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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

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La « vérité » dans l’évangile de Jean

Dans ce fichier, je donne l’essentiel de l’exposé consacré à La ‘vérité’ dans l’évangile de Jean

lors de la session au Mont Sainte Odile (2 mars 2009). Le texte n’est pas retravaillé et garde le

style oral de l’exposé ; il doit simplement permettre aux participants de se reporter à ce qui a

été dit parfois très rapidement et à ceux qui le souhaiteraient de s’informer de la question. Un

article plus technique et développant d’autres aspects sera publié en 2011 dans la Revue de

Droit canonique de Strasbourg, suite à une intervention présentée lors d’un colloque organisée

par l’Institut de Droit canonique de Strasbourg sur le thème de La vérité.

Les pages de ce fichier comprennent :

- le plan de l’exposé

- le texte de l’exposé, légèrement modifié par quelques notes bibliographiques données en

référence et par des réponses à certaines questions. J’ai également laissé quelques expressions

en grec.

- Je signale pour ceux que cela intéresse l’ouvrage du Cardinal Georges Cottier (o.p.),

Consacrés dans la vérité. Méditations sur l’évangile de saint Jean. Retraite prêchée au

Vatican 4-9 mars 1990 (Parole et Silence). Paris 2008. Cité en note 17 ci-dessous.

Michèle Morgen 1

Strasbourg, 12 mars 2009

PLAN DE L’EXPOSÉ

1. La « vérité » dans des textes johanniques et dans la littérature environnante

a) Importance du thème dans les écrits johanniques (voir les textes pages 29-31)

b) Arrière fond vétérotestamentaire et intertestamentaire (en référence à plusieurs

textes présentés par R. Kuntzmann lors de la matinée)

- grâce et vérité emet we hessed (cf. Jn 1,14 ; Ex 34)

- le témoignage de vérité : la règle des deux témoins (Dt)

- « marcher dans la vérité » ; « faire la vérité »

- « l’esprit de vérité »

2. Jn 8, 12-59 Étude de texte « La vérité vous fera [fils] libres »

a) Brève introduction au chapitre 8

b) Lecture de Jn 8,12-30 (texte pages 32-33 )

c) Présentation détaillée de la logique du discours en Jn 8,31-59

en 6 étapes : texte page 34 (texte TOB) et pages 35-37 (texte grec-français)

d) Organisation thématique autour de la vérité.

Le témoignage du Père véridique

Vérité et tradition (les ‘véritables’ enfants d’Abraham)

Vérité et liberté

Vérité et « foi au Christ »

3. La vérité dans la narration johannique Reprise des données concernant la vérité dans

l’ensemble du quatrième évangile

1,14.17 ; 3,21 ; 4,23-24 ; 5,33 ; 8,32.40.44-46 ; 14,6.17 ; 15,26 ; 16,7.13 ; 17,17.19 ; 18,37-38

1 Professeur Faculté de Théologie Catholique Université de Strasbourg [email protected]

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4. Le témoignage de la tradition johannique

a) L’originalité johannique : fidélité à la tradition reçue et transmise (Jn et 1 Jn)

b) L’ « Esprit de vérité » ; Écouter et demeurer dans la Parole

c) Le croyant et la vérité en Jésus Christ (Jn 1,14.17 : « la grâce et la vérité »)

Conclusion : La foi au Christ « Amen »

Exposé

1. La « vérité » dans des textes johanniques et dans la littérature environnante

Une simple recherche statistique souligne déjà l’importance du thème de la vérité et de

ses différents motifs dans les écrits johanniques (le quatrième évangile et les trois épîtres).

Parmi les quatre évangiles, Jean est en effet celui qui emploie le plus souvent le mot « vérité »

(en grec alètheia) et des termes de la même racine (‘vérité’, ‘véritable’, ‘véridique’,

‘vraiment’, l’expression du double amèn que nous traduisons par ‘en vérité en vérité’, etc.).

Par ailleurs, la référence à ce thème revêt diverses formes, dans différents contextes et selon

des genres littéraires variés. À propos de contexte précisément, l’ensemble de l’évangile de

Jean se comprend comme un grand procès au cours duquel différents témoins comparaissent

pour faire advenir la lumière, la « vérité » qui éclatera au moment de la Passion-Résurrection

où il se révèlera « Fils de Dieu » ; ce faisant Jésus révèle le Père et son projet de vie pour les

hommes. Jésus annonce progressivement ce chemin de vie durant son ministère ; il en dévoile

le sens plénier à ses disciples d’après Pâques dans les discours d’adieux en Jn 13 – 172.

La signification des termes « vérité », « véridique » etc. est souvent donnée par des

termes apparentés ou par des contraires. La mise en place stratégique de certains

rapprochements ou au contraire de certaines oppositions comme la difficulté de leur

juxtaposition tentent en effet de « cerner » les contours de la notion de vérité, et contribuent

en même temps à montrer les limites qui s’imposent dans toute tentative de ‘définition’ de

« la vérité » ; à titre indicatif, j’ai rappelé dans l’argumentaire de la session quelques

thématiques de rapprochements et/ou d’opposition : vérité et loi, vérité d’un témoignage,

vérité et jugement, vérité et foi au Christ, vérité et fidélité, vérité et liberté, vérité et unicité,

vérité et lumière, vérité et divinité, Dieu est vrai, esprit (de) vérité, etc. ; dans l’opposition

nette on trouvera vérité/mensonge, vérité/diable, vérité/ne pas croire (en Jésus), etc.

L’arrière-fond de ces différentes notions est multiple comme l’ont montré les exposés

précédents relevant des traditions juives diverses (Ancien Testament, Intertestament,

Qumran) ; on aurait pu y ajouter les contextes hellénistique, gnostique. Nous n’en ferons pas

le tour pour chaque emploi dans Jean, mais il sera important de s’y référer pour certains

passages-clés. Comme celles de l’exposé sur l’Ancien Testament (R. Kuntzmann), les

recherches que nous ferons dans la première partie de l’exposé auront parfois l’air d’être de

simples études de vocabulaire ; mais la présentation des textes dans leur contexte montre que

le travail ne se limite pas à des investigations d’ordre purement littéraire. Derrière

l’importance accordée au mot de « vérité » et à son thème s’expriment des groupes religieux

en quête de « fidélité » à leurs traditions croyantes, des questions humaines qui nous

rejoignent dans notre propre questionnement.

Enfin, la question de la « vérité » dans Jean est une question théologique fondamentale

qui traverse l’évangile depuis le prologue jusqu’à la passion-résurrection. Cette question est

aussi décisive dans la première épître de Jean. Nous n’aurons toutefois guère le temps

2 Dans ces discours c’est Jésus glorifié qui s’adresse à la communauté post-pascale, à l’Eglise. On trouve un

commentaire récent de ces chapitres dans l’ouvrage de Jean Zumstein, L’évangile de Jean (13–21).

Commentaire du Nouveau Testament IVb Deuxième série. Genève Labor et Fides 2007.

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d’aborder ce deuxième écrit3, mais nous renverrons à la lecture de passages parallèles à

l’évangile, pour éclairer certains textes difficiles, lorsque cela sera nécessaire. Sans dévoiler

dès maintenant les résultats de l’enquête, nous pouvons indiquer deux orientations qui seront

particulièrement soulignées et qui d’ailleurs se croisent : la christologie (« le Christ est la

vérité ») est articulée sur l’eschatologie (eschatologie au sens où l’entend Saint Jean (la vie

éternelle déjà-là et encore en perspective). Autrement dit, les croyants qui ont donné leur

adhésion au Christ vérité sont ainsi appelés à être « sanctifiés dans la vérité » 4(Jn 17), à

« marcher dans la vérité ». Tout est donné mais tout n’est pas joué d’avance et surtout pas

sans nous. La vérité implique en effet la liberté.

a) Importance du thème dans les écrits johanniques (Voir liste des textes pages 29-31)

Dans ce premier temps de l’exposé, je vais parcourir à grands pas les différents

passages où se trouvent les occurrences du mot vérité dans le quatrième évangile. Nous

prendrons les textes successivement, tels qu’ils sont amenés dans le texte, mais nous

remarquerons déjà qu’une certaine organisation préside à ces passages dans l’ensemble de la

narration de l’évangile. Je reprendrai toutefois cette organisation ‘narrative’ et sa visée

théologique dans le dernier point de l’exposé.

Les textes se répartissent en 6 grands contextes :

1) Dans le prologue,

2) Au chapitre 3 à la fin de la rencontre avec Nicodème,

3) Au chapitre 4 lors de l’entretien avec la femme de Samarie à propos du culte

véritable,

4) Dans les vives discussions avec les Juifs Pharisiens au chapitre 8,

5) Dans les discours d’adieux,

6) Dans le récit de la Passion (avec Pilate).

1. Dans le prologue (1,1-18) qui annonce Jésus Christ en finale et en ouverture au récit de

l’évangile : Jn 1,14.17 (voir les textes) La confession de foi (« nous avons vu sa gloire ») au verset 14 révèle la gloire du Fils

unique et reconnaît sa divinité ; associé au mot « grâce » et à la mention de sa plénitude (v. 14

et v. 16), le mot « vérité » souligne l’importance de la dimension christologique dans la

révélation divine. Le verset 17 donne une explication (ce verset commence par « car ») qui

doit être située dans l’ensemble du contexte. L’hymne du prologue célèbre l’abondance de

grâce advenue en Jésus Christ (« grâce par dessus grâce ; grâce que « tous » ont reçu : verset

16), puis il reprend cette donnée en mettant en relief la loi d’une part et la grâce et la vérité

d’autre part.

En fonction de ce qu’a dit R. Kuntzmann dans la conférence précédente, nous pouvons

repérer ici la double et pourtant unique réalité divine ( Hemet we Hessed), expression que

nous analyserons au paragraphe suivant. Il s’agit de dire une seule réalité en deux mots (un

hendyadis), au point que nous pouvons comprendre leur indissociabilité « la grâce est vérité »,

ou plus exactement « pas de vérité sans grâce ». En Jésus Christ la plénitude (versets 14 et 16)

de grâce est la révélation divine désormais offerte à tous. L’expression « grâce et vérité »

désigne cette plénitude de la « révélation ». Ailleurs dans Jean nous rencontrerons cette

3 Voir mon commentaire des épîtres johanniques : M. Morgen, Les épîtres de Jean (CbiNT). Paris Cerf, 2005

aux références sur la vérité dans les épîtres : les occurrences sont données ci-dessous. 4 C’est le titre d’un ouvrage qui vient de paraître : Cardinal Geroges Cottier (o.p.), Consacrés dans la vérité.

Méditations sur l’évangile de saint Jean. Retraite prêchée au Vatican 4-9 mars 1990 (Parole et Silence), Paris

2008.

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identification de la vérité à la révélation (révélation est d’ailleurs le sens premier de a-

lètheia)5.

2. Au chapitre 3 Texte de Jn 3,21 (voir le texte pages 29-31)

Le contexte du jugement est un autre contexte dans lequel intervient le motif de la

vérité. On le trouve notamment à la fin du dialogue de Jésus avec Nicodème, au chapitre 3 :

La vérité est liée aux oeuvres accomplies et à leur manifestation en pleine lumière. Le

jugement manifesté par le Christ est la lumière venue dans le monde : à sa lumière se laissent

identifier les oeuvres bonnes et « critiquer » les oeuvres mauvaises. Le verbe « faire » dans

l’expression « faire la vérité » traduit bien la dynamique de cette notion, une marche vers la

lumière. Le croyant en Jésus Christ est engagé sur ce chemin de manière inéluctable, sans

compromission, précisément parce qu’il est en face de la lumière.

3. Au chapitre 4

Dans le dialogue avec la samaritaine, Jésus tente aussi de faire la vérité (« il m’a dit

tout ce que j’ai fait »). Mais dans un court passage (4,23-24), Jésus revient sur cette notion à

propos du lieu de culte où il fait basculer la question de l’importance du lieu à celle de

l’adoration de Dieu, du Père, en vérité. À ce propos, à la manière des prophètes, Jésus

enseigne quel est le culte véritable que veut le Père : voir Jn 4,23-24 (texte pages 29-31).

Quant à Jn 5,32 sur le témoignage de l’Autre c’est-à-dire du Père nous le verrons

suffisamment développé dans le point suivant avec le chapitre 8.

4. Dans un contexte de jugement et de recours au témoignage valide : c’est le texte que nous

étudierons plus en détail dans le point suivant de l’exposé. Les passages précis sont en

8,32.40.44-46.

5. Dans les discours d’adieux

- le terme de « vérité » s’inscrit dans une affirmation christologique plus nette avec Jn 14,6.

La vérité renvoie à une personne, une ouverture ; les termes de chemin et de vie redisent

l’importance de l’ouverture, de la marche, de la liberté. La vérité n’est donc pas une doctrine à

croire, dans ce contexte. Elle se situe dans l’ordre de la connaissance (voir le verset 7) que

l’on approfondit ; la vérité implique la rencontre avec une personne, Jésus Christ qui vient

manifester la réalité divine, ouvrir au mystère de Dieu.

- dans les dits sur le Paraclet Esprit de « vérité »

Dans ces discours aux disciples, Jésus les ouvre à la révélation. Le Christ a donné la

plénitude de la révélation ; sa mission est accomplie. Mais lorsqu’il part vers son Père, c’est

l’Esprit Paraclet, l’Esprit Saint, Esprit de vérité qui vient approfondir dans le croyant la vérité

reçue et en faire vivre. La parole de Jésus « il est bon pour vous que je m’en aille » est une

« révélation » : le départ de Jésus, comprenons sa mort terrestre, est « bon pour vous ». Elle

n’est pas un échec. Dans Jean elle est puissance de vie. Jésus est venu pour permettre aux

hommes d’entrer en vérité en communication avec Dieu.

Voir les textes pages 29-31.

- L’Esprit saint et la sanctification . L’esprit de vérité est aussi dénommé le

« paraclet », « l’Esprit saint », celui qui fait entrer de plus en plus le croyant en Dieu dans le

mystère divin, dans la « réalité »6 divine, c’est-à-dire dans la plénitude de la grâce et dans la

5 Explication donnée par R. Kuntzmann.

6 Osons le mot.

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vérité. Dans cette précision de l’Esprit Saint, on voit l’importance du motif de la « sainteté »

et de la « sanctification » au chapitre 17 de l’évangile.

6. La question de Pilate

Enfin la dernière mention de la vérité au chapitre 18 est attestée en plein coeur de la passion

en 18,37-38. Jésus réaffirme qu’il témoigne en vérité (c’est sa mission) ; il ajoute à nouveau

que se situer dans la vérité (« être de la vérité »), c’est « écouter sa voix » ; à cette parole,

Pilate s’interroge et reste sur son interrogation sur la vérité. En réponse il renvoie les Juifs à

leur coutume, à leur tradition qu’il pensait utile. Il veut libérer Jésus ; ils préfèrent Barrabas.

La question de Pilate reste alors en suspens pour le lecteur ; en fait elle revient au début de

l’évangile.

7. Dans les trois épîtres de Jean

1 Jn 1,6. 8; 2,4.21; 3,18-19 ; 4,6; 5,6; 2 Jn,1ss; 3 Jn 1.3-4.8.12

Voir les textes pages 29-31.

Ce premier point manifeste l’importance des textes johanniques. Il faudrait y ajouter la

tournure Amen Amen que l’on traduit par « en vérité en vérité ». En tous les cas, nous voyons

déjà que dans Jean ce mot engendre toute une thématique. Par ailleurs, la lecture des textes en

enfilade permet de constater que les écrits johanniques emploient le mot « vérité » dans des

expressions caractéristiques. Nous pouvons y relever 5 catégories d’expressions : la vérité

christologique, la vérité dans son aspect dynamique, la vérité dans le dire comme ‘révélation’,

la vérité et l’être [intériorité], la vérité et l’E(e)sprit.

