Gonçalves Krebsbach S – Fiche de lecture : « Les Moissons du Futur » – Septembre 2014 1
Observatoire du Management
Alternatif Alternative Management Observatory
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Fiche de lecture
Les moissons du futur Comment l’agroécologie peut nourrir le monde
Marie-Monique Robin
2012
Sabrina Gonçalves Krebsbach – Septembre 2014 Majeure Alternative Management – HEC Paris – 2014-2015
Gonçalves Krebsbach S – Fiche de lecture : « Les Moissons du Futur » – Septembre 2014 2
Les moissons du futur – Comment l’agroécologie peut nourrir le monde
Cette fiche de lecture a été réalisée dans le cadre du cours « Grands défis planétaires »
coordonné par Arnaud Van Waeyenberge au sein de la Majeure Alternative Management, spécialité de troisième année du programme Grande École d’HEC Paris. La Découverte, collection « Cahiers libres », Paris, 2014 Première date de parution de l’ouvrage : 11 octobre 2012
Résumé (entre 5 et 10 lignes) : Les moissons du futur est un carnet de voyage relatant une enquête très optimiste sur diverses initiatives agroécologiques dans le monde. Marie-Monique Robin, journaliste d’investigation, y montre en quoi l’agroécologie est une solution efficace à la crise alimentaire actuelle. Elle dénonce les limites de l’agriculture industrielle, qui néglige les systèmes et processus dans l’écosystème et présente des conséquences sociales et environnementales dévastatrices. L’auteur propose des pistes de réflexion et d’action pour repenser le modèle agricole actuel et favoriser transition vers l’agroécologie. Mots-clés (entre 3 et 6) : Agroécologie, Alternative, Agriculture, Agroforesterie, Crise alimentaire, Faim
Crops for the future – How agroecology can feed the world
This review was presented in the “Grands défis planétaires” course coordinated by Arnaud Van Wayenberge. This course is part of the “Alternative Management” specialization of the third-year HEC Paris business school program. La Découverte, Paris, 2014 Date of first publication : 11th October 2012 Abstract: Crops for the future is a travel log relating a very optimistic investigation on diverse agro-ecological initiatives throughout the world. Marie-Monique Robin, investigative journalist, shows to what extent agro-ecology can be a solution the today’s food crisis. She denounces the limits of industrial agriculture, that neglects systems and processes in the ecosystem and presents deadly social and environmental consequences. The author suggests lines of action and reflection to rethink the current agricultural model and favor the transition towards agro-ecology. Key words : Agro-ecology, Alternative, Agriculture, Agroforestry, Food crisis, Hunger Charte Ethique de l'Observatoire du Management Alternatif Les documents de l'Observatoire du Management Alternatif sont publiés sous licence Creative Commons http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/fr/ pour promouvoir l'égalité de partage des ressources intellectuelles et le libre accès aux connaissances. L'exactitude, la fiabilité et la validité des renseignements ou opinions diffusés par l'Observatoire du Management Alternatif relèvent de la responsabilité exclusive de leurs auteurs.
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Table des matières
1. L’auteur et son œuvre .......................................................................................................4
1.1. Brève biographie ..........................................................................................................4 1.2. Place de l’ouvrage dans la vie de l’auteur ....................................................................4
2. Résumé de l’ouvrage .........................................................................................................5
2.1. Plan de l’ouvrage..........................................................................................................5 2.2. Principales étapes du raisonnement et principales conclusions ...................................6
3. Commentaires critiques ..................................................................................................11
3.1. Avis d’autres auteurs sur l’ouvrage............................................................................11 3.2. Avis de l’auteur de la fiche.........................................................................................12
4. Bibliographie de l’auteu.....................................................................................................13
5. Références ...........................................................................................................................14
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1. L’auteur et son œuvre
1.1. Brève biographie Marie-Monique Robin est journaliste d’investigation. Elle est née en 1960 dans le Poitou-
Charentes, de parents agriculteurs. Elle découvre dès sa jeunesse le militantisme pour les
droits de l’homme et pour l’écologie. Après des études de sciences politiques et de
journalisme, elle réalise, d’abord au sein de l’agence CAPA (agence de presse française) puis
en tant que journaliste indépendante, de nombreux films d’investigation sur des thèmes socio-
politiques variés depuis 1989. Marie-Monique Robin a obtenu plusieurs dizaines de prix
internationaux (par exemple, dès 1995, le prix Albert Londres pour « Le Volteur d’Yeux »).
