Par ordre alphabétique
1
À jeun
Parfaitement à jeunVous me voyez surpris
De ne pas trouver mon lit ici
Parfaitement à jeunJe le vois qui recule
Je le vois qui bascule aussi
Guili guili guili
Viens-là mon petit litSi tu ne viens pas t'a moi
Ce n'est pas moi qui irai t'à toiMais qui n'avance pas reculeComme dit Monsieur Dupneu
Un mec qui articuleEt qui est chef du contentieux
Parfaitement à jeunJe reviens d'une belle fête
J'ai enterré Huguette ce matin
Parfaitement à jeunJ'ai fait semblant d'pleurerPour ne pas faire rater la fête
Z'étaient deux cents noirsLes voisins les amis
Y avait qu'moi qu'était grisDans cette foire
Y avait beau-maman belle-papaZ'avez pas vu Mirza
Et puis Monsieur DupneuQu'est chef du contentieux
Parfaitement à jeunEn enterrant ma femmeJ'ai surtout enterréla maitresse d'André
Je n'l'ai su que c'matinEt par un enfant de chœur
Qui m'racontait qu'sa sœur ah çaIl me reste deux solutionsOu bien frapper AndréOu bien gnougnougnafié
La femme d'AndréSur son balcon
Ou bien rester chez moiFeu-cocu mais joyeux
C'est ce que me conseille AndréAndré André Dupneu
Qu'est mon chef du contentieux
Parfaitement à jeunVous me voyez surpris
De ne pas trouver mon lit
2
Aldonza
Paroles: Jacques Brel. Musique: Mitch Leigh 1968note: de la comédie musicale "L'homme de la Mancha"
Je suis née comme une chienne une nuit où il pleuvaitJe suis née et ma mère est partie en chantantEt je ne sais rien d'elle que la haine que j'en ai
J'aurais dû venir au monde en mourant
Eh bien sûr, il y a mon père, on dit, on dit souventQue les filles gardent leur père au profond de leur cœurMais je n'ai pas su mon père, mon père était plusieurs
Car mon père était un régimentJe ne peux même pas dire s'ils étaient andalous ou prussiens
Sont-ils morts vers le nord, sont-ils morts vers le sudJe n'en sais rien !
Une Dame, et comment veut-il que je sois une Dame ?
J'ai grandi comme une chienne de carrefour en carrefourJ'ai grandi et trop tôt sur la paille des mulesDe soldat en soldat, de crapule en crapule
J'ai connu les bienfaits de l'amourEt je vis comme une bête, je fais ça comme on se mouche
Et je vis sans savoir ni pour qui ni pour quoiPour un sou je me lève, pour deux sous je me couche
Pour trois sous je fais n'importe quoi !Si vous ne me croyez guère, pour trois sous venez voir le restant
De la plus folle des fiancés au plus crapuleux des brigands de la terre
Mais chassez donc vos nuages et regardez-moi telle que je suisUne Dame, une vraie Dame a une vertu, a une âme
Dieu de Dieu, de tous les pires salauds que j'ai connusVous qui parlez d'étoile, vous qui montrez le ciel,
Vous êtes bien le plus infâme, le plus cruelFrappez-moi, je préfère le fouet à vos chimères,
Frappez-moi jusqu'au feu, jusqu'au sol, jusqu'à terreMais gardez votre tendresse, rendez-moi mon désespoir
Je suis née sur le fumier et j'y repars,Mais je vous en supplie, ne me parlez plus de Dulcinéa
Vous voyez bien que je ne suis rien, je ne suis qu'Aldonza la putain.
AmsterdamParoles et Musique: Jacques Brel 1964 "Olympia 64"
autres interprètes: Isabelle Boulay
Dans le port d'AmsterdamY a des marins qui chantentLes rêves qui les hantentAu large d'Amsterdam
Dans le port d'AmsterdamY a des marins qui dormentComme des oriflammes
Le long des berges mornesDans le port d'AmsterdamY a des marins qui meurentPleins de bière et de drames
Aux premières lueursMais dans le port d'AmsterdamY a des marins qui naissentDans la chaleur épaisseDes langueurs océanes
3
Dans le port d'AmsterdamY a des marins qui mangentSur des nappes trop blanchesDes poissons ruisselants
Ils vous montrent des dentsA croquer la fortuneA décroisser la luneA bouffer des haubansEt ça sent la morue
Jusque dans le cœur des fritesQue leurs grosses mains invitent
A revenir en plusPuis se lèvent en riant
Dans un bruit de tempêteReferment leur braguette
Et sortent en rotant
Dans le port d'AmsterdamY a des marins qui dansentEn se frottant la panseSur la panse des femmes
Et ils tournent et ils dansentComme des soleils crachés
Dans le son déchiréD'un accordéon ranceIls se tordent le cou
Pour mieux s'entendre rireJusqu'à ce que tout à coup
L'accordéon expireAlors le geste graveAlors le regard fier
Ils ramènent leur bataveJusqu'en pleine lumière
Dans le port d'AmsterdamY a des marins qui boiventEt qui boivent et reboiventEt qui reboivent encoreIls boivent à la santé
Des putains d'AmsterdamDe Hambourg ou d'ailleursEnfin ils boivent aux dames
Qui leur donnent leur joli corpsQui leur donnent leur vertu
Pour une pièce en orEt quand ils ont bien buSe plantent le nez au ciel
Se mouchent dans les étoilesEt ils pissent comme je pleureSur les femmes infidèlesDans le port d'AmsterdamDans le port d'Amsterdam.
4
Au printempsParoles et Musique: Jacques Brel 1958
Au printemps au printempsEt mon cœur et ton cœurSont repeints au vin blancAu printemps au printempsLes amants vont prier
Notre-Dame du bon tempsAu printemps
Pour une fleur un sourire un sermentPour l'ombre d'un regard en riant
Toutes les fillesVous donneront leurs baisers
Puis tous leurs espoirsVois tous ces cœursComme des artichauts
Qui s'effeuillent en battantPour s'offrir aux badaudsVois tous ces cœurs
Comme de gentils mégotsQui s'enflamment en riantPour les filles du métro
Au printemps au printempsEt mon cœur et ton cœurSont repeints au vin blancAu printemps au printempsLes amants vont prier
Notre-Dame du bon tempsAu printemps
Pour une fleur un sourire un sermentPour l'ombre d'un regard en riant
Tout ParisSe changera en baisers
Parfois même en grand soirVois tout Paris
Se change en pâturagePour troupeaux d'amoureuxAux bergères peu sages
Vois tout ParisJoue la fête au villagePour bénir au soleil
Ces nouveaux mariages
Au printemps au printempsEt mon cœur et ton cœurSont repeints au vin blancAu printemps au printempsLes amants vont prier
Notre-Dame du bon tempsAu printemps
Pour une fleur un sourire un sermentPour l'ombre d'un regard en riant
Toute la TerreSe changera en baisersQui parleront d'espoir
Vois ce miracleCar c'est bien le dernierQui s'offre encore à nousSans avoir à l'appeler
Vois ce miracleQui devait arriver
C'est la première chance
5
La seule de l'année
Au printemps au printempsEt mon cœur et ton cœurSont repeints au vin blancAu printemps au printempsLes amants vont prier
Notre-Dame du bon tempsAu printemps
Au printempsAu printemps
Au suivantParoles et Musique: Jacques Brel 1964
Tout nu dans ma serviette qui me servait de pagneJ'avais le rouge au front et le savon à la main
Au suivant au suivantJ'avais juste vingt ans et nous étions cent vingt
A être le suivant de celui qu'on suivaitAu suivant au suivant
J'avais juste vingt ans et je me déniaisaisAu bordel ambulant d'une armée en campagne
Au suivant au suivant
Moi j'aurais bien aimé un peu plus de tendresseOu alors un sourire ou bien avoir le temps
Mais au suivant au suivantCe ne fut pas Waterloo mais ce ne fut pas Arcole
Ce fut l'heure où l'on regrette d'avoir manqué l'écoleAu suivant au suivant
Mais je jure que d'entendre cet adjudant de mes fessesC'est des coups à vous faire des armées d'impuissants
Au suivant au suivant
Je jure sur la tête de ma première véroleQue cette voix depuis je l'entends tout le temps
Au suivant au suivantCette voix qui sentait l'ail et le mauvais alcoolC'est la voix des nations et c'est la voix du sang
Au suivant au suivantEt depuis chaque femme à l'heure de succomber
Entre mes bras trop maigres semble me murmurerAu suivant au suivant
Tous les suivants du monde devraient se donner la mainVoilà ce que la nuit je crie dans mon délire
Au suivant au suivantEt quand je ne délire pas j'en arrive à me direQu'il est plus humiliant d'être suivi que suivant
Au suivant au suivantUn jour je me ferai cul-de-jatte ou bonne sœur ou pendu
Enfin un de ces machins où je ne serai jamais plusLe suivant le suivant
6
BruxellesParoles et Musique: J. Brel/G Jouannest 1962
C'était au temps où Bruxelles rêvaitC'était au temps du cinéma muet
C'était au temps où Bruxelles chantaitC'était au temps où Bruxelles bruxellait
Place de Broukère on voyait des vitrinesAvec des hommes des femmes en crinolinePlace de Broukère on voyait l'omnibusAvec des femmes des messieurs en gibus
Et sur l'impérialeLe cœur dans les étoilesIl y avait mon grand-pèreIl y avait ma grand-mère
Il était militaireElle était fonctionnaire
Il pensait pas elle pensait rienEt on voudrait que je sois malin
C'était au temps où Bruxelles chantaitC'était au temps du cinéma muetC'était au temps où Bruxelles rêvait
C'était au temps où Bruxelles bruxellait
Sur les pavés de la place Sainte-CatherineDansaient les hommes les femmes en crinoline
Sur les pavés dansaient les omnibusAvec des femmes des messieurs en gibus
Et sur l'impérialeLe cœur dans les étoilesIl y avait mon grand-pèreIl y avait ma grand-mère
Il avait su y faireElle l'avait laissé faire
Ils l'avaient donc fait tous les deuxEt on voudrait que je sois sérieux
C'était au temps où Bruxelles rêvaitC'était au temps du cinéma muet
C'était au temps où Bruxelles dansaitC'était au temps où Bruxelles bruxellait
Sous les lampions de la place Sainte-JustineChantaient les hommes les femmes en crinoline
Sous les lampions dansaient les omnibusAvec des femmes des messieurs en gibus
Et sur l'impérialeLe cœur dans les étoilesIl y avait mon grand-pèreIl y avait ma grand-mèreIl attendait la guerre
Elle attendait mon pèreIls étaient gais comme le canalEt on voudrait que j'aie le moral
C'était au temps où Bruxelles rêvaitC'était au temps du cinéma muet
C'était au temps où Bruxelles chantaitC'était au temps où Bruxelles bruxellait
7
C'est comme çaParoles et Musique: Jacques Brel 1955
Dans les campagnes y a les fillesLes filles qui vont chercher l'eau
A tire larigot
Les filles font la file gentilleEt tout en parlant tout hautLes filles font la file gentilleEt tout en parlant tout haut
Du feu et de l'eau
C'est comme ça depuis que le monde tourneY a rien à faire pour y changer
C'est comme ça depuis que le monde tourneEt il vaut mieux ne pas y toucher
Près des filles ya les garçonsLes longs les minces et les gras
Qui rigolent tout basLes noirs les roses et les blonds
Qui parlent de leur papaLes noirs les roses et les blonds
Qui parlent de leur papaEt des yeux doux d'Isa
Y a les garçons y a les papasQui ont l'air graves et sévères
Et qui sentent la bièreIls crient pour n'importe quoiEt sortent le soir par derrièreIls crient pour n'importe quoiEt sortent le soir par derrière
Pour jouer au poker
C'est comme ça depuis que le monde tourneY a rien à faire pour y changer
C'est comme ça depuis que le monde tourneEt il vaut mieux ne pas y toucher
Dans les cafés y a les copainsEt tous les verres qu'on boit à vide
Y a aussi les verres videsEt les copains qu'on aime bienVous font rentrer à l'aube livideEt les copains qu'on aime bienVous font rentrer à l'aube livide
Toutes les poches vides
Près des copains il y a la villeLa ville immense et inutileOù je me fais de la bile
La ville avec ses plaisirs vilsQui pue l'essence d'automobileLa ville avec ses plaisirs vils
Qui pue l'essence d'automobileOu la guerre civile
C'est comme ça depuis que le monde tourneY a rien à faire pour y changer
C'est comme ça depuis que le monde tourneEt il vaut mieux ne pas y toucher
Près de la ville il y a la campagneOù les filles brunes ou blondes
Dansent à la ronde
8
Et par la plaine par la montagneLaissons-les fermer la ronde
Et par la plaine par la montagneLaissons-les fermer la rondeDes braves gens du monde
C'est comme ça depuis que le monde tourneY a rien à faire pour y changer
C'est comme ça depuis que le monde tourneEt il vaut mieux ne pas y toucherEt il vaut mieux ne pas y toucherEt il vaut mieux ne pas y toucher
Ces gens-làMusique: Jacques Brel 1966
D'abord il y a l'aînéLui qui est comme un melon
Lui qui a un gros nezLui qui sait plus son nom
Monsieur tellement qui boitOu tellement qu'il a bu
Qui fait rien de ses dix doigtsMais lui qui n'en peut plus
Lui qui est complètement cuitEt qui se prend pour le roiQui se saoule toutes les nuits
Avec du mauvais vinMais qu'on retrouve matinDans l'église qui roupilleRaide comme une saillie
Blanc comme un cierge de PâquesEt puis qui balbutie
Et qui a l'œil qui divagueFaut vous dire MonsieurQue chez ces gens-là
On ne pense pas MonsieurOn ne pense pas on prie
Et puis, il y a l'autreDes carottes dans les cheveuxQu'a jamais vu un peigne
Ouest méchant comme une teigneMême qu'il donnerait sa chemiseA des pauvres gens heureux
Qui a marié la DeniseUne fille de la ville
Enfin d'une autre villeEt que c'est pas fini
Qui fait ses petites affairesAvec son petit chapeauAvec son petit manteauAvec sa petite auto
Qu'aimerait bien avoir l'airMais qui n'a pas l'air du toutFaut pas jouer les richesQuand on n'a pas le souFaut vous dire MonsieurQue chez ces gens-làOn ne vit pas MonsieurOn ne vit pas on triche
Et puis, il y a les autresLa mère qui ne dit rienOu bien n'importe quoiEt du soir au matin
9
Sous sa belle gueule d'apôtreEt dans son cadre en boisIl y a la moustache du pèreQui est mort d'une glissadeEt qui recarde son troupeauBouffer la soupe froide
Et ça fait des grands flchssEt ça fait des grands flchssEt puis il y a la toute vieilleQu'en finit pas de vibrer
Et qu'on attend qu'elle crèveVu que c'est elle qu'a l'oseilleEt qu'on écoute même pas
Ce que ses pauvres mains racontentFaut vous dire MonsieurQue chez ces gens-là
On ne cause pas MonsieurOn ne cause pas on compte
Et puis et puisEt puis il y a Frida
Qui est belle comme un soleilEt qui m'aime pareilQue moi j'aime Frida
Même qu'on se dit souventQu'on aura une maisonAvec des tas de fenêtresAvec presque pas de mursEt qu'on vivra dedansEt qu'il fera bon y êtreEt que si c'est pas sûr
C'est quand même peut-êtreParce que les autres veulent pasParce que les autres veulent pasLes autres ils disent comme çaQu'elle est trop belle pour moiQue je suis tout juste bon
A égorger les chatsJ'ai jamais tué de chatsOu alors y a longtempsOu bien j'ai oublié
Ou ils sentaient pas bonEnfin ils ne veulent pasParfois quand on se voit
Semblant que c'est pas exprèsAvec ses yeux mouillantsElle dit qu'elle partiraElle dit qu'elle me suivraAlors pour un instant
Pour un instant seulementAlors moi je la crois Monsieur
Pour un instantPour un instant seulementParce que chez ces gens-làMonsieur on ne s'en va pasOn ne s'en va pas Monsieur
On ne s'en va pasMais il est tard Monsieur
Il faut que je rentre chez moi.
10
Chanson sans parolesParoles et Musique: J. Brel/F Rauber 1962
J'aurais aimé ma belleT'écrire une chansonSur cette mélodie
Rencontrée une nuitJ'aurais aimé ma belle
Rien qu'au point d'AlençonT'écrire un long poème
T'écrire un long " je t'aime "
Je t'aurais dit " amour "Je t'aurais dit " toujours "Mais de mille façonsMais par mille détoursJe t'aurais dit " partons "Je t'aurais dit " brûlonsBrûlons de jour en jourDe saisons en saisons "
Mais le temps que s'allumeL'idée sur le papier
Le temps de prendre une plumeLe temps de la tailler
Mais le temps de me direComment vais-je l'écrireEt le temps est venu
Où tu ne m'aimais plus{2x}
ClaraParoles et Musique: Jacques Brel 1961
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Carnaval à RioTu peux toujours danser
Carnaval à RioTu n'y peux rien changerJe suis mort à ParisIl y a longtemps déjà
Il y a longtemps d'ennuiIl y a longtemps de toi
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Carnaval à RioTu peux toujours chanter
Carnaval à RioTu n'y peux rien changerJe suis mort à Paris
Tombé au champ d'amourPour un prénom de filleQui m'avait dit toujours
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Je t'aimais tant, Clara
11
Je t'aimais tant
Carnaval à RioTu peux toujours tourner
Carnaval à RioTu n'y peux rien changerJe suis mort à ParisDe m'être trop trompéDe m'être trop meurtriDe m'être trop donné
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Carnaval à RioTu peux me bousculer
Carnaval à RioTu n'y peux rien changerJe suis mort à ParisFusillé par une fleurAu poteau de son lit
De douze rires dans le cœur
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Carnaval à RioTu peux toujours crier
Carnaval à RioTu n'y peux rien changerJe suis mort à ParisIl y a mille soirsIl y a mille nuits
Il n'y a plus d'espoir
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Carnaval à RioTu peux bien me saouler
Carnaval à RioTu n'y peux rien changerJe suis mort à ParisA Paris que j'enterreEt depuis mille nuits
Dans le fond de mon verre
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Carnaval à RioTu peux carnavalerCarnaval à Rio
Tu n'y peux rien changerJe suis mort à Paris
Que la mort me consoleLa mort est par ici
La mort est espagnole
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
12
Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant
Comment tuer l'amant de sa femme ...Paroles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1968
note: Titre exact: "Comment tuer l'amant de sa femme quand on a été élevé comme moi dans la tradition"
Comment tuer l'amant de sa femmeQuand on a été comme moi élevé
Dans les traditions?Comment tuer l'amant de sa femmeQuand on a été comme moi élevé
Dans la religion?Il me faudrait du tempsEt du temps j'en ai pas.
Pour elle je travaille tout l'tempsLa nuit je veille de nuitLe jour je veille de jour
Le dimanche je fais des extras.Et même si j'étais moins lâcheJe touve que ce serait dommage
De salir ma réputation.Bien sûr je dors dans le garage.Bien sûr il dort dans mon lit.
Bien sûr c'est moi qui fait l'ménage.Mais qui n'a pas ses p'tits soucis?
Comment tuer l'amant de sa femmeQuand on a été comme moi élevé
Dans les traditions?Il y a l'arsenic ouaisC'est trop long.Il y a le révolver
Mais c'est trop court.Il y a l'amitiéC'est trop cher.Il y a le méprisC'est un péché.
Comment tuer l'amant d'sa femmeQuand on a reçu comme moi
La croix d'honneurChez les bonnes sœurs?
Comment tuer l'amant d'sa femmeMoi qui n'ose même pasLe lui dire avec des fleurs?Comme je n'ai pas l'courageDe l'insulter tout l'temps
Il dit que l'amour me rend lâche.Comme il est en chômageIl dit en me frappant
Que l'amour le rend imprévoyant.Il croit que c'est amusant
Pour un homme qui a mon âgeQui n'a plus de femme et onze enfants.
Bien sûr je leur fais la cuisineJe bats les chiens et les tapis
Le soir je leur chante "Nuit de Chine".Mais qui n'a pas ses p'tits soucis?
Pourquoi tuer l'amant d'sa femmePuisque c'est à cause de moiQu'il est un peu vérolé?
Pourquoi tuer l'amant d'ma femmePuisque c'est à cause de moi
Qu'il est péniciliné ?
13
De burgerij (Les Bourgeois)Paroles: Jacques Brel, adap: Ernst van Altena. Musique: Jean Corti 1965 "J'arrive"
Dronken, dol en dwaasBeet ik in mijn bier
Bij de dikke Siaam uit MonverlandIk dronk een glas met KlaasIk dronk een glas met Peer
En sprong er aardig uit de bandDie klaas hij voelde zich een Dante
Die Peer wou Casanova zijnEn ik de superarrogante
Ik dacht dat ik mezelf kon zijnEn om twaalf uur als de burgertroepHuisging uit hotel de Goudfazant
Dan scholden wij ze poepEn zongen vol vuurpet in de hand
Burgerij, mannen van het jaar nulVette burgerklikVette vieze varkens
Burgerij tamme zwijnenspulAl die burger is is een ouwe ...
Dronken, dol en dwaasBeet ik in mijn bier
Bij de dikke Siaam uit MonverlandIk dronk een vat met KlaasIk dronk een fust met Peer
En sprong er heftig uit de bandKlaas Dante danste als mijn tante
En Casanova was te bangMaar ik de superarrogante
Was zelfs voor mezelf niet bang
En om twaalf uur als de burgertroepHuisging uit hotel de Goudfazant
Dan scholden wij ze poepEn zongen vol vuurpet in de hand
Burgerij, mannen van het jaar nulVette burgerklikVette vieze varkens
Burgerij tamme zwijnenspulAl die burger is is een ouwe ...
Elk instinct dwaasZoek ik mijn vertier
's Avonds in hotel de GoudfazantMet meester-facteur Klaas
En met notaris Peer bespreek ik daar de avondkrant
En Klaas citeert eens wat uit DanteOf Peer haalt Casanova aan
En ik ik bleef de superarroganteIk haal nog steeds mijn eigen woorden aan
Maar gaan wij naar huisMeneer de brigadier
Dan staat daar bij die Siaam uit MonverlandEen hele troep gespuisDronken van al het bier
Dat zingt dan van
14
Burgerij, mannen van het jaar nulVette burgerklikVette vieze varkens
Ja meneer de brigadierJa dat zijn ze
Burgerij tamme zwijnenspulAl die burger is is een ouwe …
De nuttelozen van de nacht (Les paumés du petit matin)Paroles: Jacques Brel, adapt: Ernst van Altena. Musique: François Rauber 1965 "J'arrive"
Ze ontwaken om een uur om vierZe ontbijten met een kleintje bier
Ze gaan uit omdat er thuis niets wachtDe nuttelozen van de nacht
Zij gedraagt zich arrogant omdat ze mooie borsten heeftHij is zeker en charmant omdat Papa hem centen geeft
Hun onmacht is hun hoogste machtDe nuttelozen van de nacht
Kom dans met mijVriendin, kom hier, vriendin, kom hier, kom Hier; nee, nee blijf!
Kom dans met mij, laat ons dansen lijf aan lijf
Ze braken zonder ziek te zijnZe braken zacht en zonder pijnZe nemen zich bedroefd de nacht
De nuttelozen van de nachtZe bespreken zonder end
De poezie die geen van hen kentDe romans die geen van hen schreefDe vrouw die bij geen van hen bleef
De grap waarom geen van hen om lachtDe nuttelozen van de nacht
Kom dans met mijVriendin, kom hier, vriendin, kom hier, kom hier; nee, nee blijf!
Kom dans met mij, laat ons dansen lijf aan lijf
In de liefde zijn ze zo berooid't Was, 't was, ze was zo zachtZe was, ach, dat begrijp u nooitDe nuttelozen van de nacht
Ze nemen nog een laatste glasVertellen nog een laatste grapEn met een allerlaatste glas
De laatste dansDe laatste stap
Het laatste verdrietDe laatste klacht
De nuttelozen van de nacht
Kom, kom, kom huil met mijVriendin, kom hier, vriendin, kom hier, kom hier, nee blijf
Kom, kom huil met mijLaat ons huilen lijf aan lijfDe nuttelozen van de nacht
15
Demain l'on se marieParoles et Musique: Jacques Brel 1958
Puisque demain l'on se marieApprenons la même chansonPuisque demain s'ouvre la vieDis-moi ce que nous chanterons
Nous forcerons l'amourA bercer notre vieD'une chanson jolie
Qu'à deux nous chanteronsNous forcerons l'amourSi tu le veux, ma mieA n'être de nos vies
Que l'humble forgeron
Puisque demain l'on se marieApprenons la même chansonPuisque demain s'ouvre la vieDis-moi ce que nous y verrons
Nous forcerons nos yeuxA ne jamais rien voirQue la chose jolie
Qui vit en chaque choseNous forcerons nos yeuxA n'être qu'un espoirA deux nous offrirons
Comme on offre une rose
Puisque demain l'on se marieApprenons la même chansonPuisque demain s'ouvre la vieDis-moi encore où nous irons
Nous forcerons les portesDes pays d'orient
A s'ouvrir devant nousDevant notre sourire
Nous forcerons, ma mieLe sourire des gensA n'être plus jamaisUne joie qui soupire
Puisque demain s'ouvre la vieOuvrons la porte à ces chansonsPuisque demain l'on se marieApprenons la même chanson
Dites, si c'était vrai1958
© 1958 Editions musicales Pouchenel
Dites, dites, si c'était vraiS'il était né vraiment à Bethléem, dans une étable
Dites, si c'était vraiSi les rois Mages étaient vraiment venus de loin, de fort loin
Pour lui porter l'or, la myrrhe, l'encensDites, si c'était vrai
Si c'était vrai tout ce qu'ils ont écrit Luc, MatthieuEt les deux autres,Dites, si c'était vrai
Si c'était vrai le coup des Noces de Cana
16
Et le coup de LazareDites, si c'était vrai
Si c'était vrai ce qu'ils racontent les petits enfantsLe soir avant d'aller dormir
Vous savez bien, quand ils disent Notre Père, quand ils disent Notre MèreSi c'était vrai tout cela
Je dirais ouiOh, sûrement je dirais oui
Parce que c'est tellement beau tout celaQuand on croit que c'est vrai.
