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Histoire de la médiatisation du sport en France
Constat en 2012 Presse écrite : monopole de l’Equipe (3
ème quotidien français) et une réelle dynamique de la presse magazine
Radio : l’information sportive est continue, des émissions, des stations sont spécialisées dans le sport
Internet et TV : une diffusion continue, des émissions et des chaînes spécialisées
� Cette situation est-elle nouvelle ? Peut-on considérer la course médiatique qui entoure le sport ces dix
dernières comme une innovation où comme un processus de développement continue ponctué d’accélérations ?
Ne réinvente-t-on pas tjs les mêmes recettes autour du cercle « média-sponsoring-marchandisation »
Plan du cours
1854-1939 : la première médiatisation du sport en France ...............................
1. Un élitisme fondateur (1854-1869) ...................................................................................................
2. Le temps de la conquête (fin des années 1860 – 1914) ....................................................................
3. Passeport pour la ‘Une’ (1918-1939) .................................................................................................
4. Le cap de la radio (1923-1939) ..........................................................................................................
De la plume à l’écran. Sports et médias depuis 1945. ........................................
5. La IVe République entre continuité et nouvelle donne ......................................................................
6. L’irrésistible ascension de la ‘télé’ (années 1960-1984) ....................................................................
7. La presse sportive depuis les années 1960 ........................................................................................
8. 56 000 heures : télévision et hypermédiatisation (1984-2005) .............. Erreur ! Signet non défini.
Référence bibliographique : Philippe Tétart (dir.), Histoire du sport en France, Tome 1 et Tome 2, Paris, Vuibert, 2007, plus particulièrement
dans le Tome 1 : Philippe Tétart « de la balle à la plume. La première médiatisation des passions sportives (1854-1939), pp. 289-327. Et,
Tome 2, Merryl Moneghetti, Philippe Tétart et Fabioen Wille, « De la plume à l’écran. Sports et médias depuis 1945 », pp. 197-228.
1854-1939 : la première médiatisation du sport en France
Les médias jouent un rôle capital dans l’histoire du sport :
a. En organisant la plupart des premiers évènements
sportifs
b. En soutenant le secteur naissant de l’industrie sportive
c. En encourageant les français à faire du sport
Facteurs de développement des amateurs-
lecteurs de sport à la fin du XIXème :
a. Les progrès de l’alphabétisation,
b. Le développement du spectacle sportif
c. L’essor de la presse bon marché
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1. Un élitisme fondateur (1854-1869)
Le sport. Journal des gens du monde - Le 17 sept. 1854 � 1
er numéro du journal, Le sport. Journal des gens du monde. Fondateur : Eugène Chapus
- Contenu : la vie des haras, du turf, de la chasse + canotage, pêche, boxe française, boxe anglaise, bâton,
lutte, tir, nage, jeux de boules, danse, gymnastique, arbalète, jeu de paume et billard.
Sport, presse et mondanités - cohabitation forte avec les pratiques mondaines de la fin du XIXe s. Paris, littoral aquitain et la côte d’Azur.
Le tournant des années 1860 - Accélération de la presse sportive. plusieurs facteurs :
a. La modernisation des procédés d’imprimerie
b. La naissance de l’enjeu industriel médiatique
c. L’appétit de lecture des catégories sociales alphabétisées
d. Affaiblissement du poids de la presse politique
Conséquence : le sport est présent dans les sommaires de la PQN et apparition des organes, 1860, Le Sport
Nautique. Moniteur officiel du canotage en France.
2. Le temps de la conquête (fin des années 1860 – 1914) Accélération de la presse sportive : Rubrique ‘high life’ dans L’Illustration (1869), les titres vélocipédiques, une
vogue hippique plus importante, Le Petit sportsman (1968), gratuit = suggère la rentabilité publicitaire du sport
Le rôle fondateur de la presse hippique Une place centrale dans l’espace de la médiatisation du sport au début des années 1870.
En 1863, Le Jockey � bi-hebdomadaire, puis quoditien à partir de 1882 témoignant de la passion des français
aisés pour l’hippodrome. Il ne disparaît qu’en 1935.
Remarque sur le style des journaux : Sans photo, ni radio et encore moins de TV ou de cinéma, le journaliste doit
donner à son récit un style permettant de créer l’émotion, de donner une image avec des mots.
� La qualité d’écriture est une des raisons du succès du journalisme moderne.
