LES AMIS DE RAOUL SALAN
LE BULLETIN
3EME TRIMESTRE 2012
ASSOCIATION «LES AMIS DE RAOUL SALAN»24, rue alain Chartier - 75015 Paris - www.salan.asso.fr - [email protected]
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- Hommage à Yan Hustaix
- Nos adhérents ont publié . Jean-Gilles Malliarakis : Pour une libération fiscale . Michel de Crousnilhon : De Gaulle, le général-président . Roger Holeindre : C’était des hommes
- L’autre visage d’Edmond Michelet, par Bernard Zeller, avec une préface de Michel Déon
- Retour à la Maison Centrale de Clairvaux
- Le colonel Vaudrey - Les accords OAS-FLN vus par le colonel Godard, première partie
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Adresse postale : 7 rue Calvin 18000 Bourges
La vie de l’association
Hommage à Yan Hustaix
Yan Hustaix fait partie de ces nombreux officiers – jeunes mais riches d’une
expérience acquise en 1944-45, en Indochine et en Algérie – qui ont vu leur
vocation brisée par les retournements et les travers de la politique des
dirigeants de la France. Il est décédé en juin 2012 à Ossès dans les Pyrénées
Atlantique, où il s’était retiré. Yan, de son vrai nom, Jean Charles René est né
le 3 août 1925. Il passe son bac au lycée de Marrakech en 1943, son père y
commandant un régiment de chasseurs d’Afrique. Il répond à l’appel du
général Leclerc qui constitue la 2ème Division Blindée. Il s’entraîne en
Angleterre puis, après le débarquement de la division dans le secteur d’Utah
Beach, le 1er août1944, participe aux très durs combats de réduction par le sud
de la poche de Falaise, avec pour objectif Argentan et pour forces adverses la division blindée de la
Waffen SS- HitlerJugend.
Yan Hustaix, à bord de son Sherman baptisé "Luxembourg", entre dans Paris le 24 août. En
descendant la rue Saint-Jacques, son char est atteint par un tir qui endommage gravement le tube de
son canon ce qui le laisse fort marri en cette journée historique. Il est à la porte de l’hôtel Meurice, rue
de Rivoli, le même jour, quand le général Choltitz se rend et en sort pour être conduit à la gare
Montparnasse devant Leclerc.
Par la suite, Yan Hustaix est très grièvement blessé alors qu’il progresse vers Strasbourg avec la 2ème
D.B. Une balle lui traverse la nuque entre le cerveau et le cervelet. Il est laissé pour mort mais est,
providence, recueilli dans un hôpital de campagne américain où il est soigné. Après sa convalescence
et après l’armistice, Yan, qui souhaitait faire des études de médecine, y renonce. Après un séjour en
Indochine, il présente le concours de Saint-Cyr et est reçu dans la promotion 1948-1950 qui prend le
Le village d’El Isri et sa S.A.S.
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nom de "Général Frère". Cette promotion comptera 57 morts pour la France et donnera un chef d’état-
major de l’armée de terre, le général Forray, et un chef d’état-major des armées, le général Maurice
Schmitt. Yan Hustaix choisit l’Arme Blindée Cavalerie et Saumur.
En Algérie, il est affecté tout d’abord au 1er Groupement de Commandos Parachutistes de Réserve
Générale et se bat en Kabylie.
Le capitaine Yan Hustaix dans le village d’El Isri : qu’est devenu cet homme auquel la France a remis un fusil ?
Affecté au 1er régiment d’infanterie de marine, il est volontaire pour les Sections Administratives
Spécialisée et rejoint celle d’El Isri où, en 1960, il est promu au choix au grade de capitaine. Lors du
coup d’Alger d’avril 1961, il se rend à Alger et en revient avec pour mission de s’assurer de la
personne du général Simon, commandant la zone Est-Algérois, opposé au mouvement dirigé par le
général Challe. Entretemps, celui-ci a disparu, déguisé en caporal aviateur. Arrêté, Yan Hustaix passe
en jugement les 1er et 2 août 1961 devant le tribunal spécial militaire en compagnie du colonel Roca1,
du commandant Lousteau, du capitaine Ziegler et de l’aspirant Mugica2. Il est condamné à trois ans de
prison avec sursis et, de ce fait, exclu de l’armée.
Une dizaine d’années plus tard, Yan se retrouve à SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs),
d’abord aux relations extérieures, puis dans sa filiale SNPE Ingénierie et enfin à sa Division Défense
et Espace. Il y fait merveille dans les pays de l’Asie de l’Est, souvent en collaboration avec d’anciens
officiers français qui s’y sont établis. En 1990, il prend sa retraite mais continue à travailler dans des
échanges commerciaux avec des pays asiatiques. Il décède en juin 2012 dans sa quatre- vingt-septième
année. Il était commandeur de la Légion d’honneur.
J’ai personnellement très bien connu Yan Hustaix et en garde le souvenir d’un homme à la fois
efficace dans le travail et profondément bon, alliance rare s’il en est. Bernard Zeller
1 Le colonel Roca avait pris le commandement de la ZEA à la demande du général Challe en substitution au
général Simon 2 Après un passage dans l’O.A.S., devenu médecin, le docteur Mugica a été le pionnier, reconnu mondialement,
de la cardio-stimulation
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Nos adhérents ont publié
Jean-Gilles Malliarakis a le don de mettre le doigt là où
cela fait mal, très mal. Son ouvrage, écrit avant l’élection
présidentielle, est encore plus d’actualité aujourd’hui alors
qu’une majorité de Français est détenue dans une prison
fiscale dont les barreaux n’ont cesse de se resserrer. Non
content d’émettre un diagnostic fouillé et sûr, J.G.
Malliarakis ébauche des propositions réalistes de réformes
visant, en premier lieu à réduire la dépense publique et
dont l’objectif est de redonner à la France la liberté
d’action totalement obérée actuellement par l’énormité de
la dette du pays. C’est une question de volonté, substance
particulièrement rare dans la classe politique.