Dors ma mieParoles et Musique: F. Rauber/J. Brel 1958
Dors ma mieDehors la nuit est noireDors ma mie bonsoir
Dors ma mieC'est notre dernier soirDors ma mie bonsoir
Sur les fleurs qui ferment leurs paupièresPleure la pluie légère
Et l'oiseau qui chantera l'auroreDors et rêve encor'Ainsi demain déjàSerai seul à nouveauEt tu m'auras perdu
Rien qu'en me voulant tropTu m'auras gaspilléA te vouloir bâtirUn bonheur éternelEnnuyeux à périr
Au lieu de te pencherVers moi tout simplementMoi qui avais besoin
Si fort de ton printempsNon les filles que l'on aimeNe comprendront jamaisQu'elles sont à chaque foisNotre dernier muguetNotre dernière chanceNotre dernier sursaut
Notre dernier départ notre dernier bateauDors ma mie
Dehors la nuit est noireDors ma mie bonsoir
Dors ma mie c'est notre dernier soirDors ma mie je pars
17
Fernand1966
Dire que Fernand est mortDire qu'il est mort FernandDire que je suis seul derrièreDire qu'il est seul devantLui dans sa dernière bièreMoi dans mon brouillardLui dans son corbillardMoi dans mon désert
Devant y a qu'un cheval blancDerrière y a que moi qui pleureDire qu' a même pas de vent
Pour agiter mes fleursMoi si j'étais l'Bon Dieu
Je crois qu'j'aurais des remordsDire que maintenant il pleutDire que Fernand est mort
Dire qu'on traverse ParisDans le tout p'tit matinDire qu'on traverse parisEt qu'on dirait BerlinToi, toi, toi tu sais pas
Tu dors mais c'est triste à mourirD'être obligé d'partir
Quand Paris dort encoreMoi je crève d'envieDe réveiller des gens
J't'inventerai une familleJuste pour ton enterrementEt puis si j'étais l'Bon Dieu
Je crois que je ne serais pas fierJe sais on fait ce qu'on peut
Mais il y a la manière
Tu sais je reviendraiJe reviendrai souvent
Dans ce putain de champOù tu dois te reposer
L'été je ferai de l'ombreOn boira du silence
À la santé d'ConstanceQui se fout bien d'ton ombre
Et puis les adultes sont tellement consQu'ils nous feront bien une guerreAlors je viendrai pour de bonDormir dans ton cimetièreEt maintenant bon Dieu
Tu as bien rigoléEt maintenant bon Dieu
Et maintenant j'vais pleurer
18
Fils de ...Paroles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1967
Fils de bourgeoisOu fils d'apôtresTous les enfants
Sont comme les vôtresFils de CésarOu fils de rienTous les enfants
Sont comme le tienLe même sourireLes mêmes larmesLes mêmes alarmesLes mêmes soupirs
Fils de CésarOu fils de rienTous les enfants
Sont comme le tienCe n'est qu'aprèsLongtemps après
Mais fils de sultanFils de fakir
Tous les enfantsOnt un empireSous voutes d'or
Sous toits de chaumesTous les enfantsOnt un royaumeUn coin de vague
Une fleur qui trembleUn oiseau mort
Qui leur ressembleFils de sultanFils de fakir
Tous les enfantsOnt un empireCe n'est qu'aprèsLongtemps après
Mais fils de bon filsOu fils d'étrangerTous les enfantsSont des sorciersFils de l'amourFils d'amourettesTous les enfantsSont des poètesIls sont bergers
Ils sont rois magesFont des nuagesPour mieux volerMais fils de bon filsOu fils d'étrangerTous les enfantsSont des sorciersCe n'est qu'aprèsLongtemps après
Mais fils de bourgeoisOu fils d'apôtresTous les enfants
Sont comme les vôtresFils de CésarOu fils de rienTous les enfants
Sont comme le tien
19
Le même sourireLes mêmes larmesLes mêmes alarmesLes mêmes soupirs
Fils de CésarOu fils de rienTous les enfants
Sont comme le tien
Grand Jacques (C'est trop facile)Paroles et Musique: Jacques Brel 1955
C'est trop facile d'entrer aux églisesDe déverser toutes ses saletés
Face au curé qui dans la lumière griseFerme les yeux pour mieux nous pardonner
Tais-toi donc Grand JacquesQue connais-tu du Bon DieuUn cantique une image
Tu n'en connais rien de mieux
C'est trop facile quand les guerres sont finiesD'aller gueuler que c'était la dernièreAmi bourgeois vous me faites envie
Vous ne voyez donc point vos cimetières
Tais-toi donc Grand JacquesEt laisse-les donc crierLaisse-les pleurer de joie
Toi qui ne fus même pas soldat
C'est trop facile quand un amour se meurtQu'il craque en deux parce qu'on l'a trop pliéD'aller pleurer comme les hommes pleurent
Comme si l'amour durait l'éternité
Tais-toi donc Grand JacquesQue connais-tu de l'amour
Des yeux bleus des cheveux fousTu n'en connais rien du tout
Et dis-toi donc Grand Jacques {2x}Dis-le-toi bien souvent
C'est trop facileDe faire semblant. {2x}
20
Grand'MèreParoles et Musique: Jacques Brel 1966
Faut voir grand-mèreGrand-mère et sa poitrineGrand-mère et ses usinesEt ses vingt secrétaires
Faut voir mère-grandDiriger ses affaires
Elle vend des courants d'airDéguisés en coups de vent
Faut voir grand-mèreQuand elle compte son magot
Ça fait des tas de zérosPointés comme son derrière
Mais pendant c'temps-làGrand-père court après la bonne
En lui disant que l'argentNe fait pas le bonheur
Comment voulez-vous bonnes gensQue nos bonnes bonnesEt nos petits épargnantsAient le sens des valeurs
Faut voir grand-mèreC'est une tramontaneQui fume le Havane
Et fait trembler la Terre
Faut voir grand-mèreCerclée de générauxÊtre culotte de peau
Et gagner leur guèguerre
Faut voir grand-mèreDressée sous son chapeau
C'est WaterlooOù s'rait pas venu Blucher
Mais pendant c'temps-làGrand-père court après la bonne
En lui disant que l'arméeElle bat l'beure
Comment voulez-vous bonnes gensQue nos bonnes bonnesEt nos chers piou-piousAient le sens des valeurs
Faut voir grand-mèreS'assure sur la mort
Un p'tit coup d'presbytèreUn p'tit coup de r'mords
Faut voir grand-mèreEt ses ligues de vertu
Ses anciens combattantsSes anciens combattus
Faut voir grand-mèreQuand elle se croit pécheresseUn grand verre de grand-messe
Et un doigt de couvent
Mais pendant c'temps-là
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Grand-père court après la bonneEn lui disant que les curés
Sont farceursComment voulez-vous bonnes gens
Que nos bonnes bonnesEt nos petits incroyantsAient le sens des valeurs
Mais il faut voir grand-pèreDans les bistrots bavardsOù claquent les billardsEt les chopes de bière
Faut voir père-grandCaresser les roseauxEffeuiller les étangs
Et pleurer du Rimbaud
Faut voir grand-pèreDimanche finissantHonteux et regretant
D'avoir trompé grand-mère
Mais pendant c'temps-làGrand-mère se tape la bonneEn lui disant que les hommes
Sont menteursComment voulez-vous bonnes gens
Que nos bonnes bonnesEt notre belle jeunesseAient le sens des valeurs
Heureux© Éditions Tropicales
Heureux qui chante pour l'enfantEt qui sans jamais rien lui direLe guide au chemin triomphantHeureux qui chante pour l'enfantHeureux qui sanglote de joie
Pour s'être enfin donné d'amourOu pour un baiser que l'on boitHeureux qui sanglote de joie
Heureux les amants séparésEt qui ne savent pas encor'
Qu'ils vont demain se retrouverHeureux les amants séparésHeureux les amants épargnésEt dont la force de vingt ans
Ne sert à rien qu'à bien s'aimerHeureux les amants épargnés
Heureux les amants que nous sommesEt qui demain loin l'un de l'autre
S'aimeront s'aimerontPar-dessus les hommes
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Il neige sur LiègeParoles et Musique: Jacques Brel 1963
note: du film "Belgique vue du ciel"
Il neige il neige sur LiègeEt la neige sur Liège pour neiger met des gants
Il neige il neige sur LiègeCroissant noir de la Meuse sur le front d'un clown blanc
Il est brisé le criDes heures et des oiseauxDes enfants à cerceauxEt du noir et du gris
Il neige il neige sur LiègeQue le fleuve traverse sans bruit
Il neige il neige sur LiègeEt tant tourne la neige entre le ciel et Liège
Qu'on ne sait plus s'il neige s'il neige sur LiègeOu si c'est Liège qui neige vers le ciel
Et la neige marieLes amants débutantsLes amants promenantSur le carré blanchi
Il neige il neige sur LiègeQue le fleuve transporte sans bruit
Ce soir ce soir il neige sur mes rêves et sur LiègeQue le fleuve transperce sans bruit
Il nous faut regarder© Éditions Tropicales
Derrière la saletéS’étalant devant nous
Derrière les yeux plissésEt les visages mousAu-delà de ces mainsOuvertes ou ferméesQui se tendent en vainOu qui sont poing levé
Plus loin que les frontièresQui sont de barbelésPlus loin que la misèreIl nous faut regarder
Il nous faut regarderCe qu’il y a de beauLe ciel gris ou bleuté
Les filles au bord de l’eauL’ami qu’on sait fidèleLe soleil de demain
Le vol d’une hirondelleLe bateau qui revientL’ami qu’on sait fidèleLe soleil de demain
Le vol d’une hirondelleLe bateau qui revient
Par-delà le concertDes sanglots et des pleurs
Et des cris de colèreDes hommes qui ont peur
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Par delà le vacarmeDes rues et des chantiersDes sirènes d’alarme
Des jurons de charretierPlus fort que les enfantsQui racontent les guerresEt plus fort que les grandsQui nous les ont fait faire
Il nous faut regarderL’oiseau au fond des boisLe murmure de l’été
Le sang qui monte en soiLes berceuses de mèresLes prières des enfantsEt le bruit de la terre
Qui s’endort doucementLes berceuses de mèresLes prières des enfantsEt le bruit de la terre
Qui s’endort doucement
Il peut pleuvoirParoles et Musique: J. Brel/G. Powell 1955
Il peut pleuvoirSur les trottoirs
Des grands boulevardsMoi j'm'en ficheJ'ai ma mie
Auprès de moiIl peut pleuvoirSur les trottoirs
Des grands boulevardsMoi j'm'en ficheCar ma mieC'est toi
Et au soleil là-hautQui nous tourne le dosDans son halo de nuages
Et au soleil là-hautQui nous tourne le dosMoi je crie bon voyage
Il peut pleuvoirSur les trottoirs
Des grands boulevardsMoi j'm'en ficheJ'ai ma mie
Auprès de moiIl peut pleuvoirSur les trottoirs
Des grands boulevardsMoi j'm'en ficheCar ma mieC'est toi
Aux flaques d'eau qui brillentSous les jambes des fillesAux néons étincellantsQui lancent dans la vieLeur postillons de pluieJe crie en rigolant:
Et aux gens qui s'en viennent
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Et aux gens qui s'en vontJour et nuit tournez en rondEt aux gens qui s'en viennentEt aux gens qui s'en vont
Moi je crie à pleins poumons
Y a plein d'espoirSur les trottoirs
Des grands boulevardsEt j'en suis richeJ'ai ma mie
Auprès de moiY a plein d'espoirSur les trottoirs
Des grands boulevardsEt j'en suis richeCar ma mieC'est toiC'est toi ...
Il pleut (Les Carreaux)Paroles et Musique: J. Brel/G. Powell 1955
Il pleutC'est pas ma faute à moiLes carreaux des usinesSont toujours mal lavés
Il pleutLes carreaux des usinesY en beaucoup d'cassés
Les filles qui vont danserNe me regardent pas
Car elles s'en vont danserAvec tous ceux là
Qui savent leur payerPour pouvoir s'amuserDes fleurs de papierOu de l'au parfumée
Les filles qui vont danserNe me regardent pas
Car elles s'en vont danserAvec tous ceux là
Il pleutC'est pas ma faute à moiLes carreaux des usinesSont toujours mal lavésLes corridors crasseuxSont les seuls que je voisLes escaliers qui montentIls sont toujours pour moi
Mais quand je suisSeul sous les toitsAvec le soleil
Et avec les nuagesJ'entends la rue pleurerJe vois les cheminéesDe la ville fumer
Doucement dans mon ciel à moiLa lune dansePour moi le soirElle danse danseElle danse danseEt son haleine
Immense halo me caresseJe m'y plonge le soir
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Et j'y plonge ma peine
Il pleutEt c'est ma faute à moiLes carreaux des usinesSont toujours mal lavés
Il pleutLes carreaux des usinesMoi j'irai les casser
Il y aIl y a tant de brouillard dans les ports, au matinQu'il n'y a de filles dans le cœur des marinsIl y a tant de nuages qui voyagent là-haut
Qu'il n'y a d'oiseauxIl y a tant de labours il y a tant de semences
Qu'il n'y a de joie d'espéranceIl y a tant de ruisseaux il y a tant de rivières
Qu'il n'y a de cimetières
Mais il y a tant de bleu dans les yeux de ma mieIl y a dans ses yeux tant de vie
Il y a dans ses cheveux un peu d'éternitéSur sa lèvre tant de gaieté
Il y a tant de lumières dans les rues des citéesQu'il n'y a d'enfants désolés
Il y a tant de chansons perdues dans le ventQu'il n'y a d'enfants
Il y a tant de vitraux, il y a tant de clochersQu'il n'y a de voix qui nous disent d'aimerIl y a tant de canaux qui traversent la terreQu'il n'y a de rides au visage des mères
IsabelleParoles et Musique: J. Brel/J. Brel-F. Rauber 1959
Quand Isabelle dort plus rien ne bougeQuand Isabelle dort au berceau de sa joie
Sais-tu qu'elle vole la coquineLes oasis du Sahara
Les poissons dorés de la ChineEt les jardins de l'Alhambra
Quand Isabelle dort plus rien ne bougeQuand Isabelle dort au berceau de sa joie
Elle vole les rêves et les jeuxD'une rose et d'un bouton d'orPour se les poser dans les yeuxBelle Isabelle quand elle dort
Quand Isabelle rit plus rien ne bougeQuand Isabelle rit au berceau de sa joie
Sais-tu qu'elle vole la cruelleLe rire des cascades sauvagesQui remplacent les escarcelles
Des rois qui n'ont pas d'équipagesQuand Isabelle rit plus rien ne bougeQuand Isabelle rit au berceau de sa joie
Elle vole les fenêtres de l'heureQui s'ouvrent sur le paradisPour se les poser dans le cœur
26
Belle Isabelle quand elle rit
Quand Isabelle chante plus rien ne bougeQuand Isabelle chante au berceau de sa joie
Sais-tu qu'elle vole la dentelleTissée au cœur de rossignol
Et les baisers que les ombrellesEmpêchent de prendre leur vol
Quand Isabelle chante plus rien ne bougeQuand Isabelle chante au berceau de sa joie
Elle vole le velours et la soieQu'offre la guitare à l'infantePour se les poser dans la voixBelle Isabelle quand elle chante
J'aimaisParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest/F. Rauber 1963
J'aimais les fées et les princessesQu'on me disait n'exister pasJ'aimais le feu et la tendresseTu vois je vous rêvais déjà
J'aimais les tours hautes et largesPour voir au large venir l'amour
J'aimais les tours de cœur de gardeTu vois je vous guettais déjà
J'aimais le col ondoyant des vaguesLes saules nobles languissant vers moiJ'aimais la ligne tournante des algues
Tu vois je vous savais déjà
J'aimais courir jusqu'à tomberJ'aimais la nuit jusqu'au matinJe n'aimais rien non j'ai adoréTu vois je vous aimais déjà
J'aimais l'été pour ses oragesEt pour la foudre sur le toit
J'aimais l'éclair sur ton visageTu vois je vous brûlais déjà
J'aimais la pluie noyant l'espaceAu long des brumes du pays plat
J'aimais la brume que le vent chasseTu vois je vous pleurais déjà
J'aimais la vigne et le houblonLes villes du Nord les laides de nuitLes fleuves profonds m'appelant au lit
Tu vois je vous oubliais déjà
27
J'arrive
De chrysanthèmes en chrysanthèmesNos amitiés sont en partance
De chrysanthèmes en chrysanthèmesLa mort potence nos dulcinées
De chrysanthèmes en chrysanthèmesLes autres fleurs font ce qu'elles peuventDe chrysanthèmes en chrysanthèmes
Les hommes pleurent les femmes pleuvent
J'arrive j'arriveMais qu'est-ce que j'aurais bien aimé
Encore une fois traîner mes osJusqu'au soleil jusqu'à l'été
Jusqu'à demain jusqu'au printempsJ'arrive, j'arrive
Mais qu'est-ce que j'aurais bien aiméEncore une fois voir si le fleuveEst encore fleuve voir si le portEst encore port m'y voir encore
J'arrive j'arriveMais pourquoi moi pourquoi maintenant
Pourquoi déjà et où allerJ'arrive bien sûr, j'arrive
N'ai-je jamais rien fait d'autre qu'arriver
De chrysanthèmes en chrysanthèmesA chaque fois plus solitaire
De chrysanthèmes en chrysanthèmesA chaque fois surnuméraire
J'arrive j'arriveMais qu'est-ce que j'aurais bien aiméEncore une fois prendre un amour
Comme on prend le train pour plus être seulPour être ailleurs pour être bien
J'arrive j'arriveMais qu'est-ce que j'aurais bien aiméEncore une fois remplir d'étoiles
Un corps qui tremble et tomber mortBrûlé d'amour le cœur en cendres
J'arrive j'arriveC'est même pas toi qui est en avanceC'est déjà moi qui suis en retard
J'arrive, bien sûr j'arriveN'ai-je jamais rien fait d'autre qu'arriver.
J'en appelleParoles et Musique: Jacques Brel 1957
J'en appelle aux maisonsÉcrasées de lumière
J'en appelle aux amoursQue chantent les rivières
A l'éclatement bleuDes matins de printempsA la force jolie des filles
Qui ont vingt ansA la fraicheur certaineD'un vieux puit de désert
A l'étoile qu'attendLe vieil homme qui se perdPour que monte de nous
28
Et plus fort qu'un désirLe désir incroyable
De se vouloir construireEn se désirant faible
Et plutôt qu'orgueilleuxEn se désirant lâche
Plutôt que monstrueux
J'en appelle à ton rireQue tu croques au soleilJ'en appelle à ton criÀ nul autre pareilAu silence joyeux
Qui parle doucementA ces mots que l'on ditRien qu'en se regardant
A la pesante mainDe notre amour sincèreA nos vingt ans trouvésÀ tout ce qu'ils espèrentPour que monte de nousEt plus fort qu'un désirLe désir incroyable
De se vouloir construireEn préférant plutôtQue la gloire inutileEt le bonheur profondEt puis la joie tranquille
J'en appelle aux maisonsÉcrasées de lumièreJ'en appelle à ton criÀ nul autre pareil
JaurèsParoles et Musique: Jacques Brel 1977
Ils étaient usés à quinze ansIls finissaient en débutant
Les douze mois s'appelaient décembreQuelle vie ont eu nos grand-parentsEntre l'absinthe et les grand-messesIls étaient vieux avant que d'être
Quinze heures par jour le corps en laisseLaissent au visage un teint de cendres
Oui notre Monsieur, oui notre bon Maître
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
On ne peut pas dire qu'ils furent esclavesDe là à dire qu'ils ont vécu
Lorsque l'on part aussi vaincuC'est dur de sortir de l'enclaveEt pourtant l'espoir fleurissait
Dans les rêves qui montaient aux cieuxDes quelques ceux qui refusaientDe ramper jusqu'à la vieillesse
Oui notre bon Maître, oui notre Monsieur
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Si par malheur ils survivaientC'était pour partir à la guerre
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C'était pour finir à la guerreAux ordres de quelque sabreurQui exigeait du bout des lèvres
Qu'ils aillent ouvrir au champ d'horreurLeurs vingt ans qui n'avaient pu naître
Et ils mouraient à pleine peurTout miséreux oui notre bon Maître
Couverts de prèles oui notre MonsieurDemandez-vous belle jeunesse
Le temps de l'ombre d'un souvenirLe temps de souffle d'un soupir
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Je ne sais pas1958
Je ne sais pas pourquoi la pluieQuitte là-haut ses oripeaux
Que sont les lourds nuages grisPour se coucher sur nos coteauxJe ne sais pas pourquoi le ventS'amuse dans les matins clairsA colporter les rires d'enfantsCarillons frêles de l'hiverJe ne sais rien de tout cela
Mais je sais que je t'aime encor'
Je ne sais pas pourquoi la routeQui me pousse vers la cité
A l'odeur froide des déroutesDe peuplier en peuplier
Je ne sais pas pourquoi le voileDu brouillard glacé qui m'escorteMe fait penser aux cathédrales
Où l'on prie pour les amours mortesJe ne sais rien de tout cela
Mais je sais que je t'aime encor'
Je ne sais pas pourquoi la villeM'ouvre ses remparts de faubourgsPour me laisser glisser fragileSous la pluie parmi ses amoursJe ne sais pas pourquoi ces gensPour mieux célébrer ma défaitePour mieux suivre l'enterrementOnt le nez collé aux fenêtresJe ne sais rien de tout cela
Mais je sais que je t'aime encor'
Je ne sais pas pourquoi ces ruesS'ouvrent devant moi une à uneVierges et froides froides et nuesRien que mes pas et pas de luneJe ne sais pas pourquoi la nuitJouant de moi comme guitare
M'a forcé à venir iciPour pleurer devant cette gareJe ne sais rien de tout cela
Mais je sais que je t'aime encor'
Je ne sais pas à quelle heure partCe triste train pour AmsterdamQu'un couple doit prendre ce soir
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Un couple dont tu es la femmeEt je ne sais pas pour quel port
Part d'Amsterdam ce grand navireQui brise mon cœur et mon corps
Notre amour et mon avenirJe ne sais rien de tout cela
Mais je sais que je t'aime encor'Mais je sais que je t'aime encor'
Je prendrai
Je prendraiDans les yeux d'un ami
Ce qu'il y a de plus chaud de plus beauEt de plus tendre aussi
Qu'on ne voit que deux ou trois foisDurant toute une vie
Et qui fait que cet ami est notre ami
Je prendraiUn nuage de ma jeunesseQui passait rond et blanc
Par-dessus ma tête et souventEt qui aux jours de faiblesseRessemblait à ma mère
Et aux jours de colère à un lionUn beau nuage douillet et rond et confortable
Je prendraiCe ruisseau clair et frêle d'avrilQui disparaît aux premiers froids
Qui disparaît tout l'hiverEt coule alors paraît-il sur la table des Noces de Cana
Je prendraiMa lampe ma meilleurePas celle qui éclaireNon celle qui illumine
Et rend joli et appelle de loin
Je prendraiUn lit un grand le mien
Et qui sait ce que c'est qu'un hommeEt son chagrin
Un grand lit d'être humain
Je prendrai tout celaEt puis je bâtirai
Je bâtirai et j'appellerai les gensQui passeront dans la rue
Et je leur montreraiMa crèche de Noël
31
Je suis un soir d'étéParoles et Musique: Jacques Brel 1968
© 1968 Editions Pouchenel Bruxelles
Et la sous-préfectureFête la sous-préfète
Sous le lustre à facettesIl pleur des orangeadesEt des champagnes tièdes
Et les propos glacésDes femelles maussadesDe fonctionnarisés
Je suis un soir d'étéAux fenêtres ouvertesLes dîneurs familiaux
Repoussent leurs assiettesEt disent qu'il fait chaud
Les hommes lancent des rotsDe chevaliers teutons
Les nappes tombent en miettesPar-dessus les balcons
Je suis un soir d'étéAux terrasses brouillées
Quelques buveurs humidesParlent de haridellesEt de vieilles perfides
C'est l'heure où les bretellesSoutiennent le présentDes passants répandusEt des alcoolisants
Je suis un soir d'étéDe lourdes amoureusesAux odeurs de cuisinePromènent leur poitrineSur les flancs de la MeuseIl leur manque un soldatPour que l'été ripaille
Et monte vaille que vailleJusqu'en haut de leurs bas
Je suis un soir d'étéAux fontaines les vieuxBardés de références
Rebroussent leur enfanceA petits pas pluvieux
Ils rient de toute une dentPour croquer le silence
Autour des filles qui dansentA la mort d'un printemps
Je suis un soir d'étéLa chaleur se vertèbreIl fleuve des ivresses
L'été a ses grand-messesEt la nuit les célèbre
La ville aux quatre ventsClignote le remordsInutile et passant
De n'être pas un port
Je suis un soir d'été
32
Je t'aimeParoles et Musique: F. Bauber/J. Brel 1959
Pour la rosée qui tremble au calice des fleursDe n'être pas aimée et ressemble à ton cœur
Je t'aimePour le noir de la pluie au clavecin de l'étangJouant page de lune et ressemble à ton chant
Je t'aimePour l'aube qui balance sur le fil d'horizonLumineuse et fragile et ressemble à ton front
Je t'aime
À l'aurore légère qu'un oiseau fait frémirEn la battant de l'aile et ressembles à ton rire
Je t'aimePour le jour qui se lève et dentelles de boisAu point de la lumière et ressemble à ta joie
Je t'aimePour le jour qui revient d'une nuit sans amourEt ressemble déjà, ressemble à ton retour
Je t'aimePour la porte qui s'ouvre pour le cri qui jaillitEnsemble de deux cœurs et ressemble à ce cri
Je t'aime... Je t'aime Je t'aime
JefParoles et Musique: Jacques Brel 1964
Non Jef t'es pas tout seulMais arrête de pleurer
Comme ça devant tout le mondeParce qu'une demi-vieilleParce qu'une fausse blonde
T'a relaissé tomberNon Jef t'es pas tout seul
Mais tu sais que tu me fais honteA sangloter comme ça
Bêtement devant tout le mondeParce qu'une trois quarts putain
T'a claqué dans les mainsNon Jef t'es pas tout seulMais tu fais honte à voir
Les gens se paient notre têteFoutons le camp de ce trottoirAllez viens Jef viens viens
{Refrain:}
Viens il me reste trois sousOn va aller se les boireChez la mère Françoise
Viens il me reste trois sousEt si c'est pas assez
Ben il me restera l'ardoisePuis on ira manger
Des moules et puis des fritesDes frites et puis des moules
Et du vin de MoselleEt si t'es encore tristeOn ira voir les filles
Chez la madame Andrée
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Parait qu'y en a de nouvellesOn rechantera comme avantOn sera bien tous les deux
Comme quand on était jeunesComme quand c'était le temps
Que j'avais de l'argent
Non Jef t'es pas tout seulMais arrête tes grimacesSoulève tes cent kilosFais bouger ta carcasse
Je sais que t'as le cœur grosMais il faut le souleverNon Jef t'es pas tout seulMais arrête de sangloterArrête de te répandreArrête de répéter
Que t'es bon à te foutre à l'eauQue t'es bon à te pendreNon Jef t'es pas tout seulMais c'est plus un trottoirça devient un cinéma
Où les gens viennent te voirAllez viens Jef viens viens
{Refrain}
Viens il me reste ma guitareJe l'allumerai pour toiEt on sera espagnols
Comme quand on était mômesMême que j'aimais pas çaT'imiteras le rossignol
Puis on se trouvera un bancOn parlera de l'AmériqueOù c'est qu'on va allerQuand on aura du fricEt si t'es encore triste
Ou rien que si t'en as l'airJe te raconterai commentTu deviendras RockfellerOn sera bien tous les deuxOn rechantera comme avantComme quand on était beauxComme quand c'était le tempsD'avant qu'on soit poivrots
Allez viens Jef viens viensOui oui Jef oui viens.
