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Trimestriel – N°16/249 – 30 septembre 2016
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017
Le chaînon désespérément manquant
Le cycle de reprise « classique » où la croissance accélère grâce à un cercle vertueux dans lequel l’investissement joue un rôle d’accélérateur aurait-il disparu ? En dépit de contraintes financières allégées, les entreprises observent et hésitent à investir. Le commerce mondial en pâtit. La croissance potentielle également. Et les Banques centrales, seules à la manœuvre, ont épuisé leurs munitions.
Zoom vidéo
Scénario d’automne
Les ménages ? Pilier de la crois-
sance. Les entreprises ? Hési-
tantes. Restaurer la confiance
dans un monde incertain et
anxiogène, lutter contre les mu-
tations structurelles n’est pas du
ressort des Banques centrales,
seules à être actuellement acti-
ves, voire imaginatives.
Sommaire
Pays développés – Sans enthousiasme......................................3
Focus – Europe : les enjeux post-Brexit ......................................8
Pays émergents – Donnez-moi une bonne raison
d’être haussier ............................................................................11
Pétrole – Un marché qui reste incertain ....................................14
Politique monétaire – L’imagination au pouvoir ........................15
Focus – Le Quantitative Easing de la BCE : quelles options
pour le prolonger ? .....................................................................17
Taux d’intérêt – L’influence des Banques centrales .................19
Taux de change – « L’usure » des Banques centrales ? ..............21
Prévisions économiques et financières .....................................24
Le consommateur : une source de croissance
si précieuse
Alors que le commerce mondial s’essouffle (pour
des raisons tant structurelles que conjoncturelles)
et qu’il ne constitue plus un accélérateur de
croissance, les ménages restent le pilier de cette
dernière. Ils consomment. Ils investissent. Après
une phase de désendettement, l’amélioration du
marché du travail, la progression même poussive
des salaires, les effets de richesse positifs, la
faiblesse de l’inflation favorisant des gains de
pouvoir d’achat constituent des fondamentaux
pour l’instant résistants.
Bien que ces moteurs n’aient pas la même puis-
sance, ils permettraient cependant aux économies
américaine et européenne de progresser toutes
deux au rythme de 1,6% en 2016. Un rythme,
respectivement, proche et largement supérieur au
taux de croissance potentiel (1,6/1,7% aux États-
Unis et 1% en zone euro). Pour autant, on n’obser-
ve pas de reprise de l’investissement productif. Ce
dernier n’est clairement pas à la hauteur de ce que
MONDE : Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 2
l’on aurait pu escompter. Et il est vain d’espérer un
sursaut rapide de ce qui (en des temps anciens…)
constituait un « propulseur » de croissance.
L’investissement : une absence « légitime »
On peut tenter de brosser un tableau (impres-
sionniste et très loin d’être exhaustif) des causes
de cette faiblesse pour signaler qu’elle ne peut être
entièrement imputable à la crise de 2008.
Sous l’influence de transformations structurelles,
l’investissement montrait des signes tangibles
d’essoufflement dès le début des années 2000.
Tout d’abord, la tertiarisation des économies.
Contrairement au secteur industriel, l’activité de
services se caractérise par une faible intensité
capitalistique : sa valeur ajoutée et ses gains de
productivité proviennent principalement de sa
main-d’œuvre, de l’efficacité de son modèle
économique et de l’efficience de son organisation.
Pour se développer, le secteur tertiaire doit cibler
ses investissements sur la productivité du travail et
l’organisation de sa production et non plus sur
l’expansion de ses capacités de production.
Piste supplémentaire : l’évolution extrêmement
rapide des technologies. Désormais, les avantages
compétitifs reposent sur la détention d’un avantage
technologique à même de créer une différen-
ciation. Les entreprises sont devenues beaucoup
plus dépendantes de l’investissement en recher-
che-développement et ont adapté leur structure
financière en conséquence. Cela a conduit les
secteurs à forte « densité » de capital intangible à
accumuler beaucoup plus de liquidités que les
industries plus traditionnelles. Dans un contexte
concurrentiel toujours plus tendu, elles doivent
disposer d’une grande flexibilité pour financer leurs
investissements ou leurs acquisitions. Disposant
de peu d’actifs tangibles à offrir en collatéral aux
prêteurs, elles tendent à accumuler des liquidités
qui leur permettent de disposer des marges de
manœuvre financières pour saisir rapidement des
opportunités d’investissement. Accumulation de
liquidités qui s’opère en renonçant à des exten-
sions de capacités.