Editions du Trident, 39 rue du Cherche Midi Paris, 75006,
200 p., 2012, 20 € port compris
Michel de Crousnilhon n’est ni "pied-noir", ni militaire. Il
n’a pas combattu en Algérie, il a été cadre supérieur dans
une très grande banque. Tout pour être un bon bourgeois
opportuniste, donc gaulliste quand il fallait l’être. Or son
livre est un réquisitoire impitoyable sous une forme
policée. Son grand intérêt est de considérer globalement
les actes de Charles De Gaulle, de 1914 à 1968, plutôt
que de se focaliser sur une période particulière. Cela évite
le "saucissonnage" permettant, à certains, de séparer
artificiellement le "bon" De Gaulle de 1940 du "mauvais"
De Gaulle de l’Algérie et réciproquement. C’est le même
homme. Autre intérêt majeur, la riche documentation et
les annexes, chronologiques, biographiques, et pour finir
un "Et si.." à la fois savoureux et intellectuellement
stimulant. Les Presses du Midi, 345 p. 2012, 22 €
Voici un livre qui nous touche à double titre, parce qu’il
parle des hommes de l’Indochine et parce que sa préface est
signée Yves Gignac. Elle figurera dans l’hommage au
fondateur de l’association publié dans le prochain numéro de
ce bulletin. Le sous-titre explicite clairement l’objet de
l’ouvrage : Histoire vraie de la guerre d’Indochine. Faisant
appel aux témoignages de soldats ayant combattu en
Indochine, l’ouvrage mêle documents originaux et récits de
guerre. La lettre du général de Lattre de Tassigny au général
Salan sur les enjeux de civilisation de cette guerre, lue avec
un recul de soixante années, par sa clairvoyance, fait froid
dans le dos de la France.
Editions d’Héligoland, 480 p. 2012, 29 € (36 € port inclus, à commander
à EDH, B.P. 2, 27290 Pont-Authou)
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Edmond Michelet
L’autre visage d’Edmond Michelet
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Jean Paul Angelelli
Ce n’est pas une simple réédition du livre de Bernard Zeller "Edmond Michelet est-il un
saint ?" publié en 2009 et commenté dans le bulletin du 3e trimestre 2009 (numéro 22).
C’est un ouvrage plus riche en notes, références (articles, livres), informations, commentaires
(plusieurs dizaines de pages). Avez-vous un texte ? disait Fustel de Coulanges. Ici, ils
abondent et les choix de Bernard Zeller ne sont pas unilatéraux. Les soutiens de Michelet ont
aussi la parole.
Deux ajouts originaux. Une préface de Michel Déon, de l’Académie française, où il ne cite
pas son livre "Les Poneys Sauvages" qui dévoila au grand public l’affaire Si Salah mais
souligne que Michelet est inséparable d’une politique qui transforma « une victoire militaire
en défaite politique et civile ». Dont nous subissons encore les conséquences. Et encore plus
pénible, ce chrétien incontestable se mua en accusateur public des opposants militaires et
civils au dégagement de 1962. Autre document original : le compte rendu copieux d’un
colloque sur Michelet tenu les 10 et 11 décembre 2010 au Collège des Bernardins à Paris1.
« Colloque scientifique ou hagiographique » s’interroge Bernard Zeller. Il y eut les deux. Les
communicants étaient en majorité des michelistes inconditionnels. Mais Bernard Zeller put
intervenir notamment sur l’attitude de Michelet au moment du procès des généraux
putschistes, ...ce qui souleva des remous.. Furent aussi évoquées (parfois en demi-teinte) les
positions équivoques de Michelet pour aider au retour au pouvoir du général de Gaulle et,
après 1962 le silence de Michelet, président de l’association officielle France –Algérie, sur
les disparus et les massacres de harkis. Ces trois points (et d’autres) sont d’ailleurs largement
précisés et développés dans les treize chapitres qui composent le reste du livre. Peut-on y
ajouter ceci, trouvé dans le 3ème
tome des souvenirs d’Alain Peyrefitte "C’était de Gaulle"
(Fallois-Fayard.2000). Il y est question (p.64 et suivantes) de conseils des ministres entre
1966 et 1967 traitant d’une amnistie pour les condamnés Algérie Française. Michelet
intervient pour quelques cas de collabos libérés mais jamais amnistiés (!) et il obtiendra
satisfaction. Pas un mot sur les condamnés d’avant et après 1962 encore détenus. La charité
du grand chrétien Michelet était bien sélective. En conclusion, l’ouvrage de Bernard Zeller
illustre le court bandeau, signé Hélie de Saint Marc, barrant sa couverture : « Pour que la
vérité l’emporte » 295p. 19 euros, 2012, Editions Via Romana, se trouve dans les bonnes librairies et sur Internet
A envoyer à : Via Romana
5 rue du maréchal Joffre
78000 Versailles
Je commande un exemplaire du livre "L’autre visage d’Edmond Michelet"
pour un montant, port gratuit, de 19€
réglé par chèque à l’ordre de Via Romana
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1 Edmond Michelet, Un chrétien en politique, Coédition Lethielleux-Collège des Bernardins, 262p. 20€
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Où en est la béatification d’Edmond Michelet ?
En mettant à part le cas du martyre pour la foi, pour être béatifié, en sus d’une réputation spontanée de
sainteté, il faut avoir vécu héroïquement les vertus chrétiennes et être à l’origine d’un miracle. Les
vertus chrétiennes sont au nombre de sept, trois vertus théologales – foi, espérance et charité – et
quatre vertus cardinales – justice, prudence, tempérance et force.
En se fondant sur une (hypothétique) réputation de sainteté ("fama sanctitatis") d’Edmond Michelet et
après un "nihil obstat" du Vatican, l’enquête diocésaine a débuté en 2006 dans le diocèse de Tulle,
Edmond Michelet étant mort en 1970 à Brive. Sur l’initiative de l’évêque de Tulle, ont été créées une
commission historique et une commission médicale. Un postulateur pour la phase diocésaine, dans ce
cas une postulatrice, a été nommé. Il s’agit de Lucienne Sallé qui a été longtemps au Vatican, au
conseil pontifical pour les laïcs.
- La commission historique doit, en respectant la plus stricte objectivité, élaborer un dossier
exhaustif sur les actes, les dires et les écrits du "serviteur de Dieu", Edmond Michelet,
rassemblant tous les documents historiques concernant la cause de quelque manière que ce
soit.
- La commission médicale examine ou examinera les cas supposés de miracles dus à l’intercession
d’Edmond Michelet qui lui seront soumis
Situation au 1er
novembre 2012 ? La commission historique, présidée par Yves-Marie Hilaire, comprend, en sus, Jean-Marie Mayeur,
Nicole Lemaitre, Hélène Say et sans doute quelques autres professeurs ou archivistes. Ils ont été tous
choisis par l’évêque de Tulle, monseigneur Charrier. Ses travaux sont théoriquement secrets.
Nicole Lemaitre estime qu’il faut encore deux années pour achever la réalisation du dossier historique
On ne sait ce qu’a fait ou n’a pas fait la commission médicale dont les travaux sont également secrets.