Beaucoup de ses documentaires ont également donné lieu à un livre. Ses réalisations ont été
traduites dans une vingtaine de langues.
1.2. Place de l’ouvrage dans la vie de l’auteur Marie-Monique Robin a écrit l’ouvrage, qu’elle déclare concevoir comme un « cahier de
voyage »1, à la suite d’un documentaire tourné dans neuf pays : Mexique, Etats-Unis, Kénya,
Malawi, Sénégal, Allemagne, France, Inde, Japon. Au cours du tournage, elle a rencontré
« des agriculteurs, (…) des scientifiques qui travaillent dans le domaine de l’agroécologie et
des représentants des organisations internationales »2. L’ouvrage a été motivé par la négation
véhémente par certains hommes politiques d’alternatives viables à l’agriculture industrielle :
Marie-Dominique Robin s’est attachée à explorer l’agroécologie dans le but de démontrer que
non seulement il est possible de faire autrement, mais l’alternative que représente
l’agroécologie présente par ailleurs des avantages très variés…
« Les moissons du futur » est le dernier volet d’une trilogie sur l’agroécologie, commencée en
2008 avec le documentaire « Le monde selon Monsanto » (couronné de diverses
récompenses, comme le prix norvégien Rachel-Carson en 2009), suivi de « Notre poison
quotidien » en 2011.
L’ouvrage a 297 pages et est structuré en trois parties : les promesses de l’agroécologie ;
l’agriculture à la croisée des chemins ; et le nouvel ordre alimentaire mondial (le plan détaillé
de l’ouvrage se trouve en partie 2.1.).
1 Robin, M-D. (2012), Les moissons du futur, Paris, La Découverte, p. 12
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2. Résumé de l’ouvrage
2.1. Plan de l’ouvrage
Introduction. « On ne pourra pas nourrir le monde sans pesticides » : nous pouvons
faire autrement !
I) Les promesses de l’agroécologie
1. « Mettre la plume dans la plaie » : l’arbre de vie du Malawi
2. Des arbres pour sauver la planète
3. Des arbres dans les champs de blé
4. L’heure des pionniers a sonné
5. Soigner le sol pour bien nourrir les hommes
6. « Les plantes malades des pesticides »
II) L’agriculture à la croisée des chemins
1. L’échec de l’agriculture industrielle
2. Main basse sur l’Afrique
3. Le retour des paysans
III) Le nouvel ordre alimentaire mondial
1. Le « libre-échange » affame le Mexique
2. Les affameurs
3. La revanche des petits paysans
4. L’alliance entre paysans et consommateurs
Conclusion. Ici et maintenant
- Manger moins de viande
- Lutter contre les biocarburants
- L’agriculture biologique n’est pas forcément l’agroécologie
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2.2. Principales étapes du raisonnement et principales
conclusions
C’est au cours d’un vif débat dans une émission télévisée2 en 2011 qu’éclot chez Marie-
Monique Robin (M-M. Robin) l’idée de ce documentaire, lorsqu’un de ses contradicteurs
affirme fermement qu’il n’y a pas d’alternatives aux pesticides. Le fil directeur de l’ouvrage
est la démonstration de l’existence, de la viabilité, des intérêts et de la duplicabilité
d’initiatives agroécologiques en tant qu’alternatives à l’agriculture industrielle, pour
lutter notamment contre la faim et la pauvreté dans le monde.
M-M. Robin présente pour cela des applications concrètes de l’agroécologie dans les neuf
pays où elle s’est rendue. Elle décrit, entre autres, l’exemple du vaste programme
d’agroforesterie au Malawi. L’agroforesterie permet aujourd'hui au pays de sortir d’une
situation de dépendance chronique vis-à-vis des graines hybrides et des engrais chimiques, de
lutter efficacement contre la faim, la pauvreté et les effets du réchauffement climatique. Pour
un investissement initial très faible, les arbres plantés sur les champs restaurent la fertilité du
sol ; ils créent d’autres sources de revenus pour les paysans (semences, fruits, bois, énergie) ;
ils renforcent la biodiversité (réduisant ainsi les ravageurs).