À ces tendances lourdes s’est évidemment ajoutée
la crise financière de 2008 qui a violemment pesé
sur l’investissement. Crise bancaire, rationnement
du crédit, nécessité de se désendetter, d’absorber
des capacités de production excédentaires face à
une demande languissante et incertaine. Soucieu-
ses de restaurer leur situation bilancielle, les
entreprises n’avaient ni besoin ni envie d’investir.
Les Banques centrales : la limite de leur
mandat et de leurs moyens
Climat anxiogène, prudence financière, manque de
visibilité sur la demande potentielle, interrogation
quant à la rentabilité anticipée : autant d’incerti-
tudes face auxquelles le coût du capital, la
faiblesse des taux d’intérêt importent peu. Par
leurs politiques monétaires extrêmement accom-
modantes, les Banques centrales ont réussi à
« réparer » une partie des dégâts causés par la
crise de 2008 : allègement des contraintes finan-
cières et re-solvabilisation des agents privés et
publics.
Après avoir largement soutenu la reprise, la Fed
devrait (enfin) s’engager dans un resserrement
très graduel de sa politique monétaire. La BCE,
quant à elle, devra combiner habileté politique et efficacité économique pour étendre son Quan-
titative Easing. Enfin, la Banque du Japon, ayant
atteint les limites de l’exercice, se replie sur ce qui
est le moins coûteux (mais certainement le moins
efficace) : « l’incantation » et l’exhortation des taux
longs à s’ancrer autour de 0%.
Les Banques centrales épuisent leurs munitions.
En l’absence de politiques budgétaires actives,
elles ne peuvent à elles seules contribuer à
éclaircir le paysage et à stimuler la confiance.
Quelques initiatives politiques destinées à donner
un nouvel élan ou, tout au moins, à lever certaines
hypothèques et fixer un cap seraient extrêmement
bienvenues. À cet égard, alors qu’elle continue de digérer le choc du vote en faveur du Brexit et doit
se préparer à gérer ses conséquences potentielles
(aussi multiples qu’inconnues), l’Europe nous offre un spectacle peu convaincant
1.
1 Cf. Focus – Europe : les enjeux post-Brexit
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 3
Pays développés – Sans enthousiasme
Les ménages restent le principal pilier de la croissance si ce n’est dans certaines économies, l’unique. Ils consomment. Ils investissent. Les entreprises, après avoir rétabli leur situation financière, hésitent et ne semblent pas ressentir le besoin d’étendre leurs capacités de production.
États-Unis : la consommation des ménages assure une base solide pour la croissance du second semestre
La croissance réelle, décevante au premier semestre, devrait
remonter vers 3% en rythme annualisé au troisième trimestre.
L’inflation ne devrait progresser que lentement, la mesure privilégiée
par la Fed ne s’approchant de la cible des 2% qu’en fin d’année
prochaine. La Fed conservera par conséquent une politique
accommodante et ne normalisera ses taux directeurs que très
graduellement. Les élections présidentielles américaines ajoutent un
degré d’incertitude, l’avance d’Hillary Clinton face à Donald Trump
dans les sondages, qui était de 60% contre 40%, ayant diminué.
La croissance du second semestre sera portée par la vigueur de
la consommation des ménages. Les ménages, dont la confiance
s’est renforcée à la faveur de l’amélioration du marché du travail,
dépensent plus facilement. Par ailleurs, leur situation financière est
saine et la progression de leur patrimoine crée un « effet richesse »
positif favorable à la consommation. La faiblesse des prix de l’énergie
a libéré des fonds et permet des dépenses non essentielles, tandis
que la faiblesse de l’inflation soutient la progression des revenus
réels.
L’emploi, qui a progressé de 2,7 millions d’unités l’an dernier, a
augmenté de 1,5 million d’unités supplémentaires au cours des
huit premiers mois de l’année et le taux de chômage est tombé à
4,9%. Ce dernier devrait baisser davantage l’an prochain, en dépit
d’un ralentissement des créations nettes d’emplois, pour atteindre
4,4% mi-2017, un niveau inférieur au taux de plein emploi estimé par
la Fed (4,8%). Alors que le salaire horaire moyen n’a pas encore
accéléré de façon significative, d’autres mesures des salaires (telles que le Wage Tracker index de la Fed d’Atlanta, cf. graphique)
affichent une progression, la réduction de la main-d’œuvre disponible
sur le marché du travail provoquant une hausse du coût du travail.
