Favoriser l’herbe pâturée L'évolution de l'agriculture de l'après guerre a mené à l’intensification en capital des systèmes d'élevage afin d'augmenter les productions de viande et de lait. Les stratégies fourragères se sont donc orientées vers des fourrages cultivés et/ou récoltés tandis que le rendement et la qualité des prairies étaient modifiés par en particulier l’épandage d’engrais au détriment des connaissances sur la gestion de l’herbe.
Pourtant, depuis André Voisin et sa Productivité de l'herbe (1957), et la prise de conscience de la nécessité de réduire ses charges afin de dégager plus de revenu (André POCHON et RAD Grand Ouest), des techniques de pâturage permettent d'assurer un certain volume de production en réduisant les intrants. Aujourd'hui, des groupes d'éleveurs se réapproprient les connaissances autour de la physiologie de l'herbe avec comme objectif : toujours favoriser l'alimentation du troupeau grâce à la ressource la moins coûteuse, l'herbe pâturée.
Les éleveurs observent en général un gâchis de l'herbe qui explose sur une courte période au printemps particulièrement en zone de montagne: « ils se sentent dépassés ». Des réflexions, observations, échanges d'expériences autour de la gestion de l'herbe ont amené des éleveurs du Massif Central à modifier leurs pratiques de pâturage (en plein, voir au fil avant) pour les raisonner et profiter de cette abondance de printemps. Ces réflexions ont en particulier permis de mieux observer et comprendre la ressource « herbe ».
Coûts des fourrages
source : Institut de l'élevage 2008.
*: La correction par le soja (2,7kg/15kg de maïs ensilage) est
évalué en 2012 à 65€/T MS de Maïs
Ensilage.
4 paysans du Massif Central témoignent
« Mieux gérer l’herbe, c’est mieux la
connaître, et l’utiliser à son optimum pour
réduire ses charges »
Jacques GAUVREAU, Éleveur en Corrèze
Les bases de la gestion de l’herbe
Entrée dans une herbe à son optimum de pousse,
Temps de séjour court afin de ne pas pâturer une herbe qui
repousse (en général à partir de 6 jours après pâture),
Hauteur de sortie adaptée pour ne pas attaquer les réserves de la
graminée situées dans la gaine à la base du pied,
Temps de retour réfléchi afin de laisser à la plante la possibilité de
refaire des réserves,
Le pâturage tournant est une technique qui permet de respecter ces principes sur les surfaces en prairies en faisant pâturer des petits parcs (paddocks) avec un fort chargement sur de courtes périodes, aux périodes de pousse de l’herbe.
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Jacques
GAUVREAU
Serge
GRANGÉ
Denis
JOUFFRE
Olivier
HOLWECK
Comment pousse l’herbe?
Les graminées ont pour la plupart un nombre fixe de feuille par talle. Pendant la croissance, lorsque ce nombre est atteint, la première feuille produite sèche et est remplacée par une nouvelle.
En moyenne montagne, les surfaces ne poussent pas de manière homogène en fonction de leur exposition, leur sol, leur altitude, leur composition floristique, etc... Par l'observation et l'expérience, les éleveurs adaptent ces
principes aux différentes prairies. Pour les surfaces où les graminées sont sous représentées (fonds humides, landes, bois, etc...), d'autres notions doivent être mobilisées pour continuer à économiser sur l’alimentation animale (voir fiche thématique ADMM Milieux Atypiques).
Type de fourrage Prix (€/T MS)
Maïs Ensilage distri-bué non corrigé*
101 à 116€
Foin 79 à 82€
Herbe pâturée sur prairie permanente
28 à 30€
Mieux gérer son herbe
pour réduire les intrants
FERME du Pré MAZAN 36 ha - 1 ,2 UTH - Plateau Ardéchois (07)
Serge GRANGÉ 83 ha - 1 UTH - Sologne bourbonnaise (18)
« Les sols se prêtent à l’herbe, alors je nourris à l’herbe »
Installé depuis 1975, Serge GRANGÉ vend des broutards à un engraisseur
local et des génisses de renouvellement, le tout en race Limousine depuis
1995. Ses objectifs sont de valoriser au mieux le potentiel disponible sur sa
ferme et de limiter le temps de travail. Il faut être « dans le bon lieu, au bon
moment, en fonction du sol, des plantes et du climat ! ». La lecture de la collection Sciences et Techniques
Agricoles de Dominique Soltner l'a inspiré dans la mise en place du pâturage et du plein air intégral.
Les animaux guident « Le parcours des animaux est assez semblable
tous les ans. J’affine quotidiennement
l'organisation du pâturage en utilisant mes
observations des parcelles, des animaux et du
climat. Les animaux sont sur une parcelle en fin
d'hiver afin de laisser les prairies démarrer.
