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L’espèce procaryotique

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Eucaryotes à reproduction sexuée : Ensemble des individus d’une population capables de se reproduire entre eux et d’engendrer une descendance fertile

+ =

Ane Jument Mulet (non fertile)

Chez les procaryotes : Pas de reproduction sexuée.

Descendance non sexuée de type verticale

L’espèce procaryotique est

définie par comparaison avec

une souche type censée

posséder les caractéristiques

typiques de l’espèce. Toutes les

souches présentant un certain

degré de ressemblance avec

la souche type appartiendront à

la même espèce.

Eucaryotes à reproduction sexuée non étudiée : ensemble d’individus présentant un haut degré de ressemblance entre eux. L’espèce définie doit être nettement séparée des autres espèces.

Souche type

L’espèce est l’unité taxonomique de base

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L’espèce procaryotique

La démarcation entre espèces bactériennes est difficile à définir et peut parfois être

arbitraire, anthropocentrique, voire fausse !

Historiquement, la plupart des espèces ont été définies en fonction de leur intérêt pour l’être

humainExemple: Espèces pathogènes définies en fonction de la maladie qu’elles confèrent (Neisseria meningitidis, Bacillus anthracis,

Mycobacterium tuberculosis…)

Pb : Cette approche ne permet pas de définir un concept de classification applicable à

l’énorme majorité des bactéries qui n’ont pas d’intérêt pour l’homme ou qui n’ont pas des

caractéristiques marquées

L’approche polyphasique de caractérisation des espèces bactériennes(milieux années 1980)

But: Délimiter, grâce à des conditions standardisées, un ensemble de souches/isolats (préférentiellement) cohérent au niveau génomique et qui partagent un fort degré de similarités sur (beaucoup) d’autres caractères.

Définition actuelle d’une espèce procaryotique

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La taxonomie polyphasiqueLa taxonomie polyphasique est une approche consensus pour classifier les procaryotes en intégrant diverses informations qui possèdent le moins de contradictions possibles:

L’espèce polyphasique

Intégration de données phénotypiques:Intégration de données phénotypiques:Ex: composition en acides gras, tests biochimiques, résistances antibiotiques, utilisation de différents

composés carbonés ou azotés…

Intégration de données phylogénétiques:Intégration de données phylogénétiques:Ex: Construction d’arbres phylogénétiques avec un ou plusieurs gènes de ménage…

Intégration de données génomiques:Intégration de données génomiques:Ex: Hybridation ADN-ADN, DNA fingerprint…

Pratiquement:Pratiquement:

Une espèce polyphasique est considérée comme un groupe de souches (incluant la

souche type) qui possèdent entre elles un certain degré de cohérence phénotypique, 97%

d’identité en 16S rRNA et 70% d’hybridation ADN-ADN

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L’approche polyphasique a l’avantage d’être applicable à tous les procaryotes, sans a priori

Elle a permis de corriger quelques erreurs de classification(fragmentation d’une espèce en plusieurs ou regroupement)

Ex: Escherichia coli et Shigella

Les études polyphasiques ont révélé que E.coli et 4 espèces de Shigella appartiennent en fait à la même espèce génomique

E. coli est une bactérie commensale du tube digestif, mais certaines souches peuvent devenir pathogènes, provoquant par exemple des gastro-entérites

Les Shigella sont des pathogènes intestinaux

La différence du caractère pathogène s’expliquerait par l’acquisition ou la perte de plasmides portant des gènes de virulence

Rq: la reclassification n’a pas été faite, car cette erreur de classification reste pratique d’un point de vue clinique et évite des confusions en microbiologie médicale

L’espèce polyphasique

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L’hybridation ADN-ADNTechnique qui reste considérée comme la pierre angulaire de la caractérisation des espèces procaryotesRepose sur la réassociation de l’ADN de 2 souches, qui est fonction de leur nombre de bases complémentaires

Fragmentation (mécanique) et marquage radioactif uniquement de l’ADN de la souche type

Dénaturation à la chaleur (ADN simple brin)

Mélange (1500X plus d’ADN de la souche à tester)

Extraction ADN

Diminution de la T° pour permettre la réassociation de l’ADN (ADN double brin)

Elimination des ADN sb (ex: nuclease S1)

