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Montréal, le 27 septembre 2013
Monsieur Yves-François Blanchet Ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) Édifice Marie-Guyart 675, boul. René-Lévesque Est, 30e étage Québec (Québec) G1R 5V7
Monsieur Sylvain Gaudreault Ministre des Transports Ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du Territoire Ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire Édifice Jean-Baptiste-De La Salle 10, rue Pierre-Olivier-Chauveau Aile Chauveau, 4e étage Québec (Québec) G1R 4J3
Objet : Intervention municipale dans le dossier des matières organiques
Messieurs les ministres Blanchet et Gaudreault,
Les entreprises que les organisations signataires de cette lettre représentent sont déjà
engagées dans la mise en place de mesures qui favoriseront la récupération et la
valorisation de l'intégralité de leurs matières organiques ou offrent des services de
collecte et de valorisation dans le but de se conformer à l'objectif gouvernemental
d'interdire l'enfouissement de matières putrescibles d'ici 2020.
Pour ce faire, elles ont négocié des contrats avec des entreprises privées possédant
une expertise de longue date en la matière et elles ont débuté l'aménagement de leurs
locaux pour récupérer les matières organiques qu'elles génèrent.
Or, nous apprenions récemment qu’un règlement municipal, en vigueur dans la Ville de
Lévis, accorde à la municipalité le droit exclusif de procéder à la collecte et au transport
des matières organiques sur son territoire. Nous souhaitons, par la présente lettre,
dénoncer cette situation et vous faire part des impacts potentiels qu'une telle
réglementation est susceptible d'entraîner si des règles similaires sont adoptées par
d’autres municipalités québécoises.
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Nous avions déjà mis en garde le gouvernement contre cette possibilité que les
municipalités veuillent exercer un monopole sur leur territoire, au détriment de
l'entreprise privée, le jour où elles constateraient que la rentabilité de leurs installations
de compostage ou de bio méthanisation, largement subventionnées par les programmes
gouvernementaux, passait par le volume traité. Ce jour semble déjà arrivé.
Les impacts de la règlementation municipale sur les entreprises productrices de
matières organiques.
Les entreprises productrices de matières organiques ont chacune des besoins bien
distincts pour la gestion de leurs matières organiques. Lorsqu'elles sont organisées en
chaîne ou bannières, elles disposent aussi d'une stratégie de gestion de matières
organiques qu'elles tentent d'appliquer uniformément sur l'ensemble du territoire du
Québec.
Il est par conséquent inconcevable qu'elles soient assujetties au bon vouloir des
municipalités qui imposeront des règles différentes d'un territoire à l'autre et qui
astreindront ces entreprises à des ajustements multiples pour accommoder la
municipalité plutôt que l'inverse.
Nous revendiquons le maintien pour les entreprises que nous représentons du choix de
transiger directement avec l'entreprise privée pour la collecte et le transport de leurs
matières organiques. Les assujettir à un monopole municipal entraînerait des obligations
inutiles et onéreuses.
À titre d'exemple, il est inadmissible d’imposer aux entreprises de modifier leurs façons
de faire, voire même leurs installations, lorsqu'elles ont déjà eu à débourser des
sommes considérables pour mettre sur pied un système efficace en collaboration avec
un partenaire privé. En effet, plusieurs entreprises ont déjà procédé à des
aménagements importants qui pourraient devenir obsolètes si les municipalités
s’arrogent l’exclusivité de collecter et transporter les matières organiques sur leur
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territoire respectif. Ces entreprises seraient alors contraintes d'apporter des
modifications, à leurs frais, afin d’accommoder les municipalités, qui imposeront leurs
conditions de cueillette.
De telles conditions peuvent être de nature à créer des inconvénients majeurs aux
entreprises. L’imposition d’un point de récupération des matières organiques, différent
de celui convenu avec l’entreprise privée, ou l’obligation d’utiliser des contenants
différents, constituent deux irritants majeurs que nous appréhendons et qui, sur un plan
financier, pourraient être très dommageables.
Par ailleurs, plusieurs des entreprises génératrices de matières organiques sont des
chaînes exploitant au moins une succursale dans plusieurs villes du Québec. Dans leurs
cas, il est beaucoup plus facile, en plus d’être préférable sur le plan financier, de signer
un contrat avec des clauses uniformes pour l’ensemble de leurs succursales. Comme la
réglementation risque d’être différente dans chacune des municipalités, le manque
d’uniformité contraindra les entreprises à élaborer, à leurs frais, une multitude de
pratiques différentes. La confusion occasionnée par des règles disparates peut, et doit
être évitée.
Aussi, nous craignons que des coûts supplémentaires soient imposés aux entreprises.
Si présentement, les bacs pour les matières organiques sont fournis gratuitement et que
les frais pour la collecte de ces matières sont inclus dans les frais pour la collecte des
ordures, il sera désormais possible pour les municipalités, qui profiteront d’un monopole,
de rajouter une forme de taxation pour la collecte et le transport des matières
organiques.
