L’appropriation des outils de gestion
Séminaire du 8 octobre 2018
Amaury GRIMAND
Professeur des Universités
LEMNA (EA 4272) - IAE de Nantes
La prolifération des outils de gestion
Le point de départ de notre réflexion : la prolifération des outils de gestion
(Ségrestin, 2004 ; Moisdon, 2005 ; Aggeri & Labatut, 2012) qui investissent de
nouveaux espaces d’action : la santé, la culture, l’économie sociale, l’université …
Une hyper-instrumentation qui s’accompagne d’effets inattendus
• Echecs répétés d’instruments réputés modernes
• Outils à la destinée fatale : abandon, rejet, utilisation sous-optimale….
• Usages émergents, imprévus, voire détournements d’usages
Les outils de gestion, point aveugle de la recherche en gestion jusqu’au début des
années 1980. Deux positions antagonistes :
La première, qui investit les outils de gestion de toute puissance, en fait le
prolongement de la volonté managériale
La seconde qui s’en désintéresse pour ne voir que jeux d’acteurs et rapports
sociaux
La prolifération des outils de gestion
Une résurgence de travaux puisant à différentes sources d’inspiration :
ergonomie, sociologie de la traduction, approches structurationnistes, socio-
matérialité …
… mais tous animés par une critique de la raison instrumentale
Marcel MAUSS : un objet technique doit être étudié :
• En lui-même
• Par rapport aux acteurs qui s’en saisissent
• Par rapport à l’éco-système dans lequel il s’inscrit
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Quel(s) rôle(s) jouent les outils de gestion dans l’action collective : Vecteur de
conformation des comportements ? Levier d’apprentissage et/ou de réflexivité ?
Vecteur de légitimation ?
Quelle influence, directe ou indirecte, exercent-ils sur les processus de décision ? De
changement ? D’apprentissage ? D’innovation ?
Quelles sont les conditions de leur appropriation par les acteurs ?
Comment interpréter les détournements dont ils font l’objet ?
Comment piloter le déploiement des outils de gestion en organisation ? Quel rôle
peut jouer le management, notamment intermédiaire, dans ce processus ?
Etudier la dynamique de l’action collective à
travers le prisme des outils de gestion
Des jalons pour une représentation de l’outil …
Sens commun : L’outil est le « moyen, instrument qui sert à réaliser une entreprise,
à accomplir une action » (Girodet, 1976)
En sciences de gestion :
- « tout schéma de gestion reliant de façon formelle un certain nombre de variables
issues de l’organisation et destinées à instruire les divers actes de la gestion :
prévoir, décider, évaluer, contrôler » (Moisdon, 1997)
- « tout dispositif formalisé permettant l’action organisée » (David, 1996)
L’ambivalence des outils de gestion :
5
contraignant l’action des
individus ……. tout en habilitant et
développant leur pouvoir d’agir
créateur de nouvelles
connaissances …
…. mais aussi de nouvelles
relations entre acteurs
Des jalons pour une représentation de l’outil …
Une grille pour interpréter les causes d’essoufflement des outils :
Focalisation sur le seul substrat technique entrainant ritualisation et
autonomisation de l’outil
Sous-estimation de la capacité de réappropriation des outils par les acteurs
Absence de cohérence entre philosophie gestionnaire, support formel,
distribution des relations entre acteurs
Absence de contextualisation de l’outil
PHILOSOPHIE GESTIONNAIRE
VISION SIMPLIFIEE DES
RELATIONS ENTRE ACTEURS
SUBSTRAT
TECHNIQUE
Contexte organisationnel
Contexte institutionnel
L’appropriation …
Selon le sens commun se réfère à l’action de « rendre propre à usage, une
destination »
L’appropriation signale tout à la fois :
• Une maitrise cognitive croissante de l’objet technique, une intégration
significative de cet objet dans les routines de l’acteur (Proulx, 2001)
• Une dimension de création, de nouveauté rendue possible par l’usage
de cet objet (Alter, )
• « Un processus interprétatif, de négociation et de construction du sens
à l’intérieur duquel les acteurs questionnent, élaborent, réinventent les
modèles de l’action collective » (Ségrestin, 2004)