# A partir des années 1880, la presse vélocipédique joue un rôle décisif dans l’affirmation de la presse sportive
Remarque : pour les hommes de la fin du XIXe siècle, le vélocipède célèbre la conquête de l’espace et de la
vitesse. C’est un symbole fort de la modernité, des progrès technique de l’époque. La presse populaire s’accapare
le phénomène, ex : Le Petit Journal diffusé jusqu’à un million en 1891.
Les grands quotidiens font l’évènementLa relation « presse et cyclisme » est à comprendre entre l’intérêt de la presse pour le vélo et l’affirmation de la
relation d’intérêts réciproques de l’industrie cycliste, des institutions du sport et de la presse.
1er
exemple : 1869, Richard Lesclide fonde le
Vélocipède Illustré
Richard Lesclide, avec le soutien de Moïse
Millaud, directeur du Petit Journal, plus gros tirage
quotidien de l’époque, lance le Paris
relation nouvelle est née : « le journal
l’évènement et l’évènement supporte le journal
(Jacques Marchand, 1989).
1891, Véloce-Sport lance Bordeaux-Paris.
1891, Le Petit Journal lance Paris-Brest
En 1899, Le Matin, autre quotidien national le plus
important, lance le Tour de France automobile.
1886-1900 : le temps des ‘quotidiens sportifs’Le mariage d’intérêt entre presse, industrie et milieux sportifs permet la naissance des quotidiens sportifs.
1880-1914, c’est l’âge d’or de la presse écrite.
2 titres piliers de l’histoire du sport français naissent à cette époque
Le Vélo ouvre la voie des quotidiens sportifs, organisateur d’évènements sportifsAprès le triomphe de Paris-Brest-Paris
Journal quotidien de vélocipédie. « Le Vert
a. De vrais bons journalistes spécialisés
b. L’aptitude à créer et exploiter l’actualité vélocipédique sans oublier le reste de l’actu sportive
c. Il est omnisport, en écho à la culture de l’USFSA
# Avec la loi sur la liberté de la pres
explosion des nouveaux titres. 1880,
1886, La revue vélocipédique ; 1885, V
L’accélération est plus franche après
Paris en 1889 qui ouvre le temps de la
profite au vélo.
Exemples de titres : 1890, La France cycliste
1895, Le monde Cycliste ; et en région
Cycliste en 1894 et 1895.
� Ces titres donnent l’impulsion à la popularisation du vélo par
le biais de l’information compétitive et encouragent la
démocratisation du cycle
idiens font l’évènement » est à comprendre entre l’intérêt de la presse pour le vélo et l’affirmation de la
réciproques de l’industrie cycliste, des institutions du sport et de la presse.
: 1869, Richard Lesclide fonde le
Richard Lesclide, avec le soutien de Moïse-Polydore
Millaud, directeur du Petit Journal, plus gros tirage
quotidien de l’époque, lance le Paris-Rouen. Une
le journal supporte
l’évènement et l’évènement supporte le journal »
Paris.
Brest-Paris
, autre quotidien national le plus
important, lance le Tour de France automobile.
ens sportifs’ mariage d’intérêt entre presse, industrie et milieux sportifs permet la naissance des quotidiens sportifs.
1914, c’est l’âge d’or de la presse écrite. Demande sociale en lien avec alphabétisation initiée par J. Ferry
2 titres piliers de l’histoire du sport français naissent à cette époque : Le Vélo (1892-1904)
ouvre la voie des quotidiens sportifs, organisateur d’évènements sportifsParis, Pierre Giffard cofonde le premier quotidien sportif omnispor
Le Vert ». 10 000 ex en 1892, 100 000 en 1899. Les raisons du succès
De vrais bons journalistes spécialisés : Victor Breyer (avant qu’il ne crée l’Echo), Frantz Reichel….
er l’actualité vélocipédique sans oublier le reste de l’actu sportive
omnisport, en écho à la culture de l’USFSA
La presse écrite est
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la loi sur la liberté de la presse en 1881, on assiste à
1880, Le sport vélocipédique ;
Véloce-sport et Véloceman.
après l’exposition universelle de
qui ouvre le temps de la conquête industrielle et
La France cycliste ; 1894, Le Cycliste ;
; et en région : Catalan-Cycliste, L’Est-
donnent l’impulsion à la popularisation du vélo par
is de l’information compétitive et encouragent la
» est à comprendre entre l’intérêt de la presse pour le vélo et l’affirmation de la
réciproques de l’industrie cycliste, des institutions du sport et de la presse.
mariage d’intérêt entre presse, industrie et milieux sportifs permet la naissance des quotidiens sportifs.
alphabétisation initiée par J. Ferry.