La postulatrice est à l’intersection de l’ensemble. Elle seule a tous les éléments du dossier. De plus elle
reçoit les témoignages écrits de particuliers qui peuvent expliquer en quoi ils estiment qu’Edmond
Michelet doit être béatifié.
Les ecclésiastiques impliqués sont l’évêque ou son délégué, le promoteur de justice, le notaire et deux
censeurs théologiens.
L’enquête diocésaine peut être close quand tous les dossiers sont complets. Après sa clôture
commencera, peut-être, à la Congrégation pour la Cause des Saints, la phase romaine du processus
pour laquelle un nouveau postulateur, résidant à Rome, doit être nommé. Cette phase peut durer des
dizaines d’années.
Sur le fond, sans être théologien, il apparaît que :
- la charité d’Edmond Michelet est loin d’être "tous azimuts". Ceux qu’il considère comme des
adversaires sérieux de Charles de Gaulle n’en bénéficient pas, c’est le moins qu’on puisse
dire : il a réclamé l’application de la peine de mort à certains d’entre eux après avoir signé le
rétablissement de cette même peine en matière politique.
- Il n’a rien fait, rien dit sur les disparitions d’européens en Algérie et sur le massacre des harkis
alors qu’il avait des canaux directs de communication avec le F.L.N., entre autres par son
ancien conseiller technique, Hervé Bourges, au cabinet de Ben Bella dès octobre 1962.
- Sur un plan différent, ministre en 1967, il a laissé passer la loi Neuwirth, condamnée par le
Vatican, sans marquer d’opposition publique et sans abandonner son portefeuille.
Sur la forme, plusieurs irrégularités de la phase diocésaine, répertoriées dans l’instruction "Sanctorum
Mater" sont à noter. Ostension dans des églises ou des cathédrales d’affiches représentant Edmond
Michelet à côté de celles représentant des saints tels que sainte Thérèse de Lisieux ou le saint curé
d’Ars ; résidence permanente de la postulatrice hors de l’évêché de Tulle ; on peut aussi émettre de
sérieux doutes sur l’objectivité de la commission historique dont le président est très lié à la famille
Michelet. A noter également la multiplication de colloques ou d’émissions radio-télévisées sur
Edmond Michelet. On peut consulter le blog "edmond-michelet.blogspot.com/". Il présente de
nombreuses informations, occultées systématiquement par la galaxie Michelet (incluant la commission
historique).
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Retour à Clairvaux
Le nom de Clairvaux évoque à la fois Saint Bernard, l’ordre cistercien et la maison centrale :
reclus volontaires et reclus forcés.
Fondée en 1115, Clairvaux fut l’une des abbayes cisterciennes les plus considérables
d’Occident. Le 10 février 1792, elle est adjugée à un architecte qui la revend à un industriel
verrier, lequel la revend à l’état le 27 août 1808 qui en fait, dans les années qui suivent, un
dépôt de mendicité et une maison centrale pour les prisonniers, conformément à la loi du 16
juin 1808. Aujourd’hui encore maison centrale, elle a évidemment beaucoup évolué depuis sa
création. On distingue trois phases :
- Clairvaux I (1115-1135) est l’abbaye construite du temps de saint Bernard ; elle est
située à 400 mètres à l’ouest des bâtiments actuels. Il ne subsiste rien de cette première
abbaye.
- Clairvaux II (1135 -1708), abbaye médiévale dont la construction a commencé du vivant
de saint Bernard. Il en reste le bâtiment des convers, récemment restauré, et
l’hostellerie des dames construite au XVIe siècle
- Clairvaux III (1708-1792), abbaye classique établie sur l’emplacement de l’abbaye
médiévale, et bâtie autour d’un cloître, dit Grand Cloître, de proportions très
impressionnantes (50 mètres de côté à l’intérieur, 80 mètres à l’extérieur), construit
dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle Le Petit cloître est, lui, construit au milieu
du XVIIIe. L’église, construite à la même époque, a été démolie par l’administration
pénitentiaire dès le début du XIXe siècle.
Conçue pour recevoir 600 criminels et 400 délinquants, la prison en accueillera jusqu’à 3000,
et ce dans des conditions absolument déplorables, même en tenant compte des conditions et
modes de vie du 19ème
et de la première moitié du 20ème
siècle.
La prison a reçu, en sus des "droits communs", des prisonniers politiques notoires dès 1848.
En 1871, plusieurs centaines de communards y sont incarcérés. Auguste Blanqui y séjourne
dans des conditions effroyables de 1872 à 1875 et encore quatre ans supplémentaires. Suivent
le prince Kropotkine et le duc Philippe d’Orléans (bien soigné par la République). Par la suite,
des mutins de la grande guerre et André Marty, le futur "boucher d’Albacete" ; des résistants
tel Pierre Daix ; des partisans de Vichy et des collaborateurs (Charles Maurras, les amiraux de
Laborde et Esteva, Paul Marion, Jacques Benoist-Méchin, …) ; des membres du F.L.N. ;
et …des officiers condamnés pour le coup d’Alger du 22 avril 1961.
Pour ces derniers, ce furent, du 27 juin au 3 août 1961, les généraux Bigot, Challe, Nicot,
Petit et Zeller et les commandants de Saint Marc et Robin. Arrivèrent le 12 juillet les
lieutenants-colonels de La Chapelle, Lecomte et Masselot. Tous furent transférés "manu
militari" à Tulle dans la nuit du 3 au 4 août.
Laissons la plume à Bernard Zeller :
« Avant-hier, 11 juillet (2012), en rentrant d’Alsace, Edouard et moi nous sommes arrêtés à
Clairvaux. Jean-François Leroux-Dhuys, président de l'association "Renaissance de l'abbaye
de Clairvaux" nous attendait à l'accueil comme prévu. Le site est de très grandes dimensions;
il y a de nombreux bâtiments. L'église a disparu au début du XIXe siècle; l'ensemble est
principalement XVIIIe siècle avec quelques restes du XII
e (dortoir et réfectoire immenses des
frères convers, restaurés), un bâtiment du XVIIe, l'infirmerie de l'époque, déplacé au
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Photo aérienne du site de Clairvaux
XVIIIe lors de la construction des "nouveaux" bâtiments. Le cloître XVIII
e est un carré de 100
m de côté ! Les moines XVIIIe n'étaient pas ceux du temps de Saint Bernard ; ils priaient et
méditaient en marchant dans les bâtiments bien à l'abri des intempéries. Ce bâtiment a été le
cœur de la maison centrale installée sous Napoléon dans l'abbaye devenue bien national, ceci
à la suite d'une loi créant la peine de détention. Avant cette époque, les condamnés étaient
galériens, aux travaux forcés...
