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Laurane Delavier

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Acte I (p.16)

Sommaire

Acte II (p.42)

Acte III (p.58)

Levée de rideau (p.12)

ParadeJoann Sfar

Cocteau – La Belle et la BêtePierre Gonnord

HushpuppyKoudelka « L’homme parle Ă  la bĂŞte Â»

Docteur PrĂ©vertPrĂ©vert « Les enfants qui s’aiment Â»

Baudelaire « Les bienfaits de la Lune Â»Helmar Lerski « Citation Â»Lola Alvarez Bravo / Kahlo

Cocteau « OrphĂ©e Â»

Cy Twombly «Pan II»Tim Walker «Sand storm Â»

PrĂ©vert « Philippe de Champaigne Â»

Moonrise Kingdom « Liste Â»Arman « La colère Â»

Cy Twombly « Le temps retrouvĂ© Â»Helmar Lerski « Violon Violoncelle Â»

Zingaro « le poid de l’homme Â»Rara WoulibBeethoven

Oscar WildeTaniguchi

Death Proof

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Ode

Rappel (p.88)

Coulisses (p.98)

Cloture (p.92)

Hayao MiyazakiDavid Lynch

Charles FrégerHorst P. HorstMichel OcelotIrina Ionesco

Isabelle de Borchgrave

Index (p.104)

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Salvador DaliWong Kar-Wai

Kees Van DongenMichael AriasMark Rothko

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le spectacle de ce soir est unique ! Jamais vous n’en avez vu de pareil et jamais vous n’en reverrez de tel ! Alors profitez et laissez-vous porter par les comĂ©diens...

Ce soir, je vous propose de regarder ce spectacle avec trois paires d’yeux ! Ne vous inquiĂ©tez pas, c’est une mĂ©ta-

phore â€¦Oui ! Mesdames et messieurs, ce soir vous

plongerez pour un voyage fabuleux dans l’étrange..., le magique! Puis nous entrerons dans les profondeurs infernales, dans les abîmes de la narration...

Ça commence dans une minute, viens t'asseoir vite !! Excusez-moi, il y a quelqu'un Ă  cette place ? Non, allez y.

Écoutez. On entend les musiciens qui s'accordent. Eh ! La lumière vient de s'Ă©teindre ça commence !

« Mesdames et messieurs,Chut!

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Et pour finir, si tenté que vous soyez toujours avec nous, vous découvrirez le merveilleux, le procédé magique et inoubliable de la création d'un monde...

Oui ! Mesdames et Messieurs ! Ce que vous allez voir ce soir est unique !! Je le rĂ©pète encore : unique ! Alors gardez les yeux bien ouverts et laissez vous portez par le spectacle . ĂŠtes-vous prĂŞt Ă  me suivre dans cette expĂ©rience ?

Alors, levons le rideau ensemble... 13

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Vous ĂŞtes devant une parade. Une foule de personnages en costumes colorĂ©s se tient face Ă  vous. Tous vous regardent : vous ĂŞtes le centre de leur attention. Vous les observez aussi. Ils sont Ă©tranges avec leurs habits Ă  carreaux et leurs visages sont singuliers. Certains sont habillĂ©s en pirates, d’autres en clowns ou en balle-rines. Ils ressemblent Ă  des hĂ©ros sortis de leurs contes. Tous ces yeux qui vous fixent pourraient vous mettre mal Ă  l’aise. Pourtant, ils ne vous effrayent pas car leurs visages semblent tendres Ă  votre Ă©gard. De l’émotion se dĂ©gage d’eux et dans leur Ă©trangetĂ©, vous les trouvez attachants. Qui sont ces personnes ? Pourquoi sont-elles dans cette forĂŞt et surtout, dans cette tenue ? L’homme au chapeau haut-de-forme se met Ă  parler soudainement :

« Et vous, qui ĂŞtes-vous ? Â»

Vous ĂŞtes perturbĂ© et ne savez que rĂ©pondre. Alors, vous vous mettez Ă  rĂ©flĂ©chir. Dans cette joyeuse farandole, quelle place occu-pez-vous ? Quel costume arborez-vous ? Portez-vous un masque ? Finalement, vous ĂŞtes ici le seul inconnu.

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Certains choisiront le terme de tremblant ou mala-droit, d’autres préféreront le terme de vibrant. Le trait

de Joann Sfar a tout d’humain : vivant et spontanĂ©, les formes s’assemblent pour donner naissance Ă  des

lieux, puis des personnages et des histoires. Les figures sont rĂ©currentes : un chat bavard, un vampire, des

pirates ; chaque ĂŞtre reprĂ©sentant une mĂ©taphore, un condensĂ© de vie. HĂ©ro trop ordinaire ou surnaturel, ils touchent par leur humanitĂ©. Ils se questionnent,

s’affrontent et s’aiment, viennent vers vous pour vous prendre par la main et vous entraînent dans ce monde

chamboulant.

Joann Sfar Nice -1971

Dessinateur, scénariste

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Elle est perdue la belle, son regard est effrayée. Perdue dans cette grande demeure, perdue, entourée de chandeliers. Et elle court la belle, dans ses jupons, dans les couloirs, dans l’escalier,Elle court à travers cette demeure et à travers la peur qui la pousse à crier.

Elle court Ă  travers la demeure, la demeure de la bĂŞte, grande et grosse comme milles furets. Mais la bĂŞte n’est pas lĂ , alors Belle arrĂŞte de crier,S’assoie sur une marche, rĂ©flĂ©chit, s’amourache du lieu et se dit :«  Finalement, je vais peut-ĂŞtre rester. Â»

La Belle

et la BĂŞte21

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N’avez-vous jamais vu de monstre si beau ? Ce visage d’écorchĂ© vif, abĂ®-mĂ© par le temps, la prĂ©caritĂ© nous arrache une Ă©motion d’une intensitĂ© rare. Pierre Gonnord capte ici l’invisible : l’humanitĂ© et la beautĂ© dans la laideur d’un quotidien misĂ©reux. Sa sĂ©rie de photographie sur les sans-abris nous montre la splendeur de l’être lĂ  oĂą nous ne cherchons que dĂ©chĂ©ance, pitiĂ© et mĂ©pris. Des ces personnages naissent une magie folle, nous renvoyant trop bien la rĂ©alitĂ© de leur vie mais aussi paradoxalement, nous emmène vers une foule de personnages qui nous rappellent des ĂŞtres fantastiques. Plongez-vous dans leur regard, vous n’en sortirez pas indemne.