1904), L’Auto (1900-1944)
ouvre la voie des quotidiens sportifs, organisateur d’évènements sportifs cofonde le premier quotidien sportif omnisport : Le Vélo.
raisons du succès :
: Victor Breyer (avant qu’il ne crée l’Echo), Frantz Reichel….
er l’actualité vélocipédique sans oublier le reste de l’actu sportive
Les courses cyclistes organisées par les journalistes
parcours de Paris-Roubaix. 1000 fr: 5 mois
L’impact de l’affaire Dreyfus sur le devenir de la presse sportive française
L’affaire Dreyfus, conflit social et politique majeur de la
France. C’est est un des exemples les plus marquants d’une erreur judiciaire difficilement réparée, avec un rôle
majeur joué par la presse et l’opinion publique
Pierre Giffard, Dreyfusard, freine la trajectoire ascendante du journal.
du Vélo et soutiennent le projet d’Henri Desgrange
juridique sur le nom du nouveau journal et devant le succès d
disparaît.
Coup double : l’Auto et le Tour de France
Un groupe d’industriels (Michelin, de Dion
H.Desgrange et Géo lefèvre la création de
�Journal omnisport, prosélyte (éduquer
Auto-Vélo vs Le Vélo - le Jaune vs
l’’organisation d’épreuves sportives. Auto
compétition pour sauver le journal.
1903, l’Auto-Vélo devient l’Auto.
En 1902, Géo Lefèvre suggère le principe d’un Tour de France cycliste pa
France automobile organisé par Le Matin
les kiosques (juillet 1903 : 65 000 ex/jour).
gagne l’équivalent de six années de salaire
Le Tour permet à l’Auto de s’imposer comme «
Les périodiques de la Belle Epoque
En 1901,
l’apparition du photo
La Vie au Grand Air de Pierre Laffitte (1898
Les courses cyclistes organisées par les journalistes : En 1896, Victor Breyer, futur Président de l’UCI, trace le
5 mois salaire ouvrier. (Ascenseur social)
L’impact de l’affaire Dreyfus sur le devenir de la presse sportive française :
conflit social et politique majeur de la Troisième République (accusation de
un des exemples les plus marquants d’une erreur judiciaire difficilement réparée, avec un rôle
opinion publique.
freine la trajectoire ascendante du journal. Les propriétaires du journal
Henri Desgrange de fonder l’Auto-Vélo. En Novembre 1904, après une bataille
juridique sur le nom du nouveau journal et devant le succès de la création par l’Auto
France
groupe d’industriels (Michelin, de Dion-Bouton, Automobile club de France, les cycles Clément
Géo lefèvre la création de L’Auto-Vélo. 1er
num : 16 octobre 1900.
éduquer physiquement la jeunesse française à la modernité
vs le Vert. Rivalité économique, dans la recherche d’informations
Auto-Vélo : contexte de vente difficile 33 000 ex/jour
le principe d’un Tour de France cycliste par étape s’inspirant du premier Tour
e Matin. Départ de la course, le 1er
juillet. Succès immédiat
000 ex/jour). La course, ascenseur social par le sport. Maurice Garin, ex
l’équivalent de six années de salaire ?
e Tour permet à l’Auto de s’imposer comme « le » quotidien sportif. 140 000 ex/j en 1913
Les périodiques de la Belle Epoque En 1901, 46 titres sportifs. Ancrage du sport dans les médias
l’apparition du photo-journalisme.
La Vie au Grand Air de Pierre Laffitte (1898-1922)
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En 1896, Victor Breyer, futur Président de l’UCI, trace le
accusation de trahison), divise la
un des exemples les plus marquants d’une erreur judiciaire difficilement réparée, avec un rôle
Les propriétaires du journal se désengagent
. En Novembre 1904, après une bataille
du Tour de France, le Vélo
cycles Clément, …) confie à
à la modernité)
dans la recherche d’informations, dans
jour. Le Tour de France, une
s’inspirant du premier Tour de
immédiat sur les routes et dans
Maurice Garin, ex-ramoneur,
en 1913 7ème
tirage nationale.
dans les médias renforcé avec
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Conclusion : Avant 1914, la presse détermine la première popularisation de la pratique sportive en France.