Compte tenu de la tendance actuelle de la population active et de
la productivité, la croissance potentielle de l’économie
américaine devrait être proche de 1,6-1,7%. La croissance aura
du mal à dépasser les 2% en tendance à moyen terme. Les
inquiétudes sur la baisse de la croissance potentielle ont pesé sur
l’investissement des entreprises. Le recul brutal des activités
d’exploration pétrolière et gazière explique une bonne partie de la
récente faiblesse de l’investissement dans le secteur des ressources
naturelles, mais l’investissement a également été faible dans les
autres secteurs. Ce dernier phénomène pourrait s’expliquer par une
baisse du besoin en capital, sous l’hypothèse d’un ratio capital/travail
constant, dans la mesure où la population active a ralenti. Les
entreprises, qui s’adaptent à un repli de la croissance potentielle et à
un rythme de plus en plus soutenu des évolutions technologiques (un
facteur qui complique leur planification), sont confrontées à une
incertitude croissante. Ceci conduit certaines entreprises à favoriser
les rachats d’actions et l’augmentation des dividendes, compte tenu
de l’incertitude pesant sur la rentabilité des investissements en capital
1,5%
2,0%
2,5%
3,0%
3,5%
4,0%
4,5%
1,5%
2,0%
2,5%
3,0%
3,5%
4,0%
4,5%
2007 2009 2011 2013 2015
a/a, %, cvs
mm3m, ncvs, %
USA : resserrement du marché du travail
Indice reflétant l’évolution des salaires (ts sect.)
Salaire horaire moyen dans le secteur privé (dr.)
Sources : FRBATL, BLS/Haver
1,0%
1,2%
1,4%
1,6%
1,8%
2,0%
2,2%
2,4%
T1-06 T1-09 T1-12 T1-15 T1-18
ncvs, a/a
USA : une croissance de 2% au mieux ?
Croissance potentielle du PIB réel (CBO) - $ 2009
Sources : CBO, Havers Analytics
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 4
fixe (usines ou équipements). L’investissement résidentiel continue à
progresser modérément. Des taux hypothécaires bas et un meilleur
accès au crédit immobilier devraient permettre une poursuite de cette
amélioration, d’autant plus que le rythme des mises en chantier de
logements reste inférieur à celui qui serait nécessaire chaque année
(près de 1,50 million d’unités) pour satisfaire la demande issue des
tendances démographiques.
Le commerce extérieur continuera de peser sur la croissance
l’année prochaine, l’appréciation passée du dollar et la faiblesse de
la croissance mondiale rendant les exportations américaines moins
compétitives, tandis que la consommation aux États-Unis soutient les
importations.
La mondialisation et les échanges commerciaux sont devenus des
sujets importants dans la campagne présidentielle américaine. Donald Trump propose une politique commerciale « conflictuelle » (America
First) qui conduirait probablement à une baisse des échanges
transfrontières, de l’immigration et des investissements directs
étrangers, ce qui est susceptible de peser sur les perspectives de
croissance des États-Unis. Une administration Clinton serait
probablement réticente à l’égard de tout nouvel accord commercial
international, ces accords ayant créé un mécontentement croissant
parmi les travailleurs ayant souffert de la libéralisation des échanges.
La mondialisation ne « disparaîtra » certes pas dès demain. Mais sa
progression pourrait être infléchie par la prochaine administration,
quel que soit le camp qui l’emportera.
Avec une inflation qui devrait rester encore un certain temps sous
l’objectif des 2% fixé par la Fed, les membres de la Banque centrale
ne relèveront les taux que très graduellement, un choix lié au
caractère asymétrique des risques, les taux directeurs étant proches
de zéro.
Europe : résilience et rééquilibrages
Après les mois d’incertitude qui ont précédé le vote en faveur du Brexit au Royaume-Uni et les turbulences qui s’en sont suivies, le nouvel été de crise qui menaçait n’aura finalement pas eu lieu dans la zone euro. Le PIB a crû de 0,3% au deuxième trimestre, en léger ralentissement par rapport à un premier trimestre relativement dynamique (0,5%), porté notamment par une météo favorable. Le constat, notamment dans les trois grandes économies de la zone n’est pas réjouissant pour autant. La demande intérieure a moins porté la croissance avec une contribution à peine positive (0,1 point de pourcentage). Le ralentissement de la consommation, tant privée (+0,2%) que publique (+0,1%), en est la cause. Mais aussi la pause soudaine de l’investissement (0%), qui interrompt ainsi une reprise de l’accumulation de capital en cours depuis plus d’un an et demi. Les entreprises ont en outre réduit leurs stocks, soustrayant ainsi 0,2 point à la croissance. Le redressement de la demande extérieure nette a sauvé la croissance avec une contribution de 0,4 point.