1) La vérité en Jésus Christ (Christologie)

- Dans le couple de termes « Grâce et vérité » et dans la parole de Jésus : « Je suis le chemin,

la vérité et la vie » on notera l’aspect christologique et le caractère dynamique de la vérité

- Souvent la vérité est mise en lien avec la parole (du Christ) dans laquelle il faut demeurer

pour connaître la vérité ;

- Le Christ « dit » la vérité ; il affirme souvent ‘je dis la vérité’, au sens où il révèle Dieu, ce

qu’il a entendu auprès de lui.

- La vérité est appuyée par le témoignage ; on relèvera notamment l’expression « rendre

témoignage à la vérité ». Par le fait même, la vérité éclate lors d’un jugement ; dans ce

contexte la notion de témoignage est importante ; dans plusieurs passages de Jean, en Jn 3

mais aussi et surtout dans Jn 8 : la vérité conduit toujours au jugement, comme Lumière elle

ne peut laisser de place aux ténèbres.

2) Vérité : aspect dynamique

C’est un des traits caractéristiques de la littérature johannique

- La vérité est mise en relation avec la lumière dans les expressions comme « Marcher dans la

vérité » ou « marcher dans la lumière de la vérité » qui traduisent le comportement du

croyant.

- Les expressions « ‘Faire’ la vérité » ou être « coopérateurs de la vérité » soulignent bien

l’aspect dynamique de la vérité qui « se fait » ;

- L’expression « en acte et dans la vérité » est à mettre en lien avec la pratique de la vérité qui

se dit aussi « aimer dans la lumière de la vérité »

La vérité ouvre à la Révélation de Dieu. S’il fallait la définir, on pourrait le faire en

disant qu’elle est la manifestation de la « réalité divine » ; elle introduit à ce qu’ « est Dieu »,

ou plutôt à « qui est Dieu » dans la rencontre avec lui. Mais dans la Bible, on note

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l’association entre vérité/justice et amour. Nous parlons dès lors de la « fidélité » de Dieu. Il

nous faudra simplement montrer la pluralité de sens de ce terme de « fidélité ».

4) La vérité et l’être ; l’intériorité

Ce point est un peu plus délicat à déterminer avec précision dans les expressions, mais il est

très présent. Dans plusieurs expressions la vérité traduit une certaine intériorité, une

profondeur de l’être, la droiture de coeur

- « en vérité » (dans la vérité)

- la vérité n'est pas « en nous » avec l’opposition - mensonge/ la vérité.(voir esprit d’erreur)

- être de la vérité : l’expression être « de » signifie appartenir ;

- on peut y ajouter « la connaissance de la vérité » « connaître/savoir la vérité » , puisque

« connaître » signifie non seulement une connaissance intellectuelle, mais une connaissance

par le coeur, une connaissance intérieure.

5) Esprit

Nous pouvons ici relever deux types d’expressions chez Jean

- « En esprit et en vérité » : ces passages montrent bien que agir véritablement, en

l’occurrence « adorer Dieu véritablement », n’est pas simplement une vérité doctrinale, ni

simplement en toute sincérité. L’expression « en esprit et en vérité » traduit sans doute la

véritable religion du coeur.

- « l'Esprit de la vérité et l'esprit de l'erreur » où esprit peut s’écrire avec un e minuscule :

l’inclinaison du coeur qui fera son choix, de la vérité ou de l’erreur, pour marcher sur le

chemin de la vérité ou de l’erreur

- dans ce contexte il faut évidemment relever l'affirmation « l’Esprit est la vérité ».

b) Arrière fond vétérotestamentaire et intertestamentaire (en référence à plusieurs textes

présentés par R. Kuntzmann)

Les occurrences johanniques du terme « vérité » rejoignent en plus d’un passage la

signification de ce vocable dans la tradition juive de l’AT et de l’intertestament présentée par

R. Kuntzmann dans l’exposé de ce matin. Je note en particulier quatre aspects indéniables de

cette parenté littéraire et théologique.

Se référer au plan ci-dessus

Premier tiret : emet we hessed

L’Ancien Testament exprime la fidélité de Dieu dans son projet d’amour par un couple

de termes emet we hessed. Le premier terme emet que l’on trouve sous le mot ‘amen’ renvoie

à la solidité, la fermeté, la fidélité ; le second renvoie plutôt à l’amour, agapè en grec.

Toutefois l’un et l’autre sont liés, et comme cela a déjà été dit, ils se traduisent souvent par

« fidélité », ou par « miséricorde » ou encore par compassion (eleos), mais ces termes de

miséricorde et/ou compassion renvoient à quelque chose de beaucoup plus vaste qu’en

français.

Pour plus de précisions, se référer aux textes de Qumran mentionnés par R. Kuntzmann

(la vérité et Dieu) texte de l’hymne et au point 2), où il indiquait que les notions de vérité

et de fidélité, quand il s’agit de Dieu sont des « qualités constitutives de l’être divin et non

seulement qualitatives ».

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L’évangile de Jean ne reprend pas exactement le couple de termes précis emet we

hessed, qui, si on devait le traduire en grec serait « vérité (alètheia) et amour (agapè) » ou

« pistos (fidèle) et agapè »7, ou encore pour agapè « eleos= miséricorde », etc. Encore que

j’ai montré dans commentaire des épîtres comment se fait l’articulation dans 1 Jn de l’agapè

comme « foi » en lien avec la justice.

Si l’on ne trouve pas exactement ce couple de termes dans Jean, on en trouve un autre

en 1,14.16-18 . En effet dans ce texte d’ouverture à l’évangile le couple de termes « grâce et

vérité » charis et alètheia. est particulièrement mis en relief. Ces versets en finale du prologue

commentent la venue du Christ dans le monde, l’incarnation du Fils unique, manifestation de

la présence de Dieu « parmi nous ». On pourrait dire la manifestation de la réalité (de la

vérité) de Dieu. Le mot de « vérité » est alors associé au mot grâce « charis ». L’expression

charis kai alètheia (en Jn 1,14) traduit en fait le même couple de termes que celui que nous

venons d’évoquer par emet we hessed. Grâce et vérité désignent la manifestation de Jésus

Christ le Fils unique, comme miséricorde et justice, ou amour et vérité, ou amour et fidélité.

Observons la litanie du Nom de Dieu en Ex 34, 5-7

5 Le SEIGNEUR descendit dans la nuée, se tint là avec lui, et Moïse proclama le nom de

«SEIGNEUR». 6 Le SEIGNEUR passa devant lui et proclama: «Le SEIGNEUR, le

SEIGNEUR, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté,

7 qui reste fidèle à des milliers de générations, qui supporte la faute, la révolte et le

péché, mais sans rien laisser passer, qui poursuit la faute des pères chez les fils et les petits- fils sur trois et quatre générations.»

Rappelons-le ce binôme traduit la fidélité aimante (emet we hessed) qui caractérise l’être de

Dieu (les qualités constitutives de son être et de son agir). Jean reprend le double qualificatif

« plein de miséricorde (abondance de grâce : polueleos) et vrai (alèthinos) ». Le texte hébreu

multiplie des synonymes : compatissant, grâcieux, patient dans la colère grand en hessed et

en fidélité rav hessed we hemet. Le texte grec de la LXX traduit cette abondance de

miséricorde (kai. polue,leoj kai. avlhqino.j) La paraphrase araméenne du targum souligne la

grandeur (rav : grand) de l’amour de Dieu et sa vérité (rav hessed we hemet) et son pardon ;

dans ces différentes versions et interprétations, le binôme emet we hessed dans le texte

massorétique, dans le targum et dans la LXX est rendu par différents termes où la « vérité »

est associée à « amour », « bienveillance », « bonté ».

Somme toute, l’évangile de Jean en 1,14-16 propose à son tour une paraphrase du

Nom divin pour dire la vérité de la révélation en Jésus Christ. Il fait en quelque sorte un

targum (ce mot signifie « paraphrase ») pour annoncer la manifestation de la réalité divine, de

la vérité de Dieu en JC : « plein de grâce et de vérité » il apporte la plénitude de grâce (grâce

par dessus grâce (abondance de grâce comme dit le texte du targum ou la traduction grecque).

En effet dans le targum Neofiti et le targum du Pseudo-Jonathan : « Quand passa la gloire

de la shekinah de Yahwé Moïse pria et dit : Yahwé, Yahwé. Dieu clément et

miséricordieux, patient, éloigné de la colère et proche de la miséricorde qui fait en

abondance de grâce et vérité, qui garde grâce et bonté pour des milliers de générations, qui

absout et pardonne les péchés qui ne s’arrête pas aux rébellions et expie les fautes ; (Tg

Pseudo Jonathan : pardonnant à ceux qui reviennent à la Loi), mais ne justifiant point au

jour du grand jugement, ceux qui ne se convertissent point, ; il rappelle les péchés des

pères impies contre les petits fils rebelles jusqu’à la troisième et jusqu’à la quatrième

génération. »

Traduction R. Le Déaut, Targum du Pentateuque. II. Exode et Lévitique. Paris

Cerf (Sources chrétiennes), 1979.

7 Dans le commentaire des épîtres de Jean, j’ai souligné l’importance de la relation entre pistos et agapè.

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Nous pouvons retenir de ce premier passage que la vérité se traduit souvent par fidélité

et invite à contempler la miséricorde, la grâce de Dieu, dans l’AT. En Jn 1,14 nous est redite

la manifestation de Dieu. Grâce et vérité sont juxtaposées, termes distincts, parfois quasi-

synonymes, parfois reliés l’un à l’autre en complémentarité pour traduire une même réalité et

en proclamer la richesse.

____________

Deuxième tiret : Le témoignage de vérité les deux témoins (Dt)

L’importance du thème du témoignage est évidente et elle saute aux yeux à première

lecture du quatrième évangile : ce thème du témoignage est orchestré à l’aide de différents

motifs (les témoins qui prennent la parole pour confesser, le témoignage vrai, le procès faisant

éclater la vérité, etc.). Dans l’évangile et dans les épîtres est mentionné le lien entre vérité et

témoignage. On le trouve surtout dans la troisième épître, à propos des frères et de

Démétrius (verset 3 et verset 12).

Pour la mise en valeur de ce thème dans l’évangile, Jean s’appuie également sur

l’Ancien Testament. Il nous faut d’abord mentionner la grande importance accordée au procès

dans l’évangile, et, dans ce contexte thématique, au « témoignage » et à la nécessité des

témoins. Retenons surtout la manière dont le quatrième évangile insiste sur le texte du

Deutéronome qui montre la nécessité de la validité du témoignages par au moins deux

témoins. Voir l’exposé précédent de R. Kuntzmann.

Jésus sera interrogé sur la véracité de sa parole ; il connaît la loi et en appelle à son

Père comme témoin. Voir le texte dans le point suivant de l’exposé : en 8,17-18 où Jésus se

réfère directement à la loi du Deutéronome (voir aussi Nb 35,30) : Dt 17,6 : C’es sur le dire de deux témoins ou de trois témoins que sera mis à mort celui qui doit mourir. On ne sera pas mis à mort sur le dire d’un seul témoin » Dt 19,15 « Un seul témoin ne pourra se dresser contre un homme pour quelque faute ou quelque péché que ce soit ; de quelque péché qu’il ait péché c’est sur le dire de deux témoins ou sur le dire de trois témoins que le fait sera établi ».

La tradition des deux témoins est importante pour comprendre le chapitre 8 de Jean sur

les déclarations de vérité de Jésus et la discussion sur son identité, sur celle de Dieu, son Père.

Troisième tiret « faire la vérité » et « marcher dans la vérité »

Les lettres de Jean mais aussi le texte de l’évangile emploient souvent des verbes

dynamiques pour évoquer la vérité. Retenons deux types d’expressions : « marcher dans la

vérité » et « faire la vérité. Elles proviennent de la tradition juive et se rencontrent souvent

dans la littérature intertestamentaire, en particulier à Qumrân. « La vérité se fait ». Dire que

Dieu « fait la vérité », c’est dire qu’il agit conformément à ce qu’il a annoncé.

Relevons deux courts passages dans l’AT qui permettent de comprendre cette

expression particulière : Néhémie 9,33 et Tobie 4,6

* Premier texte : Dans la belle prière de Néhémie 9,33 : Toi, tu es juste au sujet de tout

ce qui nous est arrivé, car tu as fais avec vérité, mais nous, nous avons agi avec méchanceté.

* Deuxième texte : Dans le discours d’adieux de Tobie à son fils Tobias Tobie 4,6 : 5 «Tout au long de tes jours, mon enfant, fais mémoire du Seigneur, ne consens pas à pécher ni à

transgresser ses commandements. Accomplis des oeuvres de justice tous les jours de ta vie et ne suis pas les chemins de l'injustice,

6 car ceux qui font la vérité réussiront dans leurs entreprises

(traduction TOB).

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La vérité dans l’évangile de Jean

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Marcher dans la vérité correspond à « faire la justice » ou à « marcher dans la justice

et non sur les chemins de l’injustice » (Tobie 4,4-6). Le verbe marcher indique le

comportement. Le chemin de vérité est désigné comme un chemin de justice et inversement.

« Marcher dans la lumière » est opposé à « marcher dans les ténèbres (Tobie 4,10) Trois textes dans les écrits de Jean reprennent ces expressions :

** En Jn 3,21 on trouve l’assertion suivante : « Celui qui fait la vérité vient vers la lumière »

(Jn 3,21) 21 o` de. poiw/n th.n avlh,qeian e;rcetai pro.j to. fw/j. Dans la finale du chapitre 3, cela

équivaut à « marcher dans/vers la lumière » comme dans la référence ci-dessus à Tobie.

Comme l’a souligné R Kuntzmann, même si les mot « vérité » et « mensonge » sont absents,

la notion de la vérité » peut être présentée métaphoriquement. Cela se fait souvent par

l’opposition de la lumière aux ténèbres.

** en 1 Jn 2,6-7 on retrouve l’équivalence entre « faire la vérité » et « marcher dans la

lumière » (marcher = se comporter) : « et nous ne faisons pas la vérité. 7 Mais si nous

marchons dans la lumière ... »

** Dans la troisième épître de Jean : l’auteur encourage à plusieurs reprises à « marcher dans

la lumière de la vérité » ou à « marcher dans la vérité ».

Par ailleurs, la troisième de Jean caractérise le dynamisme de la vérité par l’expression « faire

la vérité » et par l’invitation à « être coopérateur de la vérité ».

Quatrième tiret

Une autre expression caractéristique de Jean doit absolument figurer dans notre liste,

c’est l’expression « esprit de vérité » (pneuma tès alètheias).

Deux passages johanniques sont ici à relever :

** en 1 Jn 4,1-6 comparable au texte de Qumran présenté par R Kuntzmann

** mais aussi les dits sur le Paraclet, Esprit de vérité dans les discours d’adieux

De ce parcours au point 1 b), nous pouvons déjà conclure que beaucoup d’expressions

choisies de Jean pour le mot « vérité » se basent sur AT ; nous aurions aussi pu entreprendre

la recherche en Intertestament. Il aurait également fallu prendre en considération les passages

amèn, amèn, en vérité en vérité je vous dis. 8

8 Ceux qui ont la possibilité de fréquenter les bibliothèques trouveront une abondante documentation dans les

deux imposants volumes consacrés à la vérité par Ignace de La Potterie, La vérité dans Saint Jean. Tome I. Le

Christ et la vérité. L’Esprit et la vérité. Tome II Le croyant et la vérité. Rome Biblical Institute Press (Analecta

Biblica 73 et 74), 1977, 1128 p.