Le ministère de la culture et le ministère de la Justice se partagent le site de façon très
imbriquée, à tel point que la visite ouverte au public nécessite quand même le dépôt préalable
d'une pièce d'identité.
J.F. Leroux-Dhuys, qui a d'excellentes relations avec le directeur de la maison centrale, avait
obtenu l'autorisation de visiter les quartiers dépendant de l'administration pénitentiaire. Nous
sommes donc allés, le directeur, J.F. Leroux-Dhuys et moi dans cette enceinte extrêmement
protégée, les détenus sont tous des condamnés à de très longues peines. Rappelez-vous Buffet
et Bontems en 1971 qui ont pris deux otages et qui les ont égorgés dans l'infirmerie (ou petit
cloître). Ils ont fini guillotinés. Le terroriste Carlos a aussi séjourné à Clairvaux.
Nous sommes arrivés dans "l'infirmerie", ce bâtiment XVIIe très élégant, qui est aujourd'hui
désaffecté. Il a l'architecture d'un cloître, rectangulaire avec une cour intérieure, un premier
étage et un étage mansardé. Il a été utilisé jusqu'en 2009 pour quelques détenus à peine
légère. C'est là qu'ont été détenus Challe, Bigot, Nicot, Petit, Zeller, La Chapelle, Lecomte,
Masselot, Robin et Saint-Marc. Nous sommes passés dans la cour intérieure et sommes
montés à l'étage côté est, orienté vers l'extérieur du mur d'enceinte de la centrale. A l'étage,
Entrée du site
Centrale
pénitentiaire Petit cloître
Grand cloître
Bureau du directeur
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cinq cellules à gauche, cinq cellules à droite. C'est très vraisemblablement dans ces cellules
qu'étaient les dix. Ceci est corroboré par le fait qu’André Zeller écrit dans son journal qu'il
est réveillé par le soleil à cinq heures et demie du matin - on est fin juin - (orientation à l'est
et absence de rideaux).
Cellule à double exposition du petit cloître ou infirmerie Elle a vraisemblablement abrité Charles Maurras
De plus, après la Libération, Charles Maurras, condamné, a été détenu à cet étage, dans la
coursive Est, de même que les amiraux de Laborde et Esteva et d'autres. Vous imaginez
l'impression ressentie à se trouver dans ces cellules d'où, en effet, comme l'écrit André
Zeller : « Par ma fenêtre, j'aperçois, au-dessus des murs élevés de la prison, des prairies, des
arbres et des toits rouges. C'est plus gai qu'à "la Santé" mais, en même temps, c'est la vision
d'un monde interdit ». On peut ajouter que le paysage aperçu est beaucoup plus proche que
celui aperçu depuis les cellules de Tulle. Les cellules sont en état d'abandon; certaines sont
utilisées pour des exercices avec des forces de l'ordre. Il y a un lavabo, un WC et des
barreaux verticaux aux fenêtres. On sait qu’en 1961, les détenus ont réclamé eau courante et
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rideaux. Sur cette question des rideaux, le directeur précise qu'ils étaient interdits car
empêchant la vue des barreaux lors d'inspections intérieures nocturnes : si un barreau avait
été scié, le gardien ne le voyait pas. Ils ont quand même eu leurs rideaux. Aujourd'hui, ceux-
ci ne sont plus interdits car les barreaux ont été "améliorés"; ils forment un grillage de maille
de 25 cm environ en acier très dur. Pour passer par une fenêtre, un détenu devrait scier
quatre barreaux ce qui n'est pas faisable dans la nuit.
La prison moderne, appelée à Clairvaux les H.L.M. car construite en 1970, est contigüe à
"l'infirmerie", séparée par de hauts murs en parpaings. En passant, on entend les détenus
faire du sport. Ce sont tous des D.P.S. (détenus particulièrement surveillés). Ils ont des
cellules individuelles et plusieurs activités leur sont proposées, dont la fabrication de
chaussures de sécurité pour lesquelles ils perçoivent un salaire. Certains ne sortiront que les
pieds devant. Cette présence et la violence associée sont très prégnantes sur tout le site mais
surtout quand on se rend à l'infirmerie en longeant le mur délimitant à l'intérieur de
l'enceinte pénitentiaire la zone réservée aux détenus (environ 150 et autant de gardiens). Les
détenus peuvent, dans certaines conditions, recevoir des visites dans des parloirs, y compris
dans des studios équipés.
Du temps du séjour des officiers, les bâtiments modernes n'existaient pas et les détenus de
droit commun étaient dans les bâtiments de l'immense cloître XVIIIe.
Lors d'échanges avec le directeur, celui-ci a insisté sur le fait que recevoir, en tant que
directeur, comme en 1961, dix détenus politiques de première importance est la pire tuile qui
puisse arriver : harcèlement permanent du ministère de la Justice et de son administration
pénitentiaire pour savoir comment se comportent les détenus, ce qu'ils disent et pensent, etc.,
risques d'évasion avec les conséquences pour la carrière,... D'après Jean-François Leroux-
Dhuys, le déménagement impromptu de Clairvaux à Tulle a été motivé par la crainte d'une
évasion collective des détenus. Ceux-ci étant des officiers de haut rang, ils auraient pu être
délivrés par des commandos formés de militaires expérimentés, délivrance facilitée par le fait
que les dispositifs de sécurité de l'époque et du lieu n'étaient pas ce qu'ils sont aujourd'hui.
Après cette visite exceptionnelle, nous avons suivi la visite guidée ouverte à tous. Elle vaut la
peine : bâtiment des frères convers, cloître monumental du XVIIIe, lieu de détention jusqu'en
1970. Une loi, à la fin du XIXe a stipulé que les détenus devaient avoir des cellules
individuelles pour la nuit. Il n'existait à Clairvaux que des dortoirs (non chauffés). Alors
l'administration a conçu ce qui est dénommé "cage à poule". Une quarantaine de cages à
poule en deux rangées de vingt ont été installées dans les dortoirs; ces cages de 2m x 2m x
1,8m, faites de barreaux de métal, posées sur le sol, étaient fermées entre 19h00 et 7h00 avec
un détenu dans chacune d'elles. Christian de la Mazière, qui les a pratiquées, les décrit dans
son livre "Le rêveur casqué". La chapelle, aujourd'hui désaffectée, est une vraie cathédrale.
