de CananĂ©ens(3). Un demi-lettrĂ© pouvait en conclure quâils descendaient des CananĂ©ens de Palestine et, puisque JosuĂ© pas-sait peur avoir conquis cette contrĂ©e, il Ă©tait naturel dâadmettre que les vaincus lâavaient alors quittĂ©e et quâils avaient pris le chemin de lâAfrique. Telle parait ĂȘtre lâorigine du rĂ©cit de Pro-cope. Il nâa, comme on le voit, aucune valeur historique. Quelques savants ont Ă©tĂ© cependant dâun avis diffĂ©rent(4). Movers a cru que la prise de possession de la Palestine par les____________________interprĂ©tation de lâinscription (conf. Schröder, die phönizische Sprache, p. 3). 1. X, 15. 2. Voir E. Meyer, Geschichte des Altertums, 2e Ă©dit., I, 2, p. 389. 3. Augustin, Epistolae ad Homanos inchoata expositio, 13 (Migne, Patr. lat., XXXIV-V, p. 2096) : « Interrogati rustici nostri quid sint, punice respondentes Chenani, corrupta scilicet voce, sicut in talibus solet, quid aliud respondent quam Chananaei ? ». Les PhĂ©niciens ont-ils introduit ce terme en Afrique, en se dĂ©signant par un ethnique dĂ©rivĂ© du nom de leur pays dâorigine ? Nous nâen avons en tout cas aucune preuve. Peut-ĂȘtre le nom de CananĂ©ens, donnĂ© aux Africains parlant le punique, date-t-il seulement du temps oĂč le christianisme et, par consĂ©quent, la connaissance de la Bible, commencĂšrent Ă se rĂ©pandre. Dans plusieurs documents qui dĂ©pendent de la Chronique de saint Hip-polyte, Ă©crite en 235 de notre Ăšre, il est dit que les ÎÏÏÎżÎč et ÎŠÎżÎŻÎœÎčÏÎčÏ (Afri et Phoenices) descendent de Canaan : voir Bauer, Chronik des Hippolylos, p. 66 ; Chronique pascale, I, p. 49 de lâĂ©dition de Bonn. Cette indication devait se trouver dans lâouvrage mĂȘme dâHippolyte, quoique le mot Afri ait Ă©tĂ© omis dans le manuscrit de Madrid (Bauer, l. c.). Il est donc probable que, dĂšs le dĂ©but du IIIe siĂšcle, des auteurs chrĂ©tiens ont rattachĂ© Ă Canaan les Africains de langue punique. Les clercs ont dĂ» rĂ©pandre cette notion, si bien quâau temps de saint Augustin, les paysans eux-mĂȘmes se qualifiaient de CananĂ©ens. 4. Voir, entre autres, Schröder, l. c., ; Lenormant (et Babelon). Histoire an-cienne, VI, p. 490 ; BĂŒdinger, Sitzungsberichte der Akademie der Wissenschaften in Wien, Phil.-hist. Classe, CXXV, 1892, mĂ©moire n° X, p. 37 (il qualifie les inscriptions de Tigisis de « reverenda antiquitatis Phoeniciae testimonia »).
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HĂ©breux dĂ©termina rĂ©ellement le dĂ©part dâun grand nombre de CananĂ©ens agriculteurs. Ce nâaurait pas Ă©tĂ© une exode brusque, mais une sĂ©rie dâĂ©migrations, se succĂ©dant pendant plusieurs siĂšcles, depuis lâarrivĂ©e de JosuĂ© jusquâĂ David et Salomon, qui achevĂšrent la conquĂȘte. Ces CananĂ©ens fugitifs auraient passĂ© en Afrique sur les vaisseaux des PhĂ©niciens du littoral syrien. RestĂ©s cultivateurs, ils auraient occupĂ© une bonne partie du pays, se mĂ©langeant aux indigĂšnes : ainsi se serait formĂ©e une population que les textes anciens dĂ©signent sous le nom de LibyphĂ©niciens(1). Il est, au contraire, trĂšs probable que le terme LibyphĂ©ni-ciens dĂ©signait, ayant lâĂ©poque romaine, les PhĂ©niciens de la Libye, câest-Ă -dire les gens dâorigine phĂ©nicienne qui vivaient dans les colonies fondĂ©es sur le littoral africain soit par les PhĂ©-niciens de Syrie, soit par les Carthaginois(2). Plus tard seule-ment, on lâappliqua Ă des habitants de lâintĂ©rieur du pays, Ă ceux qui, sous la domination de Carthage, avaient adoptĂ© les mĆurs puniques et pouvaient ĂȘtre regardĂ©s comme des Libyens devenus PhĂ©niciens(3). La diffusion de la langue, de la religion, des coutumes phĂ©niciennes dans lâAfrique du Nord sâexplique par les influences que la civilisation carthaginoise exerça sur les indigĂšnes, de diverses maniĂšres et par diffĂ©rentes voies. Ce furent lĂ des faits qui se passĂšrent en pleine Ă©poque historique, qui furent mĂȘme en partie postĂ©rieurs Ă la chute de Carthage. On ne trouve donc en BerbĂ©rie aucune preuve de ces prĂ©ten-dues migrations cananĂ©ennes. Dâautre part, nous ne pouvons guĂšre discerner ce qui est vrai dans les rĂ©cits relatifs Ă la conquĂȘte du pays de Canaan par les____________________ 1. Movers, l. c., II, 2, p. 16, 413, 435 et suiv., 441-2. BĂŒdinger (l. c., p. 38) croit que la conquĂȘte de JosuĂ©, quâil place vers la fin du XIIe siĂšcle, a Ă©tĂ© la vĂ©ritable cause de la fondation en Occident de plusieurs importantes colonies phĂ©niciennes, qui datent du mĂȘme temps. 2. Nous ne parlons pas ici dâun sens administratif qui parait avoir Ă©tĂ© donnĂ© Ă ce mot et sur lequel nous aurons Ă revenir. 3. voir Meltzer, l, c., I, p. 60-63, 436-8 ; Gsell, Recueil citĂ©, p. 365-6.
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HĂ©breux. Elle ne se fit Ă©videmment pas dâun coup. Les nou-veaux venus semblent nâavoir occupĂ© que des Ăźlots dont lâĂ©ten-due varia : tantĂŽt livrant des combats qui ne furent pas toujours heureux, tantĂŽt concluant avec les CananĂ©ens des accords plus ou moins stables, tantĂŽt sâinsinuant parmi eux. Avant les rĂšgnes de David et de Salomon se place une pĂ©riode de progrĂšs et de reculs, qui correspond Ă lâĂ©poque des Juges et au dĂ©but de la royautĂ©, et dont on ignore la durĂ©e. Que, pendant cette pĂ©riode, des CananĂ©ens, refoulĂ©s par les HĂ©breux, aient cherchĂ© refuge sur le littoral oĂč sâĂ©levaient les villes des PhĂ©niciens, quâils aient ensuite participĂ© Ă la colonisation phĂ©nicienne en Occi-dent, câest fort possible, quoique nous nâen ayons aucune preu-ve. Mais cette hypothĂšse nâa quâun rapport fort Ă©loignĂ© avec le rĂ©cit de Procope. Celui-ci fait traverser lâĂgypte Ă ses CananĂ©ens fuyant de-vant JosuĂ©. Des Ă©rudits(1) ont cru qu en effet des peuplades de lâAsie occidentale(2) sĂ©journĂšrent dans la vallĂ©e du Nil et que, de lĂ , elles passĂšrent en BerbĂ©rie, mais bien avant lâĂ©poque de lâentrĂ©e des HĂ©breux en Palestine. On sait que les HyksĂŽs, venus par lâisthme de Suez, occupĂšrent le Delta pendant plus de six siĂšcles, selon les uns, pendant un siĂšcle Ă peine, selon dâautres. Quelle Ă©tait lâorigine de ces envahisseurs ? DiffĂ©rentes hypo-thĂšses ont Ă©tĂ© proposĂ©es ; tout ce que lâon peut affirmer, c est que beaucoup dâentre eux, sinon tous, parlaient une ou diverses langues sĂ©mitiques. Leur domination fut dĂ©finitivement brisĂ©e vers le dĂ©but du XVIe siĂšcle. Mais on nâest nullement autorisĂ© Ă supposer que, soit Ă cette Ă©poque, soit au temps de leur puis-sance, des HyksĂŽs aient pris le chemin de lâOccident et soient allĂ©s sâĂ©tablir parmi les Libyens(3).____________________ 1. Movers, II, 2, p. 46, 424-6. Ebers, Ăgypten und die BĂŒcher Moseâs, p. 68, 222. Lenormant, Histoire, VI, p. 499. Etc. 2. Des pasteurs cananĂ©ens, selon Movers. 3. M. Winckler (Altorientalische Forschungen, I, p.421 et suiv., et dans Zeits-chrift fĂŒr Socialwissenchaft, VI, 1903, p. 356-8, 448-9) croit Ă des migrations de Cana-