Page 10: La vérité dans l'évangile de Jean Session Mont Sainte Odile 2 mars

La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

10

Exposé du point 2 Analyse de Jn 8

2. Jn 8 : Étude de texte « La vérité vous fera libres »

Voir à la fin de l’exposé plusieurs supports pédagogiques pour l’analyse du chapitre 8 du

quatrième évangile.

a) Brève introduction au chapitre 8

Nous connaissons assez bien dans les évangiles synoptiques les multiples

controverses que suscitent les guérisons opérées par Jésus un jour de sabbat. Souvent un

récit de guérison revêt la forme littéraire d’un récit de miracle imbriqué dans un récit de

controverse : un bon exemple dans Mc 3,1-6 (la guérison de l’homme à la main desséchée).

Dans ces passages, Jésus est souvent contesté pour son geste, mais également pour sa parole,

puisque non seulement il guérit, mais il proclame par sa parole le pardon des péchés ; cette

parole de pardon provoque la discussion, car, comme le notent souvent ceux qui entourent

Jésus « Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul ? » et cela conduit inéluctablement à

cette autre question « Qui est-il celui-là ? ».

Le même type de scène se retrouve en Jean, notamment dans deux guérisons en Jn 5

et en Jn 9 où l’on s’interroge sur l’oeuvre de Jésus un jour de sabbat Il est significatif que

l’évangéliste choisisse de situer ces deux récits en correspondance (deux guérisons qui

portent, l’une sur la marche et l’autre sur la vue9) pour évoquer le problème de la guérison et

du péché un jour de sabbat. De plus Jean, renforce la discussion avec les auditeurs et chefs

religieux du judaïsme (Juifs et Pharisiens), d’abord par un long discours de Jésus sur l’oeuvre

du Fils au chapitre 5, ensuite à l’autre bout de cet ensemble, par les discussions avec les

mêmes autorités et les parents de l’aveugle au chapitre 9.

Mais il y a davantage encore : au centre de cet ensemble très cohérent, c’est-à-dire aux

chapitres 7 et 8, Jésus est quasiment placé dans le contexte d’un procès. Les accusateurs sont

les autorités juives qui l’entreprennent à cause de sa prétention divine : d’où viens-tu ? qui es-

tu ? etc. Dans ce procès, comme dans tout procès, l’accusé Jésus cherche des témoins. En

effet, nous l’avons vu, dans les textes du Deutéronome par exemple, on ne peut se défendre

sur la base d’un seul témoin.

Enfin dans ces passages de Jean l’importance du péché est soulignée ; Jean le définit

en référence à la foi ; le péché consiste dans le refus de croire en Jésus. Le chapitre 7 est

parallèle au chapitre 8, mais il y a progression de l’un à l’autre ; le chapitre 8 développe

davantage la question des relations Père/Fils que le chapitre 7.

Il convient encore de faire une remarque indispensable avant d’aborder la lecture

détaillée du texte sur le contexte historique. Jn 8 se présente sous la forme d’un échange à

couteaux tirés où la violence de la critique verbale, de la part des Juifs mais aussi de Jésus,

semble difficile à accepter pour le lecteur moderne. Il est important toutefois de lire ce texte,

d’essayer de comprendre certaines difficultés à l’aide des instruments d’analyse aujourd’hui à

notre disposition, d’en situer le contexte historique et notamment de préciser le contexte

historique des communautés juives et des partisans du Christ dans leurs relectures des

traditions, de noter les orientations théologiques majeures (en christologie, en eschatologie).

Nous reviendrons sur ce point après la lecture ; il est indispensable de considérer les mentions

sur les Juifs entre guillemets (« les Juifs ») et de saisir l’organisation de l’évangile quand

9 Marcher, venir vers, voir sont des expressions qui traduisent le chemin de la foi.

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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

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Jésus s’adresse aux Juifs / puis aux disciples. L’évangile montre en effet Jésus en discussion

avec « les Juifs » c’est-à-dire avec « ceux qui refusent de croire en lui véritablement » ; dans

les chapitres 13 – 17 où il s’adresse aux « disciples » (aussi entre guillemets), c’est le Jésus

glorifié qui enseigne les chrétiens (= disciples d’après Pâques) ; il les entretient de la foi

chrétienne, la foi en Dieu et au Fils Jésus Christ sous la conduite et en communion avec

l’Esprit Saint.

Autrement dit, l’articulation même de l’évangile, dans ces deux volets, montre que

l’accueil de la vérité de la révélation dans la foi est libre ; tout en invitant à le suivre sur ce

chemin de vérité et de vie, Jésus se doit d’indiquer les conséquences du refus de croire en lui,

refus désigné comme le péché.

Outre les difficultés qui viennent d’être signalées à propos de la dureté de ce texte, le

chapitre 8 de Jean se caractérise aussi par sa difficulté de composition. Il n’est pas très facile

d’en établir le plan.

Je choisis de travailler en détail le texte à partir du verset 30, mais auparavant il nous

faut simplement rappeler le contexte littéraire proche. Nous sommes dans le cadre de la fête

des tentes. Avant de conduire l’analyse des versets 30-21 il faut nous arrêter au passage de

8,12 à 30 ; c’est indispensable de le prendre en considération pour comprendre la suite du

texte et voir comment et pourquoi ce chapitre 8 parle de la vérité.

b) Lecture de Jn 8,12-30 pages 32-33

Un mot sur l’ensemble de ces versets d’abord et sur la christologie haute du passage.

Le Père donc « Le Fils »

Dans cette première partie du chapitre 8, en parlant du Père, Jésus s’auto révèle

implicitement comme « le Fils ». Il n’utilise pas le titre de « Fils » (sauf « fils de l’homme »

avec l’annonce de sa passion-exaltation au verset 28 ; le titre de Fils de l’homme est

différent). Mais Jésus mentionne surtout son Père qui l’a envoyé (voir page 5 où le mot est en

caractère gras). On peut y ajouter (page 6) le verset 27 (il leur avait parlé du Père) et le verset

28 (je dis ce que le Père m’a enseigné). Le Père lui rend témoignage, car il est « avec » Jésus

(verset 29).

Connaître le Père Connaître le Fils

Cette première partie de l’échange en réponse à la question des Pharisiens s’achève sur

une parole étonnante, qui si elle est prise au pied de la lettre, doit faire réagir ses

auditeurs puisque Jésus y révèle explicitement sa filiation divine. «Vous ne me connaissez pas

et vous ne connaissez pas mon Père ; si vous m'aviez connu, vous auriez aussi connu mon Père.»

Cette forme johannique ressemble à une parole de Jésus dans la source Q10

, dont voici la

teneur lucanienne, que l’on désigne habituellement comme « l’hymne de jubilation » en Lc

10,21-22

21 À l'instant même, il exulta sous l'action de l'Esprit Saint et dit: « Je te loue,

Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux

intelligents et de l'avoir révélé aux tout petits. Oui, Père, c'est ainsi que tu en

as disposé dans ta bienveillance. 22 Tout m'a été remis par mon Père, et nul

ne connaît qui est le Fils, si ce n'est le Père, ni qui est le Père, si ce n'est le Fils

et celui à qui le Fils veut bien le révéler.»

10

Source Q : textes parallèles en Luc et en Matthieu (absents de Marc).

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La vérité dans l’évangile de Jean

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Le contenu théologique du propos est identique. Jésus met ses auditeurs devant

l’affirmation de sa filiation divine. L’évangile de Jean précise que « connaître » signifie

« croire » et que croire en Jésus le Fils est désormais décisif. Voilà pourquoi il s’est proposé

comme la Lumière pour les disciples, pour ceux qui viennent à sa suite et croient en lui.

Je suis

Joignons cela à la double parole où Jésus affirme « je suis » ... on ne peut qu’être

surpris par la conclusion plutôt inattendue du paragraphe dans cet évangile de Jean où l’on

sait que les auditeurs du judaïsme ont du mal à le suivre, – et c’est un euphémisme ! Pourtant

le paragraphe s’achève sur le verset 30 : « Alors qu'il parlait ainsi, beaucoup crurent en lui. »

À deux reprises Jésus se révèle en disant « Je suis » ; une première fois au verset 24

en insistant pour dénoncer le péché de celui qui ne croit pas en lui comme Je suis », une

deuxième fois au verset 28. Jn 8 est un texte d’une haute teneur théologique pour la révélation

de Jésus, ce que l’on nomme « la christologie haute »11

.

Deux parties sont à distinguer dans ce passage : aux versets 12-20 et aux verset 21-30

1. Première partie de l’échange du verset 12 au verset 20.

Voir aux pages 32-33 le texte qui est ici simplement commenté et paraphrasé.

- Le texte commence par une proclamation au verset 12. Jésus se proclame la lumière du

monde (8,12) et enjoint ceux qui l’écoutent de le suivre, d’être son disciple pour avoir la vie.

Cette simple annonce nous situe déjà métaphoriquement, comme nous l’avons noté, dans le

contexte de la vérité (Lumière métaphore pour la vérité). Ajoutons que l’expression « lumière

dans le monde » correspond à l’existence terrestre de Jésus12

.

- Réplique des Pharisiens : verset 13

Pour être valide en effet, la proclamation de Jésus doit s’appuyer sur un double

témoignage (loi du Deutéronome mentionnée ci-dessus et dans la conférence de R.

Kuntzmann). Jésus annonce précisément que son témoignage est véridique car il s’appuie non

sur son propre et unique témoignage, mais il y a lui et le Père. La réponse de Jésus indique

comment son « témoignage » est ainsi « conforme à la vérité » : versets 14-18. Autrement dit,

le témoignage de Jésus est vrai puisqu’il y a double témoin (Lui et le Père). Ses auditeurs

s’interrogent alors sur ce Père : verset 19.

Cette première partie de l’échange se termine sur une impossibilité de compréhension.

Le narrateur précise le caractère provocant de ces paroles : « personne ne mit la main sur

lui » ; le lecteur comprend l’importance de la provocation. Aussitôt après, Jésus prolongera la

discussion et là il dénoncera le péché qui les conduit vers la mort, avec une fois de plus dans

Jean, un renversement de situation : Jésus que l’on croit vouloir et pouvoir tuer, est maître de

la situation. Ceux qui voudront l’accuser de péché de blasphème trouveront en Lui (l’accusé)

leur Juge. Dans la deuxième partie de l’échange, Jésus stigmatise le péché ; c’est le refus de

croire en Lui, en Lui qui s’affirme « Je suis ».

11

On a pris l’habitude de distinguer la christologie basse (titres comme Fils de David, Messie, Prophète, etc.) de

la christologie haute (préexistence, titre comme Fils de Dieu, etc.). 12

Il est question de la « lumière » et de sa venue dans le monde en Jn 1 – 12. Après ces chapitres la lumière n’est

plus mentionnée dans Jean (voir les précisions données par Jésus lui-même en Jn 12 : la lumière pour peu de

temps encore).

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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

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2. Deuxième partie de l’échange du verset 21 au verset 30

Ce nouvel échange s’inscrit dans la suite des versets précédents, mais il commence

avec une annonce de Jésus sous forme de jugement critique sur « le péché ». Le texte se laisse

diviser en trois séquences (21-24a ; 24b-27 ; 28-30).

1°) séquence : versets 21-24a

Il faut s’arrêter d’abord sur les versets 21-24a. Une partie de ce texte a déjà été

mentionnée au chapitre 7, mais alors Jésus n’avait pas répondu à la question des Juifs. Le

passage est situé vers la fin de la fête, quand les pharisiens ont déjà envoyé des gardes pour

arrêter Jésus : 33 Jésus dit: «Je suis encore avec vous pour un peu de temps et je vais vers celui qui

m'a envoyé. 34

Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas; car là où je suis,vous ne pouvez venir.»

35 Les Juifs dès lors se disaient entre eux: «Où faut-il donc qu'il aille pour que nous ne le

trouvions plus? Va-t-il rejoindre ceux qui sont dispersés parmi les Grecs? Va-t-il enseigner aux Grecs? 36

Que signifie cette parole qu'il a dite: ‹ Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas ›, et ‹ là où je suis, vous, vous ne pouvez venir ›?»

On voit bien la progression du chapitre 7 au chapitre 8 : au chapitre 7, Jésus dit :

« Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas; car là où je suis, vous ne pouvez venir.»

Au chapitre 8, il reprend : « Je m'en vais; vous me chercherez, mais vous mourrez dans

votre péché. Là où je vais, vous ne pouvez aller.» Au chapitre 8, Jésus stigmatise donc plus

nettement le péché des Juifs. Le narrateur omniscient explique aussi ce que pensent les Juifs

et il souligne leur incompréhension. Ce faisant il introduit l’idée de la mort, ce qui permet à

Jésus de reprendre le jugement et de dénoncer le péché comme la « non-foi en Lui». Cette

dénonciation se passe en deux temps :

- au verset 23 par la double opposition à l’aide de métaphores différentes pour désigner les

ténèbres : « en bas/en haut » et « ce monde/pas de ce monde » ;

- au verset 24 a, Jésus reprend de plus belle l’annonce de jugement : « vous mourrez dans vos

péchés ».

2°) Séquence 24b-27

À partir du verset 24b une nouvelle petite étape est marquée en deux temps, v. 24b-26,

v. 27.

* Versets 24b-26

Le premier « Je suis » au verset 24b est prononcé presque comme en passant. Il est en effet

curieux de constater l’effet quasiment nul produit sur les auditeurs qui reprennent simplement

le verbe « être » : « mais qui es-tu ? ». Si le « je suis » a la force du Nom de Dieu (Exode), et

il l’a d’après la suite du texte (voir 8,58 en particulier), on s’étonne du manque de réaction en

cet endroit de l’échange. Nous voyons là une technique johannique pour amener de plus en

plus la parole de révélation : par étapes, le Christ se révèle. Il ne peut être compris que

progressivement. Au départ, ses interlocuteurs le comprennent souvent au premier degré.

Cette compréhension incorrecte nécessite une nouvelle parole de Jésus et des précisions sur le

sens véritable de sa Parole. Le schéma est habituel dans les échanges avec Jésus relatés dans

le quatrième évangile.

Jésus définit donc très nettement le péché comme la non foi en lui. Cette définition du

péché se situe en regard de l’identité de Jésus : comme il se dit en proximité très particulière

avec « Celui qui l’a envoyé » et « qui est véridique », refuser de le recevoir Lui, c’est refuser

Dieu le Père qui l’envoie. La référence à la vérité de l’envoyeur rejaillit bien entendu sur la

vérité de celui qui parle, qui a beaucoup à dire, qui est Juge : Jésus se déclare commet tel et

peut donc affirmer que son dire est vérité, en correspondance avec ce qu’il a entendu auprès

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La vérité dans l’évangile de Jean

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du Père, en cohérence avec Lui : « ce que j'ai entendu auprès de lui, c'est cela que je déclare

au monde »

La déclaration est à nouveau suivie d’une incompréhension, afin de permettre à Jésus

(et à l’évangéliste) de préciser davantage la pensée et de faire progresser l’auditeur dans la

révélation, comme nous le notions ci-dessus.

* v. 27

Pour le lecteur savant que nous sommes, il ne fait pas de doute, Jésus vient de

renvoyer à son Père dont il écoute la voix et dont il transmet le message. Mais les auditeurs du

récit n’ont pas compris, comme le dit explicitement le narrateur au v 27 : « Ils ne comprirent

pas », mais le narrateur ajoute « qu'il leur avait parlé du Père ».

3) Séquence : versets 28-30 .

Cette précision sur le Père ouvre le développement qui suit où Jésus reprend pour la

deuxième fois « Je suis » à l’absolu et où il s’exprime dès lors en langage clair sur celui qui

est vrai et qui l’a envoyé, « le Père ». Jésus prend soin de rappeler qu’il parle de son Père pour

dire sa fidélité à Dieu. Il se comporte dans sa mission comme « le Fils » parfaitement adéquat

à son Père, lié à son projet ; ce projet est unique. Jésus affirme qu’Il n’est pas « seul » pour

exprimer sa fidélité et sa proximité (une vérité fidélité). La parole de révélation sur le Père est

ici parfaitement bien placée. Jusqu’ici dans le chapitre 8, nous n’avons trouvé que peu de

références au Père, sinon à la fin du premier échange au verset 19 : là déjà, les interlocuteurs

n’avaient pas compris que Jésus parle de « son Père » (« mon Père » ; « qui est-il ? »

l’interrogent-ils.