Souche type Souche à tester

Statistiquement négligeable

Mesure de radioactivitéRapport de ces mesures

donne le % de réassociation

Souche type

Mesure de radioactivité

Souche type

Contrôle

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L’hybridation ADN-ADN

Autre mesure complémentaire:Au cours de la phase de réassociation, les Tm de l’homoduplexe et de l’hétéroduplexe sont

mesurés, c’est-à-dire la T° où la moitié de l’ADN est dénaturé

Tm

homoduplexehétéroduplexe

Deux souches seront considérées comme appartenant à la même espèce, si : - leur % de réassociation ADN-ADN est supérieur à 70%- Les Tm de l’homoduplexe et de l’hétéroduplexe ne diffèrent pas de plus de 5°C

Une souche caractérisée sous ces seuls critères de réassociation de génome est appelée espèce génomique (ou genospecies).Des données phénotypiques et phylogénétiques supplémentaires sont nécessaires pour caractériser une espèce.

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Les méthodes phénotypiques

Composition en acides gras, analyse des protéines totales (par SDS-page), spectre de résistances antibiotiques

Analyse du métabolisme de différents substrats (carbonés, azotés…).

Forme, flagelles, coloration Gram etc…

Exemple de résultats métaboliques utilisés pour la caractérisation d’une nouvelle espèce de bactérie

Pris individuellement, ces caractères ne sont pas pertinents pour estimer les relations taxonomiques.

Toutefois, pris dans leur ensemble, ils procurent une certaine information.

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Les méthodes phylogénétiques

La comparaison phylogénétique de l’ARNr 16S a été une véritable révolution pour la taxonomie des bactéries !

Le 16S évolue lentement, présent chez toutes les bactéries, généralement en copie unique et très peu de recombinaison

Son séquençage est facile et rapide (primers PCR universels) et permet d’avoir une idée rapide sur un isolat inconnu

Isolat inconnu Extraction ADN PCR 16S Séquençage du produit PCR

Blast et/ou comparaison phylogénétique avec souches de référence

On considère généralement que 2 isolats appartiennent à la même espèce s’ils ont au moins 97% d’identité en 16S

L’information fournie par le 16S n’est néanmoins pas suffisante à elle seule pour caractériser un isolat au niveau de l’espèce !

Le gène de l’ARNr 16S est un excellent marqueur et est le plus utilisé (de loin). Toutefois, il existe

également de nombreux autres gènes de ménage répondant aux mêmes caractéristiques et qui possèdent

selon les cas un meilleur pouvoir résolutif (recA, dnaK, atpD, gyrB, etc…).

La phylogénie du gène codant l'ARN ribosomique 16S (ARNr 16S)

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Les méthodes phylogénétiques

Méthode qui repose sur l’utilisation de la séquence de plusieurs gènes pour obtenir une meilleure information phylogénétique

Isolat inconnu Extraction ADNPCR 16S

comparaison phylogénétique avec souches de référence

PCR recA

PCR atpD

Jusqu’à 7 marqueurs différents

Concaténation des séquences

La MLST (Multi Locus Sequence Typing)

B. pseudomallei(saprophyte)

B. mallei(pathogène)

B. thailendensis(saprophyte)

76% hyb ADN-ADN 44% hyb ADN-ADN

99% identité 16S

MLSTB. pseudomallei

B. mallei

B. thailendensis

outgroup

Exemple: Avec 7 marqueurs (3399bp concaténées) regroupement de B. mallei et B. pseudomallei et définition de B. thailendensis comme une espèce à part

Rq: Marqueurs doivent être choisis sur le core génome

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Les limitations de l’espèce polyphasique

Long !

Les regroupements restent larges

En 16S: 1-2% de divergence, représentent grossièrement 50 Ma

40 Ma

Génomique comparative de génomes entièrement séquencés de souches d’une même espèce montrent que le contenu en gènes peut être très différent et que certains gènes sont présents ou absents chez les différentes souchesConcerne quelques gènes jusqu’à des fractions importantes du génome (15, voire 50%)

Techniquement difficile (hybridation ADN-ADN)

Comparaison du génome complet de 3 souches d’une même espèce

Le polymorphisme génétique de l’espèce polyphasique

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Les notions de core génome et de génome accessoire

Core génome (gènes d’ossature) :

Ces gènes peuvent varier en terme de séquence (allèles) mais sont présents chez toutes les souches

de l’espèce.