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III
Des auteurs grecs indiquent des migrations parties des pays riverains de la mer ĂgĂ©e, HĂ©rodote dit que les Maxyes (ÎÎŹÎŸÏ Î”Ï) se prĂ©tendaient descendants des Troyens(1). Ils vi-vaient, selon lâhistorien, Ă lâOuest du fleuve Triton, ce qui rĂ©-pond Ă la cĂŽte orientale de la Tunisie. Diodore de Sicile men-tionne une grande ville, Meschela (ÎΔÏÏÎλα), qui aurait Ă©tĂ© fondĂ©e par des Grecs au retour de la guerre de Troie(2) ; com-me elle fut prise par un lieutenant dâAgathocle, il est proba-ble quâelle Ă©tait situĂ©e dans la partie orientale de la BerbĂ©rie, peut-ĂȘtre dans le Nord-Ouest de la Tunisie ou dans le Nord-Est de lâAlgĂ©rie. DâaprĂšs une citation dâĂtienne de Byzance, HĂ©catĂ©e aurait indiquĂ© une ville des Ioniens, Cybos, dans la Libye des PhĂ©niciens et, autant quâil semble, auprĂšs dâune des deux Hippo (Bizerte, BĂŽne)(3). Plutarque, copiant sans doute le roi Juba, affirme que des Grecs, Olbiens et MycĂ©niens, furent laissĂ©s par HĂ©raclĂ©s dans la rĂ©gion de Tanger(4). Ces textes sont de trĂšs mince valeur(5). Le dernier sâĂ©carte de____________________nĂ©ens, par terre ou par mer, avant le milieu du second millĂ©naire. Ils auraient con-quis une partie de lâAfrique du Nord. Ils se seraient mĂȘme Ă©tablis Ă Malte, en Sar-daigne, aux BalĂ©ares, en Espagne. Plus tard, Tyr aurait Ă©tendu son hĂ©gĂ©monis sur ces frĂšres de race. Ce sont lĂ des hypothĂšses en lâair. 1. IV, 191 : ÏαÏÎŻ ΎΠοΰÏÎżÎč ΔÎΜαÎč ÏÏÎœ ÎÏ Î€ÏÎżÎčÎ·Ï ÎŹÎœÎŽÏÏÎœ. 2. XX, 57 : ÎΔÏÏÎλαΜ, ÎŒÎ”ÎłÎŻÏÏηΜ οΰÏαΜ, ÏÏÎčÏÎŒÎΜηΜ ÎŽÎ ÏÏ ÏαλαÎčÏÎœ ÏÏÏ ÏÏÎœ ÎÏ Î€ÏÎżÎŻÎ±Ï ÎŹÎœÎ±ÏÎżÎŒÎčÎ¶ÎżÎŒÎÎœÏÎœ ÎÎ»Î»ÎźÎœÏÎœ. Diodore ajoute quâil en a parlĂ© dans son troisiĂšme livre, ce qui est inexact. Mouvers (II, 2, p. 22, n. 54) soutient que le nom de Mescheta est phĂ©nicien. 3. Ădit. Meineke : ÎÏÏÎżÏ, ÏÏλÎčÏ ÎÏÎœÏÎœ ÎÎœ ÎÎčÎČÏη ΊοÎčÎœÎŻÏÏÎœ. ÎÏαÏαÎÎżÏ ÏΔÏÎčηγΟÏΔÎč αÏÏÎźÏ Â« Ïαί λÎčÎŒÎźÎœ ÏÎżÏ ÎŹÏÏη Ïαί ÎÏ ÎČÏ Â». 4. Vie de Sertorius, 9 : ÎλληΜÎčÏÏÎœ ÎÏÎżÎœÏÎč ÏÏÏÎŹÏÎ”Ï ÎŒÎ± ÏÏÎœ αÏÏÏΞÎč ÏαÏÏÏÎčÏÎŒÎÎœÏÎœ ÏÏâ ÎÏαÏλÎÎżÏ Ï ÎλÎČÎčαΜÏÎœ Ïαί ÎÏ ÏÎ·ÎœÎ±ÎŻÏÎœ. Plutarque mentionne Juba aussitĂŽt aprĂšs. On ne sait pas de quel Olbia lâauteur veut parler. 5. Il ne faut pas y joindre un passage de PalĂ©mon (Scriptores physiogno-moniae veteres, Ă©dit. Franz, p. 184) : « οί ÎŒÎÎœ ÎÎŻÏÏ Î”Ï ÎίΞίοÏÎčÎœ ÏÎŒÎżÎčÎżÎč, οί ÎŽâΔίÏÎŻ ÎÏÎźÏÎ”Ï Â». Ce texte ne signifie pas que, parmi les Libyens, les uns ressemblent aux Ăthiopiens et que les autres sont des CrĂ©tois ; le second membre de la phrase se
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lui-mĂȘme par le rĂŽle quâil attribue Ă Hercule ; il est Ă croire que, comme les Perses, MĂšdes et ArmĂ©niens dâHiempsal, les Ol-biens et les MycĂ©niens de Juba Ă©taient de prĂ©tendus ancĂȘtres de peuples africains dont le nom Ă©tait Ă peu prĂšs semblable(1). Le passage dâĂtienne de Byzance est altĂ©rĂ© et il n est pas du tout certain quâHĂ©catĂ©e ait parlĂ© dâune ville ionienne en Libye(2). Les anciens ont fait errer et ont Ă©tabli un peu partout les Grecs aprĂšs la prise de Troie. Dans ces lĂ©gendes, la Libye a eu sa part de naufragĂ©s(3) et de colons(4), il nâest guĂšre vraisemblable____________________rapporte aux IbĂšres (voir le contexte) et ÎÏÎźÏÎ”Ï doit ĂȘtre corrigĂ© en ÎΔλÏÏ ÎÏ : conf. ibid., p. 184, n. 17. et p.411. â Naturellement, on doit aussi laisser de cĂŽtĂ© les contes quâont fait Ă©clore des Ă©tymologies absurdes. Solin (XXVII, 7), expliquant par le mot grec ÎŻÏÏΔÎÏ le nom des deux Hippo, ajoute : « equites Graeci condidere ».Le mĂȘme Solin (XXV, 17) dit quâIcosium (Alger) vient dâΔίÏÎżÏÎč et justifie ainsi cette Ă©tymologie : « Hercule illa transcunte viginti qui a comitatu eius desciverant locum deligunt, inciunt moenia ; ac, ne quis inposito a se nomine privatim gloriaretur, de condentium numero urbi nomen datum. » Il nây a pas non plus Ă tenir compte des noms grecs donnĂ©s Ă quelques villes du littoral africain : Neapolis, Aphrodision, Megapolis (conf. Tissot, I, p. 429). Ces noms sont probablement des traductions de noms phĂ©niciens ; mis en circulation par les Grecs qui frĂ©quentaient la cĂŽte, ils furent adoptĂ©s par les Romains. 1. PtolĂ©mĂ©e( IV, 2, 3) indique des ÎÏ ÏÎźÎœÎżÎč en MaurĂ©tanie CĂ©sarienne. Conf. la liste de MĂŒller, ad locum. 2. Peut-ĂȘtre doit-on lire : ÎÏÎČÎżÏ, ÏÏλÎčÏ ÎÏÎœÏÎœ. [ÎÏ ÎČÏ] ÎÎœ ÎÎčÎČÏη ΊοÎčÎœÎŻÏÏÎœ. Il sâagi-rait de deux villes, lâune Ionienne, lâautre phĂ©nicienne (en Libye) : conf. Meltzer, I, p. 455. MĂŒller (Ă©dit. de PtolĂ©mĂ©e, n. Ă p. 616) fait une autre conjecture. Il remarque que PtolĂ©mĂ©e (IV, 3, 6) indique un peuple appelĂ© ÎÏÎœÏÎčÎżÎč dans le pays situĂ© Ă lâOuest de Thabraca (Ta-barca), par consĂ©quent prĂšs dâHippone. Il croit que ce sont les prĂ©tendus ÎÏÎœÎ”Ï dâEtienne de Byzance : ÎÏÏÎżÏ ÎŹÏÏα serait Hippone, non Bizerte. Câest peut-ĂȘtre trop ingĂ©nieux. 