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La compétence – approche historique et critique

UHP – IUFM – M2 parcours 2


Notion de compétence concernée: uniquement dans le cadre professionnel

Approche réflexive de l’usage professionnel de la notion…

…après une approche pratique1. Métier, classification et qualification,

compétence2. Analyse critique sur les causes, les usages et les

effets de la notion dans le monde du travail


Notion

….. au croisement de plusieurs disciplines

….. apparue dans le cadre professionnel au cours des années quatre –vingt

… en s’opposant à la notion de qualification;

Source: démarche volontariste patronale face au développement de l’automation et aux limites de la gestion par qualification.


….La multiplicité des champs concernés par la notion (cf.définition du dictionnaire culturel en langue française).

a. Etymologie - Du latin « competere »: convenir à…b. Définitions de la notion selon les champsi. Aptitude légalement reconnue à une autorité publique de

faire telle ou tel acteii. Connaissance approfondie, habileté reconnueiii. Système, code fondé par des règles eet les éléments

auxquels les règles s’appliquent, intégré par l’usager et qui lui permet de former et comprendre des phrases jamais entendu

iv. Caractère d’un tissu capable d’effectuer certaines différenciation à partir d’un inducteur

Source, Alain Rey, Dictionnaire culturel en langue française, Le Robert, vol.1 p.1715, col. 1


1. Perspective historiqueFrançoise Piotet, « Métier, classification, statut, compétence: la classification en

débat », Education et société, 2009/1, p.132-137

1.1. Les deux modèles antérieurs à la compétencea. Le « métier » (Moyen-âge-XIXe siècle)

……fondé sur un apprentissage expérientiel;…..s’inscrivant dans une corporation.Liée à une société urbaine artisanale

b. L’emploi (fin XVIIIe-fin XXe siècle)…. fondé sur la définition d’un poste;

…. s’inscrivant dans une logique contractuelle et conventionnelle (convention collective)

liée à une société industrielle


1.2. Deux formes différentes de détermination de la qualification dans la constitution d’un statut professionnel.

a. La détermination du métier comme

- Résultat d’une acquisition par l’apprentissage et l’expérience

- Appartenance à une corporation..

… ayant ses privilèges et ses normes.


b. La détermination du poste…

… comme exigeant une qualification liée à une durée et un niveau de formation;

… comme se situant dans une classification de postes et d’emploi (plus ou moins qualifié);

… s’inscrivant dans un collectif professionnel

... lié à un ensemble de convention et d’accord de branche (ou secteurs de l’industrie).


i. Contexte historique de l’émergence de la qualification:

Passage d’un premier à un second stade du capitalisme

- Premier stade: le capitalisme manifacturier, ne demandant en général pas de main d’œuvre;

- Deuxième stade: capitalisme industriel

Qualification normée par des textes juridiques et des certifications.

Deux aspects:

- Qualification d’un individu ou d’une structure pour exercer une profession (logique de l’agrément);

- Qualification d’un poste au sein d’une profession (inscription des métiers et des niveaux de qualification dans un registre de métier).

La compétence – approche historique et critiqueii. Cadre de la définition de la qualification :1. Elle est la qualification d’un poste;2. Elle envisage des qualités humaines pour réaliser des

tâches prescrites3. Ces qualités sont en relation avec le poste….

…et non en elle-mêmes.Fonction de la qualification:- Recrutement;- Organisation du travail;- Classement;- Rémunération;- Formation;- Mobilité professionnelle, etc….


iii. Définition de la notion de qualification« Nous appellerons qualification, dans un sens très large:la reconnaissance par l’employeur ou la revendication par le

salarié…de toutes les qualités de son travail qui importent pour la

production, qu’il s’agisse…- du zèle avec lequel il l’accomplit (son effort, son attention,

l’absence d’erreurs ou de fautes),- de la compétence et de l’expérience qu’il mobilise,- et même du potentiel qu’il pourra montrer (sa capacité

d’initiative et d’apprentissage) »J.D. Reynaud, « La négociation de la qualification, European Journal of

sociology,1988, cité par L. Coutrot, Coutrot, archéologie des logiques de compétences, Année sociologique, 2005/1, p. 197-230)

La compétence – approche historique et critiqueiv. Les niveaux de classification (1969) http://www.afpa.fr/?id=889

Abandon sans diplôme à la fin de la scolarité obligatoire (16 ans) V bis

Poursuite d'études pendant au moins 1 an vers un diplôme de niveau V -Personnel occupant des emplois exigeant normalement un niveau de formation équivalent à celui du Brevet d’Etudes Professionnelles (BEP) ou du Certificat d’Aptitude Professionnelle (CAP) ou par assimilation du Certificat de Formation Professionnelle des Adultes (CFP Niveau 5 – ex CFP 1er degré).