Diverses initiatives de ce type illustrent les liens d’interdépendance entre les espèces et
l’importance de la protection du sol, que l’agriculture industrielle néglige souvent. Elles
s’insèrent dans une approche holistique, qui respecte et s’inspire des processus naturels, et
optimise le recyclage des nutriments.
L’auteur souligne à travers ces exemples les nombreux bénéfices de l’agroécologie :
- des rendements à l’hectare plus importants (une réponse à l’insécurité alimentaire) ;
- de meilleurs revenus et plus d’autonomie pour les paysans (une réponse à la pauvreté) ;
- des avantages nutritionnels pour les communautés qui souffrent souvent de malnutrition ;
- une réponse au changement climatique, qu’accélèrent considérablement les pratiques non
durables de l’agriculture industrielle (combustibles fossiles, engrais de synthèse,
déforestation, monoculture, élevage intensif, …). L’agroécologie permet à l’inverse de
faire de l’agriculture une activité captatrice de carbone ;
- des liens plus forts entre les producteurs et les consommateurs.
2 Emission « Mots croisés », France 2, animée par Yves Calvi. Un débat du 21 février 2011, intitulé « Du poison dans nos assiettes », à visionner au lien suivant : http://www.youtube.com/watch?v=vYNueF96_bI
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M-M. Robin montre également les limites du modèle agro-industriel, qui a commencé à
se développer après la première guerre mondiale (qui marque, avec les progrès de l’industrie
chimique, l’arrivée des engrais chimiques et de la mécanisation). Ce modèle pollue
énormément (les eaux de surface et souterraines, les sols, l’air, …) et accélère le changement
climatique ; il érode et appauvrit les sols (désherbage massif, travaux culturaux trop fréquents,
fongicides, sols nus en hiver, monoculture) ; il favorise les ravageurs, les maladies et les
parasites (contre lesquels des firmes comme Monsanto créent des produits chimiques, qui
érodent encore les sols et « exigent » l’utilisation de davantage d’engrais chimiques ou de
semences OGM résistantes ; mais les parasites deviennent alors souvent résistants aux OGM
et le cercle vicieux se perpétue) et fournit des rendements de plus en plus faibles. Les
externalités négatives de ce modèle sont énormes, notamment en termes de santé publique (et
ne sont pas visibles actuellement dans les prix des produits issus de l’agriculture
« conventionnelle » ou biologique).
Ce sont là les dérives de la « révolution verte » des années 1960, très portée sur la chimie,
la génétique et la mécanique, remplacée aujourd’hui par la « révolution doublement verte ».
La révolution verte visait uniquement à produire plus d’aliments et négligeait les autres
services environnementaux de l’agriculture (eau, oxygène de l’air, paysages, esthétique). La
révolution verte a également engendré de nombreux problèmes sociaux, mettant les paysans
des quatre coins du monde en difficultés (l’auteur détaille le processus en Afrique et en Inde),
et profitant aux entreprises agroalimentaires et aux fabricants d’intrants chimiques.
L’agroforesterie joue un rôle clé dans cette révolution doublement verte. Quoique plus
présente dans les pays en voie de développement (notamment en Afrique), quelques
initiatives sont à souligner dans les pays industrialisés. Souvent accompagnées de tests
scientifiques, celles-ci démontrent les capacités de l’agroforesterie à pallier les méfaits de
l’agriculture industrielle, et à lutter contre le réchauffement climatique en permettant à la fois
une meilleure résilience à ses impacts négatifs (les arbres de parcelles agroforestières sont
plus résistants aux sécheresses car leurs racines sont plus profondes) et une diminution des
gaz à effet de serre (séquestration du carbone, production d’oxygène ; humidification et
rafraîchissement de l’atmosphère). Dans d’autres méthodes agroécologiques que
l’agroforesterie, comme le système de la milpa, on a également recours à des associations très
bénéfiques entre espèces différentes ayant des rôles complémentaires.
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L’auteur présente aussi l’histoire, les fondateurs (notamment Rudolf Steiner) et les
principes de l’agriculture biodynamique et de l’agronomie biologique, fondées également
sur ce même esprit de respect du vivant, de la nature, de considération de la globalité de
l’écosystème dans les pratiques agricoles. Elles s’opposent au « projet techno-industriel »
de l’agriculture chimique, s’inspirent de pratiques agricoles traditionnelles, et s’attachent à
apporter régulièrement des matières organiques au sol (puisées par les plantes pour se leur
développement) pour maintenir sa fertilité dans la durée.
