2120
Ces dix dernières années, unecertaine unanimité s’estcréée sur la nature des chan-
gements requis pour rendre possibleun meilleur apprentissage. Choseplus importante encore, il ne s’agitpas d’idées théoriques discutéesdans des études académiques oudans des conférences internationa-les, mais de méthodes appliquéesdans le monde entier, tantôt dans desprojets pilotes, tantôt à l’échelon detout un pays. Les succès qui enrésultent ne constituent pas des évé-nements isolés qu’il est impossiblede reproduire dans d’autres contex-tes ou d’autres cultures. Ils sont aucontraire la preuve tangible que la«révolution de l’éducation» est enmarche, que ses principes sont deplus en plus largement compris etacceptés, et ses éléments clefs incor-porés dans diverses configurationspartout dans le monde.
L’accès à un enseignement dequalité est un élément directeur decette révolution, tout comme laConvention relative aux droits del’enfant, dont l’article 28 reconnaîtle droit de tout enfant à l’éducation,sans discrimination aucune. LaConvention fournit également uncadre pour évaluer la qualité de cetteéducation. Des enfants entassésdans une classe surchargée, répétant
La révolution de l’éducation
sans les comprendre les paroles dumaître, ne satisfont évidemment pasleurs besoins d’apprentissage et dedéveloppement. L’article 29 de laConvention oriente donc vers unmodèle d’enseignement et d’ap-prentissage plus centré sur l’enfant,qui lui permet de participer active-ment, de penser et de résoudre desproblèmes, et d’acquérir ainsi laconfiance en soi dont il aura besoinsa vie durant pour continuer à s’ins-truire et prendre des décisions1.
Une vision de la qualité de l’édu-cation guidée par la Convention nese confine pas à des plans de leçonsdressés par l’enseignant ou à unéquipement scolaire satisfaisant.Elle va bien au-delà, et touche àl’égalité entre garçons et filles; à lasanté et la nutrition; à la participa-tion parentale et communautaire; àla gestion du système éducatif lui-même. Elle influence tous lesdomaines du développement hu-main, en améliorant la condition desfemmes dans la société et en allé-geant les effets de la pauvreté.
La révolution de l’éducationmodifie tout le système éducatif.Sous son impulsion, les écoles doi-vent devenir des zones de créativité,de sécurité et de stimulation pour lesenfants, dotées d’eau potable et d’unassainissement adéquat, d’ensei-gnants motivés et d’un programmed’études pertinent, où les enfantssont respectés et apprennent à res-pecter les autres. Les écoles etautres lieux d’apprentissage doiventaussi offrir aux jeunes enfants dans
UNIC
EF/9
3-11
97/A
ndre
w
Jusqu’à 60% des nouveaux cas d’infection àVIH en Afrique subsaharienne peuvent survenir
chez des jeunes de 10 à 24 ans. Ces écoliers duMalawi regardent un spectacle sur la préven-tion du SIDA.
La Convention relative auxdroits de l’enfant orientevers un modèled’enseignement plus centrésur l’enfant, qui lui permetde participer activement, depenser et de résoudre desproblèmes par lui-même.
2322
méthodes d’enseignement tenantcompte de facteurs tels que le sexede l’élève, la langue et la culture, lesinégalités économiques et les inca-pacités physiques et mentales, etpermettant aux enfants d’affronterces facteurs de manière positive.Les enfants et les sociétés ont besoinde systèmes d’apprentissage quirépondent aussi bien à leurs besoinslocaux qu’aux défis de la mondiali-sation. De tels systèmes se caractéri-sent par la priorité accordée auxdroits de la personne et à la trans-mission de connaissances et d’apti-tudes qui aident chaque individu àréaliser son potentiel et à agir pourle bien de la société, contribuantainsi à réduire, voire à éliminer pro-gressivement la pauvreté.
Dans cette définition plus largede l’apprentissage auquel toutenfant a droit, la Conférence deJomtien a donné un nouveau reliefaux «compétences essentielles».Leur définition évolue pour englo-ber des compétences psychosocialesde coopération, de négociation et decommunication, de prise de déci-sions, et une pensée critique et créa-tive préparant aux défis de la viemoderne. C’est une éducation auxvaleurs et au comportement ensociété.
Les compétences essentiellessont celles dont les enfants ont be-soin pour faire face à tout l’éventaildes problèmes liés à leur survie et àleur bien-être, y compris desconnaissances sur la santé, la nutri-tion et l’hygiène. Une bonne base deces compétences essentielles prépa-rera les enfants à s’adapter d’unefaçon pratique et efficace aux indi-vidus et aux situations rencontrésdans la vie quotidienne, à adminis-trer leurs finances, à agir sur ladynamique sociale et familiale, àapprécier leurs propres droits tout enrespectant ceux des autres.
Si les compétences essentiellesont une place importante dans l’édu-cation de la petite enfance et dansles écoles primaires, où l’accent estmis sur les compétences généralesde survie plutôt que sur les aptitudes
théoriques, elles sont plus vitalesencore à l’adolescence quand lesrisques d’exploitation au travail, decontamination par le VIH/SIDA etde grossesse précoce s’accroissent,exigeant des jeunes qu’ils fassentdes choix de comportement tou-jours plus complexes et difficiles.La prolifération inquiétante desguerres civiles dans le monde endéveloppement pose un défi formi-dable. Une formation aux techni-ques de résolution des conflits faitdésormais partie des programmesscolaires de pays ayant récemmentété soumis à la violence, comme laColombie, la Sierra Leone et SriLanka.
Mesurer les acquisscolaires
Si le succès de l’éducation doit semesurer à l’aune de ce que lesenfants apprennent et de la manièredont ils l’apprennent, il faut trouverde meilleurs moyens d’en apprécierla pertinence et la qualité. Il fautavant tout se demander jusqu’à quelpoint les systèmes éducatifs répon-dent aux droits à l’éducation deleurs plus jeunes citoyens, prenantpour mesure les acquis scolaires.Cette information peut être utiliséepour ajuster les politiques, intro-duire des normes réalistes, aider àdiriger les efforts des enseignants,promouvoir des responsabilités clai-res et accroître la sensibilisation etle soutien du public à l’éducation4.
Malheureusement, la plupart desmécanismes en place testent lesconnaissances des enfants dans lecadre d’un processus de sélection,au lieu de s’assurer que les élèvesont eu une possibilité suffisanted’apprendre à lire, écrire et compter,ainsi que d’acquérir les compéten-ces et les valeurs essentielles dontils auront besoin tout au long de leurvie. On a constaté néanmoins desefforts intéressants. A ce jour, leprojet de suivi permanent des acquisscolaires, mis en œuvre conjointe-ment par l’UNESCO et l’UNICEF,représente l’une des tentatives les
les premières années du primaireune expérience enrichissante quifacilite leur transition vers des sys-tèmes trop rarement conçus pourépanouir leur personnalité. Les élé-ments de cette révolution ont déjàcommencé à transformer des écolesdans le monde entier.
Elément 1. Apprendrepour la vie
Aller à l’école et la quitter sansêtre réellement préparé à la vie estun terrible gaspillage. C’est pourtantle lot de beaucoup trop d’enfantsaujourd’hui.
Partout dans le monde, des édu-cateurs ont récemment commencé às’intéresser à la faille entre ce qui estenseigné et ce qui est appris, et auxnombreux enfants pris dans cetabîme. Une enquête menée par laBanque mondiale au Bangladesh arévélé que, des élèves ayant accom-pli cinq années d’études primaires,quatre sur cinq n’atteignaient pas unniveau minimum d’acquis scolaires,alors que ceux qui avaient fait troisannées d’école obtenaient environzéro sur le même barème d’évalua-tion, pourtant modeste2. Le droit deces enfants à l’éducation n’est pasréalisé.
Les enquêtes de ce type évaluenthabituellement les acquis élémen-taires en alphabétisme et arithméti-que – lecture, écriture, expressionorale, écoute et calcul – qui sontbien sûr des outils essentiels pour lapoursuite de l’apprentissage, maiselles n’essaient même pas de mesu-rer le succès de l’enseignement auxenfants des compétences requisespour survivre, pour mener une exis-tence digne et pour faire face auxchangements rapides et constantsqui caractérisent la vie moderne.
L’enseignement pour la vie auXXI e siècle, c’est donner aux enfantsles notions élémentaires de lecture,écriture et calcul, mais c’est aussiles doter de compétences plus avan-cées et plus complexes pouvant ser-vir de fondement à la vie – qui leurpermettent en particulier de s’adap-
ter à l’évolution des circonstances.L’absence ou l’insuffisance del’éducation de base peut gravementcompromettre la capacité d’appren-dre sa vie durant, et accentuer ledécalage entre ceux qui sont à mêmede profiter de ces occasions et ceuxqui ne le sont pas.
Dans cette approche de l’appren-tissage, les enseignants et les élèvesdoivent modifier leurs relations afinque l’expérience vécue en salle declasse – le processus même d’ap-prentissage – soit une préparation àla vie. Les principes de la Conven-tion relative aux droits de l’enfant lemontrent clairement: l’enseigne-ment doit être un processus quiguide et facilite, qui encourage lesenfants à penser par eux-mêmes, quileur apprend à apprendre. La classedoit être un environnement démo-cratique.
Le milieu d’apprentissage doitaussi évoluer, devenir actif, s’axersur l’enfant en tenant compte de sonniveau de développement et de sescapacités. Il doit permettre aux élè-ves d’exprimer leurs idées, leurspensées et leurs opinions, favoriserles moments joyeux et les occasionsde jeu, mettre les enfants à l’aiseavec eux-mêmes et avec les autres.Enfin, il doit les traiter avec respect.Dans ce type d’environnement, lesenfants acquièrent le sentiment deleur valeur qui, s’il s’accompagnede connaissances, de compétenceset de valeurs de base, leur donnerales moyens de faire des choix bieninformés tout au long de leur vie.
L’environnement physique est luiaussi important. Il aide les enfants àse sentir à la fois en sécurité et sti-mulés. Les bâtiments et le mobilierdoivent être adaptés aux élèves.Trop d’écoliers se perchent sur despupitres trop hauts pour leurs petitscorps, dans des salles où fenêtres etportes sont conçues par des adultespour des adultes3.
L’approche globale de l’appren-tissage pour la vie doit favoriserl’intégration des individus aumonde du travail et à la société. Elleexige un programme d’études et des
L’enseignement pour la vieau XXIe siècle, c’est donneraux enfants les notionsélémentaires de lecture,d’écriture et de calcul, maisc’est aussi les doter decompétences plus complexespouvant servir de fondementà la vie.
Les systèmes d’apprentissage novateurs qui
répondent aux besoins locaux et aux défis de lamondialisation ont le potentiel d’alléger, etmême d’éliminer, la pauvreté. Une fillette en
Inde.
UNIC
EF/9
6-11
41/V
aucl
air
2524
Les enfants ont-ils compris?Le projet de suivi des acquis scolaires
24
Lorsque l’on évalue les forces et
les faiblesses des différents
systèmes de l’éducation, on
retrouve certaines constatations
remarquablement cohérentes quel
que soit le pays. Ainsi, les écoliers des
zones urbaines obtiennent de meil-
leurs résultats que leurs camarades
ruraux; les filles ont de meilleures
notes que les garçons dans les pre-
mières années, mais deviennent pro-
gressivement moins performantes en
raison de divers facteurs culturels et
socio-économiques; enfin, les élèves
des écoles privées surclassent géné-
ralement ceux des écoles publiques.
Ces caractéristiques générales res-
sortent d’un projet de suivi perma-
nent des acquis scolaires, lancé par
l’UNESCO en collaboration avec
l’UNICEF en septembre 1992. Depuis
une phase initiale menée dans cinq
pays (Chine, Jordanie, Mali, Maroc et
Maurice), ce projet a été développé
jusqu’à son état actuel, où il couvre
27 pays à trois différents stades de
mise en œuvre.
Son objectif est d’aider les pays à
évaluer «les compétences minimales
en apprentissage de base» – en
d’autres termes, des niveaux accepta-
bles d’acquis en lecture, écriture, calcul
et compétences essentielles – par une
approche centrée sur l’enfant. A partir
d’une analyse des données recueillies,
les pays sont alors capables:
υ d’identifier les facteurs favorisant
ou entravant les acquis de l’ap-
prentissage dans les écoles pri-
maires;
υ de comprendre le rôle des acteurs
clefs;
υ d’analyser les domaines posant
problème;
υ de proposer des changements des
politiques et des mesures prati-
ques pour améliorer la qualité de
l’éducation.
C’est ainsi qu’à Sri Lanka est appa-
rue la nécessité d’améliorer les prati-
ques pédagogiques dans les écoles
primaires; qu’au Nigéria le besoin le
plus urgent est de garantir un ensei-
gnement et un apprentissage effica-
ces de l’anglais dans les écoles pri-
maires; qu’au Mozambique la priorité
est de développer la pensée critique
des enfants et leur aptitude à
résoudre les problèmes.
En Chine, par exemple, les enfants
ont montré qu’ils acquéraient une
compréhension satisfaisante de la
lecture, de l’écriture et des mathéma-
tiques. Mais leurs résultats au regard
des compétences essentielles étaient
nettement inférieurs, ce qui a conduit
à recommander «d’insister davan-
tage dans le processus d’enseigne-
ment-apprentissage en Chine sur les
techniques de résolution des problè-
mes et la capacité d’appliquer les
connaissances aux problèmes de la
vie réelle».
Si le projet a les mêmes objectifs
généraux, chaque gouvernement éla-
bore son propre système de suivi. Il
est essentiel que chaque pays défi-
nisse son approche spécifique, puis-
que les conditions sont si différentes
d’une nation à l’autre. Pour que le
suivi ait un sens, il doit tenir compte
non seulement des différences loca-
les, mais aussi du type d’école, de sa
situation, de la manière d’organiser
les classes, etc. Des questionnaires
donnés à remplir aux élèves, aux
parents, à l’instituteur et au chef
d’établissement permettent de bros-
ser un tableau aussi complet que pos-
sible du milieu où se déroule l’ap-
prentissage de l’enfant, tant à l’école
qu’à la maison.
Le projet examine trois grands do-
maines: santé, hygiène, nutrition; vie
quotidienne; et milieu social et natu-
rel. L’évaluation varie d’un pays à
l’autre. Là encore, certaines des com-
pétences évaluées dans ces domai-
nes sont communes à tous, alors que
d’autres sont spécifiques à un pays.
Les cinq pays ayant participé à la pre-
mière phase du projet voulaient, par
exemple, que les enfants soient capa-
bles de reconnaître les symptômes
des principales maladies de l’en-
fance. La Jordanie souhaitait que les
enfants connaissent aussi les effets
nocifs du café et du thé.
Les pays qui ont rejoint le projet
plus tardivement ont bénéficié de
l’expérience des cinq pionniers, ce
qui leur a permis de mettre en place
leurs structures de suivi plus rapide-
ment. L’échange d’informations entre
pays participants a également permis
la mise en place d’un système spécifi-
que de «mentors»: ainsi, la Chine,
appartenant au groupe initial, a servi
de guide à Sri Lanka, tout comme la
Jordanie a aidé Oman.
Dans tous les cas, un meilleur
suivi des acquis scolaires aide les
gouvernements à éviter certains piè-
ges et à privilégier certaines
méthodes sur le chemin vers l’édu-
cation pour tous.
Encadré 2
plus complètes de concevoir uncadre international de mesure desrésultats en dépassant la priorité tra-ditionnellement accordée aux résul-tats des examens ou aux taux de sco-larisation5 (voir encadré 2).
Ce projet n’est pas isolé. D’autresinitiatives tentent de répondre à lamême question. En Inde, le projetsur les niveaux minimaux d’appren-tissage jette un nouveau regard surles compétences qui peuvent et doi-vent être mesurées à l’école et endehors6. Au Bangladesh, le projetABC (évaluation des compétencesde base) utilise sensiblement lesmêmes techniques que les enquêtessur la vaccination pour analyserl’aptitude des enfants de 11 et 12 ansà lire et comprendre un texte, écrireune lettre simple, résoudre des pro-blèmes de calcul mental et appliquerdes compétences essentielles. Leprojet a démontré qu’il est possiblede recueillir des données significati-ves au niveau local pour un coût trèsmodéré. Les résultats ont prouvéque le niveau des acquis était lamen-tablement faible – 29% seulementde l’ensemble des enfants et 46%des enfants ayant suivi cinq annéesd’école satisfaisaient aux critèresd’éducation de base7.
On a de plus en plus tendance,dans le monde entier, à remplacerles classements numériques par unedescription des acquis, comme dansles profils que les enseignants éta-blissent sur le travail des enfants auxEtats-Unis et les nouveaux typesd’examens de fin d’études adoptésen Slovénie. Dans les programmesd’études fondés sur les résultats, uti-lisés en Afrique du Sud, en Austra-lie, en Inde et en Italie, les objectifsde l’apprentissage sont définis sansambiguïté et compris dès le débutpar les élèves comme par les ensei-gnants. Ces derniers observent alorsleurs élèves et déterminent dansquelle mesure ceux-ci montrentqu’ils ont saisi – verbalement, parécrit ou dans la pratique – les buts del’apprentissage.
Ces évolutions sont fondées surla conviction commune qu’il faut se
concentrer sur ce que les enfantsapprennent réellement, et se servirdes évaluations pour développer untype d’enseignement facilitant leprocessus d’apprentissage (voirencadré 3).
Ce concept des acquis scolairesa des conséquences sur le planéconomique aussi bien qu’éduca-tif. Si l’on arrive à réduire lesredoublements et les abandons –autant d’indicateurs de l’ineffica-cité et de la qualité médiocre del’enseignement – on pourra fairebeaucoup plus avec les maigresressources disponibles.
Une enquête sur l’éducationen Amérique latine dans les an-nées 80 a montré qu’il fallait, enmoyenne, 1,7 année à un enfantpour passer dans la classe supé-rieure et que, chaque année, 32 mil-lions d’élèves de l’enseignementprimaire et secondaire redoublaientleur classe, soit un gaspillage an-nuel de 5,2 milliards de dollars8.D’après une publication de la Ban-que mondiale, les pays à faiblerevenu gagneraient, en moyenne,l’équivalent de quatre années deressources pour produire un di-plômé de l’école primaire s’il n’yavait ni redoublements ni abandonsen cours de route9.
Pourtant, dans de nombreux pays,enseignants, décideurs et élèvescontinuent à accepter comme chosenaturelle et inévitable que lesenfants redoublent parce qu’ils ont«échoué», ce qui contribue à créerun cercle vicieux: espérances rédui-tes, complexe d’infériorité, nouveléchec. Le redoublement en vientmême à être considéré comme lapreuve d’un niveau d’enseignementélevé, alors que c’est probablementl’inverse10.
Certains pays ont expérimenté lepassage automatique en annéesupérieure – ce qui est la normedans la plus grande partie dumonde anglophone. Ainsi, leMyanmar, confronté à une gravecrise de l’éducation, a remplacé lesexamens de fin d’année par une éva-luation permanente des acquis des
UNIC
EF/9
3-17
04/L
emoy
ne
Une étude a montré que les enfants chinois
acquéraient une compréhension satisfaisantede la lecture, de l’écriture et de l’arithmétique,
mais qu’il fallait insister davantage sur l’appli-cation des connaissances aux problèmes de lavie réelle.
2726
élèves. Les compétences en ensei-gnement et gestion sont égalementrelevées. Dans le cadre du projet«Tous les enfants à l’école», les éta-blissements scolaires reçoivent sousforme de tableaux noirs, installa-tions sanitaires et coffrets pédagogi-ques des «primes» qui sont subor-données à la réalisation d’objectifsannuels: une augmentation de 10%des taux d’inscription, d’assiduité etd’achèvement des cycles d’études,par rapport aux taux de l’année pré-cédente, mesurés par les membresde la communauté. En conséquence,pendant trois années scolairesconsécutives, de 1994 à 1997, entre65% et 70% des écoles du projet ontatteint leurs objectifs annuels et reçudes matériaux pour aménager ouagrandir les bâtiments scolaires11.
Santé et éducation
La santé et une nutrition adéquatesont des conditions essentielles del’apprentissage tout au long de lavie. Or, dans la plupart des pays endéveloppement, les enfants sontsouvent sujets à des épisodes d’in-fections respiratoires et de diarrhéequi peuvent compromettre leur sco-larité. Même dans l’Etat de Califor-nie (Etats-Unis), où les normesappliquées à l’eau et à l’assainisse-ment dépassent de loin celles despays en développement, les mala-dies gastro-intestinales représententenviron un quart de toutes les jour-nées d’école perdues12. Les enfantsd’âge scolaire dans le monde endéveloppement connaissent d’autresgraves problèmes de santé, commele paludisme, les vers parasites, lestroubles dus à une carence en iode etla malnutrition. Ces risques sanitai-res n’entraînent pas seulement l’ab-sentéisme, avec pour conséquencede mauvais résultats scolaires et desredoublements, mais ils peuventcompromettre à jamais la facultéd’apprendre.
«Il existe un lien étroit entre lasanté des enfants et leurs résultatsscolaires», affirme le ProfesseurHussein Kamel Bahaa El-Din,
Ministre de l’éducation de l’Egypte,pédiatre lui-même. «Ce lien entre lasanté et l’éducation constitue un défide première grandeur pour les res-ponsables de l’éducation, les plani-ficateurs et les décideurs. Il fauttrouver des interventions rapides etdes mesures préventives sérieuses.En Egypte, nous croyons fermementque l’éducation est le véhicule de lamédecine préventive, qui est lamédecine de demain et celle du plusgrand nombre – ce qui est une ten-dance parfaitement démocrati-que13.»
L’Egypte a lancé un ensemble deréformes destiné à faire des écolesdes endroits sains, et qui favorisentla santé. Cet ensemble comprendnotamment:◆ des examens médicaux réguliers
pour tous les écoliers;◆ un programme de nutrition sco-
laire, avec une aide spéciale pourles zones rurales;
◆ une assurance-maladie gratuitepour les écoliers;
◆ l’introduction de messages desanté et de nutrition dans le pro-gramme d’études;
◆ des programmes d’enfant-à-enfant pour promouvoir la santédans la communauté14.Les efforts de l’Egypte en faveur
d’écoles plus saines et d’écoliers enmeilleure santé ont abouti à éleverles taux et abaisser l’âge de la scola-risation, diminuer l’absentéisme etles abandons, et ont amélioré lesrésultats scolaires. La recherchemontre également qu’en améliorantla santé des élèves on a réduit latransmission des maladies dans lacommunauté15: les enfants se sonten effet montrés des promoteursparticulièrement efficaces, diffusantles messages de santé à leurs frèreset sœurs, amis, parents et autresadultes16.
Ces constatations ont incité l’Or-ganisation mondiale de la Santé(OMS) à lancer en 1995 l’Initiativemondiale de la santé à l’école. LaBanque mondiale s’est égalementdéclarée disposée à investir dans lesprogrammes de santé scolaire, qui
Tunisie: un apprentissage fondésur les compétences
26
Encadré 3
Une mosquée blanche, au bord
de la route, avec un nid de
cigognes sur le minaret. En
bas, deux enfants attachent les ânes
qui les ont amenés à l’école, dans le
paisible village de Mahjouba, au
nord-ouest de la Tunisie. La cour de
l’école bruisse du chant des oiseaux
nichés dans les amandiers et les abri-
cotiers qui ombragent un potager et
des cabanes à lapins. Sur la droite,
cinq salles de classe aux murs déco-
rés de vastes fresques peintes par les
enfants. Sur la gauche, une grande
salle polyvalente abrite une bibliothè-
que scolaire et les différentes activi-
tés extrascolaires – une pièce fonda-
mentale dans une école où les élèves
doivent utiliser les salles de classe à
tour de rôle.
L’école de Mahjouba est un exem-
ple type du projet intégré de dévelop-
pement scolaire lancé en 1992 dans le
gouvernorat d’El Kef, à la frontière
algérienne. Plus de 40% des habitants
de la région sont analphabètes et plus
de 10% vivent dans la pauvreté abso-
lue. Le projet visait d’abord à renfor-
cer les résultats de 30 écoles rurales
d’El Kef en améliorant les méthodes
d’enseignement, tout en développant
l’infrastructure (construction de murs
d’enceinte et de pièces polyvalentes,
par exemple), en fournissant de l’eau
potable et en plantant des potagers
ou des vergers pour donner aux élè-
ves des occasions d’apprentissage.
Les méthodes expérimentées par
Mahjouba et d’autres écoles d’El Kef
ont donné de si bons résultats qu’el-
les ont été introduites dans 475 écoles
primaires de tout le pays.
Ce projet, conçu par un comité di-
recteur national d’experts de l’UNICEF
et du ministère de l’Education, est ap-
pelé «enseignement axé sur les com-
pétences». Cette expression désigne
un système visant les aptitudes ou
«compétences» que les enfants
devraient pouvoir acquérir et sur les-
quelles sont fondés l’enseignement,
le rattrapage et l’évaluation. Les
enseignants effectuent des contrôles
réguliers afin de déterminer quelles
compétences ont été acquises par les
enfants et quels domaines nécessi-
tent une attention particulière de leur
part.
Dans de nombreuses régions du
monde, l’enseignement repose sur
des postulats et, trop souvent, le
manque de compréhension et de
préparation ne se manifeste que lors
des examens de fin d’année; beau-
coup d’élèves doivent redoubler
parce que leurs problèmes n’ont pas
été reconnus assez tôt. Les résultats
d’El Kef sont encore préliminaires,
mais néanmoins encourageants: le
taux de passage à la fin de la sixième
année est monté de 46% en 1991 à
62% en 1997.
Des réponses inattendues qui
auraient autrefois valu à l’élève un
coup de règle sur les doigts sont
maintenant considérées par les ensei-
gnants comme une étape normale du
processus d’apprentissage, ces mau-
vaises réponses pouvant même être
utilisées pour évaluer les résultats de
l’enseignement.
Samir Elaïd, qui enseigne à l’école
de Mahjouba depuis 1987, est catégo-
rique. Les résultats scolaires sont là
pour prouver le bien-fondé du sys-
tème: il y a trois ans, 10 des 30 élèves
de sa classe de troisième année
avaient dû redoubler, contre 4 seule-
ment en 1998.
Abdallah Melki, principal de
l’école, est un autre converti. Au
début, cet homme de 50 ans au
visage souriant nourrissait une cer-
taine méfiance à l’égard des nouvel-
les méthodes, mais il est maintenant
convaincu de leur efficacité, particu-
lièrement pour les élèves en diffi-
culté. Son seul regret est que l’appro-
che fondée sur les compétences se
soit jusqu’à présent limitée à trois dis-
ciplines: l’arabe, le français et les
mathématiques, et à partir de l’année
scolaire 1998-99, les sciences.
L’école de Mahjouba a également
été une pionnière pour trois autres
innovations. Dans la première, les
élèves concluent avec l’enseignant un
contrat sur le travail à accomplir pen-
dant un laps de temps donné: par
exemple deux pages d’orthographe
et une de mathématiques pour la pro-
chaine semaine. Les enseignants d’El
Kef ont constaté que ce pacte aidait
les enfants à se sentir plus responsa-
bles de leur propre apprentissage.
La deuxième innovation consiste à
diviser la classe en groupes de trois
ou quatre enfants. Les élèves tra-
vaillent individuellement sur la même
tâche, puis ils parlent de leurs résul-
tats et présentent une réponse com-
mune. Dans une légère variante de ce
système, les groupes sont composés
d’élèves de différents niveaux qui tra-
vaillent ensemble et s’entraident.
La troisième nouveauté est la pra-
tique du «tutorat» dans lequel les
bons élèves dispensent conseils et
explications à leurs camarades plus
faibles. A l’école de Mahjouba, par
exemple, Wahida aide son amie
Hanene, ravie de ce soutien. Hanene
a choisi elle-même Wahida comme
«professeur particulier» car elles
sont amies et font chaque matin le
chemin de l’école ensemble. Quant à
Wahida, elle trouve ses études beau-
coup plus intéressantes et elle les
comprend mieux depuis que son en-
seignant évalue régulièrement ses
progrès.
Un atelier de formation des enseignants en
Egypte, où l’éducation est considérée commeun élément de la médecine préventive.
UNIC
EF/9
6-02
54/T
outo
unji
2928
Thaïlande: des ordinateurs d’occasion,une vision nouvelle
28
Somjai est en troisième année
d’une école primaire, dans le
nord-est de la Thaïlande. Elle
avait fait des progrès réguliers en pre-
mière année, mais son niveau a
baissé en deuxième année, et ses
notes de compositions sont devenues
mauvaises
Aujourd’hui, cette chute se pour-
suivant, son institutrice a consulté
une fiche informatisée de renseigne-
ments scolaires concernant Somjai.