La faiblesse de la demande domestique au deuxième trimestre ne préjuge pas des évolutions à venir. Les enquêtes d’août se veulent plutôt rassurantes. Celles menées par la Commission européenne suggèrent une dégradation du climat des affaires dans tous les secteurs, à l’exception de la construction. C’est dans l’industrie que le climat des affaires s’est le plus fortement détérioré, mais il reste bien supérieur à sa moyenne de long terme. Dans le secteur des services, le climat des affaires est en repli, mais retrouve
4,5%
5,0%
5,5%
6,0%
6,5%
7,0%
7,5%
8,0%
8,5%
160
180
200
220
240
260
janv.-13 janv.-14 janv.-15 janv.-16
cvs, %cvs, 000'
USA : le plein emploi est proche
Créations mens. nettes d’emplois en moy. depuis un an (tous employés, secteur privé)Taux de chômage (dr.)
Sources : BLS, Haver
0,8%
1,2%
1,6%
2,0%
2,4%
2,8%
T1-07 T1-09 T1-11 T1-13 T1-15
a/a
USA : une inflation inférieure à la cible
Inflation PCE hors alimentation et énergie
Inflation PCE moy. sur les 10 prochaines années
Sources: BEA, FRBPHIL, Haver
-0,4
-0,2
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
T1 2015 T2 2015 T3 2015 T4 2015 T1 2016 T2 2016
%UEM : contribution àla croissance du PIB
Consommation privée Variation des stocks
Exportations nettes Investissement
Sources : Datastream, Crédit Agricole S.A.
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 5
sa moyenne de long terme. L’indice PMI manufacturier, bien qu’en repli, indique toujours une activité en en expansion (et ce pour le treizième mois consécutif). Les facteurs de soutien qui ont caractérisé l’année 2015 se maintiendront en 2016 et 2017. L’euro a certes regagné un peu de terrain sans que son niveau soit inquiétant. La politique monétaire n’a plus beaucoup de marge de manœuvre pour améliorer les conditions de financement, dont l’extrême souplesse a néanmoins permis l’enclenchement d’un cycle du crédit en voie de renforcement. La politique budgétaire en 2017, initialement annoncée moins expansionniste qu’en 2016, pourrait profiter d’une attitude plus indulgente (ou complaisante) déjà perceptible dans les dernières déclarations de la Commission européenne. Dernier facteur de soutien, le prix du pétrole : encore en baisse en moyenne en 2016 sachant que la remontée anticipée en 2017 n’effacera que partiellement la baisse observée depuis 2014. La réduction des pressions déflationnistes pourrait même se révéler positive pour le cycle des profits et pour les producteurs de biens manufacturés. Le rééquilibrage de la croissance entre investissement et consommation, mais aussi entre industrie et services, s’en trouverait favorisé.
Le ralentissement de la consommation au deuxième trimestre ne paraît pas inquiétant. Le revenu disponible des ménages a continué à progresser sur la période et il est probable que le ralentissement de la consommation soit surtout imputable à une remontée du taux d’épargne. Ce dernier s’était stabilisé au premier trimestre à son plus haut niveau depuis 2011, signe que, l’année passée, une partie des gains de pouvoir d’achat dus à la faiblesse des prix a été épargnée. La remontée de l’incertitude liée au référendum britannique en fin de deuxième trimestre a certainement joué en faveur d’une épargne de précaution, mais les fondamentaux des ménages restent solides. Le processus de désendettement se poursuit à un faible coût, grâce à l’environnement de taux bas et les effets de richesse produits par le cycle de l’immobilier résidentiel sont positifs et en hausse. Le patrimoine net des ménages ne cesse d’augmenter. Si la confiance des consommateurs s’est quelque peu détériorée au cours de l’été, leur opinion sur leur situation financière ne cesse de s’améliorer. La consommation des ménages restera le moteur de la croissance à l’horizon de notre prévision. En juillet, pour le quatrième mois consécutif, le taux de chômage en zone euro s’est stabilisé à 10,1%, tandis que les créations d’emplois progressent à un rythme soutenu. Un marché du travail plus flexible permet aux entreprises de réduire le délai de réaction de l’emploi à la reprise de l’activité. Cette reprise plus riche en emplois est aussi soutenue par des mesures de baisse des charges sur le travail qui sont pour la plupart reconduites à l’horizon de notre prévision. La baisse attendue du chômage devrait ainsi soutenir la consommation privée. La perte de pouvoir d’achat en 2017 occasionnée par la hausse anticipée des prix, ne viendra gêner que marginalement cette dynamique, la baisse du taux d’épargne jouant alors un rôle amortisseur.