L’appropriation revisitée par Gaston Lagaffe
(D’après Bruno Latour)
L’appropriation revisitée par Gaston Lagaffe
(D’après Bruno Latour)
La critique de la raison instrumentale (1) …
CONCEPTION REPRESENTATIONNISTE
•La diffusion d’un outil est un
processus linéaire, prévisible
•Il y a une césure entre conception
•et usage des outils
•L’essentiel est dans la qualité de
conception initiale de l’outil
•L’outil influence, oriente, prescrit
•les comportements
•L’outil a vocation à représenter
•le réel
•L’acteur est extérieur à l’outil
•Les usages non-prescrits relèvent
•de la transgression
•L’usage de l’outil est animé par un enjeu
de rationalisation de l’action managériale
PERSPECTIVE APPROPRIATIVE
•La diffusion d’un outil est un
processus chaotique
•Conception et usages des outils sont
indissociables
•L’essentiel est dans la dynamique
d’appropriation de l’outil
•L’outil est simultanément habilitant et
contraignant
•L’outil a vocation à impulser un
engagement dans l’action
•L’acteur s’approprie l’outil
•Toute appropriation génère des
usages émergents, imprévus
•L’usage de l’outil procède d’enjeux de
pouvoir, identitaires, symboliques
Critique de la raison instrumentale (2) : la fiction de la prescription
totale et du pilotage automatique de l’organisation par les outils
Le romancier Borges narre la fabrication
d’une carte dont on augmente
progressivement l’échelle jusqu’à ce qu’elle
soit équivalente au territoire (soit une échelle
de 1). Or, à cette échelle :
Non seulement la carte n’est d’aucune
utilité (elle devient impossible à
manipuler)
Mais, de surcroît, elle ne peut davantage
être confondue avec le territoire ! (elle
reste un modèle simplifié du réel)
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Critique de la raison instrumentale (3)
Outils de gestion et capacité d’action
La qualité d’un outil de gestion est moins liée à son exactitude qu’à sa capacité à
impulser un engagement dans l’action (Weick, 1995)
Une anecdote éclairante : La destinée miraculeuse d’un détachement de soldats
hongrois dans les Alpes
•Au cours de manœuvres dans les Alpes suisses, le jeune lieutenant d’un petit détachement hongrois dépêche une unité de reconnaissance dans une zone sauvage et glacée. Il se met immédiatement à neiger après le départ du groupe. La neige continue de tomber pendant deux jours. Comme l’unité ne revient toujours pas, l’officier est persuadé d’avoir envoyé ses hommes à la mort. Le troisième jour pourtant, l’unité réapparaît. L’un des soldats rescapés affirme qu’ils doivent leur salut à une carte trouvée miraculeusement dans la poche de l’un d’entre eux. L’officier examine la carte. Quelle n’est pas sa surprise quand il constate que la carte ne représente pas les Alpes mais les Pyrénées !
Même un outil ‘faux’ peut être source d’apprentissage car il favorise un engagement dans l’action, un surcroît d’implication, pousse les acteurs à être attentifs les uns aux autres, permet de faire émerger la figure du leader, celui qui a la carte
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Quatre regards pour penser l’appropriation des outils de gestion
INSTRUMENTAL SOCIOPOLITIQ
UE
COGNITIF SYMBOLIQUE
VISION DE L’APPROPRIATION
L’appropriation
comme vecteur de
rationalisation de
l’action managériale
L’appropriation
comme
expression du
jeu social
L’appropriation
comme
processus
d’apprentissage
L’appropriation
comme processus
de construction
du sens
ENJEUX DOMINANTS
Un enjeu de
prescription et de
standardisation des
comportements
Un enjeu dans la
structuration
des rapports
sociaux
Une source de
réflexivité sur sa
propre pratique
Un vecteur
identitaire
Une source de
légitimation de
l’action
MECANISME DE REGULATION DOMINANT
Régulation de
contrôle
Régulation
conjointe
Régulation
conjointe
Régulation
autonome
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Les outils de gestion comme support
d’apprentissage organisationnel
L’opportunité d’un suivi longitudinal sur plus de 4 ans de la mise en œuvre de
la norme ISO 26 000 au sein du groupe FLEURY-MICHON.