La conclusion de la deuxième partie de l’échange au verset 30 est plutôt inattendue,

puisque le narrateur achève cet échange « sur la foi de beaucoup de Juifs ». Le récit de cet

échange ne donnait pas l’impression de devoir se terminer ainsi ! Mais la suite du texte avec

la reprise du discours devrait apporter des éclaircissements sur cette façon de procéder et sur

l’importance du thème de « la foi de beaucoup de Juifs ».

Nous venons de voir un premier échange en deux parties. Dans la suite de l’exposé sur

Jn 8 , nous nous proposons de regarder d’un peu plus près comment la discussion reprend

pour un échange beaucoup plus long après avoir été interrompue ‘à dessein’ par la remarque

du narrateur sur « la foi de beaucoup (de Juifs)’ (v.30).

c) Présentation détaillée de la logique du discours en Jn 8,31-59

en 6 étapes : voir page 34 (texte TOB) et pages 35-37 (texte grec-français)

À partir du verset 30, le texte est bâti sur le modèle des dialogues de Jésus dans Jean.

Nous venons déjà d’en voir une utilisation dans les deux échanges précédents. Rappelons

cependant la méthode johannique.

Dans ces discussions, Jésus présente à son ou à ses auditeur(s) une affirmation

solennelle. L’affirmation se présente comme une révélation. L’interlocuteur dans le récit

interprète la parole dans un sens premier qui n’est pas le sens attendu par Jésus, ni d’ailleurs

par le lecteur du récit qui n’est pas dupe. L’échange se poursuit étape par étape, souvent en

reprenant un mot ou une expression : il nous faudra prêter attention aux mots et à leurs

reprises sous des formes à chaque fois plus précises. Jésus tente ainsi de faire passer les

destinataires de son discours à un niveau supérieur de compréhension.

Dans ce type d’entretien, le Jésus de Jean se révèle ; il s’auto-révèle, progressivement

pour les interlocuteurs du récit, et, au-delà, pour lecteur de l’évangile. Car « l’intention d’une

telle incompréhension est de convaincre les croyants de devenir chrétiens d’amener les

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La vérité dans l’évangile de Jean

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lecteurs à se mieux connaître et de les dépouiller de leur trop grande confiance en eux-

mêmes.... ». Nous connaissons ce type d’échange parfois qualifié de « dialogue » : citons par

exemple l’entretien de Jésus avec Nicodème (Jn 3), ou dans un texte parallèle en Jn 4,

l’échange de Jésus avec la femme de Samarie. Dans ces deux longs passages on perçoit bien

l’étape première de l’avancée dans la révélation : Nicodème comprend le règne « à nouveau »

comme une renaissance dans le ventre maternel ; la femme de Samarie imagine difficilement

qu’un Juif puisse demander à boire à une femme samaritaine. À la fin de ces échanges,

les réactions des interlocuteurs varient. Nicodème disparaît de la scène au verset 10 ; Jésus

continue seul à parler, dans un monologue composé de différentes paroles habilement

juxtaposées en petites unités de sens. Quant à l’échange entre la femme de Samarie, il

s’achève avec la mise en place de trois interlocuteurs différents. La femme proclame un

message aux gens de son village et devient un personnage-relais, les gens de Sychar ayant

entendu sa parole invitent Jésus qu’ils confessent désormais comme le « Sauveur du monde ».

Il convient d’ajouter le groupe des disciples, qui sont présents dans le récit, tantôt en filigrane,

tantôt et donc à la fin en avant-scène, pour recevoir un enseignement de Jésus ; le lecteur peut

dès lors faire un rapprochement entre le motif de l’enseignement de la Parole et la thématique

de l’ensemble sur la nourriture ; l’évangéliste annonce de fait l’enseignement donné

ultérieurement, au chapitre 6, dans le discours sur le Pain de vie.

Jésus se révèle en effet progressivement, non seulement à l’intérieur d’un récit, mais

d’un passage à l’autre de l’évangile. Cet évangile est donc bien comme le dit le rédacteur à la

fin du livre, destiné au croyant, afin qu’il affermisse progressivement sa foi, qu’il croit en son

Nom et qu’il en vive (Jn 20,30-21). Le quatrième évangile cultive volontiers et sous des

formes différentes le genre littéraire de l’échange pour faire comprendre la révélation du Fils

de Dieu ; le Jésus de Jean amène ainsi vers le dévoilement de la présence de Dieu, vers la

« vérité » comme « réalité de la manifestation divine ». Nous touchons là à l’un des

problèmes les plus « essentiels de l’évangile de Jean qui concerne la relation des croyants à

Dieu, par et en Jésus » (R.E. Brown, La communauté du disciple bien-aimé, p.68)13

. Somme

toutes, ces échanges par étapes montrent bien comment Jésus conduit vers la vérité, comment

il se fait chemin de vérité et de vie (Jn 14,6).

La structure de l’échange dans le texte du chapitre 8 est des plus simples avec souvent

de toutes petites introductions, vraiment minimes ; la parole de l’un est suivie d’une réponse

de l’autre. Tout l’intérêt porte sur le contenu de l’échange.

Le narrateur relie l’échange qui suit aux discussions précédentes. Il est en effet

important de remarquer que les paroles de Jésus ont suscité la foi en lui de nombreux Juifs

(v.30). C’est cette foi que Jésus va maintenant fortifier ou juger, mettre à l’épreuve de la

vérité, au cours d’un nouvel échange. C’est lui, Jésus, qui engage la poursuite du dialogue.

Pour l’analyse qui suit, on se reportera aux pages 35-37 où j’ai découpé le texte en

différentes étapes.

Étape 1 Verset 32

La première parole est introduite par une phrase précisant le statut des auditeurs : « les

Juifs qui avaient cru en lui ». Le verbe ‘croire’ au parfait (pepisteuko,taj) désigne leur foi

comme un fait acquis. On peut penser en effet que « Jean décrit ces Juifs comme ‘croyants’,

au moins de leur point de vue » (Brown). Ils sont croyants. Mais Jésus les invite à progresser

dans la foi et la soumet au critère de vérité. Nous avons ici trois fois le vocable de

vérité/vraiment (en caractères gras dans le texte).

13

R.E. Brown, La communauté du disciple bien-aimé. Paris Cerf (Lectio Divina 115 : traduction française),

1983 20032 . Original en anglais, 1979.

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La vérité dans l’évangile de Jean

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Jésus pose une condition (« demeurer dans sa parole ») et donne une promesse :

- il évoque tout d’abord le statut de disciples « afin d’être (le verbe est au présent) disciples »

On n’est pas simplement « désigné » comme disciple. L’évangile de Jean emploie souvent ce

terme de « disciple » pour qualifier le statut des croyants : « en marche derrière Jésus », « à sa

suite » : JB, le disciple bien aimé, etc. Tout croyant est appelé à « devenir » disciple en vérité

par l’écoute et le demeurer dans la parole. L’insistance est notée par l’adverbe « vraiment » ;

elle porte aussi sur le « demeurer » et implique donc la continuité, la durée. Ce n’est pas la foi

de « l’instant ». Au contraire la foi en Jean est une mise en route. Il est frappant de constater

que l’évangéliste n’emploie jamais le substantif « croire » ; il n’entend pas parler de la foi que

l’on possède ou que l’on ne possède pas, comme si l’on pouvait « avoir » la foi, ou « la

perdre », comme on aurait ou possèderait un objet. Le théologien johannique multiplie les

verbes synonymes de « croire » : venir vers, voir, connaître, etc.

- Jésus assortit la condition de disciple à une double promesse (les verbes sont au futur :

« vous connaîtrez » ; « elle vous libèrera) ; cette promesse est liée à l’accomplissement de la

conditionnelle (« si vous demeurez dans ma parole »).

* « Vous connaîtrez la vérité » Nous avons rencontré l’expression à Qumran :

« connaître la vérité » équivaut à « connaître Dieu » . Voir le texte signalé par Raymond

Kuntzmann dans sa documentation : « ils seront instruits de son secret de vérité par le Maître

de Justice ». Les disciples se mettent à l’écoute du Maître, attentifs à son enseignement afin

que sa parole les instruise de la vérité, les ouvre à la révélation sur Dieu.

* cette première promesse est accompagnée d’une autre promesse au futur également,

la promesse d’une libération : « la vérité vous libèrera ». Nous notons ici la nouveauté du

texte johannique et la particularité de tout le chapitre 8, 30 – 8,58 d’associer la vérité et la

liberté.

Une remarque de vocabulaire s’impose. Dans cette première étape de l’échange, le

verbe « libérer » est utilisé à l’absolu. Nous n’avons pas dans ce passage une expression

comme « être libéré du péché » (Romains 6,18.22), ou « de la loi du péché et de la mort »

(Romains 8,2), ni « être libéré de l’esclavage de la corruption » (Romains 8,21). Nous

relevons, pour l’instant du moins, simplement le verbe à l’absolu (non libérer « de » quelque

chose) ; cet emploi du verbe à l’absolu se trouve aussi en Paul, notamment dans la célèbre

phrase de Ga 5,1 « Par la liberté le Christ nous libèrera ». Paul affirme que c’est le Christ qui

libèrera ; dans Jean le sujet est « la vérité ». La vérité est considérée comme une grandeur (le

Christ, bien sûr) comme le montre cette autre parole de Jésus dans le même texte en 8,36 :

« Si donc le Fils vous libère vous serez réellement (vraiment) libres ». Mais on trouve aussi

l’adjectif « libre ». Dans le verset que nous étudions, ce qui importe c’est le verbe et son

sujet : Jésus annonce l’oeuvre de la vérité. Il lui faut ensuite préciser comme il peut se

proclamer lui-même comme agent de la révélation (de la vérité) de Dieu et expliciter la

condition inéluctable et nouvelle de la foi « en lui ».

Étape 2 Verset 33

La deuxième étape comprend une réaction sous forme d’affirmation d’abord :

« Descendance d’Abraham nous sommes et personne ne nous (a) réduit(s) en esclavage

jamais ». Elle est suivie d’une question qui relance le dialogue en reprenant les termes de

Jésus dans sa deuxième promesse du verset 32, avec quelques nuances :« en quel sens dis-tu,

toi : ‘Vous deviendrez libres’? »

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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

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Notons-le d’emblée, les interlocuteurs ne reviennent pas sur le terme de « la vérité » ;

ils choisissent de reprendre le dernier mot de Jésus : (elle) « vous libèrera ». Dans leur

réaction (« personne ne nous a jamais réduits en esclavage ») ils entendent le verbe « libérer »

comme un renvoi à la libération définitive qui caractérise le peuple d’Abraham. De ce fait, ils

semblent ne pas comprendre la parole de Jésus. En fait ils la comprennent avec tout ce qu’elle

a de choquant pour eux : Jésus dépasserait-il cette libération définitive ?

Dans la structure des dialogues johanniques que nous avons évoquée ci-dessus, la

première « incompréhension » de l’interlocuteur est toujours destinée à valoriser la prochaine

réponse de Jésus et à prolonger sa révélation. Elle montre aussi parfois que en fin de compte il

ne s’agissait pas vraiment d’une in-compréhension. Les Juifs au fond n’ont pas si mal

compris. Jésus poussera justement l’interprétation jusqu’au bout.

La reprise des mots et le passage de « libérer » à « esclavage » par exemple sont des

procédés significatifs de l’exégèse juive qui se développe au premier siècle et qui prendra un

essor considérable dans les écoles rabbiniques. L’herméneutique théologique renvoie au

« mot » comme à un trésor théologique. Les Juifs reprennent ainsi le verbe « libérer » utilisé

par Jésus en se l’attribuant comme adjectif : « en quel sens dis-tu, toi, vous deviendrez/vous

serez libres ?». Sur la base de l’araméen (comme l’a montré Théo Preiss14

), il faut

comprendre ici « fils libres » : cela explique le jeu de mots avec « fils » opposé à « esclave ».

Les Juifs interprètent la promesse de Jésus comme une remise en cause de leur libération :

Jésus remettrait-il en cause la réalisation de la « promesse » faite à Abraham ? Prétendrait-il

dépasser cette promesse faite à leur père Abraham ? La question peut se poser, car, nous

venons de le voir (étape 1), Jésus fait effectivement une promesse sur la libération : « et la

vérité vous libèrera »(8,32). Ce serait donc « sa » promesse de libération à lui contre celle

faite à Abraham déjà réalisée ? Le « toi » (« en quel sens, dis-tu, toi ») renforce encore le

caractère d’imposture à laquelle les Juifs veulent que Jésus réagisse. Ils l’enjoignent de se

prononcer sur leur rattachement à Abraham.

Les Juifs du récit ont de fait compris le sens profond de la parole de Jésus et sa portée.

C’est pourquoi ils répliquent en s’affirmant « semence d’Abraham ». En une courte phrase

alors, ils rappellent la situation de délivrance de l’esclavage qu’ils considèrent comme

définitive et inviolable, définitivement acquise (le verbe « asservir » est au parfait) et la

tournure adverbiale « personne ... jamais » en souligne la solidité15

. Les Juifs introduisent en

tous les cas une thématique marquée par l’opposition entre la liberté et l’esclavage,

thématique qui s’étend sur toute la suite du texte.

Étape 3 Versets 34-38

Nous pouvons découper le passage de cette étape en trois petites séquences sections :

34-36/37/38 . Dans un premier temps Jésus fait une nouvelle révélation solennelle (versets 34-

36) sur le thème de la liberté (déjà évoqué aux étapes 1 et 2) pour lui donner une orientation

christologique et confirmer la promesse du verset 31 : la vérité vous libèrera : le Fils vous

libèrera.

14

Voir l’ouvrage de I. de la Potterie, La vérité dans Jean, Tome II, pages 825-866 (page 826 n. 145 pour la

référence au travail de Théo Preiss). 15

Par ailleurs on peut aussi noter l’opposition entre les deux assertions « vous êtes mes disciples » et

l’affirmation « descendance d’Abraham nous sommes » : noter le verbe au présent dans chaque cas (vous

êtes/nous sommes). Jésus commence cette partie du dialogue par une affirmation de la qualité de « disciples » ;

les Juifs se situent comme « descendance d’Abraham ». Y aurait-il incompatibilité ? nouveauté ?

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La vérité dans l’évangile de Jean

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- Les versets 34-36

L’introduction solennelle avec le double amen situe Jésus en position de révélateur,

avec un temps plus long de parole laissée à Jésus. C’est lui qui introduit progressivement les

thèmes du péché, de l’esclave, du fils, avec la réserve de l’explication donnée ci-dessus (note

13) pour les (fils) libres.

La tournure du verset 35 l'esclave ne demeure pas toujours dans la maison le fils, lui, y demeure toujours.

est une expression proverbiale, une sorte de mashal (énigme/parabole) insérée ici pour faire le

lien entre la mention du serviteur au verset 34 et celle du fils au verset 36.

Cette petite parabole pourrait se traduire :

un esclave/serviteur ne demeure pas toujours dans la maison

un fils y demeure toujours

Il y a d’autres petites paraboles (mashal, énigmes) de ce type dans Jean à propos du père et du

fils (voir Jn 5 : « un père montre à son fils ce qu’il fait »).

Le passage vise la mise en relief de la christologie haute et donc la place privilégiée du

Fils qui, – nous l’avons noté ci-dessus– , ne s’est pas encore désigné explicitement comme tel

dans cet échange (ni dans le précédent), mais qui y faisait implicitement référence par la

référence au Père.

- au verset 37

Jésus revient sur la réflexion des Juifs se considérant comme de la descendance

d’Abraham. Il faudrait ici analyser davantage l’expression : elle est connue dans l’AT mais

peu fréquente. On ne la trouve pas dans la littérature de l’intertestament et peu à Qumran. Elle

est employée par Paul dans les débats avec les judaïsants (Ga 3,16 ss ; Rm 4,13 ss ; 9,7 ss .