Elle y apprend que la fillette a été
fréquemment absente pendant sa
deuxième année, qu’elle se rend
rarement au dispensaire malgré son
mauvais état nutritionnel, qu’elle a
trois jeunes frères et sœurs et que sa
mère, divorcée, travaille.
L’enseignante décide de rendre
visite à la mère afin de voir si Somjai
manque l’école pour s’occuper des
plus petits pendant que sa mère tra-
vaille. Si c’était le cas, elle suggérera
à cette dernière d’envoyer ses enfants
à la garderie communautaire, ou elle
persuadera les autorités scolaires de
prendre contact avec les fonctionnai-
res locaux pour lancer un projet d’ac-
tivités rémunératrices au profit de la
communauté.
Le cas de Somjai montre bien com-
ment fonctionne le CHILD (Children’s
Integrated Learning and Develop-
ment Project: Projet intégré d’appren-
tissage et de développement des
enfants), qui a démarré lorsque le
directeur d’une petite école primaire
rurale de la région a décidé que ses
150 élèves devaient avoir accès à un
ordinateur. Il a donc écrit à l’Institut
de la nutrition de l’université Mahidol
pour demander si l’on connaissait
quelqu’un disposé à donner un ordi-
nateur. Il a expliqué que l’appareil ne
serait pas seulement utilisé en classe
et pour l’administration de l’école,
mais qu’il permettrait aussi de
connaître les changements et les
influences dans la communauté dont
étaient issus les élèves.
Cette modeste demande d’un ordi-
nateur d’occasion a non seulement
abouti à la création d’un réseau
d’ordinateurs dans les écoles rurales
de Thaïlande, mais elle s’est transfor-
mée en un exemple dynamique et
original de mise en œuvre des droits
de l’enfant.
Lancé dans deux écoles d’une pro-
vince en janvier 1997, le projet CHILD
s’est étendu, en l’espace d’une année,
à 25 écoles, 38 communautés et quel-
que 3000 enfants. Le projet, géré par
l’université Mahidol avec l’appui de
l’UNICEF, a mis sur pied un système
d’alerte précoce qui associe indica-
teurs scolaires et communautaires
afin d’aider tous les élèves à réali-
ser au mieux leur potentiel d’ap-
prentissage – en particulier ceux
qui présentent des besoins éduca-
tifs spéciaux. Les écoles établissent
donc pour chaque enfant une fiche
de renseignements scolaires com-
prenant des facteurs sociaux et
familiaux qui peuvent avoir une
incidence sur l’apprentissage de
l’enfant. Les enseignants et les
communautés peuvent ensuite s’y
référer pour prendre des décisions
mieux documentées et proposer
des actions de manière intégrée et
globale.
L’expansion immédiate du pro-
jet témoigne de son succès. Son
développement rapide a également
entraîné des changements d’opti-
que pour répondre à la diversité
des conditions sociales des nouvel-
les écoles et communautés. Par
exemple, dans plusieurs commu-
nautés, la malnutrition protéino-
énergétique, les troubles dus à une
carence en iode ou l’anémie
ferriprive menaçaient la santé des
enfants et donc leur capacité de fré-
quenter l’école. Dans d’autres com-
munautés, où les parents migrent à
la recherche de travail, un nombre
croissant d’enfants sont confiés
aux grands-parents qui connais-
sent mal les soins de santé moder-
nes.
Se concentrer sur les seuls résul-
tats scolaires des enfants s’est donc
révélé insuffisant pour faciliter leur
apprentissage. C’est pourquoi le
projet CHILD a redéfini ses objectifs
pour y intégrer la défense et la pro-
tection des droits de l’enfant,
conformément à la Convention
relative aux droits de l’enfant. Cette
UNIC
EF/1
895/
Spra
gue
Encadré 4
Le projet CHILD crée un système d’alerte pré-
coce, en tenant compte des facteurs sanitaires,nutritionnels et autres qui peuvent influencerl’apprentissage. Des enfants en classe dans le
nord de la Thaïlande.
conception pratique et globale des
droits de l’enfant permet aux com-
munautés de mieux percevoir les
relations entre les mauvais résul-
tats scolaires et la santé, la nutrition
et d’autres facteurs extérieurs à
l’école.
En conséquence, les commu-
nautés participent désormais plus
activement à leur développement
et à celui de leurs enfants. Elles
entreprennent un vaste éventail
d’activités pour élargir l’accès des
enfants à l’enseignement primaire
et secondaire, relever la qualité des
repas scolaires, et améliorer l’ap-
provisionnement en eau et les
conditions d’assainissement. En
outre, des communautés créent
des garderies et des centres de for-
mation professionnelle pour les
jeunes qui reviennent dans leur vil-
lage par suite de la récente crise
économique et financière frappant
l’ensemble de la région.
La modeste demande d’unordinateur d’occasion a nonseulement abouti à lacréation d’un réseaud’ordinateurs dans les écolesrurales de Thaïlande, maiselle s’est transformée en unexemple dynamique etoriginal.
3130
Elément 2. Accès,qualité et souplesse
Les enfants ont le droit d’aller àl’école et de recevoir une éducationde bonne qualité. Pourtant, dans denombreux pays, les systèmes éduca-tifs classiques sont trop rigides pourscolariser les enfants qui, en raison deleur sexe, leur origine ethnique ouleur pauvreté, ont le moins accès àl’école. Or, l’éducation pour tous nepourra être réalisée sans ces enfants-là. L’école doit faire preuve de sou-plesse pour s’adapter aux besoins desenfants les plus défavorisés tout enproposant une éducation d’une qua-lité suffisante pour que tous les élèvespuissent aller au bout de leur scola-rité. Ce n’est pas un hasard si lesnations les plus pauvres et les plusendettées sont les plus éloignées del’objectif de l’éducation pour tous. Enmoyenne, près d’un enfant sur deuxvivant dans les 47 pays les moinsavancés n’a pas accès à l’enseigne-ment primaire20.
Alors que les chercheurs analy-sent plusieurs méthodes d’un bonrapport coût/efficacité susceptiblesd’accroître le nombre des inscrip-tions et la qualité de l’enseignement,les pays doivent choisir des appro-ches répondant à leurs besoins pro-pres. Une récente étude de l’UNICEFportant sur cinq pays africains etasiatiques à faible revenu21 montrepar exemple que les classes à mi-temps (dans lesquelles un ensei-gnant et une salle desservent chaquejour deux groupes distincts d’en-fants) sont déjà fréquentes au VietNam et seraient utiles au BurkinaFaso ou dans des agglomérations duBhoutan. Mais, elles ne serviraientpas à grand-chose au Myanmar puis-qu’il y a suffisamment de salles declasse et que les traitements des en-seignants ne sont guère élevés. Gelerles subventions à l’enseignementsupérieur serait une réforme inté-ressante au Burkina Faso et enOuganda, pays qui lui consacrent unepart disproportionnée des crédits del’éducation au regard de l’allocationaccordée à l’enseignement primaire,
mais moins profitable au Myanmaret au Viet Nam. D’autres solutionssont envisagées dans les pays d’Eu-rope centrale et orientale et de l’ex-Union soviétique, une région où vi-vent quelque 115 millions d’enfantset où les inégalités dans l’accès àl’éducation vont croissant.
L’une des méthodes susceptiblesd’être largement appliquées pourfavoriser l’accès à l’éducationconsiste à réduire le coût de cons-truction des écoles en employant desmatériaux disponibles sur place.Une étude de la Banque mondialeportant sur six pays africains a mon-tré que la construction d’écoles enbriques et en ciment selon les nor-mes internationales coûtait plus dudouble que le recours aux matériauxlocaux22. Cette évaluation pourraitmême avoir sous-estimé toutes leséconomies possibles.
Quand le Malawi a lancé sa politi-que de gratuité de l’enseignementprimaire pour tous en 1994, il a éga-lement entamé des discussions avecl’ UNICEF et la Banque mondiale surdes plans pour un ambitieux pro-gramme de construction d’écoles. Lemodèle retenu s’est révélé à la foiscommode et durable. Son prix de re-vient est inférieur d’un quart à celuid’une construction plus classique23.De même, toujours avec l’appui del’ UNICEF, des communautés du Maliutilisent différents matériaux locauxdurables, tels que des briques durciesau four, pour bâtir des écoles qui sontconformes aux normes du ministèrede l’Education, mais dont le prix derevient est inférieur de deux tiers àcelui des écoles ordinaires.
Pour répondre aux besoins desenfants non scolarisés, il ne fautpas oublier le rôle croissant d’orga-nismes non étatiques qui assurentdes services éducatifs, notammentles ONG, les organisations religieu-ses, les écoles privées et les com-munautés. Il faut tenir compte deleur action et leur faire une place ausein d’un nouveau système d’édu-cation diversifié dans lequel l’Etata un rôle essentiel: définir lesnormes.
représentent à son sens l’une desmanières les plus rentables d’amélio-rer la santé publique, puisque le nom-bre d’écoles et d’enseignants dépassede beaucoup celui des centres et desagents de santé17. Il faut toutefoissouligner que le rôle des enseignantsn’est pas de jouer les agents de santé.Comment demander en effet auxmaîtres d’école, qui ont déjà de lour-des tâches, de réussir là où les centresde santé ont échoué, surtout faute deressources supplémentaires?
Quelles sont les principalescaractéristiques d’une école saine etdiffusant des messages essentielspour la santé des élèves?
◆ Un lieu de sécurité. Les ensei-gnants doivent protéger les en-fants, veillant à garantir leursdroits à l’intérieur de l’école, enparticulier celui d’être préservésde l’exploitation sexuelle et de laviolence. Les écoles doivent êtredes lieux réconfortants et stimu-lants pour les enfants qui présen-tent des besoins spéciaux, y com-pris les enfants handicapés ouporteurs du VIH/SIDA.
◆ Un environnement sain. Toutesles écoles ont besoin d’eau pota-ble et d’installations sanitairesadéquates. Sans ces équipements,les enfants ne peuvent pas mettreen pratique ce qu’ils apprennenten matière d’hygiène.
◆ Un endroit où les maladies peu-vent être diagnostiquées et sou-vent traitées. Le traitement decertaines affections – comme lesparasitoses, les carences enmicronutriments et le trachome –peut être assuré de façon simpleet peu coûteuse par les agents desanté ou les enseignants. On peutégalement former ces derniers àreconnaître les enfants porteursde handicaps visuels ou auditifs,souvent pris à tort pour des trou-bles de l’apprentissage.
◆ Une école qui enseigne les com-pétences essentielles. Pour queles enfants puissent faire de bons
choix, l’information ne suffitpas. Il leur faudra peut-être aussis’exercer en pratique aux pre-miers secours ou à l’utilisationdes sels de réhydratation oralepour traiter la diarrhée. Il faudraaussi qu’ils sachent prendre desdécisions, négocier et résoudreles conflits – des compétencesindispensables pour mener unevie saine hors des murs del’école18.
L’effet multiplicateur de l’éduca-tion a été démontré dans bien despays. Le programme «écoles pro-pres et vertes» en Mauritaniedemande à des équipes d’élèves, deparents et d’enseignants d’évaluerl’état de leur école et de dresser pourl’améliorer des plans faisant uneplace à des cours d’éducation pourla santé, fondés sur la brochureSavoir pour Sauver*. S’il réussit, leprogramme pourrait être étendu àpeu de frais sur tout le territoire etcontribuerait à abaisser le taux élevéde mortalité infantile du pays.
En Thaïlande, dans le cadre duprojet CHILD, les écoles desserviescontrôlent les relations entre l’ap-prentissage des enfants et leur santé(voir encadré 4).
Au Nigéria, deux villages ont en-registré un gain de 20% dans l’espé-rance de vie rien qu’en facilitantl’accès à des installations sanitairesappropriées, un gain de 33% quandles mères avaient reçu une instruc-tion, mais n’avaient pas accès à uncentre de santé, et un gain de 87%quand on combinait les ressourcesde santé et d’éducation19.
Ces expériences montrent qu’iln’est pas nécessaire de faire deschoix ou des compromis entre desobjectifs tout aussi estimables, maisque les initiatives conjuguées enmatière de santé et d’éducation ac-célèrent en fait la révolution del’éducation.
* Cette publication interorganisationsdonne des indications pratiques pour pro-téger la vie et la santé des enfants.
Dans de nombreux pays,les systèmes éducatifsclassiques sont trop rigidespour scolariser les enfantsqui, en raison de leur sexe,leur origine ethnique ou leurpauvreté, ont le moins accèsà l’école. Ce n’est pas unhasard si, en moyenne, prèsd’un enfant sur deux vivantdans les 47 pays les moinsavancés n’a pas accès àl’enseignement primaire.UN
ICEF
/97-
0069
/Hor
ner
Les programmes scolaires de soins de santé
sont parmi les moyens les plus rentablesd’améliorer la santé publique. En Thaïlande,des écolières repèrent les liaisons entre des
groupes exposés à contracter le SIDA.
3332
Tanzanie:les handicapés sont bienvenus à l’école
32
Le plus beau jour de la vie de
Martina Mukali fut celui où ses
parents lui ont annoncé qu’elle
pourrait aller à l’école. Alors âgée de
huit ans, Martina a fait avec sa mère
infirmière un voyage de 200 km,
depuis sa maison dans la région de
Morogoro jusqu’à la capitale, Dar
es-Salaam, pour entrer à l’école
primaire Uhuru Mchanganyiko. En
Tanzanie, près d’un tiers des enfants
en âge de fréquenter l’école primaire
ne sont pas scolarisés. Pour Martina,
qui est née aveugle, cette chance était
vraiment la réalisation d’un rêve.
Fondée en 1921, l’école primaire
Uhuru Mchanganyiko est l’une des
plus anciennes du pays et la première
à accepter des enfants handicapés
avec d’autres enfants, dans les cours
et pour toutes les activités annexes.
Sur les 1200 élèves actuels, il y a
62 aveugles, 11 sourds et aveugles et
55 souffrant d’arriération mentale.
Comme les autres élèves aveugles,
Martina loge à l’école; elle passe
les week-ends et les vacances chez
une de ses sœurs, qui habite Dar
es-Salaam.
Dans les pays en développement,
il est difficile aux enfants atteints de
handicaps physiques et mentaux de
surmonter les obstacles qui s’oppo-
sent à leur éducation. D’après
l’UNESCO, moins de 1% des enfants
ayant des besoins spéciaux réussis-
sent à entrer dans les systèmes édu-
catifs de ces pays. Les enfants vivant
dans les zones rurales sont les plus
mal lotis.
En Tanzanie, l’enseignement n’est
pas gratuit – les élèves doivent verser
des droits de scolarité et acheter uni-
formes, cahiers et autres fournitures –
même si les principales dépenses
engagées pour la scolarité des en-
fants handicapés sont assumées par
l’Etat, qui prend en charge les frais de
pension, de scolarité, les dépenses
médicales et les fournitures scolaires
pour tous ceux qui ne sont pas origi-
naires de Dar es-Salaam.
Martina, qui a aujourd’hui 17 ans,
a bien mieux réussi que beaucoup de
ses camarades voyants. Ses compa-
gnons de classe l’aident à circuler
dans le campus, elle lit et écrit en
braille et adore chanter. Elle affirme:
«Je peux faire tout ce que vous faites
sauf la cuisine, et c’est seulement
parce que personne n’a pris la peine
de me l’apprendre!» Son amour de la
vie et sa soif de connaissance sont
contagieux et inspirent ses camara-
des et tous ceux qui la rencontrent.
A l’école primaire Uhuru Mchan-
ganyiko, les élèves aveugles sont
intégrés à partir de la troisième
année. Avant de commencer les
cours ordinaires, on leur apprend à
s’orienter dans le campus de l’école –
dortoirs, classes et terrains de jeu – et
on leur enseigne les symboles
mathématiques, les éléments du
braille ainsi que certaines com-
pétences essentielles comme
l’hygiène et les soins personnels.
Huit enseignants spécialisés et huit
enseignants aveugles, eux-mêmes
diplômés de l’école primaire Uhuru
Mchanganyiko, travaillent avec les
professeurs d’histoire, de géogra-
phie et d’études sociales, préparent
le matériel en braille et le dictent
aux élèves. Les textes pédagogi-
ques en braille sont produits dans
une imprimerie locale. Les élèves
qui ont besoin de soutien peuvent
fréquenter des classes spéciales
après les heures de cours norma-
les.
Quatre des élèves aveugles et
sourds vivent sur le campus de
l’école. Les sept autres habitent
chez eux, et des enseignants spé-
cialement formés travaillent avec
leurs parents et d’autres membres
de la famille afin d’améliorer la
communication et l’interaction
avec ces enfants.
Un élève sur cinq – et la majorité
des élèves handicapés – inscrits à
l’école primaire Uhuru Mchan-
ganyiko entre à l’école secondaire.
Beaucoup d’élèves trouvent du tra-
vail ou se lancent dans le com-
merce à leur sortie de l’école pri-
maire. Une formation profession-
nelle pratique en menuiserie,
maçonnerie et briqueterie est
d’ailleurs proposée aux garçons et
aux filles à la fin de leurs études
primaires.
Kenny Lugenge, jeune handi-
capé mental de 15 ans, qui vit avec
sa mère, vendeuse d’oignons à Dar
es-Salaam, réussit bien en menui-
serie. Quand il est arrivé à l’école il
y a cinq ans, il ignorait tout de
UNIC
EF/T
anza
nie/
Tyab
ji
Encadré 5
l’hygiène de base et ne savait pas
communiquer avec d’autres en-
fants. Aujourd’hui, il a des relations
avec ses camarades et il est capable
de fabriquer des lits, des étagères,
des armoires. Son ami Hussain Ali,
qui a aussi 15 ans et présente un
handicap mental, a maîtrisé les
notions de base en mathématiques
et en éducation civique et il a atteint
le niveau de lecture de la deuxième
année d’enseignement. Hussain
apprend la maçonnerie.
Ces résultats remarquables sont
obtenus malgré de très maigres
ressources. L’équipement des dor-
toirs de l’école Uhuru Mchan-
ganyiko est rudimentaire, et il n’y a
pas de personnel spécialisé à de-
meure pour s’occuper des enfants
aveugles, et aveugles et sourds. Il
n’y a pas assez de matériel didacti-
que, de mobilier pour les classes, ni
de fournitures et équipements de
formation professionnelle. L’école
parvient néanmoins à mobiliser
l’appui de la communauté. Des
plans prévoient de faire participer
les parents et la communauté aux
activités de collecte de fonds, de
sensibiliser le public au sort des
handicapés et de commercialiser
les produits fabriqués par les élè-
ves, à qui iront directement les
recettes.
Martina Mukali, 17 ans, aveugle de naissance,prend des notes en braille. Elle fréquente l’écoleprimaire Uhuru Mchanganyiko de Dar es-
Salaam (Tanzanie), la première de ce pays àaccueillir des élèves handicapés.
Dans les pays endéveloppement, il est difficileaux enfants atteints dehandicaps physiques etmentaux de surmonter lesobstacles qui s’opposent àleur éducation.
3534
formation qui les aident à adapterleurs cours à la situation locale.Conformément aux principes de laConvention relative aux droits del’enfant, les instituteurs sont desanimateurs, plutôt que des représen-tants de l’autorité.
Autre avantage d’Escuela Nueva,les enfants avancent d’une classe àl’autre à leur propre rythme – quandils ont atteint un ensemble d’objec-tifs – et non par un examen de find’année. Il n’existe donc pas deredoublement. Outre que cela éviteaux enfants la honte d’être «enretard», ceux qui ont été malades ouqui ont dû aider aux récoltes peuventreprendre leurs études à leur retouren classe. Quand on les compare auxélèves des écoles traditionnelles, lesenfants d’Escuela Nueva obtiennentnon seulement de meilleurs résultatsdans les tests d’évaluation, mais ilsmontrent aussi plus d’assurance, decréativité et d’esprit civique. Lestaux d’abandon y sont en outre net-tement plus bas28.
Un certain nombre de pays sesont inspirés du modèle colombienet l’ont adapté à leur propre situa-tion. Ainsi, le Guatemala emploie laméthodologie Escuela Nueva dansses écoles primaires bilingues pourenfants autochtones. Aux Philippi-nes, les planificateurs de l’éducationont lancé leurs propres écoles pilo-tes à classe unique après une visiteen Colombie. Des écoles à classeunique existaient en fait dans le paysdepuis les années 60, mais ellesavaient mauvaise réputation; situéesdans des zones éloignées et défavo-risées, elles héritaient généralementd’enseignants inexpérimentés, sansencadrement, et leurs équipementsétaient médiocres.
La nouvelle politique nationaleen matière de classe unique a néan-moins obtenu l’approbation des en-seignants, des communautés localeset des élèves. Adonis Corisay,13 ans, s’apprêtait à abandonner sesétudes après la quatrième année, leniveau le plus élevé de son écolelocale. Quand la nouvelle école àclasse unique de Poyopoy a com-
mencé à assurer l’enseignement dela cinquième et de la sixièmeannées, il a décidé de continuer,même si cela l’obligeait à faire deuxheures de marche jusqu’à l’école.«J’aimerais terminer mes étudessecondaires. Ensuite, j’irai à l’uni-versité pour devenir ingénieurmécanique. Je voudrais un jour pou-voir monter ma propre voiture, quej’utiliserai dans les montagnes.» Leprojet est passé de 12 écoles dans sixprovinces défavorisées pendantl’année scolaire 1996/97 à 24 écolesdans 12 provinces en 1997/9829.
Une autre façon d’atteindre lesenfants isolés dans les régions mon-tagneuses reculées de la Cordilleraaux Philippines est le projet d’ensei-gnement mobile Cordillera, danslequel «l’école» se rend chez lesenfants, transportée dans un sac àdos par un enseignant. Testé pour lapremière fois en 1989 dans la pro-vince d’Ifugao, l’une des régions lesplus pauvres et les plus accidentéesdu pays, cet enseignement mobile anon seulement accru les inscriptions,mais il a obtenu des résultats égauxou supérieurs à ceux des écoles con-ventionnelles. En 1993, il a étéétendu aux zones montagneuses danstoute la région. Les instituteurs «am-bulants» sillonnent maintenant lesmontagnes et répartissent leursemaine d’enseignement entre deuxcentres éducatifs, à des kilomètresl’un de l’autre. Ils atteignent ainsi desenfants dont c’est la seule chanced’avoir accès à l’instruction et protè-gent d’autres élèves des dangers d’untrajet hasardeux à travers montagneset cours d’eau30. Le regroupementdes écoles au Cambodge est un autreexemple de la mise en commun deressources limitées dans des zonesisolées (voir encadré 6).
Dans de nombreux pays, lesenfants qui vivent dans des régionsisolées ont pu avoir accès aux étudespar une forme d’«enseignement àdistance», souvent au moyen de laradio. La BBC britannique a faitœuvre de pionnier en transmettantdes programmes de radio éducativedès 192431. Depuis lors, la radio et la
Atteindre les exclus
L’accès à l’éducation demeure unproblème pour les couches défavori-sées dans toutes les sociétés. LaConvention relative aux droits del’enfant est le fondement de systè-mes éducatifs intégrateurs où nulenfant n’est exclu ni marginalisédans des programmes spéciaux.
Qui sont les exclus? Les filles for-ment la grande majorité des enfantsnon scolarisés et leur «récupération»doit être une priorité. Par ailleurs, lesjeunes ruraux sont proportionnelle-ment moins nombreux à être scolari-sés que les petits citadins, et les en-fants de minorités ethniques ou degroupes autochtones sont relative-ment moins scolarisés que ceux dugroupe ethnique dominant. Quantaux handicapés, on se penche rare-ment sur leur sort (voir encadré 5).
Les enfants pris dans la tourmented’un conflit armé ou d’autres situa-tions d’urgence risquent eux aussi demanquer des années d’école. Rienqu’en Afrique subsaharienne, quel-que huit millions d’enfants aurontperdu leur mère ou leurs deux parentsemportés par le SIDA, et beaucoup deces orphelins ne fréquenteront jamaisl’école ou devront la quitter (voirfigure 6).
En outre, le manque d’accès desminorités est un problème dansnombre de pays, par exemple auNiger où près d’un tiers seulementdes enfants sont scolarisés. C’estune question vitale en Chine qui estsur le point de parvenir à la scolari-sation universelle dans le primaire,mais qui doit déployer des effortsbeaucoup plus énergiques pourassurer l’inscription des fillettesmusulmanes de la région autonomedu Ningxia Hui que des garçons del’ethnie chinoise Han à Beijing24,par exemple.
Une distance trop longue entre lamaison et l’école réduit la fréquen-tation. Des études au Népal ontmontré que pour chaque kilomètresupplémentaire parcouru à piedjusqu’à l’école, la probabilité de lafréquentation scolaire diminue de
2,5%25. En Egypte, si la distanceentre l’école et le domicile est d’unkilomètre au lieu de deux, l’inscrip-tion grimpe de 4% pour les garçonset de 18% pour les filles26.
Pour atteindre les enfants oubliés,les responsables de l’éducation peu-vent apprendre beaucoup en mettanten commun leurs succès. En fait,l’un des aspects les plus encoura-geants de la révolution de l’éduca-tion est que des initiatives novatri-ces sont testées dans une région dumonde, puis appliquées avec succèsdans une autre région.
Le système de la classe unique,dans lequel un seul maître enseigneà des élèves d’âges et de niveauxdifférents, en est un exemple. Cettepratique a longtemps été une néces-sité dans les petites écoles de villagequi ne peuvent se permettre qu’unseul enseignant, et c’était la normedans les plupart des écoles ruralesdu monde industrialisé dans les pre-mières décennies de ce siècle. Elleétait néanmoins jugée comme un pisaller, jusqu’à ce que les écoles duprogramme Escuela Nueva en Co-lombie montrent que des plans deleçons et du matériel pédagogiquebien adaptés pour les élèves, assortisde l’appui des communautés, pou-vaient faire des classes uniques uneexpérience positive.
Au début des années 80, les éco-les rurales étaient rares et de mau-vaise qualité en Colombie. A lacampagne, environ 55% des enfantsde 7 à 9 ans et un quart des enfantsde 10 à 14 ans n’avaient jamais fré-quenté l’école, et un tiers desenfants avaient abandonné aprèsune année d’études27. L’approcheEscuela Nueva a transformé ces sta-tistiques, et son succès manifestedans un petit nombre d’écoles aconduit le gouvernement à l’étendreà tout le pays. Grâce au système dela classe unique, une école primairecomplète peut être proche du foyerdes enfants dans des zones rurales àla population clairsemée. On donneaux enseignants des guides détailléset des plans de leçons; ils suivent enoutre régulièrement des sessions de
UNIC
EF/1
562/
Witl
in
L’école demeure inaccessible pour les filles et
beaucoup de minorités ethniques, pour les pau-vres et les handicapés. Il est essentiel de garan-tir le droit à l’éducation pour tous. En Bolivie,
une enseignante aide un enfant à écrire dansun programme préscolaire pour des enfants
dont la mère travaille.
Fig. 6 Les orphelins du SIDA:une crise de l’éducationen Afrique subsaharienne
Le VIH/SIDA exerce un effet dévastateur sur les
enfants de l’Afrique subsaharienne, où vivent plusde 90% des orphelins du SIDA – des enfants dont la
mère ou les deux parents sont morts du SIDA.Pour beaucoup d’entre eux, les chances sont minces
d’achever jamais l’école primaire. Le manque deressources est un problème, mais le Malawi et
l’Ouganda ont adopté une politique d’enseignementgratuit qui apporte un soutien vital aux orphelins. Le
Malawi a aussi élaboré une politique nationalepour les orphelins, et s’oriente vers les approches
de soins communautaires; l’Afrique du Sud faitactuellement l’essai de telles politiques.
Orphelins du SIDA dans huit pays d’Afrique
Pays Total cumulatif (1997)
Burkina Faso 200 000Congo, Rép. dém. 410 000Ethiopie 840 000Kenya 440 000Malawi 360 000Ouganda 1 700 000Tanzanie 730 000Zimbabwe 450 000
Source: Rapport sur l’épidémie mondiale de VIH/SIDA, juin 1998,ONUSIDA et OMS, Genève, 1998.
Distribution géographique des décès attribuables au VIH/SIDA
Afriquesubsaharienne 83%
Asie 6%
Amérique latine/Caraïbes 5%
Autres 6%
3736
Des bateaux-écoles au Cambodge
36
Moderne et colorée, l’école
de Kampong Prahok est im-
posante. C’est une péniche,
amarrée parmi les maisons en bois
et en bambou d’un village flottant à
l’extrémité nord du lac cambodgien
de Tonle Sap. Au début de la saison
des pluies, les habitants déplacent
leur village vers des eaux plus
calmes, emportant leur école avec
eux.
La base en bois de l’école est stabi-
lisée sous l’eau par une coque d’acier
qu’étayent sur deux côtés de solides
cannes de bambou, liées pour former
de fins rondins. Un toit en tôle ondu-
lée protège des pluies de la mousson.
