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Miroir Intime, Regard Secret

Était-ce vraiment elle dans ce reflet ? Cette femme de trente-cinq ans à la lourde chevelure brune relâchée sur ses épaules, aux joues striées de larmes de mascara, se mordant des lèvres barbouillées de rouge ?

Il lui avait demandé, non, ordonné, de se maquiller ainsi tandis qu’il caressait fougueusement son clitoris, son ventre ferme et son torse puissant collés contre son dos. Elle s’était exécutée, le pinceau tremblant atteignant le vide au lieu de ses cils, avant de s’immobiliser dans un sursaut au deuxième œil quand il lui avait glissé un doigt.

– Continue, lui avait-il dit, la foudroyant du regard dans le miroir.

Elle avait obéit. Mokhtar caressait sa queue gainée de latex contre les fesses de Nathalie. Si dure... Elle était parvenue à finir ses yeux tant bien que mal et avait laissé retomber le tube de mascara dans le lavabo sans même le reboucher, haletante.

Je n’en peux plus pitié... Je veux le sentir en moi je n’en peux plus !...

– Le rouge à lèvres, maintenant.

Sa voix grave résonnait dans son oreille. Le visage de Nathalie s’était contracté en une expression suppliante et désespérée, mais elle n’avait rien dit et obéit. Le supplier n’aurait servi à rien (Seigneur,

était-elle déjà prête à le supplier de la prendre ?...), c’est elle qui l’avait cherché.

Alors elle avait pris le bâton de rouge à lèvres. Elle avait dessinée la première moitié de sa lèvre supérieure, et il était entré en elle.

– Continue, lui avait-il dit, la voix à peine vacillante alors qu’il commençait à la limer consciencieusement. Il lui avait saisis le menton et obligée à continuer. Elle avait eu un mal à de chien à garder les yeux ouverts tandis que cette hampe allait et venait en elle. La seconde moitié de la lèvre fut faite, et Mokhtar devint plus ardent. Elle avait attaqué la lèvre inférieure en éprouvant toute les difficultés du monde à ne pas se laisser aller, à ne pas se mordre la lèvre. Il la regardait, la surveillait dans le miroir.

Quand elle eut rejoint ses deux commissures d’un trait rouge malhabile, il l’avait faite se cambrer si fort au-dessus du lavabo que le coin droit de ses lèvres s’était imprimé en cône carmin gercé sur la glace. C’est là que le bruit de la chaire claquant contre la chaire était devenu furieux, que gémissements et cris de Nathalie s’intensifièrent et que les yeux de Mokhtar avaient pris cette teinte si sombre. Il lui avait agrippé les cheveux d’une poigne ferme, maintenant douloureusement sa tête en arrière, le visage dirigé au plafond. Elle avait plissé les yeux, laissant déborder de nouvelles larmes de Rimmel. Et elle avait supporté.

Elle n’avait pas son mot à dire. Pas depuis qu’elle avait pris le blouson de cuir de cet homme pour l’attirer dans la chambre, encore bouillante de honte et d’excitation.

Après l’avoir vu toucher cette fille, cette Lætitia, depuis sa fenêtre.

Après l’avoir vu la faire jouir de ses doigts et jouir dans sa bouche sur le terrain derrière la maison.

Après que Mokhtar l’ai surprise à les épier, et ne l’ai plus quitté des yeux tandis qu’il se faisait sucer. Affichant ce sourire abominablement irrésistible.

« Je vous l’avais bien dit. »

***

Nathalie n’avait rien dis quand Mokhtar l’avait rejoint dans la chambre après avoir raccompagné la jeune fille sur le chemin derrière la demeure. Son t-shirt renfilé, son jean reboutonné mais sa

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ceinture encore défaite. Elle avait regardé cette boucle de laiton vide et cette langue de cuir pendante avec honte et fascination, comme si c’était là la preuve qu’elle n’avait pas rêvée ce qui s’était passé à travers la fenêtre. Comme si l’étrange Pays des merveilles venait de traverser le miroir jusqu’à elle.