JojoMusique: Jacques Brel
Jojo,Voici donc quelques rires
Quelques vins quelques blondesJ'ai plaisir à te dire
Que la nuit sera longueA devenir demain
Jojo,Moi je t'entends rugir
Quelques chansons marinesOù des Bretons devinentQue Saint-Cast doit dormirTout au fond du brouillard
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Six pieds sous terre Jojo tu chantes encoreSix pieds sous terre tu n'es pas mort
Jojo,Ce soir comme chaque soirNous refaisons nos guerresTu reprends Saint-Nazaire
Je refais l'OlympiaAu fond du cimetière Jojo,Nous parlons en silenceD'une jeunesse vieille
Nous savons tous les deuxQue le monde sommeillePar manque d'imprudence
Six pieds sous terre Jojo tu espères encoreSix pieds sous terre tu n'es pas mort
Jojo,Tu me donnes en riantDes nouvelles d'en basJe te dis mort aux consBien plus cons que toi
Mais qui sont mieux portantsJojo,
Tu sais le nom des fleursTu vois que mes mains tremblent
Et je te sais qui pleurePour noyer de pudeur
Mes pauvres lieux communs
Six pieds sous terre Jojo tu frères encoreSix pieds sous terre tu n'es pas mort
Jojo.Je te quitte au matin
Pour de vagues besognesParmi quelques ivrognesDes amputés du cœur
Qui ont trop ouvert les mainsJojo,
Je ne rentre plus nulle partJe m'habille de nos rêvesOrphelin jusqu'aux lèvresMais heureux de savoirQue je te viens déjà
Six pieds sous terre Jojo tu n'es pas mortSix pieds sous terre Jojo je t'aime encore.
Knokke-le-ZouteParoles et Musique: Jacques Brel 1977
Les soirs où je suis argentinJe m'offre quelques argentinesQuite à cueillir dans les vitrinesDes jolis quartiers d'Amsterdam
Des lianes qui auraient ce teint de femmeQu'exporte vos cités latinesCes soirs-là je les veux félinesAvec un rien de brillantine
Collé aux cheveux de la langueElles seraient fraiches comme des mangues
Et compenseraient leur maladresseÀ coups de poitrine et de fesses
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Ah mais ce soirY a pas d'argentinesY a pas d'espoirY a pas de douteNon ce soir
Il pleut sur Knokke-le-ZouteCe soir comme tous les soirs
Je me rentre chez moiLe cœur en dérouteEt la bitte sous l'bras
Les jours où je suis espagnolPetites fesses grande bagnole
Elles passent toutes à la casseroleQuite à pourchasser dans Hambourg
Des carmencitas de faubourgQui nous reviennent de vérole
Je me les veux fraiches et joyeusesBonnes travailleuse sans parlotesMi andalouses mi anguleusesDe ces femelles qu'on gestapote
Parce qu'elles ne savent pas encoreQue Franco est tout à fait mort
Mais ce soirY a pas d'espagnolesY a pas de casseroles
Y pas de douteNon ce soir
Il pleut sur Knokke-le-ZouteCe soir comme tous les soirs
Je me rentre chez moiLe cœur en dérouteEt la bitte sous l'bras
Les soirs depuis CaracasJe panama je partaguasse
Je suis l'plus beauJe pars en chasse
Je glisse de palace en palacePour y dénicher le gros lot
Qui n'attend que mon coup de grâceJe la veux folle comme un traveloDécouverte de vieux rideaux
Mais cependant "dévanescente"Elle m'attendrait depuis toujoursCerclée de serpents et de plantes
Parmi les livres de Dufour
Mais ce soirY a pas de Caracas
Y a pas de dévanescentesY a pas de douteMais ce soir
Il pleut sur Knokke-le-ZouteCe soir comme tous les soirs
Je me rentre chez moiLe cœur en dérouteEt la bitte sous l'bras
Demain ouiPeut être que ...
Peut être que demain je serai argentin ... ouiJe m'offrai des argentines
Quite à cueillir dans les vitrinesDes jolis quartiers d'Amsterdam
Des lianes qui auraient ce teint de femmeQu'exporte vos cités latinesDemain je les voudrai félines
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Avec ce rien de brillantineCollé aux cheveux de la langue
Elles seront fraiches comme des manguesEt compenseront leur maladresseÀ coups de poitrine et de fesses
Demain je serai espagnolPetites fesses grande bagnole
Elles passeront toutes à la casseroleQuite à pourchasser dans Hambourg
Des Carmencitas de faubourgQui nous reviendront de véroleJe les voudrai fraiches et joyeusesBonnes travailleuses sans parlotesMi andalouses mi anguleusesDe ces femelles qu'on gestapote
Parce qu'elles ne savent pas encoreQue Franco est tout à fait mort
Les soirs depuis CaracasJe panama je partaguasse
Je suis l'plus beauJe pars en chasse
Je glisse de palace en palacePour y dénicher le gros lot
Qui n'attend que mon coup de grâceJe la veux folle comme un traveloDécouverte de vieux rideauxMais cependant dévanescente
Elle m'attendrait depuis toujoursCerclée de serpents et de plantesParmi les livres de "Dufour"
L'âge idiot1966 "Jef"
L'âge idiot, c'est à vingt fleursQuand le ventre brûle de faimQu'on croit se laver le cœurRien qu'en se lavant les mains
Qu'on a les yeux plus grands que le ventreQu'on a les yeux plus grands que le cœurQu'on a le cœur encore trop tendre
Qu'on a les yeux encore pleins de fleursMais qu'on sent bon les champs de luzerne
L'odeur des tambours mal battusQu'on sent les clairons refroidis
Et les lits de petite vertuEt qu'on s'endort toutes les nuits
Dans les casernes
L'âge idiot, c'est à trente fleursQuand le ventre prend naissanceQuand le ventre prend puissance
Qu'il vous grignote le cœurQuand les yeux se font plus lourdsQuand les yeux marquent les heuresEux qui savent qu'à trente fleursCommence le compte à rebours
Qu'on rejette les vieux dans leur caverneQu'on offre à Dieu des bonnets d'âneMais que le soir on s'allume des feuxEn frottant deux cœurs de femmesEt qu'on regrette déjà un peu
Le temps des casernes
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L'âge idiot c'est soixante fleursQuand le ventre se ballotteQuand le ventre ventripoteQu'il vous a bouffé le cœur
Quand les yeux n'ont plus de larmesQuand les yeux tombent en neige
Quand les yeux perdent leurs piègesQuand les yeux rendent les armesQu'on se ressent de ses amoursMais qu'on se sent des patiencesPour de vieilles sur le retourOu des trop jeunes en partance
Et qu'on se croit protégéPar les casernes
L'âge d'or c'est quand on meurtQu'on se couche sous son ventreQu'on se cache sous son ventreLes mains protégeant le cœurQu'on a les yeux enfin ouvertsMais qu'on ne se regarde plusQu'on regarde la lumièreEt ses nuages pendus
L'âge d'or c'est après l'enferC'est après l'âge d'argentOn redevient petit enfantDedans le ventre de la terreL'âge d'or c'est quand on dortDans sa dernière caserne
L'Air de la BêtiseParoles et Musique: Jacques Brel 1957
Mère des gens sans inquiétudeMère de ceux que l'on dit fortsMère des saintes habitudes
Princesse des gens sans remordsSalut à toi, dame Bêtise
Toi dont le règne est méconnuSalut à toi, Dame Bêtise
Mais dis-le moi: "Comment fais-tuPour avoir tant d'amants,
Et tant de fiancés,Tant de représentantsEt tant de prisonniersPour tisser de tes mainsTant de malentendusEt faire croire au crétin
Que nous sommes vaincusPour fleurir notre vieDe basses révérencesDe mesquines enviesDe nobles intolérancesDe mesquines enviesDe nobles intolérancesDe mesquines enviesDe nobles intolérances
Mère de nos femmes fatalesMère des mariages de raisonMère des filles à succursalesPrincesse pâle du visonSalut à toi, Dame Bêtise
Toi dont le règne est méconnuSalut à toi, Dame Bêtise
Mais dis moi: "Comment fais-tu
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Pour que point l'on ne voitLe sourire entendu
Qui fera de vous et moiDe très nobles cocus cocusPour me faire oublier
Que les putains les vraiesSont celles qui font payerPas avant mais après
Pour qu'il puisse m'arriverDe croiser certains soirsTon regard familier
Au fond de mon miroirTon regard familier
Au fond de mon miroirTon regard familier
Au fond de mon miroir.
L'aventure
L'aventure commence à l'auroreA l'aurore de chaque matinL'aventure commence alors
Que la lumière nous lave les mains
L'aventure commence à l'auroreEt l'aurore nous guide en chemin
L'aventure c'est le trésorQue l'on découvre à chaque matin
Pour Martin c'est le fer sur l'enclumePour César le vin qui chantera
Pour Yvon c'est la mer qu'il écumeC'est le jour qui s'allumeC'est le blé que l'on bat
L'aventure commence à l'auroreA l'aurore de chaque matinL'aventure commence alors
Que la lumière nous lave les mains
Tout ce que l'on cherche à redécouvrirFleurit chaque jour au coin de l'oubli (?)La grande aventure il faut la cueillirEntre notre église et notre mairieEntre la barrière du Père MachinEt le bois joli de monsieur le BaronEt entre la vigne de notre voisinEt le doux sourire de la Madelon
L'aventure commence à l'auroreA l'aurore de chaque matinL'aventure commence alors
Que la lumière nous lave les mainsL'aventure commence à l'auroreEt l'aurore nous guide en chemin
L'aventure c'est le trésorQue l'on découvre à chaque matin
Pour Martin c'est le fer sur l'enclumePour César le vin qui chantera
Pour Yvon c'est la mer qu'il écumeC'est le jour qui s'allumeC'est le blé que l'on bat
L'aventure commence à l'aurore
39
A l'aurore de chaque matinL'aventure commence alors
Que la lumière nous lave les mains
Tous ceux que l'on cherche à pouvoir aimerSont auprès de nous et à chaque instant
Dans le creux des rues dans l'ombre des prèsAu bout du chemin au milieu des champsDebouts dans le vent et semant le bléPliés vers le sol saluant la terre
Assis près des vieux et tressant l'osierCouchés au soleil et buvant la lumière (dans la lumière?)
L'aventure commence à l'auroreA l'aurore de chaque matinL'aventure commence alors
Que la lumière nous lave les mainsL'aventure commence à l'auroreEt l'aurore nous guide en chemin
L'aventure c'est le trésorQue l'on découvre à chaque matin
Pour Martin c'est le fer sur l'enclumePour César le vin qui chantera
Pour Yvon c'est la mer qu'il écumeC'est le jour qui s'allumeC'est le blé que l'on bat
L'aventure commence à l'auroreA l'aurore de mille chemins (?)
L'aventure c'est le trésorQue l'on découvre à chaque matin matin
L'ÉclusierParoles et Musique: Jacques Brel 1968
Les mariniersMe voient vieillirJe vois vieillirLes mariniersOn joue au jeuDes imbécilesOù l'immobileEst le plus vieuxDans mon métierMême en étéFaut voyager
Les yeux fermés.
Ce n'est pas rien d'être éclusier
Les mariniersSavent ma trogneIls me plaisantentEt ils ont tortMoitié sorcierMoitié ivrogneJe jette un sort
À tout c'qui chanteDans mon métierC'est en automne
Qu'on cueille les pommesEt les noyés
Ce n'est pas rien d'être éclusier
40
Dans son panierUn enfant louche
Pour voir la moucheQui est sur son nezMaman ronronneLe temps soupireLe chou transpireLe feu ronchonneDans mon métierC'est en hiver
Qu'on pense au pèreQui s'est noyé
Ce n'est pas rien d'être éclusier
Vers le printempsLes marinières
M'font des manièresDe leur chaland
J'aimerais leur jeuSans cette guerreQui m'a un peuTrop abimé
Dans mon métierC'est au printempsQu'on prend le temps
De se noyer
L'EnfanceParoles et Musique: Jacques Brel
note: du film "Le Far West"
L'enfanceQui peut nous dire quand ça finit
Qui peut nous dire quand ça commenceC'est rien avec de l'imprudenceC'est tout ce qui n'est pas écrit
L'enfanceQui nous empêche de la vivreDe la revivre infiniment
De vivre à remonter le tempsDe déchirer la fin du livre
L'enfanceQui se dépose sur nos rides
Pour faire de nous de vieux enfantsNous revoilà jeunes amants
Le cœur est plein la tête est videL'enfance l'enfance
L'enfanceC'est encore le droit de rêverEt le droit de rêver encore
Mon père était un chercheur d'orL'ennui c'est qu'il en a trouvé
L'enfanceIl est midi tous les quart d'heure
Il est jeudi tous les matinsLes adultes sont déserteurs
Tous les bourgeois sont des Indiens
L'enfance
41
L'enfance
{+ couplet isolé :}
Si les parents savaient l'enfanceSi les moindres amants savaientSi par chance ils savaient l'enfanceIl n'y aurait plus d'enfants jamais.
L'Homme dans la citéParoles et Musique: Jacques Brel 1958
Pourvu que nous vienne un hommeAux portes de la cité
Que l'amour soit son royaumeEt l'espoir son invité
Et qu'il soit pareil aux arbresQue mon père avait plantés
Fiers et nobles comme soir d'étéEt que les rires d'enfantsQui lui tintent dans la tête
L'éclaboussent d'un reflet de fête
Pourvu que nous vienne un hommeAux portes de la cité
Que son regard soit un psaumeFait de soleils éclatés
Qu'il ne s'agenouille pasDevant tout l'or d'un seigneur
Mais parfois pour cueillir une fleurEt qu'il chasse de la mainÀ jamais et pour toujours
Les solutions qui seraient sans amour
Pourvu que nous vienne un hommeAux portes de la cité
Et qui ne soit pas une baumeMais une force une clartéEt que sa colère soit juste
Jeune et belle comme l'orageQu'il ne soit jamais ni vieux ni sage
Et qu'il rechasse du templeL' écrivain sans opinion
Marchand de rienMarchand d'évotions
Pourvu que nous vienne un hommeAux portes de la cité
Avant que les autre hommesQui vivent dans la cité
Humiliés l'espoir meurtriEt lourds de leur colère froideNe dressent au creux des nuits
De nouvelles barricades
42
L'ivrogneParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest-F. Rauber 1961
Ami remplis mon verreEncore un et je vasEncore un et je vaisNon je ne pleure pasJe chante et je suis gaiMais j'ai mal d'être moiAmi remplis mon verreAmi remplis mon verre
Buvons à ta santéToi qui sais si bien direQue tout peut s'arranger
Qu'elle va revenirTant pis si tu es menteurTavernier sans tendresse
Je serai saoul dans une heureJe serai sans tristesse
Buvons à la santéDes amis et des riresQue je vais retrouverQui vont me revenir
Tant pis si ces seigneursMe laissent à terre
Je serai saoul dans une heureJe serai sans colère
Ami remplis mon verreEncore un et je vasEncore un et je vaisNon je ne pleure pasJe chante et je suis gaiMais j'ai mal d'être moiAmi remplis mon verreAmi remplis mon verre
Buvons à ma santéQue l'on boive avec moiQue l'on vienne danserQu'on partage ma joieTant pis si les danseursMe laissent sous la lune
Je serai saoul dans une heureJe serai sans rancune
Buvons aux jeunes fillesQu'il me reste à aimerBuvons déjà aux fillesQue je vais faire pleurerEt tant pis pour les fleursQu'elles me refuseront
Je serai saoul dans une heureJe serai sans passion
Ami remplis mon verreEncore un et je vasEncore un et je vaisNon je ne pleure pasJe chante et je suis gaiMais j'ai mal d'être moiAmi remplis mon verreAmi remplis mon verre
43
Buvons à la putainQui m'a tordu le cœurBuvons à plein chagrinBuvons à pleines pleursEt tant pis pour les pleursQui me pleuvent ce soir
Je serai saoul dans une heureJe serai sans mémoire
Buvons nuit après nuitPuisque je serai trop laidPour la moindre SylviePour le moindre regret
Buvons puisqu'il est l'heureBuvons rien que pour boireJe serai bien dans une heure
Je serai sans espoir
Ami remplis mon verreEncore un et je vasEncore un et je vaisNon je ne pleure pasJe chante et je suis gaiTout s'arrange déjà
Ami remplis mon verreAmi remplis mon verreAmi remplis mon verre
L'OstendaiseParoles et Musique: J. Brel/F. Rauber 1968
Une OstendaisePleure sur sa chaiseLe chat soupèse
Son poids d'amourDans le silence
Son chagrin danseEt les vieux pensentChacun son tourÀ la cuisine
Quelques voisinesParlent de ChineEt d'un retourÀ SingaporeUne Javanaise
Devient belle-sœurDe l'Ostendaise
Il y a deux sortes de tempsIl y a le temps qui attendEt le temps qui espèreIl y a deux sortes de gens
Il y a les vivantsEt ceux qui sont en mer
Notre OstendaiseQue rien n'abaiseDe chaise en chaiseVa sa blessure
Quelques commèresQuelques compères
Battent le ferDe sa blessureSon capitaine
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Sous sa bedaineDe bière pleineBat le tambour
Homme de devoirHomme d'étoilesIl prend l'escalePour un détour
Il y a deux sortes de tempsIl y a le temps qui attendEt le temps qui espèreIl y a deux sortes de gens
Il y a les vivantsEt ceux qui sont en mer
Notre OstendaiseAu temps des fraisesDevient maîtresseD'un pharmacienSon capitaine
Mort sous bedaineJoue les baleinesLes sous-marins
Pourquoi ma douceMoi le faux mousseQue le temps pousseT'écrire de loin
C'est que je t'aimeEt tant je t'aime
Qu'ai peur ma reineD'un pharmacien
Il y a deux sortes de tempsIl y a le temps qui attendEt le temps qui espèreIl y a deux sortes de gens
Il y a les vivantsEt moi je suis en mer
La BastilleParoles et Musique: Jacques Brel 1955
Mon ami, qui croit que tout doit changerCrois-tu le droit d'aller tuer les bourgeoisSi tu crois encore qu'il nous faut descendre
Dans le creux des rues pour monter au pouvoirSi tu crois encore au rêve du grand soir
Et que nos ennemis, il faut aller les pendre
Dis-le toi désormaisMême s'il est sincèreAucun rêve jamais
Ne mérite une guerreOn a détruit la BastilleEt ça n'a rien arrangéOn a détruit la Bastille
Quand il fallait nous aimer
Mon ami, qui croit, que rien ne doit changerTe crois-tu le droit de vivre et de penser en bourgeois
Si tu crois encore qu'il nous faut défendreUn bonheur acquis au prix d'autres bonheursSi tu crois encore que c'est parce qu'ils ont tortQue les gens te saluent plutôt que de te pendre
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Dis-le toi désormaisMême s'il est sincèreAucun rêve jamais
Ne mérite une guerreOn a détruit la BastilleEt ça n'a rien arrangéOn a détruit la Bastille
Quand il fallait nous aimer
Mon ami, je crois que tout peut s'arrangerSans cris sans effroi même sans insulter les bourgeois
L'avenir dépend des révolutionnairesMais se moque bien des petits révoltésL'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre
Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner
Hâtons-nous d'espérerMarchons aux lendemains
Tendons une mainQui ne soit pas ferméeOn a détruit la BastilleEt ça n'a rien arrangéOn a détruit la Bastille
Ne pourrait-on pas s'aimer
La bièreParoles et Musique: Jacques Brel
Ça sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bière
Dieu qu'on est bienÇa sent la bière
De Londres à BerlinÇa sent la bière
Donne-moi la main
C'est plein d'UilenspieghelEt de ses cousins et d'arrière-cousins
De Breughel l'AncienC'est plein de gens du nordQui mord comme un chien
Le porc qui dort le ventre plein
Ça sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bière
Dieu qu'on est bienÇa sent la bière
De Londres à BerlinÇa sent la bière
Donne-moi la main
C'est plein de verres pleinsQui vont à kermesse comme vont à messe
Vieilles au matinC'est plein de jours morts
Et d'amours gelésChez nous y a qu'l'été
Que les filles aient un corps
Ça sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bière
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Dieu qu'on est bienÇa sent la bière
De Londres à BerlinÇa sent la bière
Donne-moi la main
C'est plein de finissantsQui soignent leurs souvenirs
En mouillant de riresLeurs poiluchons blancsC'est plein de débutantsQui soignent leur vérole
En caracolant de Prosit en Skoll
Ça sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bière
Dieu qu'on est bienÇa sent la bière
De Londres à BerlinÇa sent la bière
Donne-moi la main
C'est plein de "Godferdom"C'est plein d'Amsterdam
C'est plein de mains d'hommesAux croupes des femmesC'est plein de mèmèresQui ont depuis toujoursUn sein pour la bièreUn sein pour l'amour
Ça sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bière
Dieu qu'on est bienÇa sent la bière
De Londres à BerlinÇa sent la bière
Donne-moi la main
C'est plein d'horizonsÀ vous rendre fous
Mais l'alcool est blondEt le diable est à nousLes gens sans EspagneOnt besoin des deuxOn fait des montagnesAvec ce qu'on peut
Ça sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bière
Donne-moi la main
47
La bourrée du célibataireParoles et Musique: Jacques Brel 1957
La fille que j'aimeraAura le cœur si sage
Qu'au creux de son visageMon cœur s'arrêteraLa fille que j'aimera
Je lui veux la peau tendrePour qu'aux nuits de décembreS'y réchauffent mes doigts
Et moi je l'aimeronsEt elle m'aimera
Et nos cœurs brûlerontDu même feu de joieEntrerons en chantantDans les murs de la vieEn offrant nos vingt ansPour qu'elle nous soit jolie
Non ce n'est pas toiLa fille que j'aimeronsNon ce n'est pas toiLa fille que j'aimera
La fille que j'aimeraAura sa maison basse
Blanche et simple à la foisComme un état de grâceLa fille que j'aimera
Aura des soirs de veilleOù elle me parlera
Des enfants qui sommeillentEt moi je l'aimeronsEt elle m'aimera
Et nous nous offrironsTout l'amour que l'on aPavoiserons tous deuxNotre vie de soleil
Avant que d'être vieuxAvant que d'être vieilleNon ce n'est pas toi
La fille que j'aimeronsNon ce n'est pas toiLa fille que j'aimera
La fille que j'aimeraVieillira sans tristesseEntre son feu de boisEt ma grande tendresseLa fille que j'aimeraSera comme bon vinQui se bonifiera
Un peu chaque matinEt moi je l'aimeronsEt elle m'aimera
Et ferons des chansonsDe nos anciennes joiesEt quitterons la terre
Les yeux pleins l'un de l'autrePour fleurir tout l'enferDu bonheur qui est nôtreAh qu'elle vienne à moiLa fille que j'aimeronsAh qu'elle vienne à moiLa fille que j'aimera
48
La chanson de JackyParoles et Musique: J. Brel, G. Jouannest 1966
Même si un jour à Knocke-le-ZouteJe deviens comme je le redoute
Chanteur pour femmes finissantesQue je leur chante " Mi Corazon "
Avec la voix bandonéanteD'un Argentin de CarcassonneMême si on m'appelle AntonioQue je brûle mes derniers feuxEn échange de quelques cadeauxMadame je fais ce que je peux
Même si je me saoule à l'hydromelPour mieux parler de virilitéA des mémères décoréesComme des arbres de Noël
Je sais qu' dans ma saoulographieChaque nuit pour des éléphants roses
Je chanterai la chanson moroseCelle du temps où je m'appelais Jacky
{Refrain:}Etre une heure, une heure seulementEtre une heure, une heure quelquefois
Etre une heure, rien qu'une heure durantBeau, beau, beau et con à la fois
Même si un jour à MacaoJe deviens gouverneur de tripotCerclé de femmes languissantesMême si lassé d'être chanteurJ'y sois devenu maître chanteur
Et que ce soit les autres qui chantentMême si on m'appelle le beau SergeQue je vende des bateaux d'opiumDu whisky de Clermont-FerrandDe vrais pédés de fausses vierges
Que j'aie une banque à chaque doigtEt un doigt dans chaque paysQue chaque pays soit à moi
Je sais quand même que chaque nuitTout seul au fond de ma fumeriePour un public de vieux ChinoisJe rechanterai ma chanson à moi
Celle du temps où je m'appelais Jacky
{au Refrain}
Même si un jour au ParadisJe deviens comme j'en serais surpris
Chanteur pour femmes à ailes blanchesQue je leur chante Alléluia
En regrettant le temps d'en basOù c'est pas tous les jours dimancheMême si on m'appelle Dieu le Père
Celui qui est dans l'annuaireEntre Dieulefit et Dieu vous garde
Même si je me laisse pousser la barbeMême si toujours trop bonne pommeJe me crève le cœur et le pur espritA vouloir consoler les hommes
Je sais quand même que chaque nuitJ'entendrai dans mon
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Paradis Les anges, les Saints et LuciferMe chanter la chanson de naguère
Celle du temps où je m'appelais Jacky.
{au Refrain}
La chanson de Van HorstParoles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Gérard Jouannest 1972 "Jef"
note: du film "Le Bar de la Fourche"
De Rotterdam à SantiagoEt d'Amsterdam à VarsovieDe Cracovie à San DiegoDe drame en dame
Passe la vieDe peu à peu
De cœur en cœurDe peur en peurDe port en port
Le temps d'une fleurEt l'on s'endort
Le temps d'un rêveEt l'on est mort
De terre en terreDe place en placeDe jeune vieilleEn vieille grasse
De guerre en guerreDe guerre lasse
La mort nous veilleLa mort nous glace
Mais de bière en bièreDe foire en foireDe verre en verreDe boire en boireJe mords encoreÀ pleines dentsJe suis un mortEncore vivant
La chanson des vieux amantsParoles et Musique: Jacques Brel
autres interprètes: Luce Dufault (2000)
Bien sûr, nous eûmes des oragesVingt ans d'amour, c'est l'amour fol
Mille fois tu pris ton bagageMille fois je pris mon envolEt chaque meuble se souvient
Dans cette chambre sans berceauDes éclats des vieilles tempêtesPlus rien ne ressemblait à rienTu avais perdu le goût de l'eauEt moi celui de la conquête
{Refrain:}Mais mon amour
Mon doux mon tendre mon merveilleux amourDe l'aube claire jusqu'à la fin du jourJe t'aime encore tu sais je t'aime
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Moi, je sais tous tes sortilègesTu sais tous mes envoûtementsTu m'as gardé de pièges en piègesJe t'ai perdue de temps en tempsBien sûr tu pris quelques amantsIl fallait bien passer le tempsIl faut bien que le corps exulte
Finalement finalementIl nous fallut bien du talent
Pour être vieux sans être adultes
{Refrain}
Oh, mon amourMon doux mon tendre mon merveilleux amour
De l'aube claire jusqu'à la fin du jourJe t'aime encore, tu sais, je t'aime
Et plus le temps nous fait cortègeEt plus le temps nous fait tourmentMais n'est-ce pas le pire piège
Que vivre en paix pour des amantsBien sûr tu pleures un peu moins tôtJe me déchire un peu plus tard
Nous protégeons moins nos mystèresOn laisse moins faire le hasardOn se méfie du fil de l'eau
Mais c'est toujours la tendre guerre
{Refrain}
Oh, mon amour...Mon doux mon tendre mon merveilleux amour
De l'aube claire jusqu'à la fin du jourJe t'aime encore tu sais je t'aime.