Il y a un petit bureau pour les ensei-
gnants, et deux classes pouvant ac-
cueillir jusqu’à 80 élèves. Les enfants
du village arrivent à l’école à la rame
ou à la perche dans leur petit bateau
qu’ils amarrent à la passerelle de
planches à l’extérieur.
Loin d’être unique, l’école de Kam-
pong Prahok fait partie d’une «esca-
dre» d’écoles flottantes.
En 1993, l’UNICEF a créé, en coopé-
ration avec le Gouvernement cam-
bodgien, des escadres scolaires dans
sept zones habitées par des popula-
tions rurales, urbaines et minoritai-
res, avec pour objectif principal de
redresser les déséquilibres flagrants
dans la qualité des écoles. Il s’agissait
alors de partager les ressources, l’ad-
ministration et même souvent des
enseignants, afin d’améliorer la situa-
tion des écoles les plus faibles sans
pénaliser les meilleures. En 1995, le
Gouvernement a étendu à l’ensemble
du pays leur développement. Au
total, 631 escadres ont été mises en
place dans le pays, dont 44 qui bénéfi-
ciaient, à la mi-1998, du soutien direct
de l’UNICEF.
Au fil des ans, l’expérience a mon-
tré que les parents transféraient leurs
enfants dans ces écoles parce qu’elles
offraient un enseignement de qualité,
un meilleur équipement et des bâti-
ments neufs ou rénovés. Les enquê-
tes indiquent que les taux d’inscrip-
tion y sont sensiblement plus élevés
que les moyennes nationales et pro-
vinciales, et les taux d’abandon beau-
coup plus faibles, en particulier dans
les zones urbaines.
Le système de regroupement per-
met de tirer le meilleur parti, en les
centralisant, des maigres ressources
et équipements pédagogiques dispo-
nibles. Les centres ainsi créés peu-
vent servir de salles de classe.
Compte tenu de tous ces avanta-
ges, il n’est pas étonnant que ces éco-
les soient populaires. Néanmoins, la
communauté lacustre de pêcheurs
n’a pas ménagé ses efforts pour doter
la région du lac Tonle Sap d’une école
de ce type. Des parents de la région
se sont rendus au bureau provincial
de l’éducation – soit deux journées
de voyage – pour demander ins-
tamment que quelqu’un vienne sur
place aider leur communauté à pla-
nifier les écoles.
«C’était une zone difficile»,
déclare Sieng Sovathana, directrice
adjointe du bureau provincial de
l’éducation. «Nous avions habituel-
lement un taux d’inscription d’envi-
ron 15% parce qu’il n’y avait qu’une
seule école.» Maintenant, avec
l’aide de l’UNICEF, quatre écoles flot-
tantes se déplacent avec les villa-
ges et l’ancien bâtiment scolaire a
été rénové comme centre de res-
sources. Le taux d’inscription
atteint 60%. «Grâce au système des
groupements d’écoles», précise
Mme Sovathana, «les inscriptions
sont plus nombreuses, l’éducation
est de meilleure qualité et les taux
d’abandon et de redoublement
sont moins élevés. De plus, le tra-
vail administratif s’est remarqua-
blement amélioré.»
Tous les problèmes n’ont pas
pour autant disparu. Par exemple,
les enseignants en poste sur les
écoles flottantes n’ont toujours pas
de bateau; chaque fois qu’ils veu-
lent se déplacer, ils doivent en
emprunter un aux élèves. Et
Chhorn Rey Lom, 13 ans, qui va
bientôt achever la deuxième année,
risque de devoir abandonner des
études à peine commencées, parce
que le groupe de Kampong Prahok
n’assure actuellement que les deux
premières années d’enseignement.
«Je devrai quitter l’école», regrette-
t-elle, «pour travailler et pêcher afin
d’aider mes parents. Je souhaite
qu’il y ait davantage de niveaux
d’enseignement et des écoles plus
nombreuses dans ma commu-
nauté.»
UNIC
EF/C
ambo
dge
Encadré 6
Mais dans l’ensemble, les avan-
tages l’emportent sur les difficultés,
reconnaît Mme Sovathana. «Ce
système permet aux écoles plus
grandes, dotées de ressources plus
importantes, d’aider les écoles
plus modestes. Nous regroupons
d’abord les écoles, puis les direc-
teurs afin qu’ils soient au courant
de ce qui se fait; ensuite, les ensei-
gnants pour qu’ils puissent s’aider
mutuellement et échanger leurs
expériences et leurs idées; enfin,
les communautés.»
Dans un Cambodge encore for-
tement marqué par la guerre civile
et ses souffrances, les regroupe-
ments d’écoles peuvent également
servir un autre but plus général:
«Depuis 1979, les gens ne se par-
lent pas librement. Ils ne sont pas
non plus enclins à partager»,
remarque Pawan Kucita, adminis-
trateur de l’UNICEF chargé de l’édu-
cation à Phnom-Penh. «Le concept
de groupes mettant en commun les
ressources, le matériel et les idées
des écoles et des villages ne peut
être que bénéfique. Nous considé-
rons l’école comme un agent de
changement communautaire. C’est
un mécanisme que nous pouvons
utiliser pour favoriser l’harmonie
dans la société, la volonté de parta-
ger et de se développer ensemble.»
En partageant les maigres ressources ainsi que
les enseignants, les regroupements scolairespermettent de scolariser un plus grand nombred’enfants et de redresser les déséquilibres. Ici,
au Cambodge, l’école flottante de KampongPrahok.
«L’école est un agentde changementcommunautaire. C’est unmécanisme que nouspouvons utiliser pourfavoriser l’harmonie dans lasociété.»
3938
plus une ou deux journées de recy-clage chaque mois. Les fonctionnai-res du BRAC leur rendent visite tou-tes les semaines. Les familles neversent pas de contribution finan-cière, mais on attend d’elles qu’ellesparticipent aux réunions de parents.
L’école est une structure villa-geoise typique avec un toit dechaume ou de tôle ondulée et un solen terre battue. Chacune a untableau noir et des cartes murales, etles enseignants disposent de maté-riels tels que manuels et notespédagogiques, cartes illustrées etbûchettes pour apprendre à compter.Chaque élève reçoit une ardoise, descrayons, des cahiers et des manuels.L’objectif de l’école est d’aider lesenfants à apprendre à lire, écrire etcompter, tout en les sensibilisantaux questions sociales.
Les élèves consacrent également40 minutes par jour à l’exercicephysique, au chant, au dessin, auxtravaux manuels et à la lectured’histoires, activités que les enfantsadorent et qui les incitent à venir àl’école. Les enseignants demandentaux élèves de s’entraider pour lesdevoirs, et ils privilégient la com-préhension de préférence à la récita-tion par cœur36.
L’emploi du temps est souple;l’école se tient trois heures par jour,six jours par semaine, 268 jours paran. Mais le moment de la journéeconsacré à l’étude est choisi par lesparents, et le calendrier scolaire peutêtre adapté pour s’ajuster auxbesoins locaux, les récoltes parexemple. Les diplômés des écolesdu BRAC peuvent passer en qua-trième année du système officiel del’enseignement primaire, bien qu’ilssoient trop peu nombreux à le faire,beaucoup de familles ne pouvantassumer les dépenses supplémentai-res associées au secteur public37.
Le BRAC est un succès remarqua-ble, face à l’idée courante que lesprojets éducatifs visant simplementà combler les fissures finissent parn’offrir qu’une instruction dedeuxième ordre aux pauvres, auxdéfavorisés, aux handicapés et aux
filles qui en ont besoin. Malgré saréussite, le BRAC lui-même a du malà assurer une passerelle fiable à sesélèves vers les écoles ordinaires.
Beaucoup de pays s’oriententvers un système unifié encadré parl’Etat et fondé sur les écoles publi-ques, mais mieux adapté aux condi-tions locales et aux besoins commu-nautaires, et qui fait parfois appel àdes organisations partenaires pourélargir les occasions d’apprentis-sage des enfants non desservis pardes écoles conventionnelles. L’an-cienne division entre l’éducation«non formelle» et l’éducation «for-melle» est ainsi en passe de devenirobsolète. Dans un tel système, lerôle de l’Etat est de définir les nor-mes et de s’assurer que les diffé-rentes approches appliquées par lesystème sont conformes à cesnormes.
Il existe aujourd’hui à l’échellemondiale des exemples de systèmeséducatifs publics qui:◆ adaptent le calendrier annuel et
l’horaire quotidien des écoles auxsituations locales, comme les sai-sons agricoles dans les zonesrurales, et utilisent plus efficace-ment des heures de classe moinslongues;
◆ ouvrent des écoles plus près dechez les enfants, ce qui accroîtparticulièrement la fréquentationdes filles;
◆ associent les parents et la com-munauté locale à la gestion desécoles;
◆ recourent davantage aux para-professionnels et aux bénévolesde la communauté locale;
◆ adaptent le programme d’étudesaux besoins locaux;
◆ éliminent le sexisme dans le pro-gramme d’études et les matérielspédagogiques;
◆ apportent plus de souplesse dansl’évaluation et la promotion desélèves afin de recourir le moinspossible au redoublement.Pour parvenir à l’éducation pour
tous, diverses approches se complè-tent les unes les autres. L’Ouganda aainsi pris la décision audacieuse de
télévision, ainsi que les cassettesaudio et vidéo sont devenues desoutils pédagogiques fondamentaux,particulièrement dans les pays endéveloppement où des technologiesplus coûteuses demeurent hors deportée. Dans l’enseignement radio-phonique interactif – mis au point auNicaragua au début des années 70par une équipe de l’universitéStanford – les élèves répondent àdes questions, chantent ou réalisentdes tâches pratiques au cours depauses soigneusement minutéesdans l’émission, l’enseignant jouantle rôle d’animateur ou même de par-ticipant au travail de groupe.
L’enseignement radiophoniquedoit s’adapter aux besoins de sesauditeurs et utiliser tout un éventailde moyens, y compris le théâtre, leseffets sonores et la musique. Dès ledébut, la radio scolaire a eu pourobjectif d’améliorer la qualité del’éducation plutôt que de dispenserun enseignement à distance. Et sides options nouvelles faisant appel àdes techniques de pointe apparaissentmaintenant, l’enseignement radio-phonique interactif garde toute sonefficacité à grande échelle. En Répu-blique dominicaine, une étude a com-paré des enfants ayant eu par se-maine cinq heures d’enseignementradiophonique (plus une demi-heured’activités de suivi) à des élèvesrecevant dix heures ou plus d’ins-truction dans des écoles traditionnel-les. Le premier groupe a obtenu desrésultats similaires au second enlecture et écriture, et nettementsupérieurs en mathématiques32.
La radio s’est également révéléeun outil extrêmement efficace pouratteindre les enfants d’âge présco-laire. Au Népal, deux séries de20 programmes ont été mis au pointpour les enfants de trois à cinq ans etles personnes qui en ont la charge.Chaque programme a été diffusédeux fois par semaine à la radionationale et constitue un excellentmoyen de véhiculer jusqu’aux com-munautés perdues dans la montagnedes informations importantes sur lasanté, la nutrition et la stimulation
des jeunes enfants. Avec des per-sonnages comme un oiseau qui parleet un éléphant domestique, ces pro-grammes peuvent aussi être utiliséspour les enfants dans les crèchescommunautaires ou les garderiesparentales33.
Des systèmes soupleset unifiés
Le point commun de toutes cesapproches est la souplesse qui leurpermet de s’adapter aux conditionslocales et ainsi de répondre auxbesoins éducatifs de tous les enfants.Cette caractéristique était autrefoisl’apanage des projets dits «d’éduca-tion non formelle» qui se sont multi-pliés dans les années 70, particulière-ment en Asie du Sud, quand les orga-nisations concernées ont tenté decombler les multiples lacunes dessystèmes éducatifs en s’intéressantaux enfants qui travaillent, aux han-dicapés et aux filles.
L’un des plus célèbres projets aété lancé en 1985 par le Comitépour le développement rural duBangladesh (BRAC). Célèbre de-puis longtemps pour son travail enmatière de développement rural, decrédit et de santé, le BRAC voulait àl’origine organiser des cours decalcul et d’alphabétisation de basepour des enfants de huit à dix ansdans 22 villages (en donnant lapriorité aux filles). Cette initiativea remporté immédiatement un telsuccès qu’elle s’est répandue à unevitesse extraordinaire. A la fin de1992, on recensait 12 000 écolesdu BRAC34 et environ 34 000 en199835.
Une école du BRAC comprendhabituellement 30 élèves, dont unevingtaine de filles, qui vivent dansun rayon de deux kilomètres. Lesdeux tiers des enseignants sont desfemmes, originaires de la commu-nauté locale, qui perçoivent un trai-tement modeste. Mais ces ensei-gnants font partie des personnes lesplus instruites de la communauté,ayant accompli neuf années d’étu-des et 15 jours de formation initiale,
Célèbre depuis longtempspour son travail en matièrede développement rural, decrédit et de santé, le BRAC
est un succès remarquable.A la fin de 1992, onrecensait 12 000 écoles duBRAC et environ 34 000en 1998.
UNIC
EF/1
895/
Spra
gue
Les évaluations périodiques qui permettentd’identifier les problèmes suffisamment tôt font
diminuer les taux de redoublement. Ici, unélève tunisien au tableau noir.
4140
grand part allait aux traitements desenseignants) ont pâti. Pendant lesannées 80 et 90, les enseignants enAfrique et en Amérique latine ontsubi une baisse générale de leurrevenu réel, avec parfois des réduc-tions rapides et importantes42.
En Afrique par exemple, l’éro-sion salariale fait que les instituteursreçoivent souvent moins de la moi-tié de la somme représentant le seuilde pauvreté absolue43. Beaucoupd’entre eux ont été obligés de com-pléter leur maigre revenu en don-nant des leçons particulières ou enexploitant leur propre affaire, audétriment de leur présence régulièreet de leur travail à l’école – phéno-mène que connaissent aujourd’huiaussi plusieurs pays d’Europe cen-trale et orientale, d’Asie centraleet orientale. Mais quand ils ontd’abondantes ressources, les gou-vernements tendent à les dépenserpour augmenter la scolarisationplutôt que les traitements des pro-fesseurs.
Certes, il y a lieu d’améliorer lesconditions d’enseignement dans lemonde entier, afin de mettre unterme à cet enchaînement néfaste dedémoralisation et de déclin du statutdes enseignants. Mais leur positionsociale ne se redressera pas tant quela qualité de l’éducation qu’ils dis-pensent ne s’améliorera pas. Unemanière d’avancer vers cet objectifest d’accepter de modifier la prati-que de l’enseignement dans la classeconformément aux dispositions et àl’esprit de la Convention relativeaux droits de l’enfant. La sociétépourrait également offrir demeilleures conditions afin d’encou-rager des candidats plus qualifiés àembrasser la profession, et donneraux enseignants un type de forma-tion les préparant à mettre l’enfantet son avenir au centre de leur projetéducatif.
Au Togo, plus d’un tiers des ins-tituteurs n’ont fait eux-mêmes quedes études primaires, et 84% desenseignants du secondaire n’ont pasachevé un cours de formation desmaîtres. En Uruguay, l’une des
nations latino-américaines les plusprospères, un tiers seulement desprofesseurs de l’école secondairesortent de l’université; 70% n’ontpas eu de formation pédagogique44.Aux Etats-Unis, plus de 12% desenseignants récemment engagésentrent dans la classe sans avoirassisté à des cours d’éducation offi-ciels, et 14% n’en ont pas suiviassez pour satisfaire aux normes desEtats. Certains enseignants sontrecrutés en fonction de tests quin’évaluent ni les processus ni lesméthodes pédagogiques, mais plutôtles compétences de base et lesconnaissances générales – critèresqui ne permettent pas de juger descapacités d’éducateur45.
Dans le passé, des gouverne-ments plus aisés considéraient laformation des maîtres comme unlong processus d’études théoriquesdans une école spécialisée. Les paysen développement confrontés àl’impossibilité de financer cemodèle du monde industrialisé ontsouvent adopté un système de coursaccélérés ne donnant à des ensei-gnants déjà mal préparés qu’unaperçu très sommaire des méthodespédagogiques46. Entre ces deuxextrêmes, on trouve un nouveaumodèle de formation des maîtres quiconstitue un volet essentiel de larévolution de l’éducation, notam-ment une révision du rôle et de lafonction de superviseurs et d’ins-pecteurs scolaires, formés auconseil pédagogique; on s’assureainsi des professionnels chevronnésqui peuvent guider les enseignantset les aider à résoudre les problèmesdans un processus continu, au lieude les évaluer par des jugements devaleur.
Aucun système viable d’ensei-gnement ne peut s’arrêter au niveauprimaire. Très logiquement, la prio-rité de la décennie décrétée àJomtien était de garantir la générali-sation de l’enseignement primaire,mais, avec le nombre croissantd’enfants qui achèvent leurs étudesprimaires, les besoins pour le secon-daire augmentent, d’autant plus que
garantir la gratuité de l’enseigne-ment primaire à quatre enfants parfamille. Ces deux dernières années,il a également testé dans quatredistricts le projet COPE (Comple-mentary Opportunities for PrimaryEducation: Nouvelles ouverturesd’enseignement primaire) qui donneune deuxième chance aux enfantsplus âgés, à ceux qui n’ont pas pro-fité des occasions antérieures des’instruire.
Le projet a intégré nombre desbonnes idées appliquées dansd’autres régions du monde pour at-teindre des enfants marginalisés.Les classes n’ont pas plus de 30 à40 élèves, et le programme, axé surl’acquisition d’aptitudes pratiqueset complété de compétences essen-tielles, couvre quatre disciplinesseulement: mathématiques, scien-ces, anglais et études sociales.L’horaire est souple (trois heurespar jour) et, plutôt que de juger lesenfants lors d’examens de find’année, les enseignants pratiquentl’évaluation continue. On encouragela participation des parents et de lacommunauté38.
Pour le responsable de ce projet,George Ouma Mumbe, ces écolesont déjà commencé à transformer lavie des enfants qui travaillent etcelle d’autres enfants auparavantoubliés par le système. «Suivis pardes enseignants spécialement for-més qui appliquent des méthodespédagogiques et des programmesadaptés, ces enfants parviennent àrattraper rapidement leur retard enraison de leur plus grande maturité»,note-t-il. «Il est étonnant de voir àquelle vitesse ils apprennent39.»
L’élément le plus significatif deprogrammes de ce type est peut-êtrequ’ils intègrent et encouragent despossibilités d’apprentissage accé-léré, si bien que les enfants plus âgésque leurs camarades de classe peu-vent progresser rapidement et rattra-per leurs pairs. Trop souvent victi-mes de systèmes éducatifs basés surla sélection, un très grand nombre deredoublants plus âgés encombrentles classes dans le monde entier.
Une stratégie visant à accélérer lemouvement des élèves au sein dusystème éducatif présente un poten-tiel énorme aussi bien pour répondreaux droits des élèves que pouraccroître l’efficacité du système lui-même. Les implications des pro-grammes accélérés, sur le plan desétudes et celui des élèves, n’ont pasencore été totalement appréciées,mais d’ores et déjà elles plaidentvigoureusement en faveur de la sou-plesse.
Motiver les enseignantsLes enseignants sont au cœur de
la révolution de l’éducation, maisbeaucoup se sentent pris au piège.Autrefois considérés comme desnotables dont on respectait la sa-gesse et qui apportaient le savoir à laprochaine génération, leur positionsociale est aujourd’hui diminuéedans le monde entier, et ils cèdent àun certain découragement. En 1991,la deuxième réunion de l’Organisa-tion internationale du Travail sur lesconditions de travail des ensei-gnants a d’ailleurs conclu que lasituation avait atteint un point into-lérable. Les conditions de travail sedégradent rapidement, provoquantl’exode des enseignants qualifiés etexpérimentés40. Quand l’UNESCO ademandé l’avis des autorités natio-nales pour une conférence sur le rôledes enseignants en 1996, seulesquelques nations industrielles riches(notamment l’Allemagne, l’Autri-che, le Canada, la Finlande et laSuisse) se sont distinguées de lamajorité des pays pour lesquels lestatut social et la rémunération desenseignants étaient un réel motifd’anxiété41.
Dans le monde en développe-ment, la profession a été durementtouchée par l’austérité financièredes années 80. Quand les gouverne-ments ont coupé dans les dépensespubliques au titre des programmesd’ajustement structurel requis par laBanque mondiale et le Fondsmonétaire international (FMI), lesbudgets de l’éducation (dont une
Les enseignants sont aucœur de la révolution del’éducation, mais beaucoupse sentent pris au piège.Ainsi, en Afrique, l’érosionsalariale fait que lesinstituteurs reçoiventsouvent moins de la moitiéde la somme représentant leseuil de pauvreté absolue.
UNIC
EF/4
909/
Schy
tte
Ce jeune garçon serre son cahier en Ouganda,où le gouvernement, désireux d’atteindre
l’éducation pour tous, garantit maintenant lagratuité de l’enseignement primaire à quatreenfants par famille.
4342
Inde: apprendre dans la joie
42
Le premier indice est la couleur
de l’école – un rose chaleureux
et accueillant. A l’intérieur, la
différence s’accentue. Ce ne sont pas
seulement la décoration d’animaux et
de fleurs peints en couleurs vives en
haut des murs blanchis à la chaux,
l’exposition de dessins d’enfants, ou le
«tableau» haut d’un mètre – c’est la
partie inférieure du mur, peinte en noir
– qui fait le tour de la pièce. La vraie
différence réside dans l’ambiance.
On voit que les enfants et l’ensei-
gnant sont heureux de travailler. Ils
ont envie d’être là. On ne peut imagi-
ner de contraste plus spectaculaire
avec les tristes leçons apprises par
cœur qui étaient la norme dans bien
des classes indiennes depuis des gé-
nérations.
C’est une bal mitra shala – une
école amie des enfants – et elle s’ins-
crit dans la stratégie du Shikshak
Samakhya, le programme de forma-
tion des maîtres qui a rajeuni les écoles
primaires dans l’Etat indien du Madhya
Pradesh. Le choix du mot «stratégie»
est mûrement réfléchi. Il s’agit d’un
modèle différent de formation des maî-
tres, d’un changement dans le proces-
sus et la pratique pédagogiques, et
d’un programme très efficace de moti-
vation, mais il va beaucoup plus loin
que l’addition de ces éléments. Le sys-
tème d’éducation – les planificateurs et
les administrateurs – a placé sa foi dans
les enseignants au niveau local. Et il en
a été récompensé par les succès les
plus réconfortants.
Le district où a commencé cette
aventure n’était pas le lieu idéal pour
un projet pilote. Dhar a longtemps été
qualifié «d’arriéré»: les tribus recen-
sées forment plus de 75% de la popu-
lation, les gens migrent régulière-
ment vers les villes pour trouver du
travail et les taux de fréquentation
scolaire sont faibles.
En 1992, quand le programme a
été lancé à l’occasion de la Journée
des enseignants – le 5 septembre –
dans 186 écoles primaires et 23 cen-
tres de regroupement de ressources,
les enseignants locaux n’y ont
d’abord vu qu’un fastidieux pro-
gramme gouvernemental de plus.
Mais la grande force du Shikshak
Samakhya est la manière dont il réus-
sit à motiver les enseignants. Depuis
le début, ils ont été associés à la
conception et au développement du
projet à tel point qu’ils l’ont rapide-
ment considéré comme leur bien pro-
pre. La nouvelle approche s’est très
vite étendue aux districts voisins, et le
soutien dévoué des premiers
enseignants à leurs collègues dans
des domaines nouveaux s’est révélé
capital.
En 1995, le Shikshak Samakhya
avait gagné sa reconnaissance à
l’échelon national – les programmes
qu’il a inspirés fonctionnent main-
tenant dans dix autres Etats
indiens, sous le nom générique de
projet de perfectionnement des
maîtres – ou «apprendre dans la
joie».
Le recours aux chants, aux dan-
ses et à des auxiliaires didactiques
simples et fabriqués sur place per-
met aux enfants d’entrer plus acti-
vement dans le processus d’ap-
prentissage.
Cette initiative a aidé les ensei-
gnants à recouvrer la fierté et le
respect que la tradition indienne
accorde à leur profession, déclare
Sardar Singh Rathore, principal de
Dhar. Ce respect avait été miné ces
vingt dernières années. «Non seu-
lement ils apprécient leur activité
d’enseignement dans la classe,
mais ils ont pu la rendre si intéres-
sante que les enfants ont envie d’al-
ler à l’école», dit M. Rathore. Un
autre avantage a été la hausse des
inscriptions dans les écoles desser-
vies, particulièrement des filles et
des enfants qui travaillent. Le pro-
gramme est soutenu par plusieurs
institutions des Nations Unies,
notamment l’UNICEF, le Programme
des Nations Unies pour le dévelop-
pement (PNUD) et le Programme
des Nations Unies pour la popula-
tion (FNUAP).
Les enseignants qui participent
au programme du Shikshak
Samakhya suivent une session ini-
tiale d’orientation de deux jours où
d’autres collègues les initient à
cette approche et leur donnent une
formation pratique sur la manière
de préparer les nouveaux auxiliai-
res pédagogiques. La formation
des enseignants elle-même est me-
née selon les méthodes de «l’ap-
prentissage dans la joie», avec un
UNIC
EF/5
852/
Vila
s
Encadré 7
large recours à des chansons, des
devinettes et des activités de
groupe.
Reposant sur le postulat qu’un
enseignant motivé et un élève
satisfait sont la meilleure manière
de transformer le système d’éduca-
tion, «l’apprentissage dans la joie»
suppose que les maîtres du pri-
maire peuvent être motivés et réus-
sir si on leur fait suffisamment
confiance, s’ils sont assez encadrés
et conseillés. Les parents enverront
leurs enfants à l’école si l’expé-
rience scolaire est rendue oppor-
tune, efficace et plaisante.
«Voyant que les enfants appren-
nent vite et ont envie d’aller à l’école,
les parents et la communauté ont
entrepris de soutenir l’enseignant et
l’école», poursuit M. Rathore.
Les retombées de cette appro-
che ne pourraient être plus claires.
L’investissement de l’Inde en
faveur de cette stratégie a donné
aux enseignants les moyens de réa-
liser leur potentiel, il a pu rendre
agréables l’apprentissage et l’en-
seignement, ce qui a un impact po-
sitif sur les résultats scolaires. La
stratégie a par ailleurs traversé les
frontières nationales et fait tache
d’huile au Bangladesh, au Népal et
au Pakistan.
De nouvelles techniques permettent aux en-fants d’entrer plus activement dans le proces-sus d’apprentissage. Elles rendent l’école plus
agréable pour les maîtres et les élèves. Ici, enInde, un enseignant et des enfants de sa classe.
«Voyant que les enfantsapprennent vite et ont envied’aller à l’école, les parentset la communauté ontentrepris de soutenirl’enseignant et l’école.»
4544
gnants, la valeur de cette approcheest évidente. «Je rêvais de cette sorted’organisation de la classe depuis35 ans», a déclaré Abdul MajidMollah, directeur d’une école pri-maire à Jhenaidah. «Mon rêve s’estréalisé52.»
Les éducateurs du Bangladesh nesont pas les seuls à avoir découvertl’interaction magique qui s’établitavec des enfants qui veulent appren-dre. «Nous étions inquiets quandnous avons commencé le cours,mais maintenant nous savons quenous pouvons enseigner de la nou-velle manière et nous l’apprécions»,a affirmé un enseignant apprenantles nouvelles techniques en Répu-blique démocratique populaire lao.«C’est plus amusant d’enseignermaintenant», a-t-il ajouté. «Les cho-ses se déroulent plus harmonieuse-ment quand les enfants sont àl’aise53.» En apportant un enseigne-ment vivant aux enfants dont ils ontla charge, les enseignants retrouventleur fierté et le sens de leur mission.«Je suis venu parce que je suis las devoir ce qui se passe dans monécole», dit un enseignant expliquantpourquoi il avait participé auxTalleres de Educación Democrática(Ateliers d’éducation démocratique)au Chili. «Fatigué de faire toujoursles mêmes choses, de travailler seul,de la peur du changement. J’essayede faire beaucoup. J’ai toujours étéfavorable au changement. J’aime-rais croire que nous marchons tousvers le même objectif54.»
Barrières linguistiquesUn autre obstacle majeur entra-
vant l’accès des enfants à l’école estque, dans de nombreux pays, lesleçons sont encore données dansl’ancienne langue coloniale – parexemple, dans beaucoup d’Etatsafricains anglophones, francopho-nes et lusophones qui ont lesniveaux les plus faibles de scolarisa-tion dans l’enseignement primairedu monde. Si l’instruction est don-née à l’école dans une langue quin’est pas parlée à la maison, particu-
lièrement quand les parents sontanalphabètes, les problèmes d’ap-prentissage s’accumulent et les ris-ques d’abandon augmentent.