C’était la première fois qu’il entrait chez elle, qu’elle le voyait dans sa propre maison, la première fois depuis qu’elle l’avait engagé pour entretenir le jardin, cet étudiant cherchant des jobs d’été sur internet. Sensation étrange, enivrante et terrifiante, quand tous ces instants passés à fantasmer sur le jeune homme prenaient corps et réalité maintenant qu’il était dans la chambre avec elle. Il n’était plus une image évanescente mais une chaire consistante, qu’elle pourrait toucher en tendant simplement sa main, sans la barrière glaciale de la vitre. Il était une odeur qui emplissait la pièce, un son régulier de respiration... Ce qu’elle avait vu dehors pouvait maintenant parfaitement se reproduire ici, aussi incroyable que ça lui parut alors. Elle s’agenouillerait devant lui, sortirait ce sexe qu’elle avait tant attendue d’apercevoir dehors, et enfin, elle aussi, le dégusterait...

Elle était assise dos droit sur le lit, ses genoux joints et ses mains posées sur ses cuisses en poings crispés sur sa jupe. Ses épaules tremblaient et ses yeux fuyaient ceux de Mokhtar. La parfaite représentation d’une petite fille docile et terrifiée qui l’aurait, dans d’autres circonstances, faite rire de dérision si elle avait pu se voir.

Le blouson de Mokhtar était posé proprement sur le lit à côté d’elle. Ce blouson qu’il laissait sur les marches de l’escalier de pierre, deux fois par semaine depuis le début de l’été. Voilà qu’elle s’en était saisie comme une enfant. C’était tout ce qu’elle avait trouvé, tout ce qu’elle avait pu faire. Elle aurait été incapable de parler après ce qu’elle avait vu dehors, comme elle était incapable de le regarder dans les yeux.

Mokhtar vint se poster debout, juste devant elle. Ne bougea plus. Nathalie ne put retenir une inspiration paniquée, et elle se détesta pour cela, rivant ses yeux sur sa jupe qu’elle froissait de ses mains pour ne pas avoir à regarder cette boucle de ceinture à dix centimètres de son visage. Il y eut un petit rire, loin au-dessus de la tête de Nathalie, un rire qui ressemblait à un soupir. Il prit son blouson, se redressa et chercha tranquillement dans sa poche. Il sortit la pochette argentée d’un préservatif, qu’il fit crisser avec un malin plaisir dans ses doigts, comme si c’était des billets de banque, puis rejeta le blouson sur le lit.

Nathalie se pétrifia pour la énième fois. La vue du préservatif donnait soudainement à ses vues sexuelles sur Mokhtar un caractère imminent qui, elle n’aurait jamais cru, la terrorisa plus qu’il ne l’excita. Le choc de cette vision voilà son esprit tandis qu’une onde électrique parcourait son corps et la paralysait. Elle eut à peine conscience de la main de Mokhtar prenant la sienne, la faisant se lever et l’amenant dans la salle de bain. Pas plus quand il la mit face au miroir et commença à déboutonner son chemisier. Tout ce qu’elle entendait, c’était les battements affolés, assourdissants et pourtant si lointains de son cœur, et cette voix grave qui semblait résonner directement dans sa tête.

Lève les bras.

Détache tes cheveux.

Mets les mains sur le lavabo.

Puis les mains de Mokhtar virent saisir ses seins et les pétrir fermement, et elle se sentit de nouveau revenir à toute vitesse au premier plan de son esprit comme un zoom de cinéma, avec une conscience aiguë des doigts faisant rouler ses tétons. Elle s’abandonna.

Il retroussa sa jupe sur ses hanches et baissa sa culotte trempée jusqu’à ses genoux. Nathalie entendit le froissement du jean, et la boucle tinter sur le sol. L’écho lui sembla incroyable et lui procura une intense émotion. Elle déglutit et sentit le membre encore modeste se nicher dans la raie de ses fesses. Il la prit par les hanches et la fit onduler contre lui, gagnant rapidement en proportion,

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son gland se décalottant à chaque allé contre le bas de ses reins, avant de ne plus former bientôt qu’une bosse ronde et dure. Quand elle fit mine de vouloir passer sa main dans son dos pour la toucher, il lui replaça sèchement sur l’évier. À la suite de quoi elle n’osa plus prendre d’initiative.

– Je veux te voir te maquiller, lui dit-il à un moment, en se décollant d’elle.