La colombeParoles et Musique: Jacques Brel 1959
Pourquoi cette fanfareQuand les soldats par quatreAttendent les massacresSur le quai d'une gare
Pourquoi ce train ventruQui ronronne et soupireAvant de nous conduireJusqu'au malentendu
Pourquoi les chants les crisDes foules venues fleurir
Ceux qui ont le droit de partirAu nom de leurs conneries
Nous n'irons plus au bois la colombe est blesséeNous n'allons pas au bois nous allons la tuer
Pourquoi l'heure que voilàOù finit notre enfanceOù finit notre chanceOù notre train s'en va
Pourquoi ce lourd convoiChargé d'hommes en grisRepeints en une nuitPour partir en soldats
Pourquoi ce train de pluiePourquoi ce train de guerre
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Pourquoi ce cimetièreEn marche vers la nuit
Nous n'irons plus au bois la colombe est blesséeNous n'allons pas au bois nous allons la tuer
Pourquoi les monumentsQu'offriront les défaitesLes phrases déjà faites
Qui suivront l'enterrementPourquoi l'enfant mort-né
Que sera la victoirePourquoi les jours de gloireQue d'autres auront payésPourquoi ces coins de terreQue l'on va peindre en grisPuisque c'est au fusilQu'on éteint la lumière
Nous n'irons plus au bois la colombe est blesséeNous n'allons pas au bois nous allons la tuer
Pourquoi ton cher visageDégrafé par les larmesQui me rendait les armesAux sources du voyage
Pourquoi ton corps qui sombreTon corps qui disparaîtEt n'est plus sur le quai
Qu'une fleur sur une tombePourquoi ces prochains jours
Où je devrais penserA ne plus m'habiller
Que d'une moitié d'amour
Nous n'irons plus au bois la colombe est blesséeNous n'allons pas au bois nous allons la tuer
La dame patronnesse© Éditions Musicales Tutti
Pour faire une bonne dame patronnesseIl faut avoir l'œil vigilant
Car comme le prouvent les événementsQuatre-vingt-neuf tue la noblesse
Car comme le prouvent les événementsQuatre-vingt-neuf tue la noblesse
Et un point à l'envers et un point à l'endroitUn point pour saint Joseph un point pour saint Thomas
Pour faire une bonne dame patronnesseIl faut organiser ses largesses
Car comme disait le duc d'Elbeuf" C'est avec du vieux qu'on fait du neuf "
Car comme disait le duc d'Elbeuf" C'est avec du vieux qu'on fait du neuf "
Et un point à l'envers et un point à l'endroitUn point pour saint Joseph un point pour saint Thomas
Pour faire une bonne dame patronnesseC'est qu'il faut faire très attention
A ne pas se laisser voler ses pauvressesC'est qu'on serait sans situation
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A ne pas se laisser voler ses pauvressesC'est qu'on serait sans situation
Et un point à l'envers et un point à l'endroitUn point pour saint Joseph un point pour saint Thomas
Pour faire une bonne dame patronnesseIl faut être bonne mais sans faiblesse
Ainsi j'ai dû rayer de ma listeUne pauvresse qui fréquentait un socialiste
Ainsi j'ai dû rayer de ma listeUne pauvresse qui fréquentait un socialiste
Et un point à l'envers et un point à l'endroitUn point pour saint Joseph un point pour saint Thomas
Pour faire une bonne dame patronnesseTricotez tout en couleur caca d'oie
Ce qui permet le dimanche à la grand-messeDe reconnaître ses pauvres à soi
Ce qui permet le dimanche à la grand-messeDe reconnaître ses pauvres à soi
Et un point à l'envers et un point à l'endroitUn point pour saint Joseph un point pour saint Thomas
La FanetteParoles et Musique: Jacques Brel 1963
Nous étions deux amis et Fanette m'aimaitLa plage était déserte et dormait sous juillet
Si elles s'en souviennent les vagues vous dirontCombien pour la Fanette j'ai chanté de chansons
Faut direFaut dire qu'elle était belleComme une perle d'eau
Faut dire qu'elle était belleEt je ne suis pas beau
Faut direFaut dire qu'elle était bruneTant la dune était blondeEt tenant l'autre et l'uneMoi je tenais le monde
Faut direFaut dire que j'étais fouDe croire à tout celaJe le croyais à nousJe la croyais à moi
Faut direQu'on ne nous apprend pas
A se méfier de tout
Nous étions deux amis et Fanette m'aimaitLa plage était déserte et mentait sous juillet
Si elles s'en souviennent les vagues vous dirontComment pour la Fanette s'arrêta la chanson
Faut direFaut dire qu'en sortantD'une vague mouranteJe les vis s'en allant
Comme amant et amanteFaut dire
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Faut dire qu'ils ont riQuand ils m'ont vu pleurerFaut dire qu'ils ont chantéQuand je les ai maudits
Faut direQue c'est bien ce jour-làQu'ils ont nagé si loinQu'ils ont nagé si bienQu'on ne les revit pas
Faut direQu'on ne nous apprend pasMais parlons d'autre chose
Nous étions deux amis et Fanette l'aimaitLa place est déserte et pleure sous juillet
Et le soir quelquefoisQuand les vagues s'arrêtentJ'entends comme une voixJ'entends... c'est la Fanette
La foireParoles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Lou Logist 1953 "Le Plat Pays"
J'aime la foire où pour trois sousL'on peut se faire tourner la têteSur les manèges aux chevaux roux
Au son d'une musique bête
Les lampions jettent au firmamentAlignés en nombre pair
Comme des sourcils de géantLeurs crachats de lumière
Les moulins tournent, tournent sans trêveEmportant tout notre argent
Et nous donnant un peu de rêvePour que les hommes soient contents
Ça sent la graisse où dansent les fritesÇa sent les frites dans les papiers
Ça sent les beignets qu'on mange viteÇa sent les hommes qui les ont mangés
Partout je vois à petits pasDes couples qui s'en vont danserMais moi sûrement je n'irai pasGrand-mère m'a dit de me méfier
Et lorsque l'on n'a plus de sousPour se faire tourner la tête
Sur les manèges aux chevaux rouxAu son d'une musique bêteOn rentre chez soi lentementEt tout en regardant les cieuxOn se demande simplementS'il n'existe rien de mieux
J'aimais la foire où pour trois sousL'on pouvait se faire tourner la têteSur les manèges aux chevaux roux
Au son d'une musique bête
Il nous faut regarderDerrière la saleté
S'étalant devant nousDerrière les yeux plissésEt les visages mous
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Au-delà de ces mainsOuvertes ou ferméesQui se tendent en vainOu qui sont poings levésPlus loin que les frontières
Qui sont de barbelésPlus loin que la misèreIl nous faut regarder
Il nous faut regarderCe qu'il y a de beauLe ciel gris ou bleuté
Les filles au bord de l'eauL'ami qu'on sait fidèleLe soleil de demain
Le vol d'une hirondelleLe bateau qui revientPar-delà le concert
Des sanglots et des pleursEt des cris de colère
Des hommes qui ont peurPar-delà le vacarme
Des rues et des chantiersDes sirènes d'alarme
Des jurons de charretierPlus forts que les enfantsQui racontent les guerresEt plus forts que les grandsQui nous les ont fait faire
Il nous faut écouterL'oiseau au fond des boisLe murmure de l'été
Le sang qui monte en soiLes berceuses des mèresLes prières des enfantsEt le bruit de la terre
Qui s'endort doucement
La haineParoles et Musique: Jacques Brel 1955
Comme un marin je partiraiPour aller rire chez les fillesEt si jamais tu en pleuraisMoi j'en aurais l'âme ravie
Comme un novice je partiraiPour aller prier le bon DieuEt si jamais tu en souffraisJe n'en prierais que mieux
Tu n'as commis d'autre péchéQue de distiller chaque jour
L'ennui et la banaliteQuand d'autres distillent l'amour
Et mille jours pour une nuitVoilà ce que tu m'as donné
Tu as peint notre amour en grisTerminé notre éternité
Comme un ivrogne je partiraiPour aller gueuler ma chansonEt si jamais tu l'entendais
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J'en remercierais le Démon
Comme un soldat je partiraiMourir comme meurent les enfants
Et si jamais tu en mouraisJ'en voudrais revenir vivant
Et toi tu pries et toi tu pleuresAu long des jours au long des ansC'est comme si avec des fleursOn ressoudait deux continents
L'amour est mort vive la haineEt toi matériel déclasséVa-t-en donc accrocherTa peine au muséeDes amours ratées
Comme un ivrogne je partiraiPour aller gueuler ma chansonEt si jamais tu l'entendaisJ'en remercierais le Démon
La lumière jailliraParoles et Musique: J. Brel/J. Brel-F. Rauber 1958
La lumière jailliraClaire et blanche un matinBrusquement devant moiQuelque part en chemin
La lumière jailliraEt la reconnaîtrai
Pour l'avoir tant de foisChaque jour espérée
La lumière jailliraEt de la voir si belle
Je connaîtrai pourquoiJ'avais tant besoin d'elle
La lumière jailliraEt nous nous marieronsPour n'être qu'un combatPour n'être qu'une chanson
La lumière jailliraEt je l'inviterai
A venir sous mon toitPour y tout transformer
La lumière jailliraEt déjà modifié
Lui avouerai du doigtLes meubles du passé
La lumière jailliraEt j'aurai un palais
Tout ne change-t-il pasAu soleil de juillet
La lumière jailliraEt toute ma maisonAssise au feu de bois
Apprendra ces chansons
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La lumière jailliraParsemant mes silencesDe sourires de joie
Qui meurent et recommencent
La lumière jailliraQu'éternel voyageur
Mon cœur en vain cherchaMais qui était en mon cœur
La lumière jailliraReculant l'horizonLa lumière jailliraEt portera ton nom
La mortParoles et Musique: Jacques Brel 1959
La mort m'attend comme une vieille filleAu rendez-vous de la faucille
Pour mieux cueillir le temps qui passeLa mort m'attend comme une princesse
A l'enterrement de ma jeunessePour mieux pleurer le temps qui passeLa mort m'attend comme Carabosse
A l'incendie de nos nocesPour mieux rire du temps qui passe
Mais qu'y a-t-il derrière la porteEt qui m'attend déjà
Ange ou démon qu'importeAu devant de la porte il y a toi
La mort attend sous l'oreillerQue j'oublie de me réveiller
Pour mieux glacer le temps qui passeLa mort attend que mes amisMe viennent voir en pleine nuit
Pour mieux se dire que le temps passeLa mort m'attend dans tes mains clairesQui devront fermer mes paupières
Pour mieux quitter le temps qui passe
Mais qu'y a-t-il derrière la porteEt qui m'attend déjà
Ange ou démon qu'importeAu devant de la porte il y a toi
La mort m'attend aux dernières feuillesDe l'arbre qui fera mon cercueil
Pour mieux clouer le temps qui passeLa mort m'attend dans les lilasQu'un fossoyeur lancera sur moi
Pour mieux fleurir le temps qui passeLa mort m'attend dans un grand lit
Tendu aux toiles de l'oubliPour mieux fermer le temps qui passe
Mais qu'y a-t-il derrière la porteEt qui m'attend déjà
Ange ou démon qu'importeAu devant de la porte il y a toi
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La parloteParoles et Musique: J. Brel/J. Brel/G. Jouannest 1963
C'est elle qui remplit d'espoirLes promenades les salons de théC'est elle qui raconte l'histoireQuand elle ne l'a pas inventéeC'est la parlote, la parlote
C'est elle qui sort toutes les nuitsEt ne s'apaise qu'au petit jourPour s'éveiller après l'amour
Pour entre deux amants éblouisLa parlote la parlote
C'est là qu'on dit qu'on a dit ouiC'est là qu'on dit qu'on a dit nonC'est le support de l'assuranceEt le premier apéritif de France
La parlote la parloteLa parlote la parlote
Marchant sur la pointe des lèvresMoitié fakir et moitié vandale
D'un faussaire elle fait un orfèvreD'un fifrelin elle fait un scandale
La parlote la parlote
C'est elle qui attire la candeurDans les filets d'une promenade
Mais c'est par elle que l'amour en fleursSouvent se meurt dans les salades
La parlote la parlote
Par elle j'ai changé le mondeJ'ai même fait battre tambourPour charger une Pompadour
Pas même belle pas même blondeLa parlote la parloteLa parlote la parlote
C'est au bistrot qu'elle rend ses sentencesEt nous rassure en nous assurant
Que ceux qu'on aime n'ont pas eu de chanceQue ceux qu'on n'aime pas en on tellement
La parlote la parloteLa parlote la parlote
Si c'est elle qui sèche les yeuxSi c'est elle qui sèche les pleursC'est elle qui désèche les vieuxC'est elle qui désèche les cœurs
Gna gna gna gna gna gnaGna gna gna gna gna gna
C'est elle qui vraiment s'installeQuand on n'a plus rien à se dire
C'est l'épitaphe c'est la pierre tombaleDes amours qu'on a laissé mourir
La parlote la parloteLa parlote la parlote
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La quêteMusique: Jacques Brel
Rêver un impossible rêvePorter le chagrin des départsBrûler d'une possible fièvrePartir où personne ne partAimer jusqu'à la déchirure
Aimer, même trop, même mal,Tenter, sans force et sans armure,D'atteindre l'inaccessible étoile
Telle est ma quête,Suivre l'étoile
Peu m'importent mes chancesPeu m'importe le tempsOu ma désespéranceEt puis lutter toujoursSans questions ni repos
Se damnerPour l'or d'un mot d'amourJe ne sais si je serai ce héros
Mais mon cœur serait tranquilleEt les villes s'éclabousseraient de bleu
Parce qu'un malheureuxBrûle encore, bien qu'ayant tout brûléBrûle encore, même trop, même mal
Pour atteindre à s'en écartelerPour atteindre l'inaccessible étoile.
La statueParoles et Musique: J. Brel/F. Rauber 1962
J'aimerais tenir l'enfant de MarieQui a fait graver sous ma statue
" Il a vécu toute sa vieEntre l'honneur et la vertu "Moi qui ai trompé mes amis
De faux serment en faux sermentMoi qui ai trompé mes amisDu jour de l'An au jour de l'An
Moi qui ai trompé mes maîtressesDe sentiment en sentiment
Moi qui ai trompé mes maîtressesDu printemps jusques au printempsCet enfant de Marie je l'aimerais là
Et j'aimerais que les enfants ne me regardent pas
J'aimerais tenir l'enfant de carêmeQui a fait graver sous ma statue
" Les Dieux rappellent ceux qu'ils aiment,Et c'était lui qu'ils aimaient le plus "
Moi qui n'ai jamais prié DieuQue lorsque j'avais mal aux dentsMoi qui n'ai jamais prié Dieu
Que quand j'ai eu peur de SatanMoi qui n'ai prié Satan
Que lorsque j étais amoureuxMoi qui n'ai prié Satan
Que quand j'ai eu peur du Bon DieuCet enfant de carême je l'aimerais là
Et j'aimerais que les enfants ne me regardent pas
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J'aimerais tenir enfant de salaudQui a fait graver sous ma statue" Il est mort comme un héros
Il est mort comme on ne meurt plus "Moi qui suis parti faire la guerreParce que je m'ennuyais tellementMoi qui suis parti faire la guerre
Pour voir si les femmes des AllemandsMoi qui suis mort à la guerre
Parce que les femmes des AllemandsMoi qui suis mort à la guerreDe n'avoir pu faire autrement
Cet enfant de salaud je l'aimerais làEt j'aimerais que mes enfants ne me regardent pas
La tendresseParoles et Musique: Jacques Brel 1959
Pour un peu de tendresseJe donnerais les diamantsQue le diable caresse
Dans mes coffres d'argentPourquoi crois-tu la belleQue les marins au portVident leurs escarcellesPour offrir des trésorsA de fausses princessesPour un peu de tendresse
Pour un peu de tendresseJe changerais de visageJe changerais d'ivresseJe changerais de langagePourquoi crois-tu la belle
Qu'au sommet de leurs chantsEmpereurs et ménestrelsAbandonnent souventPuissances et richessesPour un peu de tendresse
Pour un peu de tendresseJe t'offrirais le tempsQu'il reste de jeunesse
A l'été finissantPourquoi crois-tu la belleQue monte ma chansonVers la claire dentelleQui danse sur ton frontPenché vers ma détressePour un peu de tendresse
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La toison d'or
Et vous conquistadors navigateurs anciensHollandais téméraires et corsaires malouins
Cherchant des Amériques vous ne cherchâtes rienQue l'aventure de la Toison d'Or
Et vous les philosophes vous sages d'OrientAlchimistes pointus et sorciers d'à présent
En cherchant la sagesse vous n'avez rien cherchéQue les secrets de la Toison d'Or
Et vous les empereurs roitelets ou serinsVous les vrais Charlemagne vous les faux Charles QuintEn cherchant la puissance vous ne cherchâtes rien
Que les reflets de la Toison d'Or
Et vous preux chevaliers assoiffés de grandeurVous chasseurs de Saint-Graal d'oriflammes d'honneurs
Cherchant la victoire vous ne cherchâtes rienQue le panache de la Toison d'Or
Et vous tous les poètes les rêveurs mal deboutDiscoureurs de l'amour pour des cieux andalousEn écoutant vos muses n'avez rien chanté d'autre
Que le vieux rêve de la Toison d'Or
Et vous gens d'aujourd'hui d'aujourd'hui de demainVous balayeurs d'idoles de dieux de malinsCherchant la vérité vous ne recherchez rien
Que la clarté de la Toison d'Or
La valse à mille tempsParoles et Musique: Jacques Brel 1959
Au premier temps de la valseToute seule tu souris déjà
Au premier temps de la valseJe suis seul mais je t'aperçoisEt Paris qui bat la mesure
Paris qui mesure notre émoiEt Paris qui bat la mesure
Me murmure murmure tout bas
{refrain:}Une valse à trois temps
Qui s'offre encore le tempsQui s'offre encore le tempsDe s'offrir des détoursDu côté de l'amour
Comme c'est charmantUne valse à quatre temps
C'est beaucoup moins dansantC'est beaucoup moins dansantMais tout aussi charmantQu'une valse à trois tempsUne valse à quatre tempsUne valse à vingt ans
C'est beaucoup plus troublantC'est beaucoup plus troublantMais beaucoup plus charmantQu'une valse à trois temps
61
Une valse à vingt ansUne valse à cent tempsUne valse à cent ansUne valse ça s'entendA chaque carrefour
Dans Paris que l'amourRafraîchit au printempsUne valse à mille tempsUne valse à mille tempsUne valse a mis le tempsDe patienter vingt ans
Pour que tu aies vingt ansEt pour que j'aie vingt ansUne valse à mille tempsUne valse à mille tempsUne valse à mille tempsOffre seule aux amants
Trois cent trente-trois fois le tempsDe bâtir un roman
Au deuxième temps de la valseOn est deux tu es dans mes brasAu deuxième temps de la valse
Nous comptons tous les deux une deux troisEt Paris qui bat la mesure
Paris qui mesure notre émoiEt Paris qui bat la mesure
Nous fredonne fredonne déjà
{refrain}
Au troisième temps de la valseNous valsons enfin tous les troisAu troisième temps de la valseIl y a toi y a l'amour et y a moiEt Paris qui bat la mesure
Paris qui mesure notre émoiEt Paris qui bat la mesureLaisse enfin éclater sa joie.
La Ville s'endormaitParoles et Musique: Jacques Brel 1977
La ville s'endormaitEt j'en oublie le nomSur le fleuve en amontUn coin de ciel brûlaitLa ville s'endormaitEt j'en oublie le nomEt la nuit peu à peuEt le temps arrêté
Et mon cheval boueuxEt mon corps fatiguéEt la nuit bleu à bleuEt l'eau d'une fontaineEt quelques cris de haineVersés par quelques vieuxSur de plus vieilles qu'euxDont le corps s'ensommeille
La ville s'endormaitEt j'en oublie le nomSur le fleuve en amontUn coin de ciel brûlaitLa ville s'endormaitEt j'en oublie le nomEt mon cheval qui boit
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Et moi qui le regardeEt ma soif qui prend garde
Qu'elle ne se voit pasEt la fontaine chanteEt la fatigue plante
Son couteau dans mes reinsEt je fais celui-là
Qui est son souverainOn m'attend quelque partComme on attend le roi
Mais on ne m'attend pointJe sais depuis déjà
Que l'on meurt de hasardEn allongeant les pas
La ville s'endormaitEt j'en oublie le nomSur le fleuve en amontUn coin de ciel brûlaitLa ville s'endormaitEt j'en oublie le nom
Il est vrai que parfois près du soirLes oiseaux ressemblent à des vagues
Et les vagues aux oiseauxEt les hommes aux riresEt les rires aux sanglotsIl est vrai que souventLa mère se désenchanteJe veux dire en celaQu'elle chanteD'autres chants
Que ceux que la mère chanteDans les livres d'enfantsMais les femmes toujours
Ne ressemblent qu'aux femmesEt d'entre elles les connes
Ne ressemblent qu'aux connesEt je ne suis pas bien sûrComme chante un certain
Qu'elles soient l'avenir de l'homme
La ville s'endormaitEt j'en oublie le nomSur le fleuve en amontUn coin de ciel brûlaitLa ville s'endormaitEt j'en oublie le nomEt vous êtes passéeDemoiselle inconnue
À deux doigts d'être nueSous le lin qui dansait
La, la, laParoles et Musique: Jacques Brel 1967
Quand je s'rai vieuxJe s'rai insup' portableSauf pour mon lit
Et mon maigre passéMon chien s'ra mortMa barbe sera minableToutes mes morues
M'auront laissé tomberJ'habiterai
Une quelconque Belgique
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Qui m'insult'raTout autant que maint'nantQuand je lui chanteraiVive la républiqueVive les Belgiens
Merde pour les flamingants
La la laLa la la
Je serai fuiComme un vieil hôpitalPar tous les ventresD'autres sociétés
J'boirai donc seul ma pension de cigaleIl faut bien être lorsque l'on a été
Je n'serai reçu que par les chats du quartierÀ leur festin pour qu'ils ne soient pas treize
Mais j'y chanteraiSur une simple chaise
J'y chanteraiAprès le rat crevé
Messieurs dans le lit de la MarquiseC'était moi les 80 chasseurs
La la la
Et quand viendra l'heure imbécile et fataleOù il paraît que quelqu'un nous appelle
J'insulterai le flic sacerdotalPenché vers moi comme un larbin du ciel
Et je mourirai cerné de rigolosEn me disant qu'il était chouette Voltaire
Et qu'si en a des qui ont une plume au chapeauY en a des qui ont une plume dans l' derrière
La la laLa la la
Quand je s'rai vieuxJe s'rai insup' portableSauf pour mon lit
Et mon maigre passéMon chien s'ra mortMa barbe sera minableToutes mes morues
M'auront laissé tomber
Le Bon Dieu1977
Moi, moi, si t'étais l' Bon DieuTu f'rais valser les vieux
Aux étoilesToi, toi, si t'étais l'Bon DieuTu rallumerais des vagues
Pour les gueux
Moi, moi, si t'étais l'Bon DieuTu n'serais pas économe
De ciel bleuMais tu n'es pas le Bon DieuToi, tu es beaucoup mieux
Tu es un homme
Tu es un hommeTu es un homme
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Le caporal casse-pomponParoles et Musique: Jacques Brel 1962
Mon ami est un type énormeIl aime la trompette et le claironTout en préférant le clairon
Qu'est une trompette en uniformeMon ami est une valeur sûre
Qui dit souvent sans prétentionQu'à la minceur des épluchuresOn voit la grandeur des nations
Subséquemment subséquemmentSubséquemment que je ne comprends pas
Pourquoi souvent ses compagnonsL'appellentL'appellent
Caporal casse-pompon
Mon ami est un vrai poèteDans son jardin, quand vient l'étéFaut le voir planter ses mitraillettesOu bien creuser ses petites tranchéesMon ami est homme plein d'humourC'est lui qu'a trouvé ce bon motQue je vous raconte à mon tour
Ich slaffen at si auuz wihr prellen zie
Subséquemment subséquemmentSubséquemment que je ne comprends pas
Pourquoi souvent ses compagnonsL'appellentL'appellent
Caporal casse-pompon
Mon ami est un doux rêveurPour lui Paris c'est une caserneEt Berlin un petit champ de fleursQui va de Moscou à l'Auvergne
Son rêve revoir Paris au printempsRedéfiler en tête de son groupe
En chantant comme tous les vingt-cinq ansBaisse ta gaine Gretchen que je baise ta croupe (ein zwei)
Subséquemment subséquemmentSubséquemment que nous ne comprenons
Comment nos amis les FranzosenIls osent ils osent l'appeler
Caporal casse-pompon (ein zwei)
Le chevalParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1967
J'étais vraiment j'étais bien plus heureuxBien plus heureux avantQuand j'étais ch'val
Que je trainais Madame votre landeauJolie Madame dans les rues de Bordeaux
Mais t'as vouluQue je sois ton amantT'as même voulu
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Que je quitte ma jumentJe n'étais qu'un ch'val oui oui
Mas t'en as profitéPar amour pour toiJe m'suis déjumenté
Et depuisToutes les nuitsDans ton litDe satin blanc
Je regrette mon écurieMon écurie et ma jument
J'étais vraiment vraiment bien plus heureuxBien plus heureux avantQuand j'étais ch'val
Que tu te foutais MadameLa gueule par terreJolie madame
Quand tu forcais le cerfMais tu as voulu
Que j'apprenne les bonnes manièresT'as voulu
Que j'marche sur les pattes de derrièreJe n'étais qu'un ch'val oui ouaisMais tu m'as couillonné hein
Par amour pour toiJe m'suis derrièrisé
Et depuisToutes les nuits
Quand nous dansons le tangoJe regrette mon écurieMon écurie et mon galop
J'étais vraiment vraiment bien plus heureuxBien plus heureux avantQuand j'étais ch'valQue je te promenaisMadame sur mon dosJolie madame en forêtDe FontainebleauMais tu as voulu
Que je sois ton banquierTu as même voulu
Que je me mette à chanterJ'n'étais qu'un ch'val oui oui
Mais tu en as abuséPar amour pour toije me suis variété
Et depuistoutes les nuits
Quand je chante: "Ne me quitte pas"Je regrette mon écurie
Et mes silences d'autrefois
Et puis et puis tu es partie radicaleAvec un zèbre un zèbre mal rayéLe jour madame où je t'ai refuséD'apprendre à monter à chevalEt tu m'avais pris ma jumentMon silence mes sabotsMon écurie mon galop
Tu ne m'as laissé que mes dentsEt voilà pourquoi je cours je coursJe cours le monde en hennissant
Me voyant refuser l'amourPar les femmes et par les juments
J'étais vraiment vraiment bien plus heureuxBien plus heureux avant
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Quand j'étais ch'valQue je promenais madame votre landeau
Quand j'étais ch'valEt quand tu étais chameau
Le colonelParoles et Musique: J.Brel/G. Wagenheim 1958
Colonel, faut-il,Puisque se lève le jour
Faire battre tous les tamboursPour éveiller tous les pandoures?
Colonel, faut-ilFaire sonner tous les claironsPour rassembler les escadrons?Colonel, Colonel, nous attendons
Le Colonel s'ennuie.Il effeuille une fleurEt rêve à son amie
Qui lui a pris son cœur.Son amie est si douce et belle
Dans sa robe au soleilQue chaque jour passé près d'elle
Se meuble de merveilles.
Colonel, faut-il,Puisque voilà notre ennemi,Faire tirer notre artillerieDisposer notre infanterie?
Colonel, faut-il,Charger tous comme des fousOu partir à pas de loup ?