11,1 ; 2 Co 11,22) et dans Hb 2,16.

La reprise de l’expression « semence d’Abraham » par laquelle les Juifs s’identifient

provoque un retour de Jésus sur les premiers mots de l’échange où il rappelait l’importance du

« demeurer dans sa parole » pour être « vraiment ses disciples » (étape 1). Jésus dit aux Juifs

clairement que le refus de sa Parole les conduit à vouloir sa mort. Aux versets suivants

(versets 40-41) Jésus renforcera l’incompatibilité de ce désir de mort avec la prétention d’être

de la descendance d’Abraham. Pourquoi ? Parce que sa parole est vérité, autrement dit elle

révèle Dieu : tuer celui qui révèle Dieu et « tuer » la vérité est incompatible avec la prétention

d’être de la descendance d’Abraham.

- Au verset 38

Il nous faut d’abord prendre en compte une question de critique textuelle et de

traduction, sans être trop technique. Pour le verset 38, j’ai traduit le texte original en fonction

du texte grec le mieux attesté, c’est-à-dire non corrigé par certains manuscrits. En effet

quelques manuscrits ont corrigé la mention du « père » en ajoutant les adjectifs possessifs,

« mon » Père et « votre » père : les bibles (TOB par exemple) ont aussi traduit la leçon qui

leur paraissait facilitante comme si déjà là, en cet endroit du texte, 16

nous avions l’opposition

« mon père » et « votre père ».

16

« ... it seems to early in this section of the discourse for the introduction of the theme of the devil as the father

of the Jews » (R.E. Brown, John I, 356).

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Or, le texte original avait probablement, dans les deux cas, « de la part du Père ». Il me

paraît important de respecter cette leçon pour ne pas trop vite aller dans la distinction « mon

père » et « votre père » des versets suivants.

Jésus distingue déjà toutefois sa position ; il déclare en effet avoir vu les choses auprès

du Père. Il rappelle ici le chapitre 5 avec sa présentation explicite et largement développée du

« Fils » du « Père » (5,19-20 : il fait tout ce qu’il voit faire au Père) ainsi que sa critique des

Juifs car c’est là que commence le procès qui traverse tout l’évangile : « Le Père qui m’a

envoyé a témoigné à mon sujet. Vous n’avez jamais entendu sa voix, ni vu son visage, et sa

parole vous ne l’avez pas qui demeure en vous, parce que celui qu’il a envoyé vous ne le

croyez pas ».

En parlant du Père, Jésus annonce une nouvelle crise ; elle est marquée par les

oppositions qu’il introduit entre « moi » et « vous » mais aussi « voir » « entendre » et

« dire » et « faire » .

* entre le Père et les choses « vues » ‘par Jésus’ et le Père et les choses « entendues »

‘par « vous »’

* entre le dire (« moi je parle » ; « je dis ») et le faire (« vous faites »)

* entre moi et vous

Dans l’étape 3 il n’est pas question de vérité, sinon précisément dans l’introduction par le

double amèn. C’est en effet à une véritable « révélation » de Dieu du Père et du Fils que Jésus

conduit : ne pas croire à cette révélation conduit à l’aveuglement , à une situation de péché.

Étape 4 Versets 39-41a

Quelques remarques sur ces versets dans une étape de transition entre l’étape 3 et 5 (la

structure du passage est faite en fonction de l’avancée du dialogue)

** Ici la notion de « vérité » est au centre du passage : verset 40 b « je vous ai dit la vérité ».

La forme verbale (« je vous ai dit ») est au parfait ; autrement dit « c’est fait ». Vous avez la

révélation de Dieu.

** Le paragraphe est du reste bien structuré avec la répétition de la parole des Juifs sur « leur

père » :

- notre père c’est Abraham

- nous avons un seul père Dieu

mais avec un changement de nom pour ce ‘notre’ père qui introduit une sorte d’ironie dans

l’affirmation de l’unique père : « nous avons un seul père ».

** Par ailleurs on notera comment Jésus se réclame « de Dieu » et comment les Juifs

affirment n’avoir qu’un seul père qui est « Dieu ».

** Le verset 39 : la phrase est compliquée grammaticalement et du coup également dans la

tradition manuscrite.

Littéralement : si vous êtes (présent) vous faisiez (imparfait)

a) condition réelle : « si vous êtes, ... faites » un impératif dans l’apodose.

b) Contradiction dans les faits : « si vous étiez, ... vous auriez fait »

c) Mixte : « si vous êtes .... vous devriez faire »

C’est la dernière solution que nous choisissons (avec Brown) avec l’idée que les Juifs sont

réellement enfant d’Abraham, mais leurs actions contredisent ce statut. « Les judéochrétiens

hésitent entre leurs obligations à la synagogue et leurs pratiques traditionnelles d’une part et

leur foi en Jésus d’autre part » (Brown, John I, 362).

Jésus ne récuse pas la référence à Abraham comme telle, mais il veut dénoncer leur péché : en

cherchant à tuer Jésus ils ne peuvent se situer « en vérité » : cela Abraham ne l’a pas fait ; ce

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désir de mettre à mort trahit la paternité de leurs oeuvres. Au verset 41, Jésus les renvoie à ce

« père » des oeuvres mauvaises, sous entendu le diable, sans le nommer déjà (toujours la

progression de l’échange). Après leur avoir refusé la condition réelle de fils d’Abraham,

puisqu’ils veulent le tuer, Jésus en conclut donc qu’Abraham n’est pas leur père et qu’ils font

les oeuvres de « leur père », les acculant à poser la question ensuite. Il annonce ainsi le verset

44. La finale de ce paragraphe et la parole de Jésus en son centre (la vérité qu’il a dite il l’a

entendue de Dieu) conduisent la discussion à son paroxysme : Le vrai père ‘des Juifs » est-il

Dieu ou le diable ? À partir du verset 41b, il n’est plus (momentanément) question

d’Abraham, mais «de Dieu ».

Étape 5 Versets 41b -47

Trois remarques pour comprendre la structure et le sens de ce passage qui fait avancer le

discours vers l’étape finale.

1°) Le départ de cette nouvelle partie du texte est marqué par la référence à Dieu, aux

versets 41-42 et au verset 47, c’est-à-dire au début et à la fin de la section.

2°) À deux reprises Jésus pose une question (pourquoi : dia. ti,) directement adressée à

ses auditeurs et il donne immédiatement lui-même la réponse (parce que : o[ti): ** au verset 43 :

Question : 43 Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage?

Réponse : 43 Parce que vous n'êtes pas capables d'écouter ma parole.

** aux verset 46 b-47 :

Question : Pourquoi vous ne me croyez pas ?

Réponse : voilà pourquoi vous n’écoutez pas,

parce que vous n’êtes pas de Dieu »

Jésus reproche le manque d’écoute (v. 43 ; v. 47)

3°) Enfin dans cette partie du dialogue « le thème de la « vérité » est particulièrement mis

en relief par l’opposition au mensonge :

- par le motif du « diable », « meurtrier depuis le début » qui « ne s'est pas tenu dans la

vérité parce qu'il n'y a pas en lui de vérité » (v.44) ; il est désigné comme celui qui profère le

mensonge, et qui puise dans son propre bien parce qu'il est menteur et père (du mensonge).

- par la déclaration de Jésus qui à deux reprises affirme dire la vérité : au verset 45

(« parce que je dis la vérité vous ne me croyez pas ») et au verset 46 (« si je dis la vérité »).

Nous sommes à nouveau dans le contexte d’un procès (« qui me ‘convaincra’ de

péché ? ») et de jugement. Le Christ est opposé au diable, menteur, père du mensonge. Le mot

« père » vient ici dans la suite logique du passage : qui est en définitive le véritable « père » ?.

Une inclusion marque le jugement et le procès. Jésus en définitive accuse les Juifs de non-

vérité : alors qu’il affirment dès le début du passage « Nous avons un seul père, Dieu! », Jésus

leur répond à la fin « vous vous n'êtes pas de Dieu ». L’expression être de Dieu est importante

dans Jean elle signifie « Appartenir à Dieu »

Que signifie vraiment « être de Dieu » ? est-on « de Dieu » du seul fait qu’on est « fils

d’Abraham » ? L’interrogation se pose au temps de Jésus de Nazareth comme plus tard au

temps des premiers chrétiens. On la trouve par exemple à propos de certaines catégories de

gens qui ne peuvent être considérés comme de véritables fils d’Abraham : à propos de

Zachée, Jésus dira : « lui aussi est un fils d’Abraham » ! Ou encore dans la littérature

paulinienne : dans les textes de Galates 3 et de Romains 4 par rapport à la Loi et à « la foi »

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(‘par la foi’). Autrement dire Jésus de Nazareth et à sa suite le christianisme primitif invite à

réfléchir à la vérité de l’appartenance « par la foi » à Dieu. La question, je pense, n’est pas

inintéressante dans la pastorale d’aujourd’hui.

Dans cette étape de l’échange Jésus revient sur l’importance de « faire » la vérité,

d’agir conformément à son statut de croyant : être enfant d’Abraham cela comporte un choix,

être « de Dieu » ne peut être une situation de compromis. Croire en Jésus et être son disciple

(8,30-31) conduit à l’écoute de sa parole, celle qu’il a entendue auprès du Père et qu’il a dite.

Dans la finale du discours, Jésus revient à cette parole qu’il faut garder, dans laquelle il faut

demeurer pour vivre.

Étape 6 Versets 48-59

La structure du passage est à nouveau marquée par la progression de l’échange qui aboutit à

son paroxysme au verset 59 avec non seulement l’acte de lapidation mais la « sortie du

temple » de Jésus Alors, ils ramassèrent des pierres pour les lancer contre lui,

mais Jésus se déroba et sortit du temple. à la suite de l’ultime « Je suis », qui semble-t-il est devenu clair pour les auditeurs, vu leur

réaction.

Verset 48 : Accusation des Juifs

Jésus est accusé d’avoir un démon : il vient de déclarer les Juifs « enfants du diable » parce

qu’ils se situent du côté du refus de croire, ils font « le » péché.

Les Juifs l’accusent d’être possédé : « tu as un démon » ; cette accusation est juxtaposée à « tu

es un samaritain », insulte que l’on verrait assez bien placée dans le cadre du récit de la

rencontre de Jésus avec les samaritains.

Versets 49-51 : Réponse de Jésus en trois temps, avec une progression de l’un à l’autre aux

versets 49,50, puis 51 :

a) Au verset 49, Jésus répond aux Juifs qui l’accusent d’être possédé. Il récuse leur

accusation par une affirmation inverse de l’honneur qu’il rend au Père (timw/ to.n pate,ra mou).

Mais sa réponse provocatrice mène encore plus loin puisqu’il dénonce les Juifs à son égard à

lui Jésus : vous, vous m’honorez pas : ils ne lui rendent pas honneur à lui (kai. u`mei/j avtima,zete, me). L’implicite de cette critique est évidente et peut être paraphrasée ainsi : moi

j’honore mon Père et, vous, en ne me rendant pas honneur, vous ne rendez pas honneur à

Dieu.

De fait, la réponse que Jésus donne en 8,49 rejoint deux annonces précédentes de Jésus sur le

culte véritable rendu au Père comme au Fils, l’une au chapitre 4,22-24 , l’autre au chapitre

5,23-24.

** En 4,22-24 :

Dans le contexte du chapitre 4 que nous venons d’évoquer à propos de l’accusation « tu es un

samaritain », en Jn 4,22-24 Jésus annonce l’adoration en vérité, les vrais adorateurs, et le

détachement du souci du lieu du temple.

** En 5, 23-24 :

L’annonce du culte véritable et nouveau a en outre été répétée et surtout précisée par la

reconnaissance et l’honneur rendues au Fils au chapitre 5, dans le discours sur l’oeuvre du

Père et du Fils ; Jésus insiste sur la reconnaissance et l’honneur qui reviennent au Père et au

Fils.

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Dans le contexte du chapitre 5, Jésus a constamment évoqué ensemble la condition du

Père et la condition du Fils, avec la tournure sans cesse répétée « comme le Père ... ainsi le

Fils » : comme le Père agit, ainsi le Fils, comme le Père ressuscite les morts, ainsi le Fils. En

En Jn 8 le lecteur informé par les paroles de Jésus en Jn 4 et en Jn 5 comprend la réaction des

Juifs et la réponse de Jésus. Elle se poursuit par une deuxième étape.

b) Au verset 50 , Jésus revient sur ce qu’il a dit antérieurement. Jésus est toujours situé

dans le contexte d’un procès ; il prend appui sur son Père pour affirmer un renversement du

jugement.

c) Le verset 51 introduit par le double amèn, une dernière étape dans la discussion,

celle qui va provoquer le geste de lapidation. Jésus énonce une parole que seule un Dieu peut

prononcer.

Les versets 51-53 amènent donc la question : Jésus serait-il supérieur à Abraham ?

La question des Juifs porte alors directement sur la prétention de Jésus « Qui te fais-tu

toi même ? » (verset 53). Comme souvent Jésus ne répond pas de suite à la question directe de

ses interlocuteurs. Sa réponse porte d’abord sur la glorification : elle équivaut à la logique du

témoignage ; on ne peut se glorifier soi-même. « C'est mon Père qui me glorifie, lui dont vous

affirmez qu'il est notre Dieu ». Le verbe ‘glorifier’ est employé à dessein pour évoquer à la

fois et en lien l’une avec l’autre la gloire du Père et la gloire de Jésus. La suite du texte

expliquera ce lien.

Dans ce passage, il faut attentivement remarquer comment Jésus revient au discours

précédent en le replaçant dans le contexte de la vérité : il se situe lui « en Dieu », il est « de

Dieu » ; en conséquence quand il affirme « le connaître », il est dans la vérité, il dit la vérité.

Il ne peut lui être menteur. Le comportement qu’il reproche aux Juifs, de ne pas écouter « sa »

parole à lui Jésus, il le revendique pour lui positivement à l’égard de Dieu son Père : « je

garde sa parole ». En parlant de sa glorification Jésus n’a pas lâché la prise de son discours. Il revient sur

la parole de ses auditeurs et donc à Abraham qui est mort. La provocation est à son comble

puisqu’il parle d’Abraham votre père et de son Jour à lui Jésus (verset 56). « Le jour »

correspond à la manifestation de la gloire : Jésus parle de « sa » manifestation en gloire, de sa

divinité. Cette annonce conduit évidemment à l’incompréhension des Juifs avec un

malentendu exprimé lourdement et naïvement au verset 57. Le malentendu ainsi exprimé sert à la

mise en relief d’autant plus marquée de la dernière parole de révélation de Jésus qui reprend après le

solennel double amèn, l’affirmation du « Je suis » absolu, au verset 58

Cette parole conduit à une conclusion à laquelle cette fois on s’attendait au verset 59. _______________________

Le texte de Jn 8 nous a conduit à une discussion exégétique de type rabbinique entre

Jésus et les autorités religieuses juives, comme il y en eu probablement au premier siècle de

notre ère, avant et après. Le but de l’ensemble consiste à acculer les auditeurs à se prononcer

vraiment comme « disciples de Jésus », c’est-à-dire à « croire en Lui ». Cette adhésion de foi

confesse que Jésus est véritablement le Fils qui conduit vers la manifestation plénière de Dieu.

Une telle adhésion requiert une foi sans compromis : la vivacité de la discussion reflète sans

nul doute les difficultés de judéo chrétiens à la foi insuffisante : sont-ils esclaves ? peuvent-ils

être réellement libres ? Les attaques sont fortes. Les uns accusent Jésus de « samaritain ; Jésus

les accuse d’avoir « le diable pour Père » (8,44). La prétention-revendication (Anspruch) de

Jésus affirmant « Je suis » ne peut que pousser la crise à son paroxysme.