D’autre part, beaucoup de tra-vaux de recherche montrent que lesélèves apprennent plus vite à lire etacquièrent d’autres compétencesplus facilement quand ils reçoiventd’abord un enseignement dans leurlangue maternelle (voir encadré 8).Ils apprennent aussi une deuxièmelangue plus rapidement que ceux quiont appris à lire dans une langueinconnue.
Dans les années 90, plusieurspays d’Amérique latine ont modifiéleur législation sur l’éducation pouraffirmer les droits des populationsautochtones, ce qui a conduit celles-ci à participer aux prises de déci-sions en matière d’éducation, ainsiqu’à la planification, la mise enœuvre et l’évaluation des politiqueset programmes de l’éducation. EnBolivie par exemple, les organisa-tions autochtones ont élaboré unprogramme d’enseignement bilin-gue interculturel et, dans les paysandins et du bassin amazonien, desgroupes autochtones ont participéau développement de programmesde formation des ressources humai-nes. Une étude du programme boli-vien a montré l’enthousiasme sus-cité chez les filles et les femmes parl’éducation bilingue comme moyende communication interculturelle.Les expériences latino-américainesont démontré aussi de manière géné-rale que la participation des groupesethniques peut renforcer la solida-rité entre les peuples et faire prendreconscience des inégalités entre lessexes et toute autre forme de discri-mination55.
Des programmes bilingues nova-teurs fournissent également desmodèles à imiter. Au Viet Nam, lamajorité kinh comprend 87% de lapopulation. Les 13% restants sontcomposés de 53 minorités ethniquesséparées qui vivent dans des régionslointaines sur les collines et dans leszones côtières, avec les taux les plusfaibles de scolarisation du pays.
c’est dans ce cycle que doivent êtrerecrutés les futurs maîtres. La for-mation d’un enseignant coûte jus-qu’à 35 fois plus que les dépensesannuelles engagées par élève del’enseignement secondaire géné-ral47. L’expérience de l’enseigne-ment secondaire doit refléter lemodèle participatif, sensible auxdifférences entre les sexes et centrésur l’enfant tel que défini par laConvention relative aux droits del’enfant, puisque, selon toutes pro-babilités, les enseignants répéterontle modèle éducatif qu’ils auronteux-mêmes connu à l’école48.
Les jeunes qui n’achèvent pasl’école secondaire auront toutefoisencore besoin d’une préparation àleur rôle d’enseignant, et des modè-les novateurs de formation pédago-gique apparaissent partout dans lemonde. Autre stratégie majeure –peu imitée ailleurs, mais prouvantqu’une formation efficace des maî-tres peut être dispensée à un coûtrelativement modique – le ZINTEC(Zimbabwe Integrated NationalTeachers Education Course: Pro-gramme national intégré de cours deformation des enseignants). Né dela nécessité pour le Zimbabwe detenir sa promesse de généraliserl’enseignement primaire, le ZINTECprévoit pour les futurs enseignantsquatre mois de formation intensiveen institution au début d’un pro-gramme de quatre ans, trois annéesde formation en cours d’emploiutilisant un module de formation àdistance avec encadrement par desprofesseurs de l’enseignement su-périeur et d’autres inspecteursscolaires habituels, et enfin uncours en institution de quatremois49.
En Inde, les initiatives de forma-tion pédagogique avaient pourobjectif de neutraliser les anciensschémas d’interaction enseignant-élèves et de faire prendre consciencedes possibilités de la classe grâce auShikshak Samakhya (programme deformation de maîtres) dans l’Etat duMadhya Pradesh. Ici, les ensei-gnants expérimentent quantité
d’idées, de connaissances, de com-pétences et d’activités interactives,une large palette de matérielsd’enseignement-apprentissage colo-rés et attrayants, différentes métho-des d’enseignement, la collégialitéet l’appui d’un groupe de pairs50.Cette nouvelle méthode de forma-tion participatoire fait travaillerles enseignants ensemble, pour lesrendre capables de prendre leurspropres décisions. Le ShikshakSamakhya a réussi à redonner espoiraux enseignants démoralisés duMadhya Pradesh. Il a égalementrapproché le processus de formationpédagogique de l’environnementactif, participatif, ayant pris formedans l’initiative «apprendre dans lajoie» qui transforme l’expérience ensalle de classe dans 11 Etats indiens(voir encadré 7).
Dans 44 écoles de l’ex-Républi-que yougoslave de Macédoine, leprojet de formation à l’enseigne-ment interactif a changé les prati-ques traditionnelles dans la classe enfacilitant les partenariats ensei-gnant-élèves-parents. Les âges et lesaptitudes des enfants forment labase du travail planifié, les tâchesécrites sont variées, et la lectureenglobe un large éventail d’objec-tifs51.
Au Bangladesh, où la plupart desenseignants de l’école primairedemandent aux élèves d’apprendreen répétant, certaines classes bénéfi-cient du projet IDEAL (IntensiveDistrict Approach to Education forAll: Approche intensive de districtde l’éducation pour tous). Ce projet,issu d’un partenariat entre l’UNICEFet le gouvernement, forme les ensei-gnants aux différentes manièresdont un enfant peut apprendre – cha-cun selon ses possibilités. Par exem-ple, certains enfants apprennentmieux en agissant, d’autres pré-fèrent écouter et d’autres encorevisualiser. Pour rendre l’environne-ment de la classe plus convivial,plus agréable et plus ouvert, particu-lièrement aux filles, les enseignantsd’IDEAL utilisent des méthodes departicipation. Pour nombre d’ensei-
UNIC
EF/9
3-19
91/P
irozz
i
La recherche montre que l’apprentissage dans
la langue maternelle pendant les premièresannées d’école jette des bases éducatives vita-les tout en stimulant la confiance en soi et
l’amour propre de l’enfant. Des élèves dansune classe de français en plein air au Bénin.
Si l’instruction est donnée àl’école dans une langue quin’est pas parlée à la maison,particulièrement quand lesparents sont analphabètes,les problèmesd’apprentissages’accumulent et les risquesd’abandon augmentent.
4746
Quelle langue pour l’éducation?
46
Pour des millions de jeunes en-
fants qui commencent leurs
études dans une langue qui
n’est pas la leur, l’école peut être un
lieu étrange et intimidant. Obligés
d’adopter une deuxième langue alors
qu’ils n’ont que quatre, cinq ou six ans,
ces enfants doivent abandonner tout
un univers qui leur est familier pour
entrer dans l’inconnu. Ils peuvent aussi
en arriver à penser que la langue qu’ils
connaissent depuis leur naissance est
inférieure à la langue de l’école. Pour
apprendre des matières complexes
comme les mathématiques et la lec-
ture, il leur faut fournir l’un des efforts
les plus ardus qui leur sera jamais
demandé; pourtant, les compétences
linguistiques sur lesquelles repose l’es-
sentiel de leurs facultés cognitives ont
soudain été déclarées sans rapport
avec la tâche à accomplir.
En s’écroulant, ces piliers du
savoir peuvent aussi emporter l’assu-
rance et le sentiment d’identité des
enfants. Il n’est pas étonnant que tant
d’enfants aient à lutter pour demeurer
à l’école et y réussir. Une récente
étude menée en Zambie a ainsi mon-
tré que les élèves qui commençaient
l’école en anglais plutôt que dans leur
langue maternelle n’acquéraient pas
de compétences suffisantes en lec-
ture pour être capables de bien
apprendre par la suite de la troisième
à la sixième année.
Les experts reconnaissent de plus
en plus combien il est important que
les enfants commencent leurs études
dans leur langue maternelle. L’emploi
de cette langue valide leurs expérien-
ces. Il les aide à apprendre la nature
du langage et à se servir de celui-ci
pour comprendre le monde, y com-
pris tous les aspects du programme
scolaire.
La langue maternelle est un fonde-
ment essentiel de l’apprentissage.
Mais maîtriser une langue nationale –
ou même une troisième langue, inter-
nationale celle-là, comme le français
ou l’anglais – a aussi des avantages.
Cela élargit la communication et, par
la suite, les possibilités d’accéder à
l’enseignement supérieur et à la vie
professionnelle. Les éducateurs abo-
rigènes vantent cet apprentissage à
double sens, qui aide les étudiants à
participer dans la communauté, mais
aussi dans le monde plus vaste.
Dans l’idéal, après les premières
années – au moins avant la fin de
l’école primaire – les élèves qui ont
commencé leurs études dans leur lan-
gue maternelle devraient se mettre à
apprendre une langue nationale . Cela
pourrait être la langue d’une ancienne
puissance coloniale occidentale,
comme le français au Sénégal, ou une
langue autochtone dominante,
comme l’hindi en Inde. Déterminer
quelle langue nationale introduire
dans les écoles peut néanmoins
faire l’objet d’un débat politique.
Rares sont les pays qui atteignent
l’idéal de l’enseignement bilingue,
bien que la plupart des habitants de
la planète soient en contact avec
plus d’une langue dans leur vie quo-
tidienne. Des considérations cultu-
relles et politiques entrent souvent
en jeu. De nombreux parents et
décideurs plaident en faveur de l’en-
seignement dans la langue natio-
nale dès le début de la scolarité, afin
que les enfants assimilent la culture
dominante. C’est pourquoi certains
parents n’enverront pas leurs en-
fants dans une école qui n’utilise
que la langue maternelle.
La pénurie de matériels et de pro-
grammes de formation entrave éga-
lement l’objectif d’un enseignement
bilingue. Pour commencer, il est
possible que les enseignants ne par-
lent pas les langues locales ou
autochtones de leurs élèves, et ils
ont souvent du mal à trouver du
matériel pédagogique dans ces lan-
gues. De plus, même les ensei-
gnants qui parlent couramment une
langue locale auront besoin d’une
formation pour enseigner la langue
nationale comme deuxième langue
dans les classes supérieures.
Pour les gouvernements, les
coûts de la préparation de matériels
pédagogiques et des cours de for-
mation des enseignants sont parfois
prohibitifs, particulièrement dans
les pays où coexistent beaucoup de
langues. L’Afrique de l’Ouest
compte ainsi de 500 à 1000 langues.
Pourtant, ces coûts doivent être
pondérés par rapport au prix que la
société paye pour les taux élevés
d’abandon et de redoublement dans
des écoles où ces programmes lin-
guistiques n’existent pas.
Quand des enfants âgés d’à peine quatre, cinqou six ans sont obligés d’adopter une deuxièmelangue, ils abandonnent un univers familier
pour entrer dans l’inconnu. Ces fillettes suiventun cours d’anglais au Pakistan.UN
ICEF
/539
4/Is
aac
Encadré 8
Que ce soit en première ou en
quatrième année, les enfants ont
souvent du mal à apprendre une
deuxième langue, dont le vocabu-
laire, la structure grammaticale et
le sens peuvent être radicalement
nouveaux pour eux. Le khmer, lan-
gue locale du Viet Nam, utilise par
exemple une écriture dérivée d’un
alphabet d’Asie du Sud, alors que le
vietnamien, la langue nationale,
emploi les caractères romains. La
plupart des enfants commencent
l’étude d’un système d’écriture à
partir de zéro, mais ceux qui
apprennent à écrire dans une nou-
velle langue ont à vaincre un obsta-
cle supplémentaire: lier des symbo-
les à des mots inconnus.
Différents pays, comme la
Bolivie et l’Equateur, ont accompli
des progrès considérables dans la
voie de l’enseignement bilingue. La
Bolivie a récemment adopté une loi
sur la réforme de l’éducation pour
soutenir le droit à la langue mater-
nelle. Le Burundi, le Kenya, le
Rwanda, la Somalie, la Tanzanie et
le Zimbabwe ont adopté un ensei-
gnement dans la langue maternelle
à l’école primaire, et certains villa-
ges du Burkina Faso le proposent
dans des écoles gérées par la com-
munauté. La politique de l’éduca-
tion en Papouasie-Nouvelle-Guinée
permet aux communautés de choi-
sir la langue d’enseignement en
première et deuxième années. Au
Népal, l’UNICEF appuie les efforts
des pouvoirs publics en vue de pro-
duire des matériels d’apprentis-
sage en quatre langues.
Commencer par enseigner dans
la langue maternelle est une straté-
gie essentielle pour atteindre les plus
de 130 millions d’enfants qui ne sont
pas scolarisés – et les aider à réussir.
Commencer par enseignerdans la langue maternelleest une stratégie essentiellepour atteindre les plus de130 millions d’enfants qui nesont pas scolarisés – et lesaider à réussir.
4948
Dans les conflits armés,l’éducation peut à la foissoigner et réhabiliter. Garderles écoles ouvertes, ou lesrouvrir dès que possible,c’est donner aux enfants unestructure et le sentimentd’une certaine normalité aumilieu du chaos.
Un nouveau départ:l’éducation dans les urgences
48
Il est 7 h 30 en ce lundi brumeux, et
le brouillard matinal se mêle à la
fumée des feux de camp qui s’effi-
loche à travers les rangs serrés de
tentes en plastique bleu. Vêtue de ses
plus beaux habits – un chandail à
rayures qui lui tombe aux genoux,
don de la communauté internationale
– Véridiane rejoint la file de petites
silhouettes qui balancent leurs sacs
en plastique vides. La colonne d’en-
fants serpente jusqu’à une petite clai-
rière sous un vaste acacia: c’est
«l’école». Des bancs faits de pierres
ou de troncs d’arbres ont été alignés
avec amour par les parents. L’ensei-
gnant souhaite la bienvenue à Véri-
diane et aux autres élèves. C’est leur
premier jour d’école.
De telles scènes se répétaient dans
les camps de Tanzanie, après l’afflux
massif d’un demi-million de réfugiés
du Rwanda, en 1994. Depuis les pre-
miers jours des «écoles sous les
arbres», l’éducation dans les situa-
tions d’urgence est arrivée à toucher
65% des enfants du camp, leur appor-
tant outre des connaissances une cer-
taine stabilité dans leur vie d’enfant.
Véridiane et les autres réfugiés du
camp ont été rapatriés de force au
Rwanda en décembre 1996. A cette
époque, une nouvelle vague de réfu-
giés fuyant la guerre civile au Burundi
et en République démocratique du
Congo était arrivée en Tanzanie.
Nombre des leçons tirées de l’expé-
rience des réfugiés rwandais ont été
alors appliquées à ces nouveaux arri-
vants. Sans tarder, «les écoles sous
les arbres» ont commencé à fonction-
ner avec du matériel distribué par
l’UNICEF, le Haut Commissariat des
Nations Unies pour les réfugiés (HCR)
et d’autres organismes. Pour les
58 000 enfants burundais, des livres
identiques aux manuels en usage
dans les écoles de leur pays ont été
imprimés et distribués. Les 20 500 en-
fants congolais qui vivent dans les
camps recevront aussi bientôt du
matériel pédagogique dans leur
langue.
Le programme d’études, le même
que celui du pays d’origine des
enfants, est reconnu dans bien des
cas par les autorités de celui-ci. C’est
ainsi qu’en 1997 et avec l’accord des
deux Gouvernements concernés, six
enfants congolais ont pu présenter en
Tanzanie des examens nationaux de
la République démocratique du
Congo. Les négociations se poursui-
vent avec le Gouvernement burun-
dais sur la reconnaissance des qualifi-
cations obtenues dans les camps afin
que les enfants ne soient pas obligés
de redoubler une année quand ils
retourneront enfin chez eux.
Certains éléments de la scolarité
des réfugiés demeurent néanmoins
particuliers à la situation. Par exem-
ple, dans les camps en Tanzanie, les
enfants apprennent l’anglais et le
kiswahili, afin de pouvoir communi-
quer avec les communautés d’ac-
cueil. Ils reçoivent un enseignement
relatif à leurs droits, grâce à des
livrets illustrés préparés par Kuleana,
une ONG basée à Mwanza (nord de la
Tanzanie). L’apprentissage du règle-
ment pacifique des conflits est égale-
ment un volet essentiel du pro-
gramme scolaire et fait aussi partie
des initiatives d’éducation des adul-
tes dans les camps.
Dans les approches graduelles de
l’éducation employées dans les situa-
tions d’urgence partout dans le
monde, il convient de répondre en
priorité aux besoins des enfants qui
souffrent de tensions psychosociales.
Avant de pouvoir organiser un
programme scolaire et des interven-
tions pédagogiques plus formelles,
des programmes récréatifs – sport,
théâtre et art – peuvent donner aux
enfants l’occasion de s’exprimer et
d’extérioriser leurs sentiments.
Dans des situations de crise aiguë,
les mallettes de formation comme
le coffret pédagogique mis au point
par l’UNESCO, l’UNICEF et le HCR pour
le Rwanda, permettent d’apporter
une réponse rapide aux besoins
d’éducation.
Il faut cependant se garder de
considérer ces mesures comme de
simples expédients. Pour dramati-
ques qu’elles soient, les situations
d’urgence peuvent donner un nou-
veau départ, en jetant les bases de
systèmes éducatifs plus soucieux
des droits de l’enfant et qui incluent
une formation à la démocratie, aux
droits de la personne et à la paix –
thèmes encore trop rarement abor-
dés dans les classes ordinaires. Ce
faisant, l’éducation peut aider à
résoudre certaines des causes fon-
damentales de la situation d’ur-
gence elle-même. En voici deux
exemples.
υ Le projet d’éducation pour la paix,
soutenu par l’UNICEF, émane de
l’expérience qu’a connue le Liban
pendant 16 années de guerre
civile. Lancé en 1989 en collabora-
tion avec le Gouvernement liba-
nais et 240 ONG, le projet a formé
10 000 jeunes qui ont à leur tour
organisé des activités pédagogi-
ques et d’éveil touchant quelque
200 000 enfants. L’objectif est de
promouvoir la paix et une culture
de reconstruction et de réconcilia-
tion, en mettant l’accent sur les
droits et le développement de
l’enfant, sur le règlement pacifi-
que des conflits et une sensibilisa-
tion à l’environnement.
Photo: En Tanzanie, «les écoles sous lesarbres» offrent aux enfants réfugiés de paysvoisins une stabilité et une continuité éduca-
tive indispensables.
UNIC
EF/T
anza
nie/
Piro
zzi
Encadré 9
υ A Sri Lanka, qui connaît sa quin-
zième année de guerre civile, le
projet d’éducation pour le règle-
ment des conflits introduit dans
les programmes scolaires les
valeurs de tolérance, de com-
passion, de compréhension et
de respect d’autres cultures,
ainsi que la résolution pacifique
des conflits. Depuis 1992, le pro-
jet a touché plus d’un million
d’élèves du primaire, et formé
plus de 75 000 administrateurs
et 30 000 animateurs. En 1999, il
sera appliqué aux écoles secon-
daires sri-lankaises.
Dans un monde où près de
50 millions de personnes – soit un
habitant de la planète sur 120 – ont
été déracinées, forcées d’abandon-
ner leur foyer pour traverser les
frontières comme réfugiés, ou per-
sonnes déplacées à l’intérieur de
leur propre pays, il est urgent de
comprendre comment dispenser
un enseignement qui tienne
compte de leurs besoins particu-
liers dans ces circonstances drama-
tiques.
5150
civile, un projet original proposeaux écoliers du primaire une forma-tion de 20 semaines visant à réduireles tensions psychosociales, accroî-tre la prise de conscience des préju-gés, promouvoir le règlement pacifi-que des conflits et enseigner desfaçons de parvenir à la paix. C’estl’une des diverses approches utili-sées pour aider à alléger les effetsdes conflits sur les enfants, ainsi quepour répondre à leurs besoins éduca-tifs très spéciaux.
Fruit d’une collaboration entrel’ UNICEF, CARE, l’universitéMcMaster du Canada et le ministèrecroate de l’Education, le projet acommencé en 1996 avec des élèvesde quatrième année dans l’une desquatre zones du pays touchées par laguerre, afin d’aider les enfants àrésoudre les problèmes quotidiens,renforcer leur assurance et amélio-rer leurs compétences en communi-cation. A partir de l’année scolaire1997/98, le projet était en place dansles quatre zones touchées par laguerre, l’ONG locale Mali Korak(Petit pas) se chargeant du volet deformation des maîtres.
Au nombre des succès figurent laréduction des tensions psycho-sociales, l’amélioration du climatdans la classe et la positivation desattitudes à l’égard de l’école, desparents et de la vie en général. Onespère élargir ce type de formationaux enseignants et aux élèves deshuit années de l’école primaire, etaux adolescents dans les associa-tions de jeunes.
Contrer le travaildes enfants
La plupart des enfants non scola-risés sont probablement au travail.L’ OIT estime que 250 millions d’en-fants travaillent à temps complet oupartiel dans le monde en développe-ment58. Le travail empêche de nom-breux enfants d’aller à l’école ou debénéficier de l’éducation, mais il estégalement vrai que les systèmeséducatifs sont incapables de prendreen compte les situations particuliè-
res des enfants au travail. La plupartdes jeunes travailleurs souhaitent al-ler à l’école. Pour attirer à l’école lesjeunes travailleurs non scolarisés,pour y retenir tous les enfants jus-qu’à un âge approprié et un niveausatisfaisant d’apprentissage, et pourréintégrer les enfants qui ont aban-donné, l’éducation doit être structu-rée de façon à répondre aux besoinsspécifiques des enfants qui tra-vaillent, de leur famille et de leurcommunauté (voir encadré 10). Ilfaut en particulier se pencher sur letravail agricole et le travaildomestique, deux des formes lesplus cachées de travail des enfants,et qui ont un impact particulière-ment grave sur les filles.
Pour que l’éducation cesse d’êtreune partie du problème du travaildes enfants et devienne une élémentessentiel de sa solution, il faudra re-courir à des innovations considéra-bles et employer des techniquesnon traditionnelles. Cela exigera derelever la formation des ensei-gnants et les matériels scolaires, etd’introduire plus de souplesse et decréativité dans la gestion de l’édu-cation, les méthodes d’enseigne-ment et d’apprentissage, le pro-gramme, les horaires scolaires et lasituation des écoles. Il faudra à ceteffet mobiliser la société civile, etsurtout les enfants eux-mêmes. Parexemple, les enfants participent à laplanification de leurs propres acti-vités scolaires plus régulièrementqu’ailleurs dans le projet colom-bien d’Escuela Nueva, où desconseils d’enfants se tiennent fré-quemment dans le cadre de l’édu-cation civique.
Pour répondre aux besoins éduca-tifs des enfants qui travaillent,l’ UNICEF et plusieurs gouverne-ments coopèrent dans la mise enœuvre d’un certain nombre demesures. Les programmes de bour-ses scolaires au Brésil ont ainsioctroyé des allocations d’études auxfamilles les plus pauvres commeencouragement économique afin deréduire le taux d’abandon des élèves.
Depuis 1991, le gouvernementessaye d’élargir l’enseignement sco-laire aux régions des collines par lebiais d’un projet de classe unique.La langue d’instruction est le vietna-mien, mais une formation rapide estproposée aux enseignants potentielsissus de minorités ethniques.L’ UNICEF et la Banque mondialeont parrainé la rédaction de livresbilingues dans des langues minori-taires, comme le bahnar, le cham, leh’mong et le khmer, et créent descentres spéciaux de production pourl’alphabétisation employant desenseignants, des écrivains et desillustrateurs locaux qui parlent etécrivent les langues locales.
Autre témoin de cet effort, le pro-jet Intelyape, qui a mis au point dumatériel d’alphabétisation arrernteavec les Australiens aborigènesdans la ville d’Alice Springs montreencore la manière dont la révolutionde l’éducation applique des innova-tions d’une région du monde àl’autre56.
Mesures d’urgenceL’impact des conflits armés sur
les enfants est si vaste et si généralqu’il est presque impossible de lemesurer pleinement. On estimequ’en une décennie deux millionsd’enfants sont morts, six millionsont été gravement blessés, un mil-lion sont devenus orphelins ou ontété séparés de leur famille, et12 millions ont perdu leur foyer57.Mais on ne peut pas connaître avecexactitude le nombre d’enfants quisont marqués dans leur esprit, etémotionnellement traumatisés parla violence qu’ils ont connue (et,dans certains cas, à laquelle ils ontété forcés de se joindre), par lesdéchirures massives dont leur envi-ronnement social a été l’objet oupar les attaques dont ils ont été lescibles, comme cela arrive de plusen plus fréquemment.
Dans les conflits armés, l’éduca-tion peut à la fois soigner et réhabili-ter. Garder les écoles ouvertes, oules rouvrir dès que possible, c’est
donner aux enfants une structure etle sentiment d’une certaine norma-lité au milieu du chaos. Les ensei-gnants et autres professionnels peu-vent traiter les effets psychosociauxet émotionnels de la violence sur lesenfants. Ils peuvent transmettre àleurs élèves des techniques pour lasurvie et la sécurité, tout en sur-veillant les violations des droits del’homme.
Pour tenter de restaurer et de pro-téger les droits de l’enfant à l’éduca-tion dans les situations d’urgence,l’ UNESCO et l’UNICEF ont mis aupoint l’Edukit, un «coffret pédago-gique» contenant des matériels édu-catifs et didactiques envoyés aussirapidement que possible dans leszones sensibles. Les enfants y trou-vent des crayons, du papier, de lacraie, des gommes et des cahiers.Les enseignants reçoivent des gui-des de programme scolaire, desmatériels didactiques et des ma-nuels. Des communautés dévastéespeuvent commencer à rebâtir. Uti-lisés pour la première fois auRwanda et en Somalie, ces coffretspédagogiques ont été envoyés par lasuite en Afghanistan, au Ghana, enIraq, au Libéria, au Mali, en Répu-blique de Moldova, en SierraLeone, au Soudan, en Tanzanie eten Zambie.
Des programmes aident à fairedes écoles un endroit où la paix estapprise et pratiquée. Au Liban et àSri Lanka (voir encadré 9), les mé-thodes d’éducation nées pendantles conflits sont maintenant inté-grées aux programmes scolairesnationaux. Les enfants apprennent àtrouver des solutions aux problè-mes; on leur enseigne les techni-ques de négociation et de commu-nication ainsi que le respect d’eux-mêmes et des autres; ils en viennentà comprendre que la paix est leurdroit. L’objectif est de réconcilierdes communautés divisées et deprévenir autant que possible lesfuturs conflits.
En Croatie, où les enfants ont étédurement touchés par la guerre
UNIC
EF/9
8-00
21/F
reed
man
L’éducation aide à restaurer la normalité et
guérit les traumatismes après un conflit armé.En Angola, qui a subi 30 années de guerre, cesélèves attentifs utilisent du matériel fourni dans
un coffret pédagogique de l’UNESCO et del’ UNICEF.
UNIC
EF/9
0-00
21/T
olm
ie
Une petite fille place son bulletin de vote dansl’urne lors d’une élection au conseil d’élèves
en Colombie, où les enfants participent régu-lièrement aux activités de planification sco-laire.
5352
En Inde: aider les pauvres à choisir l’école
52
Dans l’Andhra Pradesh, cin-
quième Etat de l’Inde par sa
superficie, 75 villages n’em-
ploient plus de main-d’œuvre enfan-
tine et leurs enfants sont tous scolari-
sés, en grande partie grâce à l’action
menée ces dernières années par la
Fondation M. Venkatarangaiya (MVF).
Depuis son lancement il y a sept ans,
le programme a été guidé par deux
objectifs: aucun enfant ne doit occu-
per un emploi salarié; tous doivent
aller à l’école.
Le programme MVF a débuté en
1991 dans cinq villages par la scolari-
sation de 16 enfants, uniquement des
filles. En 1998, plus de 80 000 filles et
garçons, de 5 à 14 ans, dans 500 villa-
ges, étaient scolarisés par la MVF dans
les écoles publiques des zones rura-
les du district de Ranga Reddy.
«Tout d’abord, il faut persuader la
communauté qu’aucun enfant ne doit
travailler», explique Shanta Sinha,
porte-parole de la Fondation et pro-
fesseur de sciences politiques à l’uni-
versité d’Hyderabad. «C’est en soi
une tâche rendue extrêmement diffi-
cile par un formidable conflit d’inté-
rêts: les parents perdent un revenu
d’appoint et l’employeur une main-
d’œuvre bon marché. Cette mesure se
traduit pour l’enseignant par une
forte augmentation du nombre d’en-
fants dont il doit s’occuper et pour
l’ensemble de la communauté par
des responsabilités supplémentai-
res.»
Il est encore plus difficile de trans-
former les valeurs sociales et les nor-
mes culturelles qui justifient le travail
des enfants que de résoudre ce
dilemme. La MVF préconise un
modèle d’organisation communau-
taire et la recherche d’un consensus
parmi les parents et les enfants eux-
mêmes, avec des enseignants, dont
beaucoup se sont réunis dans un
«Forum pour la libération de la main-
d’œuvre enfantine», des jeunes béné-
voles connus sous le nom de «mili-
tants de l’éducation», des fonction-
naires locaux et des employeurs.