Colonel, Colonel, dites-le nous
Le Colonel s'ennuie.Il effeuille une fleurEt rêve à son amie
Qui lui a pris son cœur.Ses baisers doux comme velours
Tendrement ont conduitA l'état-major de l'amour
Le Colonel ravi
Colonel, faut-il,Puisque vous êtes blesséFaut-il donc nous occuperDe vous trouver un abbé ?
Colonel, faut-il,Puisqu'est mort l'apothicaireChercher le vétérinaire ?
Colonel, Colonel, que faut-il faire ?
Le Colonel s'ennuie.Il effeuille une fleurEt rêve à son amie
Qui lui a pris son cœur.Il la voit et lui tend les bras
Il la voit et l'appelleEt c'est en lui parlant tout bas
Qu'il entre dans le ciel
Ce Colonel qui meurtEt qui meurt de chagrin
Blessé d'une fille dans le cœur
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Ce colonel loin de sa belleC'est mon cœur loin du tienC'est mon cœur loin du tien
Le dernier repasParoles et Musique: Jacques Brel 1964
A mon dernier repasJe veux voir mes frères
Et mes chiens et mes chatsEt le bord de la merA mon dernier repas
Je veux voir mes voisinsEt puis quelques ChinoisEn guise de cousins
Et je veux qu'on y boiveEn plus du vin de messe
De ce vin si joliQu'on buvait en ArboisJe veux qu'on y dévoreAprès quelques soutanes
Une poule faisaneVenue du Périgord
Puis je veux qu'on m'emmèneEn haut de ma collineVoir les arbres dormirEn refermant leurs brasEt puis je veux encore
Lancer des pierres au cielEn criant Dieu est mort
Une dernière fois
A mon dernier repasJe veux voir mon âneMes poules et mes oies
Mes vaches et mes femmesA mon dernier repas
Je veux voir ces drôlessesDont je fus maître et roi
Ou qui furent mes maîtressesQuand j'aurai dans la panse
De quoi noyer la terreJe briserai mon verrePour faire le silenceEt chanterai à tue-têteA la mort qui s'avanceLes paillardes romances
Qui font peur aux nonnettesPuis je veux qu'on m'emmène
En haut de ma collineVoir le soir qui chemineLentement vers la plaineEt là debout encore
J'insulterai les bourgeoisSans crainte et sans remords
Une dernière fois
Après mon dernier repasJe veux que l'on s'en ailleQu'on finisse ripaille
Ailleurs que sous mon toitAprès mon dernier repasJe veux que l'on m'installeAssis seul comme un roiAccueillant ses vestales
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Dans ma pipe je brûleraiMes souvenirs d'enfanceMes rêves inachevésMes restes d'espérance
Et je ne garderaiPour habiller mon âmeQue l'idée d'un rosier
Et qu'un prénom de femmePuis je regarderai
Le haut de ma collineQui danse qui se devineQui finit par sombrer
Et dans l'odeur des fleursQui bientôt s'éteindraJe sais que j'aurai peurUne dernière fois
.
Le diable (Ça va)© Éditions Tropicales
{Prologue:}Un jour le Diable vint sur terre, un jour le Diable vint sur terre
pour surveiller ses intérêts, il a tout vu le Diable, il a tout entenduet après avoir tout vu, après avoir tout entendu, il est retourné chez
lui, là-bas.Et là-bas on avait fait un grand banquet, à la fin du banquet, il s'estlevé le Diable, il a prononcé un discours et en substance il a dit ceci,
il a dit:
Il y a toujours un peu partoutDes feux illuminant la terre ça va
Les hommes s'amusent comme des fousAux dangereux jeux de la guerre ça va
Les trains déraillent avec fracasParce que des gars pleins d'idéalMettent des bombes sur les voiesÇa fait des morts originales
Ça fait des morts sans confessionDes confessions sans rémission ça va
Rien ne se vend mais tout s'achèteL'honneur et même la sainteté ça vaLes États se muent en cachetteEn anonymes sociétés ça va
Les grands s'arrachent les dollarsVenus du pays des enfantsL'Europe répète l'Avare
Dans un décor de mil neuf centÇa fait des morts d'inanitionEt l'inanition des nations ça va
Les hommes ils en ont tant vuQue leurs yeux sont devenus gris ça va
Et l'on ne chante même plusDans toutes les rues de Paris ça va
On traite les braves de fousEt les poètes de nigauds
Mais dans les journaux de partoutTous les salauds ont leur photoÇa fait mal aux honnêtes gensEt rire les malhonnêtes gens.
Ça va ça va ça va ça va
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Le Fou du Roi
Il était un fou du roiQui vivait l'âme sereine
Dans un château d'autrefoisPour l'amour d'une reine
{Refrain:}Et vive les bossus,
Ma mèreEt vive les pendusEt vive les bossus,
Ma mèreEt vive les pendus
Il y eut une grande chasseOù les nobles deux par deux
Tous les dix mètres s'embrassentDans les chemins qu'on dit creux
{au Refrain}
Lorsque le fou vit la reineCourtisée par un beau comteIl s'en fut le cœur en peine
Dans un bois pleurer de honte
{au Refrain}
Lorsque trois jours furent passésIl revint vers le châteauEt alla tout raconter
Dans sa tour au roi la-haut
{au Refrain}
Devant tout ce qu'on lui raconteTout un jour le roi a riIl fit décorer le comte
Et c'est le fou qu'on pendit
{au Refrain}
Le gaz
Tu habites rue de la MadoneUne maison qui se déhanche
Une maison qui se tire-bouchoneEt qui pleure à grosses planches
L'escalier colimaçoneC'est pas grand nonMais y a d'la place
Tu habites rue de la MadoneEt moi je viens pour le gaz
Tu as un boudoir plein de boudhasLes bougies dansent dans leurs bougeoirs
Ça sent bon c'est sans histoireÇa ruiselle de tafetas
C'est rempli de photos d'toiQui sommeillent devant la glaceTu as un boudoir plein d'boudhas
Et moi et moi et moi
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Je viens pour le gaz
Tu as un vrai divan de roiUn vrai divan de diva
Du porto qu'tu rapportasDe la Porte des Lilas
T'as un p'tit chien et un grand chatUn phono qui joue du jazzTu as un vrai divan de roiEt moi et moi et moiJe viens pour le gaz
Tu as des seins comme des soleilsComme des fruits comme des reposoirsTu as des seins comme des miroirsComme des fruits comme du mielTu les recouvres tout devient noir
Tu les découvres et je deviens PégaseTu as des seins comme des trottoirs
Et moi et moi et moiJe viens pour le gaz
Et puis chez toi ya l'plombierEt y l'bedeauet y a l'facteurLe docteur qui fait le café
Le notaire qui sert les liqueursYa la moitié d'un artilleurY a un poète de CarpentrasIl y a quelques flics oui
Et puis y a même ma sœurEt tout ça est là pour le gaz
Allez allez-y donc tous rue de la MadoneC'est pas grand nonMais y a d'la place
Allez allez-y donc tous rue de la MadoneEt dites bien que c'est pour le gaz
Le lionParoles et Musique: Jacques Brel 1977
Ça fait cinq joursÇa fait cinq nuits
Qu'au-delà du fleuve qui bouillonneAppelle appelle la lionne
Ça fait cinq joursÇa fait cinq nuits
Qu'en-deçà du fleuve qui bouillonneRépond le lion à la lionne
Vas-y pas GastonMême si elle te raconteQue sa mère est gentille
Vas-y va GastonMême si elle ose te direQu'elle t'aime pour la vieMême si elle te supplieDe l'amener à la villeElle sera ta Manon
Tu sera son DequerieuxVous serez deux imbéciles
Ça fait dix joursÇa fait dix nuits
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Qu'au-delà du fleuve qui bouillonneAppelle appelle la lionne
Ça fait dix joursÇa fait dix nuits
Qu'en-deça du fleuve qui bouillonneRépond le lion à la lionne
Vas-y va GastonArrête de remuer la queueIl faut qu'elle s'impatienteFais celui qu'a le tempsCelui qui est débordé
Mets-la en liste d'attenteVas-y va Gaston
Un lion doit être vacheDis-lui que t'es en plein rush
Souviens-toi de PoloQui nous disait toujours"Too much is too much"
Ça fait vingt joursÇa fait vingt nuits
Qu'au-delà du fleuve qui bouillonneAppelle appelle la lionne
Ça fait vingt joursÇa fait vingt nuits
Qu'en-deça du fleuve qui bouillonneRépond le lion à la lionne
Vas-y va GastonMême si elle te signale
Qu'il y en a un autre en vueUn qui est jeune qui est beauQui danse comme un dieu
Qui a de la tenueUn qui a de la crinièreQui est très intelligentEt qui va faire fortuneUn qui est généreux
Un qui que quand elle veutLui offrira la lune
Ça fait une heure et vingt minutesQu'au-delà du fleuve qui bouillonne
Appelle appelle la lionneÇa fait une heure et vingt minutesQue dans le fleuve qui bouillonneUn lion est mort pour une lionne
Le moribondParoles et Musique: Jacques Brel 1961
Adieu l'Émile je t'aimais bienAdieu l'Émile je t'aimais bien tu sais
On a chanté les mêmes vinsOn a chanté les mêmes filles
On a chanté les mêmes chagrinsAdieu l'Émile je vais mourir
C'est dur de mourir au printemps tu saisMais je pars aux fleurs la paix dans l'âmeCar vu que tu es bon comme du pain blancJe sais que tu prendras soin de ma femme
Je veux qu'on rieJe veux qu'on danse
Je veux qu'on s'amuse comme des fous
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Je veux qu'on rieJe veux qu'on danse
Quand c'est qu'on me mettra dans le trou
Adieu Curé je t'aimais bienAdieu Curé je t'aimais bien tu saisOn n'était pas du même bordOn n'était pas du même cheminMais on cherchait le même port
Adieu Curé je vais mourirC'est dur de mourir au printemps tu saisMais je pars aux fleurs la paix dans l'âme
Car vu que tu étais son confidentJe sais que tu prendras soin de ma femme
Je veux qu'on rieJe veux qu'on danse
Je veux qu'on s'amuse comme des fousJe veux qu'on rie
Je veux qu'on danseQuand c'est qu'on me mettra dans le trou
Adieu l'Antoine je t'aimais pas bienAdieu l'Antoine je t'aimais pas bien tu sais
J'en crève de crever aujourd'huiAlors que toi tu es bien vivantEt même plus solide que l'ennuiAdieu l'Antoine je vais mourir
C'est dur de mourir au printemps tu saisMais je pars aux fleurs la paix dans l'âme
Car vu que tu étais son amantJe sais que tu prendras soin de ma femme
Je veux qu'on rieJe veux qu'on danse
Je veux qu'on s'amuse comme des fousJe veux qu'on rie
Je veux qu'on danseQuand c'est qu'on me mettra dans le trou
Adieu ma femme je t'aimais bienAdieu ma femme je t'aimais bien tu saisMais je prends le train pour le Bon DieuJe prends le train qui est avant le tienMais on prend tous le train qu'on peut
Adieu ma femme je vais mourirC'est dur de mourir au printemps tu sais
Mais je pars aux fleurs les yeux fermés ma femmeCar vu que je les ai fermés souvent
Je sais que tu prendras soin de mon âmeJe veux qu'on rie
Je veux qu'on danseJe veux qu'on s'amuse comme des fous
Je veux qu'on rieJe veux qu'on danse
Quand c'est qu'on me mettra dans le trou
73
Le plat paysParoles et Musique: Jacques Brel 1962© 1964 Barclay - Ed. Semi/Plouchenel
Avec la mer du Nord pour dernier terrain vagueEt des vagues de dunes pour arrêter les vaguesEt de vagues rochers que les marées dépassentEt qui ont à jamais le cœur à marée basse
Avec infiniment de brumes à venirAvec le vent de l'est écoutez-le tenir
Le plat pays qui est le mien
Avec des cathédrales pour uniques montagnesEt de noirs clochers comme mâts de cocagneOù des diables en pierre décrochent les nuages
Avec le fil des jours pour unique voyageEt des chemins de pluie pour unique bonsoir
Avec le vent d'ouest écoutez-le vouloirLe plat pays qui est le mien
Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perduAvec un ciel si bas qu'il fait l'humilité
Avec un ciel si gris qu'un canal s'est penduAvec un ciel si gris qu'il faut lui pardonnerAvec le vent du nord qui vient s'écartelerAvec le vent du nord écoutez-le craquer
Le plat pays qui est le mien
Avec de l'Italie qui descendrait l'EscautAvec Frida la Blonde quand elle devient Margot
Quand les fils de novembre nous reviennent en maiQuand la plaine est fumante et tremble sous juilletQuand le vent est au rire quand le vent est au bléQuand le vent est au sud écoutez-le chanter
Le plat pays qui est le mien.
Le prochain amourParoles et Musique: J. Brel/J. Brel-G. Jouannest 1961
On a beau faire on a beau direQu'un homme averti en vaut deuxOn a beau faire on a beau direÇa fait du bien d'être amoureux
Je sais je sais que ce prochain amourSera pour moi la prochaine défaiteJe sais déjà à l'entrée de la fête
La feuille morte que sera le petit jourJe sais je sais sans savoir ton prénomQue je serai ta prochaine capture
Je sais déjà que c'est par leur murmureQue les étangs mettent les fleuves en prison
Mais on a beau faire on a beau direQu'un homme averti en vaut deuxOn a beau faire on a beau direÇa fait du bien d'être amoureux
Je sais je sais que ce prochain amourNe vivra pas jusqu'au prochain étéJe sais déjà que le temps des baisers
Pour deux chemins ne dure qu'un carrefourJe sais je sais que ce prochain bonheurSera pour moi la prochaine des guerres
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Je sais déjà cette affreuse prièreQu'il faut pleurer quand l'autre est le vainqueur
Mais on a beau faire on a beau direQu'un homme averti en vaut deuxOn a beau faire on a beau direÇa fait du bien d'être amoureux
Je sais je sais que ce prochain amourSera pour nous de vivre un nouveau règne
Dont nous croirons tous deux porter les chaînesDont nous croirons que l'autre a le veloursJe sais je sais que ma tendre faiblesseFera de nous des navires ennemis
Mais mon cœur sait des navires ennemisPartant ensemble pour pêcher la tendresse
Car on a beau faire car on a beau direQu'un homme averti en vaut deuxOn a beau faire on a beau direÇa fait du bien d'être amoureux
Le tango funèbreParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1964
Ah je les vois déjàMe couvrant de baisersEt s'arrachant mes mainsEt demandant tout bas
Est-ce que la mort s'en vientEst-ce que la mort s'en va
Est-ce qu'il est encore chaudEst-ce qu'il est déjà froidIls ouvrent mes armoiresIls tâtent mes faïencesIls fouillent mes tiroirsSe régalant d'avance
De mes lettres d'amourEnrubannées par deuxQu'ils liront près du feuEn riant aux éclatsAh Ah Ah Ah Ah Ah
Ah je les vois déjàCompassés et frileux
Suivant comme des artistesMon costume de boisIls se poussent du cœurPour être le plus tristeIls se poussent du brasPour être le premier
Z'ont amené des vieillesQui ne me connaissaient plusZ'ont amené des enfants
Qui ne me connaissaient pasPensent aux prix des fleurs
Et trouvent indécentDe ne pas mourir au printemps
Quand on aime le lilasAh Ah Ah Ah Ah Ah
Ah je les vois déjàTous mes chers faux amisSouriant sous le poidsDu devoir accompli
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Ah je te vois déjàTrop triste trop à l'aiseProtégeant sous le drapTes larmes lyonnaisesTu ne sais même pas
Sortant de mon cimetièreQue tu entres en ton enferQuand s'accroche à ton brasLe bras de ton quelconqueLe bras de ton dernierQui te fera pleurer
Bien autrement que moiAh Ah Ah Ah Ah Ah
Ah je me vois déjàM'installant à jamais
Bien triste bien au froidDans mon champ d'osselets
Ah je me vois déjàJe me vois tout au bout
De ce voyage-làD'où l'on revient de toutJe vois déjà tout çaEt on a le brave culotD'oser me demander
De ne plus boire que de l'eauDe ne plus trousser les fillesDe mettre de l'argent de côtéD'aimer le filet de maquereau
Et de crier vive le roiAh Ah Ah Ah Ah Ah
Les amants de cœurParoles et Musique: Jacques Brel 1964
© Éditions Musicales Eddie Barclay
Ils s'aiment s'aiment en riantIls s'aiment s'aiment pour toujoursIls s'aiment tout au long du jourIls s'aiment s'aiment s'aiment tantQu'on dirait des anges d'amourDes anges fous se protégeant
Quand se retrouvent en courantLes amants
Les amants de cœurLes amants
Ils s'aiment s'aiment à la folieS'effeuillant à l'ombre des feuxSe découvrant comme deux fruitsPuis se trouvant n'être plus deuxSe dénouant comme veloursSe reprenant au petit jour
Et s'endormant les plus heureuxLes amants
Les amants de cœurLes amants
Ils s'aiment s'aiment en tremblantLe cœur mouillé le cœur battantChaque seconde est une peur
Qui croque le cœur entre ses dentsIls savent trop de rendez-vousOù ne vinrent que des facteursPour n'avoir pas peur du loup
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Les amantsLes amants de cœur
Les amants
Ils s'aiment s'aiment en pleurantChaque jour un peu moins amantsQuand ils ont bu tout leur mystèreDeviennent comme sœur et frèreBrûlent leurs ailes d'inquiétudeRedeviennent deux habitudesAlors changent de partenaire
Les amantsLes amants de cœur
Les amants
Qui s'aiment s'aiment en riantQui s'aiment s'aiment pour toujoursQui s'aiment tout au long du jourQui s'aiment s'aiment s'aiment tantQu'on dirait des anges d'amourDes anges fous se protégeant
Quand ils se retrouvent en courantLes amants
Les amants de cœurLes amants
Les bergersParoles et Musique: Jacques Brel 1964
Parfois ils nous arrivent avec leurs grands chapeauxEt leurs manteaux de laine que suivent leurs troupeaux
Les bergersIls montent du printemps quand s'allongent les jours
Ou brûlés par l'été descendent vers les bourgsLes bergers
Quand leurs bêtes s'arrêtent pour nous boire de l'eauSe mettent à danser à l'ombre d'un pipeau
Les bergers
Entre l'en est de vieux entre l'en est de sagesQui appellent au puits tous les vieux du village
Les bergersCeux-là ont des histoires à nous faire telles peurs
Que pour trois nuits au moins nous rêvons des frayeursDes bergers
Ils ont les mêmes rides et les mêmes compagnesEt les mêmes senteurs que leurs vieilles montagnes
Les bergers
Entre l'en est de jeunes entre l'en est de beauxQui appellent les filles à faire le gros dos
Les bergersCeux-là ont des sourires qu'on dirait une fleurEt des éclats de rire à faire jaillir de l'eau
Les bergersCeux-là ont des regards à vous brûler la peau
A vous défiancer à vous clouer le cœurLes bergers
Mais tous ils nous bousculent qu'on soit filles ou garçonsLes garçons dans leurs rêves les filles dans leurs frissons
Les bergersAlors nous partageons le vin et le fromage
Et nous croyons une heure faire partie du voyageDes bergers
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C'est un peu comme Noël Noël et ses trésorsQui s'arrêteraient chez nous aux Équinoxes d'or
Les bergers
Après ça ils s'en vont avec leurs grands chapeauxEt leurs manteaux de laine que suivent leurs troupeaux
Les bergersIls montent du printemps quand s'allongent les jours
Ou brûlés par l'été descendent vers les bourgsLes bergers
Quand leurs bêtes ont fini de nous boire notre eauSe remettent en route à l'ombre d'un pipeau
Les bergers les bergers les bergers
Les bichesParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1962
Elles sont notre premier ennemiQuand elles s'échappent en riant
Des pâturages de l'ennuiLes biches
Avec des cils comme des cheveuxDes cheveux en accroche-faonEt seulement le bout des yeux
Qui tricheSi bien que le chasseur s'arrêteEt que je sais des ouragans
Qu'elles ont changés en poètesLes biches
Et qu'on les chasse de notre espritOu qu'elles nous chassent en rougissant
Elles sont notre premier ennemiLes biches de quinze ans
Elles sont notre plus bel ennemiQuand elles ont l'éclat de la fleur
Et déjà la saveur du fruitLes biches
Qui passent toute vertu dehorsAlors que c'est de tout leur cœurAlors que c'est de tout leur corps
Qu'elles trichentLorsqu'elles broutent le mari
Ou lorsqu'elles broutent le diamantSur l'asphalte bleu de Paris
Les bichesQu'on les chasse à coups de rubis
Ou qu'elles nous chassent au sentimentElles sont notre plus bel ennemi
Les biches de vingt ans
Elles sont notre pire ennemiLorsqu'elles savent leur pouvoirMais qu'elles savent leur sursis
Les bichesQuand un chasseur est une chanceQuand leur beauté se lève tard
Quand c'est avec toute leur scienceQu'elles trichent
Trompant l'ennui plus que le cerfEt l'amant avec l'autre amantEt l'autre amant avec le cerf
Qui bicheMais qu'on les chasse à la folie
Ou qu'elles nous chassent du bout des gants
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Elles sont notre pire ennemiLes biches d'après vingt ans
Elles sont notre dernier ennemiQuand leurs seins tombent de sommeil
Pour avoir veillé trop de nuitsLes biches
Quand elles ont le pas résignéDes pèlerins qui s'en reviennentQuand c'est avec tout leur passé
Qu'elles trichentAfin de mieux nous retenir
Nous qui ne servons à ce tempsQu'à les empêcher de vieillir
Les bichesMais qu'on les chasse de notre vie
Ou qu'elles nous chassent parce qu'il est tempsElles restent notre dernier ennemiLes biches de trop longtemps
Les bigotesParoles et Musique: Jacques Brel 1963
Elles vieillissent à petits pasDe petits chiens en petits chats
Les bigotesElles vieillissent d'autant plus vite
Qu'elles confondent l'amour et l'eau béniteComme toutes les bigotes
Si j'étais diable en les voyant parfoisJe crois que je me ferais châtrerSi j'étais Dieu en les voyant prierJe crois que je perdrais la foi
Par les bigotes
Elles processionnent à petits pasDe bénitier en bénitier
Les bigotesEt patati et patata
Mes oreilles commencent à sifflerLes bigotes
Vêtues de noir comme Monsieur le CuréQui est trop bon avec les créaturesElles s'embigotent les yeux baissés
Comme si Dieu dormait sous leurs chaussuresDe bigotes
Le samedi soir après le turbinOn voit l'ouvrier parisien
Mais pas de bigotesCar c'est au fond de leur maisonQu'elles se préservent des garçons
Les bigotes
Qui préfèrent se ratatinerDe vêpres en vêpres de messe en messeToutes fières d'avoir pu conserverLe diamant qui dort entre leurs f...s
De bigotes
Puis elles meurent à petits pasA petit feu en petit tas
Les bigotes
79
Qui cimetièrent à petits pasAu petit jour d'un petit froid
De bigotes
Et dans le ciel qui n'existe pasLes anges font vite un paradis pour elles
Une auréole et deux bouts d'ailesEt elles s'envolent... à petits pas
De bigotes
Les blés
Donne-moi la mainLe soleil a paru
Il nous faut prendre le cheminLe temps des moissons est venu
Le blé nous a tant attenduEt nous attendons trop de pain
Ta main sur mon brasPleine de douceur
Bien gentiment demanderaDe vouloir épargner les fleurs
Ma faucille les éviteraPour éviter que tu ne pleures
Les blés sont pour la faucilleLes soleils pour l'horizon
Les garçons sont pour les fillesEt les filles pour les garçonsLes blés sont pour la faucilleLes soleils pour l'horizon
Les garçons sont pour les fillesEt les filles pour les garçons
Donne-moi tes yeuxLe soleil est chaud
Et dans ton regard lumineuxIl a fait jaillir des jets d'eauQui mieux qu'un gesteMieux qu'un mot
Rafraichiront ton amoureuxPenchée vers le solTu gerbes le blé
Et si parfois ton jupon volePardonne-moide regarder
Les trésors que vient dévoilerPour mon plaisir le vent frivole
Les blés sont pour la faucilleLes soleils pour l'horizon
Les garçons sont pour les fillesEt les filles pour les garçonsLes blés sont pour la faucilleLes soleils pour l'horizon
Les garçons sont pour les fillesEt les filles pour les garçons
Donne-moi ton cœurLe soleil fatiguéS'en est allé
Chanter ailleursLa chanson des blés moisonnésVenu est le tempsde s'aimerIl nous faut glaner le bonheurEcrasés d'amour éblouis de joie
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Je saluerai la fin du jourEn te serrant tout contre moiEt tu combleras mon émoi
En me disant que pour toujours
Les blés sont pour la faucilleLes soleils pour l'horizon
Les garçons sont pour les fillesEt les filles pour les garçonsLes blés sont pour la faucilleLes soleils pour l'horizon
Les garçons sont pour les fillesEt les filles pour les garçons
Les bonbons (version 1964)Paroles et Musique: Jacques Brel 1964
Je vous ai apporté des bonbonsParce que les fleurs c'est périssablePuis les bonbons c'est tellement bon
Bien que les fleurs soient plus présentablesSurtout quand elles sont en boutonsMais je vous ai apporté des bonbons
J'espère qu'on pourra se promenerQue madame votre mère ne dira rien
On ira voir passer les trainsA huit heures je vous ramènerai
Quel beau dimanche pour la saisonJe vous ai apporté des bonbons
Si vous saviez ce que je suis fierDe vous voir pendue à mon brasLes gens me regardent de traversY en a même qui rient derrière moiLe monde est plein de polissonsJe vous ai apporté des bonbons
Oh oui Germaine est moins bien que vousOh oui Germaine elle est moins belle
C'est vrai que Germaine a des cheveux rouxC'est vrai que Germaine elle est cruelle
Ça vous avez mille fois raisonJe vous ai apporté des bonbons
Et nous voilà sur la Grand' PlaceSur le kiosque on joue Mozart
Mais dites-moi que c'est par hasardQu'il y a là votre ami Léon
Si vous voulez que je cède ma placeJ'avais apporté des bonbons
Mais bonjour mademoiselle Germaine
Je vous ai apporté des bonbonsParce que les fleurs c'est périssablePuis les bonbons c'est tellement bon
Bien que les fleurs soient plus présentables...
81
Les bonbons (version 1967)Paroles et Musique: Jacques Brel 1967
Je viens rechercher mes bonbonsVois-tu, Germaine, j'ai eu trop malQuand tu m'as fait cette réflexionAu sujet de mes cheveux et longsC'est la rupture bête et brutale
Je viens rechercher mes bonbonsMaintenant je suis un autre garçon
J'habite à l'Hôtel Georges VéJ'ai perdu l'accent bruxellois
D'ailleurs plus personne n'a cet accent-làSauf Brel à la télévision
Je viens rechercher mes bonbonsQuand père m'agace moi je lui fais zop la
Je traite ma mère de névropatheFaut dire que père est vachement batAlors que mère est un peu snob
Enfin tout ça c'est le conflit des générations
Je viens rechercher mes bonbonsEt tous les samedis soir que j'peux
Germaine, j'écoute pousser mes ch'veuxJe fais glou glou je fais miam miamJe défile criant: paix au Vietnam
Parce qu'enfin enfin j'ai des opinions
Je viens rechercher mes bonbonsMais c'est ça votre jeune frère
Mademoiselle Germaine, c'est celui qu'est flamingant
Je vous ai apporté des bonbonsParce que les fleurs c'est périssableLes bonbons c'est tellement bon
Bien que les fleurs soient plus présentablesSurtout quand elles sont en boutons
Je vous ai apporté des bonbons ...