Lorsque la nature redémarre et que les vaches
le sentent, je déclenche la mise à l’herbe en
faisant attention à ne pas rester trop longtemps
pour ne pas diminuer la quantité et la qualité. »
« Valoriser au maximum l’herbe »
Isabelle et Denis JOUFFRE se sont installés en 1978 sur une petite
ferme laitière (20 Montbéliardes) en altitude. Depuis 1997, ils ont
modifié leur manière de faire pâturer les animaux. Ils disposent d'un
parcellaire réduit qui les poussent à valoriser au maximum l'herbe
fraîche, à augmenter sa capacité de repousse tout en respectant
leurs objectifs d'agriculteurs biologiques. Ils ont fait le choix de conserver un chargement important en étant
autonome en herbe et foin, mais en achetant des aliments à l'extérieur. La gestion de l'herbe permet toutefois
de passer une bonne partie de la saison (mi-Mai à la fin de l'été) sans compléments azotés.
Tourner sur des petites parcelles « J'utilise 4 parcelles d’environ 2 hectares chacune. A
partir de mi mai, les 20 vaches pâturent chaque parcelle
pendant 5 jours. Une même parcelle est pâturée 2 ou 3 fois
pendant la saison (la deuxième repousse est plus riche en
légumineuses). Cela permet d’alimenter les vaches jusqu’à fin
juillet. Après, elles passent sur les parcelles enrubannées.
Cette technique me permet de valoriser l’herbe lorsqu’elle est
au maximum de ses valeurs nutritives. Je peux ainsi franchir
l’été sans compléments azotés. »
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Atouts Contraintes
Permet de mieux gérer la
flore prairiale
Cycle des parasites cassé
avec temps de retour long
La gestion des prairies
limite l'extension des
plantes non désirées, et
fait taller les plants désirés
qui densifient la prairie
Il y a toujours des limites
évoquées pour mettre en
place ces pratiques
(accès à l'eau,
éclatement du
parcellaire, etc...), mais il
faut surtout s'adapter à
son environnement et
voir ce qu'on peut faire
Atouts Contraintes
Économies en
correcteurs azotés
L'herbe est
toujours broutée
au bon stade
Repousse plus
rapide
Gestion très
pointue où il faut
calculer au plus
juste
Temps
d'observation
des parcelles
pour déterminer
le bon moment
d’entrée et de
sortie
« Elles ont envie de l’herbe et ne pensent pas à voir ailleurs... »
Installés depuis 2005 à 1000 m d'altitude, Olivier et Ève élèvent une quarantaine de
chèvres et transforment leur lait en fromages qu'ils vendent en circuit court. Ils ont
modernisé l'atelier, se sont tournés vers des pratiques vétérinaires alternatives puis
ont fait le pas vers l’agriculture biologique. Cela les a conduit notamment à améliorer
leur autonomie en fourrages via le pâturage tournant mis en place en 2011. « j'avais
du mal à contenir les chèvres : elles pâturaient partout, salissaient tout, je n'arrivais
à faire que peu de foin, les prés étaient mal pâturés et je finissais par passer le
girobroyeur. Le temps que cela mature, je suis passé du « ils le font, c’est bien chez
eux... » à « ...et pourquoi pas chez moi ». Une fois le frein des clôtures levé, il fut
possible de mettre en place le système. Je me suis rendu compte que beaucoup de mes problèmes de départ
venait de la gestion de l’herbe.
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Jacques GAUVREAU—GAEC de la Geneste 140 ha - 3 UTH - Moyenne Corrèze (19)
« Gérer l’herbe pour diminuer les charges »
Jacques et Annie se sont installés en 1990 et un apprenti devenu
associé les a rejoints en 2009. Le système compte aujourd'hui 120
vêlages en Limousines. Ils ont peu à peu appris à mieux connaître la
pousse de l'herbe et à lever les freins à la mise en place de
paddocks sur la ferme. En modifiant le système, les charges ont
nettement diminuées : arrêt d'épandage d'engrais sur prairies, sortie
précoce et utilisation de l'herbe à son optimum au printemps.