Le tout est dans un état d'abandon terrible. Il faudrait des dizaines et des dizaines de millions
d'euros, si ce n'est des centaines pour restaurer ne serait-ce que le grand cloître XVIIIe… »
Pour terminer, une devinette : Qui a écrit ce texte ?
Celui qui enverra le premier la bonne réponse à : A.R.S. 7 rue Calvin 18000 Bourges
gagnera un recueil des 32 premiers numéros du bulletin des Amis de Raoul Salan
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Le colonel Vaudrey
Le colonel Vaudrey est né le 27 septembre 1912 à Paris. Il
est mort d’une leucémie le 15 janvier 1965 en exil à
Bruxelles. Dans son numéro 60 de février 1965, L’Esprit
Public lui rend hommage. Voici ce qu’écrit Roland
Laudenbach sous le titre :
VAUDREY NOTRE AMI
« Je n'oublierai pas ce lundi 18 janvier ni ce déjeuner,
curieusement situé rue de la Santé, où nous devions nous
retrouver quelques-uns avec Bernard George, Michel de
Saint-Pierre et Paul Dehème. C'est ce dernier qui m'apprit
la nouvelle, parue le matin dans la Lettre Confidentielle,
que j'avais, pour une fois, omis de lire. Il me tendit un
carton, bordé de noir: le colonel Roland Vaudrey venait de
mourir, en exil.
Nous ne sommes pas les bateleurs de nos morts, et plût au
ciel qu'ils soient vivants, Degueldre, Piegts, Dovecar, le
colonel Bastien-Thiry, le commandant Casati, et maintenant
le colonel Vaudrey. Mais nous ne pouvons pas les laisser
partir sans un mot, sans un signe d'adieu, nous ne pouvons
pas ajouter le silence à la terre qui les recouvre.
Raoul Girardet; Jacques Laurent et Jean Brune avaient connu le colonel Vaudrey en Algérie, quand il
y exerçait un commandement sur la presqu'île de Collo. Chassé d'Algérie avec le colonel Romain-
Desfossé par une décision significative et élogieuse du pouvoir gaulliste, il devait tout naturellement
retrouver ceux qui, à Paris, venaient de fonder « L'Esprit Public » et que j'ai nommés1.
Je le vis pour la première fois, un samedi matin de décembre ou de janvier, dans le bureau modeste où
Henry Smadja, le directeur de « Combat », avait bien voulu abriter notre feuille anticonformiste. Nous
nous préparions sans moyens, sans argent, à la bataille, à la défaite du Référendum. Vaudrey frappait
par la clarté de son regard par la résolution de son caractère. Malgré une situation de famille lourde
et difficile, il n'était pas de ces officiers qui mettent dans les balances de leurs devoirs des
considérations de solde ou d'avancement. Je crois qu'il était sorti du rang : de toute manière, ses
qualités étaient populaires, et j'emploie ce mot, sans restriction ni démagogie, dans son sens le plus
fort et le plus noble.
Arrêté Avenue Kléber, au matin du Putsch, et compromis dans ce que la police a appelé le Complot de
Paris, il n'était pas homme à accepter la détention. Les conditions de son évasion sont peu connues,
mais elle fut spectaculaire. Il rejoignit en Algérie l'armée de l'ombre. Il évita une nouvelle arrestation
et, après la victoire commune des Présidents De Gaulle et Ben Bella, prit le chemin de l'exil. Atteint
d'une maladie impitoyable, on imagine quels furent ses derniers mois, loin des siens et de sa patrie.
Pourtant, ni il ne désespéra ni il n'abandonna. Sa contribution spontanée à « L'Esprit Public » (ce
n'était pas nous qui étions allés le rechercher. Où et comment ? Il nous envoya son texte par la poste)
prouvait qu'il n'était pas résigné, et qu'au milieu de tous ses soucis, ou plutôt au-dessus d'eux, celui de
la nation asservie, trompée et malade, l'obsédait encore. L'ami qui entoure de soins une voisine
très respectable et affectionnée me rapporta que dans l'église de Bruxelles où eut lieu la cérémonie
religieuse due au Colonel, les orgues jouèrent la Marseillaise et que les employés des Pompes
Funèbres se mirent au garde-à-vous. Seuls, ceux qui n'ont pas connu l'épreuve glaciale de l'exil ou
ceux qui, ne l'ayant pas connue, manquent d'imagination, peuvent rire ou sourire de ce détail. Je le
dédie aux autres. Roland Vaudrey repose maintenant dans la terre de Reims.
1 Sans oublier Philippe Héduy
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Il aura ainsi manqué au tableau de chasse du général Debrosse et des policiers français. Comme
Jacques Isorni le proclamait à la face du substitut du Procureur de la République qui venait de
requérir contre lui, je ne souhaite pas que les prisons qu'il faudra ouvrir et vider se remplissent de
nouveau (une bonne douzaine de cellules suffira), mais je rêve que tout ce joli monde de généraux et
de poulets soit un jour contraint – je dis contraint – de faire les pèlerinages des cimetières où dorment
leurs victimes. Et qu'ils restent debout, tête découverte, de longues heures. Et que s'agenouillent ceux
qui savent. Et que le rouge de la honte leur monte au front, dans le vent glacial du jour d'hiver que
nous aurons choisi pour ces cérémonies expiatoires. Et qu'ils se taisent. Et qu'ils repartent, les mains
moites d'une peur inutile, leurs visages de cafards enfin démasqués et décomposés, retrouver la
chaleur de leur petite existence médiocre. »
Roland Laudenbach n’a pas été le seul à saluer le colonel Vaudrey. Dans le numéro de février 1965 du
"Charivari", Claude Jacquemart consacre trois pages à ce combattant hors du commun.
__________________
Né le 27 septembre 1912, Roland, Scipion, Annibal Vaudrey – prénoms prédestinés pour ce soldat
hors pair – est de la 120e promotion de Saint-Cyr, 1933-1935, promotion du roi Albert dont cinquante-
huit anciens élèves sont morts pour la France. Parmi eux, en Indochine : Raffali et de Sairigné.
En 1961, quand il franchit la ligne de la discipline pour rester dans celle de l’honneur, il a combattu
pour la France pendant la guerre de 1939-1945, en Indochine et en Algérie. Il est commandeur de la
Légion d’honneur depuis 1956 et titulaire de 17 citations (autant que le général Salan), la plupart à
l’ordre de l’armée.
S’il ne fallait retenir que deux moments de sa vie – on n’ose écrire de sa carrière en parlant du colonel
Vaudrey –, le Tonkin et le Laos 1950-54 et Alger 1962 s’imposent.