Les bourgeoisParoles et Musique: J. Brel, J. Corti 1962
Le cœur bien au chaudLes yeux dans la bière
Chez la grosse Adrienne de MontalantAvec l'ami Jojo
Et avec l'ami PierreOn allait boire nos vingt ansJojo se prenait pour VoltaireEt Pierre pour Casanova
Et moi, moi qui étais le plus fierMoi, moi je me prenais pour moi
Et quand vers minuit passaient les notairesQui sortaient de l'hôtel des "Trois Faisans"
On leur montrait notre cul et nos bonnes manièresEn leur chantant
Les bourgeois c'est comme les cochonsPlus ça devient vieux plus ça devient bêteLes bourgeois c'est comme les cochons
82
Plus ça devient vieux plus ça devient c...
Le cœur bien au chaudLes yeux dans la bière
Chez la grosse Adrienne de MontalantAvec l'ami Jojo
Et avec l'ami PierreOn allait brûler nos vingt ans
Voltaire dansait comme un vicaireEt Casanova n'osait pas
Et moi, moi qui restait le plus fierMoi j'étais presque aussi saoul que moi
Et quand vers minuit passaient les notairesQui sortaient de l'hôtel des "Trois Faisans"
On leur montrait notre cul et nos bonnes manièresEn leur chantant
Les bourgeois c'est comme les cochonsPlus ça devient vieux plus ça devient bêteLes bourgeois c'est comme les cochonsPlus ça devient vieux plus ça devient c...
Le cœur au reposLes yeux bien sur terre
Au bar de l'hôtel des "Trois Faisans"Avec maître Jojo
Et avec maître PierreEntre notaires on passe le temps
Jojo parle de VoltaireEt Pierre de Casanova
Et moi, moi qui suis resté le plus fierMoi, moi je parle encore de moi
Et c'est en sortant vers minuit Monsieur le CommissaireQue tous les soirs de chez la Montalant
De jeunes "peigne-culs" nous montrent leur derrièreEn nous chantant
Les bourgeois c'est comme les cochonsPlus ça devient vieux plus ça devient bêteLes bourgeois c'est comme les cochonsPlus ça devient vieux plus ça devient c...
Les coeurs tendresParoles et Musique: Jacques Brel 1967© 1967 Barclay - Ed. Famille Brel 3:27
note: du film "Un idiot à Paris"
Y en a qui ont le cœur si largeQu'on y entre sans frapperY en a qui ont le cœur si largeQu'on en voit que la moitié
Y en a qui ont le cœur si frêleQu'on le briserait du doigt
Y en qui ont le cœur trop frêlePour vivre comme toi et moi
Z'ont pleins de fleurs dans les yeuxLes yeux à fleur de peur
De peur de manquer l'heureQui conduit à Paris
Y en a qui ont le cœur si tendreQu'y reposent les mésanges
Y en qui ont le cœur trop tendre
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Moitié hommes et moitié anges
Y en a qui ont le cœur si vasteQu'ils sont toujours en voyageY en a qui ont le cœur trop vaste
Pour se priver de mirages
Z'ont pleins de fleurs dans les yeuxLes yeux à fleur de peur
De peur de manquer l'heureQui conduit à Paris
Y en a qui ont le cœur dehorsEt ne peuvent que l'offrirLe cœur tellement dehorsQu'ils sont tous à s'en servir
Celui-là a le cœur dehorsEt si frèle et si tendre
Que maudit soient les arbres mortsQui ne pourraient point l'entendre
A pleins de fleurs dans les yeuxLes yeux à fleur de peur
De peur de manquer l'heureQui conduit à Paris
Les désespérésParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1966
Se tiennent par la mainEt marchent en silenceDans ces villes éteintesQue le crachin balanceLe sol que leur pasPas à pas fredonné
Ils marchent en silenceLes désespérés
Ils ont brûlés leurs ailesIls ont perdu leurs branches
Tellement naufragésQue la mort paraît blancheIls reviennent d'amourIls se sont réveillés
Ils marchent en silenceLes désespérés
Et je sais leur cheminPour l'avoir cheminéDéjà plus de cent fois
Cent fois plus qu'à moitiéMoins vieux ou plus meurtris
Ils vont terminerPartent en silenceLes désespérés
Lente sous le pontL'eau est douce et profondeVoici la bonne hôtesseVoici la fin du monde
Ils pleurent leurs prénomsComme de jeunes mariésIls fondent en silence
Les désespérés
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Que se lève celuiQui leur lance la pierreIls ne sait de l'amourQue le verbe s'aimer
Sur le pont il n'est plus rienQu'une brume légèreÇa s'oublie en silenceCeux qui ont espéré
Les F...Paroles et Musique: J. Brel/ J. Donato 1977
Les Flamingands, chanson comique !
Messieurs les FlamingantsJ'ai deux mots à vous rireIl y a trop longtemps
Que vous me faites frireÀ vous souffler dans le culPour devenir autobusVous voilà acrobates
Mais vraiment rien de plus
Nazis durant les guerresEt catholiques entre ellesVous oscillez sans cesse
Du fusil au misselVos regards sont lointainsVotre humour est exsangue
Bien qu'y aient des rues à GandQui pissent dans les deux languesTu vois quand j'pense à vousJ'aime que rien ne se perdeMessieurs les Flamingants
Je vous emmerde
Vous salissez la FlandreMais la Flandre vous juge.Voyez la mer du nord
Elle s'est enfuie de Bruges.Cessez de me gonfler
Mes vieilles roubignolesAvec votre art flamand-italo-espagnol.
Vous êtes tellement tellementBeaucoup trop lourds
Que quand les soirs d'orageDes chinois cultivés
Me demandent d'où je suis,Je réponds fatigué
Et les larmes aux dents :"Ik ben van Luxembourg".Et si aux jeunes femmes,On ose un chant flamand,Elle s'envolent en rêvantAux oiseaux roses et blancs
Et je vous interdisD'espérer que jamais à Londres
Sous la pluie on puisseVous croire anglaisEt je vous interdis
À New-York ou MilanD'éructer MesseigneursAutrement qu'en flamandVous n'aurez pas l'air cons
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Vraiment pas cons du toutEt moi je m'interdis
De dire que je m'en fousEt je vous interdis
D'obliger nos enfantsQui ne vous ont rien fait
À aboyer flamandEt si mes frères se taisentEt bien tant pis pour elles.Je chante persiste et signe :Je m'appelle Jacques Brel
Les fenêtresParoles et Musique: Jacques Brel
© Éditions Musicales Pouchenel, Bruxelles
Les fenêtres nous guettentQuand notre cœur s'arrêteEn croisant Louisette
Pour qui brûlent nos chairsLes fenêtres rigolent
Quand elles voient la frivoleQui offre sa corolleÀ un clerc de notaireLes fenêtres sanglotentQuand à l'aube faloteUn enterrement cahoteJusqu'au vieux cimetièreMais les fenêtres froncentLeurs corniches de bronzeQuand elles voient les ronces
Envahir leur lumière
Les fenêtres murmurentQuand tombent en chevelureLes pluies de la froidureQui mouillent les adieuxLes fenêtres chantonnentQuand se lève à l'automneLe vent qui abandonneLes rues aux amoureuxLes fenêtres se taisentQuand l'hiver les apaiseEt que la neige épaisse
Vient leur fermer les yeuxMais les fenêtres jacassentQuand une femme passeQui habite l'impasse
Où passent les Messieurs
La fenêtre est un œufQuand elle est œil-de-bœufQui attend comme un veufAu coin d'un escalierLa fenêtre bataille
Quand elle est soupirailD'où le soldat mitrailleAvant de succomber
Les fenêtres musardentQuand elles sont mansardes
Et abritent les hardesD'un poète oublié
Mais les fenêtres gentillesSe recouvrent de grillesSi par malheur on crie
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" Vive la liberté "
Les fenêtres surveillentL'enfant qui s'émerveilleDans un cercle de vieillesA faire ses premiers pasLes fenêtres sourient
Quand quinze ans trop jolisOu quinze ans trop grandisS'offrent un premier repasLes fenêtres menacentLes fenêtres grimacent
Quand parfois j'ai l'audaceD'appeler an chat un chatLes fenêtres me suivent
Me suivent et me poursuiventJusqu'à ce que peur s'ensuiveTout au fond de mes draps
Les fenêtres souventTraitent impunémentDe voyous des enfantsQui cherchent qui aimerLes fenêtres souvent
Soupçonnent ces manantsQui dorment sur les bancs
Et parlent l'étrangerLes fenêtres souventSe ferment en riantSe ferment en criantQuand on y va chanterAh je n'ose pas penserQu'elles servent à voilerPlus qu'à laisser entrerLa lumière de l'été
Non je préfère penserQu'une fenêtre ferméeÇa ne sert qu'à aiderLes amants à s'aimer
{2x}
Les filles et les chiensParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1963
Les fillesC'est beau comme un jeuC'est beau comme un feuC'est beaucoup trop peu
Les fillesC'est beau comme un fruitC'est beau comme la nuitC'est beaucoup d'ennuis
Les fillesC'est beau comme un renardC'est beau comme un retardC'est beaucoup trop tard
Les fillesC'est beau tant que ça peutC'est beau comme l'adieuEt c'est beaucoup mieux
Mais les chiensC'est beau comme des chiens
Et ça reste là
87
A nous voir pleurerLes chiens
Ça ne nous dit rienC'est peut-être pour çaQu'on croit les aimer
Les fillesÇa vous pend au nezÇa vous prend au théÇa vous prend les dés
Les fillesÇa vous pend au couÇa vous pend au clouÇa dépend de vous
Les fillesÇa vous pend au cœurÇa se pend aux fleursÇa dépend des heures
Les fillesÇa dépend de toutÇa dépend surtoutÇa dépend des sousMais les chiens
Ça ne dépend de rienEt ça reste là
A nous voir pleurerLes chiens
Ça ne nous dit rienC'est peut-être pour çaQu'on croit les aimer
Les fillesÇa joue au cerceauÇa joue du cerveauÇa se joue tango
Les fillesÇa joue l'amadouÇa joue contre joueÇa se joue de vous
Les fillesÇa joue à jouerÇa joue à aimer
Ça joue pour gagnerLes filles
Qu'elles jouent les petites femmesQu'elles jouent les grandes dames
Ça se joue en dramesMais les chiensÇa ne joue à rien
Parce que ça ne sait pasComment faut tricher
Les chiensÇa ne joue a rien
C'est peut-être pour çaQu'on croit les aimer
Les fillesÇa donne à rêverÇa donne à penserÇa vous donne congé
Les fillesÇa se donne pourtantÇa se donne un tempsÇa donnant donnant
Les fillesÇa donne de l'amourA chacun son tourÇa donne sur la cour
Les filles
88
Ça vous donne son corpsÇa se donne si fort
Que ça donne des remordsMais les chiens
Ça ne vous donne rienParce que ça ne sait pasFaire semblant de donner
Les chiensÇa ne vous donne rienC'est peut-être pour çaQu'on doit les aimer
Et c'est pourtant pour les fillesQu'au moindre matinQu'au moindre chagrinOn renie ses chiens
Les flamandesParoles et Musique: Jacques Brel 1959
Les Flamandes dansent sans rien direSans rien dire aux dimanches sonnantsLes Flamandes dansent sans rien direLes Flamandes ça n'est pas causant
Si elles dansent c'est parce qu'elles ont vingt ansEt qu'à vingt ans il faut se fiancerSe fiancer pour pouvoir se marierEt se marier pour avoir des enfantsC'est ce que leur ont dit leurs parentsLe bedeau et même Son EminenceL'Archiprêtre qui prêche au couvent
Et c'est pour ça et c'est pour ça qu'elles dansentLes FlamandesLes Flamandes
Les Fla - Les Fla - Les Flamandes
Les Flamandes dansent sans frémirSans frémir aux dimanches sonnantsLes Flamandes dansent sans frémirLes Flamandes ça n'est pas frémissant
Si elles dansent c'est parce qu'elles ont trente ansEt qu'à trente ans il est bon de montrerQue tout va bien que poussent les enfants
Et le houblon et le blé dans le préElles font la fierté de leurs parentsEt du bedeau et de Son Eminence
L'Archiprêtre qui prêche au couventEt c'est pour ça et c'est pour ça qu'elles dansent
Les FlamandesLes Flamandes
Les Fla - Les Fla - Les Flamandes
Les Flamandes dansent sans sourireSans sourire aux dimanches sonnantsLes Flamandes dansent sans sourireLes Flamandes ça n'est pas souriant
Si elles dansent c'est qu'elles ont septante ansQu'à septante ans il est bon de montrer
Que tout va bien que poussent les petits-enfantsEt le houblon et le blé dans le pré
Toutes vêtues de noir comme leurs parentsComme le bedeau et comme Son Eminence
L'Archiprêtre qui radote au couventElles héritent et c'est pour ça qu'elles dansent
Les Flamandes
89
Les FlamandesLes Fla - Les Fla - Les Flamandes
Les Flamandes dansent sans mollirSans mollir aux dimanches sonnantsLes Flamandes dansent sans mollirLes Flamandes ça n'est pas mollissant
Si elles dansent c'est parce qu'elles ont cent ansEt qu'à cent ans il est bon de montrer
Que tout va bien qu'on a toujours bon piedEt bon houblon et bon blé dans le préElles s'en vont retrouver leurs parentsEt le bedeau et même Son EminenceL'Archiprêtre qui repose au couvent
Et c'est pour ça qu'une dernière fois elles dansentLes FlamandesLes Flamandes
Les Fla - Les Fla -Les Flamandes.
Les jardins du casinoParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1964
Les musiciens sortent leurs moustachesEt leurs violons et leurs saxosEt la polka se met en marcheDans les jardins du casino
Où glandouillent en papotantDe vieilles vieilles qui ont la galatouilleEt de moins vieilles qui ont la chatouille
Et des messieurs qui ont le tempsPassent aussi indifférents
Quelques jeunes gens faméliquesQui sont encore confondantL'érotisme et la gymnastique
Tout ça dresse une muraille de ChineEntre le pauvre ami PierrotEt sa fugace Colombine
Dans les jardins du casino
Les musiciens frétillent des moustachesEt du violon et du saxo
Quand la polka guide la démarcheDe la beauté du casino
Quelques couples protubérantsDansent comme des escalopes
Avec des langueurs d'héliotropesDevant les faiseuses de cancanUn colonel encivilé présenteÀ de fausses duchessesCompliments et civilités
Et baise-main et rond de fessesTout ça n'arrange pas on le devineLes affaires du pauvre PierrotCherchant fugace ColombineDans les jardins du casino
Et puis le soir tombe par tachesLes musiciens rangent leurs saxosEt leurs violons et leurs moustaches
Dans les jardins du casinoLes jeunes filles rentrent aux tanièresSans ce jeune homme ou sans ce veuf
Qui devait leur offir la litièreOù elles auraient pondu leur œuf
Les vieux messieurs rentrent au bercail
90
Retrouver le souvenir jauniDe leur madame Bovary
Qu'ils entretiennent vaille que vailleIl ne demeure que l'opalineDe l'âme du pauvre PierrotPleurant fugace colombineDans les jardins du casino
Du casino
Les MarquisesParoles et Musique: Jacques Brel 1977
Ils parlent de la mortComme tu parles d'un fruit
Ils regardent la merComme tu regardes un puitLes femmes sont lascives
Au soleil redoutéEt s'il n'y a pas d'hiverCela n'est pas l'été
La pluie est traversièreElle bat de grain en grain
Quelques vieux chevaux blancsQui fredonnent GauguinEt par manque de briseLe temps s'immobilise
Aux Marquises
Du soir montent des feuxEt des pointes de silenceQui vont s'élargissantEt la lune s'avanceEt la mer se déchireInfiniment brisée
Par des rochers qui prirentDes prénoms affolés
Et puis plus loin des chiensDes chants de repentanceDes quelques pas de deuxEt quelques pas de danseEt la nuit est soumiseEt l'alizé se briseAux Marquises
Le rire est dans le cœurLe mot dans le regardLe cœur est voyageurL'avenir est au hasardEt passent des cocotiers
Qui écrivent des chants d'amourQue les sœurs d'alentour
Ignorent d'ignorerLes pirogues s'en vont
Les pirogues s'en viennentEt mes souvenirs deviennentCe que les vieux en fontVeux tu que je dise
Gémir n'est pas de miseAux Marquises
91
Les moutonsParoles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Gérard Jouannest 1967 "Les Marquises"
Désolé, bergèreJ'aime pas les moutonsQu'ils soient pure laineOu en chapeau melon
Qu'ils broutent leur collineQu'ils broutent le béton
Menés par quelques chiensEt par quelques bâtons
Désolé, bergèreJ'aime pas les moutons
Désolé, bergère,J'aime pas les agneauxQui arrondissent le dosDe troupeau en troupeauDe troupeau en étableEt d'étable en bureau
J'aime encore mieux les loupsJ'aime mieux les moineaux
Désolé, bergèreJ'aime pas les agneaux
Désolé, bergère,J'aime pas les brebisÇa arrive tout torduesEt ça dit déjà oui
Ça se retrouve tonduesEt ça vous redit oui
Ça se balance en boucherieEt ça re-redit ouiDésolé, bergère
J'aime pas les brebis
Désolé, bergèreJ'aime pas les troupeauxQui ne voient pas plus loinQue le bout de leur coteauQui avancent en reculant
Qui se noient dans un verre d'eau béniteEt dès que le vent se lève
Montrent le bas de leur dosDésolé, bergère
J'aime pas les troupeaux
Désolé, bergèreJ'aime pas les bergers
Désolé, bergèreJ'aime pas les bergersIl pleut, il pleut, bergèrePrends garde à te garder
Prends garde à te garder, bergèreUn jour tu vas bêlerDésolé, bergère
J'aime pas les bergers
92
Les paumés du petit matinParoles et Musique: J. Brel/F. Rauber 1962
Ils s'éveillent à l'heure du bergerPour se lever à l'heure du théEt sortir à l'heure de plus rienLes paumés du petit matinElles elles ont l'arrogance
Des filles qui ont de la poitrineEux ils ont cette assuranceDes hommes dont on devineQue le papa a eu de la chanceLes paumés du petit matin
Venez venez danserCopain copain copain copain
Copain copain copainVenez danser
Et ça danse les yeux dans les seins
Ils se blanchissent leurs nuitsAu lavoir des mélancoliesQui lave sans salir les mainsLes paumés du petit matinIls se racontent à minuit
Les poèmes qu'ils n'ont pas lusLes romans qu'ils n'ont pas écritsLes amours qu'ils n'ont pas vécuesLes vérités qui ne servent à rienLes paumés du petit matin
Venez venez danserCopain copain copain copain
Copain copain copainVenez danser
Et ça danse les yeux dans les seins
L'amour leur déchire le foieC'était c'était c'était si bien
C'était... vous ne comprendriez pas...Les paumés du petit matin
Ils prennent le dernier whiskyIls prennent le dernier bon motIls reprennent le dernier whiskyIls prennent le dernier tangoIls prennent le dernier chagrinLes paumés du petit matin
Venez venez pleurerCopain copain copain copain
Copain copain copainVenez pleurer
Et ça pleure les yeux dans les seins
93
Les pieds dans le ruisseau
{Refrain:}Les pieds dans le ruisseauMoi je regarde couler la vieLes pieds dans le ruisseau
Moi je regarde sans dire un mot
Les gentils poissonsMe content leur vieEn faisant des rondsSur l'onde jolieEt moi je réponds
En gravant dans l'eauDes mots jolis
Mots de ma façon
{au Refrain}
Au fil du courantS'efface une lettreLettre d'un amantDisparu peut-êtreAh que je voudraisTrouver près de moi
Une fille dont j'pourraisCaresser les doigts
{au Rferain}
Et quand le crapaudBerce au crépusculeParmi les roseauxDame libellule
Penchant mon visageAu dessus de l'eauJe vois mon imageMoi je vois l'idiot
Les prénoms de ParisParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1961
Le soleil qui se lèveEt caresse les toitsEt c'est Paris le jour
La Seine qui se promèneEt me guide du doigtEt c'est Paris toujours
Et mon cœur qui s'arrêteSur ton cœur qui souritEt c'est Paris bonjour
Et ta main dans ma mainQui me dit déjà ouiEt c'est Paris l'amourLe premier rendez-vous
A l'Ile Saint-LouisC'est Paris qui commence
Et le premier baiserVolé aux Tuileries
Et c'est Paris la chanceEt le premier baiserReçu sous un portailEt c'est Paris romance
94
Et deux têtes qui se tournentEn regardant VersaillesEt c'est Paris la France
Des jours que l'on oublieQui oublient de nous voirEt c'est Paris l'espoir
Des heures où nos regardsNe sont qu'un seul regardEt c'est Paris miroir
Rien que des nuits encoreQui séparent nos chansons
Et c'est Paris bonsoirEt ce jour-là enfin
Où tu ne dis plus nonEt c'est Paris ce soir
Une chambre un peu tristeOù s'arrête la ronde
Et c'est Paris nous deuxUn regard qui reçoit
La tendresse du mondeEt c'est Paris tes yeux
Ce serment que je pleurePlutôt que ne le disC'est Paris si tu veuxEt savoir que demain
Sera comme aujourd'huiC'est Paris merveilleux
Mais la fin du voyageLa fin de la chansonEt c'est Paris tout gris
Dernier jour, dernière heurePremière larme aussiEt c'est Paris la pluieCes jardins remontés
Qui n'ont plus leur parureEt c'est Paris l'ennuiLa gare où s'accomplitLa dernière déchirureEt c'est Paris fini
Loin des yeux loin du cœurChassé du paradis
Et c'est Paris chagrinMais une lettre de toiUne lettre qui dit ouiEt c'est Paris demainDes villes et des villages
Les roues tremblent de chanceC'est Paris en cheminEt toi qui m'attends làEt tout qui recommenceEt c'est Paris je reviens.
95
Les remparts de VarsovieParoles et Musique: Jacques Brel 1977
Madame promène son cul sur les remparts de VarsovieMadame promène son cœur sur les ringards de sa folie
Madame promène son ombre sur les grand-places de l'ItalieJe trouve que Madame vit sa vie
Madame promène à l'aube les preuves de ses insomniesMadame promène à ch'val ses états d'âmes et ses lubiesMadame promène un con qu'assure que madame est jolie
Je trouve que Madame est servie
Tandis que moi tous les soirs je suis vestiaire à l'AlcazarMadame promène l'été jusque dans le midi d'la France
Madame promène ses seins jusque dans le midi de la chanceMadame promène son spleen jusqu'au bord du lac de Constance
Je trouve Madame de circonstances
Madame promène son chien un boudin noir nommé ByzanceMadame traîne son enfance et change selon les circonstancesMadame promène partout son accent russe avec aisance
C'est vrai que Madame est de Valence
Tandis que moi tous les soirs je suis barman à l'AlcazarMadame promène son ch'veu qu'a la senteur des nuits de ChineMadame promène son regard sur tous les vieux qui ont des usinesMadame promène son rire comme d'autres promènent leur vaseline
Je trouve que Madame est coquine
Madame promène ses cuites de verre en verre de fine en fineMadame promène les gènes de vingt mille officiers de marineMadame raconte partout qu'on m'appelle Tata Jacqueline
Je trouve Madame mauvaise copine
Tandis que moi tous les soirs je suis chanteuse légère à l'AlcazarMadame promène ses mains dans les différents corps d'armée
Madame promène mes sous chez des demi-selles de bas quartiersMadame promène carosse qu'elle voudrait bien me voir tirer
Je trouve que Madame est gonflée
Madame promène banco qu'elle veut bien me laisser réglerMadame promène bijoux qu'elle veut bien me laisser facturerMadame promène ma Rolls que pour suivre quelque huissier
Je trouve que Madame est pressée
Tandis que moi tous les soirs je fais la plonge à l'AlcazarMadame promène son cul sur les remparts de VarsovieMadame promène son cœur sur les ringards de sa folie
Madame promène son ombre sur les grand-places de l'ItalieJe trouve que Madame vit sa vie
Madame promène à l'aube les preuves de ses insomniesMadame promène à ch'val ses états d'âmes et ses lubiesMadame promène un con qu'assure que Madame est jolie
Je trouve que Madame est servie
Tandis que moi tous les soirs je suis vestiaire à l'AlcazarMadame promène l'été jusque dans le midi d'la France
Madame promène ses seins jusque dans le midi de la chanceMadame promène son spleen jusqu'au bord du lac de Constance
Je trouve Madame de circonstances
Madame promène son chien un boudin noir nommé ByzanceMadame traîne son enfance et change selon les circonstancesMadame promène partout son accent russe avec aisance
C'est vrai que Madame est de Valence
96
Les singesParoles et Musique: Jacques Brel 1961
Avant eux avant les culs pelésLa fleur l'oiseau et nous étions en libertéMais ils sont arrivés et la fleur est en potEt l'oiseau est en cage et nous en numéroCar ils ont inventé prisons et condamnés
Et casiers judiciaires et trous dans la serrureEt les langues coupées des premières censures
Et c'est depuis lors qu'ils sont civilisésLes singes les singes les singes de mon quartierLes singes les singes les singes de mon quartier
Avant eux il n'y avait pas de problèmeQuand poussaient les bananes même pendant le Carême
Mais ils sont arrivés bardés d'intolérancesPour chasser en apôtres d'autres intolérancesCar ils ont inventé la chasse aux AlbigeoisLa chasse aux infidèles et la chasse à ceux-là
La chasse aux singes sages qui n'aiment pas chasserEt c'est depuis lors qu'ils sont civilisés
Les singes les singes les singes de mon quartierLes singes les singes les singes de mon quartier
Avant eux l'homme était un princeLa femme une princesse l'amour une provinceMais ils sont arrivés le prince est un mendiantLa province se meurt la princesse se vendCar ils ont inventé l'amour qui est un péché
L'amour qui est une affaire le marché aux pucellesLe droit de courte-cuisse et les mères maquerelles
Et c'est depuis lors qu'ils sont civilisésLes singes les singes les singes de mon quartierLes singes les singes les singes de mon quartier
Avant eux il y avait paix sur terreQuand pour dix éléphants il n'y avait qu'un militaire
Mais ils sont arrivés et c'est à coups de bâtonsQue la raison d'État a chassé la raisonCar ils ont inventé le fer à empaler
Et la chambre à gaz et la chaise électriqueEt la bombe au napalm et la bombe atomique
Et c'est depuis lors qu'ils sont civilisésLes singes les singes les singes de mon quartierLes singes les singes les singes de mon quartier
Les timidesParoles et Musique: Jacques Brel 1964
Les timidesÇa se tortilleÇa s'entortilleÇa sautille
Ça se met en vrilleÇa se recroqueville
Ça rêve d'être un lapinPeu importe
D'où ils sortentMes feuilles mortes
97
Quand le vent les porteDevant nos portes
On dirait qu'ils portentUne valise dans chaque main
Les timidesSuivent l'ombre
L'ombre sombre de leur ombreSeule la pénombreSait le nombre
De leurs pudeurs de LevantinIls se plissentIls palissentIls jaunissentIls rosisentIls rougissentS'écrevissent
Une valise dans chaque main
Mais les timidesUn soir d'audaceDevant leur glaceRêvant d'espace
Mettent leur cuirasseEt alors placeAllons ParisTiens-toi bienEt vive la gareSaint-LazareMais on s'égareOn sépare
On s'désempareEt on repart
Une valise dans chaque main
Les timidesQuand ils chavirentPour une ElvireOnt des soupirsOnt des désirs
Qu'ils désirent direMais ils n'osent pas bien
Et leur maîtressePlus prêtresseEn ivresse
Qu'en tendresseUn soir les laissentDu bout des fesses
Une valise dans chaque main
Les timidesAlors vieillissentAlors finissentSe rapetissent
Quand ils glissentDans les abyssesJe veux dire
Quand ils meurentN'osent rien direRien maudireN'osent frémirN'osent sourireJuste un soupirEt ils meurent
Une valise sur le cœur
98
Les toros1963
© Éditions Musicales Pouchenel, Bruxelles
Les toros s'ennuient le dimancheQuand il s'agit de courir pour nous
Un peu de sable du soleil et des planchesUn peu de sang pour faire un peu de boue
C'est l'heure où les épiciers se prennent pour Don JuanC'est l'heure où les Anglaises se prennent pour Montherlant
Ah!Qui nous dira à quoi ça penseUn toro qui tourne et danse
Et s'aperçoit soudain qu'il est tout nuAh!