3. Ce fut la tempĂȘte qui poussa Ulysse au pays des Lotophages (OdyssĂ©e, IX, 82-104), que les anciens plaçaient dâordinaire sur le littoral des Syrtes. â Le roi Juba racontait quâen revenant de Troie, DiomĂšde fut jetĂ© sur les cĂŽtes de la Libye. Le roi du pays, Lycos, fils dâArĂšs, sâapprĂȘtait Ă sacrifier Ă son pĂšre, mais sa fille CallirrhoĂ© dĂ©livra lâĂ©tranger. Ce-lui-ci se rembarqua sans se soucier des tendres sentiments de sa bienfaitrice. Pseudo-Plu-tarque, Parallela graeca et romana, 23 (=Fragm. Hist. Graec., III, p. 472, n° 23). â MĂ©-nĂ©las, dans ses courses errantes, aurait visitĂ© la Libye (OdyssĂ©e, IV, 85 ; conf. HĂ©rodote, II, 119), mais ce mot dĂ©signe ici le pays situĂ© entre lâĂgypte et la grande Syrte (HĂ©rodote, IV, 109 ; Strabon, I, 2, 32, in fine). Il est vrai que certains prĂ©tendaient que MĂ©nĂ©las avait fait le tour de la Libye, en passant par GadĂšs (voir Strabon, I, 2, 31) : ce nâĂ©tait lĂ quâun dĂ©ve-loppement de lâindication de lâOdyssĂ©e. â Thucydide, VI, 2, 3 : des PhocĂ©ens, revenant de Troie, furent portĂ©s par la tempĂȘte dâabord en Libye, puis en Sicile. 4. Gourneus, chef thessalien, se serait Ă©tabli en Libye, sur le fleuve Cinyps (entre les deux Syrtes) : Apollodori Bibliotheca, Ă©dit. Wagner, p. 219 ; conf. p. 218. â Une autre lĂ©gende installait aussi en libye des Loeriens, compagnons dâAjax,
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que la tradition rapportĂ©e par Diodore mĂ©rite plus de confiance. Nous ignorons comment HĂ©rodote a su que les Maxyes se di-saient Troyens. Ces gens se barbouillaient le corps en rouge et se rasaient la partie gauche de la tĂȘte, tandis quâils laissaient pousser leurs cheveux Ă droite : modes inconnues des sujets de Priam et qui rappelaient au contraire celles dâautres tribus africaines(1). Il est difficile dâindiquer pour quelles raisons des fables grecques ont transportĂ© dans le Nord-Ouest africain certains hĂ©ros mythiques, PersĂ©e, HĂ©raclĂšs, les Argonautes. On peut proposer diverses explications : dĂ©sir de rattacher Ă des rĂ©gions que les Grecs commençaient Ă connaĂźtre des exploits qui se perdaient auparavant dans un vague lointain ; ambitions colo-niales qui cherchaient Ă stimuler le zĂšle populaire en invoquant des prĂ©cĂ©dents(2) ; peut-ĂȘtre existence en certains lieux dâun culte de lâHercule phĂ©nicien(3). Mais il ne faut pas voir dans ces lĂ©gendes des souvenirs, mĂȘme trĂšs troubles, dâune Ă©poque oĂč les ancĂȘtres des HellĂšnes auraient visitĂ© les cĂŽtes africaines. Il convient aussi dâĂ©carter les conclusions quâon a tirĂ©es de lâĂ©tude des dialectes berbĂšres et de lâonomastique de la BerbĂ©rie.____________________fils dâOilĂ©e : Virgile, ĂnĂ©ide, XI, 265. DâaprĂšs des indications donnĂ©es par Servius (Comm,, ad locum, et III, 399), on prĂ©tendait que des Locriens Ozoles avaient abordĂ© dans la Pentapole(en CyrĂ©naĂŻque), Selon dâautres opinions, ils se seraient fixĂ©s autour des Syrtes ; ils auraient pris possession de certaines Ăźles voisines de la Libye (on disait que lâĂźle de Cercina, Kerkenna, avait Ă©tĂ© occupĂ©e par eux) ; ils auraient Ă©tĂ© les ancĂȘ-tres des Nasamons ; ils se seraient avancĂ©s jusquâĂ lâoasis dâAmmon sous la conduite dâun bĂ©lier. On racontait aussi quâayant abordĂ© Ă Tinneia, ils Ă©taient allĂ©s fonder la ville dâUzalis. Ce dernier dĂ©tail a Ă©videmment pour origine un jeu de mots (Uzalis et ÎζÏλαÎč, les Locriens Ozoles). Quant au prĂ©tendu Ă©tablissement des Locriens sur la pe-tite Syrte, peut-ĂȘtre a-t-il Ă©tĂ© inventĂ© pour expliquer le nom dâun lieu quâun document gĂ©ographique de lâĂ©poque romaine, le Stadiasme, appelle ÎÎżÏÏÎżÎč et qui Ă©tait situĂ© entre Sabratha et le lac des BibĂąn (Geogr. gr. min., I, p. 464 ; conf. Tissot, I, p. 210). Tinneia parait ĂȘtre une altĂ©ration dâun mot qui aurait signifiĂ© pĂȘcherie de thons. Faut-il le rap-procher des ΀αÏÎčÏΔÎαÎč qui se trouvaient au lac des BibĂąn (PĂ©riple de Scylax, 110, dans Geogr. gr, min., I, p. 86 ; Tissot, I, p. 207) ? 1. HĂ©rodote, IV, l75, 180, 194. 2. Conf. Meltzer, l. c., I, p. 93, 429 et 456. 3. Voir plus haut, p. 333.
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Dans un grand nombre de noms et de mots africains, M. Ber-tholon a cru retrouver des noms et des mots appartenant Ă des idiomes Ă©troitement apparentĂ©s Ă la langue grecque tĂ©moigna-ges, selon ce savant, de plusieurs migrations venues des rivages Ă©gĂ©ens dans le cours du second millĂ©naire(1). Mais les rappro-chements de M. Bertholon obtiendront difficilement lâapproba-tion des linguistes. On ne doit cependant pas nier la possibilitĂ© de certaines relations entre les habitants du littoral de la BerbĂ©rie et les peu-ples qui occupaient les Ăźles et les cĂŽtes de la mer ĂgĂ©e Ă lâage du bronze, pendant le troisiĂšme et le second millĂ©naire avant J: C. Des influences de la civilisation Ă©gĂ©enne se sont alors exercĂ©es Ă Malte, en Sicile, en Sardaigne, aux BalĂ©ares, en Es-pagne(2). Aux derniers siĂšcles de cette longue pĂ©riode, des objets fabriquĂ©s dans des pays du Nord-Est de la MĂ©diterranĂ©e furent importĂ©s en Sicile(3) et en Sardaigne(4). Des vaisseaux venus des rivages qui appartinrent plus tard aux Grecs parcouraient donc le bassin occidental de la mer intĂ©rieure. Il est Ă©galement certain que, dans la deuxiĂšme moitiĂ© du second millĂ©naire, les indigĂšnes qui vivaient au Nord-Ouest de lâĂgypte entretinrent des rapports avec les riverains de la mer ĂgĂ©e. Sous MĂ©nephtah, vers 1220, MĂąraĂźou, roi des Lebou, en-vahit le Delta avec une armĂ©e composĂ©e dâAfricains (Lebou, Mashaouasha, Kahaka) et de gens venus des « pays de la mer ». Ceux-ci Ă©taient des AkaĂŻouasha, des Toursha, des Loukou, des Shardana, des Shagalasha. Ils Ă©taient nombreux, moins cepen-dant que les Africains; dans la victoire que les Ăgyptiens rem-portĂšrent, 6365 Lebou furent tuĂ©s; il pĂ©rit 222 Shagalasha et____________________ 1. Les premiers colons de souche europĂ©enne dans lâAfrique du Nord, dans la Revue tunisienne, IV-VI, 1897-1899 ; Voir aussi la rĂ©fĂ©rence indiquĂ©e p. 320, n. 3. 2. Voir en particulier DĂ©chelette, manuel dâarchĂ©ologie prĂ©historique, II, p. 2, 37, 60, 75, 76, 78, 79, 80 et suiv. ; Mayr; dans Abhandlungen der bayer. Akademie der Wis-senschaften, IĂšre Classe, XXI, p. 716-7 ; le mĂȘme, die Insel Malta im Altertum, p. 59. 3. DĂ©chelette, l. c., p. 77, 199, 214, 329. 4. Le mĂȘme, p. 398.