En 1950, à la tête du 3ème bataillon Thaï, il bloque deux régiments de la Division Viet 312 à Lai Dong.
Fin 1952, début 1953, il est l’adjoint du colonel Gilles lors de la bataille victorieuse de défense de la
base aéroterrestre de Nasan. Deux jours avant Noël 1953, à la tête d’une colonne formée de
légionnaires et de tabors marocains, partie de Muong Khoua au Laos, il fait la jonction à Sop Nao (à
30 km à l’est) avec la colonne du lieutenant-colonel Langlais venant de Dien Bien Phu à la tête d’un
groupement formé d’éléments du 1er B.E.P. et du 8ème B.P.C. Liaison destinée à montrer la capacité de
manœuvre à partir de Dien Bien Phu et qui restera sans lendemain. (Suite page 19)
Le commandant Vaudrey, à gauche, au PC souterrain de Gilles, à Nasan fin 1952,
avec le commandant Fourcade et le colonel Ducournau
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Après son évasion, le 25 septembre 1961, consécutive à sa condamnation à dix ans de détention au
titre du "Complot de Paris", le colonel Vaudrey, conformément à ce qu’a demandé le général Salan,
gagne l’Algérie dans la clandestinité et se voit confier, au sein de l’O.A.S., la zone d’Alger. Zone
difficile sous de nombreux aspects, l’un des moindres n’étant pas le problématique amalgame entre
civils, officiers subalternes et officiers supérieurs et, brochant sur le tout, la présence sur place du
général Salan. Le 1er février, Roland Vaudrey (S300 ou R1491 dans la clandestinité) émet sa 5
ème
directive d’orientation1 destinée aux responsables de la zone d’Alger :
« Dans la transmission que je vous ai adressée, de la Directive n°23, en date du 24 janvier 1962, du général
commandant en chef, je vous disais que le mois de février serait décisif.
Février sera, en effet, le mois de la décision en ce qui concerne les accords éventuels "Gouvernement français –
G.P.R.A.", soit que la "négociation" ait abouti à un accord, soit qu’elle ait échoué.
Dans cette perspective, février doit prouver de façon indiscutable à la face du monde que rien ne pourra se faire
en Algérie sans nous et, à plus forte raison, contre nous, étant entendu que nous avons, par ailleurs, récusé, une
fois pour toutes, le régime et le gouvernement actuels parce qu’ils sont ceux de l’imposture et de la forfaiture.
C’est donc à administrer cette preuve que nous devons nous consacrer durant le mois de février, en concentrant nos efforts sur les activités les plus susceptibles de réaliser, efficacement et au plus tôt, la paralysie et le
discrédit des autorités civiles et militaires d’occupation. L’impuissance de celles-ci à s’imposer et à contrôler
l’application de la politique algérienne du pouvoir, ou même à assurer seulement "la vie courante" de l’Algérie,
doit se manifester de façon aveuglante et irréversible à la Métropole, à l’Algérie, au F.L.N. et au monde entier.
Il est capital et indispensable qu’il soit au plus tôt démontré à chaque Français de l’un ou l’autre bord de
l’opinion que de Gaulle ne peut plus être l’homme de la paix en Algérie. Seule la réalisation de cet objectif est
actuellement susceptible de provoquer la chute du régime qui est notre premier objectif, puisqu’il ne sera pas
possible d’apporter une solution française au problème algérien, tant que de Gaulle et ses laquais seront au
pouvoir.
C’est donc en Algérie et en tout premier lieu à Alger que cet objectif peut et doit être atteint. C’st donc à nous
d’y travailler par tous les moyens, avec le souci d’atteindre cet objectif à la fin du mois de février ou au début du
mois de mars au plus tard.
Ce but ainsi défini, comment l’atteindre ?
(…) A titre indicatif, voici quelques suggestions d’ordre général :
I – L’action à mener doit être considérée comme une "offensive générale" à poursuivre sous toutes les formes et
par tous les moyens, légaux aussi bien qu’illégaux – agitation et grèves tournantes dans chaque profession –
manifestations "spontanées" – désertion des membres des forces de l’ordre – vols d’armes, de munitions,
matériel radio, argent liquide – enlèvement, ponctuelles, et sabotages spectaculaires – omniprésence de nos
éléments sous la forme adaptée aux possibilités de chacun d’eux – utilisation des femmes et de la jeunesse –
information et propagande accrues – fraternisation "spontanée" avec des musulmans et des forces de l’ordre,
etc.
Un tract est à préparer en vue de rendre effective la mobilisation prescrite par le GENECHEF il y a un mois et
de faire réellement participer la masse à cette offensive générale. D’autres tracts devront suivre pour fixer les
missions particulières de chacun dans son domaine.
II – L’action, bien que multiforme, généralisée et spectaculaire doit cependant viser quelques résultats précis et
notamment :
- faire échec aux autorités dans quelques domaines bien définis et soigneusement choisis
- paralyser et réduire à l’impuissance la "machine administrative" tout en créant un véritable climat de terreue
pour les autorités civiles et militaires, ainsi que pour les adversaires de l’Algérie Française.
L’échec à infliger aux autorités pourrait viser pour commencer :
-la disparition totale et définitive des polices spéciales et des organisations politiques parallèles. De
spectaculaires résultats ont déjà été obtenus dans ce domaine, le 21-12-61 et le 23-1-62, il est possible, je pense,
d’obtenir en février leur destruction ou leur disparition à peu près totale, grâce à un ensemble de mesures de
représailles que nous mettrons au point ensemble.
-la réaction passive de la population à toute fouille de nuit comme de jour, d’immeuble ou d’îlot, ainsi qu’à tout
barrage, de façon à les rendre de plus en plus difficiles ou impopulaires, pour les rendre à peu près impossibles.
1 Cette directive est antérieure à l’instruction 29/OAS du général Salan du 23 février 1962 « L’irréversible est
sur le point d’être commis. … » considérée comme l’appel à passer à l’insurrection généralisée.
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-le rétablissement de la circulation automobile normale entre les heures de couvre-feu permet des manifestations
de masse et actions particulières dont la nature est à préciser.
-la généralisation des coups de klaxon aux "trois brèves - deux longues", au moindre incident ou embouteillage,
ceux-ci peuvent être provoqués par nos soins suivant un plan à déterminer, etc.
Le but à atteindre est double : provoquer la capitulation des autorités, d’une part, et engager la masse dans
l’action, d’autre part.
La paralysie de la "machine administrative" pourrait être obtenue par :
-la grève durable de tous les fonctionnaires de toutes les administrations
-la disparition de plus en plus fréquente et importante de courrier administratif.