Pierre GonnordCholet -1963

Photographe22

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L’étoile filante galope à toute vitesseet elle rit, elle rit dans la nuit,

et elle brille de mille feux, Course folle et lumières enflammées

Elle court avec ses cheveux frisés et sa joie qui déborde,Son rire et sa gaieté,

et ses jambes qui galopent dans la nuit étoilée.

Hushpuppy

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L’Homme parle,

qui n’est pas si Bête que ça.à la Bête,

«  - Je ne savais pas que tu parlais. - C'est car tu ne m’as jamais Ă©coutĂ©.  Â»

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C’était toujours comme ça avec le docteur PrĂ©vert. Le pauvre bougre Ă©tait atteint d’une maladie terrible ! Il en pâtissait lui et son entourage. Vraiment terrible ! MĂ©decin qui plus est mais incapable de se soigner. Voyez vous, ce monsieur avait une maladie peu banale, un dĂ©calage « de rĂ©alitĂ© Â» ! Je vais vous expliquer en quoi consiste cette Ă©trange folie . Chaque jour, monsieur PrĂ©vert sortait faire sa promenade matinale. Toujours bien vĂŞtu et coiffĂ© de son chapeau melon, c’était un homme soignĂ© et attentif aux apparences. Pourtant, sous ses airs de gentleman, le docteur PrĂ©vert avait le comportement d’un excentrique : il voyait ce que les autres ne voyait pas. Des petites choses Ă©tranges se dĂ©roulaient Ă  son approche : il remarquait les araignĂ©es tricoter des pulls pour leurs marmots, une famille d’escar-got dĂ©mĂ©nager avec tous leurs meubles, la symphonie des gouttière les jours de pluie... Personne n’aurait cru le pauvre bougre, moi en premier ! Cela aurait pu en rester Ă  de simples histoires pour enfants racontĂ©es par un fou. Seulement, un revirement de situa-tion arriva sans crier gare.

Le docteur Prévert et l’imaginaire tordu

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La semaine avait Ă©tĂ© fastidieuse pour M. PrĂ©vert. Submer-gĂ© par le travail et affaiblit par un mauvais rhume, la maladie profita de sa faiblesse pour s’enraciner plus profondĂ©ment dans son corps. BientĂ´t, ce que seul le Docteur avait pu voir fĂ»t perçu par tous... Sa folie Ă©tait devenue terrible ! Et tellement puissante, que son entou-rage mĂŞme fut submergĂ© par ses visions ! Quelle surprise cela fut quand j’aperçus pour la première fois une de ces scènes. Bien que ses collègues et amis furent un peu paniquĂ©s, ils s’habituèrent vite au quotidien de M. PrĂ©vert. Quant Ă  lui, sa folie partagĂ©e lui permit de mieux vivre tout cela. Il finit mĂŞme par dire que cela le ravissait car ainsi il pouvait dialoguer avec ses personnages. Ses histoires lui racontaient des histoires. Fabuleux n’est-ce pas ? C’est ainsi que jour après jour, nous primes le cafĂ© en compagnie de sympathiques pyg-mĂ©es, firent un tour Ă  dos d’autruches, palabrèrent avec un Ă©lĂ©phant de cirque mĂ©content de son travail et bien d’autres encore. Oui, la vie au cĂ´tĂ© du Docteur PrĂ©vert s’avĂ©ra passionnante.

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Les enfants qui s’aiment s’embrassent debout Contre les portes de la nuit Et les passants qui passent les désignent du doigt Mais les enfants qui s’aiment Ne sont là pour personne Et c’est seulement leur ombre Qui tremble dans la nuit Excitant la rage des passants Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie Les enfants qui s’aiment ne sont là pour personne Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit Bien plus haut que le jour Dans l’éblouissante clarté de leur premier amour

Jacques Prévert

Les enfants qui s’aiment.

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    La Lune, qui est le caprice mĂŞme, regarda par la fenĂŞtre pendant que tu dormais dans ton berceau, et se dit: «Cette enfant me plaĂ®t.»    Et elle descendit moelleusement son escalier de nuages et passa sans bruit Ă  travers les vitres.  Puis elle s’étendit sur toi avec la tendresse souple d’une mère, et elle dĂ©posa ses couleurs sur ta face.  Tes prunelles en sont restĂ©es vertes, et tes joues extraordinairement pâles.  C’est en contemplant cette visiteuse que tes yeux se sont si bizarrement agrandis; et elle t’a si tendrement serrĂ©e Ă  la gorge que tu en as gardĂ© pour toujours l’envie de pleurer.    Cependant, dans l’expansion de sa joie, la Lune remplissait toute la chambre comme une atmosphère phosphorique, comme un poison lumineux; et toute cette lumière vivante pensait et disait: «Tu subiras Ă©ternellement l’influence de mon baiser.  Tu seras belle Ă  ma manière.  Tu aimeras ce que j’aime et ce qui m’aime: l’eau, les nuages, le silence et la nuit; la mer immense et verte; l’eau informe et multiforme; le lieu oĂą tu ne seras pas; l’amant que tu ne connaĂ®-tras pas; les fleurs monstrueuses; les parfums qui font dĂ©lirer; les chats qui se pâment sur les pianos, et qui gĂ©missent comme les femmes, d’une voix rauque et douce!    «Et tu seras aimĂ©e de mes amants, courtisĂ©e par mes courtisans. 

Les bienfaits de la Lune

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Tu seras la reine des hommes aux yeux verts dont j’ai serrĂ© aussi la gorge dans mes caresses nocturnes; de ceux-lĂ  qui aiment la mer, la mer immense, tumultueuse et verte, l’eau informe et multiforme, le lieu oĂą ils ne sont pas, la femme qu’ils ne connaissent pas, les fleurs sinistres qui ressemblent aux encensoirs d’une religion inconnue, les parfums qui troublent la volontĂ©, et les animaux sauvages et voluptueux qui sont les emblèmes de leur folie.»    Et c’est pour cela, maudite chère enfant gâtĂ©e, que je suis mainte-nant couchĂ© Ă  tes pieds, cherchant dans toute ta personne le reflet de la redoutable DivinitĂ©, de la fatidique marraine, de la nourrice empoisonneuse de tous les lunatiques.