348 LES TEMPS PRIMITIFS.
742 Toursha(1). Or les Loukou devaient habiter la Lycie(2) ; les Toursha, quâon peut identifier avec les TyrsĂšnes, Ă©taient vraisem-blablement Ă©tablis dans le Nord de la mer ĂgĂ©e et dans lâOuest de lâAsie Mineure; les Shardana et les Shagalasha Ă©taient aussi, semble-t-il, des peuples de lâAsie Mineure, oĂč sâĂ©levĂšrent les villes de Sardes et de Sagalassos(3), qui rappellent leurs noms ; enfin es AkaĂŻouasha sont peut-ĂȘtre identiques aux AchĂ©ens(4). Lâinscription de Karnak qui nous fait connaĂźtre lâinvasion de MĂąraiou ne prouve point, il est vrai, que les Toursha et autres aient eu des colonies sur la cĂŽte de la Libye, Ă lâOuest du Delta : ceux qui combattirent dans lâarmĂ©e commandĂ©e par le roi des Lebou pouvaient nâĂȘtre que des alliĂ©s rĂ©cemment dĂ©barquĂ©s. ou mĂȘme des mercenaires Plus tard, des Toursha vinrent se fixer dans la MĂ©diterranĂ©e occidentale et formĂšrent la nation des Ătrusques. Il est possible aussi que des Shardana soient allĂ©s occuper la; Sardaigne, Ă laquelle ils auraient donnĂ© leur nom. Ces constitutions ne nous autorisent pas Ă affirmer que des marins du Nord-Est de la MĂ©diterranĂ©e aient visitĂ© les cotes de la BerbĂ©rie, que des colons venus des mĂȘmes rĂ©gions sây soient Ă©tablis. Mais si des dĂ©couvertes ultĂ©rieures dissipent toute in-certitude, il ne faudra pas sâen Ă©tonner. Les preuves manquent aujourdâhui. Les ĂgĂ©ens auraient dĂ» exercer une influence pro-____________________ 1. Maspero, Histoire ancienne des peuples de lâOrient classique, II, p. 430 et suiv. 2. Maspero, l. c., p. 339, n. 3. 3. Maspero, l. c., p. 360, n. 2 ; p. 432, n. 2. 4. cela nâest pas certain : voir Weil, Revue archĂ©ologique, 1904, I, p. 65-67. â Pour ces diffĂ©rents peuples, voir dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale la carte de Maspero, II, p. 361. 5. Des Shardana servirent comme mercenaires dans les armĂ©es Ă©gyptiennes depuis la dix-huitiĂšme dynastie : A. J. Reinach, Revue archĂ©ologique, 1910, I, p. 53 ; Maspero, II, p. 214 (n. 4), 372, 390 (n. 1), 766. Au temps de RamsĂšs II, des Loukou furent au service du roi des Hittites : Maspero, II, p. 380, 398. â Que certains peuples de la mer, comme les appelaient les Ăgyptiens, se soient Ă©tablis en masse dans lâAfri-que septentrionale et soient identiques aux Lebou et aux Mashaouasha, câest ce dont on a aucune preuve (conf. plus haut, p. 308, n. 3). Lâidentification des Mashaouasha avec les Maxyes dâHĂ©rodote, ces prĂ©tendus Troyens, nous parait trĂšs contestable : voir plus loin.
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fonde sur la civilisation des indigĂšnes(1), rĂ©pandre surtout parmi eux lâusage du mĂ©tal. Or nous avons vu(2) que les objets carac-tĂ©ristiques de lâĂąge du bronze font presque entiĂšrement dĂ©faut dans les inventaires archĂ©ologiques de lâAfrique du Nord(3). M. van Gennep(4) croit cependant que la cĂ©ramique ber-bĂšre apporte le tĂ©moignage dĂ©sirĂ©. Dans de nombreuses tribus, les femmes font des vases Ă dĂ©cor rectilinĂ©aire, peint en noir ou en rouge sur une couverte claire. Par leurs formes et leur ornementation, ces objets prĂ©sentent des ressemblances vĂ©rita-blement frappantes avec des poteries qui se fabriquaient dans la MĂ©diterranĂ©e orientale au premier Ăąge du bronze (troisiĂš-me millĂ©naire) et qui sont surtout connues par des trouvailles____________________ 1. Il est vrai que M. Stuhlmann (Ein kulturgeschichtlicher Ausflug in den Aures, dans Abhandl. Des Hamburgischen Kolonialinstituts, X, 1912) est trĂšs disposĂ© Ă leur reconnaĂźtre cette influence. Culture du figuier, de lâolivier, de la vigne (P ; 88, 89, 93), in-troduction du cheval (p. 97), mode de construction des maisons de lâAurĂšs (p. 55), mĂ©tier vertical sur lequel les femmes tissent des Ă©toffes de laine (p. 120, 146), tout cela serait ou pourrait ĂȘtre dâorigine Ă©gĂ©enne. Je ne suivrai pas M. Stuhlmann sur ce terrain : quand on ne sait rien, mieux vaut ne rien dire. 2. P. 212. 3. Il est douteux, nous lâavons dit (p. 263, n. 2), que les boucliers Ă Ă©chancrures latĂ©rales, figurĂ©s sur les gravures rupestres, aient Ă©tĂ© imitĂ©s des modĂšles importĂ©s. On pourrait supposer que les Libyens avaient empruntĂ© le bouclier rond aux Shardana ou Ă dâautres peuples de la MĂ©diterranĂ©e orientale (voir A. J. Reinach, Revue de lâhistoire des religions, 1910, I, p. 208-9), si la reprĂ©sentation de ce bouclier sur une gravure du Sud oranais Ă©tait certaine (conf. p. 202, n. 10). â Quant aux prĂ©tendus emprunts des Grecs aux Libyens, ils sont ou trĂšs contestables, ou imputables aux colons qui vinrent sâĂ©tablir en CyrĂ©naĂŻque au VIIe siĂšcle. HĂ©rodote se trompe Ă©videmment quand il dit (II, 50) que PosĂ©idon est un dieu Libyen, adoptĂ© par les Grecs : il sâagit sans doute dâune divinitĂ© africaine assimilĂ©e au PosĂ©idon hellĂ©nique. Le mĂȘme auteur affirme (IV, 189) que les Grecs ont empruntĂ© aux Libyens lâĂ©gide quâils donnent Ă AthĂ©na : lâĂ©gide ressemble en effet, dit-il, Ă un vĂȘtement de dessus en cuir de chĂšvre, teint en rouge et ornĂ© de courroies formant des franges, que portent les femmes libyennes. Il indique aussi (ibid.) que les exclamations rĂ©pĂ©tĂ©es et bruyantes (ÏÎ»ÎżÎ»Ï ÎłÎź) profĂ©rĂ©es par les Grecs dans les cĂ©rĂ©monies religieuses lui paraissent ĂȘtre dâorigine africaine : car les femmes libyennes en font un usage frĂ©quent et remarquable (ce qui rappelle Ă la fois les you-you des femmes berbĂšres et les ÎŻÎżÏ ÎŻÎżÏ des anciens Grecs). Ces comparaisons ethnographiques sont curieuses : câest sans doute tout ce quâon en peut dire. Pour les cultures et les animaux domestiques, les hypothĂšses dâemprunts faits aux Libyens par les ancĂȘtres des Grecs sont sans valeur : voir plus haut, p. 227, 236 (n. 1), 237 (n. 6). 4. Ătudes dâethnographie algĂ©rienne (extrait de la Revue dâethnographie et de sociologie 1911), p. 62 et suiv. Conf. Stuhlmann, l. c., p. 124, 146.
350 LES TEMPS PRIMITIFS.
faites dans lâĂźle de Chypre. La mĂȘme cĂ©ramique sâest rencontrĂ©e en Sicile, dans des habitations et des tombes qui datent du dĂ©-but de lâage du bronze(1). On en a aussi recueilli quelques exem-plaires, dâĂ©poque indĂ©terminĂ©e, dans lâĂźle de Malte(2). Peut-on expliquer ces ressemblances sans admettre lâhypothĂšse dâori-gines communes ? M. Dussaud le pense(3). Je ne serais guĂšre disposĂ© Ă lui donner raison. Mais il ne faut pas oublier que tous les produits actuellement connus de la cĂ©ramique berbĂšre sont modernes(4). Quoique Lâopinion de M. van Gennep soit, Ă notre avis, probable, nous estimons quâil faut attendre pour lâadopter des dĂ©couvertes attestant que cette classe de poteries est vieille dans le Maghrib de plus de quatre mille ans(5).