Dans un premier temps, la MVF, aidée
par des bénévoles, a pris contact di-
rectement avec chaque famille pour
déterminer la situation de chaque
enfant dans le district. Ceux de 5 à
8 ans ont été envoyés dans des écoles
ordinaires, et les enfants de 9 à 14 ans
inscrits à des cours du soir spéciaux
ou des camps d’été de trois mois, qui
leur ont servi de «passerelle» avant
de rejoindre les écoles ordinaires. Des
comités de parents surveillaient les
expériences et les progrès des deux
groupes d’élèves.
En même temps, la MVF organisait
des réunions publiques, une campa-
gne d’affichage et des rassemble-
ments. Des associations parents-
enseignants ont été créées au niveau
des villages, et des comités admi-
nistratifs au niveau des districts.
«Tandis que nous augmentions les
pressions au niveau de la commu-
nauté pour encourager les parents
à envoyer leurs enfants à l’école»,
explique le professeur Sinha,
«nous invitions les employeurs à
cesser d’embaucher des enfants. A
plusieurs reprises, des employeurs,
sous cette pression de la commu-
nauté, ont pris l’initiative de parrai-
ner l’éducation des enfants qu’ils
faisaient auparavant travailler. La
communauté a réagi en honorant
leurs anciens patrons.»
Avec l’augmentation du nombre
d’écoliers, le personnel enseignant
a dû faire face à de nouveaux défis.
On a engagé des maîtres locaux
supplémentaires, en partie rémuné-
rés par la communauté et dont
beaucoup sont des alphabètes de la
première génération, pour aider les
élèves en faisant le lien entre le
monde du travail et l’école. La MVF a
soutenu des instituteurs de l’Etat
grâce à des séminaires mettant l’ac-
cent sur l’attitude des enseignants à
l’égard des petits travailleurs qui
viennent à l’école pour la première
fois, et d’autres sur les problèmes
spécifiques des enfants au travail.
A mesure que le programme a
pris de l’ampleur, le rôle de la MVF a
évolué. En 1997, la Fondation for-
mait plus de 2000 jeunes bénévo-
les, maîtres de l’école publique,
élus locaux et personnel des ONG.
Contrairement à la plupart des
initiatives dans ce domaine, la MVF
ne verse pas d’argent aux enfants
ni à leurs familles. Pourtant, son
approche a si bien fonctionné que
les autorités de l’Etat n’ont pas
hésité à la mettre en œuvre dans
d’autres villages.
UNIC
EF/5
868/
Vila
s
Encadré 10
Comment explique-t-on cette
réussite? «L’idée de la Fondation»,
remarque le professeur Sinha, «est
que dans de nombreux cas, les
enfants ont été mis au travail parce
qu’ils n’allaient pas à l’école, et non
pas le contraire.» Les expériences
de la MVF réfutent clairement la
théorie dominante selon laquelle
c’est la nécessité économique qui
force les parents pauvres à choisir
pour leurs enfants le travail et non
l’école. Les familles pauvres de
l’Andhra Pradesh, quand elles en
ont la possibilité, et si on les y
encourage, retirent volontiers leurs
enfants du travail pour les inscrire à
l’école.
«Nous appliquons un pro-
gramme qui est proche de ce que
les parents souhaitent pour leurs
enfants», affirme le professeur
Sinha. «Le programme touche de
toute évidence un point sensible.»
Les valeurs sociales et les normes culturellesdoivent être changées pour garder les enfants àl’école. Cette évolution exige la participation
de la communauté tout entière. Une jeune filleemployée dans une petite échoppe.
Les familles pauvres del’Andhra Pradesh, quandelles en ont la possibilité,et si on les y encourage,retirent volontiers leursenfants du travail pour lesinscrire à l’école.
5554
Egypte: un modèle pour l’éducation des filles
54
Paradoxalement, il est plus fa-
cile de trouver des innovations
pédagogiques dans les com-
munautés rurales démunies du sud
de l’Egypte que dans les quartiers
aisés du Caire. Là où le désert rejoint
les terres fertiles le long du Nil et où
les montagnes se dressent au-dessus
de la vallée, des traditions ancestra-
les cèdent la place à des écoles cen-
trées sur l’enfant qui attirent les élè-
ves les plus oubliés jusqu’ici – les
filles.
Environ un quart de la population
rurale du sud de l’Egypte habite dans
de petits hameaux isolés, souvent si-
tués à trois kilomètres au moins de
l’école la plus proche. Dans la plupart
des zones rurales du Sud, les taux
nets de scolarisation des filles
oscillent entre 50% et 70% contre
72% à l’échelon national. Dans les
situations les plus extrêmes de cer-
taines régions isolées, on compte
seulement 12 filles scolarisées pour
100 garçons.
A Assiout, Sohaq et Keneh – qui
figurent parmi les gouvernorats les
plus pauvres du Sud – près de
200 écoles communautaires ont été
ouvertes. Elles ont si bien su encou-
rager la scolarisation des filles et la
participation active de tous les élè-
ves, filles et garçons, que leurs prin-
cipes d’enseignement et d’apprentis-
sage ont été intégrés dans le système
d’éducation officiel.
Nadia, qui a fréquenté l’école du
hameau d’Al Gamayla, est mainte-
nant une adolescente sûre d’elle et
dotée de solides compétences. Fré-
quentant actuellement une école
moyenne préparatoire dans le village
d’Om Al Qossur (gouvernorat
d’Assiout), elle souhaite poursuivre
ses études jusqu’à l’université, une
ambition que sa famille appuie sans
réserve. «Quand qu’elle n’était qu’en
troisième année, elle savait déjà
mieux lire et écrire que son frère aîné
qui avait été à l’école du village le
plus proche. Nous avons alors com-
mencé à lui demander conseil. C’est
elle maintenant qui écrit nos lettres
privées à son oncle qui travaille à
l’étranger», dit son père.
Les enseignants de l’école de
Nadia, ayant rapidement remarqué
ses excellents résultats scolaires et
sa participation en classe, ont
demandé au projet d’écoles commu-
nautaires des directives sur les nou-
velles méthodes d’apprentissage
actif, y compris les activités
autogérées, l’apprentissage par la
pratique, le travail en groupes et la
participation des enfants à la gestion
de la classe.
Le succès d’élèves comme Nadia
et 4000 autres devenus des étudiants
actifs a incité le ministère de l’Educa-
tion et le Gouvernement égyptien à
élargir le projet d’écoles commu-
nautaires. Certains éléments vont
ainsi être appliqués à grande
échelle, comme la formation des
enseignants et des directeurs
d’établissement aux pédagogies
d’apprentissage actif, la mise au
point de matériels d’auto-appren-
tissage et l’essai de systèmes pro-
motionnels souples qui font avan-
cer les enfants d’un niveau quand
ils atteignent certains paliers plutôt
que quand ils réussissent un exa-
men trimestriel ou de fin d’année.
Les écoles communautaires ont
démarré en 1992 grâce à des parte-
nariats entre le ministère de l’Edu-
cation, les collectivités, les ONG et
l’UNICEF. Combinant plusieurs ni-
veaux en une seule classe, elles
représentent un modèle d’appren-
tissage actif particulièrement atti-
rant pour les filles, dans lequel les
parents et les communautés parti-
cipent pleinement. Respectueuses
des principes contenus dans la
Convention relative aux droits de
l’enfant, ces écoles favorisent la
créativité, la réflexion critique et
renforcent les compétences en
matière de résolution des problè-
mes.
Avec l’appui de l’Agence cana-
dienne de développement interna-
tional (ACDI), le gouvernement
s’emploie depuis 1993 à dévelop-
per et multiplier les «écoles à
classe unique». Comme les écoles
communautaires, les écoles à
classe unique s’adressent aux filles
vivant dans les hameaux ruraux.
Elles sont présentes aujourd’hui
dans plus de 2000 villages à travers
le pays.
L’intégration des deux projets a
commencé vraiment en 1995. Par
décret ministériel, un Comité d’in-
UNIC
EF/9
8-04
02/G
oods
mith
Encadré 11
novation en éducation (CIE) a été
mis en place pour rapprocher les
deux initiatives et pour inclure les
meilleures pratiques des projets
dans l’ensemble du système offi-
ciel de l’éducation de base, de
manière à encourager l’innovation
permanente en matière d’éduca-
tion. L’apprentissage actif et la
gestion de la classe centrée sur
l’enfant sont deux pratiques intro-
duites dans les écoles de type clas-
sique.
Le CIE est au cœur du dispositif du
ministère de l’Education, ses mem-
bres provenant des universités, de
l’organisme national d’alphabéti-
sation, des médias et du ministère
des Affaires sociales. Récemment,
le ministère de l’Education a pro-
posé d’y faire siéger aussi des
représentants des ONG, des com-
munautés, des hommes et des
femmes d’affaires, ainsi que des
fonctionnaires de la santé et de
l’environnement.
Grâce à la pression des commu-
nautés, des parents et des déci-
deurs en faveur d’une éducation de
qualité, le mouvement a fait boule
de neige, les écoles communau-
taires étant considérées comme
un catalyseur du changement
social et de l’évolution person-
nelle. La quête d’un enseignement
de qualité, alors que les commu-
nautés assument la responsabilité
et la propriété de leurs écoles,
donne une base solide au déve-
loppement durable et à la forma-
tion continue. Certains qualifient
ce phénomène de révolution tran-
quille: il s’agit en tout cas d’une
collaboration précieuse en faveur
de l’apprentissage au sein d’une
communauté qui s’est donné les
moyens d’agir.
Les écoles communautaires égyptienness’efforcent d’assurer la scolarisation des filles
et leur participation en salle de classe. Unefillette dans une classe à Assiout, en Egypte.
Combinant plusieursniveaux en une seule classe,les écoles communautairesreprésentent un modèled’apprentissage actifparticulièrement attirantpour les filles, dans lequelles parents et lescommunautés participentpleinement.
5756
monde en développement, 73 mil-lions sont des filles61. Réduire cetécart par des stratégies ciblées pourpromouvoir l’éducation des fillesa été un souci tout au long des an-nées 90. La Déclaration mondialesur l’éducation pour tous adoptée en1990 par 155 pays en témoigne: «Lapriorité absolue devrait être d’assu-rer l’accès des filles et des femmes àl’éducation et d’améliorer la qualitéde la formation qui leur est dispen-sée, ainsi que de lever tous les obsta-cles à leur participation active. Tousles stéréotypes sexuels sont à bannirde l’éducation62.» (Voir figures 7 et9)
Ces mots ont été soigneusementchoisis non seulement pour mettrel’accent sur la qualité de l’éducationouverte aux filles et sur la nécessitéde lever les obstacles à leur scolari-sation, y compris ceux qui se rap-portent aux traditions culturelles ouau manque de volonté politique,mais aussi pour attirer l’attentionsur les aspects matériels du pro-blème, tels que le manque de placesou d’équipements appropriés àl’école. De nombreuses filles aban-donnent l’école dès le début de lamenstruation, qui les rend particu-lièrement vulnérables quand il n’y apas de commodités séparées.
Les grands avantages sociaux del’éducation des filles sont presqueuniversellement reconnus. En voiciles principaux:◆ Plus une mère est instruite, plus
la mortalité juvéno-infantile estréduite (voir figure 8).
◆ Les enfants de mères instruitessont dans l’ensemble mieuxnourris et moins souvent mala-des.
◆ Les enfants (et particulièrementles filles) de mères instruites ontplus de chances d’être instruitseux-mêmes et de savoir lire etécrire (voir figure 10).
◆ Plus elles ont fait d’années d’étu-des et plus les femmes tendent àreculer l’âge de leur mariage età réduire le nombre de leursenfants.
◆ Les femmes instruites courentmoins de risques de mourir encouches.
◆ Plus une femme est instruite, pluselle a de possibilités de choixdans la vie, et moins elle risqued’être exploitée et opprimée parsa famille ou son statut social.
◆ Les femmes instruites sont plussusceptibles d’être réceptives auxinitiatives de développement, d’yparticiper et de les influencer, etelles ont plus de chances d’en-voyer leurs filles à l’école.
◆ Les femmes instruites ont plus deprobabilités de jouer un rôle dansla prise de décisions politiques etéconomiques aux niveaux com-munautaire, régional et national.Si le plus gros problème, au
niveau mondial, est le manqued’accès des filles à un enseignementde qualité, un problème commenceà pointer concernant l’éducation desgarçons. Il est clair que dans certai-nes régions, la scolarisation des gar-çons diminue et que leur tauxd’abandon augmente. C’est un phé-nomène connu de longue date dansdes pays aux traditions pastoralescomme le Lesotho et la Mongolie,où les garçons sont depuis toujourschargés de s’occuper des troupeaux.Mais c’est aussi un motif d’inquié-tude croissant aux Caraïbes où nonseulement les filles demeurent pluslongtemps à l’école, mais où ellessurclassent nettement les garçonsdans le primaire et le secondaire. Cephénomène est peut-être la premièremanifestation dans le monde endéveloppement d’un problème del’éducation des garçons qui existedéjà dans les pays industrialisés(voir encadré 12).
Pour protéger le droit des enfantsà l’éducation, les écoles et les systè-mes éducatifs doivent être «respec-tueux des différences entre lessexes». Qu’est-ce que cela signifie?Dans la pratique, la plupart desréformes visant à améliorer la qua-lité de l’éducation et à garantir lesdroits de l’enfant rendront aussil’éducation plus sensible aux diffé-rences entre les garçons et les filles.
Autre exemple, la Bolsa CriançaCidadã (Bourse enfance civique),un programme du Gouvernementfédéral dans des régions du Brésiloù le travail des enfants est fréquent,accorde des bourses aux familles etaux secrétariats municipaux del’éducation pour élargir les activitéssportives et culturelles et le tutoratscolaire quand les enfants tra-vailleurs sont à l’école. Les jeunestravailleurs du District fédéral sontciblés par le programme Bolsa-Escola (Bourse-école), qui accordeà leur famille l’équivalent d’unsalaire minimum (environ 100 dol-lars par mois), une allocation qui estsupprimée si l’enfant compte plusde 10% d’absences pendant l’annéescolaire. Liés à d’autres efforts des-tinés à améliorer la qualité de l’en-seignement primaire, ces program-mes ont réduit les taux d’abandondes élèves.
Au Bangladesh, où il fallait éla-borer des approches non formellespour les enfants anciennementemployés dans l’industrie du vête-ment, un mémorandum d’accord aapporté une réponse rapide et créa-tive. L’accord signé en juillet 1995par l’Association bangladaise desfabricants et exportateurs de vête-ments (BGMEA), l’OIT et l’UNICEFprécise que les enfants de moins de14 ans doivent être retirés des ate-liers de confection, placés dans desécoles et qu’ils doivent recevoir uneallocation mensuelle. Les leçons ti-rées de cet accord ont été intégrées àun programme d’éducation de basepour les enfants marginalisés desvilles59.
Elément 3. Respectdes différences entreles sexes et éducationdes filles
«La culture des tomates» est lethème de la leçon d’agricultured’aujourd’hui dans l’école commu-nautaire d’Al-Akarma en Haute-Egypte. Pendant la leçon, Nagwalève le doigt. Le maître lui donne laparole et Nagwa, très poliment,
mais fermement, rectifie l’informa-tion qu’il a fournie sur la manière etle lieu convenant pour la culture destomates. L’enseignant remercieNagwa et demande à la classe del’applaudir60.
Voilà une classe qui respecte ladifférence entre les sexes. La ma-tière enseignée se rapporte à la viedes élèves; l’interaction entre l’en-seignant et les élèves est empreinted’estime mutuelle; une fillette estencouragée à participer au lieu de secontenter d’écouter passivement; etsa contribution est ensuite récom-pensée (voir encadré 11).
Investir dans des systèmes éduca-tifs pour en faire des outils d’inté-gration est une mesure bénéfiquepour tous les enfants. Malheureuse-ment, des classes comme celle deNagwa sont encore très souventl’exception. La discrimination àl’égard des filles est le principalobstacle sur la voie de l’éducationpour tous.
Le droit des filles à une éducationde qualité répondant à leurs besoinsest trop souvent dénié, même àcelles qui ont la chance d’aller àl’école. Des leçons et des manuelsremplis de messages implicites etexplicites affirmant que le rôle desfilles est moins important que celuides garçons risquent de saper leurapprentissage et leur fierté. Lesenseignants – les femmes aussi bienque les hommes – félicitent parfoisdavantage les garçons, leur accor-dent plus d’attention et leur offrentplus d’occasions de jouer un rôlevalorisant. A l’école, les filles sevoient souvent assigner automati-quement des tâches de type ménagerqui ne seraient imposées aux gar-çons que comme punition.
Une classe sensible aux différen-ces entre les sexes devrait compter àpeu près autant de filles que de gar-çons, et enregistrer des résultatssimilaires pour chaque groupe, maisbeaucoup de classes dans le mondene réunissent pas ces critères pour-tant essentiels. Par exemple, sur lesquelque 130 millions d’enfants de6 à 11 ans non scolarisés dans le
Fig. 7 Scolarisation primaire –les garçons et les filles
Comme le montre ce diagramme en nuage de pointsreprésentant les taux nets de scolarisation dans
tous les pays en développement, les garçonsdépassent les filles dans les pays où le taux global
de scolarisation est faible, la parité entre les sexesaugmentant en même temps que ce taux. On
constate plus d’inscriptions de garçons en bas dudiagramme, et de filles en haut.
Source: La situation des enfants dans le monde 1998, UNICEF,1997, tableau 4.
Fig. 8 Education et mortalité infantile
L’UNICEF a mené en 1997 une étude sur l’impact sur
la santé d’interventions en divers domaines (santé,nutrition, eau et assainissement, éducation) dans
neuf pays, plus l’Etat du Kerala (Inde) ayant obtenudes réductions importantes de la mortalité infantile.
On a constaté que c’étaient les interventions enéducation qui avaient le plus gros impact sur les
indicateurs de santé, y compris la mortalité desnourrissons et des enfants de moins de cinq ans,
l’espérance de vie à la naissance et l’indicesynthétique de fécondité. A titre d’exemple, ce
diagramme montre une chute de la mortalitéinfantile, précédée par une augmentation de la
scolarisation primaire, en République de Corée etau Costa Rica.
Source: Santosh Mehrotra and Richard Jolly, eds.,Development with a Human Face, Clarendon Press, Oxford,1997.
Taux
bru
t de
scol
aris
atio
n pr
imai
re
Taux
de
mor
talit
é in
fant
ile
Taux de mortalité infantile
Taux brut de scolarisation primaire
80
85
90
95
100
105
1960 1970 1980 19900
10
20
30
40
50
60
70
République de Corée
Taux
bru
t de
scol
aris
atio
n pr
imai
re
0102030405060708090100
Taux
de
mor
talit
é in
fant
ileTaux brut de scolarisation primaire
Taux de mortalité infantile0
20
40
60
80
100
120
1950 1960 1970 1980 1990
Costa Rica
595858 59
Fig. 9 D’un coup d’œil: disparités garçons/fillesdans l’enseignement primaire et indicateurs connexes
Cette carte indique les disparités garçons/filles dansl’enseignement primaire, mesurées par la différence en
points de pourcentage entre les taux de scolarisationnets des garçons et des filles. La différence est en
faveur des garçons dans la plupart des pays endéveloppement, surtout en Asie du Sud (12 points de
pourcentage), au Moyen-Orient et en Afrique du Nord(9 points) et en Afrique subsaharienne (4 points). On ne
constate pas de différence dans les pays industrialisés.En Amérique latine et dans les Caraïbes, la différence
est en faveur des filles.
Sources: UNESCO et UNICEF, 1998, pour les taux nets de scolarisation.La situation des enfants dans le monde 1998 et La situation desenfants dans le monde 1999 pour les différences en points de pour-centage entre la scolarisation des garçons et celle des filles, lepourcentage des dépenses du gouvernement central en faveur del’éducation et le PNB par habitant (1996). ONUSIDA pour les chiffresrelatifs au VIH/SIDA, et le BIT pour ceux concernant le travail desenfants.
Note: les frontières sur la carte ne constituent pas une reconnais-sance ou une acceptation officielles des tracés par l’UNICEF. La lignepointillée représente approximativement la ligne de contrôle auJammu et au Cachemire convenue par l’Inde et le Pakistan.
Pays industrialisés
Taux net de scolarisation: 98
Différence en points de % entregarçons et filles: 0
% des dépenses du gouvernementcentral pour l’éducation: 4
PNB par habitant: 27 086$
Amérique latine et Caraïbes
Taux net de scolarisation: 92
Différence en points de % entregarçons et filles: 0
% des dépenses du gouvernementcentral pour l’éducation: 11
PNB par habitant: 3681$
Afrique subsaharienne
Taux net de scolarisation: 57
Différence en points de % entregarçons et filles: 4
% des dépenses du gouvernementcentral pour l’éducation: 14
PNB par habitant: 528$
Moyen-Orient et Afrique du Nord
Taux net de scolarisation: 81
Différence en points de % entregarçons et filles: 9
% des dépenses du gouvernementcentral pour l’éducation: 14
PNB par habitant: 1798$
Asie du Sud
Taux net de scolarisation: 68
Différence en points de % entregarçons et filles: 12
% des dépenses du gouvernementcentral pour l’éducation: 3
PNB par habitant: 380$
Chiffres à noterPlus de 8,2 millions d’enfants entre 0 et 14 ans, dont 7,8 millions en Afrique subsaharienne, ont perdu leur mère ou leurs deux parents dessuites du SIDA – et ce nombre augmente de 50 000 par an. Dans les pays en développement, quelque 250 millions d’enfants de 5 à 14 anssont au travail – près de 153 millions en Asie, 80 millions en Afrique et 17,5 millions en Amérique latine. Tous ces jeunes travailleurs et cesorphelins du SIDA courent le risque de se voir dénier leur droit à l’instruction de base, rendant encore plus difficile leur combat contre lapauvreté et l’exploitation.
Pour la liste des pays de chaque région, voir page 132.
* Europe centrale et orientale/Communauté d’Etats indépendants
Différence (points de pourcentage) entre garçons et filles dans la scolarisation primaire
Pays industrialisésMoins de 5 5-14 15 ou plus Pas de données
Asie orientale et Pacifique
Taux net de scolarisation: 96
Différence en points de % entregarçons et filles: 1
% des dépenses du gouvernementcentral pour l’éducation: 11
PNB par habitant: 1193$
ECO/CEI* et Etats baltes
Taux net de scolarisation: 94
Différence en points de % entregarçons et filles: 1
% des dépenses du gouvernementcentral pour l’éducation: 6
PNB par habitant: 2182$
6160
◆ Rapprocher les écoles du foyerdes enfants. Cela peut être obtenuen dressant une carte scolaire afind’identifier les endroits les moinsbien desservis, et en créant de pe-tites écoles à classe unique dansdes zones rurales éloignées. Cesmesures rendent la scolarité plusaccessible à tous les enfants, maisencouragent particulièrementl’inscription des filles.
◆ Programmer les cours avec sou-plesse pour permettre la partici-pation d’enfants qui en auraientautrement été empêchés par leursactivités aux champs ou à la mai-son pour aider leur famille.
◆ Garantir la gratuité de l’ensei-gnement, ou veiller à ce que nulenfant ne soit empêché d’aller àl’école parce que ses parentsn’ont pas les moyens de financerses études. Si elles doivent faireun choix, les familles pauvrespréfèrent souvent envoyer lesgarçons à l’école plutôt que lesfilles.Le respect des différences entre
les sexes n’est pas seulement unefacette de la révolution de l’éduca-tion; il fait partie intégrante de cetterévolution. Les mesures visant àfaire participer les filles font pro-gresser sur tous les fronts la cause del’éducation universelle.
Une approche soucieuse d’équitéentre les sexes doit donc sous-tendrela prise de décisions à tous lesniveaux du système. Au niveaunational, les décisions sur l’éduca-tion doivent être fondées sur desdonnées pour chaque sexe afin d’as-surer la priorité absolue à l’égalité.Il faut en outre trouver des ressour-ces suffisantes pour que les famillesn’aient plus à supporter les coûtsdirects et indirects de la scolarité.
Les directeurs d’école et lesadministrateurs doivent promouvoirun apprentissage de qualité, centrésur l’enfant, et veiller à ce que lesécoles soient un lieu sûr, où les fillesse sentent respectées et protégées,physiquement et intellectuellement,des importunités, du chahut, de laviolence et du harcèlement sexuel
dont elles sont trop souvent la cibledans de nombreux établissementsscolaires.
Les enseignants doivent utiliserdes matériels qui ne heurtent pas lessensibilités différentes des garçons etdes filles et se garder de tout parti-pris, s’assurant que les filles inter-viennent aussi fréquemment que lesgarçons et de la même manière. Ilsera bon qu’ils intègrent à leur pro-gramme des informations sur lescontributions des femmes à la sociétéet à la communauté locale, particuliè-rement quand ces contributions sontcachées ou sous-évaluées.
Le Programme mondial d’éduca-tion des filles de l’UNICEF s’efforced’atteindre ces objectifs dans plusde 50 pays, notamment dans les troisrégions où l’écart entre filles et gar-çons est le plus important.
Parmi les mesures clefs qui ontprouvé leur utilité pour promouvoirl’éducation des filles et assurer laqualité de l’expérience scolaire pourtous les enfants, on citera les suivan-tes:◆ Offrir un apprentissage centré sur
l’enfant, qui fait ressortir lemeilleur de chaque individu,commence dans la vie et dansl’environnement de la commu-nauté et inclut un enseignementdans la langue locale.
◆ Recruter et former des ensei-gnants en les sensibilisant auxdroits de l’enfant et aux différen-ces entre garçons et filles. Danscertaines régions, il faut davan-tage d’enseignantes pour servirde modèle aux filles ainsi quepour rassurer les parents quant àl’environnement de la classe.Une étude de l’UNICEF sur lespays qui sont parvenus rapide-ment à généraliser l’enseigne-ment primaire dans leur proces-sus de développement montreque c’est exactement ce qu’ils ontfait: ils ont employé une propor-tion nettement plus élevée d’en-seignantes63. Tous les ensei-gnants, hommes ou femmes, ontcependant pour tâche de créer desclasses où filles et garçons peu-vent participer sur un pied d’éga-lité. Recruter davantage de per-sonnel féminin sera d’une utilitélimitée si les besoins des fillescontinuent d’être ignorés. C’estle processus éducatif qui doitchanger.
◆ Extirper les préjugés sexistes desimages et des exemples trouvésdans les manuels et les matérielsscolaires. Puisque ces imagestendent à montrer des hommesdans des positions d’activité, depouvoir et d’autorité, leur élimi-nation peut sembler une réformepréjudiciable aux garçons. Enréalité, les garçons ont tout àgagner de programmes scolairesqui les encouragent à se conduireen fonction de leur personnalitéplutôt qu’en fonction de ce que lasociété attend d’eux. Une révi-
sion intelligente des manuels, dumatériel de classe et des plans deleçons augmentera très probable-ment leur qualité générale et leurpertinence à l’égard de la vie detous les enfants, garçons et filles.
◆ Donner à la communauté localeune maîtrise accrue sur les écoleset l’associer davantage tout enfaisant en sorte que les parents etles familles aident à lutter contrela discrimination sexuelle àl’école.
◆ S’assurer que les chefs d’établis-sement, les inspecteurs et autresadministrateurs prennent cons-cience des problèmes relatifs à ladifférence entre garçons et filles,ce qui aboutira à la créationd’écoles offrant aux filles et auxgarçons un bon environnementd’apprentissage, propre et sain. Ilfaudra des installations qui ne dé-couragent pas les filles de fré-quenter l’école. Il faudra aussirépartir plus équitablement entrehommes et femmes les postes dechefs d’établissement, de super-viseurs et autres administrateurs.
◆ Recueillir des statistiques surl’éducation et s’assurer qu’ellessont ventilées par sexe, pour ob-tenir une image véritable de l’ac-cès des filles à l’école et de leurparticipation dans l’éducation.Les données ventilées par situa-tion géographique, groupe socio-économique et, le cas échéant,groupe ethnique et linguistiqueaideront à identifier d’autresdomaines possibles de discrimi-nation.
◆ Mettre en place des programmesqui encouragent les soins de lapetite enfance, pour la croissanceet le développement de l’enfant(voir Elément 5. Soins de la petiteenfance). Ce type d’éducation etde stimulation préscolaires favo-rise la préparation de tous lesenfants en vue de l’école. Il sem-ble qu’elle augmente plus parti-culièrement la capacité des fillesde poursuivre et d’achever lecycle de l’enseignement pri-maire.
Le respect des différencesentre les sexes n’est passeulement une facette de larévolution de l’éducation, ilfait partie intégrante de cetterévolution. Les mesuresvisant à faire participer lesfilles font progresser surtous les fronts la cause del’éducation universelle.