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« Tout est dans l’homme, tout dĂ©pend d’oĂą la Lumière tombe en lui... Et je crois qu’aujourd’hui, l’homme est l’élĂ©ment le plus important. Nous ne voulons pas montrer l’homme banalisĂ© et standardisĂ©, mais regardĂ© avec estime et amour, placĂ© sous son vrai jour et rĂ©tabli dans sa beautĂ© et sa dignitĂ©. Â»

Helmar LerskiPhotographe

ZĂĽrich - 1956Strasbourg - 1871

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Frida Kahlo pose dans ses penséespendant que Lola Alvarez Bravo déclenche son cliché.

1944, la Kahlo pose, la Khaho pense, en voici la photo.

Frida Kahlo

Lola Alvarez Bravo

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Revenant sur les décombres de son palais, le roi aujourd’hui tombé dans

l’oubli regarde morose les restes de son passé. Il garde la tête haute et le port fière

car même sous les pierres, subsiste la grandeur de son passé. Le rayon de lumière

l’accueille comme son valet ; dans un dernier hommage, le roi s’en est allĂ©.

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Cy Twombly Pan II

1980

Peinte en 1980, Pan II est une Ĺ“uvre abstraite issue du nĂ©o-impressionnisme. Elle est rĂ©alisĂ©e par Cy Twombly, artiste amĂ©ricain nĂ© le 25 Avril 1928 et dĂ©cĂ©dĂ© le 5 Juillet 2011 Ă  Rome. Nous nous intĂ©resserons Ă  la dualitĂ© dans cette Ĺ“uvre puis dans un second temps, Ă  l’opposition qui s’en dĂ©gage et enfin, nous nous pencherons sur le titre de l’œuvre. ComposĂ© en deux parties distinctes, ce tableau Ă  la base en format « portrait Â» se retrouve transformĂ© en format horizontale grâce Ă  la dĂ©coupe de ses sujets. Le tableau est constituĂ© en diptyque. Contrai-rement Ă  l’imagerie religieuse, celui-ci est dĂ©coupĂ© Ă  l’horizontal modifiant ainsi l’espace de la toile : Ă  l’inverse d’un diptyque (donc composĂ© de deux tableaux distincts), la sĂ©paration se fait sur la toile elle-mĂŞme et crĂ©e une double lecture du tableau. Il n’y a pas de cadre ou de trait sĂ©parant les deux sujets : liĂ©s et se repoussant Ă  la fois, ce sont les sujets eux-mĂŞmes qui dĂ©limitent l’espace. Cette proximitĂ© met en relief la diffĂ©rence des mĂ©diums utilisĂ©s : d’un cĂ´tĂ© la craie grasse, poreuse et vive ; d’un autre, l’encre condensĂ©e et froide. Deux sujets apparaissent : la fleur avec son halo rouge en haut du tableau puis dans la partie basse, une tâche rouge, petite, cachant le mot « VĂ©nus Â» presque illisible. Ce mot n’est ni droit, ni rĂ©gulier. Il semble s’estomper et disparaĂ®tre petit Ă  petit. Par cette absence, la petite tâche rouge gagne en force, elle occupe l’espace malgrĂ© la forte prĂ©sence de vide autour d’elle. Un numĂ©ro minus-cule est imprimĂ© dans le coin supĂ©rieur gauche dans lequel la petite tâche rouge est prĂ©sente. On trouve ici un jeu de rapport : gros/ 43

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petit, loin/près, visible/invisible, cachĂ©/rĂ©vĂ©lĂ©e, etc... pour l’œil du spectateur, l’invitant Ă  s’éloigner, se rapprocher. Le mot « Venus Â» renvoie Ă  la dĂ©esse romaine (Aphrodite chez les Grecs) associĂ©e Ă  la beautĂ©, Ă  l’aspect charnel, Ă  l’érotisme. La mise en relation de la tâche rouge au nom de VĂ©nus renvoie Ă  l’amour, la passion amou-reuse ainsi qu’à la menstruation : la sexualitĂ©, la fertilitĂ©, l’enfan-tement. La tâche rouge montre aussi l’aspect « violent Â» du sang : le meurtre, le crime (passionnel ou non), etc... Cette association nous projette diverses images : sexualitĂ©, enfantement ou encore violence. Ces aspects contrastent avec le geste Ă  l’apparence enfan-tin recouvrant la fleur, bien que pourvu d’une certaine violence lui-aussi. La fleur peut aussi s’associer au nom de « VĂ©nus Â». Elle Ă©voque une douceur mais avant tout l’aspect sexuĂ© de VĂ©nus/ Aph-rodite ainsi qu’un pouvoir attractif et un mystère. Son aspect char-nel. Brassens, dans sa chanson « Le blason Â» dĂ©crit le sexe fĂ©minin par ces mots « que la fleur la plus douce la plus Ă©rotique et la plus enivrante […] Â», « charmes de VĂ©nus Â». On y retrouve l’allusion au sexe fĂ©minin qui plus est, celui de VĂ©nus donc un aspect divin. La tracĂ© rouge cache, torture, bafoue, tâche la fleur qu’il recouvre ou bien la colorie, la protège, lui octroie une prestance, un espace Ă©largit. L’ opposition se retrouve dans ce tableau avec divers Ă©lĂ©ments. Le geste : expansif et expressif avec le rouge sur la fleur, il montre la rapiditĂ© du tracĂ©, il possède une vitalitĂ©, pousse la matière Ă  ses limites. Il rappelle le geste instinctif de l’enfant faisant ses colo-riages. Ă€ sa diffĂ©rence, il ne colorie pas la fleur pour lui donner de 44

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la couleur mais une vivacitĂ©. Le tracĂ© en lui-mĂŞme devient sujet. Une impression d’expansion entoure la fleur. On retrouve la forme circulaire de la fleur mais sans se contenter de la remplir, donnant un espace, une dimension imposante. A cela s’oppose la petite tâche rouge. Le geste semble contenu, comprimĂ©, la matière mise avec difficultĂ©. La main se force et se restreint. De plus, l’aspect presque illisible du mot « VĂ©nus Â» accentue la pesanteur de la tâche si petite mais si lourde qui cache ce mot. Elle semble comprimĂ©e par l’espace autour d’elle. La prĂ©sence du blanc y est très forte contrairement Ă  l’espace de la fleur qui se repend avec son trait rouge expansif : il mange l’espace. Paradoxalement, bien que le trait soit Ă©tendue et dense, il reste une lĂ©gèretĂ©, une transparence : on peut voir la fleur Ă  travers le tracĂ©. Le blanc est omniprĂ©sent sur la toile. La tâche est centrĂ©e dans son rectangle blanc. L’espace autour d’elle est dense mais crĂ©e une respiration face Ă  l’énorme fleur et son tracĂ©. La fleur est coupĂ©e Ă  sa base : on ne voit pas la tige. L’espace de la tâche empiète sur la fleur, coupant la circulation autour de cette dernière. Le dĂ©pouillement des couleurs permet aussi de considĂ©rer la tâche comme un sujet propre et non comme un Ă©lĂ©ment annexe servant une composition. Deux couleurs s’affrontent : le rouge et le blanc. Le blanc permet de mettre en valeur le rouge sang ainsi que la tâche. De la fleur, il n’en reste que la tĂŞte. DĂ©capitation ? Le dessin de la fleur est rĂ©aliste. Il renvoie aux planches botaniques rappelant les pĂ©riodes d’engouements scientifiques et d’explorations des terres inconnues. Entre les deux se trouvent encore une opposition : la tâche possède des contours nets quant Ă  ceux du tracĂ©, ils sont diffus. 45