IV
Nous avons passĂ© en revue les textes relatifs Ă de prĂ©ten-dues migrations vers le Nord-Ouest de lâAfrique. Selon quel-ques auteurs, des Libyens auraient, au contraire, occupĂ© la Sar-daigne(6). Ils auraient eu pour chef un fils dâHercule, Sardus(7).____________________ 1. Orsi, Bull. di paletnologia italiana, XIX, 1893, p. 41-45, 47-51, pl. V-VII. T. E. Peel, the Stone and bronze age in Italy and Sicily (Oxford, 1909), p. 215-9. 2. Mayt, die Insel Malta im Altertum, p. 56-57. 3. Institut français dâarchĂ©ologie, sĂ©ance du fĂ©vrier 1912. 4. M. Carton (Association française pour lâavancement des sciences, Dijon, 1911. MĂ©moires, p. 774 ; conf. Comptes rendus de lâAcadĂ©mie des Inscriptions, 1911, p. 601) a dĂ©couvert cependant dans le Nord-Ouest de la Tunisie, parmi les ruines romaines de Bulla Regia, des dĂ©bris de poteries « dĂ©corĂ©es de traits gĂ©omĂ©triques et de fleurs, exĂ©cutĂ©s au pinceau. Leur aspect et leur ornementation rĂ©vĂšlent des affinitĂ©s trĂšs rĂ©elles avec certaines poteries de la Carthage punique, dâune part, et avec la cĂ©ramique moderne des Kabyles, dâautre part, constituent ainsi un chaĂźnon qui manquait jusque-lĂ . » Je nâai pas vu ces tessons. 5. Il importerait de mieux connaĂźtre le dĂ©veloppement chronologique de cette cĂ©-ramique dans les autres pays mĂ©diterranĂ©ens. 6. Pausanias (X, 17, 8) parle aussi dâune occupation de la Corse par des Libyens, mais il ne dit pas quand ils y seraient venus. 7. Pausanias, X, 17, 2 : ÎÎÏÏÏÎżÏ ÎŽÎ ÎŽÎčαÎČÎźÎœÎ±Îč λÎÎłÎżÎœÏαÎč ÎœÎ±Ï ÏÎŻÎœ Î”ÎŻÏ ÏÎźÎœ ÎœÎźÏÎżÎœ ÎÎŻÎČÏ Î”Ï ÎźÎłÎ”ÎŒÏÎœ ÎŽÎ ÏÎżÎŻÏ ÎÎŻÎČÏ ÏÎčÎœ ÎźÎœ ÎŁÎŹÏÎŽÎżÏ Ï ÎαÏÎźÏÎčÎŽÎżÏ ÎÏαÏλÎÎżÏ Ï ÎŽÎ ÎÏÎżÎœÎżÎŒÎ±ÏΞÎÎœÏÎżÏ ÏÏÏ ÎÎŻÎłÏÏÏÎŻÏÎœ ÏΔ Ïαί ÎÎčÎČÏÏÎœ. « LâĂźle, ajoute Pausanias, pris le nom de Sardos. Les Libyens ne chassĂšrent pas les indigĂšnes, mais ils se mĂȘlĂšrent Ă eux, vivant
RELATIONS AVEC DâAUTRES CONTRĂES. 351
Il nous est impossible de dire sâil convient de rejeter cette in-vasion dans le domaine de la fable(1), en mĂȘme temps que le personnage, assurĂ©ment fictif, qui lâaurait dirigĂ©e. LâHĂ©raclĂšs dĂ©s Ăgyptiens et des Libyens dont il aurait Ă©tĂ© le fils Ă©tait, dit Pausanias, surnommĂ© ÎÎŹÏηÏÎčÏ, nom qui est probablement une dĂ©formation de Melqart. Cette lĂ©gende renferme donc un Ă©lĂ©-ment phĂ©nicien : elle doit peut-ĂȘtre son origine Ă la conquĂȘte de lâĂźle par les Carthaginois, qui semblent y avoir Ă©tabli de nom-breux Libyens. Dâautre part, il y avait en Sardaigne un peuple que les Grecs et les Latins appelaient ÎολΏΔÎčÎżÎč, ÎολαΔÎÏ, ÎλÎčΔÎÏ, Ilienses, et qui, Ă lâĂ©poque punique, occupait les rĂ©gions montagneuses. Aucun texte nâindique que ces hommes soient venus dâAfri-que. Mais Pausanias(2) affirme quâils avaient tout Ă fait lâaspect, lâarmement et le genre de vie des Libyens(3). On a rapprochĂ© leur nom de celui dâIol, divinitĂ© adorĂ©e par les Carthaginois et____________________comme ceux-ci dispersĂ©s dans des cabanes et dans des grottes, car les uns et les autres Ă©taient incapables de fonder des villes. » Silius Italicus, XII, 359-360 : Libyci Sardus generoso sanguine fidens Herculis, ex sese mutavit nomina terraeSolin, IV, 1 (Sardus, fils dâHercule, venu de Libye, a donnĂ© son nom Ă lâĂźle). â Une monnaie qui parait avoir Ă©tĂ© frappĂ©e en Sardaigne au Ier siĂšcle avant notre Ăšre reprĂ©sente ce « Sard(us) Pater », la tĂȘte surmontĂ©e dâune coiffure de plumes, ce qui est peut-ĂȘtre une allusion Ă son origine africaine : Babelon, Monnaies de la RĂ©publique romaine, I, p. 223-4 et fig. ; A. J: Reinach, Revue archĂ©ologique, 1910, I, p. 25, fig. 6 (si câest bien une coiffure de plumes ; dâautres reconnaissent un modius : Pais, dans Alti dellâ Accademia dei Lincei, Serie terza, Memorie della classe di scienze morali, VII, 1881, p. 324). 1. Je ne crois pas quâon puisse invoquer (Pais, 1. c., p. 250) la prĂ©tendue ressem-blance du nom de la Sardaigne (ΣαÏÎŽÏ en grec) avec les noms de Saldae et de Sardaval, ville et fleuve de MaurĂ©tanie. 2. X, 17, 7. 3. Je ne sais sâil convient le parler ici des ΣαÏΎολίÎČÏ Î”Ï, dont il est question dans un fragment de Nicolas de Damas (Fragm, hist. graec., III, p. 463, n° 137). Peut-ĂȘtre Ă©taient-ce des nomades dâAfrique, comme paraĂźtrait lâindiquer la comparaison de ce texte avec un passage dâHellanicus (apud AthĂ©nĂ©e, Xl, 6, p. 462, a-b =Fragm. hist. graec., I, p. 57, n° 93). â M. Pettazzoni (Revue dâethnographie et de sociologie, 1910, p. 219-232 ; voir aussi Rendiconti dellâ Accademia dei Lincci. 1910, p, 89-91) ne mâa pas convaincu que lâanalogie de certaines coutumes des anciens Sardes et de divers peuples africains (pratique de lâincubation, etc.) dĂ©montre une « connexion ethnique sardo-africaine ». Ces coutumes ont Ă©tĂ© constatĂ©es chez bien dâautres peuples.
352 LES TEMPS PRIMITIFS.
identifiĂ©e par les Grecs avec leur Iolaos(1). Faut-il voir en eux des Libyens ? Câest lĂ , je crois, une hypothĂšse assez tĂ©mĂ©raire. Il nâest nullement prouvĂ© qui Iol ait Ă©tĂ© un dieu africain, et non phĂ©nicien. Dâailleurs la ressemblance des noms est peut-ĂȘtre fortuite, et lâon ne saurait dire si ce rapprochement a plus de va-leur quâun autre, fait par quelques anciens : ils prĂ©tendaient que les IolĂ©ens Ă©taient des Grecs, amenĂ©s en Sardaigne par Iolaos, neveu dâHĂ©raclĂšs(2). Les tours appelĂ©es nuraghi en Sardaigne, comme aussi les sesi de lâĂźle de Pantelleria et les talayots des BalĂ©ares, offrent des ressemblances avec les nombreux tombeaux cylindriques en pierres sĂšches quâon nomme chouchets en BerbĂ©rie(3). Les chouchets dont lâĂ©poque peut ĂȘtre dĂ©terminĂ©e sont beaucoup plus rĂ©centes que ces monuments des Ăźles, qui paraissent da-ter en gĂ©nĂ©ral de lâĂąge du bronze. Cependant je croirais volon-tiers quâil sâagit dâun type de sĂ©pulture trĂšs ancien, qui, comme tant dâautres choses dans lâAfrique du Nord, sâest conservĂ© fort longtemps. Mais, mĂȘme si lâon admet une vĂ©ritable parentĂ© en-tre ces diverses constructions, il nâest pas nĂ©cessaire de suppo-ser quâelles se soient rĂ©pandues Ă travers la MĂ©diterranĂ©e par suite de migrations importantes(4).____________________ 1. Pais, l. c., p. 270, 312. 2. On rapprocha aussi ce nom de celui dâIlion ; de lĂ , une lĂ©gende qui faisait venir des Troyens en Sardaigne, oĂč ils se seraient mĂȘlĂ©s aux Grecs (Pausanias, X, 17, 6). Ces IolĂ©ens ou Iliens se seraient rĂ©fugiĂ©s dans les montagnes Ă la suite des con-quĂȘtes carthaginoises (Diodore de Sicile, V, 25), ou, comme le dit Pausanias (X, 17, 7), Ă la suite dâune nouvelle immigration de Libyens, qui aurait Ă©tĂ© plus importante que la premiĂšre et qui aurait eu lieu beaucoup dâannĂ©es aprĂšs la guerre de Troie. 3. Conf. Pais, l. c., p. 203-300 ; Issel, Liguria preistorica, dans Atti della So-cieta ligure di storia patria, XL, 1908, p. 622. â Il y a cependant des diffĂ©rences trĂšs notables. Les tours dont nous parlons offrent des chambres rondes voĂ»tĂ©es Ă encorbel-lement, avec des couloirs dâaccĂšs : dispositions qui manquent dans les chouchets. 4. A la suite de M. Pais (l. c., p. 300 ; conf. p. 274), M. Mayr (Abhandi, der bayer, Akademie, XXI, p. 717-720) ; Insel Malta, p. 62-64) croit que, vers le dĂ©but de lâĂąge de bronze, des Libyens sont allĂ©s peupler les BalĂ©ares, la Sardaigne, Pantel-leria, Gozzo, malte. Mais les comparaisons archĂ©ologiques quâil fait ne me parais-sent pas convaincantes.