Une norme qui s’avère un puissant levier d’apprentissage organisationnel :
- un vecteur de décloisonnement et de transversalité dans une entreprise où
domine une culture de silos fonctionnels et le poids des directions
opérationnelles
- une ouverture plus large aux parties prenantes externes notamment les
clients (Cf. dispositif « Venezvérifier » permettant à un panel de clients de
suivre toute la chaine de production du Surimi)
- l’opportunité de réactualiser un modèle culturel peu enclin à communiquer à
l’externe
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La dimension symbolique des outils
De l’usage de la planification stratégique dans une PME en hypercroissance :
- « Je crois beaucoup plus dans les événements extérieurs que dans les
business plan. Les business plan sont toujours des choses assez rigolotes. On
en a besoin parce que c’est une espèce de guide, mais la réalité est tout à fait ailleurs » (PDG)
- « Les plans à 5 ans, on les construit parce qu’il faut qu’on les construise. Parce
qu’on a en face de nous des gens qui sont habitués à voir des business à 5
ans. Et évidemment, on les construit de façon à ce qu’ils soient articulés
logiquement et bien crédibles » (Contrôleur de gestion)
Un usage symbolique à des fins de légitimation
15
La dimension symbolique des outils …
Un usage purement rhétorique : le cas
des méthodes de planification (PERT)
dans le cadre du projet militaire américain
POLARIS
L’outil dans les faits ne fut jamais utilisé;
s’il joua un rôle important, ce fut parce
que les décideurs politiques externes au
projet crurent que l’outil, modèle de
rationalité, était utilisé…
Une exploration croisée des outils par l’organisation et de
l’organisation par les outils
OUTILS ORGANISATION
Transformation de la structure, des pouvoirs, de la culture
et des systèmes de croyances, etc.
Altération des caractéristiques de
l’outil, révision des objectifs, etc.
Pour que ce cercle vertueux opère, il s’agit de trouver la bonne distance :
Une distance trop forte entre l’outil et l’organisation risque de disqualifier
d’emblée l’outil
Une distance trop faible amoindrit la capacité de l’outil à initier un processus
d’apprentissage et de changement
En guise de conclusion provisoire…
« On peut imaginer une autre logique pour la poursuite du développement du
nouvel outillage gestionnaire, une logique qui créerait une concomitance et des
renforcements mutuels entre le processus de conception instrumentale et celui
de fixation des modalités d’usage, qui serait fondée sur l’organisation d’une
interactivité continue entre les parties prenantes, notamment les professionnels,
et qui consisterait à exploiter au mieux les ‘boucles de retour’ entre les
expériences vécues à la base et l’affinement progressif des modèles d’action »
(J.Cl. Moisdon, 2005).
- Illustration empirique 1 -
Appropriation du changement : la trajectoire
chaotique d’un dialogue de gestion
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Le point de départ de notre réflexion
L’opportunité d’une recherche-intervention s’inscrivant dans le cadre du
déploiement de la nouvelle vision stratégique d’EDUTEL, organisme public de
formation.
Une trajectoire organisationnelle et stratégique chaotique :
• baisse continue des effectifs inscrits, rapport de la Cour des Comptes
• une contexte de changement radical : transition d’un modèle centré sur l’édition
papier à un modèle centré sur une offre numérique d’enseignement à distance et
une logique de services à l’apprenant
• des relations complexes et instables entre le siège et les 8 sites délocalisés :
transition brutale d’une structure balkanisée à une reprise en mains par le siège
puis le développement d’une structure matricielle …
Une vision stratégique qui peine à s’incarner dans les faits et semble
faiblement appropriée sur les sites.
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Le point de départ de notre réflexion
Ce blocage dans la diffusion de la nouvelle vision stratégique est rapporté par
l’équipe de direction à deux points essentiels :
- un déficit de culture managériale et un manque de professionnalisation de
la ligne hiérarchique
- un manque de loyauté de la part des directeurs de site et de leurs chefs de
service
Le déploiement d’une instrumentation de gestion s’incarnant dans un outil pivot - le
dialogue de gestion (accompagné d’autres outils de reporting) - est la réponse
apportée à cette double problématique. Il s’agit de traduire la vision stratégique en
objectifs opérationnels pour les sites afin de faciliter son déploiement tout en
contractualisant la relation entre le siège et les sites
Or, après une année d’expérimentation, et en dépit d’une adhésion de principe
(stabiliser la relation entre siège et sites, limiter la concurrence inter-sites, faciliter la
traduction opérationnelle de la stratégie…) le dialogue de gestion ne semble pas
avoir produit les effets escomptés
21
Une logique de recherche-intervention
Une logique de recherche-intervention collective (4 enseignants-chercheurs),
une mise en visibilité de la recherche au travers d’un comité de pilotage
Un objectif dual de production de connaissances et de changement
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• Explorer les tensions les conflits
de rôles des managers publics
• Explorer le rôle des outils de
gestion dans l’appropriation d’une
vision stratégique
• Développer une culture
managériale en lien avec la
nouvelle vision stratégique
Design de la recherche
Temps 1 - Socialisation des chercheurs
• 3 entretiens avec responsables du projet
• Formalisation du projet