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La dualitĂ© de ce tableau Ă©clate sur plusieurs plans : dualitĂ© de la composition, dualitĂ© entre Pan et VĂ©nus, dualitĂ© des couleurs, des matières, de l’espace, dualitĂ© de l’amour et de la violence. Ici, Cy Twombly nous raconte une histoire Ă©voquĂ©e par les couleurs, des formes et le moins de mot possible : seulement « VĂ©nus Â» et « Pan Â». Il joue sur les opposĂ©s, les non-dits pour rĂ©veiller des mythologies enfouies dans notre inconscient collectif.

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Les photographies de Tim Walker nous emmènent dans une dimension poĂ©tique, en dĂ©calage avec la rĂ©alitĂ©. Ses models se rĂ©vèlent ĂŞtre des personnages Ă©chappĂ©s de leur conte. MaĂ®tre d’œuvre dans le théâtralisme, il orchestre tous ses Ă©lĂ©ments pour nous amener dans son monde : un univers plein de poĂ©sie, d’ail-leurs et de voyages imaginaires dans les mĂ©andres du quotidien. Est-ce le rĂŞve ou bien la rĂ©alitĂ© ? Comme une escapade de l’autre cĂ´tĂ© du miroir, plongeon enivrant dans le monde subtile d’un photographe de mode qui se sert de vĂŞtements comme d’un coffre Ă  dĂ©guisement, une clĂ© narrative pour transcender le spectateur au-delĂ  du rĂ©el et du quotidien. Cette photographie prise en 2011 dans le dĂ©sert de Kolmanshop (Namibie) intitulĂ©e «Agyness Deyn, Simon & Kiki the cheetah in Sandstorm Â» (traduction: Agyness Deyn, Simon et Kiki le guĂ©pard dans la tempĂŞte de sable) nous montre trois protagonistes. En effet, nous pouvons voir du premier au second plan un guĂ©-pard, une jeune femme ainsi qu’un pygmĂ©e. Ces trois personnages semblent perdus dans le dĂ©sert. L’homme et l’animal se tiennent de

Tim W

alker

2011

Agyness Deyn, SimonKiki the Cheetah in sand storm

and

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dos, seule la femme est face au spectateur bien que celle-ci se cache la tĂŞte dans les mains. Nous ne voyons donc aucun visage dans cette photographie : inhabituel du fait que l’accent est mis sur les person-nages, ceux-ci Ă©tant centrĂ©s dans la composition.

Au premier abord, les trois protagonistes ne semblent avoir aucun lien entre eux. Homme proche de la nature, femme civilisĂ©e, animal sauvage. Ils symbolisent des mondes qui aujourd’hui, se veulent sĂ©parĂ©s, menaçant les uns envers les autres. Pourtant, nous pouvons Ă©tablir un jeu d’analogie entre les trois personnages : l’homme et la femme sont liĂ©s car humain tous les deux, la femme et l’animal se ressemblent par le motif de leurs robes, puis l’homme et l’animal adoptent la mĂŞme attitude et regardent dans la mĂŞme direction. MalgrĂ© l’absence de regard entre les personnages, ce petit jeu de dĂ©tail permet de crĂ©er une unitĂ© entre les trois protagonistes.

Bien que ce jeu d’analogie soit prĂ©sent, les mĂŞmes choses qui les unissent sĂ©parent les personnages. En effet, la robe Ă  poids de la jeune femme rappelant celle l’animal nous fait penser aux habits en peau d’animaux. L’analogie perd alors le sens du jeu et renvoie aux abus de notre sociĂ©tĂ© de consommation ainsi qu’aux actes de cruautĂ© commis sur les animaux. Tim Walker lui mĂŞme un pho-tographe de mode, dĂ©nonce-t-il cette cruautĂ© ? . La robe tachetĂ©e peut rappeler les habits au motif lĂ©opard, ceux-ci renvoyant souvent une image sexualisĂ©e. Ici, la femme a encore l’apparence d’une jeune fille que ce soit par la forme de ses vĂŞtements, son attitude (pleure-t-elle ? Boude-t-elle ?). Ses habits sont principalement 48

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blanc, couleur de la puretĂ© et de la virginitĂ©. Ainsi l’aspect sexuel la dĂ©passe complètement, elle ne maĂ®trise pas encore cette aspect lĂ  de son corps. Veut-elle paraĂ®tre plus mature, plus femme ? Mais son attitude la trahit. Dès trois personnages, la jeune femme est la seule se tournant vers son ombre. RĂ©fĂ©rence au passĂ©, elle ne peut s’en dĂ©tacher pour aller de l’avant. Contrairement Ă  l’homme et au guĂ©pard libres et fières, sa tĂŞte est baissĂ©e, son attitude renfrognĂ©e. De plus, c’est la seule venant clairement d’une « sociĂ©tĂ© civilisĂ©e Â», c’est donc la seule en dĂ©calage, elle n’arrive pas Ă  se fondre dans la nature comme les deux autres personnages . La valise, symbole de voyage peut ĂŞtre perçue ici comme un fardeau. Encore une fois, elle ne peut avancer sans lâcher son passĂ©. PlacĂ©e entre l’homme et l’animal, elle sĂ©pare les deux. Ici, le chas-seur n’attaque pas la bĂŞte et inversement, ils sont en paix. Le rĂ´le du vĂŞtement sert ici Ă  marquer les clichĂ©s pour mieux s’en dĂ©tacher. L’aspect atemporel de leurs vĂŞtements renvoient au dĂ©guisement, au théâtralisme. Le seul Ă©lĂ©ment permettant de situer l’action est le titre. Il dĂ©voile le nom des acteurs, la date ainsi que le lieu oĂą la photo a Ă©tĂ© prise. Il est en total contradiction avec la photographie oĂą la temporalitĂ© est non identifiable.