Ils correspondent souvent aux gènes de ménage et sont généralement indispensables ou utiles à

l’espèce bactérienne quelque soit ses conditions de vie

Leur transmission est majoritairement verticale

Génome accessoire (gènes d’adaptation):

Ces gènes sont présents chez certaines souches, mais pas toutes !

Ils sont utiles, voire indispensables, mais uniquement sous certaines conditions environnementales.

Ils permettent une adaptation à différentes niches écologiques.

Ils sont transmis de manière verticale, mais peuvent être facilement perdus ou acquis de manière

horizontale. Ils sont souvent portés par des éléments particuliers (mobilome), permettant leur

transfert de manière horizontale entre différentes souches, espèces, genres.

La perte ou acquisition de gènes accessoires participe essentiellement au polymorphisme

intraspécifique.

Exemple: gènes d’interactions (pathogénicité, de symbiose), de résistance (antibiotique, bactériophage,

polluants), de synthèse (antibiotique, bactériocine)…

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environnement non sélectif (en terme de rat)

Acquisition de nouveaux gènes accessoires

Perte de gènes accessoires

Core génome

Génome accessoire

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Les échanges génétiquesLes procaryotes n’ont pas de reproduction sexuée, mais échangent des gènes de manière unidirectionnelle

Chez les eucaryotes, contrairement aux procaryotes, la quasi totalité des gènes présents dans une espèce se retrouve dans les autres espèces du même genre, famille, ordre (98.8% de gènes en commun entre l’homme et le chimpanzé.

Les échanges de gènes chez les procaryotes apportent donc un brassage et une dynamique génétiques importants. C’est une force évolutive très forte!

Un transfert horizontal de gène (HGT pour Horizontal Gène Transfer) implique trois étapes successives:

1) Le transfert

2) Le maintien

3) Le succès évolutif de la bactérie ayant acquis de nouvelles séquences

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Le transfert

Les échanges génétiques

La transformation naturelle(acquisition d’ADN libre)

La conjugaison(Transfert d’ADN entre 2 cellules par contact physique)

La transduction(transfert d’ADN par l’intermédiaire d’une particule virale)

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Le maintien

Les échanges génétiques

Cas de séquences chromosomiques (transduction, transformation) : intégration se fait par

recombinaison homologue, c’est-à-dire entre séquences très proches. Aboutit généralement au

remplacement d’un allèle par un autre

A’ B’ C’ D’ E’

A B C D E

A B’ C’ D’ E

Fragment d’ADN transféré

Chromosome Chromosome recombiné

Un plasmide, un élément intégratif ou un élément transposable devront se répliquer,

s’intégrer ou se transposer pour se maintenir.

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Le succès évolutif des séquences transférées

Les échanges génétiques

Si les gènes nouvellement transférés apportent un avantage sélectif important, les organismes récepteurs vont se multiplier de façon plus efficace que les souches concurrentes.

HGT expliquent l’émergence de bactéries multirésistantes aux antibiotiques (super bug)

antibiotique1 antibiotique2

Dispersion de la résistance à un antibiotique à différentes espèces

Ex: Les gènes strAB quasiment identiques en séquence sont retrouvés chez E. coli, Salmonella, Vibrio cholerae, Corynobacterium striatum…

taxonomie Phylogénie gène transféré

Gènes transférés

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Conclusion

Le concept d’espèce tel qu’on l’entend pour les eucaryotes à reproduction sexuée, ne s’applique pas aux procaryotes asexués.

Si la notion d’espèce procaryote est sujette à débat, elle reste néanmoins primordiale pour pouvoir comprendre la biologie des procaryotes et appréhender leur évolution et leur écologie .

L’apparition de la taxonomie polyphasique, malgré des limitations, a permis de fournir un cadre pour étudier la diversité procaryotique de façon standardisée.

De plus, les transferts de gènes et la plasticité génomique importante qu’ils génèrent brouillent encore plus l’image que l’on a de l’espèce procaryote.

La différenciation actuelle du génome des bactéries en core génome et génome accessoire permet de pondérer les effets des transferts de gènes lors de la définition de l’espèce.

Le core génome permet d’obtenir information taxonomique plus fiable.L’étude du génome accessoire est intéressante pour comprendre l’écologie et l’adaptation des procaryotes

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Le concept de core génome et de génome accessoire appliqué à l’espèce … 2 chevaux

Core génome

Génome accessoire