V

Personnel occupant des emplois de maîtrise ou possédant une qualification d’un niveau équivalent à celui du baccalauréat technique ou de technicien ou du brevet de technicien.

IV

Personnel occupant des emplois exigeant normalement une formation de niveau du brevet de technicien supérieur (BTS) ou du diplôme des Instituts Universitaires de Technologie (DUT) ou de fin de premier cycle de l’enseignement supérieur.

III

Personnel occupant des emplois exigeant normalement une formation de niveau égal ou supérieur à celui de la licence ou des écoles d’ingénieur.

I et II


Ordre des métiers Classement des emplois

Type de division

Division sociale du travail Division technique du travail

Statut du travail

Celui qui a appris le métier (processus long)

Celui qui met en œuvre sa force de travail

Constitution du groupe

Unification et exclusion des non titulaires, ceux qui n’ont pas appris

le métierCadre exclusif de la corporation

Inclusion de tous ceux pratiquant le métier, y compris les non-

qualifiés intégrés comme tels.Le syndicat et les conventions

remplacent la corporation

Logique d’évaluation

Evaluation par les pairs, acquisition d’une charge à partir

de cette maîtriseLogique de progression dans l’art.

Constitution d’un classement des postes en fonction d’une

hiérarchie.Logique de la carrière

Facteur historique d’évolution

Contestation par la logique du libre marché et de la concurrence

Exigence liées à l’évolution des modes de management et de

reconnaissance

Tableau, récapitulatif

D’après Françoise Piotet, art.cité.


1.3. Considération annexe: la question du statut

N.B: la notion de statut de la fonction publique ne correspond à aucun de ces deux modèles…

.. Mais peut se comprendre comme un mélange des deux.

Attribution d’un grade au sein d’une catégorie (A, B, C);

Intégration dans un corps (structuré en échelon enfonction de conventions collectives);

Attribution d’un emploi;


Spécificité des relations supérieurs subordonnés

- Ils agissent pour une cause commune et l’unn’est pas au service de l’autre;

- Le traitement est la contrepartie del’engagement et non de l’appréciation de lavaleur marchande du travail;

- La garantie d’emploi est liée au principe decontinuité du service public.


2. La « logique compétence » actuelle2.1. La définition de la compétence dans le cadre

des nouvelles logiques patronales- A la différence de la logique de la qualification, la

logique compétence trouve ses origines dans le patronat;

- A la différence de la qualification qui part des exigences du poste, la compétence vient qualifier le professionnel en le dissociant du poste occupé.

Mais problème: multiplicité de définition de la notion de compétence, liée à….

La compétence – approche historique et critique… Aux enjeux de la notion dans le champ professionnel

Acte de définition de la compétence: il engage ensuite un certainnombre de pratiques.

a. Niveau général: définition du medef

Définition: « La compétence est une combinaison de connaissances,savoir-faire, expériences et comportements s’exerçant dans uncontexte précis.

Condition de perception: « Elle se constate lors de sa mise en œuvreen situation professionnelle à partir de laquelle elle est validable ».

Conséquence: « C’est donc à l’entreprise qu’il appartient de la repérer,de l’évaluer, de la valider et de la faire évoluer »

http://objectif-competences.medef.fr/ (non disponible), cité par L. Coutrot, « archéologie des logiques de compétences », Année sociologique, 2005/1, p.

197-230

http://objectif-competences.medef.fr/




b. Niveau spécifique

La démarche de compétence implique une définition communede la compétence, qui est censée indiquer une philosophie.