Le coup d’arrêt des dépenses d’investissement peut s’expliquer par des décisions d’investissement annulées ou différées en début d’année, lorsque la visibilité sur les perspectives de la croissance mondiale, et chinoise plus particulièrement, était très limitée. L’inertie du taux de marge ne plaide cependant pas pour un redressement soutenu de l’investissement. La prudence dans la gestion bilancielle (avec une baisse des dividendes versés en pourcentage des profits), mais aussi la recherche d’une plus forte rentabilité du stock de capital continueront de jouer défavorablement. Les conditions financières extrêmement souples restent néanmoins propices à une accélération des prêts aux sociétés non-financières, dont le rythme de croissance annuelle (+1,9%) a dépassé en juillet celui des prêts aux ménages (+1,8%) pour la première fois depuis 2011. Le retour de l’inflation en fin d’année pourrait alléger la
6 080
6 100
6 120
6 140
6 160
6 180
6 200
6 220
2013 2014 2015 T1 2016
Millions €
UEM : richesse nette des ménages
Sources : BCE, Crédit Agricole S.A.
20
30
40
50
60
70
80
2006 2008 2010 2012 2014
% EBE
UEM : dividendes versés
Allemagne France Italie Pays-Bas
Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.
-4
-2
0
2
4
6
8
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
UEM : convergence des rythmesde croissance
Zone euro Allemagne France
Italie Espagne
a/a, %
Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.
Prév.
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 6
pression sur les marges et permettre un partage de la valeur ajoutée plus favorable aux profits et à l’investissement. Nous maintenons notre prévision de modeste reprise de l’investissement productif avec une dynamique déjà révisée à la baisse lors de la publication de notre scénario d’été pour prendre en compte l’impact de l’incertitude liée au Brexit. Dans notre scénario, l’Allemagne, l’Espagne et les Pays-Bas continueront d’afficher une performance meilleure que la moyenne de la zone. Plus avancées dans leur cycle de croissance, ces économies seront néanmoins les seules à ne pas connaître une accélération en 2017.
Royaume-Uni : pas d’effet Brexit… pour l’instant
Les données économiques post-référendum ont surpris à la
hausse, ce qui suggère un ralentissement plus modéré
qu’attendu précédemment au second semestre 2016. Le marché
du travail est resté robuste : le taux de chômage s’est maintenu à
4,9% (sur les trois mois à fin juillet) et la croissance de l’emploi a
accéléré, passant de 1,4% à 1,9%. Le nombre de postes vacants a
atteint son plus haut niveau depuis cinq mois en juillet. La croissance
des rémunérations dans le secteur privé est restée inchangée au
cours des trois derniers mois, à un niveau qui reste cependant faible
(2,4%). Le revenu hebdomadaire moyen hors primes a certes ralenti à
2,1%, mais les fondamentaux de la consommation des ménages
restent globalement favorables, la croissance des revenus réels se
maintenant à 2,4%, un niveau proche de sa moyenne du premier
semestre. Néanmoins, nous continuons à anticiper un ralentissement
prononcé de la consommation des ménages vers la fin de l’année. La
confiance des ménages a fortement reculé et les perspectives
d’inflation suggèrent que le pouvoir d’achat des ménages pourrait
s’éroder fortement dans les mois qui viennent, en raison de la forte
dépréciation de la livre.
La résilience de l’économie britannique dans les semaines qui ont
suivi le référendum n’est pas surprenante dans la mesure où les
quatre libertés fondamentales du marché unique restent en vigueur
tant que le Royaume-Uni est membre de l’Union européenne : une
disposition des traités qui permet de limiter le choc initial du résultat
du vote sur l’activité. La principale conséquence a jusqu’à présent été
la montée de l’incertitude, phénomène qui transparaît dans les
indicateurs de confiance des entreprises et des ménages. Les
enquêtes sur les intentions d’investissement, notamment, se sont
détériorées de façon continue, de même que les intentions d’embauche. Nous continuons à anticiper une baisse de l’inves-
tissement des entreprises dans les mois qui viennent.