-des grèves tournantes dans toutes les administrations, assorties et aggravées de grèves de transports publics et
de l’E.G.A. pour des mobiles "professionnels" (intégration aux administrations métropolitaines, meilleure
protection contre les attentats, revendications salariales, etc.)
-l’organisation méthodique d’un climat de terreur à tous les échelons des autorités civiles et militaires
responsables.
Dans tous les domaines ci-dessus visés, l’extension de notre structuration horizontale (dont la récente réunion
du 24 janvier a permis des progrès incontestables) et l’achèvement de la mise en place de notre structuration
verticale doivent être utilisés au maximum et toujours simultanément.
III – Ces dispositions, complétées par des ponctuelles, sabotages et vols de plus en plus nombreux et
spectaculaires, ainsi que par la provocation systématique à la désertion des forces de l’ordre et toute autre
forme d’action que vous seriez en mesure de suggérer et de réaliser me paraissent de nature à atteindre le but
fixé.
Le 26 mars, c’est l’appel à la manifestation de solidarité avec les Algérois de Bab-el-Oued,
manifestation se soldant par l’assassinat par les forces de l’ordre de 62 civils sans armes.
Après l’indépendance de l’Algérie, c’est l’exil, puis la maladie, implacable, et la mort hors de la patrie.
Tract appelant à la manifestation le 26 mars 1962
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Les accords O.A.S – F.L.N. vus par le colonel Godard
Au premier trimestre 1967, les Editions Robert Laffont
publient un ouvrage de Fernand Carréras, ancien
rédacteur-en-chef du "libéral" Journal d’Alger,
intitulé "L’accord F.L.N.-O.A.S." et donnant le très
beau rôle à l’ancien ministre et maire d’Alger, Jacques
Chevallier.
Le colonel Yves Godard vit alors en exil en Belgique.
La lecture du livre de Carréras le fait réagir et il couche
par écrit l’analyse qu’il en fait et les rectifications qui
lui paraissent nécessaires. En fait, on peut considérer les
pages qu’il a écrites, déposées à la Hoover Institution et
jamais publiées à ce jour, comme pouvant faire partie
d’un projet de troisième tome de ses mémoires dont seul
le premier tome a été terminé et publié (Les trois
batailles d’Alger – Les paras dans la ville).
A noter qu’un ouvrage à tonalité hagiographique,
intitulé "Jacques Chevallier", écrit par José-Alain
Fralon a été publié en mai 2012. Le sous-titre en est :
"L’homme qui voulait empêcher la guerre d’Algérie",
rien que ça !
Allo Carreras, ici Godard
Réflexions sur « L’accord FLN-OAS »
de Fernand Carreras
Editions Robert Laffont
(1er
trimestre 1967)
La tentative de Raoul Salan
Dans le chapitre premier, Carréras présente son héros. Il s’agit de Jacques Chevallier qui fut
député-maire d’Alger et ministre de la Défense Nationale en 54-56 dans le gouvernement
Mendès.
Cet opulent bourgeois, intelligent et séduisant, fut incontestablement une des personnalités les
plus marquantes de l’Algérie d’après-guerre. Il a été pour Alger un bon maire et un grand
bâtisseur. L’ambition politique l’a amené à afficher des opinions avancées qui, si elles l’ont
servi en métropole, lui ont beaucoup nui dans son fief. Le développement de la rébellion a
ruiné son crédit. Il a finalement été écarté de sa mairie par le 13 mai 1958. Il s’est ensuite
prudemment étouffé en caressant l’espoir de rentrer dans l’arène, une fois l’orage passé.
L’auteur fait un récit détaillé – il occupe plus de dix pages – d’une entrevue d’octobre 1961,
entre le général Salan et Jacques Chevallier. Cette relation peut paraître hors du sujet. Elle ne
l’est pas tellement. Elle constitue, en effet, pour le lecteur souvent peu averti une parfait mise
en condition en faveur de celui qui sera le véritable meneur du jeu dont doit traiter l’ouvrage.
Ce hors d’œuvre appelle certaines remarques. Notons, au passage, les précautions dont s’est
entouré Chevallier avant de céder à la tentation alors que Joxe, ministre en exercice, estimait
devoir en référer « à une plus haute instance » ! Le tout est très plausible ? Susini, ensuite,
larguant déjà l’Algérie Française. Comme il faut s’attendre à tout de la part de Susini, ce n’est
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Le colonel Godard, au temps où De Gaulle avait "compris" les Algérois
pas impossible, quoique, quand même, un peu prématuré.
La présence de Degueldre aux préliminaires fait bien dans le tableau mais ceux qui ont connu
le chef des Deltas en douteront beaucoup.
L’intermédiaire Caruana est, par contre, authentique. Pour toucher Chevallier, rien de mieux
qu’un gars du bâtiment : Caruana en était. Son entreprise avait coulé des masses de béton,
pour le compte de Pouillon, à Dar el Mançoul et à Dar es Saada. Elle en avait coulé aussi pas
mal au Rocher Noir …
Le général Salan, enfin, soucieux de rallier les musulmans, opposé à toute violence à leur
égard et considérant De Gaulle comme l’obstacle à écarter, il n’y a là rien à reprendre.
Du reste du chapitre, nous ne retiendrons que les confidences de Charles Baujard et de Farès.
Elles s’adressaient, le 18 avril, à un journaliste. Elles n’étaient donc pas destinées à l’oreille
d’un sourd.
Il convient de ne pas trop s’attarder sur les tuyaux de Baujard. Le ci-devant maire de Blida est,
en effet, un piètre personnage. Petit-fils de maquignons, débarqués en Algérie complètement
démunis mais courageux et travailleurs, il n’est, lui, qu’un maquignon sans courage. Nous
l’avons vu peler littéralement de frousse en mai 1958. Trois ans après, en juin 1961,
l’apparition du sigle de l’OAS a suffi pour le faire fuir au Maroc où il avait des terres. Encore
lui a-t-il fallu le secours de Bastanietto, un proche de Susini, pour gagner l’aire
d’embarquement de Maison Blanche. Après Evian, il est revenu, tel le chacal, se calfeutrer au
Rocher Noir, comme le dit très justement Carréras. Les bavardages d’un tel bonhomme n’ont
jamais beaucoup d’écho.