De la souplesse dans la gestion... « Je constitue 5 lots d'animaux auxquels sont
alloués des parcelles. Après avoir fait un tour sur
les 8 à 10 paddocks toujours pâturés, les animaux
dépriment les surfaces réservées à la fauche puis
reviennent tourner sur les paddocks. Après
quelques années, ce sont les animaux qui
apprennent à gérer ! Si il y a trop d'herbe, je saute
un paddock et le fauche. Si cela ne pousse pas, je
rajoute des paddocks réservés à la fauche dans la
rotation. Le secret, c’est être souple et réactif en
particulier quand la météo fait des siennes. »
Atouts Contraintes
Animaux plus dociles
Passer du temps
avec les animaux
(observation du
comportement, santé
Répartition des
bouses et de la
pression de pâturage
sur l'ensemble de la
parcelle
Prendre du temps
pour réfléchir à la
rotation des animaux
Être en permanence
réactif par rapport au
climat surtout ces
dernières années
Olivier et Ève HOLWECK 10 ha - 2 UTH - Cézallier (15)
Des clôtures au fur et à mesure « Sur mes 10 ha, tout en prairies permanentes, j'aurai 11 paddocks, 2 prés de fauches et une parcelle en partie boisée pour l’abri en cas de fortes pluies ou de fortes chaleurs.
Les chèvres sortent dès qu'il fait bon (début mars, voire mi-février) et jusqu'en décembre si le temps le permet. En début de saison, elles sont encore au foin, mais elles picorent/dépriment les prés de fauche. L'herbe n'a pas encore commencé à pousser fort donc elles ne réduisent pas le stock. En fin de saison, je leur fais pâturer le regain dans les prés de fauche. »
Atouts Contraintes
Je ne me pose pas de
question sur les
changements de
parcelles avec mes
clôtures adaptées
Réduire mes achats de
foin : les 1ères années,
j'achetais 23T de foin ;
en 2011, j'en ai vendu 6
T (avec achat de 8T de
luzerne)
Entretien des
clôtures
(fauchages sous
les fils électriques,
réparation)
Des projets:
Autonomie
protéique,
séchage en
grange, etc...
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Pour aller plus loin sur le pâturage tournant
Bibliographie
Civam ADAPA, 2010. Valoriser une ressource peu coûteuse, l'herbe, FRCivam Limousin, 6 pages, disponible sur
demande.
VOISIN A., 1957. La productivité de l'herbe, Éditions Flammarion, Réédition France Agricole, 2001 (épuisé).
Réseau Agriculture Durable des CIVAM, 2008. Construire et Conduire un système Herbager Économe, 2ème
Édition et site web du RAD: www.agriculture-durable.org.
Quelle différence avec fil arrière fil avant? Même principe mais les paddocks sont fixes pour une année. On
gagne du temps de déplacement et on peut aller jusqu’à poser du fixe lorsque le système est équilibré.
Comment cela se passe avec les refus d'épis et de bouse? Les épis peuvent être consommés entre 5cm et
20cm. Il faut donc tourner assez rapidement pour que les animaux les étêtent au maximum. Il reste bien sûr des
refus qui peuvent être consommés selon les objectifs de l’éleveur soit à l'automne, soit en fin d'hiver.
Le temps de travail mobilisé pour déplacer les animaux plus souvent? Oui, mais c’est relatif selon la mise
en place des clôtures. Manipuler ses animaux régulièrement permet de mieux les connaître et rentrer
régulièrement dans la parcelle permet aussi d’observer l'herbe: son évolution, son appétence, ...
Difficulté de gérer l'eau dans chaque paddock? Il est indispensable de découper les parcelles en fonction
des points d'eau. L'investissement pour un accès à l'eau (abreuvoirs supplémentaires, tuyaux, etc...) est à
comparer au gain de fourrage réalisé.
Impact sur le parasitisme? La sortie précoce permet aux jeunes de construire leur immunité, et le temps de
repos assez long (1 mois entre chaque passage) casse le cycle des parasites. Enfin, la manutention des animaux
permet aux éleveurs de mieux apprécier l'état sanitaire du troupeau et de se poser les questions à temps.
Du pâturage tournant sur toutes mes surfaces? La mise en place de cette gestion en paddock induit un
exploitation de l’herbe à son optimum dans chaque parcelle. Transformer toutes ses surfaces en surfaces
productives de printemps et automne implique, sur le reste de l’année, une gestion fourragère basée sur les
stocks (gourmande en énergie, en argent et en temps). Le maintien d’une diversité de surfaces peut permettre
de répondre à ce paradoxe !
La thématique vous intéresse, contactez-nous !
Fédération Nationale des CIVAM, 01 44 88 98 58
Fédérations Régionales des CIVAM de :
- Auvergne, 04 73 61 94 04
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- Limousin, 05 55 26 07 99
- Rhône-Alpes, 04 75 78 46 49
Civam Empreinte, 04 67 92 42 23
APABA, 05 65 68 11 52
Cant’ADEAR, 04 71 43 30 50
Solagro, 05 67 69 69 69
Avec le soutien financier de :
Date de réalisation : 2012.
D’autres fiches de la même collection en lien avec la thématique
Fiche Mieux gérer son herbe pour réduire les intrants
Fiche Valoriser les milieux atypiques