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Les gravures rupestres reprĂ©sentant Ammon-Soleil at-testent que, dĂšs une Ă©poque lointaine, probablement dans la deuxiĂšme moitiĂ© du second millĂ©naire, un culte Ă©gyptien a pĂ©-nĂ©trĂ© jusque dans le Sud oranais(1). Nous avons aussi indiquĂ© les raisons qui nous font penser que, vers le mĂȘme temps, le cheval a Ă©tĂ© introduit dâĂgypte en BerbĂ©rie(2). Des relations di-rectes se sont-elles Ă©tablies entre les indigĂšnes de cette derniĂšre contrĂ©e et les habitants de la vallĂ©e du Nil(3) ? Sous les rĂšgnes de MĂ©nephtah (fin du XIIIe siĂšcle)(4) et de RamsĂšs III (dĂ©but du XIIe siĂšcle)(5), sont mentionnĂ©s des Mas-haouasha, qui tentĂšrent Ă plusieurs reprises, mais sans succĂšs, dâenvahir lâĂgypte. Dâautres Mashaouasha servaient dĂ©jĂ dans____________________ 1. Voir p. 251-3. 2. P. 233. 3. Ăcartons une sĂ©rie dâarguments sans valeur. « Les flottes de ThoutmĂšs III, Ă©crit Tissot (GĂ©ographie, I, p. 426), soumirent tout le littoral libyen. » DâArbois de Joinville dit de son cĂŽtĂ© (les Premiers habitants de lâEurope, 2e Ă©dit., I, p, 71) : « Thoutmos III aurait, a-t-on dit, Ă©tendu sa domination jusquâen AlgĂ©rie. » Cette enquĂȘte de Thoutmosis III (au XVe siĂšcle) serait un fait trĂšs important. Mais lâinscription sur laquelle on sâappuie ne dit rien de tel : voir la traduction donnĂ©e par Maspero, Histoire, II, p. 210 (et n. l). â Un frag-ment dâune statue de Thoutmosis Ier a Ă©tĂ© trouvĂ© Ă Cherchel (Gauckler, MusĂ©e de Cher-chel, p. 11, 85-86, II, fig. 1). Comment est-il Venu lĂ ? Nous lâignorons. Peut-ĂȘtre cette statue, fut-elle un objet de curiositĂ©, apportĂ© Ă Caesarea aux environs de notre Ăšre, comme une autre Ćuvre Ă©gyptienne dĂ©couverte rĂ©cemment dans le mĂȘme lieu, une statuette de lâĂ©poque ptolĂ©maĂŻque (BĂ©nĂ©dite, Bull. archĂ©ologique du ComitĂ©, 1908, p. CCLIV-V, et pl. XLVII).â LâHercule Ă©gyptien qui aurait atteint et mĂȘme franchi le dĂ©troit de Gibraltar (Diodore, III, 74 ; MĂ©la, III, 46 ; Philostrate, Vit. Apoll., II, 33, et Y, 4-5) nâĂ©tait autre, en rĂ©alitĂ©, que lâHercule phĂ©nicien, Melpart (conf. MĂ©la, 1. c.; Pausanias. X. 17, 2). â Le nom de Faraoun apparaĂźt çà et lĂ dans lâonomastique de lâAfrique du Nord : par exemple. Nkal Faraoun, Ăźlots du chott el Djerid (Tissot, I, p. 146) ; djebel Faraoun, dans lâAurĂšs (Masqueray, Bull. de correspondance africaine, III, 1885, p. 102 : conf, p. 82) ; Krett Faraoun, vaste muraille autour du djebel Bou Taleb (Jacquot, Rec. de Constantine, XLV, 1911, p. 273 et suiv.); Ksar Faraoun, lâantique Volubilis, au Maroc (C. I. L., VIII, p. 2072). Mais ce nom a Ă©tĂ© introduit dans le pays par les Arabes : il est plus dâune fois question de Pharaon dans le Koran (trad. Kasimirski, VII, 101 ; XI, 99-100 ; XLIII, 45-54 ; etc.). â Je pense que M. Capart (les dĂ©but de lâart en Ăgypte, p. 258) ne tiendrait pas Ă insister sur le rapprochement quâil a fait entre le Touat, pays du Sahara algĂ©rien, et la rĂ©gion infernale Ă laquelle les anciens Ăgyptiens donnaient le mĂȘme nom. Voir dâautres rapprochements onomastiques aussi fragiles dans Tissot, I, p. 427, n. 3 (il les explique dâailleurs par lâaf-finitĂ© des deux langues). 4. Maspero, Histoire, II, p. 432. 5. Maspero, II, p. 456, 459, 471.
354 LES TEMPS PRIMITIFS.
les armĂ©es de RamsĂšs II(1), et, depuis le XIe siĂšcle jusquâau VIIe, des Africains que lâon dĂ©signait sous ce nom formĂšrent dans la vallĂ©e dâimportantes colonies militaires, au service du souverain ou des seigneurs fĂ©odaux(2). Plusieurs savants(3) les ont identifiĂ©s avec les ÎÎŹÎŸÏ Î”Ï quâHĂ©rodote(4) signale Ă lâOc-cident du fleuve Triton, câest-Ă -dire en Tunisie ; on a aussi in-voquĂ© les ÎÎŹÎ¶Ï Î”Ï, les Mazices, les Maxitani, les Mazaces, que divers textes indiquent dans la BerbĂ©rie actuelle(5). Il ne nous parait pas que la ressemblance des noms soit assez grande pour justifier ces rapprochements. En tout cas, les Mashaouasha dont il est question dans les inscriptions hiĂ©roglyphiques devaient habiter beaucoup plus prĂšs de lâĂgypte, avec laquelle ils eurent tant de rapports(6). Quant aux indigĂšnes de la BerbĂ©rie, ce fut sans doute par lâintermĂ©diaire des Libyens orientaux quâils su-birent quelques influences Ă©gyptiennes. Certains dâentre eux, tentĂ©s par les aventures lointaines, ont pu aller rejoindre les Mashaouasha ou les Lebou et pĂ©nĂ©trer dans le royaume des Pharaons, soit en ennemis, soit comme mercenaires ; mais rien ne permet de croire quâune seule tribu des pays situĂ©s Ă lâOuest de la CyrĂ©naĂŻque figure dans les inscriptions de ThĂšbes(7).____________________ 1. Maspero, II, p. 300, n. 1. 2. Maspero, II, p.460, 489, 765-8 ; III, p. 161, 499. 3. Brugsch, die Geographie der NechbarlĂ€nder Aegyptens, p. 80-81. De RougĂ©, Revue archĂ©ologique, 1867, II, p. 84. Chabas, Ătudes sur lâantiquitĂ© historique, 2e Ă©dit., p. 237. Meltzer, Geschichte der Kartager, I, p. 52 et 64. Tissot, GĂ©ographie, I, p. 388. Maspero, Histoire, II, p. 430, n. 4 ; III, p. 552. E. Meyer, Geschichte des Alterthums, IĂšre Ă©dit., I, p. 281. 4. IV, 191. Conf. supra, p. 344. 5. Dans le manuscrit de la Chronique de saint Hippolyte (Bauer, Chronik des Hippolytos, p. 102) sont mentionnĂ©s en Afrique des ÎαÏÎżÏ Î±Ïοί. Nây cherchons pas des descendants des Mashaouasha. Câest simplement un nom estropiĂ© (sans doute depuis fort longtemps, car lâauteur dâune des versions latines et celui de la Chronique pascale lâont voulu ainsi). Il sâagit des Baquates, peuple maurĂ©tanien, comme lâindique une autre ver-sion latine (Bauer, p. 103). 6. M. Maspero ajoute (III, p. 552) : « Vue de ces rĂ©volutions frĂ©quentes au dĂ©sert avait chassĂ© ceux-ci (les Mashaouasha) de leurs territoires au voisinage de la vallĂ©e et les avait transportĂ©s fort loin Ă lâOccident, sur les bords du fleuve Triton. » Conf. Meltzer, I, p. 64. 7. Il est surprenant quâon ait voulu retrouver un fond de vĂ©ritĂ© historique dans un plat roman de Denys de Millet (Dionysios Seytobrachim), analysĂ© par Diodore de sicile
RELATIONS AVEC DâAUTRES CONTRĂES. 355
V