Fig. 10 D’une génération à l’autre, impact de l’éducation des filles
Les bénéfices de l’éducation des filles s’accumulent d’une génération à l’autre. Les femmes instruites vont
généralement avoir des enfants moins nombreux et en meilleure santé, et qui seront sans doute eux-mêmesplus instruits que les enfants des femmes incultes. L’abaissement de la mortalité des jeunes enfants
amènera, avec le temps, un changement des comportements et une réduction de la fécondité. Les enfantssont mieux soignés dans les familles moins nombreuses, et une moindre fécondité entraînera une diminution
de la population d’âge scolaire.
Source: Santosh Mehrotra and Richard Jolly, eds., Development with a Human Face, Clarendon Press, Oxford, 1997.
Assure à elle-même et à ses enfants des soins et une nutrition meilleurs
Consulte plus tôt le médecin pour elle et ses enfants
Se marie plus tard
Jeune fille instruite
A moins d’enfants
Meilleures probabilités de survie pour elle et ses enfants
Education/apprentissage meilleurs
Abaissement de la fécondité totale
6362
Machisme: quand les garçonsréussissent moins bien
62
Pour Sébastien, 16 ans, les pa-
rents s’occupent surtout des
filles. Sébastien, qui vit à la
Trinité-et-Tobago, trouve que les gar-
çons reçoivent moins d’attention que
les filles de la part de leurs parents et
de leurs enseignants. Il a commencé à
faire l’école buissonnière dans les
classes primaires. Les cours l’en-
nuyaient et il trouvait que les ensei-
gnants ne s’engageaient pas assez.
Finalement, il a échoué à l’examen
d’admission à l’école secondaire –
épreuve exigée dans les Caraïbes
anglophones pour continuer une sco-
larité dans le deuxième cycle d’ensei-
gnement*.
Dans les Caraïbes, à la différence
de la majorité des pays en développe-
ment, les garçons obtiennent des
résultats scolaires nettement infé-
rieurs à ceux des filles. Les garçons
sont moins nombreux à réussir l’exa-
men commun d’entrée et plus portés
à abandonner l’école. Une partie du
problème semble tenir aux idées arrê-
tées qu’ont les garçons sur les rôles
respectifs des deux sexes.
«Je n’ai jamais accepté que l’on se
moque de moi ni que l’on me traite de
‘poule mouillée’», note Algie, 17 ans,
originaire de la Dominique, en expli-
quant pourquoi il séchait les cours.
Les garçons des Caraïbes jugent l’ef-
fort scolaire comme «nul», «effé-
miné» ou digne d’une «mauviette».
«Les garçons n’utilisent pas l’édu-
cation de la même manière», expli-
que une enseignante de Saint-Vin-
cent-et-les-Grenadines. «Ce problème
a beaucoup à voir avec une certaine
image. Ils ne veulent pas être consi-
dérés comme des ballots et celui qui
travaille à l’école est un ballot.» Un
enseignant de la Barbade est du
même avis: «Ils préfèrent aussi mon-
trer ouvertement qu’ils ne travaillent
pas. Pour un garçon, ce n’est pas bien
vu d’être studieux. Ce n’est pas
macho.»
Le problème est exacerbé par la
faible proportion d’hommes parmi
les enseignants des Caraïbes – en par-
ticulier à la Jamaïque – où les modè-
les de rôle éducatif positif pour les
garçons sont aussi rares qu’ils le sont
pour les filles dans de nombreux pays
en développement. C’est vrai aussi
des écoles primaires dans le monde
industrialisé, où l’enseignement est
dispensé presque exclusivement par
des femmes, et où l’insuffisance des
résultats scolaires des garçons com-
mence à être inquiétante.
Jusqu’au début des années 80, la
principale préoccupation du monde
industrialisé concernait, comme dans
la plupart des pays en développe-
ment, les mauvais résultats des filles.
Mais à présent, leurs moyennes sco-
laires sont presque toujours supé-
rieures à celles des garçons. Pour cer-
tains observateurs, cette tendance est
due aux changements intervenus
dans l’économie et le marché de l’em-
ploi. Ils avancent que le rôle tradition-
nel des hommes s’est dilué, provo-
quant un sentiment d’impuissance
dans l’esprit de garçons même jeunes
qui sentent leur rôle dévalorisé.
Pourtant, au Nigéria, comme dans
beaucoup de pays d’Amérique latine,
c’est précisément l’accès élargi des
garçons au marché du travail qui fait
problème. Dans l’est du pays, le nom-
bre de garçons qui abandonnent
l’école ne cesse d’augmenter: dans
les Etats d’Abia, d’Anambra, d’Enugu
et d’Imo, 51% des garçons n’étaient
pas scolarisés en 1994, contre 58% en
1996.
Chima Ezonyejiaku est l’un
d’eux. Son père était pourtant di-
recteur d’école avant de prendre sa
retraite et sa mère enseigne encore
dans une école de village. Chima a
néanmoins abandonné ses études
pour entrer en apprentissage chez
un négociant aisé de la ville
d’Onitsha. Comme la plupart de ses
amis, il trouve que l’école est une
perte de temps et il veut commen-
cer à gagner de l’argent le plus vite
possible.
Il y a peu de chances que des
garçons comme Chima retournent
un jour à l’école et ils ont besoin
d’occasions éducatives spéciales
adaptées à leurs besoins. L’UNICEF
aide le Gouvernement nigérian et
Forward Africa, une ONG locale, à
proposer des possibilités d’éduca-
tion non formelle sur les marchés
locaux, dans les ateliers de mécani-
que et les écoles coraniques. Des
programmes et du matériel péda-
gogique ont été préparés pour
répondre aux besoins spécifiques
des jeunes gens et des jeunes filles
qui se trouvent hors du système
scolaire officiel. Les cours et les
emplois du temps sont souples; les
instructeurs mettent l’accent sur la
lecture, l’écriture et les compéten-
ces nécessaires à la vie quoti-
dienne.
Quand Sébastien a échoué à
l’examen commun d’entrée en se-
condaire de la Trinité-et-Tobago, il
a eu la chance de s’inscrire dans le
centre d’apprentissage Cocorite. Le
bureau de l’UNICEF dans les Caraï-
bes soutient les enfants qui ris-
quent de rester en marge de l’école
– particulièrement les garçons – en
aidant des centres comme
Cocorite. Là, explique Sébastien,
les élèves apprennent ce qui est
Photo: Dans les Caraïbes, des centres d’ap-prentissage offrent aux jeunes la possibilité
d’acquérir des compétences pratiques etthéoriques. Ici, en Haïti, des apprentismenuisiers.
UNIC
EF/9
5-06
53/T
outo
unji
Encadré 12
bien et ce qui est mal; les ensei-
gnants leur parlent de «la vie» et les
conseillent. Ils peuvent acquérir
des compétences pratiques et théo-
riques qui entretiennent leur inté-
rêt. Sébastien ne fait plus l’école
buissonnière car l’un des ensei-
gnants le surveille et s’assure qu’il
suit les cours.
L’accent est mis sur l’améliora-
tion des compétences essentielles
globales – notamment la négocia-
tion, l’aptitude à faire face, la prise
de décisions, le sens critique, le
règlement pacifique des conflits,
les relations interpersonnelles, la
communication – et une formation
professionnelle qui met l’accent sur
l’estime de soi.
Dans les Caraïbes, comme
ailleurs, il faut transformer le sys-
tème éducatif et faire en sorte qu’il
«respecte les différences entre les
sexes» et qu’il s’attaque – à l’école
et, si possible, en dehors de l’école
– aux problèmes sociaux et cultu-
rels liés à la condition masculine ou
féminine, qui peuvent empêcher
le développement éducatif des
enfants. Cette transformation ne
fait que commencer.
* L’examen sera aboli à la Trinité-et-Tobago dès l’année scolaire 1999/2000.
Dans les Caraïbes, commeailleurs, il faut transformerle système éducatif et faireen sorte qu’il respecte lesdifférences entre les sexes etqu’il s’attaque auxproblèmes sociaux etculturels liés à la conditionmasculine ou féminine.
6564
allé jusqu’à encourager dans leszones rurales les parents à évaluer lamanière dont ils répartissent lestâches ménagères entre les garçonset les filles – est une reconnaissancedu fait que la sensibilisation à la dis-crimination sexuelle commenced’abord à la maison et dans la com-munauté, et que l’école ne peut enassumer seule la responsabilité.
Lors des réunions scolaires etcommunautaires organisées par lePAGE, les attitudes à l’égard del’éducation des filles demeurentdivisées, mais il est clair que le dia-logue aide à réduire des oppositionsautrefois farouches. Les sept pro-vinces non incluses dans le pro-gramme initial ont demandé à y êtreassociées, aboutissant ainsi au lan-cement du PAGE par le gouverne-ment en 1998.
Au niveau national, le ministèrezambien de l’Education a approuvédix critères en fonction desquels lesinspecteurs jugeront si une école estrespectueuse des différences entreles sexes – critères qui pourraient êtrefort utiles à d’autres pays. Ce sont:
1. Un taux d’inscription d’aumoins 45% pour chaque sexe.2. Un taux d’achèvement de la
scolarité de 80%.3. Un taux de progression des
filles de 85%.4. Pas moins de 40% d’ensei-
gnants de chaque sexe.5. Le directeur et le directeur
adjoint devraient être de sexe opposé.6. Une zone de desserte des écoles
en aucun cas supérieure à cinq kilo-mètres.7. Des toilettes séparées pour cha-
que classe de 40 enfants.8. Un enseignement dépourvu de
sexisme.9. L’emploi de matériels respec-
tant les sensibilités des garçons etdes filles.10. Un soutien parental et commu-nautaire actif.
Ainsi que ces critères le montrentclairement, le respect des différen-ces entre les sexes suppose un souci
d’égalité qui profite aussi aux gar-çons. Le PAGE cite une enquête ré-vélant que le programme avait accrule nombre de filles ayant réussil’examen de fin d’études de sep-tième année; celui des garçons ayantréussi avait augmenté encore plus66.
«Faire entrer les filles à l’écolen’est qu’un premier pas sur une lon-gue route accidentée, pleine d’obs-tacles et d’embûches d’ordre cultu-rel ou économique67», a remarquéPriscilla Naisula Nangurai, pro-fesseur principal à Maasailand(Kenya), parlant des multiples pres-sions qui poussent les filles à aban-donner l’école. Mme Nangurai estmembre d’un groupe de «directricesd’école africaines dynamiques»décrit par le FAWE (Forum forAfrican Women Educationalists:Forum des femmes africaines spé-cialistes de l’éducation) pour pro-mouvoir l’éducation des filles endonnant des modèles positifs (voirencadré 13).
Organisation remarquable enelle-même, le FAWE collabore avecune équipe de l’Institut d’études dudéveloppement de l’Université duSussex (Royaume-Uni) sur un nou-veau programme d’éducation desfilles intitulé GAPS (Gender andPrimary Schooling in Africa: Dispa-rités entre les sexes et enseignementprimaire en Afrique). L’objectif duGAPS est d’adapter la recherche etles modèles financiers proposésdans Educating All the Children*aux besoins pratiques et à la situationculturelle de différents pays afri-cains. Il recommande un ensemblede réformes qui «assurera, d’ici 10 à15 ans, la scolarité pour tous, à desniveaux acceptables de qualité etd’égalité entre les sexes68.»
Le gouvernement national dechaque pays assume la responsabi-lité conjointe du projet de recherche.Les trois premiers pays étudiés –Ethiopie, Guinée et Tanzanie – ontentamé la deuxième phase du projet,
Ces régions sont l’Afriquesubsaharienne, l’Asie du Sud, leMoyen-Orient et l’Afrique du Nord.Si les deux dernières régions ontencore beaucoup de chemin à faire,elles ont du moins enregistré aucours de ces dix dernières annéesune augmentation de la scolarisationprimaire des filles.
Au Moyen-Orient et en Afriquedu Nord, les progrès ont été notablesdans l’ensemble, mais à l’intérieurde la région, les situations nationa-les varient beaucoup. Bahreïn et laJordanie ont complètement éliminél’écart, à l’école primaire, entre gar-çons et filles et l’Arabie saoudite yest presque parvenue. Mais auMaroc, la disparité entre les tauxd’inscription masculin et fémininest de 19 points de pourcentage.
Au total cependant, la plupart despays de cette région ont fait de subs-tantiels progrès, qui traduisent lapriorité accordée par les gouverne-ments et les institutions internatio-nales à l’amélioration des possibili-tés d’éducation des filles depuis laConférence de Jomtien.
Les 17 programmes de pays del’ UNICEF dans la région compren-nent un important volet d’éducationféminine. Les donateurs ont été par-ticulièrement généreux dans ce do-maine et les pays se sont convaincusqu’il était nécessaire d’éduquer lesfilles – notamment en raison desbesoins croissants d’une main-d’œuvre mieux formée et plus quali-fiée. Depuis quelques années, leGouvernement iranien apporte unsoutien énergique à l’éducation desfilles et des femmes rurales.
D’autre part, en Afrique sub-saharienne, le taux net de scolarisa-tion des filles s’établit à 51%, soitmoins qu’en 1985. Si l’écart entrefilles et garçons dans la région estplus serré, c’est uniquement parceque le taux d’inscription des garçonsa connu un recul encore plus pro-noncé que celui des filles. A la Con-férence panafricaine sur l’éducationdes filles, tenue à Ouagadougou(Burkina Faso) en 1993, l’UNESCOa reconnu que l’Afrique avait pris
du retard sur d’autres régions et ademandé aux gouvernements afri-cains, aux institutions régionales,bilatérales et internationales et auxONG de faire de l’éducation desfilles une priorité.
Heureusement, l’énergie consa-crée au progrès dans ce domainedans les années 90 devrait produirede confortables dividendes au coursde la prochaine décennie. L’Initia-tive pour l’éducation des filles afri-caines, soutenue par l’UNICEF,fonctionne désormais dans plus de20 pays et reçoit un appui financiernon négligeable des Gouvernementscanadien et norvégien pour la recon-duire jusqu’à la fin de 199964.
Cette Initiative aide les pays àtester différentes approches pourcombler l’écart des inscriptionsentre filles et garçons, mais le butreste partout de bonifier l’ensembledu système éducatif pour améliorerla scolarité des filles.
Au Mali, par exemple, lescontraintes pesant sur l’éducationdes filles sont examinées dans lecontexte des faiblesses du systèmeéducatif de base tout entier; c’estpourquoi, au lieu d’utiliser uneapproche fractionnée, on préfèredécentraliser la planification et ren-dre plus pertinent le programmescolaire. Les résultats préliminairessont encourageants. Dans les écolessoutenues par l’Initiative, les fillesreprésentent un pourcentage beau-coup plus important de la populationscolarisée que ce n’est le cas dansles écoles des villages voisins65.
Le programme PAGE (Zambia’sProgramme for the Advancement ofGirls’ Education: Programme zam-bien pour le développement del’éducation des filles) emploie quantà lui face aux problèmes garçons/filles dans le système éducatif unegamme d’initiatives allant des clas-ses unisexes pilotes (dont les résul-tats ne sont pas disponibles jusqu’àprésent) à un accroissement du sou-tien des parents à l’éducation desfilles par le biais de séances conjoin-tes élèves-parents. L’effort déployépour atteindre les parents – qui est
* Il s’agit du livre de ChristopherB. Colclough avec Keith Lewin, publié parClarendon Press, Oxford, 1993.
Faire entrer les filles àl’école n’est qu’un premierpas sur une longue routeaccidentée, pleine d’obstacleset d’embûches d’ordreculturel ou économique.
UNIC
EF/9
3-22
88/P
irozz
i
L’apprentissage des filles peut être contrarié et
leur assurance sapée par des cours et des livresoù abondent des messages implicites et explici-tes qui affirment que les filles ont moins de
valeur que les garçons. Une écolière participeà la classe au Ghana.
6766
Pour que les filles aillent plus loin en Afrique
66
Souhaitant passionnément faire
quelque chose pour l’éduca-
tion des filles en Afrique,
60 femmes visionnaires et influen-
tes – ministres de l’éducation en
exercice ou non, vice-recteurs d’uni-
versité et spécialistes de l’éduca-
tion – ont créé le FAWE (Forum for
African Women Educationalists:
Forum des femmes africaines spécia-
listes de l’éducation). L’organisation a
clairement défini son programme en
faveur des jeunes Africaines et ce
qu’elle attend des décideurs en
Afrique. «Les filles et les femmes sont
les ressources intellectuelles qui
contribueront au changement crucial
que le continent appelle de tous ses
vœux», dit Eddah Gachukia, directrice
générale du FAWE. «Les filles doivent
non seulement être instruites, mais
aussi avoir l’occasion d’utiliser leurs
connaissances et leurs compétences
pour prendre des décisions sur le
développement de l’Afrique et y par-
ticiper.»
Pour le Forum, aucun problème
n’est insoluble, pas même celui du
financement. «Nous ne voulons
jamais entendre invoquer le manque
de ressources comme excuse pour ne
pas assurer l’éducation pour tous»,
explique Mme Gachukia. «L’Afrique
dispose des ressources, internes et
externes, requises. Ce dont elle a be-
soin, c’est de les gérer correctement
pour le bénéfice de chacun.»
Avec 26 membres associés, y com-
pris des adhérents masculins, minis-
tres de l’éducation ou décideurs de
haut niveau, et 31 filiales dans toutes
les régions de l’Afrique subsaha-
rienne, le Forum s’emploie depuis
1992 à promouvoir l’éducation pour
tous, particulièrement pour les filles,
par des activités de plaidoyer, des
mesures concrètes et des réformes
politiques.
Aujourd’hui, après six années de
fonctionnement, sa mission va bien
au-delà de l’accès à l’éducation et de
l’amélioration de la qualité de l’ensei-
gnement.
D’une certaine manière, ses mem-
bres – qui ont réussi dans leur
domaine particulier et travaillent
ensemble comme un réseau de pro-
fessionnels recoupant les nations, les
secteurs et les disciplines – sont
l’exemple type d’une organisation de
femmes instruites, engagées active-
ment dans la vie publique africaine.
En 1994, citant les conclusions de
ses propres recherches, le FAWE a
réussi à faire pression sur les minis-
tres de l’éducation dans plusieurs
pays africains pour qu’ils modifient
les politiques qui empêchaient les
adolescentes enceintes d’aller à
l’école. «Notre message affirmait que
l’éducation est le droit de tout en-
fant», précise Mme Gachukia, «même
d’une jeune fille qui attend un bébé,
et ce n’est pas le privilège de celles
qui ne sont pas enceintes.»
Par le biais de ses filiales natio-
nales, le Forum appuie des efforts
au niveau local grâce à des bourses
et des prix décernés à des individus
et des institutions ayant trouvé des
solutions novatrices et susceptibles
d’être reproduites ailleurs. A la fin
de 1997, le FAWE avait octroyé plus
de 40 bourses dans 27 pays.
«Nous ne sommes pas en
concurrence avec d’autres pro-
grammes d’éducation pour les
filles, nous les considérons comme
des partenaires. Nous nous conten-
tons de les mettre en rapport avec
les décideurs afin que leurs idées
locales acquièrent une reconnais-
sance et des appuis nationaux,
voire régionaux», explique Eddah
Gachukia.
La distinction la plus presti-
gieuse du FAWE est le Prix Agathe
Uwilingiyimana, qui récompense
les innovations dans l’éducation
des femmes et des filles en Afrique.
Décerné pour la première fois en
1996, le prix commémore l’ancien
Premier Ministre rwandais, éduca-
trice dévouée et membre du FAWE,
qui a enseigné dans une école
secondaire de jeunes filles et
occupé les fonctions de Ministre de
l’éducation avant d’être assassinée
en 1994. Des projets dans huit pays
(Burkina Faso, Ethiopie, Ghana,
Guinée, Kenya, Malawi, Sierra
Leone et Zambie) ont été distingués
pour leur succès, et les leçons tirées
de leur expérience, publiées et par-
tagées.
La plus grande force de l’organi-
sation réside dans sa capacité de
sensibilisation politique. En colla-
boration avec l’Institut d’études du
UNIC
EF/9
3-12
20/A
ndre
w
Encadré 13
développement de l’Université du
Sussex (Royaume-Uni), le FAWE a
lancé en 1995 un programme de
planification stratégique des res-
sources (PSR) en Ethiopie, en
Guinée et en Tanzanie. Le projet
s’est depuis étendu au Ghana, au
Malawi, au Mali, à l’Ouganda, au
Sénégal et à la Zambie. Par ce biais,
l’organisation aide les ministères
de l’éducation de ces pays à identi-
fier les problèmes spécifiques tou-
chant les filles, à recueillir et à ana-
lyser les données, et à définir un
éventail d’options politiques pour
combler les disparités entre filles et
garçons dans l’accès à l’école pri-
maire.
«Nous présentons les conclu-
sions de la PSR pour chaque pays et
nous invitons tout le monde –
membres de la communauté,
enseignants, donateurs, décideurs
– à examiner nos conclusions et
recommandations», dit encore
Mme Gachukia, précisant que les
partenaires au niveau national sont
alors prêts à travailler ensemble
pour mettre en pratique leurs
recommandations. «Nous croyons
que cette stratégie permet à tous
les intéressés de se sentir partie
prenante du processus et des politi-
ques qui en émergent.»
En fin de compte, pour efficaces
que soient ses programmes et ses
activités, la contribution la plus pré-
cieuse du FAWE au développement
de l’Afrique tient peut-être à sa
capacité maintes fois démontrée de
changer – un ministre après l’autre,
un pays après l’autre – la cons-
cience de ce que l’on peut attendre
des filles.
Le Forum est convaincu que l’éducationdes filles est la clef du développement de
l’Afrique. Ici, au Malawi, des filles à l’entréed’une salle de classe.
La contribution la plusprécieuse du FAWE audéveloppement de l’Afriquetient peut-être à sa capacitémaintes fois démontrée dechanger la conscience dece que l’on peut attendredes filles.
6968
où l’on enseigne la puériculture etles compétences essentielles auxélèves, garçons et filles, afin deréduire le nombre de grossesseschez les adolescentes. La commu-nauté a réagi très favorablement à ceprojet. La pression populaire a enfait forcé le Gouvernement duBotswana à permettre aux étudian-tes enceintes de se présenter auxexamens et d’être réadmises dansleur école d’origine72.
Le travail conduit souvent à refu-ser à des millions de filles leur droità l’éducation:
Asabe Mohammed, vendeuseambulante, a 14 ans. Elle est origi-naire du village de Soro auNigéria; elle a vendu dans les ruesdes plats préparés par sa mère pen-dant toutes ses années d’école pri-maire. «Je pense que j’étais encoreplus jeune qu’elle quand j’ai com-mencé à vendre dans la rue»,remarque-t-elle en désignant dudoigt une gamine de sept ans. MaisAsabe a eu une deuxième chance,en fréquentant le Centre éducatifdes filles de Soro, créé en mai 1993dans le cadre d’une initiative del’ UNICEF et du Gouvernement ni-gérian pour donner aux filles nonscolarisées l’occasion d’acquérirune éducation de base et d’entrerensuite dans les écoles secondairesordinaires. En septembre 1997,Asabe était parmi les 35 filles quiont reçu leur diplôme lors d’unecérémonie haute en couleurs. Ellea obtenu un certificat de post-alphabétisation ainsi que le prixd’excellence en arithmétique, enécriture et en couture; elle s’estmaintenant inscrite dans une écolesecondaire du premier cycle àDarazo, à environ 30 kilomètres.Les filles qui ne poursuivront pasleurs études ont quand même béné-ficié de la formation et créent leurspropres entreprises dans des sec-teurs comme la broderie, la cou-ture, le tricot et la production desavon73.
Dans presque toutes les villes etbourgades du monde en dévelop-pement on rencontre des filles
comme Asabe. C’est pourquoi lesuccès des réformes pour l’égalitéentre les sexes sera peut-être jugénon pas seulement en fonction durelèvement des taux d’inscriptionou même des acquis scolaires,mais selon l’étendue des améliora-tions apportées à la vie de ces jeu-nes filles.
Elément 4. L’Etatcomme partenaire clef
Les gouvernements ont l’obliga-tion de garantir le droit de toutenfant à l’éducation et de réaliserl’éducation pour tous. Mais dans lecadre de cette responsabilité glo-bale, beaucoup d’acteurs jouent unrôle vital pour dispenser une éduca-tion de base de qualité à tous lesenfants, des gouvernements cen-traux jusqu’aux autorités locales,des institutions internationales auxcommunautés locales, en passantpar les ONG et les groupes religieux.Pourtant, seul l’Etat peut rassemblertoutes les composantes dans un sys-tème éducatif cohérent mais néan-moins flexible.
L’histoire montre que les pays endéveloppement se sont fourvoyésparce que trop souvent les gouver-nements ont privilégié l’enseigne-ment supérieur au détriment duprimaire et du secondaire. Ayanthérité de systèmes éducatifs colo-niaux, immédiatement après l’indé-pendance, la plupart des pays endéveloppement ont préféré utiliserdes ressources limitées pour créerdes universités et des écoles desti-nées à répondre aux exigences del’industrialisation. De nombreuxpays maintiennent aujourd’hui en-core cette priorité à l’enseignementtertiaire (supérieur) aux dépens del’école primaire et secondaire (voirfigure 11). L’exemple le plusextrême est fourni par les Comores,qui dépensent 8% du PNB par habi-tant pour chaque élève des cyclespréprimaire ou primaire et 1168%pour chaque étudiant de l’enseigne-ment supérieur74.
dans laquelle les réformes commen-ceront à être mises en œuvre, et larecherche est maintenant en coursdans un deuxième groupe de pays.
Les propositions de réforme sontaudacieuses et de grande portée, tra-çant la voie par laquelle l’Ethiopiepourrait bien faire passer ses tauxactuels bruts de scolarisation dansl’enseignement primaire de 39%pour les garçons et de 24% pour lesfilles à 102 et 106% respectivement,sur une période de 15 ans. Elles in-cluent des réformes qui permettentde réduire les dépenses, telles que lepassage automatique en classe supé-rieure de la première à la cinquièmeannée, et la multiplication des clas-ses à mi-temps pour atteindre 75%des écoles primaires et secondaires.
Les coûts d’un accroissementaussi spectaculaire devraient êtreprohibitifs, surtout du fait que lesuccès dépend de réformes relevantla qualité de l’éducation et réduisantles disparités entre les sexes, commel’augmentation des dépenses consa-crées aux matériels pédagogiques,la hausse des traitements des ensei-gnants, ou l’octroi de subventionspour fournitures scolaires et vête-ments à 50% des filles des zonesrurales. Néanmoins, ce modèle sug-gère que l’Ethiopie, qui a plus dechemin à parcourir que beaucoupd’autres pays, pourra probablementatteindre l’objectif de l’école pourtous69 en conjuguant une augmenta-tion des dépenses, une croissanceéconomique modeste et une assis-tance bien ciblée.
La Guinée s’emploie entre-tempsà vaincre certains des facteurssociaux et culturels qui empêchentl’éducation des filles. Elle a réduitles coûts directs de la scolarité parl’allégement fiscal et la suppressionde l’uniforme. Puisque le mariageest la principale raison qui pousseles filles à quitter l’école en Guinée,le gouvernement a également inter-dit de forcer une jeune fille à semarier avant sa neuvième annéed’études. Pour s’attaquer à ladeuxième cause d’abandon chez lesfilles – les responsabilités familiales
et les tâches ménagères – il a mis enplace des technologies pour les sou-lager, comme les moulins mécani-ques, et a fait creuser des puits pourréduire la corvée d’eau. La Guinée aaussi adopté des réglementationsprécisant le temps et les paramètrespour les corvées à l’école, assurantune répartition égale entre garçonset filles70.
Même quand un pays parvient àassurer un enseignement primaire àtous les enfants, comme beaucoup lefont en Asie orientale et dansle monde industrialisé, ainsi quedans des régions non autochtones del’Amérique latine, la nécessitéd’une éducation modulée selon lesexe demeure. En effet, au premiercycle de l’enseignement secon-daire, les jeunes filles éprouvent degraves difficultés pour poursuivreleurs études. Il leur est particulière-ment difficile de franchir la passe-relle précaire entre l’école primaireet secondaire en Asie du Sud-Estcar, à l’approche de l’adolescence,beaucoup risquent d’être recrutéespour le commerce du sexe etd’autres environnements profes-sionnels dangereux et préjudicia-bles à leur santé.
Autre risque pendant cette pé-riode, la grossesse conduit dans denombreux pays à l’exclusion auto-matique des jeunes filles de l’école,ce qui est contraire à la Conventionrelative aux droits de l’enfant (arti-cle 2). La suspension ou l’exclusionscolaire des adolescentes enceintesa été le thème d’une décision de1997 du Comité des droits de l’en-fant71.