3. Passeport pour la ‘Une’ (1918-1939) le développement du spectacle sportif affirme le potentiel médiatique du sport (PE et radio)
L’Auto domine le marché
La concurrence s’aiguise, le débat s’élargit - La généralisation de l’info sportive dans la PQN est la principale concurrence de
l’Auto.
- L’intérêt de la PQN pour le sport modifie le style rédactionnel des productions
journalistiques relatives au sport
- Description des actions, les articles de sports doivent permettre au lecteur de
vivre l’émotion du spectateur
- 20’s-30’s : football et boxe en hiver ; cyclisme et athlétisme en été.
- La régularité du calendrier des compétitions sportives crée une temporalité dans
l’information sportive
- L’Auto, record 364 000 ex/J en 1933 et des pointes à 730 000 ex/jour en juillet
- Le développement du sport dans la PQN et la RADIO = Fléchissement de l’Auto
- Radio : de 40 000 en 1922 à 5 millions de postes en 1939
Le Petit Parisien
12 octobre 1928
Le factuel pour la radio, le débat sur les vertus du sport pour la presse écrite spécialisée
Avantage de presse écrite sur la Radio : l’utilisation massive des photos ! passage d’une société de l’écrit à une
société de l’image !
la valise bélinographe, années 1930
Miroir des sports et Match-l’intran, deux exemples de
l’ère nouvelle du photojournalisme sportif.
juillet 1938, création de Match (jusqu’à 1,4 millions
d’exemplaires en 1939)
Explosion des titres régionaux, coloniaux et fédéraux.
Exemples : Midi-Olympique en 1919, Marseille Sports
en 1920, l’Echo des sports indochinois en 1925, l’Echo
des sports Nord-Africains (1936).
De plus en plus de niches éditoriales La sectorisation de la presse sportive magazine concerne au début le cyclisme, le motocyclisme, le cyclotourisme,
mais également le football (bulletins de supporters : Le Bulletin du football-Club Rouennais en 1927), et la
parution des organes fédéraux (Natation en 1922, Basket-Ball en 1933, La Revue du Ping-Pong en 1935).
Conclusion : du local au national, Le maillage médiatico-sportif participe à l’acculturation sportive des franças.
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1938 : La révolution Paris Soir
Paris Soir vient à bout du leadership de l’Auto en pariant sur la photographie, la neutralité politique, les
reportages chocs, la rapidité de l’information, les rubriques consacrées aux femmes.
Paris-Soir 134 000 exemplaires en 1931, 1,76 million en 1939. (en 2009, Paris Match, 700 000 ex en moyenne).
Transition : l’’âge d’or de la presse se referme du fait de la croissante de la Radio.
4. Le cap de la radio (1923-1939) Radiola en 1922, une station privée et Radio PTT en 1923, une station publique.
Le sport profite de ce nouveau vecteur de médiatisation pour accentuer son écho et sa popularité notamment à
travers le choc que constitue le ‘direct’.
Le choc du direct (1923-1929) Edmond Dehorter, le ‘parleur inconnu’. En 1924, il commente le tournoi des 5 nations à Paris, le tournoi
olympique de football ; les Six jours au Vel d’hiv’, les JO d’été à Paris en haut d’une nacelle afin de mieux vivre ls
épreuves.
Edmond Dehorter, le parleur inconnu
Appareil radio, type 1930
La radio, un média prosélyte. Cours de culture physique de Georges Hébert.
La technique au service de la rapidité, voire du direct ; Grâce au système de la gravure sur disque, la diffusion de
l’information sportive n’est reportée que de 12h sur Paris et de 24h dans les autres grandes villes françaises.
Un sport radiophonique de plus en plus présent
Vers une écoute de masse
La radio sportive instaure un rapport de proximité entre l’auditeur et l’évènement.
� Influence de la médiatisation du sport par la radio : La radio inscrit le sport dans la sphère privée.
L’augmentation du nombre de poste favorise l’acculturation du plus grand nombre.
Conclusion radio : La radio des années 30 prépare la population française à rentrer dans l’ère de la consommation
sportive de masse.
Conclusion La médiatisation du sport de compétition a favorisé la démocratisation du sport
Le dynamisme des médias sportifs des années 1880-1930 est un signe avant-coureur de la ‘massification sportive’,
démographique, économique, médiatique, qui se joue à partir de la toute fin des années 1950.