Ce passage reflète une situation où la communauté johannique de tradition juive est

attaquée par ceux qui refusent sa christologie haute. En revanche pour le groupe johannique la

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La vérité dans l’évangile de Jean

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revendication de la descendance charnelle d’Abraham ne saurait suffire à garantir la foi

chrétienne.

La christologie émerge avec cette question sur l’identité de Jésus : qui est-il « en

vérité » ? Ceux qui ne reconnaissent pas sa véritable identité ne sont de fait pas des Juifs qui

croient en Lui. Le lecteur comprend ainsi la nécessité d’un deuxième échange à partir de 8. Le

deuxième grand échange du chapitre 8 sur fond de procès accule les Juifs à se prononcer en

vérité ; sont-ils réellement croyants « en Jésus » ?. Nous reviendrons sur cette question et sur

une explication donnée à propos de l’histoire du groupe johannique dans le dernier point de

l’exposé (La tradition johannique).

d) Organisation thématique autour de la vérité.

Pour comprendre la notion johannique de vérité et l’élaboration de ce thème, il importe de lier

les textes johanniques les uns aux autres. Sans prendre tous les passages, choisissons quelques

exemples significatifs :

** Le témoignage du Père véridique : Jésus prend appui sur le témoignage de son Père

qui est un témoignage vrai : il faut relier Jn 5 et Jn 8,13-14. 26. En s’appuyant sur la véracité

du témoignage du Père, Jésus entend affirmer la véracité de sa parole (« Vrai est mon

témoignage »), parce qu’il revendique sa filiation divine : « vrai est mon témoignage parce

que je sais d’où je suis venu », autrement dit parce que « Je suis ».

** Vérité et tradition (les ‘véritables’ enfants d’Abraham)

Dans Jn 8, Jésus enjoint ses auditeurs à faire la vérité sur leur rattachement à la

tradition, aux traditions des pères. Dans le chapitre 8, c’est Abraham sur la question de « la

foi » (Abraham père des croyants ») : on pourrait rapprocher certains éléments des questions

posées par Ga 3 et Rm 4. Mais d’autres passages johanniques sont à prendre en

considération :

- dans Jn 4 lors de l’entretien avec la Samaritaine se pose la question de l’identité de Jésus

mais également de sa supériorité par rapport aux « patriarches (« serais-tu plus grand que

notre père Jacob ? »), de la supériorité de sa promesse d’eau vive par rapport aux traditions du

puits,

- dans Jn 5 se pose la question de l’identité de Jésus comme « Fils » mais aussi la question de

l’interprétation « nouvelle ? » des Écritures ; Jésus renvoie à Moïse : « Si vous croyiez Moïse

en effet vous ME croiriez aussi car c’est de moi qu’il a écrit. Mais si vous ne croyez pas ses

écrits, comment croirez-vous mes paroles ? » (Jn 5,45-46)

** Vérité et liberté

Nous avons relevé le sémitisme sous-jacent à l’adjectif libres qui devrait littéralement

se traduire en araméen par les fils libres (fils de liberté ?) : la petite parabole utilisée par Jn 8

sur un fils/un esclave rejoint la parole de Jésus en Matthieu dans la controverse sur les

didrachmes où « les fils sont libres ».

Elle rejoint aussi les développements des premiers chrétiens sur ce thème de la liberté

dans le contexte du respect des traditions (du sabbat, de la circoncision) et la nouveauté

chrétienne.

Les références au vocabulaire de la liberté (libérer, libres) se trouvent surtout en Ga et

Rm ; les conflits avec les judéo-chrétiens ont conduit les premières catéchèses chrétiennes à

développer ce thème de la « liberté » en Christ en lien avec la vérité et la « fidélité ».

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La vérité dans l’évangile de Jean

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Ce fut le cas pour les groupes johanniques dans le conflit grandissant avec le christianisme

naissant dans ses rapports avec la synagogue et le rabbinisme qui se développe vers la fin du

premier siècle.

** Vérité et « foi au Christ »

On pourrait quasiment conclure que dans ces passages de l’évangile de Jean croire au Christ

c’est « être en vérité ». Le lien doit être fait avec les autres passages de l’évangile où Jésus se

présente comme la vérité. On comprend en tous les cas que la foi, comme la recherche de la

vérité est d’ordre relationnel. La vérité n’est pas (chez Jean dans l’évangile) d’abord une

doctrine à croire, mais l’engagement dans la relation avec Dieu par le Fils, dans l’Esprit.

En conclusion à l’ensemble du parcours nous proposons les points 3 et 4 comme des

pistes de réflexion :

- la vérité dans la narration johannique

- le témoignage de la tradition johannique

3. La vérité dans la narration johannique

Reprise des données concernant la vérité dans l’ensemble du quatrième évangile

Il s’agit de redire l’importance du motif de la vérité dans l’ensemble du récit

johannique en recherchant quelle signification théologique (christologie et anthropologie

chrétienne) elle met en valeur. Au bout du compte, nous n’aurons pas de réponse technique à

la question posée par Pilate, mais nous aurons mieux compris comment et pourquoi, selon

Jean, Jésus se propose comme « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6).

1,14.17 ; 3,21 ; 4,23-24 ; 5,33 ; 8,32.40.44-46 ; 14,6.17 ; 15,26 ; 16,7.13 ; 17,17.19 ; 18,37-38

Chapitre 1 et 18,37-38

À la question de Pilate, le lecteur trouvera des réponses dans tout l’évangile. Cette

question trouve d’abord une réponse dans le Prologue : Jésus est grâce et vérité, comme Dieu

il se manifeste emet we hessed. Cette vérité donnée par la venue de Jésus est révélation de

Dieu : un Dieu qui ne se laisse pas embrigader par telle Loi, fusse-t-elle la Torah, un Dieu qui

ne se limite pas à son peuple fût-il le premier bénéficiaire du salut (« le salut vient des

Juifs »). Les différents passages sur la vérité portent sur l’insistance christologique. Jésus est

venu apporter la révélation du Père, de façon exceptionnelle. Cette vérité sur Dieu se dit dans

l’incarnation de manière unique et singulière, de sorte qu’elle devient aussi vérité sur

l’homme.

Chapitre 1 et Jn 14-17

À la fin de son ministère lorsque Jésus s’adresse à son Père, il redit sa mission

d’annonce de la vérité ; il faut entendre à nouveau le dévoilement en plénitude. Mais il est

intéressant de noter la particularité de la thématique cette fois avec la « sanctification » :

sanctifie-les dans la vérité ... pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient eux aussi

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La vérité dans l’évangile de Jean

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sanctifiés dans la vérité ». Voir Jn 17,17.19 (page 3) mais corriger : je choisis de traduire

plutôt « dans la vérité »17

que « par la vérité »18

.

On fait souvent le choix de traduire le terme grec par « consacrer » ; il peut tout

d’abord signifier « sanctifier ». Jésus qualifie sa propre mission de sanctification (« pour eux

je me sanctifie »). Le seul autre emploi du verbe en Jn 10,38 va aussi en ce sens. La mission

des disciples dans le monde s’accompagne de cette sanctification dans la vérité par la parole

(par le Christ, dans sa parole et, ce faisant, dans sa personne).

L’Esprit de Dieu m’a « consacré » (Is 61 : il m’a oint ; là on peut noter « consacrer » mais si

on regarde la suite du passage d’Isaïe, c’est en vue de la mission (il m’a envoyé) ... consoler

(paraclet) ... ; c’est aussi le cas ici. Les disciples suivent le chemin de la vérité : ce sont les

disciples d’après Pâques, la communauté chrétienne Église (je les ai envoyés : à la

résurrection ).

Dans ce passage du chapitre 17 au verset 17 on remarque l’adéquation entre la parole

et la vérité, ce qui renforce encore le lien avec le Prologue et marque l’adéquation entre Jésus

Parole et Vérité (manifestation de la réalité divine). La Parole annoncée dans le Prologue (et

le Verbe s’est fait chair) renvoie au Christ dans son Incarnation, dont tout l’évangile redit le

parcours et le sens pour la vie des croyants.

Chapitres 8 et 13 –16

L’annonce de « liberté » proposée par le Christ au chapitre 8 de l’évangile n’est pas

sans poser de problèmes vu le contexte littéraire de ce chapitre, de ces chapitres 5 –9 dans

lesquels les attaques du personnage Jésus « contre les Juifs » se font de plus en plus violentes.

Le Jésus johannique ne semble pas être en cohérence avec le message d’un Dieu d’amour,

« plein de grâce et de vérité ». La foi en lui est-elle vraiment libre ? Une série de questions se

posent.

La première réponse déjà rapidement évoquée ou du moins suggérée dans l’exposé du

chapitre 8 ci-dessus, est que nous avons dans ces passages l’expression de la communauté

johannique marquée par une histoire, lorsque le conflit entre juifs et chrétiens fut grandissant.

Cela explique des mentions telles que « les Juifs excluaient de la synagogue ceux qui

reconnaissaient en Jésus le Christ » (Jn 9,22): ces mentions et les persécutions qui les

accompagnent ont marqué les uns et les autres, les chrétiens et les Juifs. L’écriture de

l’évangile en porte les traces : il y a une évolution considérable entre les premières traditions

qui servirent de base à l’évangile et la rédaction ou les rédactions ultérieures. Jésus est ainsi

mis en situation de réagir face à un judaïsme qu’il n’a pas connu de son vivant.

Les premiers chrétiens néanmoins s’appuient sur la parole de Jésus de Nazareth qui

s’est présenté comme fils de manière exceptionnelle, sur ses actions prophétiques (les

vendeurs chassés du temple où Jésus annonce « son » Père) pour faire leurs catéchèses. A-t-on

parfois dérapé dans les mots ? ce n’est pas impossible. Et le groupe johannique qui célèbre

tant l’amour de Dieu et du prochain ne fait pas exception. Les dénominations « enfants du

diable » (dans Jn 8,44 mais aussi dans la 1 Jn) témoignent que le langage chrétien n’est pas

toujours « très chrétien » ! Les chercheurs spécialisés dans les questions johanniques prennent

aujourd’hui très à coeur cette question dans le dialogue avec le judaïsme.

En réponse à une question posée lors de la session, je signale par exemple, un ouvrage

collectif (en anglais) qui va souvent très loin dans la réflexion et la mise au point actuel :

17 Comme BJ et Osty ; également J. Zumstein, L’évangile selon Saint Jean (13-21), 178 (voir note 2 ci-dessus

pour la référence complète). Mais le sens peut être instrumental : TOB. 18

Certains seront intéressés par l’ouvrage du Cardinal Georges Cottier (o.p.), Consacrés dans la vérité.

Méditations sur l’évangile de saint Jean. Retraite prêchée au Vatican 4-9 mars 1990 (Parole et Silence). Paris

2008.

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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

26

R. Bieringer, D. Pollereyt, F. Vandescasteele-Vanneuville (éd.), Anti-Judaism and the Fourth

Gospel. Papers of the Leuven Colloquium, 2000. Royal Van Gorcum, 2001 : (610 pages !).

J’ai rédigé une recension de cet immense travail dans la revue jésuite Recherches de Science

Religieuse (Tome 65/2) 2007, 282-285.

Mais il est une deuxième réponse aux questions posées sur la « foi en vérité et en

liberté ». Cette réponse nous est donnée par le respect de la fonction narrative de l’ensemble

de l’évangile. Nous avons parfois trop l’habitude par manque de temps de considérer les

passages d’évangile par petites péricopes, si ce n’est par phrases, « le nez un peu trop sur le

guidon ». Or l’évangile se déploie en une vaste narration qui n’est pas simplement la

juxtaposition de petits récits vaguement liés les uns aux autres.

Les discussions avec les Juifs des chapitres 5 – 9 [10] sur les traditions des pères (sur

les Écritures avec Moïse [Jn 5], sur la manne [Jn 6], sur Abraham et la libération de l’exode,

ou sur le « Je suis » [Jn 8], au cours desquelles Jésus se présente comme le Fils, l’unique Fils,

le révélateur de Dieu le Père, ces discussions ne doivent pas être lues sans l’autre volet de

l’évangile où Jésus reprend les mêmes propos (« vous me cherchez » dit-il aux Juifs et aux

disciples), mais il les adresse à l’intention des « disciples ». Autrement dit, et brièvement et de

manière stéréotypée : à la « Loi » (votre Loi) des Juifs, Jésus propose « le commandement »

de l’agapè, signe par lequel ses disciples seront reconnus comme chrétiens.

Si nous revenons au chapitre 8 : cette discussion met sur la voie de la décision. Le

Jésus de Jean respecte la liberté de croire jusqu’au bout. La foi en lui est liée à un choix libre.

Le chapitre 9 avec la guérison de l’aveugle met cela en scène et en parole de manière encore

plus cruciale : « être son disciple » ou rester « disciples de Moïse ». Le choix revient au

croyant.

Les deux volets de l’évangile sont indispensables pour comprendre le choix de la « foi

en lui. Les chapitres 13-17 développent largement ce que signifie désormais la foi en lui, foi

chrétienne en Jésus Père, Fils Esprit Saint. Le langage est entièrement « nouveau » tout en

étant enraciné dans la tradition des Écritures. Ce langage nouveau et ancien tout à la fois

montre que la foi est liée à l’agapè.

4. Le témoignage de la tradition johannique

a) L’originalité johannique : fidélité à la tradition reçue et transmise (Jn et 1 Jn)

Par rapport aux autres évangiles, le quatrième évangile est spécial dans sa forme et

dans son contenu. On peut dire « c’est du Saint Jean » à l’écoute de certains passages tant le

vocabulaire ou les expressions théologiques sont caractéristiques : « Moi je suis (egô eimi) »,

l’utilisation des symboles comme « la Lumière du monde », des formes opposées (« vous êtes

d’en bas moi je suis d’en haut » », etc.

Toutefois cette originalité n’implique pas une tradition « divergente ». Jean reste fidèle

à une tradition première reçue ; cette tradition suivra son propre chemin et évoluera dans sa

proclamation sur plus d’un demi siècle.

Il est difficile de le montrer en si peu de temps, mais l’originalité des écrits

johanniques (évangile et épîtres) provient d’un milieu original qui se développe en fidélité à la

tradition reçue ; la fidélité à la tradition n’est pas simplement répétition mécanique de

formules catéchétiques.

Les formules catéchétiques sont là et très présentes. Elles constituent le fondement de

l’évangélisation des premières communautés johanniques. Les termes sont différents de ceux

des communautés pauliniennes, par exemple, mais c’est le même Seigneur mort et ressuscité

qui est annoncé. Le quatrième évangile et la première de Jean contiennent encore des traces

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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

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des premières formulations kérygmatiques (annonces de la foi pascale) des communautés

johanniques : comparons Jn 3,1-17 et 1 Jn 4,9-10. L’accent est mis sur l’amour de Dieu, ce

grand amour de Dieu (« Dieu a tant aimé le monde ! ») qui a envoyé son Fils dans le monde,

pour qu’il donne la vie, le salut. Le langage des communautés johanniques a évolué en

fonction de l’évolution des premières communautés. Le groupe johannique a su trouver des

mots nouveaux, valoriser de nouveaux modes de communication plus marqués par le

symbolisme par exemple. La relecture des Écritures, pour ne prendre que cet exemple là, se

fera selon des modes de pensée qui rejoignent à la fois les techniques d’exégèse rabbinique et

les modes de pensée de la philosophie alexandrine. Ainsi dans le discours sur le pain de vie,

Jésus parle à la fois comme un rabbin féru d’exégèse et rejoint des exégèses typologiques

souvent développées dans le judaïsme alexandrin à propos de la manne (chez Philon

d’Alexandrie par exemple).

Les mots ont de l’importance, le passage d’un mot à l’autre aussi : dans le texte de Jn

8 nous avons un exemple de cette importance théologique apporté aux mots : « l’esclave » et

« le Fils », le passage du verbe « libérer » à la promesse de libération faite à « la descendance

d’Abraham », etc. Il est nécessaire d’ « éplucher » parfois très soigneusement le texte

johannique pour découvrir derrière ces mots la saveur de l’Écriture et sa vitalité.