Qui nous dira à quoi ça rêveUn toro dont l'œil se lève
Et qui découvre les cornes des cocus
Les toros s'ennuient le dimancheQuand il s'agit de souffrir pour nousVoici les picadors et la foule se vengeVoici les toreros et la foule est à genoux
C'est l'heure où les épiciers se prennent pour Garcia LorcaC'est l'heure où les Anglaises se prennent pour la Carmencita
Les toros s'ennuient le dimancheQuand il s'agit de mourir pour nous
Mais l'épée va plonger et la foule se pencheMais l'épée a plongé et la foule est debout
C'est l'instant de triomphe où les épiciers se prennent pour NéronC'est l'instant de triomphe où les Anglaises se prennent pour Wellington
Ah!Est-ce qu'en tombant à terreLes toros rêvent d'un enfer
Où brûleraient hommes et toreros défuntsAh!
Ou bien à l'heure du trépasNe nous pardonneraient-ils pas
En pensant à Carthage Waterloo et VerdunVerdun
Les vieuxParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1964
Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeuxMême riches ils sont pauvres, ils n'ont plus d'illusions et n'ont qu'un cœur pour deux
Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d'antanQue l'on vive à Paris on vit tous en province quand on vit trop longtempsEst-ce d'avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d'hier
Et d'avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent aux paupièresEt s'ils tremblent un peu est-ce de voir vieillir la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit : je vous attends
Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s'ensommeillent, leurs pianos sont fermésLe petit chat est mort, le muscat du dimanche ne les fait plus chanter
Les vieux ne bougent plus leurs gestes ont trop de rides leur monde est trop petitDu lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit
Et s'ils sortent encore bras dessus bras dessous tout habillés de raideC'est pour suivre au soleil l'enterrement d'un plus vieux, l'enterrement d'une plus laide
Et le temps d'un sanglot, oublier toute une heure la pendule d'argentQui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, et puis qui les attend
99
Les vieux ne meurent pas, ils s'endorment un jour et dorment trop longtempsIls se tiennent par la main, ils ont peur de se perdre et se perdent pourtant
Et l'autre reste là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévèreCela n'importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer
Vous le verrez peut-être, vous la verrez parfois en pluie et en chagrinTraverser le présent en s'excusant déjà de n'être pas plus loinEt fuir devant vous une dernière fois la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui leur dit : je t'attendsQui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non et puis qui nous attend.
Litanies pour un retourParoles et Musique: J. Brel/J. Brel-F. Rauber 1958
Mon cœur ma mie mon âmeMon ciel mon feu ma flammeMon puits ma source mon val
Mon miel mon baume mon GraalMon blé mon or ma terreMon soc mon roc ma pierreMa nuit ma soif ma faim
Mon jour mon aube mon pain
Ma voile ma vague mon guide ma voixMon sang ma force ma fièvre mon moiMon chant mon rire mon vin ma joieMon aube mon cri ma vie ma foi
Mon cœur ma mie mon âmeMon ciel mon feu ma flammeMon corps ma chair mon bien
Voilà que tu reviens
MadeleineParoles et Musique: J. Brel/J. Corti/G. Jouannest 1962
Ce soir j'attends MadeleineJ'ai apporté du lilas
J'en apporte toutes les semainesMadeleine elle aime bien çaCe soir j'attends Madeleine
On prendra le tram trente-troisPour manger des frites chez Eugène
Madeleine elle aime tant çaMadeleine c'est mon NoëlC'est mon Amérique à moi
Même qu'elle est trop bien pour moiComme dit son cousin JoëlCe soir j'attends Madeleine
On ira au cinémaJe lui dirai des "je t'aime"Madeleine elle aime tant ça
Elle est tellement jolieElle est tellement tout çaElle est toute ma vie
Madeleine que j'attends là
Ce soir j'attends MadeleineMais il pleut sur mes lilas
Il pleut comme toutes les semainesEt Madeleine n'arrive pas
100
Ce soir j'attends MadeleineC'est trop tard pour le tram trente-trois
Trop tard pour les frites d'EugèneEt Madeleine n'arrive pas
Madeleine c'est mon horizonC'est mon Amérique à moi
Même qu'elle est trop bien pour moiComme dit son cousin GastonMais ce soir j'attends Madeleine
Il me reste le cinémaJe lui dirai des "je t'aime"Madeleine elle aime tant ça
Elle est tellement jolieElle est tellement tout çaElle est toute ma vie
Madeleine qui n'arrive pas
Ce soir j'attendais MadeleineMais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semainesMadeleine ne viendra pas
Ce soir j'attendais MadeleineC'est fichu pour le cinémaJe reste avec mes "je t'aime"Madeleine ne viendra pasMadeleine c'est mon espoirC'est mon Amérique à moi
Sûr qu'elle est trop bien pour moiComme dit son cousin GaspardCe soir j'attendais MadeleineTiens le dernier tram s'en vaOn doit fermer chez EugèneMadeleine ne viendra pas
Elle est tellement jolieElle est tellement tout çaElle est toute ma vie
Madeleine qui ne viendra pas
Demain j'attendrai MadeleineJe rapporterai du lilas
J'en rapporterai toute la semaineMadeleine elle aimera ça
Demain j'attendrai MadeleineOn prendra le tram trente-trois
Pour manger des frites chez EugèneMadeleine elle aimera çaMadeleine c'est mon espoirC'est mon Amérique à moi
Tant pis si elle est trop bien pour moiComme dit son cousin GaspardDemain j'attendrai Madeleine
On ira au cinémaJe lui dirai des "je t'aime"Madeleine elle aimera ça
101
MariekeParoles et Musique: J. Brel/J. Brel-G. Jouannest 1961
Ay Marieke Marieke je t'aimais tantEntre les tours de Bruges et Gand
Ay Marieke Marieke il y a longtempsEntre les tours de Bruges et Gand
Zonder liefde warme liefdeWaait de wind de stomme windZonder liefde warme liefdeWeent de zee de grijze zeeZonder liefde warme liefde
Lijdt het licht het donk're lichtEn schuurt het zand over mijn landMijn platte land mijn Vlaanderland
Ay Marieke Marieke le ciel flamandCouleur des tours de Bruges et GandAy Marieke Marieke le ciel flamandPleure avec moi de Bruges à Gand
Zonder liefde warme liefdeWaait de wind c'est fini
Zonder liefde warme liefdeWeent de zee déjà fini
Zonder liefde warme liefdeLijdt het licht tout est fini
En schuurt het zand over mijn landMijn platte land mijn VlaanderlandAy Marieke Marieke le ciel flamandPesait-il trop de Bruges à Gand
Ay Marieke Marieke sur tes vingt ansQue j'aimais tant de Bruges à Gand
Zonder liefde warme liefdeLacht de duivel de zwarte duivelZonder liefde warme liefde
Brandt mijn hart mijn oude hartZonder liefde warme liefde
Sterft de zomer de droeve zomerEn schuurt het zand over mijn landMijn platte land mijn Vlaanderland
Ay Marieke Marieke revienne le tempsRevienne le temps de Bruges et GandAy Marieke Marieke revienne le tempsOù tu m'aimais de Bruges à Gand
Ay Marieke Marieke le soir souventEntre les tours de Bruges et GandAy Marieke Marieke tous les étangs
M'ouvrent leurs bras de Bruges à GandDe Bruges à Gand de Bruges à Gand
102
MathildeParoles et Musique: J. Brel, G. Jouannest 1964
Ma mère voici le temps venuD'aller prier pour mon salut
Mathilde est revenueBougnat tu peux garder ton vinCe soir je boirai mon chagrin
Mathilde est revenueToi la servante toi la Maria
Vaudrait peut-être mieux changer nos drapsMathilde est revenue
Mes amis ne me laissez pasCe soir je repars au combat
Maudite Mathilde puisque te v'là
Mon cœur mon cœur ne t'emballe pasFais comme si tu ne savais pasQue la Mathilde est revenueMon cœur arrête de répéter
Qu'elle est plus belle qu'avant l'étéLa Mathilde qui est revenue
Mon cœur arrête de bringuebalerSouviens-toi qu'elle t'a déchiréLa Mathilde qui est revenueMes amis ne me laissez pas
Dites-moi dites-moi qu'il ne faut pasMaudite Mathilde puisque te v'là
Et vous mes mains restez tranquillesC'est un chien qui nous revient de la ville
Mathilde est revenueEt vous mes mains ne frappez pas
Tout ça ne vous regarde pasMathilde est revenue
Et vous mes mains ne tremblez plusSouvenez-vous quand je vous pleurais dessus
Mathilde est revenueVous mes mains ne vous ouvrez pasVous mes bras ne vous tendez pasSacrée Mathilde puisque te v'là
Ma mère arrête tes prièresTon Jacques retourne en enfer
Mathilde m'est revenueBougnat apporte-nous du vinCelui des noces et des festinsMathilde m'est revenue
Toi la servante toi la MariaVa tendre mon grand lit de draps
Mathilde m'est revenueAmis ne comptez plus sur moiJe crache au ciel encore une fois
Ma belle Mathilde puisque te v'là te v'là
103
Mes prénoms de ParisParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1961
Le soleil qui se lèveEt caresse les toitsEt c'est Paris le jour
La Seine qui se promèneEt me guide du doigtEt c'est Paris toujours
Et mon cœur qui s'arrêteSur ton cœur qui souritEt c'est Paris bonjour
Et ta main dans ma mainQui me dit déjà ouiEt c'est Paris l'amourLe premier rendez-vous
A l'Ile Saint-LouisC'est Paris qui commence
Et le premier baiserVolé aux Tuileries
Et c'est Paris la chanceEt le premier baiserReçu sous un portailEt c'est Paris romance
Et deux têtes qui se tournentEn regardant VersaillesEt c'est Paris la France
Des jours que l'on oublieQui oublient de nous voirEt c'est Paris l'espoir
Des heures où nos regardsNe sont qu'un seul regardEt c'est Paris miroir
Rien que des nuits encoreQui séparent nos chansons
Et c'est Paris bonsoirEt ce jour-là enfin
Où tu ne dis plus nonEt c'est Paris ce soir
Une chambre un peu tristeOù s'arrête la ronde
Et c'est Paris nous deuxUn regard qui reçoit
La tendresse du mondeEt c'est Paris tes yeux
Ce serment que je pleurePlutôt que ne le disC'est Paris si tu veuxEt savoir que demain
Sera comme aujourd'huiC'est Paris merveilleux
Mais la fin du voyageLa fin de la chansonEt c'est Paris tout gris
Dernier jour, dernière heurePremière larme aussiEt c'est Paris la pluieCes jardins remontés
Qui n'ont plus leur parureEt c'est Paris l'ennuiLa gare où s'accomplitLa dernière déchirureEt c'est Paris fini
Loin des yeux loin du cœurChassé du paradis
104
Et c'est Paris chagrinMais une lettre de toiUne lettre qui dit ouiEt c'est Paris demainDes villes et des villages
Les roues tremblent de chanceC'est Paris en cheminEt toi qui m'attends làEt tout qui recommenceEt c'est Paris je reviens.
Mon enfance
Mon enfance passaDe grisailles en silencesDe fausses révérencesEn manque de bataillesL'hiver j'étais au ventreDe la grande maisonQui avait jeté l'ancre
Au nord parmi les joncsL'été à moitié nu
Mais tout à fait modesteJe devenais indien
Pourtant déjà certainQue mes oncles repus
M'avaient volé le Far West
Mon enfance passaLes femmes aux cuisinesOù je rêvais de ChineVieillissaient en repasLes hommes au fromageS'enveloppaient de tabacFlamands taiseux et sagesEt ne me savaient pasMoi qui toutes les nuitsAgenouillé pour rienArpégeais mon chagrinAu pied du trop grand litJe voulais prendre un trainQue je n'ai jamais pris
Mon enfance passaDe servante en servanteJe m'étonnais déjà
Qu'elles ne fussent point plantesJe m'étonnais encoreDe ces ronds de familleFlânant de mort en mortEt que le deuil habilleJe m'étonnais surtoutD'être de ce troupeau
Qui m'apprenait à pleurerQue je connaissais tropJ'avais L'œil du bergerMais le cœur de l'agneau
Mon enfance éclataCe fut l'adolescenceEt le mur du silenceUn matin se brisa
Ce fut la première fleurEt la première filleLa première gentille
105
Et la première peurJe volais je le jureJe jure que je volais
Mon cœur ouvrait les brasJe n'étais plus barbare
Et la guerre arriva
Et nous voilà ce soir.
Mon Père disaitParoles et Musique: Jacques Brel 1967
Mon père disaitC'est l'vent du nord
Qui fait craquer les diguesA Scheveningen
À Scheveningen, petitTellement fort
Qu'on ne sait plus qui navigueLa mer du nordOu bien les diguesC'est le vent du nord
Qui transperce les yeuxDes hommes du nordJeunes ou vieuxPour faire chanter
Des carillons de bleusVenus du nord
Au fond de leurs yeux
Mon père disaitC'est le vent du nordQui fait tourner la têteAutour de Bruges
Autour de bruges, petitC'est le vent du nordQu'a raboté la terreAutour des tours
Des tours de BrugesEt qui fait qu'nos fillesOnt l'regard tranquilleDes vieilles villesDes vieilles villes
Qui fait qu'nos bellesOnt le cheveu fragileDe nos dentellesDe nos dentelles
Mon père disaitC'est le vent du nord
Qu'a fait craquer la terreEntre Zeebruges
Entre Zeebruges, petitC'est le vent du Nord
Qu'a fait craquer la terreEntre Zeebruges et l'Angleterre
Et Londres n'est plusComme avant le délugeLe poing de BrugesNarguant la merLondres n'est plus
Que le faubourg de BrugesPerdu en merPerdu en mer
106
Mais mon père disaitC'est le vent du nordQui portera en terreMon corps sans âme
Et sans colèreC'est le vent du nordQui portera en terreMon corps sans âme
Face à la merC'est le vent du nordQui me fera capitaineD'un brise-lamesOu d'une baleine
C'est le vent du nordQui me fera capitaineD'un brise-larmesPour ceux que j'aime
Ne me quitte pasParoles et Musique: Jacques Brel 1959
Ne me quitte pasIl faut oublier
Tout peut s'oublierQui s'enfuit déjàOublier le tempsDes malentendusEt le temps perduA savoir commentOublier ces heuresQui tuaient parfoisA coups de pourquoiLe cœur du bonheurNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pas
Moi je t'offriraiDes perles de pluieVenues de paysOù il ne pleut pas
Je creuserai la terreJusqu'après ma mortPour couvrir ton corpsD'or et de lumièreJe ferai un domaineOù l'amour sera roiOù l'amour sera loiOù tu seras reineNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pas
Ne me quitte pasJe t'inventerai
Des mots insensésQue tu comprendras
Je te parleraiDe ces amants-là
Qui ont vu deux foisLeurs cœurs s'embraser
Je te raconterai
107
L'histoire de ce roiMort de n'avoir pasPu te rencontrerNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pas
On a vu souventRejaillir le feu
D'un ancien volcanQu'on croyait trop vieux
Il est paraît-ilDes terres brûléesDonnant plus de bléQu'un meilleur avrilEt quand vient le soir
Pour qu'un ciel flamboieLe rouge et le noir
Ne s'épousent-ils pasNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pas
Ne me quitte pasJe ne vais plus pleurerJe ne vais plus parlerJe me cacherai làA te regarder
Danser et sourireEt à t'écouter
Chanter et puis rireLaisse-moi devenir
L'ombre de ton ombreL'ombre de ta mainL'ombre de ton chienNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pas.
On n'oublie rienParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1961
On n'oublie rien de rienOn n'oublie rien du toutOn n'oublie rien de rienOn s'habitue c'est tout
Ni ces départs ni ces naviresNi ces voyages qui nous chavirent
De paysages en paysagesEt de visages en visages
Ni tous ces ports ni tous ces barsNi tous ces attrape-cafardOù l'on attend le matin grisAu cinéma de son whisky
Ni tout cela ni rien au mondeNe sait pas nous faire oublierNe peut pas nous faire oublier
Qu'aussi vrai que la terre est rondeOn n'oublie rien de rienOn n'oublie rien du toutOn n'oublie rien de rien
108
On s'habitue c'est tout
Ni ces jamais ni ces toujoursNi ces je t'aime ni ces amours
Que l'on poursuit à travers cœursDe gris en gris de pleurs en pleursNi ces bras blancs d'une seule nuitCollier de femme pour notre ennuiQue l'on dénoue au petit jourPar des promesses de retour
Ni tout cela ni rien au mondeNe sait pas nous faire oublierNe peut pas nous faire oublier
Qu'aussi vrai que la terre est rondeOn n'oublie rien de rienOn n'oublie rien du toutOn n'oublie rien de rienOn s'habitue c'est tout
Ni même ce temps où j'aurais faitMille chansons de mes regrets
Ni même ce temps où mes souvenirsPrendront mes rides pour un sourire
Ni ce grand lit où mes remordsOnt rendez-vous avec la mortNi ce grand lit que je souhaiteA certains jours comme une fête
Ni tout cela ni rien au mondeNe sait pas nous faire oublierNe peut pas nous faire oublier
Qu'aussi vrai que la terre est rondeOn n'oublie rien de rienOn n'oublie rien du toutOn n'oublie rien de rienOn s'habitue c'est tout
OrlyParoles et Musique: Jacques Brel 1977
Ils sont plus de deux milleEt je ne vois qu'eux deuxLa pluie les a soudés
Semble-t-il l'un à l'autreIls sont plus de deux milleEt je ne vois qu'eux deuxEt je les sais qui parlentIl doit lui dire: je t'aimeElle doit lui dire: je t'aimeJe crois qu'ils sont en trainDe ne rien se promettre
C'est deux-là sont trop maigresPour être malhonnêtes
Ils sont plus de deux milleEt je ne vois qu'eux deux
Et brusquement ils pleurentIls pleurent à gros bouillonsTout entourésqu'ils sontD'adipeux en sueur
Et de bouffeurs d'espoirQui les montrent du nezMais ces deux déchirésSuperbes de chagrin
109
Abandonnent aux chiensL'exploir de les juger
Mais la vie ne fait pas de cadeau!Et nom de dieu!
C'est triste Orly le dimancheAvec ou sans Bécaud
Et maintenant ils pleurentJe veux dire tous les deuxTout à l'heure c'était luiLorsque je disais il
Tout encastrés qu'ils sontIls n'entendent plus rienQue les sanglots de l'autre
Et puis infinimentComme deux corps qui prient
Infiniment lentement ces deux corpsSe séparent et en se séparantCes deux corps se déchirentEt je vous jure qu'ils crientEt puis ils se reprennentRedeviennent un seulRedeviennent le feuEt puis se redéchirentSe tiennent par les yeuxEt puis en reculant
Comme la mer se retireIls consomment l'adieuIls bavent quelques motsAgitent une vague mainEt brusquement ils fuientFuient sans se retourner
Et puis il disparaîtBouffé par l'escalier
La vie ne fait pas de cadeau!Et nom de dieu!
C'est triste Orly le dimancheAvec ou sans Bécaud
Et puis il disparaîtBouffé par l'escalierEt elle elle reste là
Cœur en croix bouche ouverteSans un cri sans un motElle connaît sa mortElle vient de la croiserVoilà qu'elle se retourneEt se retourne encore
Ses bras vont jusqu'a terreÇa y est elle a mille ansLa porte est referméeLa voilà sans lumière
Elle tourne sur elle-mêmeEt déjà elle sait
Qu'elle tournera toujoursElle a perdu des hommesMais là elle perd l'amour
L'amour le lui a ditRevoilà l'inutile
Elle vivra ses projetsQui ne feront qu'attendre
La revoilà fragileAvant que d'être à vendre
Je suis là je le suisJe n'ose rien pour elleQue la foule grignote
Comme un quelconque fruit
110
Pardons
Pardon pour cette filleQue l'on a fait pleurerPardon pour ce regardQue l'on quitte en riant
Pardon pour ce visageQu'une larme a changéPardon pour ces maisonsOù quelqu'un nous attend
Et puis pour tous ces motsQue l'on dit mots d'amourEt que nous employonsEn guise de monnaie
Pour tous les sermentsQui meurent au petit jourPardon pour les jamaisPardon pour les toujours
Pardon pour pour les hameauxQui ne chantent jamaisPardon pour les villages
Que l'on a oubliés
Et pardon pour les citésOù nul ne se connaîtPardon pour les paysFaits de sous-officiers
Pardon d'être de ceuxQui se foutent de toutEt de ne pas avoirChaque jour essayé
Et puis pardon encoreEt puis pardon surtoutDe ne jamais savoir
Qui doit nous pardonner
Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient ?1963
note: complainte du film "un roi sans divertissement"
Pourtant les hôtesses sont doucesAux auberges bordées de neigePourtant patientent les épousesQue les enfants ont pris au piègePourtant les auberges sont doucesOù le vin fait tourner manège
Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient
Pourtant les villes sont paisiblesOù tremblent cloches et clochersMais le diable dort-il sous la bibleMais les rois savent-ils prier
Pourtant les villes sont paisiblesDe blanc matin et blanc coucher
Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient
Pourtant il nous reste à rêverPourtant il nous reste à savoir
111
Et tous ces loups qu'il faut tuerTous ces printemps qu'il reste à boire
Désespérance ou désespoirIl nous reste à être étonnés
Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient
Pourtant il nous reste à tricherÊtre le pique et jouer le cœur
Être la peur et rejouerÊtre le diable et jouer fleur
Pourtant il nous reste à patienterBon an mal an on ne vit qu'une heure
Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient
Prière païenneParoles et Musique: Jacques Brel 1956
N'est-il pas vrai MarieQue c'est prier pour vousQue de lui dire je t'aimeEn tombant à genouxN'est-il pas vrai Marie
Que c'est prier pour vousQue pleurer de bonheurEn riant comme un fouQue couvrir de tendresseNos païennes amoursC'est fleurir de prièresChaque nuit chaque jour.
N'est-il pas vrai MarieQue c'est chanter pour vousQue semer nos cheminsDe simples poésies
N'est-il pas vrai MarieQue c'est chanter pour vousQue voir en chaque chose
Une chose jolieQue chanter pour l'enfantQui bientôt nous viendraC'est chanter pour l'enfantQui repose en vos bras
N'est-il pas vrai Marie ?N'est-il pas vrai Marie ?