Direction Régionale Ile-de-France Est de France Télécom(septembre 2000)

« Afin « d'asseoir » notre politique régionale de managementdes compétences et avant tout développement ou mise enoeuvre, il est primordial de partager une définition communede « la compétence ».

Cité par Philippe Zarifian, Le modèle de la compétence, Liaisons, 2002, chapitre V, « application de la démarche compétence : bilan

d’expérience», p. 98

La compétence – approche historique et critique- « action » et « situation professionnelle »pour que « la »

compétence puisse s'exprimer, se mobiliser, s’acquérir, se développer, être évaluée et reconnue ;

- « mise en action » (ou « mise sous contrainte ») sous la responsabilité du manager qui se doit de permettre, de prévoir, de provoquer et reconnaître les actions et situations adaptées pour mobiliser et développer les compétences de ses collaborateurs ;

- implication et engagement de la personne, comme acteur de son développement de compétences;

- combinaison par l'individu d'un certain nombre de ressources, pour développer la bonne compétence, apporter la bonne réponse et faire face aux imprévus et aléas rencontrés dans une situation de travail précise » (Idem).


c. Les problème posés quant à la définition de la compétence:

- Importance de la notion de situation et d’adaptation à la situation;

- Importance de la dimension d’une mise en œuvre effective;

- Pluralité des compétences en fonction des situations….

… d’où l’impossibilité d’une définition et d’une décomposition unique


c. Les structurations de la compétences

i. Classement classique de la notion de compétence

les compétences conceptuelles (analyser, comprendre, agir de manière systémique)

les compétences techniques (méthodes, processus, procédures, techniques d'une spécialité)

les compétences humaines (dans les relations intra et interpersonnelles).

Références Robert KATZ, Skills of an effective administrator, Harvard Business Review, Vol. 51, 1974. cité dans

« Pour aller plus loin sur la notion de compétences »

http://www.educnet.education.fr/bd/competice/superieur/competice/boite/pdf/t1.pdf




ii. Définition de Guy le Boterf "La compétence est la mobilisation ou l'activation de plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte données".

savoirs théoriques (savoir comprendre, savoir interpréter),

savoirs procéduraux (savoir comment procéder),

savoir-faire procéduraux (savoir procéder, savoir opérer),

savoir-faire expérientiels (savoir y faire, savoir se conduire),

savoir-faire sociaux (savoir se comporter, savoir se conduire),

savoir-faire cognitifs (savoir traiter de l'information, savoir raisonner, savoir nommer ce que l'on fait, savoir apprendre).


d. Conséquence de la définition:- Rupture avec la formation initiale;

… distinction entre la compétence professionnelle en lien avec telle entreprise et la formation

initiale.- Importance fondamentale de la notion de

responsabilité… management = délégation de responsabilité

- Importance de la dimension personnelle… d’où une redéfinition des frontières

personnel/professionnel.


Conséquence sur la définition des qualificationssavoirs Aptitudes compétences

Modes dedescription descompétences

Savoirs décrits comme théoriques ou factuels.

Aptitudes décrites comme cognitives (utilisation de la pensée logique, intuitive et créative) et pratiques (fondées sur la dextérité ainsi que sur l’utilisation de méthodes, de matériels, d’outils et d’instruments)

Décrites en terme de prise de responsabilité et d’autonomie.

Niveau 1 (Acquis de l’’apprentissagecorrespondant au niveau 1)

savoirs généraux de base

aptitudes de base pour effectuer destâches simples

travailler ou étudier sous supervision directe dans un cadre structuré

Niveau 2 (Acquis de l’apprentissagecorrespondant au niveau 2 )

Savoirs factuels de base dans un domaine detravail ou d’études

aptitudes cognitives et pratiques de base requises pour utiliser des informations utiles afin d’effectuer des tâches et de résoudre desproblèmes courants à l’aide de règles et d’outils simples

travailler ou étudier sous supervisionavec un certain degré d’autonomie

D’après: http://ec.europa.eu/education/policies/educ/eqf/com_2006_0479_fr.pdf


Conséquence sur la définition des qualifications (suitesavoirs Aptitudes compétences