L’originalité de la tradition johannique s’appuie sur le témoignage du disciple que

Jésus aimait, un témoin qui dit vrai : que signifie cette véracité ? Le risque de la parole n’est-il

pas toujours en ‘recherche’ de vérité et de la fidélité ? Il y a lieu, me semble-t-il, de porter

cette réflexion sur le plan pastoral et de l’engager vers un questionnement de nos pratiques, de

nos attachements parfois trop sclérosés à ‘nos’ définitions de la vérité pour nous conduire vers

une recherche de la « vérité dynamique », pour « faire la vérité » selon l’expression de saint

Jean (Jn 3,21).

On mentionne souvent aujourd’hui le terme d’école johannique pour dire combien la

communauté johannique, sous la férule de son initiateur qu’elle nommera le DBA, a accordé

de l’importance aux vocables théologiques. Dans ce domaine on peut penser, en le comparant

aux autres évangiles et en le mettant en lien avec les trois épîtres (de la même école de

pensée) que le mot « vérité » dans l’évangile de Jean a pris une importance considérable. Au

point que Jean l’a christologisé. Le Christ est vérité ; cette affirmation n’a pas la raideur d’un

dogmatisme étroit ou d’une doctrine .... ; elle se précise au contraire par le chemin et la vie (Jn

14,6). Autrement dit le Christ met en chemin, un chemin vrai c’est-à-dire un chemin qui

aboutit à un but, la vie.

Par son Incarnation (sa vie véritablement humaine) Jésus dit l’homme en sa réalité

profonde. Il a dit Dieu aux hommes. Car la vérité chez Jean c’est aussi et d’abord, nous

l’avons souligné, le lieu de la révélation, de la manifestation de Dieu. Le Christ a assumé cette

mission de dire Dieu aux hommes : il a révélé le Père (voir les texte de Jn 17). Il est

« l’exégète du Père ». Mais le Christ affirme aussi dans ses discours d’adieux que l’Esprit

conduira les disciples vers la vérité plénière.

b) L’ « Esprit de vérité » Écouter et demeurer dans la Parole

Les dits sur l’Esprit traversent les discours d’adieux (Jn 14 –16), ces discours qui sont

en fait des discours sur l’à-venir des disciples. L’évangile de Jean accorde une place

particulière au rôle de l’Esprit dans la révélation à venir (Jn 16,13). L’Esprit est désormais

celui qui enseigne la communauté, qui l’encourage à écouter la parole et à y demeurer.

L’Esprit de vérité peut ainsi s’entendre de celui qui fait advenir la vérité, qui conduit à

la vérité en Dieu. Nous retrouvons là un axe théologique majeur de Jean : nous ne pouvons

avoir la main mise sur « la vérité ». Elle doit être située dans l’ordre de la foi, c’est-à-dire sur

un registre relationnel. « Être en vérité’, « faire la vérité, « marcher dans la vérité » sous la

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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

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conduite de l’Esprit de vérité, c’est en définitive approfondir la relation de foi à Jésus Christ.

Ce faisant « marcher dans la vérité » est de l’ordre de la réponse croyante : c’est un oui, à la

suite de JC qui lui-même est le oui de Dieu (saint Paul). Qui dit réponse croyante dit réponse

de « fils libre », choix de disciple. C’est la conclusion que l’on peut tirer de Jn 8, sans oublier

de le mettre en relation avec Jn 13 –17 où la réponse dans la foi à JC prend nom d’agapè.

Nous retrouvons la belle tournure emet we hessed (foi et amour) qui fait de la « vérité » une

fidélité ; ce qui nous conduit à terminer cet exposé, par une inclusion sur Jn 1,14.17.

c) Le croyant et la vérité en Jésus Christ (Jn 1,14.17 : « la grâce et la vérité »)

Il est important de redire que la vérité est intrinsèquement liée à l’agapè quand il s’agit

de dire la foi en Dieu par Jésus Christ et dans l’Esprit.

On peut donc affirmer que Jésus Christ est la vérité, le chemin et la vie : ce chemin

c’est la voie de la charité (St Augustin commentant 1 Jn). Cette vérité de chemin, de vie, ne

saurait donc être fixiste. La réflexion sur la vérité qui a été menée dans cette session a

certainement conduit, en tant que chrétiens, vers cette nécessaire expression en binôme(s), de

« grâce et de vérité », « d’amour et de foi ». Elle nous aura aussi amenés à une réflexion sur

nos structures ecclésiales où la recherche de la vérité sans agapè ne devrait pas avoir cours

puisque la vérité, l’Amen c’est Jésus Christ dont nous vivons, l’Amen c’est Jésus Christ que

nous célébrons :

La foi au Christ « Amen » 2 Co 1,17-22 « ... mes projets ne sont-ils que des projets humains, en sorte qu'il y ait en moi à la fois le Oui et le Non ?

18 Dieu m'en est garant: Notre parole pour vous n'est pas Oui et Non.

19 Car le Fils

de Dieu, le Christ Jésus que nous avons proclamé chez vous, moi, Silvain et Timothée, n'a pas été «Oui» et «Non», mais il n'a jamais été que «Oui»!

20 Et toutes les promesses de Dieu ont trouvé leur

OUI dans sa personne. Aussi est-ce par lui que nous disons AMEN à Dieu pour sa gloire. 21

Celui qui nous affermit avec vous en Christ et qui nous donne l'onction, c'est Dieu,

22 lui qui nous a

marqués de son sceau et a mis dans nos coeurs les arrhes de l'Esprit ».

C’est ce Christ Amen que nous célébrons dans la liturgie comme le montre l’Apocalypse.

APOCALYPSE DE JEAN 3,14-15

14 À l'ange de l'Église qui est à Laodicée, écris: Ainsi parle l'Amen, le Témoin fidèle et

véritable, le Principe de la création de Dieu: 15

Je sais tes oeuvres: tu n'es ni froid ni bouillant. Que n'es-tu froid ou bouillant! 19, 4 Les vingt-quatre anciens et les quatre animaux se prosternèrent, ils adorèrent le Dieu qui siège sur le trône et dirent: Amen. Alléluia! 22,20-21

20 Celui qui atteste cela dit: Oui, je viens bientôt. Amen, viens Seigneur Jésus!

21 La

grâce du Seigneur Jésus soit avec tous!

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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

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TEXTES SUR LA « VÉRITÉ »

I . DANS L’ÉVANGILE DE JEAN

Jn 1,14. 17 ; 3,21; 4,23-24 ; 5,33 ; 8,32.40.44-46 ; 14,6.17 ; 15,26 ; 16,7.13 ; 17,17.19 ; 18,37-38

1,14 Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que,

Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père.

1,17 : Si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.

3,21 : 19 Et le jugement, le voici: la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré

l'obscurité à la lumière parce que leurs oeuvres étaient mauvaises. 20

En effet, quiconque fait le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de crainte que ses oeuvres ne soient démasquées.

21

Celui qui fait la vérité vient à la lumière pour que ses oeuvres soient manifestées, elles qui ont été accomplies en Dieu.»

4,23-24 23 Mais l'heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en

vérité; tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père. 24

Dieu est esprit et c'est pourquoi ceux qui l'adorent doivent adorer en esprit et en vérité.»

5,33 31 « Si je me rendais témoignage à moi-même, mon témoignage ne serait pas recevable;

32 c'est

un autre qui me rend témoignage, et je sais que le témoignage qu'il me rend est conforme à la vérité. 33

Vous avez envoyé une délégation auprès de Jean, et il a rendu témoignage à la vérité ».

8,32 vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres.».

8,40 Or, vous cherchez maintenant à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité que j'ai entendue

auprès de Dieu ; cela Abraham ne l'a pas fait..

8,44-46 44 il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas en lui de vérité. Lorsqu'il profère le

mensonge, il puise dans son propre bien parce qu'il est menteur et père du mensonge. 45

Quant à moi, c'est parce que je dis la vérité que vous ne me croyez pas.

46 Qui de vous me convaincra de

péché ? Si je dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas?

14,6 : Je suis le chemin, la vérité et la vie »

14, 17 : 17

C'est lui l'Esprit de vérité, celui que le monde est incapable d'accueillir parce qu'il ne le voit

pas et qu'il ne le connaît pas. Vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous et il est en vous.

15,26 : 26 «Lorsque viendra le Paraclet que je vous enverrai d'auprès du Père, l'Esprit de vérité qui

procède du Père, il rendra lui-même témoignage de moi;

16,7 : 7 Cependant je vous ai dit la vérité: c'est votre avantage que je m'en aille; en effet, si je ne pars

pas, le Paraclet ne viendra pas à vous; si, au contraire, je pars, je vous l'enverrai.

16, 13 : 13 lorsque viendra l'Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière. Car il ne

parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu'il entendra et il vous communiquera tout ce qui doit venir.

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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

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17,17.19 17

Consacre-les par la vérité: ta parole est vérité. 18

Comme tu m'as envoyé dans le

monde, je les envoie dans le monde. 19

Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu'ils soient eux aussi consacrés par la vérité.

18,37-38 37

Pilate lui dit alors: «Tu es donc roi?» Jésus lui répondit: «C'est toi qui dis que je suis roi.

Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix.»

38 Pilate lui dit: «Qu'est-ce que la vérité?»

II. DANS LES TROIS ÉPÎTRES DE JEAN

1 Jn 1,6. 8 ; 2,4.21; 3,18-19 ; 4,6 ; 5,6 2 Jn 1-2 3 Jn 1.3-4.8.12. 1 Jn 1,6-8

6 Si nous disons: «Nous sommes en communion avec lui», tout en marchant dans les ténèbres,

nous mentons et nous ne faisons pas la vérité. 7 Mais si nous marchons dans la lumière comme lui-

même est dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres, et le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché.

8 Si nous disons: « Nous n'avons pas de péché», nous nous

égarons nous-mêmes et la vérité n'est pas en nous.

2,4 4 Celui qui dit: « Je le connais », mais ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité

n'est pas en lui.

2, 21 21

Je ne vous ai pas écrit que vous ne savez pas la vérité, mais que vous la savez, et que rien de ce qui est mensonge ne provient de la vérité.

22 Qui est le menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le

Christ? Voilà l'antichrist, celui qui nie le Père et le Fils.

3,18-19 18

Mes petits enfants, n'aimons pas en paroles et de langue, mais en acte et dans la vérité; 19

à cela nous reconnaîtrons que nous sommes de la vérité, et devant lui nous apaiserons notre coeur,

20 car,

si notre coeur nous accuse, Dieu est plus grand que notre coeur et il discerne tout.

4,6 6 Nous, nous sommes de Dieu. Celui qui s'ouvre à la connaissance de Dieu nous écoute. Celui qui

n'est pas de Dieu ne nous écoute pas. C'est à cela que nous reconnaissons l'Esprit de la vérité et l'esprit de l'erreur. evk tou,tou ginw,skomen to. pneu/ma th/j avlhqei,aj kai. to. pneu/ma th/j pla,nhjÅ

5,6 ... l'Esprit est la vérité o[ti to. pneu/ma, evstin h avlh,qeiaÅ

2 Jn 1-3 1 L'Ancien, à la Dame élue et à ses enfants, que j'aime dans la lumière de la vérité - non pas moi

seulement, mais encore tous ceux qui possèdent la connaissance de la vérité - , 2 en vertu de la

vérité qui demeure en nous et sera avec nous à jamais: 3 avec nous seront grâce, miséricorde, paix,

qui nous viennent de Dieu le Père, et de Jésus Christ, le Fils du Père, dans la vérité et l'amour.

3 Jn 1.3-4.8.12

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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

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1 L'Ancien, à Gaïus, très aimé, que j'aime dans la lumière de la vérité.

2 Cher ami, je souhaite que tu

te portes bien à tous égards, et que ta santé soit bonne; qu'il en aille comme pour ton âme qui, elle, se porte bien.

3 J'ai, en effet, éprouvé une très grande joie, car des frères arrivés ici rendent témoignage

à la vérité qui transparaît dans ta vie: toi, tu marches dans la lumière de la vérité. 4 Ma plus grande

joie, c'est d'apprendre que mes enfants marchent dans la lumière de la vérité.

8 Nous donc, nous devons venir en aide à ces hommes, afin de nous montrer coopérateurs de la

vérité.

12 Quant à Démétrius, tout le monde lui rend un bon témoignage. La vérité elle-même témoigne pour

lui. Mais nous aussi, nous lui rendons témoignage, et tu sais que notre témoignage est vrai.

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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

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Jn 8,12-30

- Proclamation au verset 12

12 Jésus, à nouveau, leur adressa la parole: «Je suis la lumière du monde. Celui qui vient à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres; il aura la lumière qui conduit à la vie.»

- Réplique des Pharisiens

13 Les Pharisiens lui dirent alors: «Tu te rends témoignage à toi-même! Ton témoignage n'est pas recevable! » - Réponse de Jésus qui va préciser la véracité de son « témoignage » qui est « conforme à la vérité

14 Jésus leur répondit: «Il est vrai que je me rends témoignage à moi-même, et pourtant mon témoignage est recevable, parce que je sais d'où je viens et où je vais; tandis que vous, vous ne savez ni d'où je viens ni où je vais. 15 Vous jugez de façon purement humaine. Moi, je ne juge personne; 16 et s'il m'arrive de juger, mon jugement est conforme à la vérité parce que je ne suis pas seul: il y a aussi celui qui m'a envoyé. 17 Dans votre propre Loi il est d'ailleurs écrit que le témoignage de deux hommes est recevable. 18 Je me rends témoignage à moi-même, et le Père qui m'a envoyé me rend témoignage lui aussi.» Interrogation sur « le Père » et réponse de Jésus - 19 Ils lui dirent alors: «Ton Père, où est-il?» - Jésus répondit: «Vous ne me connaissez pas et vous ne connaissez pas mon Père; si vous m'aviez connu, vous auriez aussi connu mon Père.» - Précisions du narrateur : enseignement dans le temple ; l’heure de la passion.

20 Il prononça ces paroles au lieu dit du Trésor, alors qu'il enseignait dans le temple. Personne ne mit la main sur lui, parce que son heure n'était pas encore venue.

- Suite de l’échange qui commence avec une annonce de Jésus qui prend l’allure d’un

jugement critique sur « le péché »

21 Jésus leur dit encore: « Je m'en vais; vous me chercherez, mais vous mourrez dans votre péché. Là où je vais, vous ne pouvez aller.»

- Précision du narrateur sur l’intention de Jésus et donc sur l’incompréhension des Juifs

22 Les Juifs dirent alors: « Aurait-il l'intention de se tuer puisqu'il dit: ‹Là où je vais, vous ne pouvez aller ›?»

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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

33

- Premier « Je Suis »

23 Jésus leur répondit: « Vous êtes d'en bas; moi, je suis d'en haut; vous êtes de ce monde, moi je ne suis pas de ce monde. 24 C'est pourquoi je vous ai dit que vous mourrez dans vos péchés. Si, en effet, vous ne croyez pas que Je Suis, vous mourrez dans vos péchés.» - 25 Ils dirent alors: «Toi, qui es-tu?» - Jésus leur répondit: « Ce que je ne cesse de vous dire depuis le commencement. 26 En ce qui vous concerne, j'ai beaucoup à dire et à juger; mais celui qui m'a envoyé est véridique, et ce que j'ai entendu auprès de lui, c'est cela que je déclare au monde.» - Précision du narrateur sur leur incompréhension 27 Ils ne comprirent pas qu'il leur avait parlé du Père. Deuxième « Je Suis »

28 Jésus leur dit alors: «Lorsque vous aurez élevé le Fils de l'homme, vous connaîtrez que Je Suis et que je ne fais rien de moi-même: je dis ce que le Père m'a enseigné. 29 Celui qui m'a envoyé est avec moi : il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît.» Conclusion du narrateur plutôt inattendue :

30 Alors qu'il parlait ainsi, beaucoup crurent en lui.

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La vérité dans l’évangile de Jean

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34

John 8,31 - 59 : 31-32, 33, 34-38,39-41, 41b-47,48-59. TRADUCTION TOB

31 Jésus donc dit aux Juifs qui avaient cru en lui: «Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes

vraiment mes disciples, 32 vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres.»