Qu'avons-nous fait, bonnes gensParoles et Musique: Jacques Brel 1955
Qu'avons-nous fait, bonnes gensDites-moi de la bonté du monde
On l'aurait cachée au fond d'un boisQue ça ne m'étonnerait guère
On l'aurait enfouieDix pieds sous terre
Que ça ne m'étonnerait pasEt c'est dommage de ne plus voirA chaque soir chaque matinSur les routes sur les trottoirs
Une foule de petits saints Martin
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Qu'avons-nous fait, bonnes gensDites-moi de tout l'amour du mondeOn l'aurait vendu pour je n'sais quoi
Que ça ne m'étonnerait guèreOn l'aurait vendu pour faire le guerre
Que ça ne m'étonnerait pasEt c'est dommage de ne plus voirLes amoureux qui ont vingt ansSe conter mille et une histoires
Pour le plus des feux de la Saint Jean
Mais nous retrouverons bonnes gensCroyez-moi toutes ces joies profondeson les retrouverait au fond de soiQue ça ne m'étonnerait guère
On les retrouverait sous la poussièreQue ça ne m'étonnerait pas
Et c'est tant mieux on pourra voirEnfin d'autres que les fous
Chanter l'amour chanter l'espoirEt les chanter avec des mots à vous
Qu'attendez-vous bonnes gensDites-le moi
Pour retrouver ces chosesQu'attendons-nous bonnes gens
Dites-le moi
Quand maman reviendraParoles et Musique: J. Brel/F. Rauber 1963
Quand ma maman reviendraC'est mon papa qui sera contentQuand elle reviendra maman
Qui c'est qui sera content c'est moiElle reviendra comme chaque foisA cheval sur un chagrin d'amourEt pour mieux fêter son retourToute la sainte famille sera là
Et elle me rechantera les chansonsLes chansons que j'aimais tellementOn a tellement besoin de chansonsQuand il paraît qu'on a vingt ans
Quand mon frère il reviendraC'est mon papa qui sera contentQuand il reviendra le Fernand
Qui c'est qui sera content c'est moiIl reviendra de sa prison
Toujours à cheval sur ses principesIl reviendra et toute l'équipeL'accueillera sur le perron
Et il me racontera les histoiresLes histoires que j'aimais tellementOn a tellement besoin d'histoiresQuand il paraît qu'on a vingt ans
Quand ma sœur elle reviendraC'est mon papa qui sera content
Quand reviendra la fille de mamanQui c'est qui sera content c'est moi
Elle reviendra de ParisSur le cheval d'un prince charmantElle reviendra et toute la famille
L'accueillera en pleurant
113
Et elle me redonnera son sourireSon sourire que j'aimais tellementOn a tellement besoin de souriresQuand il paraît qu'on a vingt ans
Quand mon papa reviendraC'est mon papa qui sera contentQuand il reviendra en gueulant
Qui c'est qui sera content c'est moiIl reviendra du bistrot du coinA cheval sur une idée noire
Il reviendra que quand il sera noirQue quand il en aura besoinEt il me redonnera des soucis
Des soucis que j'aime pas tellementMais il paraît qu'il faut des soucisQuand il paraît qu'on a vingt ans
Si ma maman revenaitQu'est-ce qu'il serait content papa
Si ma maman revenaitQui c'est qui serait content c'est moi
Quand on n'a que l'amourParoles et Musique: Jacques Brel 1956
autres interprètes: Dalida (1957), Star Academy (2001)
Quand on n'a que l'amourA s'offrir en partage
Au jour du grand voyageQu'est notre grand amour
Quand on n'a que l'amourMon amour toi et moiPour qu'éclatent de joie
Chaque heure et chaque jour
Quand on n'a que l'amourPour vivre nos promessesSans nulle autre richesseQue d'y croire toujours
Quand on n'a que l'amourPour meubler de merveilles
Et couvrir de soleilLa laideur des faubourgs
Quand on n'a que l'amourPour unique raisonPour unique chansonEt unique secours
Quand on n'a que l'amourPour habiller matin
Pauvres et malandrinsDe manteaux de velours
Quand on n'a que l'amourA offrir en prière
Pour les maux de la terreEn simple troubadour
Quand on n'a que l'amourA offrir à ceux-là
Dont l'unique combat
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Est de chercher le jour
Quand on n'a que l'amourPour tracer un cheminEt forcer le destinA chaque carrefour
Quand on n'a que l'amourPour parler aux canonsEt rien qu'une chanson
Pour convaincre un tambour
Alors sans avoir rienQue la force d'aimer
Nous aurons dans nos mains,Amis le monde entier
Regarde bien, petitParoles et Musique: Jacques Brel 1968
Regarde bien petitRegarde bien
Sur la plaine là-basÀ hauteur des roseauxEntre ciel et moulins
Y a un homme qui vientQue je ne connais pasRegarde bien petitRegarde bien
Est-ce un lointain voisinUn voyageur perdu
Un revenant de guerreUn montreur de dentellesEst-ce un abbé porteurDe ces fausses nouvellesQui aident à vieillir
Est-ce mon frère qui vientNous dire qu'il est tempsDe moins nous haïr
Ou n'est-ce que le ventQui gonfle un peu le sableEt forme des mirages
Pour nous passer le temps
Regarde bien petitRegarde bien
Sur la plaine là-basÀ hauteur des roseauxEntre ciel et moulins
Y a un homme qui vientQue je ne connais pasRegarde bien petitRegarde bien
Ce n'est pas un voisinSon cheval est trop fierPour être de ce coin
Pour revenir de guerreCe n'est pas un abbé
Son cheval est trop pauvrePour être paroissien
Ce n'est pas un marchandSon cheval est trop clairSon habit est trop blancEt aucun voyageur
115
N'a plus passé le pontDepuis la mort du pèreNi ne sait nos prénoms
Regarde bien petitRegarde bien
Sur la plaine là-basÀ hauteur des roseauxEntre ciel et moulins
Y a un homme qui vientQue je ne connais pasRegarde bien petitRegarde bien
Non ce n'est pas mon frèreSon cheval aurait henni
Non ce n'est pas mon frèreIl ne l'oserait plusIl n'est plus rien iciQui puisse le servir
Non ce n'est pas mon frèreMon frère a pu mourirCette ombre de midi
Aurait plus de tourmentsS'il s'agissait de lui
Allons c'est bien le ventQui gonfle un peu le sablePour nous passer le temps
Regarde bien petitRegarde bien
Sur la plaine là-basÀ hauteur des roseauxEntre ciel et moulinsY a un homme qui partQue nous n saurons pasRegarde bien petitRegarde bien
Il faut sécher tes larmesIl y a un homme qui partQue nous ne saurons pasTu peux ranger les armes
RosaParoles et Musique: Jacques Brel 1962
C'est le plus vieux tango du mondeCelui que les têtes blondesÂnonnent comme une rondeEn apprenant leur latinC'est le tango du collège
Qui prend les rêves au piègeEt dont il est sacrilègeDe ne pas sortir malin
C'est le tango des bons pèresQui surveillent l'œil sévèreLes Jules et les Prosper
Qui seront la France de demain
Rosa rosa rosamRosae rosae rosaRosae rosae rosasRosarum rosis rosis
116
C'est le tango des forts en thèmeBoutonneux jusqu'à l'extrêmeEt qui recouvrent de laineLeur cœur qui est déjà froidC'est le tango des forts en rienQui déclinent de chagrinEt qui seront pharmaciensParce que papa ne l'était pas
C'est le temps où j'étais dernierCar ce tango rosa rosaeJ'inclinais à lui préférerDéjà ma cousine Rosa
Rosa rosa rosamRosae rosae rosaRosae rosae rosasRosarum rosis rosis
C'est le tango des promenadesDeux par seul sous les arcadesCernés de corbeaux et d'alcades
Qui nous protégeaient des pourquoiC'est le tango de la pluie sur la courLe miroir d'une flaque sans amour
Qui m'a fait comprendre un beau jourQue je ne serais pas Vasco de GamaMais c'est le tango du temps béniOù pour un baiser trop petitDans la clairière d'un jeudi
A rosi cousine Rosa
Rosa rosa rosamRosae rosae rosaRosae rosae rosasRosarum rosis rosis
C'est le tango du temps des zérosJ'en avais tant des minces des gros
Que j'en faisais des tunnels pour CharlotDes auréoles pour saint FrançoisC'est le tango des récompensesQui vont à ceux qui ont la chanceD'apprendre dès leur enfanceTout ce qui ne leur servira pas
Mais c'est le tango que l'on regretteUne fois que le temps s'achèteEt que l'on s'aperçoit tout bêteQu'il y a des épines aux Rosa
Rosa rosa rosamRosae rosae rosaRosae rosae rosasRosarum rosis rosis
117
S'il te fautParoles et Musique: Jacques Brel 1955
Tu n'as rien compris
S'il te faut des trainsPour fuir vers l'aventureEt de blancs navires
Qui puissent t'emmenerChercher le soleil
À mettre dans tes yeuxChercher des chansonsQue tu puisses chanter
Alors s'il te faut l'aurorePour croire au lendemain
Et des lendemainsPour pouvoir espérerRetrouver l'espoir
Qui t'a glissé des mainsRetrouver la main
Que ta main a quittée
Et alors s'il te faut des motsPrononcés par des vieux
Pour justifierTous tes renoncementsSi la poésie pour toiN'est plus qu'un jeu
Si toute ta vieN'est qu'un vieillissement
Alors s'il te faut l'ennuiPour te sembler profondEt le bruit des villes
Pour saouler tes remordsEt puis des faiblessesPour te paraître bonEt puis des colèresPour te paraître fort
Alors alorsTu n'as rien compris
Saint-PierreParoles et Musique: Jacques Brel 1956
Il y a longtemps de celaAu fond du ciel le bon Saint-PierreComme un collégien se troubla
Pour une étoile au cœur de pierreSitôt conquise elle s'envoleEn embrasantde son regardLe cœur, la barbe et l'auréole
Du bon Saint Pierre au désespoirQui criait et pleurait
Dans les rues du paradisQui criait et pleurait
Tout en se moquant de lui.
Effeuillons l'aile d'un angePour voir si elle pense à moiEffeuillons l'aile d'un ange
118
Pour voir si elle m'aimera
Saint Pierre alors partit chercherA cheval sur un beau nuage
Vainement dans la Voie LactéeSa jeune étoile au cœur volageAu Paradis lorsqu'il revintDevant la porte il est resté
N'osons montrer tout son chagrinA ses copains auréolés
Qui criaient et pleuraientDans les rues du paradisQui criaient et pleuraientTout en se moquant de lui.
Effeuillons l'aile d'un angePour voir si elle pense à toiEffeuillons l'aile d'un angePour voir si elle t'aimera
Mais le Bon Dieu lui vint en aideCar les barbus sont syndiquésIl changea l'étoile en planèteEt fit de Saint Pierre un portier
Et de ces anges déplumésPar les amours du bon Saint Pierre
Afin de tout récupérerIl fit les démons de l'enfer
Ceux qui crient ceux qui pleurentA l'heure où naissent les nuits
Ceux qui crient ceux qui pleurentDans un coin de votre esprit
Effeuillons l'aile d'un angePour voir si elle pense à moiEffeuillons l'aile d'un angePour voir si elle m'aimera
SeulParoles et Musique: Jacques Brel 1959
On est deux mon amourEt l'amour chante et ritMais à la mort du jour
Dans les draps de l'ennuiOn se retrouve seul
On est dix à défendreLes vivants par des morts
Mais cloués par leurs cendresAu poteau du remordsOn se retrouve seul
On est cent qui dansonsAu bal des bons copainsMais au dernier lampionMais au premier chagrinOn se retrouve seul
On est mille contre milleA se croire les plus fortsMais à l'heure imbécile
Où ça fait deux mille mortsOn se retrouve seul
119
On est million à rireDu million qui est en faceMais deux millions de rires
N'empêchent que dans la glaceOn se retrouve seul
On est mille à s'asseoirAu sommet de la fortuneMais dans la peur de voirTout fondre sous la luneOn se retrouve seul
On est cent que la gloireInvite sans raison
Mais quand meurt le hasardQuand finit la chansonOn se retrouve seul
On est dix à coucherDans le lit de la puissanceMais devant ces arméesQui s'enterrent en silence
On se retrouve seul
On est deux à vieillirContre le temps qui cogneMais lorsqu'on voit venirEn riant la charogneOn se retrouve seul.
Sur la placeParoles et Musique: Jacques Brel 1955
Sur la place chauffée au soleilUne fille s'est mise à danserElle tourne toujours pareilleAux danseuses d'antiquitésSur la ville il fait trop chaud
Hommes et femmes sont assoupisEt regardent par le carreauCette fille qui danse à midi
Ainsi certains jours paraîtUne flamme à nos yeuxA l'église où j'allais
On l'appelait le Bon DieuL'amoureux l'appelle l'amour
Le mendiant la charitéLe soleil l'appelle le jour
Et le brave homme la bonté
Sur la place vibrante d'air chaudOù pas même ne paraît un chienOndulante comme un roseauLa fille bondit s'en va s'en vient
Ni guitare ni tambourinPour accompagner sa danseElle frappe dans ses mainsPour se donner la cadence
Ainsi certains jours paraîtUne flamme à nos yeuxA l'église où j'allais
On l'appelait le Bon DieuL'amoureux l'appelle l'amour
120
Le mendiant la charitéLe soleil l'appelle le jour
Et le brave homme la bonté.
Sur la place où tout est tranquilleUne fille s'est mise à chanterEt son chant plane sur la villeHymne d'amour et de bonté
Mais sur la ville il fait trop chaudEt pour ne point entendre son chantLes hommes ferment leurs carreaux
Comme une porte entre morts et vivants
Ainsi certains jours paraîtUne flamme en nos cœurs
Mais nous ne voulons jamaisLaisser luire sa lueur
Nous nous bouchons les oreillesEt nous nous voilons les yeuxNous n'aimons point les réveils
De notre cœur déjà vieux
Sur la place un chien hurle encoreCar la fille s'en est allée
Et comme le chien hurlant la mortPleurent les hommes leur destinée
TitineParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest/J. Corti 1964
J'ai retrouvé TitineTitine oh ma TitineJ'ai retrouvé Titine
Que je ne trouvais pasJe l'ai retrouvée par hasardQui vendait du buvardDerrière une vitrine
De la gare Saint-LazareJe lui ai dit TitineTitine oh ma TitineJe lui ai dit Titine
Pourquoi m'avoir quittéTu es partie comme ça
Sans un geste sans un motVoir un film de CharlotAu ciné de l'OlympiaEt il y a trente ans déjà
Que nous te cherchions partoutMon Hispano et moi
En criant comme des fousJe cherche après TitineTitine oh ma Titine
Je cherche après Titine
Mais j'ai retrouvé TitineTitine oh ma TitineJ'ai retrouvé Titine
Que je ne trouvais pasJe l'avais cherchée partout
Au Chili au TonkinJe l'avais cherchée en vain
Au Gabon au PérouJe lui ai dit TitineTitine oh ma Titine
121
Je lui ai dit TitineJe t'en supplie reviens
Tu as changé je le sais bienTu es un peu moins tentante
Puis tu marches comme ChaplinEt tu es devenue parlante
Mais enfin c'est mieux que rienQuand on vit depuis trente ans
Tout seul avec un chienEt avec douze enfants
Qui cherchent après TitineTitine oh ma Titine
Qui cherchent après Titine
Mais j'ai retrouvé TitineTitine oh ma TitineJ'ai retrouvé Titine
Que je ne trouvais pasJe voudrais que vous la voyiez
Titine elle est en orBien plus que ValentineBien plus qu'Éléonore
Mais hier quand je lui ai ditTitine oh ma Titine
Quand je lui ai dit TitineEst-ce que tu m'aimes encoreElle est repartie comme çaSans un geste sans un motVoir un film de CharlotAu ciné de l'OlympiaAlors voilà pourquoi
Nous la cherchons partoutMon Hispano et moi
En criant comme des fousJe cherche après TitineTitine oh ma Titine
Je cherche après Titine
Mais je retrouverai TitineTitine oh ma TitineJe retrouverai TitineEt tout ça s'arrangera
Un enfantParoles: J.Brel. Musique: J.Brel, G.Jouannest 1968 "Vezoul"
Un enfantÇa vous décroche un rêveÇa le porte à ses lèvresEt ça part en chantant
Un enfantAvec un peu de chanceÇa entend le silence
Et ça pleure des diamantsEt ça rit à n'en savoir que faire
Et ça pleure en nous voyant pleurerÇa s'endort de l'or sous les paupièresEt ça dort pour mieux nous faire rêver
Un enfantC'est toute une merQui dépose ses perlesSur la portée du vent
Un enfantC'est le dernier poême
122
D'un monde qui s'entêteÀ vouloir devenir grand
Et ça demande si les nuages ont des ailesEt ça s'inquiète d'une neige tombée
Et ça s'endort de l'or sous les paupièresEt ça se doute qu'il n'y a plus de fées
Mais un enfant et nous fuyons l'enfanceUn enfant et nous voilà passantsUn enfant et nous voilà patienceUn enfant et nous voilà passés
Une îleParoles et Musique: Jacques Brel 1962
Une îleUne île au large de l'espoir
Où les hommes n'auraient pas peurEt douce et calme comme ton miroir
Une îleClaire comme un matin de Pâques
Offrant l'océane langueurD'une sirène à chaque vague
ViensViens mon amour
Là-bas ne seraient point ces fousQui nous disent d'être sagesOu que vingt ans est le bel âgeVoici venu le temps de vivreVoici venu le temps d'aimer
Une îleUne île au large de l'amourPosée sur l'autel de la merSatin couché sur le velours
Une îleChaude comme la tendresseEspérante comme un désertQu'un nuage de pluie caresse
ViensViens mon amour
Là-bas ne seraient point ces fousQui nous cachent les longues plages
Viens mon amourFuyons l'orage
Voici venu le temps de vivreVoici venu le temps d'aimer
Une îleUne île qu'il nous reste à bâtirMais qui donc pourrait retenirLes rêves que l'on rêve à deux
Une îleVoici qu'une île est en partanceEt qui sommeillait en nos yeuxDepuis les portes de l'enfance
ViensViens mon amour
Car c'est là-bas que tout commenceJe crois à la dernière chanceEt tu es celle que je veux
Voici venu le temps de vivreVoici venu le temps d'aimer
123
VesoulParoles et Musique: Jacques Brel 1968
T'as voulu voir VierzonEt on a vu Vierzon
T'as voulu voir VesoulEt on on a vu Vesoul
T'as voulu voir HonfleurEt on a vu Honfleur
T'as voulu voir HambourgEt on a vu HambourgJ'ai voulu voir AnversEt on a revu HambourgJ'ai voulu voir ta sœurEt on a vu ta mèreComme toujours
T'as plus aimé VierzonEt on a quitté VierzonT'as plus aimé VesoulEt on a quitté Vesoul
T'as plus aimé HonfleurEt on a quitté HonfleurT'as plus aimé HambourgEt on a quité HambourgT'as voulu voir Anvers
Et on n'a vu qu'ses faubourgsTu n'as plus aimé ta mèreEt on a quitté sa sœurComme toujours
Et je te le disJe n'irai pas plus loinMais je te préviensJ'irai pas à Paris
D'ailleurs j'ai horreurDe tous les flons flonsDe la valse musetteEt de l'accordéeonT'as voulu voir ParisEt on a vu Paris
T'as voulu voir DutroncEt on a vu Dutronc
J'ai voulu voir ta sœurJ'ai vu le mont ValérienT'as voulu voir HortenseElle était dans l'CantalJ'ai voulu voir Byzance
Et on a vu PigalleÀ la gare Saint-LazareJ'ai vu les Fleurs du Mal
Par hasard
T'as plus aimé ParisEt on a quité Paris
T'as plus aimé DutroncEt on a quitté Dutronc
Maintenant je confonds ta sœurEt le mont Valérien
De ce que je sais d'HortenseJ'irai plus dans l'CantalEt tant pis pour ByzancePuisque j'ai vu PigalleEt la gare Saint-LazareC'est cher et ça fait mal
Au hasard
124
Et je te le redis chauffe MarcelJe n'irai pas plus loin
Mais je te préviens kaï kaïLe voyage est fini
D'ailleurs j'ai horreurDe tous les flons flonsDe la valse musetteEt de l'accordéon
T'as voulu voir VierzonEt on a vu Vierzon
T'as voulu voir VesoulEt on on a vu Vesoul
T'as voulu voir HonfleurEt on a vu Honfleur
T'as voulu voir HambourgEt on a vu HambourgJ'ai voulu voir AnversEt on a revu HambourgJ'ai voulu voir ta sœurEt on a vu ta mèreComme toujours
T'as plus aimé VierzonEt on a quitté Vierzon... chauffe... chauffe
T'as plus aimé VesoulEt on a quitté Vesoul
T'as plus aimé HonfleurEt on a quitté HonfleurT'as plus aimé HambourgEt on a quité HambourgT'as voulu voir Anvers
Et on n'a vu qu'ses faubourgsTu n'as plus aimé ta mèreEt on a quitté sa sœur
Comme toujours ... Chauffez les gars
Mais mais je te le reredis ... KaïJe n'irai pas plus loinMais je te préviensJ'irai pas à Paris
D'ailleurs j'ai horreurDe tous les flons flonsDe la valse musetteEt de l'accordéon
T'as voulu voir ParisEt on a vu Paris
T'as voulu voir DutroncEt on a vu Dutronc
J'ai voulu voir ta sœurJ'ai vu le mont ValérienT'as voulu voir HortenseElle était dans l'CantalJ'ai voulu voir Byzance
Et on a vu PigalleÀ la gare Saint-LazareJ'ai vu les Fleurs du Mal
Par hasard
125
Vieille© Éditions Musicales Pouchenel, Bruxelles
C'est pour pouvoir enfin botter les fessesA ces vieillards qui nous ont dit
Que nos vingt ans que notre jeunesseÉtaient le plus beau temps de la vie
C'est pour pouvoir enfin botter le cœurA ceux qui nous volent nos nuits
Ces maladroits qui n'ont que leur ardeurCroulants qui n'ont que leur ennui
C'est pour cela jeunes gensQu'au fond de moi s'éveille
Le désir ardentDe devenir vieille
C'est pour pouvoir un jour enfin leur direA celles qui me jugent avec fureur
" Pauvres grognasses " c'est pour pouvoir vous dire" Je vous pardonne votre laideur "
C'est pour pouvoir leur dire à ces matronesQui mille fois m'ont condamnée
" Comment voulez-vous que l'on vous pardonneVous qui n'avez même pas péché "
C'est pour cela jeunes gensQu'au fond de moi s'éveille
Le désir ardentDe devenir vieille
C'est pour pouvoir au jardin de mon cœurNe soigner que mes souvenirs
Vienne le temps où femme peut s'attendrirEt ne plus jalouser les fleurs
C'est pour pouvoir enfin chanter l'amourSur la cithare de la tendresse
Et pour qu'enfin on me fasse la courPour d'autres causes que mes fesses
C'est pour cela jeunes gensQu'au fond de moi s'éveille
Le désir ardentDe devenir vieille
C'est pour pouvoir un jour oser lui direQue je n'ai bu qu'à sa santé
Que quand j'ai ri c'était de le voir rireQue j'étais seule quand j'ai pleuré
C'est pour pouvoir enfin oser lui direUn soir en filant de la laine
Qu'en le trompant mais ça oserai-je le direJe me suis bien trompée moi-même
C'est pour cela jeunes gensQu'au fond de moi s'éveille
Le désir ardentDe devenir vieille
126
Vieillir
Mourir en rougissantSuivant la guerre qu'il faitDu fait des AllemandsA cause des Anglais
Mourir baiseur intègreEntre les seins d'une grosseContre les os d'une maigreDans un cul de basse-fosse
Mourir de frissonnerMourir de se dissoudre
De se racrapoterMourir de se découdre
Ou terminer sa courseLa nuit de ses cent ansVieillard tonitruant
Soulevé pas quelques femmesCloué à la Grande OurseCracher sa dernière dentEn chantant "Amsterdam"
Mourir cela n'est rienMourir la belle affaireMais vieillir... ô vieillir
Mourir mourir de rireC'est possiblement vraiD'ailleurs la preuve en estQu'ils n'osent plus trop rire
Mourir de faire le pitrePour dérider le désertMourir face au cancerPar arrêt de l'arbitre
Mourir sous le manteauTellement anonymeTellement incognito
Que meurt un synonyme
Ou terminer sa courseLa nuit de ses cent ansVieillard tonitruant
Soulevé par quelques femmesCloué à la Grande OurseCracher sa dernière dentEn chantant "Amsterdam"
Mourir cela n'est rienMourir la belle affaireMais vieillir... ô vieillir
Mourir couvert d'honneurEt ruisselant d'argentAsphyxié sous les fleursMourir en monument
Mourir au bout d'une blondeLà où rien ne se passe
Où le temps nous dépasseOù le lit tombe en tombe
Mourir insignifiant
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Au fond d'une tisaneEntre un médicamentEt un fruit qui se fane
Ou terminer sa courseLa nuit de ses mille ansVieillard tonitruant
Soulevé par quelques femmesCloué à la Grande OurseCracher sa dernière dentEn chantant "Amsterdam"
Mourir cela n'est rienMourir la belle affaireMais vieillir... ô vieillir
Vivre deboutParoles et Musique: Jacques Brel 1962
Voilà que l'on se cacheQuand se lève le vent
De peur qu'il ne nous pousseVers des combats trop rudes
Voilà que l'on se cacheDans chaque amour naissantQui nous dit après l'autre
Je suis la certitudeVoilà que l'on se cache
Que notre ombre un instantPour mieux fuir l'inquiétudeSoit l'ombre d'un enfantL'ombre des habitudesQu'on a plantées en nous
Quand nous avions vingt ans
Serait-il impossible de vivre debout
Voilà qu'on s'agenouilleD'être à moitié tombéSous l'incroyable poidsDe nos croix illusoiresVoilà qu'on s'agenouille
Et déjà retombéPour avoir été grandL'espace d'un miroir
Voilà qu'on s'agenouilleAlors que notre espoir
Se réduit à prierAlors qu'il est trop tardQu'on ne peut plus gagnerA tous ces rendez-vousQue nous avons manqués
Serait-il impossible de vivre debout
Voilà que l'on se couchePour la moindre amourettePour la moindre fleuretteA qui l'on dit toujoursVoilà que l'on se couchePour mieux perdre la têtePour mieux brûler l'ennuiA des reflets d'amourVoilà que l'on se coucheDe l'envie qui s'arrête
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De prolonger le jourPour mieux faire notre courA la mort qui s'apprêtePour être jusqu'au boutNotre propre défaite
Serait-il impossible de vivre debout
VoiciParoles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, François Rauber 1958
VoiciQu'un ciel penche ses nuagesSur ces chemins d'Italie
Pour amoureux sans bagagesVoici
Des coteaux en ribambellesPour enrubanner nos vies
De vins clairs de fleurs nouvellesVoici
Des cloches sonnant la fêteDes fêtes pour que l'on rieDes rires que rien n'arrête
Voici
Des amours en robe blancheMoitié fleur et moitié fruitQue nous jalousent les anges
Voici
Des échos qui font la chaînePur porter à l'infini
Nos "toujours" et nos "je t'aime"Voici
Des promesse de Saint-JeanDe Saint-Jean qui durent la vieDes vies qu'épargne le temps
Voici
Certains sourires de nos pèresQue l'on recherche la nuitPour mieux calmer sa colère
Voici
Qu'au carrefour des amitiésLa douleur s'évanouit
Broyée par nos mains serréesVoici
Qu'en nos faubourgs délavésDes prêtres en litaniesSont devenus ouvriers
Voici
Des mains ridées de courageQui caressent l'établi
D'où jaillit la belle ouvrageVoici
Ces fleurs poussant en pagailleEntre nous et l'ennemi
Pour empêcher la batailleVoici
129
Voir1958
© Éditions Musicales Tutti
Voir la rivière geléeVouloir être un printemps
Voir la terre brûléeEt semer en chantantVoir que l'on a vingt ansVouloir les consumer
Voir passer un croquantEt tenter de l'aimerVoir une barricadeEt la vouloir défendreVoir périr l'embuscadeEt puis ne pas se rendreVoir le gris des faubourgs
Vouloir être RenoirVoir l'ennemi de toujoursEt fermer sa mémoire
Voir que l'on va vieillirEt vouloir commencerVoir un amour fleurirEt s'y vouloir brûlerVoir la peur inutile
La laisser aux crapaudsVoir que l'on est fragileEt chanter à nouveauVoilà ce que je voisVoilà ce que je veuxDepuis que je te voisDepuis que je te veux
Voir un ami pleurerParoles et Musique: F. Rauber/J.Brel 1977
Bien sûr il y a les guerres d'IrlandeEt les peuplades sans musique
Bien sûr tout ce manque de tendresIl n'y a plus d'Amérique
Bien sûr l'argent n'a pas d'odeurMais pas d'odeur me monte au nezBien sûr on marche sur les fleurs
Mais voir un ami pleurer!
Bien sûr il y a nos défaitesEt puis la mort qui est tout au boutNos corps inclinent déjà la têteÉtonnés d'être encore deboutBien sûr les femmes infidèlesEt les oiseaux assassinés
Bien sûr nos cœurs perdent leurs ailesMais mais voir un ami pleurer!
Bien sûr ces villes épuiséesPar ces enfants de cinquante ansNotre impuissance à les aider
Et nos amours qui ont mal aux dentsBien sûr le temps qui va trop viteCes métro remplis de noyésLa vérité qui nous évite
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Mais voir un ami pleurer!
Bien sûr nos miroirs sont intègresNi le courage d'être juifsNi l'élégance d'être nègres
On se croit mèche on n'est que suifEt tous ces hommes qui sont nos frèresTellement qu'on n'est plus étonnésQue par amour ils nous lacèrent
Mais voir un ami pleurer!
ZangraParoles et Musique: Jacques Brel 1962
Je m'appelle Zangra et je suis lieutenantAu fort de Belonzio qui domine la plaineD'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefoisAlors je vais au bourg voir les filles en troupeauxMais elles rêvent d'amour et moi de mes chevaux
Je m'appelle Zangra et déjà capitaineAu fort de Belonzio qui domine la plaineD'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefoisAlors je vais au bourg voir la jeune ConsueloMais elle parle d'amour et moi de mes chevaux
Je m'appelle Zangra maintenant commandantAu fort de Belonzio qui domine la plaineD'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefoisAlors je vais au bourg boire avec don PedroIl boit à mes amours et moi à ses chevaux
Je m'appelle Zangra je suis vieux colonelAu fort de Belonzio qui domine la plaineD'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefoisAlors je vais au bourg voir la veuve de Pedro
Je parle enfin d'amour mais elle de mes chevaux
Je m'appelle Zangra hier trop vieux généralJ'ai quitté Belonzio qui domine la plaineEt l'ennemi est là je ne serai pas héros
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