Excluant le bleu du ciel, l’entièreté de l’image est composée d’un camaïeu de beige, allant du blanc au noir. Jeu entre la couleurs de peau des personnages, de la robe de l’animal. Entre la couleurs du sable et celle des ombres. Les couleurs sont douces et ne choquent 49

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pas l’œil. Elles unissent les personnages dans le paysage. De petits piquets noirs se dĂ©tachent au second plan. On ne distingue pas clairement les profondeurs, la taille des personnages devient alors Ă©nigmatiques. Qui est le plus grand ? Taille de gĂ©ant ou ou d’ humain ? Les seules ombres prĂ©sentent sont celles des person-nages, seul Ă©lĂ©ment pouvant indiquer la profondeur dans l’image. Le cadrage est serrĂ© autour des personnages, l’immensitĂ© du dĂ©sert n’est pas montrĂ©e. De cette manière, les personnages emplissent tout le dĂ©sert (du moins la partie que nous voyons). L’échelle de ceux-ci s’en retrouve encore plus troublĂ©e.

Provenant d’une sĂ©rie de photographies appelĂ©e « White Mischief Â» («  Sottise blanche Â»), Tim Walker dĂ©nonce clairement les inĂ©galitĂ©s raciales dans cette sĂ©rie de clichĂ©s. Jeux d’analogie et de contraste, « Agyness Deyn, Simon and Kiki the Sheeta in a sandstorm Â» possède une poĂ©sie propre Ă  son pho-tographe. Mais derrière cette apparence chimĂ©rique, Tim Walker dĂ©nonce avec subtilitĂ© une sociĂ©tĂ© d’abus, d’excès et de racisme, ici montrĂ© dans un dĂ©pouillement rare.

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Poète de gĂ©nie, Jacques PrĂ©vert a su diversifier son art avec celui des collages. Il rĂ©alisa ainsi un bon nombre d’œuvres parallèle-ment Ă  ses poèmes. Dans ce collage, PrĂ©vert nous montre son rejet de l’Église, credo que l’on retrouve rĂ©gulièrement chez le poète. Nous voyons trois personnages : deux ĂŞtres vĂŞtus de blanc se tenant dans une position de prière. Sur leur poitrine, la croix de l’église catholique. Les deux personnages portent un masque, on ne peut voir leur visage, ainsi ils falsifient leur identitĂ©. Le troisième personnage se trouve au premier plan, au pied des hommes d’église. Celui-ci frappe par sa petite taille face aux imposants dĂ©mons. Il est assis et se tient la tĂŞte avec ses mains : il semble souffrir d’un mal de tĂŞte important. L’importance des personnages en blanc (de taille plus grande donc imposante) pèse sur le personnage recroquevillĂ©. Ils semblent possĂ©der une emprise sur le petit personnage. Les figures masquĂ©es rigolent Ă  gorge dĂ©ployĂ©e et oppressent le troisième personnage. De plus, le masque cache l’identitĂ© et renvoie au dĂ©guisement, au men-

Jacques Prévert 1948

D’après Philippe de Champaigne

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songe . PrĂ©vert sous-entend la faussetĂ© des gens de l’Église. Seule la couleurs rouge ressort dans cette scène, elle met en avant le lien entre les masques dĂ©moniaques, l’église et l’empire qu’elle exerce sur ses fidèles. On retrouve ici le schĂ©ma de la trinitĂ© mais nous ne savons dire Qui est le père, le fils et le Saint-Esprit ? Les masques dĂ©moniaques sont en contradiction avec les habits d’ecclĂ©siastes censĂ©s reprĂ©senter quelque chose de rassurant, tournĂ© vers Dieu et le paradis. Ici, ce sont les hommes d’Église qui sont les dĂ©mons. PrĂ©vert dĂ©nonce ici l’emprise mentale que possède l’Église sur leurs fidèles, leurs mensonges et leur faussetĂ©.

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L’explorateur intelligent, partira léger de tout. Peu d’objets, peu de préjugés. Il prendra uniquement ce qu’il aime et quitte à voyager nu. Nu de ses objets, nu de sa société... Car voyager c’est faire des choix, et savoir rapporter uniquement ce dont on a besoin, ni plus, ni moins. Ainsi il pourra voyager libre, parcourir les pays et aller à la rencontre des hommes dans ses meilleurs dispositions. En suivant ces indications, vous pourrez découvrir des pays encore inconnus de tous...

Bon voyage !

Univers

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ou bien,

« Un tourne disque Votre vinyle favoriUne paire de jumellesUne paire de chaussures Â»

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« Une boussoleUne carteUne tasse de thĂ©Une boite reconvertie en cachette Ă  trĂ©sorUne pipe Â»

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Oui, j’étais le nouveau prodige de ce siècle !

Il n’a fallu qu’un minable petit vaurien pour gâcher ma vie. Quelques secondes d’inattention et

C’est à cela que je ressemble maintenant,

à de la colère...

Je ne suis plus

RIEN

De la colère.

!

vlaN !

Je suis devenu l’acte de ma mort.

J’étais amené à vivre un destin merveilleux.

Pourtant... moi qui étais si beau! Si doué!

Personne ne chantait mieux que moi,personne !