Nous nâinsisterons pas sur les indications trĂšs diverses donnĂ©es par les Ă©crivains arabes au sujet de migrations qui auraient peuplĂ© lâAfrique du Nord dans des temps trĂšs recu-lĂ©s(1). Câest bien Ă tort que Movers les a prises au sĂ©rieux(2) : elles nâont aucune valeur historique. Tous ces auteurs font ve-nir les BerbĂšres de lâAsie occidentale, qui Ă©tait alors le centre du monde pour les musulmans et quâils regardaient comme le berceau de lâhumanitĂ©. Parfois, ils sâinspirent de traditions dont la source lointaine est la sĂ©rie de gĂ©nĂ©alogies Ă©numĂ©rĂ©es dans le chapitre X dĂ© la GenĂšse(3). Les uns, par dĂ©dain, rattachent les BerbĂšres Ă la postĂ©ritĂ© de Cham le Maudit et les font venir des pays syriens. Les autres attribuent Ă ce peuple, ou tout au moins Ă certaines tribus puissantes, lâorigine que les musulmans con-sidĂ©raient comme la plus noble(4) : ils en font des Arabes, des frĂšres de race du ProphĂšte. Les savants modernes ont prĂ©sentĂ© bien des hypothĂšses sur les peuples qui seraient venus sâĂ©tablir en Afrique, ou qui en seraient sortis. Nous avons indiquĂ© la plupart dâentre elles et montrĂ© combien elles sont fragiles. Il faut les Ă©carter, comme les lĂ©gendes anciennes. Il faut se rĂ©signer it ignorer les Ă©vĂ©nements____________________(III, 53-55) ; Myrina, reine dâune nation dâAmazones Ă lâextrĂ©mitĂ© occidentale de la Libye, prĂšs de lâOcĂ©an, aprĂšs divers exploits dans cette contrĂ©e, se dirige vers lâOrient, traverse lâĂgypte, lâArabie, la Syrie, lâAsie Mineure, oĂč elle finit par ĂȘtre tuĂ©e par des Thraces et des Scythes. 1. Voir lâexposĂ© dâIbn Khaldoun, Histoire des BerbĂšres, trad. De Slane, I, p. 173-185 (et aussi III, p. 180-185). Conf. de Slane, ibid., IV, p. 565 et suiv. ; Four-nel, les Berbers, I, p. 33-34, 36-40 ; Basset, NĂ©dromah et les traras, p. XIII, n. 2. 2. Die Phönizier, II, 2, p. 419 et suiv., 431-5. 3. On trouve mĂȘme des traces du rĂ©cit de Procope : Ibn el Kelbi, citĂ© par Ibn Khaldoun, I, p. 177. Il faut tenir compte aussi du rapprochement qui parait avoir Ă©tĂ© fait entre le mot berbĂšre aguellid, roi (conf. supra, p. 310, n. 3) et Djalout (Go-liath) : il en rĂ©sulta que celui-ci fut donnĂ© pour roi ou pour anccĂȘtre aux BerbĂšres qui vivaient, disait-on, en Palestine : voir de Slane, IV, p. 572. 4. Conf. Ibn Khaldoun, III, p. 183-4.
356 LES TEMPS PRIMITIFS.
qui ont crĂ©Ă© des liens entre les habitants du Nord-Ouest afri-cain et ceux dâautres contrĂ©es. Câest dĂ©jĂ beaucoup de pouvoir constater ces liens. Les recherches des anthropologistes, des linguistes, des archĂ©ologues ont Ă©tabli une sĂ©rie de faits importants ParentĂ© physique des indigĂšnes de la BerbĂ©rie avec les populations du Sud de lâEurope, dâune part, du Nord-Est de lâAfrique, dâautre part. A la lisiĂšre du Sahara, peut-ĂȘtre aussi dans quelques rĂ©gions de la BerbĂ©rie, existence dâĂthiopiens, probablement apparentĂ©s Ă dâautres peuples du continent afri-cain, quoiquâon ne puisse pas encore sâarrĂȘter Ă des conclusions prĂ©cises. Dans la BerbĂ©rie mĂȘme, existence de blonds qui nous rappellent ceux du Nord de lâEurope, sans que nous puissions affirmer quâils soient venus de cette contrĂ©e ; ParentĂ© de la langue libyque avec dâautres langues par-lĂ©es dans tout le Nord-Est de lâAfrique. Dans la nomenclature gĂ©ographique, peut-ĂȘtre des indices de la diffusion dâune ou plusieurs mĂȘmes langues dans le Nord-Ouest africain et dans lâEurope mĂ©ridionale et occidentale ; Ressemblance des industries palĂ©olithiques anciennes au Sud-Ouest et au Nord-Ouest de la MĂ©diterranĂ©e ; des indus-tries palĂ©olithique rĂ©cente et nĂ©olithique ancienne dans le Tell et dans le Sud de la pĂ©ninsule ibĂ©rique ; de lâindustrie nĂ©olithi-que rĂ©cente au Sahara et en Ăgypte ; Introduction probable dâOrient en BerbĂ©rie de plusieurs animaux domestiques : chĂšvre, mouton, Ă lâĂ©poque nĂ©olithi-que ancienne; cheval, chien, dans le cours du second millĂ©-naire. Influences religieuses Ă©gyptiennes durant le second millĂ©-naire. A cette Ă©numĂ©ration, il est permis dâajouter les ressemblan-ces de certaines constructions en pierres sĂšches : dolmens dâAfri-que et dolmens Ă©levĂ©s dons lâOuest de lâEurope au troisiĂšme mil-lĂ©naire; chouchets dâAfrique et tours de lâĂąge du bronze dans les
RELATIONS AVEC DâAUTRES CONTRĂES. 357
Ăźles de la MĂ©diterranĂ©e occidentale. On a vu que, malgrĂ© lâab-sence de preuves, nous sommes enclin Ă faire remonter aux temps prĂ©historiques lâadoption de ces types de sĂ©pultures en Afrique. Nous pouvons ajouter Ă©galement, mais avec plus de rĂ©serve, la presque identitĂ© de la cĂ©ramique berbĂšre moderne Ă peintures gĂ©omĂ©triques et de celle qui Ă©tait en usage au troi-siĂšme millĂ©naire dans la MĂ©diterranĂ©e, depuis la Sicile jusquâĂ lâĂźle de Chypre. Les ressemblances physiques, la communautĂ© dâorigine des langues supposent des migrations importantes, mais il est impossible de dire dans quelle direction, de quelle maniĂšre ces mouvements de populations se sont accomplis. Les indus-tries, les types de constructions, les animaux domestiques, les croyances ont peut-ĂȘtre propagĂ©s sans conquĂȘte violente et par un petit nombre dâindividus. Il convient de noter les parentĂ©s, les relations, les influences probables, mais non pas dâen faire un faisceau pour Ă©chafauder quelque systĂšme, car il i agit de faits sâĂ©chelonnant sur, une trĂšs longue suite de siĂšcles, dont lâhistoire nous Ă©chappe entiĂšrement.
528 TABLE DES MATIĂRES
LIVRE II
LES TEMPS PRIMITIFS
CHAPITRE PREMIER. â La civilisation de la pierre.I. Civilisation palĂ©olithique, 177. â Types chellĂ©en, acheulĂ©en, moustĂ©rien, 178. â Stations de Ternifine, 178-9, et du lac Karar, 179. â Autres trouvailles non accompagnĂ©es dâune faune, 179-180 ; en particulier prĂšs de Gafsa, 180-1. â Vie des hommes de cette Ă©poque, 181-2. â Ressemblances avec lâindustrie primitive dâautres pays, 183. â Persistance de lâindustrie moustĂ©rienne, 183-4 ; dans des grot-tes, 184-5.II. Civilisation palĂ©olithique plus rĂ©cente, 186. â Stations Ă industrie dite gĂ©tulienne, 186-8. â Grottes et stations Ă industrie ibĂ©ro-mauru-sienne, 189.III. Civilisation nĂ©olithique, 190. â Grottes habitĂ©es, 190-1. â Cette civilisation, qui a durĂ© longtemps, nâest pas uniforme, 191. â Indus-tries de la pierre, 192-3 ; de lâos poli, 193-4 ; de la poterie, 194-5. â Ćufs dâautruche, 195. â Objets dits de parure, 195-6. â Nourri-ture des troglodytes, 196-8.IV. Stations nĂ©olithiques en plein air, 198-9 ; les unes contemporaines des stations dans les grottes, les autres plus rĂ©centes, 199. â Civilisa-tion nĂ©olithique berbĂšre, 200-1 ; contemporaine des gravures rupes-tres, 201-3.V. Civilisation nĂ©olithique saharienne, 203-5. â Industrie de la pierre, 205-6 ; ressemblances avec lâindustrie nĂ©olithique Ă©gyptienne, 206. â Poteries, 207. â Ćufs dâautruche, 207. â Meules, 207. â Objets de parure, 208. â Cette civilisation a pu se maintenir jusquâaux temps historiques, 208-9.VI. Relations commerciales Ă lâĂ©poque de la civilisation de la pierre, 209-210. â Usage des mĂ©taux, 210-1. Incertitude Ă cet Ă©gard ; peut-ĂȘtre nây a-t-il pas eu dâ « Ăąge du bronze » en BerbĂ©rie, 212. â Persis-tance de lâindustrie de la pierre dans certaines rĂ©gions, 213-4. âSur-vivances, 214-5.