Son gland avait laissé une marque brillante entre les fossettes de ses reins. Et tandis qu’elle ouvrait l’armoire, elle l’entendit déchirer l’emballage du préservatif.

***

Les mains de Nathalie glissaient sur l’émail du lavabo. Elle l’agrippait aussi fort que possible, au point d’en avoir les doigts tout engourdit, mais il la besognait si violemment qu’ils finissaient toujours par déraper dans un bruit de suintement sur sa peau.

Dans le miroir, Mokhtar la regardait. Ses yeux qui la faisait se sentir si honteuse... ils ne la quittaient pas, la brûlaient littéralement. Ses doigts s’enfonçaient dans sa taille, ses coups de boutoir si insistants, si violents, comme s’il essayait de faire sauter quelque barrière secrète nichée au creux de son intimité.

Il avait passé son t-shirt derrière sa nuque. Elle voudrait voir son ventre se contracter, ses muscles jouer tandis qu’il la baisait (car c’était de ça qu’il s’agissait, elle le lisait dans ses yeux : il baisait cette bourgeoise de presque deux fois son âge, il la baisait comme une chienne... et Dieu qu’elle aimait

ça...), mais il était caché par son propre reflet. Aussi ne pouvait-elle voir que son propre corps. Ses seins tressauter follement entre ses bras, projetant des étincelles de sueur dans la lumière de fin d’après-midi ; son visage contracté dans l’expression de souffrance et plaisir intense qu’elle prenait.

C’est là... ma place, se répétait-elle sans fin. Une pensée qui lui apparut comme un éclair devant l’image de son corps crispé, soumit par ce visage viril et dominant. Ses formes rondes faites idéalement pour se courber devant ces traits durs. C’est là que je dois être. C’est là ma place.

Mokhtar lui arracha deux orgasmes, brutaux comme des portails volant en éclat sous les coups de bélier de l’envahisseur. Son visage afficha à chaque fois ce sourire irrésistiblement agaçant en la sentant se contracter malgré elle sur sa queue.

Puis il se planta au fond d’elle dans un dernier coup de rein hargneux et n’en délogeant plus avant de s’être entièrement déversé. Son râle rauque vibrait encore dans le ventre de Nathalie après qu’il se fut retiré.

– L’a...l’argent est sur la cheminée... fut tout ce qu’elle trouva à dire d’une voix cassée, au bout d’un long moment passé à retrouver son souffle, tandis que le jeune homme reboutonnait son jean.

Il renifla, se plaqua les cheveux en arrière de ses deux mains et sortit de la pièce.

Il a bouclé sa ceinture ce coup-ci, pensa-t-elle en entendant le cliquetis caractéristique résonner dans le couloir. Elle en éprouva un absurde sentiment de fierté et tomba à genou, son front posé contre l’émail frais du lavabo. Les yeux fermés, elle repensait à ce qu’elle venait de faire, de vivre, écoutant la porte d’entrée s’ouvrir et se fermer. C’était la première fois qu’elle... se faisait baiser... par un homme d’une telle différence d’âge... plus jeune.

La première fois qu’elle en avait eue autant envie. Non. Besoin.

La première fois qu’elle trompait son mari, mais ce dernier point lui sembla dérisoire sur le coup.

Elle entendit goutter sur le carrelage entre ses cuisses. Elle passa sa main et constata que Mokhtar avait laissé le préservatif fiché en elle. De dehors parvint le bruit de la moto du jeune homme s’engageant sur l’allée de gravillons et disparaître dans la rue.

Les cinquante euros avaient un drôle de goût, maintenant. C’était elle, Nathalie Desmarche, la femme mariée à un avocat plus qu’aisé. Elle, la bourgeoise qui engageait un jeune homme de dix-

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neuf ans pour entretenir le jardin de leur propriété. C’était elle qui achetait les services de Mokhtar, et était ainsi normalement en position de supériorité. Cette fois-ci la transaction avait un aspect ambigu.

Elle sentait que c’était elle, la putain.