L’agronomie biologique, tout comme la biodynamie, se fondent sur une connaissance
toujours plus profonde des interactions et processus biologiques au sein de l’écosystème
et des conditions de son équilibre (c’est ainsi qu’est né le push-pull, méthode à base de
plantes de lutte contre les ravageurs). L’agriculture chimique a une vision trop étroite, fondée
sur les seuls produits et non pas sur les systèmes écologiques : ainsi, le maïs transgénique
produit certes de forts rendements mais n’a pas certains mécanismes naturels de défense des
plantes contre les ravageurs qu’ont ce que l’on appelle les smart plants, variétés
traditionnelles dont la biologie a commencé récemment à découvrir les prouesses en termes
de mécanismes de défense et signaux biochimiques naturels permettant la communication
avec d’autres plantes. Les pesticides créent par ailleurs de nouvelles maladies chez les plantes
en modifiant leur métabolisme et en brisant leur résistance naturelle.
L’agroécologie permet au paysan de s’approprier les méthodes, de les comprendre, de
appliquer habilement, et de participer activement à leur amélioration. L’agriculture chimique,
elle, impose une transmission verticale du savoir par le chimiste (c’est en réaction à ce
déséquilibre qu’est né le mouvement d’innovateurs paysans Campesino a Campesino au
Nicaragua en 1987, qui s’est beaucoup développé depuis). Le paysan n’est ainsi pas
responsable des revers de la « révolution verte », il en est la première victime.
Il existe certains exemples de la prise de conscience par des institutions internationales
(comme l’ONU) des dangers de l’agriculture chimique et de la nécessité d’une transition vers
un autre modèle (comme le rapport « L’Agriculture Biologique et la sécurité alimentaire en
Afrique », du CNUCED et du PNUE). L’auteur propose à travers des dialogues avec des
représentants de ces institutions un nouveau paradigme ; où l’agriculture est reconnue
multifonctionnelle ; où les petites exploitations familiales sont favorisées ; où le paysan,
mieux valorisé, contrôle tout le processus de production, des semences aux intrants ; où les
paysans et les scientifiques travaillent ensemble ; où les gouvernements soutiennent les
pratiques agricoles durables et la recherche pour une agriculture durable à échelle humaine.
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Toutefois, les préjugés et la peur du « retour en arrière » sont encore ancrés, et les
intérêts économiques à garder le système actuel sont très importants. Les lobbys sont forts
sur la scène politique internationale (notamment les fabricants d’intrants chimiques et
multinationales de la distribution et de la commercialisation des aliments au niveau
international). Jusqu’à aujourd’hui, beaucoup de politiques publiques agricoles, dans les pays
industrialisés comme dans les pays en voie de développement, ont favorisé la révolution verte
(en imposant une course aux rendements et à la spécialisation) et ont eu des impacts sociaux
et environnementaux dévastateurs. Les paysans se laissent prendre dans le cercle vicieux des
semences OGM, de la monoculture et des intrants chimiques, et bien que beaucoup prennent
conscience que leur mode de production n’est pas durable, ils appréhendent fortement une
possible conversion, qui risquerait d’être coûteuse en temps et en investissements.
Les moissons du futur présente des exemples de paysans qui ont franchi ce pas et qui l’ont
vécu comme une « renaissance », et des idées pour faire la transition progressivement.
M-M. Robin souligne également l’importance de revoir l’organisation des marchés à
différentes échelles pour que l’agroécologie puisse s’imposer.
> Au niveau international
Selon l’auteur, l’Accord de Libre Echange Nord-Américain (l’ALENA) a donné les pleins
pouvoirs aux multinationales de l’agrobusiness sur le marché mexicain. Le gouvernement
mexicain a supprimé les aides à l’agriculture familiale, les garanties de prix et le soutien des
prix à la consommation, entrainant une forte hausse des importations de maïs en provenance
des Etats-Unis, ainsi qu’une importante progression de la pauvreté et de la malnutrition chez
les familles paysannes. Cet exode rural programmé a été accompagné d’une émigration
massive, d’une forte progression de l’économie informelle et de la filière de la drogue.
A partir de 2007-2008, la spéculation que font les grandes multinationales sur les denrées
alimentaires (ainsi que la hausse de la demande en viande et en agrocarburants, la sécheresse,
ou encore le prix élevé du pétrole) provoque la flambée des prix et une crise alimentaire
majeure qui touche d’abord le Mexique, puis 37 pays d’Afrique et d’Asie.