Autres impacts de cette règlementation: l’expropriation du secteur privé
Une règle octroyant à une municipalité le monopole pour la collecte et le transport des
matières organiques entraînera également des impacts importants pour les entreprises
privées se spécialisant dans ce domaine. En effet, en se réservant l’exclusivité pour la
collecte et le transport des matières organiques, une municipalité se trouve, sans que
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cela ne soit son objectif, à complètement écarter les entreprises privées pour ainsi
exercer un monopole.
Nous sommes d’avis qu’une telle expropriation de l’entreprise privée ne peut qu’être
néfaste sur le plan de la compétitivité. En effet, les entreprises œuvrant dans le domaine
de la collecte et du transport des matières organiques ont développé une expertise
spécifique qui leur permet d’assurer un service de qualité à leurs clients. Comme le
marché est assez restreint et que chaque client doit être conservé, toutes les entreprises
privées sont à l’affût des nouveaux développements et en mesure d’appliquer
rapidement les correctifs nécessaires et d’incorporer des méthodes d’amélioration
constante.
Par ailleurs, nous soumettons que les municipalités profitent déjà largement des
redevances payées par les entreprises privées qui effectuent présentement de la
collecte et du transport de matières organiques. Si ces redevances ont été utilisées dans
le but de développer le système de collecte municipal, il faut en conclure que, en bout
de ligne, les entreprises privées auront payé pour ne plus avoir le droit d’opérer. Bien
que cette situation n’ait probablement pas été voulue par les municipalités, elle reste
désolante et provoque une iniquité.
Nous nous questionnons également sur la capacité des municipalités à gérer de façon
aussi efficace et efficiente que les entreprises privées le processus de collecte et de
transport des matières organiques. Comme nous l’avons déjà exposé, chaque
générateur de matières organiques a des besoins différents et des méthodes de gestion
différentes. Ainsi, il est important que les municipalités puissent adapter leurs règles en
fonction de l’entreprise génératrice de matières organiques. Nous sommes conscients
que de telles concessions soient difficiles, voire impossibles à réaliser. Ainsi, toutes les
entreprises ayant déjà conclu un contrat valide avec une entreprise privée devraient
pouvoir exercer le libre choix de poursuivre cette relation contractuelle avec cette
entreprise pour toute la durée du contrat et par la suite si elle le souhaite, d’autant plus
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qu’elles s’exposent à encourir des coûts si elles sont contraintes de mettre un terme à
leurs contrats.
Nous craignons par ailleurs que les municipalités choisissent également de traiter elles-
mêmes les matières organiques, au détriment des entreprises privées. Le cadre normatif
approuvé par le Conseil du trésor du Québec le 3 juillet 2012 propose une aide
financière équivalente à 67 % du coût d’un projet municipal de biométhanisation
comparativement à un maximum de 25% dans le cadre d’un projet privé. Il est évident
que, dans ce contexte, le gouvernement favorise le développement de projets
municipaux et un élargissement important des structures administratives et industrielles
des municipalités du Québec. Le gouvernement défavorise aussi définitivement
l’entrepreneuriat dans ce secteur émergent, et ce, au détriment des entreprises et de
l’expertise québécoise du secteur des services environnementaux.
Au regard de la situation actuelle, nous sommes d’avis que la municipalisation des
services à l’environnement ne s’inscrit pas dans une vision à long terme du
développement durable. Ainsi, non seulement les entreprises ne peuvent rivaliser avec
un avantage concurrentiel aussi important au bénéfice des municipalités, mais cela
lance un message clair aux entrepreneurs de ne pas investir de capitaux, notamment en
recherche et développement, dans le domaine de la gestion des matières organiques,
puisque dans les faits, le gouvernement établi un monopole public dans ce domaine.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d’imposer un moratoire sur toute
nouvelle réglementation municipale portant sur la collecte de matières organiques. Un
tel moratoire permettrait aux membres des différents comités et tables de concertation
de se pencher attentivement sur les problématiques soulevées et ainsi, pouvoir élaborer
une solution qui permettrait à toutes les parties en cause d’y trouver leur compte. À ce
sujet, tous les signataires offrent leur entière collaboration dans le but de mener à terme
une importante réflexion.
Dans l'attente de vos nouvelles, nous vous prions de recevoir, messieurs les Ministres
Blanchet et Gaudreault, l’expression de nos sentiments respectueux.
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LISTE DES SIGNATAIRES – SIGNATURE – LOGO-DOMAINE D’ACTIVITÉ
Léopold Turgeon Président directeur général Conseil québécois du commerce de détail
Nathalie Vice-présidente Québec Conseil canadien du commerce de détail
Richard Mimeau Directeur général/ CEO Conseil des entreprises en services environnementaux
Martine Hébert,
Vice-présidente, Québec et porte-parole nationale de la FCEI
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François Meunier Vice-président, Affaires publiques et gouvernementales Association des restaurateurs du Québec
Jean Lefebvre Conseil des chaînes de restaurants du Québec VP Affaires gouvernementales
Pierre-Alexandre Blouin Vice-président, Affaires publiques Association des détaillants en alimentation du Québec
Sylvie Cloutier Présidente-directrice générale Conseil de la transformation agroalimentaire et des produits de consommation (CTAC)
Hélène Lauzon Présidente directrice générale Conseil patronal de l’environnement du Québec (CPEQ)