Nathalie passa la soirée à jouer la comédie, après que Gilles lui eut dit pour la troisième fois si elle se sentait bien. Elle ne trouva pas le sommeil, et fini par attendre le ronflement régulier de son mari pour sortir du lit et boire un verre d’eau dans la salle de bain. Il ne restait rien de la scène de l’après-midi. Elle avait nettoyé le miroir, rangé son maquillage et s’était lavé le visage. Elle avait roulé le préservatif dans un kleenex avant de le faire disparaître dans les toilettes, bien que ce soit déconseillé.

Non. Tout ce qu’il lui restait maintenant était un grand vide dans le ventre, et une délicieuse sensation d’irritation entre les cuisses. Elle n’avait plus été prise ainsi aussi fougueusement depuis l’école d’art. Un étudiant en photographie qui cherchait une modèle de nue. Elle avait passé deux heures chez lui, à poser devant un grand drap blanc. Il était très mignon, se souvenait-elle, et avait dû profiter plus qu’à son tour des faveurs de ses modèles. Cheveux courts brun, yeux sombres, les pectoraux saillant sous son étrange chemise sans manche qu’il portait ce jour-là.

Habib ? Habib quelque chose, oui. Il lui sommait à chaque fois d’une voix grave de ne pas bouger tandis qu’il raidissait ses tétons avec un glaçon et lui aspergeait les seins d’eau teintée bleue. Il lui fit prendre position sur un tabouret, les jambes écartées, et se rendit rapidement compte (avec un

demi-sourire) que l’humidité entre les cuisses de son modèle n’était dû ni aux glaçons ni aux pulvérisations. Il l’avait faite poser debout, seins contre le siège et dos tourné, avait pris plusieurs clichés. Puis il avait posé son appareil, et elle avait senti la première claque sur ses fesses.

Maintenant qu’elle y pensait, Mokhtar aurait pu être son jeune frère, tant il faisait penser au physique et à l’attitude du photographe. Est-ce de là que venait son trouble ? D’un souvenir ancien dont elle n’avait même pas eu conscience jusqu’à maintenant ? Et tandis qu’elle s’asseyait sur le battant des WC et commençait à caresser son sexe encore sensible, elle se remémorait ces deux amants intenses, réfléchissant à l’étrange coïncidence, puis se laissa aller à ses fantasmes, alternant scènes et lieux, les mettant en scène l’un et l’autre.

Elle était dans le lit conjugal, ses poignets menottés aux montants. Habib et Mokhtar la besognaient

à tour de rôle. Elle essayait de s’imaginer sur le dos, mais ne parvenait pas à se percevoir face à eux,

les yeux dans les yeux. Non, sa place à elle était agenouillée devant eux, la joue enfoncée dans

l’oreiller, cambrée à l’extrême, soumise à leur regard qui lui brûlait le dos.

C’est là qu’est ma place.

Habib l’enculait sauvagement, comme il l’avait fait, la fessant, toujours planté en elle. Mokhtar était

debout à côté du lit. Les deux hommes de se parlaient pas, s’ignoraient presque. C’est elle qu’ils

regardaient. Durement. Elle les avait déçus, elle ne savait pour quelle raison. Mais elle savait qu’elle

méritait sa punition. Ils changèrent de place, et c’était maintenant Mokhtar qui la prenait sous le

regard d’Habib. Leurs yeux étaient de plus en plus sombre... Elle-même se voyait dans ces yeux si

honteuse, si méprisable... Et à chaque fois qu’ils changeaient de place, ils étaient toujours plus

violents, toujours plus... supérieurs...

Elle jouit et crut mourir sur place, mordant ses doigts jusqu’au sang.

Gilles, son mari, dormait dans la même position quand elle revint s’allonger à côté de lui.

À l’étage, où Nathalie avait installé ses toiles, se trouvait ses vieilles affaires d’école d’art. S’y trouvait une large boite contenant la série de clichés résultante de la séance de pose avec Habib, et les clichés plus intimes, pris après...

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Demain, quand Gilles sera parti, elle ira les ressortir. Et quand Mokhtar viendra pour la dernière fois en fin de semaine, elle lui montrera.

Elle se promit de le regarder dans les yeux, pour cette unique fois, quand elle lui montrera Habib prenant son cul rougit, constellé de marques de doigts.

Ensuite, elle baissera les yeux et reprendra sa place.

Fin