• Présentation du projet en CODIR
Temps 2 - Réalisation de 42 entretiens
semi-directifs
• Auprès équipe de direction
• Auprès des directeurs métiers (DM)
• Auprès des directeurs de site (DS) et de
• leurs N-1 & N-2
Temps 3 - Restitution des résultats
• Auprès du DG, du DGA puis
du comité de direction
Données collectées :
• 800 pages de verbatims
• Plusieurs dizaines de mails
• Nombreux contacts formels et
informels
• Données secondaires
Analyse des données : analyse
thématique émergente
• Restitution d’une monographie
pour chaque site
• Analyse inter-cas
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Un outil à la destinée fatale…
La confrontation de deux philosophies gestionnaires :
• Pour l’équipe de direction et les directions métiers, un accent exclusif porté sur la
dimension contraignante, voire disciplinante de l’outil :
« L’asymétrie directions métiers/sites n’est pas assumée (…) Cette situation est
problématique car elle amène les acteurs des sites à négocier les décisions des
directions métiers et lorsque la décision est imposée, elle entraine des tombereaux
de reproches » (DM)
• Pour les acteurs sur les sites, un accent porté sur la dimension habilitante de l’outil :
ce dernier est censé participer d’une logique de responsabilisation des sites et
clarifier leurs marges de manœuvre
• La confrontation de ces deux philosophies gestionnaires, faute d’être régulée et mise
en débat, devient rapidement conflictuelle L’outil devient le vecteur de rapports de
force (à tel point que certains directeurs métiers en viennent à formuler les objectifs
opérationnels en lieu et place des directeurs de site).
• « On a essayé d’expliquer pourquoi tel objectif était impossible à mettre en œuvre et,
au final, on le retrouve dans le contrat d’objectifs. C’est pas du dialogue ça ! »
• « Le dialogue de gestion sert à légitimer des décisions qui ont déjà été prises en
amont par les directions métiers »24
Un outil à la destinée fatale…
Une vision du dialogue de gestion portée par l’équipe de direction et les directions
métiers qui porte la marque d’une conception représentationniste :
• Focus sur la conception de l’outil plutôt que ses modes d’usage
• L’outil est conçu comme un vecteur de prescription/d’alignement des comportements
• Son appropriation est pensée comme non problématique
• Focus sur le substrat technique à l’exclusion des deux autres volets (absence de
débat sur la philosophie gestionnaire et les relations entre acteurs)
Au final :
• Renforcement de la stigmatisation des sites
• Exacerbation des relations de défiance réciproque entre le siège et les sites
• Occultation de problématiques organisationnelles plus larges
• « Si les décisions sont contestées, c’est qu’à un moment donné la chaîne
hiérarchique ne joue pas son rôle. Les cadres ne portent pas. Toute décision ! Une
décision qui est prise on discute avant la décision, mais quand c’est décidé, c’est
décidé. Point. On ne livre pas ces états d’âme, on ne cherche pas à torpiller, à
contourner » (SG)25
- Illustration empirique 2 -
L’appropriation des démarches GPEC dans les
entreprises françaises au prisme des accords GPEC
26
La gestion des compétences ou la prégnance
d’un modèle instrumental
Une critique de la vision implicite des outils de gestion sous-tendant les
démarches « compétences » (Antoine et al. , 2006 ; Masson et Parlier, 2006)
Conception figée de l’instrumentation de gestion des compétences
Caractère unilatéral des démarches adoptées
Défaut de contextualisation
Absence d’articulation avec les autres pratiques/outils de GRH
Prétention à l’exhaustivité des outils :
« Le déni de réalité que constitue la croyance en la possibilité de remplacer le
travail ou de le prescrire complètement et qui prévaut aujourd’hui largement dans
la conception des systèmes techniques, organisationnels ou gestionnaires, est à
l’origine de toutes les souffrances au travail, de nombre d’incidents ou d’accidents,
et bien souvent de contre performances économiques » (Freyssenet, 1994)
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L’appropriation des démarches compétences dans les
entreprises françaises au prisme des accords GPEC
Projet DARES (en partenariat avec le groupe de conseil Alpha)
Thématique de l’appel d’offres : Les accords GPEC : réalités et
stratégies de mise en œuvre
Enjeux :
• Appréhender les attentes des différentes parties prenantes en présence
• Evaluer le contenu des accords et leurs effets sur : 1) le statut de la fonction
RH et les politiques RH, 2) l’intégration GRH-stratégie, 3) le dialogue social
• Analyser le processus de déploiement et la dynamique d’appropriation des
accords GPEC
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Méthodologie
Une commande de la DARES, division
Recherche Etudes et Statistiques du
Ministère du Travail (Janvier 2011-Juin
2012)
« Accords d’entreprise sur la GPEC :
réalités et stratégies de mise en œuvre »
Un partenariat entre un laboratoire de
recherche et une structure de conseil
spécialisée dans l’accompagnement des
restructurations (groupe ALPHA)
Réalisation de 12 monographies
d’entreprises ayant conclu un voire
plusieurs accords GPEC
SECTEUR ENTREPRISES
BanqueBankpro
Septentrion
Grande
Distribution
Luckydistrib
Distrigroup
Hautes
Technologies
Aerosec
Micro
EnergiePanaflam
Rayona
Automobile
Armauto Andrauto
Omega Diesel
Systems
TerritoireEgal
Detache29
Méthodologie
Un corpus de près de 130 entretiens avec les parties prenantes à l’accord
couplé à une analyse du contenu des accords et des données secondaires (bilans
sociaux, rapports GPEC, rapports sur la parité hommes/femmes, etc.)