Plus rien.62

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Mais, laissez-moi vous conter mon histoire une dernière fois. Vous pensez que l’on peut lire ma vie Ă  travers cette cage ? C’est en partie vrai. Seulement, si vous ouvrez encore un peu les yeux, vous pourrez lire une autre partie de ma vie, sur mon vieux corps ; oĂą l’imaginer, comme bon vous semble si vous ĂŞtes mauvais dĂ©tective. J’ai grandi dans l’Est de la Russie. Un visage typique de lĂ -bas. Il faut dire que l’on se ressemble tous un peu dans cette rĂ©gion. J’étais un gaillard grand et massif. Les femmes vantaient mon physique dans toute la rĂ©gion ! Bien sĂ»r, un jour ça m’a causĂ© des problèmes. Une troupe d’hommes est arrivĂ©e, ils m’ont attaquĂ©s pour je ne sais quelle raison. MalgrĂ© ma carrure impressionnante, je n’ai pas pu leur faire face. J’ai pliĂ© dans un grand fracas et me suis Ă©talĂ© sur le sol froid et boueux. Il y a eu un trou noir puis je me suis rĂ©veillĂ© dans un endroit que je ne connaissais pas. C’est ici que mon histoire commence. Un vieil homme s’affairait Ă  mes cĂ´tĂ©s. Visiblement, j’allais mieux. Le vieil homme me glissa que ce n’était pas gagnĂ© d’avance, qu’il avait bien cru au pire. Il avait vu les hommes m’attaquer. « Ils ne t’ont vraiment pas Ă©pargnĂ©, garçon. Â» Il s’était alors attelĂ© jour et nuit Ă  s’occuper de moi. Maintenant, je le sais : je lui dois la vie. Je mis deux annĂ©es Ă  me remettre complĂ©tement. Chaque jour avait son lot de souffrance mais au cĂ´tĂ© du vieil homme, j’envisageais un autre avenir. Nous apprenions Ă  nous connaitre mutuellement. Je 63

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lui parlais de tout, de ce que j’avais vu, vĂ©cu. J’avais cette impression permanente que le vieil homme possĂ©dait une omniscience, ce qui le rendait mystĂ©rieux. Il me confia sa passion pour la musique, et en bon passionnĂ©, s’évertua Ă  me la transmettre le mieux possible. Il s’avĂ©ra par la suite que je fus douĂ©, mĂŞme très douĂ©. Qui l’eut cru ? Moi : cet ĂŞtre rustre et sauvage, je devenais jour après jour un trĂ©sor inestimable aux yeux de mon vieil homme. S’en suit un bouleversement auquel je ne me serai jamais attendu. Une tempĂŞte ; non, quelque chose d’encore bien plus fort que je n’avais jamais connu. Un jeune homme arriva chez mon maĂ®tre une après-midi. Je n’y prĂŞtais d’abord que peu d’attention. Le vieil homme l’accueillit Ă  bras ouvert avec une tendresse paternelle. Je restais dans mon coin. J’observais. Petit Ă  petit, je fus frappĂ© par sa dĂ©marche, son regard, son esprit. Après le repas, mon maĂ®tre me demanda de chanter pour lui. J’exĂ©cutais. Il fut conquis. A la suite de cette rencontre, je quittai mon maĂ®tre le ventre nouĂ© pour partir avec mon nouvel ami. Mstislav Ă©tait russe lui aussi, et musicien qui plus est. C’est grâce Ă  cela qu’il avait pu apprĂ©hender l’ampleur de mon talent. La rĂ©putation de ma voix fit bientĂ´t le tour du monde, je devins une vedette dans le milieu de la musique. Je parcourais les salles de concerts au cĂ´tĂ© de Mstislav. Ce fut la plus belle pĂ©riode de ma vie. Elle me sembla durer une Ă©ternitĂ©.

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Mstislav s’éteint par une matinée d’Octobre particulièrement radieuse pour la saison. Nouveau tournant de ma vie. Je ne pouvais plus chanter. Pour personne. Je restais des journées entières dans un coin, sans bouger, le regard creux. Je me laissais doucement mourir, sans envie pour rien. Je finis par quitter la maison que nous occupions avec Mstislav, voguant de maison en maison, chez des gens qui m’adulaient pour mon talent, et dont je ne connaissais même pas le nom. J’ai été aimé par des femmes sublimes et des hommes prodigieux, mais rien comparé à Mstislav. Non. Rien comparé aux mains de

Mstislav, comparĂ© aux gestes de Mstislav, au gĂ©nie de Mstislav !

Non ! Non ! Non ! Rien !! C’est ainsi que j’ai atterri dans ce qui fut mon avant dernière mai-son. Si le vieil homme m’avait vu, je crois qu’il en serait mort. Je logeais chez un homme du nom d’Arman. Il s’avait que je chan-tais, enfin, que j’avais chantĂ© mais il n’en avait rien Ă  faire. C’était un artiste, il faisait ces Ĺ“uvres de son cĂ´tĂ©, imperturbable, pendant que moi je restais assis dans un coin de pièce froide. 65

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Puis un jour, il est arrivé dans la chambre, m’a emmené dans son atelier. Sans prévenir, il s’est mis dans une colère noire, d’un coup sec, m’a explosé contre le sol. Les morceaux qui composaient mon corps de bois se

Tous ce que mon maître avait mis des années à assembler après le passage des bucherons avec un talent hors-norme venaient de s’envoler en éclats. Je fus mis dans une plaque, figeant les morceaux de mon corps dans l’expression de sa colère. C’est ainsi que vous me voyez. Je ne suis plus qu’un sentiment.

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La ColèreColèreColèreLa colèrela

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Arman

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Extraite de l’exposition « Le temps retrouvĂ© Â» rĂ©alisĂ©e en 2011 Ă  la galerie Lambert en Avignon, cette photo de Cy twombly a su saisir le temps Ă  travers le clichĂ© d’une fleur. La lumière transparaissant Ă  travers les pĂ©tales laisse deviner une lumière chaude d’après-midi. La fleur rĂ©vèle sa fragilitĂ© par la lumière qui la transperce. Presque sensuel, son pĂ©tale dĂ©voile sa prĂ©caritĂ©. Il rĂ©sume Ă  lui seul le temps Ă©coulĂ© : fragilitĂ© pĂ©rissable de la fleur infiltrĂ©e par la lumière, Ă©lĂ©ment mĂŞme symbolisant le passage du temps. Le clichĂ© renvoie aussi au souvenir : l’image est peu nette. Comme une rĂ©miniscence. L’œil est focalisĂ© sur la fleur, les Ă©lĂ©ments autour n’étant pas visible ou flou. Ainsi, le spectateur se concentre sur l’essentiel : la fleur et le temps qui la traverse. Rappelant les memen-to mori, cette photographie se rapproche des natures mortes de par sa composition ainsi que par son sujet : le temps qui passe (de lĂ , la mort n’étant jamais bien loin). La texture de l’image n’est pas

Le temps retrouvé

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sans rappeler les peintures impressionnistes. Ici, le moment capté n’est pas figé. L’image vibre, vie. Nous y voyons présent, passé et avenir baignés dans une douceur chaude, propre à l’art de Cy Twombly.