Selon M-M Robin, le FMI, la Banque mondiale et l’OMC maintiennent les pays du Sud
dans une situation de dépendance alimentaire par les politiques libérales qu’ils mènent.
> Au niveau national
Selon l’auteur, les produits alimentaires ne devraient pas être considérés comme une
marchandise comme les autres, et les pays en développement devraient pouvoir mettre en
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place des mesures protectionnistes (et soutenir en parallèle l’agroécologie) afin de garantir
leur souveraineté alimentaire et lutter contre la pauvreté rurale.
> Au niveau local
Les mouvements sociaux de défense de la souveraineté alimentaire (par opposition à la
sécurité alimentaire, qui vise à assurer l’accès aux aliments sans se soucier de leur
provenance, de leur mode de production ou de distribution) se renforcent : le mouvement
international Via Campesina en est un exemple emblématique. Ils naissent d’une prise de
conscience des intérêts communs liant consommateurs et paysans, qui semblent opposés dans
le système agro-industriel. Dans l’agroécologie, des liens plus forts les réunissent, comme le
montrent les initiatives visant à prioriser les chaines courtes, limitant transports et
intermédiaires, qui se multiplient (tekei au Japon, AMAP en France, ou CSA aux Etats-Unis).
L’auteur conclut son ouvrage par une injonction à faire dès maintenant des choix de
consommation plus responsables, car « l’acte de consommation est un acte politique » :
- Manger moins de viande : sa production est fortement émettrice de gaz à effet de serre et
exige énormément de céréales et d’eau (non disponibles donc pour les humains) ;
- Lutter contre les biocarburants : ils sont encore fortement subventionnés alors qu’ils
exigent aussi des quantités immenses de céréales et d’eau, et menacent la sécurité
alimentaire (exploitations vivrières accaparées, prix des produits agricoles multipliés) ;
- Ne pas consommer des produits issus de l’agriculture biologique sans se renseigner sur
leur provenance (souvent lointaine) et leur mode de production (monoculture ?
exploitation intensive des ressources naturelles et de la main d’œuvre ?). Selon l’auteur,
l’agroécologie va plus loin que le simple respect du cahier des charges actuel de
l’agriculture biologique ; elle inclut « un rapport aux autres et à la nature différent, un
dépassement de l’état actuel qui permette aux hommes et aux femmes de vivre dignement,
dans le respect des autres et des ressources communes ; (…) une manière de vivre ».
Gonçalves Krebsbach S – Fiche de lecture : « Les Moissons du Futur » – Septembre 2014 11
3. Commentaires critiques
3.1. Avis d’autres auteurs sur l’ouvrage Le documentaire et le livre de M-M. Robin Le Monde selon Monsanto de 2008 avait été très
acclamé par la critique, et il semble que Les Moissons du futur ait relativement moins fait
couler d’encre, tout en recevant un accueil plutôt favorable. Notons qu’il s’agit du troisième
ouvrage de M-M. Robin d’une trilogie sur l’agroécologie, débutée par Le Monde selon
Monsanto.
Sur la version internet du journal Libération3, la journaliste Eliane Patriarca souligne un
manque de rigueur et d’objectivité, déclarant que « le documentaire n’est pas une enquête,
mais plutôt un carnet de voyages subjectif, un tour du monde tissé autour de témoins paysans,
scientifiques ou représentants d’organismes internationaux ». Il est toutefois selon elle
« louable pour ses vertus informatives et pédagogiques ».
Michel Alberganti, auteur du blog Globule et télescope4, estime que la journaliste est
« désormais victime d’une proximité avec son sujet telle qu’elle en oublie la mise en
perspective », et que les témoignages décrits sont « redondants ». Ils sont toutefois selon M.
Alberganti « convaincants et enthousiasmants », et « une véritable découverte pour un
citadin ». L’ouvrage rend, selon lui « perceptible la magie de l’équilibre écologique ». M.
Alberganti dénonce des méthodes « rudimentaires, voire archaïques », et se demande s’il est
vraiment possible de multiplier le nombre de paysans en agroécologie : « si le documentaire
apporte une contestation passionnante sur l’argument du rendement, il nous laisse sur notre
faim quant à la mise en œuvre de l’Eden agricole ».