177-215
CHAPITRE II. â Origines de lâĂ©levage et de la culture.I. Alimentation des Africains primitifs, 216-8. â Le chien, compa-gnon de chasse, nâest domestiquĂ© quâassez tard, 217. â Insuffisance de nos connaissances sur les dĂ©buts de lâĂ©levage, 218. â Le bĆuf, 218-222. Le buffle a-t-il Ă©tĂ© domestiquĂ© ? 222. â Aucune preuve de la domestication du porc, 222-3. â Le mouton et la chĂšvre, 223-7. â LâĂąne, 227-9. â Le cheval, dâimportation assez rĂ©cente, 229-234. â Conclusions sur lâorigine des animaux domestiques connus en BerbĂ©rie, 234.
216-239
TABLE DES MATIĂRES 529
II. LâĂ©levage reste trĂšs longtemps la ressource essentielle dâun grand nombre dâindigĂšnes, 234-5. â Dâautres deviennent cultivateurs, 235. â LĂ©gumes, 235-6. â CĂ©rĂ©ales, 236-7. â Culture du lin (?), 237-8. â Pas de preuves de cultures arbustives, 238-9. â Ne pas exagĂ©rer le rĂŽle Ă©ducateur des PhĂ©niciens au point de vue agricole, 239.CHAPITRE III. â Ătat social. Magie et Religion. Art. Pratiques funĂ©raires.I. Groupes primitifs, villages nĂ©olithiques, 240. â Constitution de la famille; origine des tribus, des Ătats : notre ignorance Ă cet Ă©gard, 240-2.II. Pratiques magiques indiquĂ©es par les auteurs anciens, 242-3. â Magie sur les gravures rupestres, 243. â Croyances animistes, fĂ©ti-chisme : manque de documents pour les temps prĂ©historiques, 243-4. â ZoolĂątrie, 244-5 ; attestĂ©e par Diodore de Sicile, 245 ; par les gra-vures rupestres, 245. â Indices de totĂ©misme dans lâAfrique du Nord, 246-7. â Adoration dâun animal particulier, incarnation dâun dieu, 247. â Forme humaine associĂ©e a la forme animale ; il sâagit peut-ĂȘtre de mascarades, 247-8. â Pas de preuves dâanthropomorphisme, 248. â Culte du soleil et de la lune; texte dâHĂ©rodote et autres tĂ©moi-gnages plus rĂ©cents, 248-250. â BĂ©liers Ă disque solaire des gravures rupestres, 250-1. â Ce sont des images du dieu Ammon, dâorigine Ă©gyptienne, 251-2 ; introduit probablement au second millĂ©naire, 253. â Il est possible que les Libyens aient adorĂ© dâautres dieux Ă©gyptiens, 253. â Dieux libyques sous des noms grecs, 254. â Postures rituel-les sur des gravures rupestres, 254-5. â Pas de preuves de sacrifices, 255. â Dieux de culte : sans doute devant les gravures, 256 ; dans des grottes, 256.III. Gravures rupestres, 257. â Les graffites libyco-berbĂšres sont de date rĂ©cente, 257-9 ; bien postĂ©rieurs aux dessins dits prĂ©historiques, 259. Gravures prĂ©historiques; rĂ©gions oĂč on les trouve, 259-261. â Elles sont gĂ©nĂ©ralement tracĂ©es sur des parois verticales de grĂšs, 261-2. â Technique, dimensions, 262-3. â Sujets reprĂ©sentĂ©s; pas de vĂ©gĂ©taux, 263 ; animaux et hommes, 263 ; objets, 263. â Valeur artistique, 264. â Figures isolĂ©es, ou scĂšnes, 264-5. â HypothĂšses sur lâĂ©poque de ces gravures, 265-6 ; elles appartiennent Ă la fin des temps nĂ©olithiques ; probablement, en partie, Ă la deuxiĂšme moitiĂ© du second millĂ©naire, 266. â Leur ressemblance avec des gravures rupestres de la vallĂ©e du Nil, 267. â Rien ne prouve quâelles aient Ă©tĂ© faites exclusivement par des noirs, 268. â Leur destination religieuse ou magique, 268-9.
240-274
530 TABLE DES MATIĂRES
IV. Pratiques funĂ©raires, 269. â Ensevelissements dans des grottes, 269-271. â Mobilier funĂ©raire (?), 272. â CrĂąnes portant des traces de couleur rouge, 272-3. â Pas de preuves du rite du dĂ©charnement, 273. â Jambes pliĂ©es, 273. â Les tombeaux en pierres sĂšches actuel-lement connus datent seulement des temps historiques, 274.CHAPITRE IV. â Anthropologie.I. Insuffisance des textes anciens, 275-6 ; des documents archĂ©ologi-ques, 276 ; des documents ostĂ©ologiques anciens, 276. â La popu-lation de lâAfrique du Nord ne sâest pas beaucoup modifiĂ©e depuis les temps prĂ©historiques, 277. â Apports des PhĂ©niciens, 277 ; des Romains, 277-8 ; des Vandales, 278-9 ; des Byzantins, 279 ; des con-quĂ©rants arabes, 279 ; des Ouled Hilal, 279-280 ; des Turcs, 280 ; des Juifs, 280 ; des Andalous, 281-2 ; des Nigritiens, 282-3.II. LâĂ©tude anthropologique des BerbĂšres est encore peu avancĂ©e, 283. â DifficultĂ© des recherches et incertitude des mĂ©thodes, 284-5. â CaractĂšres physiques de la plupart des BerbĂšres, 285-6. â Type brun, grand, Ă tĂȘte allongĂ©e, 286. â Type brun, petit, Ă tĂšte allongĂ©e, 286-7. â AnciennetĂ© de ces deux types, 287. â Type brun, petit, Ă tĂȘte ronde, 288. â BerbĂšres blonds, 288-290. â Leur rĂ©partition, 290-2. â AnciennetĂ© de ce type, 292. â Textes et documents archĂ©ologiques concernant les blonds du Nord de lâAfrique, 292-3.III. Population foncĂ©e des oasis, 293-4. â Type du Djerid, 294. â Ni-gritiens dans les oasis, 294. â Textes concernant les Ăthiopiens Ă©tablis au Sud de la BerbĂ©rie, 295-8. â CâĂ©taient des hommes Ă la peau na-turellement foncĂ©e, 299. â Il est peut-ĂȘtre venu des esclaves de lâin-tĂ©rieur du continent Ă lâĂ©poque historique, 299-300. â Mais les oasis ont dĂ» ĂȘtre occupĂ©es par des Ăthiopiens dĂšs une antiquitĂ© trĂšs reculĂ©e, 300 ; les uns probablement semblables aux Nigritiens, dâautres peut-ĂȘtre diffĂ©rents, 301-2. â Ăthiopiens introduits en BerbĂ©rie Ă lâĂ©poque historique, 302. â Il y en avait peut-ĂȘtre dans la population primitive du pays, 302-4.IV. ParentĂ© des BerbĂšres bruns avec les EuropĂ©ens du Midi et les Ăgyptiens. 304-6. â HypothĂšses vaines Ă ce sujet, 306. â HypothĂš-ses sur lâorigine des blonds, 306-8.
275-308
CHAPITRE V. - La langue libyque.I. Les dialectes berbĂšres actuels, 309 ; leur diffusion, 309-310. â La mĂȘme langue Ă©tait parlĂ©e dans lâantiquitĂ©; on peut lâappeler libyque, 310. â DifficultĂ© de la connaitre, 310. â Inscriptions dites libyques, indĂ©chiffrĂ©es, 310-1. â Indications vagues des auteurs, 311. â Les mots libyques, ou prĂ©tendus tels, mentionnĂ©s vans les textes, ne nous apprennent rien, 311-4. â Noms antiques de personnes Ă tournure berbĂšre, 315. â Noms antiques de lieux qui sâexpliquent par les dia-lectes berbĂšres, 315-7. â Diffusion de la langue libyque sur toute la
309-326
Livre numérisé en mode texte par :Alain Spenatto.
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