Le Botswana s’attaque à cettediscrimination par le biais d’un pro-jet pilote qui donne aux adolescen-tes enceintes un congé de maternitéde trois mois, pendant lequel ellesmaintiennent le contact avec l’écolegrâce à des cours périscolaires. Aleur retour à l’école, leur bébé serapris en charge par un centre de joursitué à proximité. En échange, lesfilles travailleront quelques heurespar semaine dans ce centre, qui sertaussi d’atelier de travaux pratiques
Fig. 11 A qui vont les dépensespubliques d’éducation?
En moyenne 33% des fonds publics alloués àl’éducation vont au cinquième le plus riche de la
population, et seulement 13% au cinquième le plusdémuni. La répartition des bénéfices est plus
équitable quand il s’agit des services sociaux debase comme l’enseignement primaire, mais les
dépenses pour l’éducation tertiaire (universités)profitent au cinquième le plus riche de la
population.
Source: La Banque mondiale, citée dans Donner effet à l’Initia-tive 20/20 – Assurer un accès universel aux services sociaux debase, une publication conjointe Banque mondiale, FNUAP, OMS,PNUD, UNESCO et UNICEF, 1998, pp. 9, 10.
33
13
0 20 40Pourcentage des dépenses publiques
20% les plus pauvres 20% les plus riches
Bénéficiaires de l’éducation publique
Education
Bénéficiaires des dépenses publiques d’éducation, aux niveaux primaire et tertiaire
66
17
3
19
0 20 40 60 80
Niveau tertiaire (universités)
Niveau primaire
Pourcentage des dépenses publiques
20% les plus pauvres 20% les plus riches
UNIC
EF/9
3-00
30/M
urra
y-Le
e
Les tâches ménagères éloignent des millions de
filles de l’école. Cette barrière invisible doitêtre levée pour réaliser leur droit à l’éduca-tion. Une classe au Bangladesh.
7170
internationale à tous les échelons,depuis les gouvernements et les ins-titutions mondiales jusqu’aux socié-tés et entreprises, aux écoles localeset aux villages. Dans les années 90,ce concept a fait la preuve de savaleur.
On trouve au Brésil un bon exem-ple de mobilisation et de partenariatqui embrasse l’ensemble de lasociété, en dépassant le secteur del’éducation et la clientèle tradition-nelle de l’école. En 1993, l’effortnational de mobilisation a culminédans une «Semaine nationale del’éducation pour tous», aboutissantà un plan décennal qui a déclenchéune action concrète du gouverne-ment sur plusieurs fronts. En 1995,le nouveau Gouvernement brésiliena élargi des actions qui incluaient letransfert de fonds fédéraux à desmunicipalités et des écoles locales,améliorant les tests nationaux desacquis scolaires des élèves et utili-sant la télévision comme véhiculepour un programme national de for-mation des maîtres par l’enseigne-ment à distance75.
Le rôle le plus important duGouvernement brésilien a proba-blement été de mobiliser toute lanation derrière la campagne pourl’enseignement universel. Dans ceteffort, le participant le plus émi-nent n’était autre que le PrésidentFernando Henrique Cardoso qui,peu après son entrée en fonction enjanvier 1995, a montré la prioritéde premier plan qu’il accordait àl’éducation en faisant lui-même laclasse le jour de la rentrée à l’EcoleJosé Barbosa à Santa Maria da Vi-tória, dans l’Etat de Bahia. Cetteaction a été suivie de la campagnenationale de mobilisation «AcordaBrasil. Esta na Hora da Escola!»(Réveille-toi, Brésil. C’est l’heurede l’école!).
La réaction du public a dépassétoutes les espérances. Des débats sesont déroulés dans tout le pays. Unservice téléphonique gratuit, FalaBrasil (Le Brésil parle), a été mis enplace pour que les membres dupublic expriment leurs idées sur
l’éducation et posent des questionsconcernant les programmes duministère de l’Education; il a reçuen moyenne 1500 appels par jour.Une base nationale de données a étécréée pour enregistrer les projetséducatifs ou les innovations pédago-giques couronnés de succès afinqu’ils puissent être reproduits ouadaptés dans d’autres régions. Cettebase de données est devenue acces-sible sur Internet en septembre199776.
Le Brésil a mis en pratique pres-que tous les principes directeursclefs pour une mobilisation socialeréussie:
◆ préciser clairement le but et lavision, avec des objectifs tempo-rels spécifiques;
◆ surveiller fréquemment et effica-cement les progrès grâce à quel-ques indicateurs bien définis;
◆ placer l’objectif de l’éducationde base universelle au centremême de la vie nationale;
◆ construire un consensus nationalafin que les résultats surviventaux changements de gouverne-ment;
◆ utiliser efficacement le pouvoirdes nouvelles technologies del’information et de la communi-cation;
◆ identifier les réussites, les imiteret en créer77.
D’autres pays se sont égalementmobilisés avec succès en faveur del’éducation pour tous. Depuis 1995,les Philippines ont fait du dernierlundi de janvier la Journée nationaled’inscription à l’école. Ce jour là,chaque année, les écoles de tout lepays restent ouvertes de sept heuresdu matin jusqu’à six heures du soirpour inscrire les enfants qui doivententrer à l’école au mois de juin sui-vant. L’objectif est non seulementd’accroître les inscriptions par lebiais de l’attention que les médiasportent à cette Journée nationale,mais également d’aider les autoritéséducatives à planifier le nombre desenseignants, des classes et des maté-
Mais il existe beaucoup de paysoù le déséquilibre est presque aussiinquiétant. Il en résulte inévitable-ment une incapacité de généraliserl’enseignement primaire. Dans laminorité des pays qui ont atteint cetobjectif, l’Etat a toujours défini lespolitiques et dirigé l’action, et il estdevenu, dans la plupart des cas, leprincipal organisme dispensant unenseignement primaire, en partena-riat avec des communautés, des éco-les privées et le secteur privé. Fré-quemment, la concentration des res-sources publiques sur l’enseigne-ment primaire a conduit à compterdavantage sur d’autres partenairespour assurer l’enseignement secon-daire.
Le rôle le plus fondamental del’Etat dans l’éducation est de garantirle droit des enfants à l’éducation debase. L’expérience de ces dernièresannées a abouti à une compréhensionplus précise du rôle de l’Etat, et del’Etat lui-même. Il ne faut plus voircelui-ci en termes monolithiquescomme une autorité nationale uni-que, mais plutôt comprendre que sonautorité s’exerce à tous les niveaux,depuis l’échelon national ou fédéraljusqu’au plan local, et que les rôlesrevenant à l’Etat en matière de politi-ques, de financement et d’exécutionvarient souvent beaucoup d’un ni-veau à l’autre.
La Convention rappelle et ren-force dans un certain nombre de dis-positions les responsabilités del’Etat vis-à-vis de l’éducation desenfants. L’article 28 garantit le droitde l’enfant à l’éducation, et l’arti-cle 29 élabore la vision d’une édu-cation de qualité qui réalise ce droit.L’Etat doit donc s’assurer que lesenfants achèvent avec succès leuréducation primaire et fixer des nor-mes pour garantir des niveaux mini-mums de qualité et de résultats sco-laires (voir Elément 1. Apprendrepour la vie).
Ces dispositions sont étayées parl’article 3, qui demande aux Etats deveiller à ce que l’intérêt supérieur del’enfant soit pris en considérationdans toutes les décisions et actions
concernant l’enfant, et par l’ar-ticle 2, qui oblige les Etats à proté-ger l’enfant contre toutes les formesde discrimination, dont l’ostracismeéducatif à l’égard des filles quireprésentent près des deux tiers desenfants non scolarisés dans lemonde en développement. Les Etatsdoivent appliquer toutes les mesurespolitiques clefs pour accroître leschances des filles d’entrer et de de-meurer à l’école (voir Elément 3.Respect des différences entre lessexes et éducation des filles).
Pour protéger ces droits, les Etatspeuvent employer diverses appro-ches, notamment la législation. Leslois semblent particulièrement utilespour obliger l’Etat à remplir ses pro-pres obligations, dont l’une des plusimportantes est de s’assurer quetous les enfants ont accès à l’école,d’autres étant de réduire l’exploita-tion du travail des enfants et d’ame-ner la société à soutenir l’éducationpour tous.
Mais surtout, l’Etat, en tant queprotagoniste de premier plan dans larévolution de l’éducation, doitmobiliser la volonté politique requisepour faire avancer les choses. Si sou-ple et diversifié que devienne le sys-tème de l’éducation, il faut que l’Etatcontinue à participer à la planifica-tion de l’ensemble du système, à laconception et la supervision du pro-gramme, à la formation des ensei-gnants, à la définition des normes, aufinancement de la construction desécoles et à la rémunération des maî-tres. Mais son rôle aussi change rapi-dement. Au lieu d’agir comme uneautorité centrale toute puissante, lesEtats constatent que les partenariatsavec de multiples secteurs de lasociété augmentent les chancesd’atteindre l’éducation pour tous, etbeaucoup transmettent le pouvoiraux niveaux inférieurs du systèmepour améliorer l’efficacité et la capa-cité de réponse.
MobilisationL’éducation pour tous était desti-
née à galvaniser la communauté
L’Etat, en tant queprotagoniste de premier plandans la révolution del’éducation, doit mobiliserla volonté politique requisepour faire avancer leschoses.
UNIC
EF/9
6-05
15/N
oora
ni
L’éducation, clef du développement humain et
social, doit être au centre de la vie de la nation.Deux garçons partagent un livre aux Philippi-nes, où le gouvernement a lancé une campagne
nationale pour relever la scolarisation.
7372
riels nécessaires pour la prochaineannée scolaire. Ce jour-là, lesenfants subissent un examen médi-cal et dentaire, une mesure qui aideles écoles à se préparer à l’accueildes enfants présentant des besoinsspéciaux78.
Ce type de mobilisation nationaleentraîne le public à viser plus haut,et lance aussi des défis aux autorités.Dans les premières années d’exis-tence de la Journée nationale, ilmanquait encore parfois des ensei-gnants et des classes quand les en-fants arrivaient à l’école, au mois dejuin79. Avec souplesse néanmoins,le ministère de l’Education a prispour appuyer la campagne de mobi-lisation une décision d’une portéeconsidérable: celle d’affecter lesmeilleurs enseignants, particulière-ment ceux qui étaient doués en lan-gues, dans les petites classes, afin defaciliter la transition de la maison àl’école et de rendre ainsi la premièreexpérience éducative des enfantsaussi positive que possible.
Le Malawi aussi a constaté lapuissance d’une idée pour mobiliserl’enthousiasme et les ressources. En1994, le nouveau gouvernement dupays s’est démarqué du régime del’ancien président Hastings KamuzuBanda en proclamant l’enseigne-ment primaire gratuit et universel.D’un seul coup, la mesure a libérédes familles jusqu’alors étrangléespar les frais de scolarité et l’achatdes uniformes scolaires. Les ins-criptions ont fait un bond massif,passant de 1,9 million à 3,2 millionsd’enfants, avec en gros autant defilles que de garçons80.
Cette approche courageuse avaitde toute évidence des conséquen-ces majeures pour le budget dugouvernement, mais elle a si bienparlé à l’imagination des donateurset des prêteurs internationaux quele Malawi a pu soutenir et affinerson engagement les années suivan-tes. En récompense de sa détermi-nation, le Malawi a reçu une aideinternationale et des crédits impor-tants pour construire des salles declasse, former des enseignants etaméliorer les fournitures scolaires.
Les campagnes de mobilisationpeuvent réunir de nouveaux fondspour l’éducation, bien que les avan-tages de la participation du secteurprivé ne soient pas limités audomaine financier. Au Brésil, laBanque Itaú, deuxième banque pri-vée du pays, et la FondationOdebrecht ont travaillé en étroitecollaboration avec le gouvernementet l’UNICEF pour soutenir et pro-mouvoir l’éducation et les droits del’enfant dans les médias et par lebiais de campagnes de collecte defonds.
Les deux donateurs ont égale-ment fourni un appui concret auxprojets. La Banque Itaú a entière-ment équipé le centre téléphoniquede l’éducation Fala Brasil, l’entre-tient et forme les opérateurs81. C’estelle aussi qui fournit l’argent d’unPrix de l’éducation et de la partici-pation destiné à faire connaître letravail des ONG, des groupes com-munautaires et des syndicats, et ellesoutient les ONG dans leurs activitésde formation et de création deréseaux. La Fondation Odebrecht,un ardent promoteur du Statut del’enfant et de l’adolescent, l’une desréponses les plus créatives dumonde à la Convention relative auxdroits de l’enfant, est un partenairede la mobilisation nationale enfaveur de l’éducation pour tous auBrésil.
PartenariatsLa formation de partenariats est
devenue un concept central dans laplanification et la gestion de l’édu-cation, surtout lorsqu’un nombreimportant d’enfants se trouventexclus de l’école. C’est à l’Etat qu’ilincombe de définir des objectifsnationaux, mobiliser les ressourceset maintenir les normes éducatives,mais les ONG, les organismes com-munautaires ou religieux, et lesentreprises commerciales peuventapporter leur concours, pour faire del’éducation une part plus essentiellede la vie de la communauté toutentière.
Fig. 12 Carte scolaire
UNIC
EF/9
3-19
92/P
irozz
i
Les parents et les communautés locales doivent
être des partenaires de premier plan dans lagestion scolaire pour veiller à ce que les servi-
ces éducatifs répondent aux besoins de la com-munauté. Leçon de calcul dans une école duBénin.
C’est une équipe de villageois, formés par une organisation locale
travaillant en coopération avec le projet Lok Jumbish, dans l’Etat indien duRajasthan, qui a dressé cette carte, sur la base d’une enquête sur la
fréquentation scolaire des garçons et des filles de 6 à 14 ans. Après avoirdiscuté des résultats de cette enquête, la communauté a préparé un plan pour
l’amélioration de l’école.Des enquêtes destinées à l’établissement de cartes scolaires des villages
sont ainsi menées dans de petites communautés du monde entier. Enidentifiant les populations d’âge préscolaire et scolaire, elles aident à
apprécier les besoins éducatifs. Bien conçues, elles peuvent fournir auxcommunautés ainsi qu’aux planificateurs locaux et régionaux de l’éducation
des informations précises et actuelles sur la couverture scolaire et les besoins
présents et futurs de moyens et d’enseignants, susceptibles d’être utiliséespour améliorer l’efficacité des services. L’analyse de ces données conduira à
mieux comprendre les raisons des faibles taux de scolarisation des filles, parexemple.
Ces enquêtes sont tout particulièrement utiles lorsqu’on manque dedonnées fiables, ou lorsque les données globales dont on dispose aux niveaux
national ou régional ne traduisent pas les particularités de la situation locale. Enfaisant confiance aux membres de la communauté à toutes les étapes du
processus – collecte, analyse, vérification et utilisation de données ventilées –on renforce l’intérêt qu’ils portent à l’éducation de leurs enfants.
Source:␣ ‘Lok Jumbish, 1992-1995’ Lok Jumbish Parishad, Jaipur, India, n.d.
7574
l’école et dont les droits risquent leplus d’être bafoués.
Le partenariat au service del’éducation pour tous fait donc parti-ciper tous les secteurs de la société àla sauvegarde des droits de l’enfant.Cependant, pour qu’il fonctionneparfaitement, l’Etat doit être prêt àtransmettre certains de ses pouvoirsde décision à des niveaux inférieursdu système.
DécentralisationImaginez que vous enseignez
dans une école primaire d’un dis-trict rural. Vous apprenez le décèsd’un membre de votre famille etvous souhaitez assister aux funé-railles. Au lieu de demander la per-mission à votre directeur ou aucomité des gouverneurs scolaires,vous devez présenter votre requête àun fonctionnaire ministériel dansune capitale lointaine. Là, votre de-mande sera examinée par desbureaucrates qui ne vous ont jamaisrencontré, n’ont jamais vu votreécole et ne savent pas quelles dispo-sitions peuvent être prises pour cou-vrir votre absence. C’était la règleencore récemment au Venezuela,qui avait l’un des systèmes éducatifsles plus centralisés du monde87.
En apparence, l’organisation del’école publique est remarquable-ment similaire dans les différentspays du monde. Chaque école estgérée par un directeur ou principal.Au niveau du district, un organeadministratif assure la supervisionet l’appui technique. Il peut existerune direction de l’éducation, auniveau de la province ou d’un Etat,mais seulement dans les plusgrands pays; cependant, presquetous les Etats possèdent un minis-tère national de l’éducation qui pla-nifie et assume la responsabilitéadministrative du système dans sonensemble.
Certes, un contrôle centralisépeut être plus efficace quand ils’agit des manuels scolaires – car ilgarantit aux enfants de toutes les
régions du pays du matériel de qua-lité et évite que les textes ne favori-sent la haine ethnique, par exemple.Mais on comprend de plus en plusque pour améliorer les écoles et lesrendre plus réceptives aux commu-nautés locales, il faut leur donnerplus d’autonomie pour évaluer etrésoudre leurs propres problèmes.
La décentralisation est une optionattrayante, mais qui a son prix. Elleexigera probablement une planifica-tion plus attentive, une formationplus onéreuse, le recueil de donnéesélargies et encore davantage de per-sonnel et de ressources. La décen-tralisation devrait être choisie nonparce qu’elle revient moins cher,mais parce que c’est la meilleuresolution et qu’elle renforce l’enga-gement de l’Etat à atteindre l’éduca-tion pour tous.
On constate de plus en plus, parexpérience, que la décentralisationdevient particulièrement dynamiquequand le contrôle des écoles estredistribué, ne concentrant plus toutle pouvoir dans les mains des direc-teurs d’établissement, mais asso-ciant la communauté à la gestion parla création d’un conseil formé deparents, d’enseignants et de repré-sentants de l’ensemble de la com-munauté. La décentralisation ainsiconçue devient un outil pour encou-rager et mobiliser des partenariats –éléments essentiels de la révolutionde l’éducation.
Les récentes expériences menéesau Minas Gerais, l’un des Etats lesplus vastes et les moins développésdu Brésil, montre la décentralisationdans ce qu’elle a de meilleur. Aprèsavoir examiné les raisons d’un tauxd’abandon consternant – en 1990,seulement 38 sur 100 des élèves quientraient à l’école primaire ache-vaient la première année – l’Etat afait de la décentralisation la prioritéabsolue en matière d’éducation. Il aégalement transféré la prise de déci-sions de la capitale de l’Etat auxconseils scolaires dirigés par unprincipal élu et composés d’un nom-bre égal de représentants des parentset du personnel scolaire. Les
Le rôle des communautés localess’étend bien au-delà de la collectede fonds pour les écoles, bien quedans certains pays, «le partenariatentre les parents et les communautéslocales» soit synonyme de «collectede fonds». Les dépenses nécessairespour envoyer les enfants à l’écoleont, en fait, augmenté notablementpour les familles. Une enquête de1992 sur le budget des ménages auKenya montrait que les parentsfinançaient directement 34% ducoût total de l’enseignement pri-maire82. Les familles cambodgien-nes versent les trois quarts du coûttotal de l’enseignement primairepublic, et celles du Viet Nam enpayent la moitié83 – en contradictionavec l’enseignement complètementgratuit qui était de règle il y a peu.La conséquence inévitable de cescoûts pour les familles est un déclindes inscriptions et le retrait del’école d’un certain nombre d’en-fants. Des études menées dans deuxpays africains et trois pays asiati-ques par l’UNICEF confirment queles dépenses privées sont un facteurmajeur décourageant la fréquenta-tion scolaire84.
Le partenariat avec une commu-nauté peut mobiliser plus de fonds,mais cela ne devrait pas être sonunique but. Si on demande aux pa-rents de fournir plus d’argent sansleur donner le droit d’intervenirdans l’organisation et la gestion desécoles, et s’ils ne constatent aucuneamélioration de la qualité de l’édu-cation, ils se retireront rapidementde la scène, et leurs enfants aveceux.
D’autre part, une communautéqui participe activement au fonc-tionnement d’un établissement édu-catif – que ce soit une maternelle,une école primaire ou un collège – aplus de possibilités d’adapter lesservices éducatifs à ses enfants, etplus d’intérêt à ce qu’ils fonction-nent bien. N’importe quel projet aplus de chances d’aboutir s’il estfondé sur les besoins exprimés de lacommunauté et si cette communautéa un rôle clef dans sa mise en œuvre,
son suivi et son évaluation (voir fi-gure 12).
«Nous décidons ce qui est bonpour nos enfants et nous sommescapables de faire quelque chosepour cela», déclare Enamul HuqNilu, président du comité de gestiond’une école à Jhenaidah SadarThana, au Bangladesh85. Son écolefait partie du projet IDEAL, qui viseà recréer la participation commu-nautaire et parentale dans les écolesprimaires, qui avait cessé en 1973quand le Gouvernement avait prisen charge les écoles. Par un proces-sus de planification locale facilitépar le Gouvernement et l’UNICEF,des membres du comité de gestionde l’école, des parents et des ensei-gnants travaillent à établir pourl’école un programme annuel qui estalors surveillé par tous les intéres-sés86.
Une philosophie similaire sous-tend le projet CHILDSCOPE dans ledistrict d’Afram Plains au Ghana.Sa principale stratégie est de donneraux communautés entourant ses11 écoles primaires les moyensd’identifier les obstacles s’opposantà l’éducation de leurs enfants et d’ytrouver leurs propres solutions. Lesparents participent activement àl’éducation et au développement deleurs enfants, ce qui permet d’enre-gistrer des progrès en lecture, écri-ture et calcul ainsi que dans les tauxgénéraux de scolarisation, particu-lièrement des filles. De plus, l’ap-proche globale du projet a permis desensibiliser la communauté auxbesoins sanitaires et nutritionnelsdes enfants en pleine croissance.
Comme le montre CHILDSCOPE,l’école peut être un agent vital duchangement. Elle a les moyens d’at-teindre des communautés locales enpartenariat avec d’autres institu-tions, pour identifier, par exemple,les enfants qui ont besoin d’une pro-tection spéciale. Dans ce sens, lesenseignants et le personnel scolairesont les agents locaux du ministèrede l’Education, assumant un certaindegré de responsabilité pour retrou-ver les enfants qui ne viennent pas à
La décentralisation devraitêtre choisie non parcequ’elle revient moins cher,mais parce que c’est lameilleure solution et qu’ellerenforce l’engagement del’Etat à atteindre l’éducationpour tous.
Une communauté quiparticipe activement aufonctionnement d’unétablissement éducatif – quece soit une maternelle, uneécole primaire ou un collège –a plus de possibilitésd’adapter les serviceséducatifs à ses enfants, etplus d’intérêt à ce qu’ilsfonctionnent bien.
7776
nées sur l’éducation ventilées parsexe – sur les taux d’inscription etd’abandon et sur les acquis scolai-res.
Pourtant, comme l’accélérationde la mondialisation incite les gou-vernements nationaux à privatiserun nombre croissant de fonctions, ladécentralisation peut être opérée àdes fins de réduction de dépenses oude privatisation. Dans ce cas, l’édu-cation publique sera probablementaffaiblie, l’accès à l’éducation et laqualité de celle-ci diminuant dansles régions à faible revenu simple-ment parce qu’elles ont moins deressources à consacrer aux écoles.
On a vu se développer une inéga-lité de ce type au Chili, après l’intro-duction en 1981 d’un système de«bons» qui a poussé les élèves desécoles publiques vers les écoles pri-vées et a diminué les recettes duservice public91.
En outre, la décentralisationexige au niveau local une plusgrande capacité professionnelle etadministrative et, si elle n’est pasaccompagnée d’un programmeénergique de renforcement de cettecapacité, elle pourra aboutir à unebaisse générale de la qualité de l’en-seignement et à une augmentationsubstantielle des coûts.
Si elle est entreprise dans uneposition de force et sous-tendue parun engagement en faveur de l’équitéet de la qualité de l’éducation, etdote la communauté des moyensvoulus, la décentralisation peut pro-curer d’énormes avantages. Ontrouve les plus belles réussites là oùle ministère national de l’Educationest puissant, n’est pas bridé par lescontraintes financières et peut inter-venir, si nécessaire, pour mettre unterme aux inégalités naissantes.
Elément 5. Soins dela petite enfance
La Déclaration mondiale surl’éducation pour tous proclaméelors de la Conférence de Jomtien arappelé que l’apprentissage com-mence dès la naissance92. L’impor-
tance à cet égard des premièresannées de la vie n’a cessé d’êtrereconnue alors que se multipliaientles programmes qui mettent ceconcept en pratique.
Chaque année, de nouvellesrecherches augmentent notre com-préhension du développement del’enfant. Le développement rapidedu cerveau d’un enfant dépend lar-gement de stimulations extérieures,et en particulier de la qualité dessoins et de l’interaction dont l’en-fant bénéficie dans son milieu. Derécents travaux de biologie molécu-laire ont établi que le développe-ment cérébral dans la premièreannée de la vie d’un enfant est plusrapide et étendu qu’on ne le pensaitjusqu’à présent. Au moment de lanaissance, le cerveau d’un enfantpossède 100 milliards de neuronesreliés par des complexes appelés«synapses»93. Ces synapses sont lesconnexions qui permettent l’appren-tissage, et dans les premiers moisqui suivent la naissance, leur nom-bre est multiplié par 2094. Le déve-loppement physique, mental etcognitif dépend de ces voies decommunication intracérébrales.
La bonne santé nutritionnelle dela mère (pendant la grossesse etl’allaitement) et de l’enfant estessentielle non seulement pour lasurvie et la croissance physique del’enfant, mais aussi pour son déve-loppement intellectuel et ses pers-pectives éducatives futures95. On aaujourd’hui des preuves convain-cantes que la qualité des soins – ycompris la nutrition, les soins desanté et la stimulation – reçus par unenfant pendant ses deux à trois pre-mières années peut avoir un effetdurable sur son développementcérébral. Et au-delà, l’attentionaccordée au développement del’enfant au moins jusqu’à l’âge dehuit ans est primordiale pour aiderles enfants à réaliser toutes leurspotentialités.
Etant donné l’importance de lanutrition et des soins pendant lespremières années, toute approche dequelque valeur de «l’éducation de
conseils étaient à l’origine chargésde questions financières et adminis-tratives familières aux parents, maisaujourd’hui ils s’occupent aussi depédagogie. La participation commu-nautaire et le transfert du contrôle auniveau local ont déjà sensiblementamélioré la situation; en 1994, lesélèves achevant leur première annéeétaient 11% de plus qu’en 1990; leredoublement a reculé de 39% en1990 à 19% en 1994.
Ana Luíza Machado Pinheiro,Secrétaire de l’éducation pour leMinas Gerais, déclare: «Il y a troisou quatre ans, quand les écoless’effondraient, lorsque vous présen-tiez une proposition pédagogique,les gens disaient: «Pour quoi faire, sinous n’avons pas de pupitres ni dematériels scolaires? Si l’école estdans une situation chaotique, com-ment allons-nous pouvoir lancer unenouvelle proposition pédagogique?Aujourd’hui, avec des écoles enordre et bien propres, tout le mondeparle de qualité88.»
Contrairement à ce qu’on atten-dait, la participation a été la plusimportante dans les écoles des com-munautés les plus pauvres, et ce sontces écoles qui ont enregistré l’amé-lioration la plus sensible chez lesélèves. Le modèle de Minas Geraisa incité nombre d’autres Etats brési-liens à l’imiter; il est particulière-ment tentant car il n’exige pas deressources supplémentaires, maissimplement une meilleure gestiondes ressources disponibles89.
D’autres bons modèles de gestionscolaire décentralisée apparaissentun peu partout dans le monde. EnPologne et dans plusieurs paysd’Europe centrale et orientale, dessystèmes scolaires décentraliséssont une réaction aux systèmessocialistes hautement centralisés.En Asie, des regroupements d’éco-les, qui permettent de partager lesressources, d’économiser sur lescoûts et de maximaliser la mobilisa-tion communautaire, se sont révélésparticulièrement utiles. Le renforce-ment des groupements d’écoles a étéune partie essentielle du système
d’évaluation permanente et de pro-gression au Myanmar, qui vise àréduire les taux d’abandon et deredoublement au niveau primaire.L’efficacité de la gestion scolairedécoulant du système de groupe-ment est aussi importante que laformation des maîtres, l’apprentis-sage centré sur l’enfant ou la mobi-lisation communautaire pour gar-der les enfants dans la classe. Unebonne administration assure laqualité de l’éducation tout aussisûrement qu’un bon enseigne-ment90.
La décentralisation peut créer desoccasions éducatives pour des grou-pes qui risquent d’être traditionnel-lement exclus d’un système d’édu-cation centralisé. En El Salvador, leprogramme EDUCO (Programa deEducación con la Participación dela Comunidad: Programme d’édu-cation avec la participation de lacommunauté) par exemple, quidonne aux associations communau-taires le contrôle des écoles et desétablissements préscolaires, viseprincipalement les enfants des zonesrurales. Les besoins des minoritésethniques, tels qu’un enseignementdans leur propre langue, ont plus dechances d’être reconnus par un insti-tuteur local qu’au niveau d’un ser-vice national.