3 Libération, section Ecrans, Des Moissons du Futur sans Contrechamp http://ecrans.liberation.fr/ecrans/2012/10/19/des-moissons-du-futur-sans-contrechamp_949897, consulté le 27 septembre 2014 4 Blog Globule et Télescope, La Décevante Moisson de Marie-Monique Robin, http://blog.slate.fr/globule-et-telescope/2012/10/16/la-decevante-moisson-de-marie-monique-robin/, consulté le 27 septembre 2014
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3.2. Avis de l’auteur de la fiche
L’ouvrage de M-M. Robin est permet de prendre connaissance de diverses initiatives
très porteuses d’espoir pour le développement de l’agroécologie à l’échelle mondiale. Etant
donnée l’urgence des enjeux en question (en ce qui concerne l’eau, le climat, l’alimentation,
l’énergie, la pauvreté, la finance, la santé…), il est important que des travaux comme celui-ci
informent et incitent à agir pour changer les choses.
M-M. Robin dresse un tableau très convaincant des limites du modèle agro-industriel
actuel, des avantages de l’agroécologie, de l’ingéniosité des initiatives présentées et de
l’importance d’une approche globale prenant en compte les liens d’interdépendance au sein
des écosystèmes. Elle est passionnée par les valeurs humaines et écologiques qu’elle défend.
Et c’est peut-être cela même qui nuit paradoxalement à la portée de l’ouvrage, dans lequel elle
exprime beaucoup d’émotions, et nuance parfois peu son propos. Son mode de rédaction est
plutôt subjectif, et peut manquer parfois de rigueur et de structure. Nous pourrions également
lui adresser le reproche de s’intéresser uniquement à ce par quoi elle est déjà convaincue, ce
qui donne peu d’occasions de remettre ses idées en perspective. Notions que l’auteur se
défend dès le début de son ouvrage de ne pas viser à l’exhaustivité, car elle dit avoir déjà
longuement exposé les arguments des « représentants de l’industrie chimique ou des
promoteurs du modèle agro-industriel » dans ses films et livres précédents. Il serait donc
intéressant de lire les trois ouvrages de la trilogie de M-M. Robin sur l’agroécologie pour
avoir une vision plus exhaustive de la question.
Gonçalves Krebsbach S – Fiche de lecture : « Les Moissons du Futur » – Septembre 2014 13
4. Bibliographie de l’auteur
La liste ci-dessous, issue du site internet de Marie Dominique Robin5, présente les livres
qu’elle a écrits, qui ont tous accompagné des documentaires qu’elle a réalisés. L’auteur a
également réalisé de nombreux autres documentaires (une centaine) qui n’ont pas donné lieu à
un livre, listés sur son site internet également.
• 2012 – Les Moissons du futur, Paris, La Découverte, 297 p
• 2011 – Notre poison quotidien, Paris, La Découverte, 300p
• 2009 – Le Monde selon Monsanto, Paris, La Découverte, 385p
• 2005 – L’école du soupçon, Paris, La Découverte, 334p
• 2003 – Escadrons de la mort, l’école française, Paris, La Découverte, 453p
• 1999 – Les cent photos du siècle, Paris, France Loisirs
• 1993 – Voleurs d’organes, Paris, Bayard Jeunesse, 339p
5 Site officiel de Marie-Monique Robin, Filmographie, http://www.mariemoniquerobin.com/filmographie.html,
consulté le 27 septembre 2014
Gonçalves Krebsbach S – Fiche de lecture : « Les Moissons du Futur » – Septembre 2014 14
5. Références
Marie-Monique Robin, http://www.mariemoniquerobin.com/, consulté le 26 septembre 2014
L’Humanité, Marie-Monique Robin, grand reporter sous pressions médiatiques,
http://www.humanite.fr/node/271834, consulté le 26 septembre 2014
Libération, section Ecrans, Des Moissons du Futur sans Contrechamp,
http://ecrans.liberation.fr/ecrans/2012/10/19/des-moissons-du-futur-sans-
contrechamp_949897, consulté le 27 septembre 2014
Blog Globule et Télescope, La Décevante Moisson de Marie-Monique Robin
http://blog.slate.fr/globule-et-telescope/2012/10/16/la-decevante-moisson-de-marie-
monique-robin/, consulté le 27 septembre 2014