33 Ils lui répliquèrent: «Nous sommes la descendance d'Abraham et jamais personne ne nous a réduits

en esclavage: comment peux-tu prétendre que nous allons devenir des hommes libres?»

34 Jésus leur répondit: «En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui commet le péché est

esclave du péché. 35 L'esclave ne demeure pas toujours dans la maison; le fils, lui, y demeure

pour toujours. 36 Dès lors, si c'est le Fils qui vous affranchit, vous serez réellement des

hommes libres. 37 Vous êtes la descendance d'Abraham, je le sais; mais parce que ma parole

ne pénètre pas en vous, vous cherchez à me faire mourir. 38 Moi, je dis ce que j'ai vu auprès

de mon Père, tandis que vous, vous faites ce que vous avez entendu auprès de votre père!»

39 Ils ripostèrent: «Notre père, c'est Abraham.» Jésus leur dit: «Si vous êtes enfants

d'Abraham, faites donc les oeuvres d'Abraham. 40 Or, vous cherchez maintenant à me faire

mourir, moi qui vous ai dit la vérité que j'ai entendue auprès de Dieu; cela Abraham ne l'a pas

fait. 41 Mais vous, vous faites les oeuvres de votre père.»

Ils lui répliquèrent: «Nous ne sommes pas nés de la prostitution! Nous n'avons qu'un seul

père, Dieu!»

42 Jésus leur dit: «Si Dieu était votre père, vous m'auriez aimé, car c'est de Dieu que je suis

sorti et que je viens; je ne suis pas venu de mon propre chef, c'est Lui qui m'a envoyé. 43

Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage? Parce que vous n'êtes pas capables d'écouter

ma parole. 44 Votre père, c'est le diable, et vous avez la volonté de réaliser les désirs de votre

père. Dès le commencement il s'est attaché à faire mourir l'homme; il ne s'est pas tenu dans la

vérité parce qu'il n'y a pas en lui de vérité. Lorsqu'il profère le mensonge, il puise dans son

propre bien parce qu'il est menteur et père du mensonge. 45 Quant à moi, c'est parce que je

dis la vérité que vous ne me croyez pas. 46 Qui de vous me convaincra de péché? Si je dis la

vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas? 47 Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu;

et c'est parce que vous n'êtes pas de Dieu que vous ne m'écoutez pas.»

48 Les Juifs lui répondirent: «N'avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain et un

possédé?» 49 Jésus leur répliqua: «Non, je ne suis pas un possédé; mais j'honore mon Père,

tandis que vous, vous me déshonorez! 50 Je n'ai d'ailleurs pas à chercher ma propre gloire: il

y a Quelqu'un qui y pourvoit et qui juge. 51 En vérité, en vérité, je vous le dis, si quelqu'un

garde ma parole, il ne verra jamais la mort.» 52 Les Juifs lui dirent alors: «Nous savons

maintenant que tu es un possédé! Abraham est mort, et les prophètes aussi, et toi, tu viens

dire: ‹Si quelqu'un garde ma parole, il ne fera jamais l'expérience de la mort.› 53 Serais-tu

plus grand que notre père Abraham, qui est mort? Et les prophètes aussi sont morts! Pour qui

te prends-tu donc?» 54 Jésus leur répondit: «Si je me glorifiais moi-même, ma gloire ne

signifierait rien. C'est mon Père qui me glorifie, lui dont vous affirmez qu'il est votre Dieu. 55

Vous ne l'avez pas connu, tandis que moi, je le connais. Si je disais que je ne le connais pas, je

serais, tout comme vous, un menteur; mais je le connais et je garde sa parole. 56 Abraham,

votre père, a exulté à la pensée de voir mon Jour: il l'a vu et il a été transporté de joie.» 57

Sur quoi, les Juifs lui dirent: «Tu n'as même pas cinquante ans et tu as vu Abraham!» 58

Jésus leur répondit: «En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût, Je Suis.» 59

Alors, ils ramassèrent des pierres pour les lancer contre lui, mais Jésus se déroba et sortit du

temple.

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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

35

Jn 8,31-59

Progression de l’échange en 6 étapes : versets 31-32, 33, 34-38,39-41, 41b-47,48-59.

Étape 1

31:Elegen ou=n o` VIhsou/j pro.j tou.j pepisteuko,taj auvtw/| VIoudai,ouj( VEa.n u`mei/j mei,nhte evn tw/| lo,gw| tw/| evmw/|( avlhqw/j maqhtai, mou, evste 32 kai. gnw,sesqe th.n avlh,qeian( kai. h` avlh,qeia evleuqerw,sei u`ma/jÅ

31 Jésus donc disait aux Juifs qui avaient cru

en lui :

« Si vous vous demeurez dans ma parole,

vraiment vous êtes mes disciples, 32

et vous connaîtrez la vérité

et la vérité vous libèrera ».

Étape 2

33 avpekri,qhsan pro.j auvto,n( Spe,rma VAbraa,m evsmen kai. ouvdeni. dedouleu,kamen pw,pote\ pw/j su. le,geij o[ti VEleu,qeroi genh,sesqe È

33 Ils lui répliquèrent :

« Descendance d’Abraham nous sommes

et personne ne nous (a) réduit(s) en esclavage

jamais

en quel sens dis-tu, toi :

« Vous deviendrez libres » ?

Étape 3

34 avpekri,qh auvtoi/j o VIhsou/j( VAmh.n avmh.n le,gw umi/n o[ti pa/j o poiw/n th.n amarti,an dou/lo,j evstin th/j a`marti,ajÅ 35 o` de. dou/loj ouv me,nei evn th/| oivki,a| eivj to.n aivw/na( o` ui`o.j me,nei eivj to.n aivw/naÅ 36 eva.n ou=n o` ui`o.j u`ma/j evleuqerw,sh|( o;ntwj evleu,qeroi e;sesqeÅ 37 oi=da o[ti spe,rma VAbraa,m evste\ avlla. zhtei/te, me avpoktei/nai( o[ti o lo,goj o` evmo.j ouv cwrei/ evn u`mi/nÅ 38 a] evgw. e`w,raka para. tw/| patri. lalw/\ kai. u`mei/j ou=n a] hvkou,sate para. tou/ patro.j poiei/teÅ

34 Jésus leur répondit: « En vérité, en vérité, je

vous dis : quiconque commet le péché est esclave du péché. 35

Or l'esclave ne demeure pas toujours dans la maison ; le fils, lui, y demeure toujours. 36

Si donc le Fils vous libère(ra) réellement vous serez libres.

37 Je sais que vous êtes la descendance

d'Abraham mais vous cherchez à me tuer parce que ma parole ne pénètre pas en vous,

38 Les choses que moi j’ai vues auprès [de la

part] du Père je (les) dis ; et vous donc, les choses que vous avez entendues auprès [de la part] du Père, vous (les) faites !

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La vérité dans l’évangile de Jean

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Étape 4 39 VApekri,qhsan kai. ei=pan auvtw/|( ~O path.r h`mw/n VAbraa,m evstinÅ le,gei auvtoi/j o` VIhsou/j( Eiv te,kna tou/ VAbraa,m evste( ta. e;rga tou/ VAbraa.m evpoiei/te\ 40 nu/n de. zhtei/te, me avpoktei/nai a;nqrwpon o]j th.n avlh,qeian umi/n lela,lhka h]n h;kousa para. tou/ qeou/\ tou/to VAbraa.m ouvk evpoi,hsenÅ

41 a u`mei/j poiei/te ta. e;rga tou/ patro.j u`mw/n

39 Ils répondirent et lui dirent :

« Notre père, c'est Abraham.»

Jésus leur dit:

« Si vous étiez enfants d'Abraham,

vous feriez les oeuvres d'Abraham.

40 Or, vous cherchez maintenant tuer un homme

qui vous ai dit la vérité

celle que j'ai entendue auprès de Dieu ;

cela Abraham ne l'a pas fait.

41 a

Vous, vous faites les oeuvres de votre père ».

Étape 5

41 b

ei=pan Îou=nÐ auvtw/|( ~Hmei/j evk pornei,aj ouv gegennh,meqa\ e[na pate,ra e;comen to.n qeo,nÅ 42 ei=pen auvtoi/j o` VIhsou/j( Eiv o` qeo.j path.r umw/n h=n hvgapa/te a'n evme,( evgw. ga.r evk tou/ qeou/ evxh/lqon kai. h[kw\ ouvde. ga.r avpV evmautou/ evlh,luqa( avllV evkei/no,j me avpe,steilenÅ 43 dia. ti, th.n lalia.n th.n evmh.n ouv ginw,sketeÈ o[ti ouv du,nasqe avkou,ein to.n lo,gon to.n evmo,nÅ 44 u`mei/j evk tou/ patro.j tou/ diabo,lou evste. kai. ta.j evpiqumi,aj tou/ patro.j u`mw/n qe,lete poiei/nÅ evkei/noj avnqrwpokto,noj h=n avpV avrch/j kai. evn th/| avlhqei,a| ouvk e;sthken( o[ti ouvk e;stin avlh,qeia evn auvtw/|Å o[tan lalh/| to. yeu/doj( evk tw/n ivdi,wn lalei/( o[ti yeu,sthj evsti.n kai. o` path.r auvtou/Å 45 evgw. de. o[ti th.n avlh,qeian le,gw( ouv pisteu,ete, moiÅ 46 ti,j evx u`mw/n evle,gcei me peri. amarti,aj È eiv avlh,qeian le,gw( dia. ti, u`mei/j ouv pisteu,ete, moiÈ 47 o w'n evk tou/ qeou/ ta. r`h,mata tou/ qeou/ avkou,ei\ dia. tou/to u`mei/j ouvk avkou,ete( o[ti evk tou/ qeou/ ouvk evste,Å

41 b

Ils lui répliquèrent: « Nous ne sommes pas nés de

la prostitution!

Nous avons un seul père, Dieu! » 42

Jésus leur dit:

« Si Dieu était votre père, vous m'auriez

aimé,

car moi c'est de Dieu que je suis sorti et que

je viens ;

en effet, je ne suis pas venu de mon propre

chef,

mais celui-là m'a envoyé. 43

Pourquoi ne comprenez-vous pas mon

langage?

Parce que vous n'êtes pas capables d'écouter

ma parole. 44

Vous, vous êtes de (votre) père, le diable,

et vous ce sont les désirs de votre père que

vous voulez faire.

Celui-là était meurtrier (tueur d’homme)

depuis le commencement

et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce

qu'il n'y a pas en lui de vérité.

Lorsqu'il profère le mensonge, il puise dans

son propre bien parce qu'il est menteur et

père (du mensonge). 45

Or quant à moi, puisque je dis la vérité vous

ne me croyez pas. 46

Qui de vous me convaincra de péché?

Si je dis la vérité,

pourquoi vous, vous ne me croyez pas? 47

Celui qui est de Dieu écoute les paroles de

Dieu ;

c'est pourquoi vous, vous n’écoutez pas,

parce que vous n'êtes pas de Dieu ».

Étape 6

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La vérité dans l’évangile de Jean

Session Mont Sainte Odile 2 mars 2009 M. Morgen

37

48VApekri,qhsan oi VIoudai/oi kai. ei=pan auvtw/|( Ouv kalw/j le,gomen hmei/j o[ti Samari,thj ei= su. kai. daimo,nion e;ceijÈ 49 avpekri,qh VIhsou/j( VEgw. daimo,nion ouvk e;cw( avlla. timw/ to.n pate,ra mou( kai. u`mei/j avtima,zete, meÅ 50 evgw. de. ouv zhtw/ th.n do,xan mou\ e;stin o` zhtw/n kai. kri,nwnÅ 51 avmh.n avmh.n le,gw umi/n( eva,n tij to.n evmo.n lo,gon thrh,sh|( qa,naton ouv mh. qewrh,sh| eivj to.n aivw/naÅ 52 ei=pon Îou=nÐ auvtw/| oi VIoudai/oi( Nu/n evgnw,kamen o[ti daimo,nion e;ceijÅ VAbraa.m avpe,qanen kai. oi` profh/tai( kai. su. le,geij( VEa,n tij to.n lo,gon mou thrh,sh|( ouv mh. geu,shtai qana,tou eivj to.n aivw/naÅ 53 mh. su. mei,zwn ei= tou/ patro.j h`mw/n VAbraa,m( o[stij avpe,qanenÈ kai. oi` profh/tai avpe,qanon\ ti,na seauto.n poiei/j È 54 avpekri,qh VIhsou/j( VEa.n evgw. doxa,sw evmauto,n( h` do,xa mou ouvde,n evstin\ e;stin o` path,r mou o` doxa,zwn me( o]n u`mei/j le,gete o[ti qeo.j h`mw/n evstin( 55 kai. ouvk evgnw,kate auvto,n( evgw. de. oi=da auvto,nÅ ka'n ei;pw o[ti ouvk oi=da auvto,n( e;somai o[moioj umi/n yeu,sthj\ avlla. oi=da auvto.n kai. to.n lo,gon auvtou/ thrw/Å 56 VAbraa.m o path.r umw/n hvgallia,sato i[na i;dh| th.n hme,ran th.n evmh,n( kai. ei=den kai. evca,rhÅ 57 ei=pon ou=n oi VIoudai/oi pro.j auvto,n( Penth,konta e;th ou;pw e;ceij kai. VAbraa.m ew,rakajÈ 58 ei=pen auvtoi/j VIhsou/j( VAmh.n avmh.n le,gw umi/n( pri.n VAbraa.m gene,sqai evgw. eivmi,Å - 59 h=ran ou=n li,qouj i[na ba,lwsin evpV auvto,n\ VIhsou/j de. evkru,bh kai. evxh/lqen evk tou/ ierou/

48 Les Juifs lui répondirent et lui dirent :

« N'avons-nous pas raison de dire que toi tu es un

Samaritain et que tu as un démon ?» 49

Jésus leur répondit :

« Je n’ai pas de démon,

mais j'honore mon Père,

tandis que vous, vous me déshonorez.

50

Or, moi je ne cherche pas ma gloire:

il en est un qui la cherche et qui juge. 51

En vérité, en vérité, je vous le dis,

si quelqu'un garde ma parole,

il ne verra jamais la mort.» 52

Les Juifs lui dirent alors:

« Maintenant, nous savons maintenant que tu as

un démon

Abraham est mort, et les prophètes aussi,

et toi, tu dis:

‘ Si quelqu'un garde ma parole,

il ne goûtera jamais la mort’.

53

Serais-tu plus grand que notre père

Abraham, qui est mort?

Et les prophètes aussi sont morts!

Qui te fais-tu toi même ?

54 Jésus leur répondit:

« Si je me glorifie moi-même,

ma gloire n’est rien.

C'est mon Père qui me glorifie,

lui dont vous affirmez qu'il est notre Dieu. 55

Vous ne l'avez pas connu,

tandis que moi, je le connais.

Si je disais que je ne le connais pas,

je serais, tout comme vous, un menteur;

mais je le connais et je garde sa parole.

56

Abraham, votre père, a exulté

de voir mon Jour

et il vit et il fut dans la joie ». 57

Sur quoi, les Juifs lui dirent :

«Tu n'as même pas cinquante ans

et tu as vu Abraham!» 58

Jésus leur répondit:

« En vérité, en vérité, je vous le dis,

avant qu'Abraham fût,

Je Suis.»

- 59

Alors, ils ramassèrent des pierres

pour les lancer contre lui,

mais Jésus se déroba et sortit du temple.