Analyse thématique sur l’instrumentation de GPEC support de l’accord : nature
de l’instrumentation, finalités projetées à son endroit, modalités de sa conception,
effets sur les pratiques et le système de GRH, ruptures intervenues dans sa
conception/mise en œuvre, dynamique de son appropriation
Mobilisation d’un cadre d’analyse contextualiste (Pettigrew, 1985)
Contexte
ProcessusContenu
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Bankpro, une histoire mouvementée …
Une banque moyenne, filiale de l’état hollandais, combinant une offre
sectorielle de financements sur des secteurs typés (cinéma, santé, etc.) et
une gestion des patrimoines entrepreneuriaux associés à ces activités
1143 salariés (dont 2/3 de cadres) se répartissant entre la banque proprement
dite et 3 filiales de gestion d’actifs
Deux plans sociaux, menace de dépeçage en 2008 par un trio de prédateurs,
nationalisation par l’état hollandais et re-privatisation à venir !
Accord GPEC signé en 2008 par l’ensemble des organisations syndicales
Un levier de réorganisation : rapprochement des activités de banque privée et
de banque d’entreprise et développement de la polyvalence
Un levier de réactualisation de la culture interne
Un levier pour sortir des chemins ritualisés du dialogue social
31
Première phase de déploiement du référentiel :
les limites d’une rationalité instrumentale (1)
Une visée de rationalisation des pratiques de GRH adossée à la construction du
référentiel des métiers et des compétences
Un statut d’outil pivot, une mise en cohérence des pratiques de GRH
alimentation du plan de formation par l’analyse des écarts entre compétences
requises et compétences prouvées
dynamisation de la mobilité par l’analyse des proximités de compétences inter-
métiers
instauration d’un cadre de cohérence pour l’entretien annuel
Une entrée par les métiers sensibles vecteur d’alignement avec la stratégie et
source de priorisation des actions GPEC
métiers fondamentaux pour le développement de la rentabilité, métiers dont les
besoins en effectifs sont appelées à subir de fortes variations, métiers impliquant
des actions de transfert des compétences, métiers en tension pour lesquels l’offre
de main d’œuvre est réduite, métiers exposés aux évolutions technologiques,
réglementaires ou organisationnelles
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Première phase de déploiement du référentiel :
les limites d’une rationalité instrumentale (2)
Un mode centralisé d’élaboration du référentiel en commission GPEC
Un bilan en demi-teinte :
La commission GPEC lieu pertinent d’élaboration du référentiel ?