Niveau 8 (Acquis de l’apprentissagecorrespondant au niveau 8 )

savoirs à la frontière la plus avancée d’un domaine de travail ou d’études et à l’interface de plusieurs domaines

aptitudes et techniques les plus avancées et les plus spécialisées et maîtrise des techniques liées, y compris en matière de synthèse et d’évaluation, pour résoudre des problèmes critiques de recherche et/ou d’innovation et pour étendre et redéfinir des savoirs existants ou des pratiques professionnelles

démontrer un niveau élevé d’autorité, d’innovation, d’autonomie, d’intégrité scientifique ou professionnelle et un engagement soutenu vis-à-vis de la production denouvelles idées ou de nouveaux processus dans un domaine d’avant-garde de travail ou d’études, ycompris en matière de recherche

D’après: http://ec.europa.eu/education/policies/educ/eqf/com_2006_0479_fr.pdf


2.2. L’idée de « logique compétence » dans le monde du travail et le management.

Logique de compétences:

« les effets induits par l’utilisation de la notion de compétences dans l’entreprise, en matière

d’organisation,

de management et

gestion de ressources humaines »

(Medef).


a. Les paramètres de gestion induits.

i. Manager les compétences - d'anticiper et identifier nos besoins en compétences

clés;

- connaître nos compétences actuelles individuelles et collective ;

- évaluer nos carences de compétences ;

- Identifier les potentiels existants et les capacités d’évolution.

- Maîtrise, piloter les compétences.


ii. Rendre autonome les managers

- une logique individuelle en s'attachant au pilotage et à l'évaluation personnalisés

- une logique collective en pilotant leurs activités et leur organisation par l'articulation, la complémentarité voire la redondance des compétences de leur équipe, dans un souci de performance en lien avec la stratégie.


iii. Rendre chaque salarié actif dans le développement de ses compétences.

- Se situer par rapport à ses propres compétences

- agir sur le développement de son capital compétence

iv. Proximité, personnalisation et souplesse

Nécessité d’un lien avec les objectifs généraux de l’entreprise.


2.3. Lien entre différentes sphères d’usage de la compétence entre- domaine scolaire- domaine de la recherche d’emploi- qualification professionnelle (évaluation, classement)

Compétences scolaires

définissant un objectif

d’apprentissage

Compétences

générales élaborées

pour le recrutement

Compétences

professionnelles

spécifiques à une

entreprise

Définition d’objectif

d’apprentissage et de

critères communs de

certification

Définition de compétences

individuelles transversales

en lien avec exigences

professionnelles

Définition individuelle

ayant pour enjeu le

rôle, le revenu, la FC


3. Approche critique3.1. Ambiguïté et ambivalence de la dimension de la

compétence- L’individualisation est-elle la reconnaissance de la

personne ou la dissolution du groupe;- La proximité de l’évaluation est-elle une humanisation ou

l’arbitraire;- L’appel à l’autonomie est-elle une liberté ou au contraire

une forme plus radicale de soumission à l’entreprise- Le dépassement des cadres officiels de qualification est-il

un facteur de reconnaissance où une forme d’exploitation et de dépossession de sa propre sphère privée.


3.2. La notion de compétences est liée à une évolution

a. Du management

b. Des mentalités (développement de l’individualisme et récupération dans un cadre managerial.

Ce que L. Boltanski et L. Thévenot appellent le…

« … nouvel esprit du capitalisme »


3.3. Elle repose sur un certain nombre de processus psychiques…..

a. Processus d’internalisationLa « servitude libérale », résultant de l’appel à la

responsabilité individuelle et à l’autonomieb. Processus de métamorphose perpétuelle et d’auto-

exploitation….absence croissante de lien avec la formationinitiale;… exigence de transformation au nom de ladynamique et en lien avec la compétence considéréecomme capital à faire fructifier.


3.4.. … pouvant être à la source d’un certain nombre de pathologies individuelles et collectives.

a. La « fatigue d’être soi » (Alain Ehrenberg)…

….liée à une exigence croissante reposant sur l’individu;

… un appel à l’autonomie

….une dissolution des front

b. Une dissolution des frontières du public et du privé.

c. La dissolution de certaines structures collectives…

…avec l’individualisation du travail

…et de l’évaluation par les résultats