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Les rĂŞves possèdent une essence incroyable. Seulement, celle-ci s’évapore au rĂ©veil. Vous pourrez en happer quelques volutes dans ce moment oĂą vos yeux sont encore embrumĂ©s mais ensuite, vous sentirez doucement cette fumĂ©e s’échapper dans un coin de votre esprit dont seule la nuit pourra pousser la porte. Earthquake est une photographie de Tim Walker. Elle a, Ă  mon sens, la seule photographie ayant rĂ©ussi l’exploit d’atteindre cette essence onirique. Ma première rencontre avec cette image fut extrĂŞmement forte et dĂ©routante. J’ai cru pendant quelques instants que le photographe s’était immiscĂ© dans un de mes rĂŞves, en avait pris un clichĂ©, puis Ă©tait reparti comme un gaie luron avec ce morceau de moi sous son bras. Je suis restĂ©e interdite pendant quelques minutes, les yeux rivĂ©s sur l’image. « Mais comment il a fait ?! » Bien que ce scĂ©nario soit impossible, Tim Walker reprĂ©sente bien plus qu’un photo-graphe. Pour moi, c’est un magicien.

Earthquake

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La figure de l’instrument de musique, plus particulièrement celle du violoncelle et du violon est un Ă©lĂ©ment rĂ©curant dans mon univers. Leur prĂ©sence vient d’abord de ma pratique personnelle de ces instruments. Ayant commencĂ© assez tĂ´t le violoncelle, puis par la suite le violon pour finalement m’arrĂŞter et reprendre quelques annĂ©es plus tard le second, ces deux instruments on pour ainsi dire, toujours Ă©tĂ© Ă  mes cĂ´tĂ©s. Ils sont Ă  mes yeux des objets très particuliers car dĂ©gageant une chaleur que l’on ne retrouve que dans peu de choses. Plus que la musique, ils reprĂ©sentent pour moi un rapport amoureux : de la nĂ©cessitĂ© tactile entre le musicien et son instrument Ă  la symbiose que les deux forment pour arriver Ă  l’accord parfait. Dans ces deux instruments, on peut apercevoir l’âme de l’inerte, la voix du silencieux.

Les mains du violoncelliste sur son instrument.

Il ne semble pas jouer, il l’enlace.Avec la délicatesse propre à l’amoureux.C’est de cette osmose que naît une harmonie.

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Sous l’impact de l’être pèse le poids de la bête.

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D'une rencontre fortuite au coin d'une rue peut provenir le point de départ de bien des songes. C'est ce qu'il se passa cette nuit-là.

Les ombres commençaient à grandir, submergeant les murs de la cité quand une troupe d'étranges personnages émergea du parvis de l’Église. La curiosité, que l'on traite trop souvent de mauvaise fille, me poussa à rester face à ces étranges personnages. La foule fascinée par ces visages blêmes, forma bientôt un cercle autour d'eux. Une dizaine de personnages, silhouettes à queues de pie et haut de formes, le visage blanc, le regard cerné de noir se tenaient face à nous. Doucement, une musique sortit de leurs trom-blons de plastique, mêlée au brouhaha de la ville. Le souffle des spectres-musiciens s'engouffrant dans ces étranges

Rara Woulib

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tubes, une course folle commença entre les ruelles de celle que je croyais si bien connaître. Les ombres avaient bientôt envahies tous les recoins de la ville. La troupe dansait et nous entraînait petit à petit, de plus en plus profond dans la nuit, au rythme de ses pas. Notre foule grossissait à vue d’œil. Les passants interloqués, nous rejoignaient, et bientôt un joyeux attroupement fut formé, pleins de rires, de musique et de chants. La course folle se poursuivit dans la nuit, au gré des ruelles, s'arrê-tant parfois sur une place, permettant à la foule de reprendre son souffle puis reprenait de plus belle. Bientôt, elle se propagea dans toute la ville, créant une atmosphère chaleureuse sur son passage. Jamais les ténèbres ne furent aussi joyeuses. Ce soir-là, la fanfare nous offrit un nouveau souffle, dans une ville où parfois les murs deviennent redondants. La nuit nous sembla le plus beau des ter-rains de jeux, teintée d’un mystère et d'une liberté sans limite.

Le rythme ralentit doucement, et notre joyeux attroupement arriva sur une place.Des vibrations bleues, roses et or éclairaient des danseurs de tango. Comme si ces étranges musiciens nous avaient pris par la main à travers une folle cavalcade, pour nous relâcher dans un moment de beauté. Lentement dans la nuit chaude, les danseurs continuaient leurs chorégraphies, lovés l’un dans l’autre. Une foule nouvelle regardait cette danse de couples déjà évadés dans leur monde. 77

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Les musiciens aux visages blêmes déambulait autour ne nous. La voix puissante de la musique se mêlait aux rires des admirateurs. Des couples s'exécutaient maladroitement à la danse, des sourires d'amusement et de tendresse sur le visage.Soudain, je m’aperçus que tous les étranges personnages avaient disparus, comme d'un silencieux accord, dans les profondeurs de cette nuit intemporelle. Nous nous morcelâmes alors petit à petit pour aller retrouver amis et famille. Et ainsi se finit cette nuit folle.

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le violoncelliste s’exécute. Devant les yeux sévères de Beethoven,

Dans cet espace bien trop petit pour son talent.

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Belle, les jambes longues, Ă©tendue lĂ  Regard vers le haut, regard vers le bas

Éventail au poignet, pensées langoureuses Elle et moi.

L’autre en émoi. L’une vole et s’évente, la seconde, moelleusement allongée est absente.

L’une au jardin, l’autre au salon,

Passé présent en interaction.82

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« Le vrai mystère des choses rĂ©side dans le visible et non l’invisible. Â»

Oscar WildeÉcrivain Paris - 1900

Dublin - 1854

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«Je crois que le beau n’est pas une substance en soi, mais rien qu’un dessin d’ombres, qu’un jeu de clair-obscur produit par la juxtaposition de substances diverses. De même qu’une pierre phos-phorescente qui, placée dans l’obscurité émet un rayonne-ment, perd exposée au plein jour, tout sa fascination de joyau précieux, de même le beau perd son existence si l’on supprime les effets d’ombre.»