Une focalisation sur l’outil plutôt que la qualité de son appropriation
Un modèle individualisant de GRH qui peine à s’inscrire dans les faits
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Deuxième phase de déploiement du référentiel :
une dynamique d’appropriation favorable
Un pilotage déconcentré de la démarche qui permet de travailler par grande
division avec le RRH concerné, des représentants des partenaires sociaux, des
managers
Un processus itératif, un fonctionnement en mode projet
Une GPEC maison, un souci de contextualisation
une volonté de se détacher des référentiels de la branche
une conscience aigue des plans sociaux antérieurs, une volonté de prévenir
tout risque d’assimilation GPEC-PSE
une co-production de l’instrumentation de GPEC
des dispositifs d’accompagnement différenciés selon les populations
Des représentants syndicaux dotés du « regard métier » et de la légitimité
nécessaire
Le SIRH comme outil de mise en visibilité de l’accord GPEC
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L’outil référentiel,
support d’apprentissage organisationnel
Un vecteur de légitimité pour les Responsables Ressources Humaines :
« Les RRH se sont fait connaître des partenaires sociaux; ils sont rarement, sauf en
cas de litige avec un collaborateur, en première ligne. Ils ont pu discuter avec leurs
collaborateurs, décortiquer les métiers (…) Ca a modifié leur statut, ça a
modifié très fortement leur connaissance de leur périmètre et des métiers exercés
dans leur périmètre »
Une décentralisation et un décloisonnement de la fonction RH
Une source de réflexivité
• des trajectoires de mobilité non-anticipées
• la réactualisation du modèle culturel
• la mise en visibilité des choix stratégiques
L’apprentissage de nouveaux rôles pour les représentants syndicaux. Un pôle
syndical dominant évoluant vers un syndicalisme :
• de partenariat avec la direction sur un projet de GPEC partagé
• de services rendus aux salariés en matière d’accompagnement professionnel
• d’implication dans le contenu, les outils et la mise œuvre de la GPEC
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Tensions & paradoxes
Un processus chronophage d’actualisation du référentiel qui risque de
miner à long terme la dynamique d’implication des acteurs
Un risque d’instrumentalisation de l’outil référentiel ?
Absence de visibilité sur les moyens alloués à la GPEC
Une articulation problématique avec les autres accords
Une prise de responsabilité et de risque pour les acteurs syndicaux
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Conclusion
L’outil : un vecteur de rationalisation mais aussi un élément structurant des
relations entre acteurs
Une dynamique d’appropriation qui fait émerger de nouveaux espaces
de discussion notamment entre RRH et managers, direction et
organisations syndicales
Un enjeu majeur des accords GPEC est leur capacité à faire émerger de
nouvelles figures d’acteurs (Dietrich et Parlier, 2007)
Une exploration croisée de l’outil par l’organisation et de l’organisation
par l’outil
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Prolongements …
Quid de l’articulation de l’outil avec un
système d’outils existant ? Des
interactions et effets système entre outils ?
Quels modèles pour le déploiement des outils de gestion ?
Quels rôles pour le management de proximité dans ce cadre ?
Quelles conséquences pour l’enseignement des outils de gestion ?
38
Les modèles d’implémentation d’un outil de gestion (David, 1998)
39
MODÈLE CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES
Modèle
technocratique
Les efforts portent exclusivement sur le contenu de
l’outil de gestion. Il y a une coupure très nette entre
conception et mise en œuvre. Les concepteurs sont
persuadés qu’ils ont une bonne représentation des
besoins des utilisateurs
Modèle de la
conquête
L’outil est développé par la base ou des managers
intermédiaires, de façon officieuse. Les acteurs tentent
alors de faire valider leur innovation par la hiérarchie
pour le cas échant favoriser sa diffusion à une échelle
plus large
Modèle politique
La conception initiale de l’outil est relativement
sommaire (définition d’un cadre de cohérence ou de
principes directeurs). L’accent est mis sur l’implication
des futurs utilisateurs
Modèle de
l’expérimentation
La hiérarchie décide d’expérimenter localement un outil
de gestion, le plus souvent sur un site pilote
ADAPTATION
Contextualisation de
l’outil / stratégie,
modes d’organisation,
culture, caractéristi-
ques des utilisateurs
- Anticiper les points
de blocage dans la
dynamique
d’appropriation
- Orienter cadre
d’apprentissage par des
actions de formation et
de communication
ENRICHISSEMENT
Enrichissement délibéré
du spectre d’usages de
l’outil et/ ou extension à
d’autres catégories
d’utilisateurs
- Concevoir de nouveaux
usages et/ou nouvelles
catégories d’utilisateurs
INTEGRATION
Articulation de
l’outil à d’autres
outils/ pratique afin
de développer les
effets système
- Evaluer l’impact de
l’outil sur les autres
outils/ pratiques
REGULATION
Prise en compte des
usages imprévus
émergents
- Sélectionner ex
post les meilleures
initiatives locales
- Concevoir les
dispositifs pour gérer
l’interaction entre
phases de conception
et d’usage RH …
LE MANAGEMENT DU PROCESSUS D’APPROPRIATION
ROLE DU MANAGEMENT / DYNAMIQUE D’APPROPRIATION