La décentralisation permet aussid’améliorer la scolarisation desfilles. Dans les régions de Mopti etde Kayes au Mali, où les taux d’ins-cription des filles sont extrêmementbas, des équipes de district, compre-nant des ONG locales, travaillentintensément avec les communautéspour élire et former des comités degestion scolaire chargés entre autreschoses d’assurer la parité entre lessexes. La Mauritanie accorde unepriorité élevée à la collecte décen-tralisée de données sur l’éducationdes filles par le biais de comitéslocaux de gestion de l’éducation etd’observatoires régionaux.
En fait, la décentralisation permetde répondre bien plus facilement àla nécessité presque universelle-ment reconnue de meilleures don-
UNIC
EF/9
3-19
67/P
irozz
i
En moyenne, près de la moitié des enfants dans
les 47 pays les moins avancés n’ont pas accès àl’enseignement primaire. Des fillettes dans uneclasse de l’école primaire au Niger.
Le monde reconnaîtfinalement que les droits d’unenfant à l’éducation, à lacroissance et audéveloppement – physique,cognitif, émotionnel et moral –ne peuvent être satisfaitssans une approche globaledepuis sa naissance.
7978
comme la Belgique, le Danemark,la France ou l’Italie, où 80% desenfants de trois ans vont à la mater-nelle ou dans un centre pédagogi-que98.
Pourtant, à la Trinité-et-Tobago,quelque 60% des enfants de quatreans fréquentent des écoles maternel-les gérées, à la demande du gouver-nement, par Servol (Service béné-vole pour tous). Chaque centrepréscolaire du Servol a été réclamépar les communautés locales, quiont constitué un conseil scolaire dehuit personnes pour fournir et entre-tenir les équipements et payer la partdes traitements des enseignants quin’est pas couverte par la faible sub-vention gouvernementale.
Les enseignants des centres duServol n’essayent pas de pousser lesenfants à lire, écrire et compter maiss’efforcent de leur donner uneimage positive d’eux-mêmes et dedévelopper leur ingéniosité, leurcuriosité et leur sens des responsabi-lités. L’éducation des parents estfondamentale: les enseignants orga-nisent des séances pendant lesquel-les ils expliquent le mal causé auxjeunes enfants aussi bien par l’excèsde discipline que par le laxisme, etsoulignent l’importance de l’hy-giène et d’une bonne nutrition99.
Le modèle d’école maternelle duServol tranche nettement et avecbonheur sur les installations où lesenfants devaient demeurer sage-ment assis à leur table pour écouterle maître. Beaucoup d’anciens payscommunistes luttent pour pratiquerle même type de transition. L’unedes forces du système politique del’ancien bloc soviétique était leréseau étendu de crèches pour lesenfants dont les parents tra-vaillaient. Si elles étaient propres,sûres et peu coûteuses, beaucoupsuivaient néanmoins un programmerigide dans lequel les enfants fai-saient plus ou moins tous la mêmechose en même temps.
Face à la baisse des inscriptionset des disponibilités dans l’éduca-tion préscolaire, des enseignants de23 pays d’Europe centrale et orien-
tale et de l’ex-Union soviétique sesont aujourd’hui engagés sur unevoie différente. Financés par la Fon-dation Soros, ils apprennent unnouveau programme conçu parChildren’s Resources International(CRI) contenant les meilleures tech-niques d’éducation préscolaire. Pri-vilégiant l’éducation axée sur l’en-fant et le jeu spontané, le pro-gramme Pas à Pas s’est révélé sipopulaire qu’il a été imité dans despays aussi divers que l’Afrique duSud, Haïti et la Mongolie. Il a misau point des programmes pour lesnourrissons, les bébés et lesenfants jusqu’à l’âge de dix ans100.Une autre initiative, en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, financéepar l’antenne américaine de Save theChildren Fund, associe le jeu struc-turé, destiné au développement del’enfant, à une forte participationparentale et communautaire, tout enmaintenant les coûts à un niveau trèsmodéré101.
La République démocratiquepopulaire lao est une autre ancienne«économie dirigée» en quête dechangement. Depuis 1989, le gou-vernement recherche des partenai-res extérieurs, y compris l’antennebritannique de Save the ChildrenFund, pour l’aider à introduire dansles écoles et les crèches plus deméthodes d’enseignement centréessur l’enfant. Les changements dansles années 90 ont été profonds,d’après Mone Kheuaphaphorn,directeur du jardin d’enfants DongDok.
Auparavant, les maîtres par-laient beaucoup et les enfants nepouvaient qu’écouter; ils avaienttrès peu d’occasions de participer.Il n’y avait généralement pasd’outils pédagogiques ni de jouets;si par hasard il y en avait, ils necorrespondaient pas au thèmeabordé et ne plaisaient pas auxenfants. Les activités étaientcontrôlées par les maîtres, et lesenfants n’étaient pas libres de choi-sir, ou de jouer à ce qu’ils voulaient.Maintenant, la philosophie estd’«apprendre par le jeu», ce qui
base» doit inclure des programmesde la petite enfance qui encouragentla survie, la croissance et le dévelop-pement de l’enfant. Il est de plus enplus admis que les soins et l’éduca-tion de la petite enfance sont insépa-rables: les enfants ne peuvent pasêtre bien soignés sans être éduquéset ils ne peuvent pas être bien édu-qués sans recevoir de soins96.
Le monde reconnaît enfin que lesdroits d’un enfant à l’éducation, à lacroissance et au développement –physique, cognitif, émotionnel etmoral – ne peuvent être satisfaitssans une approche globale destinéeà répondre à ses besoins depuis lanaissance. Il comprend que ledéveloppement mental, social etémotionnel de l’enfant d’âge pré-scolaire a un impact profond sur sacapacité de réussir à l’école et plustard dans le monde adulte.
Les soins aux enfants:un impératif social
Les familles sont en premièreligne pour prodiguer amour, soins etstimulation à leurs enfants, et lesparents sont les premiers éduca-teurs, et les plus importants (voirencadré 14). Mais, de plus en plus,la stimulation et les soins si essen-tiels au développement physique,émotionnel et cognitif de l’enfantémanent d’une combinaison de ser-vices formels et informels assuréspar l’Etat, les entreprises, les ONG etautres.
Des crèches ou des garderiespour tous ne sont pas la seuleréponse possible aux enfants et auxfamilles qui ont besoin d’un enca-drement de qualité. L’expansion desservices de soins et développementdans la petite enfance, bien querapide, a été entravée par l’idée erro-née de nombreux gouvernementsconvaincus que le modèle occiden-tal de centres préscolaires formels etd’un prix prohibitif constituait laseule façon de satisfaire les besoinsdes enfants dans leurs premièresannées.
La recherche semble montrer queles centres de jour structurés sont lesplus efficaces – dans une étudemenée en Turquie entre 1982 et1986, ce sont eux qui ont donné lesmeilleurs résultats dans toutes lesmesures du développement psycho-social. Cette même enquête a cepen-dant révélé que les enfants gardés àla maison et dont la mère recevaitune formation et un certain appuiextérieur dépassaient nettement lesenfants dont la mère ne recevaitaucune formation. Les enfants obte-naient de meilleurs résultats enexpression verbale, en calcul et danstoutes les matières scolaires pendantles cinq années de l’école primaire.Leur niveau d’intégration sociale,d’autonomie personnelle et mêmede relations familiales était égale-ment supérieur. En 1992, devenusadolescents, ils étaient plus nom-breux à poursuivre des études queleurs camarades dont les mèresn’avaient pas reçu de formation97.Pour un pays en développement, lamanière la plus pratique et la moinscoûteuse de rechercher les bénéficesmultiples des activités d’éveil dujeune enfant est donc d’essayer demieux sensibiliser les parents audéveloppement de l’enfant.
Plus la stimulation et les soinsreçus par un enfant sont de qualité,plus grand sera l’avantage – pourl’économie nationale comme pourl’enfant. Par exemple, les enfantsayant vécu des expériences heureu-ses pendant leurs premières annéesde vie (santé, éducation, nutrition,stimulation, croissance et dévelop-pement) risquent moins de «gas-piller» les fonds publics en aban-donnant l’école ou en redoublant; ilsseront aussi moins souvent malades,et plus productifs à l’âge adulte.
On a souvent utilisé les program-mes formels pour préparer lesenfants à l’école, notamment lors-que les parents doivent travailler etne peuvent s’occuper de leursenfants. Peu de pays en développe-ment disposent de budgets leurpermettant d’égaler le niveau d’édu-cation préscolaire de pays nantis
Plus la stimulation et lessoins reçus par un enfantsont de qualité, plus grandsera l’avantage – pourl’économie nationale commepour l’enfant.
UNIC
EF/5
569/
Hartl
ey
Les approches rigides de l’éducation présco-
laire, dans lesquelles on demande aux enfantsde s’asseoir sagement et d’écouter le maître,cèdent progressivement la place à des modèles
plus centrés sur l’enfant. En Roumanie, unenfant s’amuse avec un jouet dans un centre.
8180
Eduquer les parents
80
Dans la plupart des sociétés, le
foyer et la famille sont les
plus puissants «socialisa-
teurs» de l’enfant. Chez l’enfant, l’ap-
prentissage commence à la naissance
et se poursuit tout au long de la petite
enfance, la meilleure préparation à
l’école. Les parents et autres person-
nes s’occupant de l’enfant ont donc à
remplir un rôle de la plus grande
importance, en favorisant ses capaci-
tés sociales, intellectuelles, émotion-
nelles et physiques qui plus tard
renforceront l’aptitude de l’enfant à
apprendre, aussi bien à l’école que
dans la vie.
Les cultures ont depuis longtemps
perfectionné les moyens de transmet-
tre des connaissances aux enfants, et
la sagesse commune des sociétés of-
fre pour les soins et le développe-
ment de l’enfant une base générale-
ment bien adaptée aux circonstances
particulières. Mais le monde évolue
et parfois les parents, les jeunes sur-
tout, peuvent tirer profit de la somme
d’informations et de connaissances
nouvelles disponibles aujourd’hui sur
la croissance et le développement des
enfants.
«Les pratiques traditionnelles ou lo-
cales sont souvent bonnes, mais elles
se montrent de moins en moins capa-
bles d’absorber les avantages des
connaissances actuelles», dit le
Dr Robert Myers, fondateur du Groupe
consultatif sur les soins et le dévelop-
pement dans la petite enfance – un
groupe interinstitutions qui a une
autorité internationale en ce domaine.
Des études récentes menées par
l’UNICEF et la Conférence épiscopale
latino-américaine sur la manière dont
sont élevés les jeunes ont montré que
beaucoup de parents reconnaissaient
l’importance des informations «nou-
velles» concernant le développement
affectif et cognitif de leurs enfants,
mais que souvent ils ne tirent aucune
conséquence pratique de ces infor-
mations.
On peut combler cette lacune avec
des programmes d’éducation paren-
tale, qui aident parents et autres res-
ponsables à mieux comprendre ce
qui est nécessaire au bon développe-
ment de l’enfant, à adopter de bonnes
pratiques de puériculture et à utiliser
efficacement les services disponibles
pour la santé, la nutrition et le déve-
loppement psychosocial de l’enfant.
De tels programmes renforcent aussi
la confiance des parents en eux-
mêmes, ce qui les rendra plus aptes à
favoriser un bon développement de
leurs enfants.
De Cuba en Indonésie, de Chine en
Turquie, on trouve dans le monde
entier des programmes novateurs
destinés à soutenir et former les
parents et autres personnes s’occu-
pant de l’enfant. Les résultats sont
tangibles et impressionnants car, par
le biais des réseaux communautaires,
ces programmes atteignent beau-
coup de gens pour un coût relative-
ment faible.
Au Mexique, des parents formés
dans le cadre du programme national
d’éducation initiale, qui s’adresse aux
personnes chargées des quelque
1,2 million d’enfants de moins de
trois ans parmi les plus pauvres du
pays, ont reconnu que les attitudes
sur la façon d’élever les enfants ont
changé. Beaucoup ajoutent qu’ils
reconnaissent maintenant que les
punitions traditionnelles infligées aux
enfants sont inappropriées. Ce pro-
gramme non formel, mis en place par
le Gouvernement avec le soutien de
l’UNICEF, montre aussi une évolution
du rôle respectif des parents dans les
soins aux enfants. Dans les villages
ruraux les plus éloignés, ce sont les
pères qui suivent les sessions de
formation.
En Turquie, un programme de
formation parentale est devenu un
modèle d’éducation informelle
polyvalente conçue à l’origine pour
que les enfants continuent d’aller à
l’école et d’apprendre. Des discus-
sions de groupe sont organisées sur
des questions telles que la santé des
enfants, la nutrition, les activités de
jeu créatives, ou l’interaction mère/
enfant. Les études de suivi du pre-
mier projet pilote ont révélé d’im-
portantes différences dans le déve-
loppement cognitif des enfants
dont les mères avaient participé au
programme et des autres. Ainsi
qu’on l’espérait, les enfants de ces
familles sont restés plus longtemps
à l’école. Depuis, le programme a
été élargi␣ ; mené en coopération
avec le ministère turc de l’Educa-
tion, il a atteint plus de 20 000 grou-
pes mère/enfant dans des douzai-
nes de provinces du pays.
Le projet colombien Promesa
(Promesse) a touché depuis 15 ans
quelque 2000 familles en milieu
rural. Il a commencé en encoura-
geant des groupes de mères à sti-
muler le développement physique
et intellectuel de leurs enfants d’âge
préscolaire en jouant avec eux, chez
elles. Petit à petit, dans ces groupes,
les mères se sont mises à discuter
de santé, de nutrition, d’hygiène de
l’environnement, de formation pro-
fessionnelle. Avec le temps, le projet
a pris de l’ampleur. Les habitants
s’organisent spontanément pour
résoudre d’autres problèmes.
Aux Philippines, le Parent Effec-
tiveness Service (Service pour l’ef-
ficacité des parents) associe visites
à domicile de bénévoles et discus-
sions de groupe régulières entre
Photo: Ici, en Colombie, une mère avec sonbébé. Ses voisins l’ont choisie pour tenir une
garderie à l’intention des enfants du village.Pour ce faire, elle a reçu une formation spé-ciale.
UNIC
EF/9
0-00
13/T
olm
ie
Encadré 14
parents. Une évaluation du pro-
gramme a montré sa contribution
au développement de connaissan-
ces théoriques et pratiques des pa-
rents en matière de santé, de prise
en charge et de discipline de l’en-
fant, de soins de la petite enfance,
enfin de relations conjugales. On a
choisi dans certaines régions de
soutenir les groupes de discussion
des parents par une causerie radio-
phonique hebdomadaire de 30 mi-
nutes «La famille philippine sur les
ondes», qui a couvert 26 questions,
dont: les droits des enfants, la diffé-
rence dans la façon d’élever les gar-
çons et les filles, les enfants et les
médias, les violences à enfant.
Les activités d’éducation des
parents sont plus efficaces lorsqu’el-
les complètent et renforcent des pro-
grammes de services organisés plus
officiels; elles permettent aux en-
fants de conserver l’acquis d’un
développement précoce même en
cas de disparition d’un programme
ou d’un centre pour enfants.
Mais, comme le souligne le
Dr Myers, les programmes d’éduca-
tion des parents ne sont pas une
panacée. S’en remettre à eux seuls,
sans l’accompagnement de pro-
grammes plus officiels tels que ser-
vices de santé ou de puériculture,
serait priver les parents de nom-
breux appuis qui leur sont néces-
saires – y compris sur le plan des
ressources, des installations, du
temps et des informations – pour
assurer la croissance et le dévelop-
pement de leurs enfants.
Dans la plupart des sociétés,le foyer et la famille sontles plus puissants«socialisateurs» de l’enfant.
8382
implique de nombreuses activités.Pour résumer: la nouvelle méthoded’enseignement aide les enfants àêtre créatifs, heureux et en bonnesanté. Depuis sa mise en œuvre,nous avons organisé des réunionsrégulières pour l’ensemble del’école, et des réunions mensuellesde classe avec les familles pour queles parents puissent soutenirl’apprentissage de leurs enfants etparticiper à l’école quand c’estnécessaire. Les parents sont heu-reux de voir évoluer les compéten-ces et le comportement de leurenfant et de constater que l’école estdevenue un endroit attrayant pourles enfants102.
Cette nouvelle approche centréesur l’enfant a également permis à laRépublique démocratique populairelao de lancer un projet intégrantdans le système scolaire, dès lejardin d’enfants, ceux qui ont desbesoins spéciaux et des handicapsd’apprentissage. La sensibilité et lacapacité de réponse d’un centrepréscolaire moderne ont rendul’éducation plus accessible pour cesenfants, en particulier pour les filleset les enfants des minorités, que lesystème scolaire traditionnel laissaitsouvent de côté .
Tous les indicateurs montrentque ce sont les enfants pauvres quibénéficient le plus – sur le planpsychosocial aussi bien qu’éducatif– des programmes de soins et dedéveloppement dans la petiteenfance103. Il découle de cette cons-tatation que ces interventionsconviennent particulièrement auxcommunautés démunies. En Inde,l’Initiative éducative PrathamMumbai dans la ville de Mumbai(Bombay) assure une éducation dece type à 30 000 enfants de trois àcinq ans, originaires des bidonvilles.Ses principaux objectifs sont d’en-courager l’amour de l’étude dans lescommunautés pauvres et de prépa-rer autant que possible les enfantsaux défis de la scolarité104. Pratham,une ONG, ne doute pas que l’initia-tive couvrira toute la ville d’ici2001, et fait également campagne
pour un amendement de la Constitu-tion indienne reconnaissant à tousles enfants âgés de moins de huit ansle droit à l’éducation.
Liens intersectorielsEn matière d’éducation pour
tous, la leçon à tirer des services desoins et de développement dans lapetite enfance est que toutes les éco-les peuvent et doivent changer poursatisfaire les besoins de développe-ment des enfants. Beaucoup desprincipes des programmes d’éveildu jeune enfant – la nécessité deliens intersectoriels entre l’éduca-tion et la santé ou la nutrition, ou lesavantages de méthodes d’enseigne-ment souples et centrées sur l’enfant– pourraient être appliqués avecprofit dans toutes les écoles, particu-lièrement dans les petites classes.
Encore récemment, les agents desanté et de nutrition s’efforçaient enpriorité d’aider les enfants à survi-vre pendant les premières annéesvulnérables, alors que les experts del’éducation s’intéressaient surtoutaux inscriptions à l’école ou àl’amélioration de l’enseignement etde l’apprentissage. Il était rare queles uns et les autres travaillentensemble, mais tout cela a changé.Le secteur de l’éducation collaborede plus en plus avec les profession-nels de la santé et de l’assainisse-ment, de la nutrition et de la plani-fication familiale – forgeant etrenforçant des «liens intersecto-riels»; c’est là un autre aspect vitalde la révolution de l’éducation.
Depuis 1987, les programmes desoins et de développement dans lapetite enfance se sont rapidementétendus au Nigéria. Chaque centreorganise des vaccinations gratuiteset se concentre sur la nutrition desenfants: de nombreux programmesont préconisé l’administration devermifuges pour traiter les infec-tions parasitaires chez les enfants.Dès l’origine, le projet visait à four-nir des soins communautaires peucoûteux, car les centres préscolairesn’avaient réussi à atteindre jusque-là
UNIC
EF/9
4-12
93/T
outo
unji
L’éducation pour le développement jette des
ponts à travers les continents et les cultures enfavorisant la compréhension, la tolérance etl’amitié entre jeunes du monde entier. Lancés
par l’UNICEF en 1992 pour familiariser lesjeunes et les éducateurs du monde industrialisé
aux questions mondiales et au rôle de l’UNICEF
dans la promotion du développement, les pro-grammes d’éducation pour le développement
sont maintenant utilisés par les éducateurs detous les pays afin de promouvoir la citoyennetémondiale. Aux Etats-Unis, des élèves fixent des
liens sur une carte pour indiquer les relationscommerciales entre pays.
Fig. 13 Meena: dessin animé pour les droits des filles
Meena veut aller à l’école avec Raju.
Papa, je veux moiaussi allerà l’école.
Non, Meena.Ta mère a besoinde toi à la maison.
Tous les villageois sont d’accord: il est bon d’envoyer les fillesà l’école. La vieille femme dit que sa fille est allée à l’école.
Maintenant, ma fille a un petitélevage de volailles. Son frère
et elle me donnentde quoi vivre.
Oh?
Les parents de Meena ont réfléchi à ce qu’ont dit les villageois.Ils décident d’envoyer Meena à l’école
Meena,demain tu iras
à l’école.
C’estvrai?
Meena, Raju et Mithu dansent de joie.
Nous ironsà l’école
ensemble.
Désireuse d’aller à l’école comme son frère, une fillette dans un villaged’Asie du Sud apprend à compter et gagne le droit d’aller à l’école. Elle
s’appelle Meena et elle est la vedette d’une série de 13 dessins animés crééspar les bureaux de l’UNICEF en Asie du Sud et la compagnie internationale
d’animation Hanna Barbera.La série de Meena est fondée sur une recherche approfondie de l’UNICEF
au Bangladesh, en Inde, au Pakistan et au Népal pour identifier despersonnages, des lieux et des scénarios qui touchent un point commun chez
les populations très diverses de la région. Le résultat est une série d’histoiresoù les aventures et les facéties ne manquent pas, mais qui ont pour thèmes
les problèmes de la vie réelle des filles en Asie du Sud.L’ingéniosité de Meena pour faire face à des questions telles que
l’accès inégal à l’éducation, l’alimentation et les soins de santé, le SIDA,
la coutume de la dot, le mariage précoce et d’autres difficultés en ont faitun modèle pour les filles et un défenseur éloquent des droits de tous les
enfants.Le premier épisode a été doublé en 30 langues et diffusé dans les quatre
pays d’Asie du Sud, ainsi que sur la chaîne Cartoon Network, et sera bientôtprogrammé en Chine, au Myanmar et dans des pays du Moyen-Orient. En
1998, la série complète de 13 épisodes a été diffusée pour la première fois pardes télévisions au Bangladesh, en Inde, au Népal, au Pakistan et à Sri Lanka,
et un programme de radio, co-produit par le BBC World Service, a été lancé enInde. Des unités de film mobiles et une série de bandes dessinées ont porté
Meena et son message à plus d’un million d’habitants ruraux dans la région.Rien qu’en Asie du Sud, le public potentiel pour les produits de Meena est
estimé à plus de 500 millions de personnes.
8584
que 2% des enfants des familles lesplus aisées, y compris dans les zonesurbaines. Même ces programmess’intéressaient peu à la santé, à lanutrition, et aux aspects psycho-sociaux et cognitifs du développe-ment de l’enfant.
Le secret du succès a été d’attein-dre les enfants là où ils se trouvent.Des centres culturellement accepta-bles ont été ouverts dans les mar-chés, les églises, les mosquées, lesmaisons communautaires et lesannexes des écoles primaires, et leprojet soutenu par l’UNICEF comptedes installations dans des maisonsindividuelles des zones pauvres,desservant environ 175 000 enfants.Un réseau d’ONG prévoit d’élargirces services à tous les enfants nigé-rians de moins de six ans105.
La nécessité d’une approcheinterdisciplinaire coordonnée del’éducation, la santé et la nutritiondes enfants est particulièrementessentielle pendant les premièresannées de la vie. Pour y parvenir, lacollaboration entre différents parte-naires, comme les syndicats, le sec-teur privé, les ONG et les groupesreligieux, est nécessaire. Les enfantsdoivent être mieux armés pourl’école, et les activités de soins et dedéveloppement dans la petite en-fance, qu’elles soient assurées à lamaison par les parents ou dans descrèches officielles, se sont révéléesle meilleur moyen d’y parvenir. Lesécoles elles aussi doivent être mieuxpréparées à recevoir les jeunesenfants dans un environnementaccueillant et approprié; il leur fautensuite éduquer ces enfants et endernière analyse renforcer leur apti-tude à profiter de cette éducation. Sil’on se fonde sur les rapports parve-nant de toutes les parties du monde,cette leçon commence à être bienassimilée.
Mondialisationet apprentissage
Presque tous les éléments de la«vision élargie» de l’éducation qui aémergé de Jomtien peuvent être et
ont été mis en pratique, commenous l’avons décrit, de diverses ma-nières, dans les systèmes éducatifsdu monde. Cette vision ne pouvaitcependant pas prévoir le rythmeextraordinaire de changements poli-tiques, sociaux, économiques ettechnologiques que le monde allaitconnaître et qui allaient avoir deprofondes conséquences sur l’édu-cation.
Lorsque la vision de Jomtien sou-lignait l’importance d’un partenariatentre l’Etat et la société civile pourgarantir l’accès à une éducation dequalité pour tous, elle n’avait pasenvisagé l’émergence rapide à la finde la guerre froide de nombreuxnouveaux Etats nations, dont beau-coup ont dû résoudre des problèmesliés à la précarité de leur autorité, deleur capacité et de leurs ressources.La nécessité d’un partenariat s’estfaite soudain plus urgente encore,tout comme la reconnaissance dufait que l’Etat n’était pas obligatoi-rement l’unique organe à dispenserune éducation. La prééminence desdroits de l’homme redonne le rôleprincipal à l’Etat chargé de garantirles droits de tout enfant à une éduca-tion de qualité.
Si donc l’Etat reste souvent laprincipale source pour l’éducationde base, il peut aussi n’être qu’unacteur dans un vaste assortimentd’organisations différentes dispen-sant cette éducation. Il conserve,néanmoins, un rôle important dedirection, de définition des politi-ques et des normes, et d’articulationde la vision nationale. Et, dans tousles cas, c’est à lui qu’il incombe degarantir le droit de tout enfant à uneéducation élémentaire de qualité.
Alors que la vision de Jomtienreconnaissait l’importance du pro-cessus de mondialisation, raresétaient les observateurs qui auraientpu prévoir en 1990 la rapidité de sonrythme au cours des huit dernièresannées. Aujourd’hui, des informati-ciens préparent aux Philippines desprogrammes pour des créateurs delogiciels au Royaume-Uni, et desavocats indiens rédigent des notes
pour des cabinets juridiques auxEtats-Unis.
Du mélange des cultures et de ladominance de plus en plus marquéede certaines cultures et langues du«village planétaire», deux fortestendances ont émergé – une de-mande accrue en faveur de l’ensei-gnement d’une langue internatio-nale qui donnera accès au villageplanétaire, et une volonté croissantede voir l’éducation aider à protégeret préserver l’identité et la diversitéculturelles et ethniques. L’éducationdevient donc une stratégie clef pourdonner accès à un monde toujoursplus interdépendant ainsi que pourassurer le maintien d’identités cultu-relles et ethniques.
Nul n’aurait pu prévoir en 1990 lacroissance extraordinairement ra-pide des technologies modernes dela communication et de l’informa-tion. Internet existait bien, mais res-tait plus ou moins ignoré. Le progrèsfulgurant des technologies de traite-ment de l’information et de commu-nication électronique a créé la possi-bilité de changements éducatifs quin’étaient pas pris au sérieux en1990.
Soudain, à un rythme effarant, denouvelles possibilités se présentent
de faire de la vision de Jomtien uneréalité, en utilisant non seulementles médias et la radio, commeJomtien le proposait, mais aussi lesnouvelles techniques d’informationet de communication, qui transfor-ment déjà l’enseignement et l’ap-prentissage dans les communautésprivilégiées. Car, pour puissantesqu’elles soient, à moins d’assurerleur accès aux plus défavorisés,elles ne feront qu’élargir le fossééducatif qui sépare déjà les commu-nautés et les pays entre riches etpauvres, au lieu de le combler.
Dans les années qui ont suiviJomtien, des possibilités prometteu-ses ont émergé pour améliorer lebien-être de l’humanité. En mêmetemps, les disparités entre les privi-légiés et les pauvres se sont accen-tuées et avec elles les menacesd’instabilité sociale et de conflitscivils, donnant plus de poids encorequ’il y a dix ans aux arguments enfaveur de la révolution de l’éduca-tion comme un investissement pourpromouvoir la paix, la prospérité etun progrès respectant les droits del’homme. La prochaine section «In-vestir dans les droits de l’homme»analyse de plus près les argumentsen faveur de cet investissement.
UNIC
EF/9
5-07
54/M
era
Les récents progrès technologiques ont le pou-
voir de transformer l’éducation, mais tantqu’on ne pourra pas garantir l’accès de tous àces nouvelles technologies, elles ne feront
qu’élargir le fossé d’apprentissage entre richeset pauvres. Des enfants devant un terminald’ordinateur aux Etats-Unis.
L’éducation devient doncune stratégie clef pourdonner accès à un mondetoujours plus interdépendantainsi que pour assurer lemaintien d’identitésculturelles et ethniques.