Jun’ichirô Tanizaki

TĂ´kyĂ´ - 1886 TĂ´kyĂ´ - 1965

Écrivain

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Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce, Ton glissement nocturne à travers l’Europe illuminée, Ô train de luxe ! et l’angoissante musique Qui bruit le long de tes couloirs de cuir doré, Tandis que derrière les portes laquées, aux loquets de cuivre lourd, Dorment les millionnaires. Je parcours en chantonnant tes couloirs Et je suis ta course vers Vienne et Budapesth, Mêlant ma voix à tes cent mille voix, Ô Harmonika-Zug !J’ai senti pour la première fois toute la douceur de vivre, Dans une cabine du Nord-Express, entre Wirballen et Pskow . On glissait à travers des prairies où des bergers, Au pied de groupes de grands arbres pareils à des collines, Etaient vêtus de peaux de moutons crues et sales… (huit heures du matin en automne, et la belle cantatrice Aux yeux violets chantait dans la cabine à côté.) Et vous, grandes places à travers lesquelles j’ai vu passer la Sibérie et les monts du Samnium , La Castille âpre et sans fleurs, et la mer de Marmara sous une pluie

Ode1913

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tiède !Prêtez-moi, ô Orient-Express, Sud-Brenner-Bahn , prêtez-moi Vos miraculeux bruits sourds et Vos vibrantes voix de chanterelle ; Prêtez-moi la respiration légère et facile Des locomotives hautes et minces, aux mouvements Si aisés, les locomotives des rapides, Précédant sans effort quatre wagons jaunes à lettres d’or Dans les solitudes montagnardes de la Serbie, Et, plus loin, à travers la Bulgarie pleine de roses…Ah ! il faut que ces bruits et que ce mouvement Entrent dans mes poèmes […]

Valéry Larbaud, Poésies de A.O Barnabooth

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Le rideau se ferme. J’espère que le spectacle vous a plu.

Personnellement, celui-ci m’a d’abord dĂ©routĂ©. « Le mĂ©moire Â» : quel titre effrayant ! Mais une fois plongĂ© dedans, quand on commence Ă  analyser notre univers, nos goĂ»ts, les fils rouges se dessinent. On s’aperçoit alors que les images qui nous attirent ne le font pas pour rien et que les Ĺ“uvres qui nous touchent font rĂ©sonner des mots familiers au fond de nous. Ce travail de mĂ©moire, c’est finalement se dĂ©couvrir un peu plus, allez explorer notre monde, faire l’effort de se demander pour-quoi j’aime cette chose, cette Ĺ“uvre etc... Cela m’a aidĂ© Ă  mieux connaĂ®tre mon univers ainsi qu’à mieux le cultiver mais aussi, Ă  me dĂ©couvrir plus amplement. Ce fut long, laborieux, fastidieux mais j’estime que le pas franchit est celui d’un gĂ©ant.

Comme point final de ce travail, je retiens que ce mémoire m’a per-mis de cibler mes points d’intérêt dans mon travail, et de la même manière, me permet de les approfondir. Il est ainsi la clef, le point de départ de recherches plastiques, de lectures, et d’une multitude d’histoires. 93

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Hayao MiyazakiNĂ© en 1941 Ă  TĂ´kyĂ´ (Japon)

RĂ©alisateur et dessina-teur.

David LynchNé en 1946 à Missoula (États-Unis)

Cinéaste et peintre.

Charles FrégerNé en 1975 à Bourges (France)

Photographe

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Horst P. HorstNé en 1906 à Weißen-fels (Allemagne) Mort en 1999 à Palm Beach (États-Unis)

Photographe

Michel OcelotNĂ© en 1943 Ă  Villefranche-sur-Mer (France)

RĂ©alisateur

Irina IonescoNĂ©e en 1935 Ă  Paris (France)

Photographe

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Isabelle de

Borchgrave NĂ©e en 1946 Ă  Bruxelles (Belgique)

Salvador Dali NĂ© en 1904 Ă  Figueras (Espagne) Mort en 1989 Ă  Figueras (Espagne)

Peintre, dessinateur, sculpteur, photographe, Ă©crivain.

Wong Kar-WaiNĂ© en 1958 Ă  Shanghai (Chine)

Réalisateur, scénariste, producteur.

Peintre, sculptrice.

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Kees Van DongenNé en 1877 à Delfsha-ven (Pays-Bas). Mort en 1968 à Monaco (Princi-pauté de Mocano).

Peintre.

Michael AriasNé en 1968 à Los An-geles (États-Unis).

RĂ©alisateur.

Mark RothkoNé en 1903 à Daugavpils (Lettonie) Mort en 1970 à New York (États-Unis).

Peintre.

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Page 104: La Sarabande du Pan

IndexTim Walker « Big Fish Â» (2003)Joann Sfar « L’ancien temps Â» (2009)Cocteau «La Belle et la BĂŞte» (1946)Pierre Gonnord « Terre de personne Â» (2009)Benh Zeitlin «Les bĂŞtes du Sud sauvages»  (2012)Koudelka « Roumanie Â» (1968)PrĂ©vert «Collage» (1948)PrĂ©vert « Les enfants qui s’aiment Â» (1951)Doisneau «Les amoureux de l’hĂ´tel de ville» (1950)Baudelaire «Les bienfaits de la Lune» (1869)Helmar Lerski « Sans nom Â» (1930)Lola Alvarez Alto « Frida Kahlo Â» (1932)Cocteau « OrphĂ©e Â» (1946)Cy Twombly «Pan II» (1980)Tim Walker « Agyness Deyn, Simon and Kiki the Cheetah in a sandstorm Â» (2011)PrĂ©vert « Collage Â» (1948)Miyazaki « le voyage de Chihiro Â» (2001)Wes Anderson «Moonrise Kingdom» (2012)Arman « Colère Â»  (1961)Cy Twombly « SĂ©rie Poenies» (1980)Cy Twombly « Le temps retrouvé» (1980)

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p.16p.19p.20p.23p.24-25p.26-27p.28-30-31p.32p.33p.34-35p.36p.37p.39p.42p.51p.54p.58-59p.60-31p.67p.68p.69

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Tim Walker «Earthquake damage» (2005)Helmar Lerski « Violoncelliste Â» (1930)Zingaro «Darshan Â» (2010)Rara Woulib - photos personnelles (2012)Rara Woulib - photos personnelles (2012)Radu Mihaileanu «Le concert» (2009)Quentin Tarantino « Deathproof Â» (2007)Oscar Wilde « citation Â»Juni’chiro Tanizaki «  citation Â»George de la Tour «Le nouveau-né» (1640)ValĂ©ry Larbaud «Ode» (1930)Zingaro « Calacas Â» (2012)

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p.70-71p.73p.74p.76p.79p.80p.82-83p.84p.85p.85p.88-89p.94-95

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Achevé d’imprimer à l’ESAL - Mai 2013Laurane Delavier

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