Farès n’est qu’une autre fripouille mais il représente au moins cette poignée de musulmans
évolués qui, pendant longtemps, fut considérée par nos Gouverneurs Généraux comme une
élite promise à l’encadrement de la masse indigène. Fausse élite, certainement, parce que
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surtout vénale, mais, quand on veut préserver l’Islam, peut-on en changer les notables ? Farès
a été l’un d’entre eux. D’une étude de notaire des environs d’Alger, il est passé à l’Assemblée
Algérienne. Il a présidé ensuite cette honorable compagnie qui n’a jamais servi à rien sauf de
tremplin politique. Il y a manifesté des idées libérales teintées de nationalisme mais sans
jamais enfreindre la légalité. La rébellion de 1954 l’a débordé. Il a jugé prudent d’aller à Paris
poursuivre, sans trop de risque, un subtil double jeu. En décembre 1961, il fut jeté en prison,
la DST ayant subitement découvert en lui le grand financier du FLN ! Tout le monde a
parfaitement compris que ce n’était là qu’une manœuvre visant à valoriser et à protéger un
« intérimaire » possible. C’est donc paré de l’auréole des victimes de la répression que,
quelques mois après, il a quitté la Santé pour présider au Rocher Noir, désigné par Paris mais
accepté par le GPRA, comme le stipulaient les accords. Farès, toujours soucieux de son avenir,
a alors caressé l’espoir de ne pas être qu’un bouche-trou. Le FLN, violent et avide, marxiste et
islamiste, lui faisait peur, un peu pour son pays et beaucoup pour lui-même. L’illusion
d’Evian, par contre, cet état indépendant associé ménageant une présence française, ouvrait à
ses ambitions de bien meilleures perspectives. Il en jouera la carte en rêvant de devenir le
champion des garanties aux Européens et de trouver, parmi ces affreux colons, de nombreux
et puissants supporters. De potiche destinée à être reléguée, il deviendra ainsi chef d’un clan,
minoritaire en nombre mais pas en influence. Même les « Historiques », qui se préparent à
rentrer au bercail, devront en tenir compte. La combinaison du président de l’Exécutif est
pourtant perdante dès le départ. Ceci pour deux raisons. Les Européens n’ont, à juste titre,
aucune confiance en lui, même les moins activistes du genre Chevallier. Quant au FLN, il
choisira à Tripoli la voie de l’extrémisme, celle de Ben Bella. Mais c’est là anticiper.
Retenons seulement que, dès le début d’avril, alors que Salan était encore debout, quelques
opportunistes grenouillaient déjà pour le compte de Susini, Farès et Chevallier…
Abderhamane Farès Jean-Jacques Susini Jacques Chevallier
Où l’on voit apparaître Jean-Jacques Susini
Le chapitre, comme l’indique son titre, commente, pour la motiver, l’entrée en scène de Jean-
Jacques Susini. Le tableau qu’il trace de l’ambiance du moment et l’interprétation orientée de
certains événements constituent un ensemble trop confus pour éclairer valablement le lecteur
qui n’a été qu’un observateur lointain de ce dernier acte du drame algérien. C’est le cas du
métropolitain et aussi de l’étranger. Par contre, celui qui a été de la mêlée relève dans ces
pages beaucoup de mensonges et d’erreurs.
Que prétend Carréras ? D’abord que l’OAS a perdu la confiance de son soutien populaire à la
suite d’une série d’échecs subis entre le cessez-le-feu et l’arrestation du général Salan, donc
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entre le 19 mars et le 20 avril. Il affirme que cette « débâcle » a été accélérée par « le
massacre délibéré du Musulman dans la rue», crime que j’ai imposé tandis que d’autres, dont
Susini, tentaient vainement de s’opposer à mes « initiatives démentielles ». Et d’un ! Toujours
d’après l’auteur, la tactique de la terre brûlée n’a été dictée que par une poignée de furieux
dont j’étais, contre la volonté de ceux qui n’y voyaient qu’un « horrible aboutissement » et
qui, derrière Susini, espéraient le salut d’une négociation avec le FLN. Et de deux ! Gardes se
laissant convaincre, Murat aussi, moi-même acceptant l’idée d’une démarche, Pérez
demeurant l’unique et farouche opposant. Et de trois !
Des rectifications s’imposent. Avant de les formuler, examinons, dans leur suite
chronologique, les revers que nous avons subis.
-19 mars, jour J du cessez-le-feu d’Evian. Nous espérons, non pas un refus d’ensemble de la
part de l’armée, mais, dans son sein, au moins des sursauts suffisants pour poser un problème.
Mais elle met l’arme au pied sans broncher et en grognant à peine. C’est pour nous une amère
déception.
-le lendemain, 20 mars, quatre obus de mortier de 60 percutent sur la place du Gouvernement
où flâne, comme toujours un foule de Musulmans désœuvrés. Bilan, quatre morts et une
soixantaine de blessés. La troupe intervient pour parer, non sans peine, à une riposte de la
casbah. Elle marque, à cette occasion, sa volonté de s’opposer aux violences mais le fait avec
une modération qui tient de la neutralité. Pour nous, c’est un espoir. Cela ne veut pas dire que
ce bombardement soit une initiative heureuse. C’est plutôt une erreur, celle d’un groupe
d’exaspérés rêvant d’une épreuve de force, qui ne peut que tourner à notre désavantage.
-vendredi 23 mars, Bab el Oued, dès l’aube, opte pour l’insurrection. Trois commandos, c'est-
à-dire, en gros, trois sections, portant un uniforme et des armes apparentes, s’y dévoilent et
entendent interdire toute incursion des forces de police et même de l’armée. Le quartier est
unanime pour applaudir, soutenir et participer. Les gardes mobiles et les CRS accourent mais
se contentent de boucler. La matinée est marquée par une escarmouche qui fait six victimes
dans les rangs d’une patrouille militaire égarée. L’armée, qui a hésité un moment, intervient
massivement pour obéir à des ordres formels. Les armes automatiques tirent sans sommation
Le colonel Godard en exil en Belgique
sur tout ce qui se présente.
Des hélicoptères lâchent des chapelets de
grenades tandis que des avions balaient les
terrasses à la rocket et à la mitrailleuse
lourde. A 16 heures, les 150 garçons des
commandos, confrontés avec 15.000 soldats
subitement déchaînés, ne peuvent que
décrocher. A 18 heures, Bab el Oued est
truffé de blindés, hermétiquement ceinturé
et, sous prétexte de fouilles, honteusement
mis à sac. Le blocus ne sera levé que le jeudi
suivant, 29 mars. Pendant près d’une
semaine, les pires brimades vont s’abattre
sur les malheureux assiégés. Ils feront certes
front jusqu’au bout avec un courage
admirable. Mais le bilan est lourd pour nous,
dès le soir du 23 mars.
(Suite au numéro 35)