-30
-20
-10
0
10
20
-4
-2
0
2
4
02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17
a/a,%Solde d'opinions
R-U : intentions d'investissementet formation du capital fixe
Enquêtes sur les intentions d'investissement(pondérées par secteur)Formation brute de capital fixe, éch. dr.
Sources : BoE Agents survey, ONS, Crédit Agricole S.A.
prévisions
1,9
3,1
2,21,9
0,8
-2
-1
0
1
2
3
4
2013 2014 2015 2016 2017
R-U : contributionsà la croissance du PIB réel
Conso. ménages Conso. publique
Commerce extérieur Variations de stocks
FBCF PIB
Sources : ONS, Crédit Agricole S.A.
pp prévisions
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 7
Japon : la croissance va se renforcer à nouveau, à la faveur du plan de relance budgétaire
La croissance s’est stabilisée au cours des derniers trimestres,
avec une croissance réelle annualisée de 0,5% au premier
trimestre et de 0,2% au deuxième trimestre, après un passage à
vide temporaire à -0,4% au quatrième trimestre de l’année
dernière. Le marché du travail reste en effet extrêmement tendu,
avec un taux de chômage à 3% en juillet, son niveau le plus bas
depuis vingt-et-un ans. Cela dit, la hausse du salaire moyen de base
dans l’industrie n’était que de 0,4% sur un an en juillet, tandis que
l’inflation sous-jacente (hors produits frais) reculait de 0,5% sur un an,
sa plus forte baisse en plus de trois ans, ce qui pose clairement
problème à la Banque du Japon. Les partis de la coalition
gouvernementale (le LDP du Premier ministre Shinzo Abe et le
Komei) ont remporté une large majorité lors des élections sénatoriales
du 10 juillet. Dans la foulée, le Premier ministre a annoncé le
lancement d’un plan de relance budgétaire de grande ampleur destiné
à soutenir l’économie. Le montant finalisé de ce plan est de 28 100
milliards de yens, avec des dépenses directes effectives de 7 500
milliards de yens, soit 1,5% du PIB. Compte tenu de ces éléments,
nous avons révisé nos prévisions de croissance réelle en hausse de
0,2 point pour 2016 (de +0,4% à +0,6%) et de 0,6 point pour 2017 (de
+0,8% à +1,4%).
-2
-1
0
1
2
3
4
2012 2013 2014 2015 2016
a/a, %
Japon : la croissance économique ré-accélère
PIB réel
PIB nominal
T2
Sources : Cabinet Office, CA CIB
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
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Focus – Europe : les enjeux post-Brexit
On attendait du sommet informel de l’UE-27 du 16 septembre à
Bratislava une stratégie claire quant à la façon d’aborder le Brexit.
En l’absence d’ouverture de chantiers ambitieux, on espérait au
minimum une première cartographie de l’avenir institutionnel
d’une UE sans Royaume-Uni. Plusieurs rencontres entre chefs de
gouvernement avaient marqué la fin de l’été, afin d’aborder le sommet
avec une vision commune, les 27 parlant d’une seule voix face au
Royaume-Uni et, surtout, avec un message clair face à
l’euroscepticisme auquel chaque leader est confronté au niveau
national.
En théorie, l’UE-27 est en position de force. En effet, si les
négociations avec le Royaume-Uni n’aboutissent pas, c’est une
solution minimale qui s’applique, solution la plus coûteuse pour le
Royaume-Uni. Ce seul principe aurait dû renforcer les membres de
l’UE. C’était sans compter sur les divergences qui affaiblissent cette
position théoriquement forte. Premier exemple : au cours de l’été,
l’idée de séparation des quatre libertés fondamentales s’est répandue.
Celle-ci sacrifierait la libre circulation des personnes pour permettre
l’accès au marché unique au Royaume-Uni, moyennant (peut-être)
une contribution au budget commun et l’absence de pouvoir de
décision dans le processus législatif européen. Or, tous les pays ne
sont pas hostiles à cette séparation (la Cour européenne de Justice
s’est déjà prononcée en limitant la portée de cette liberté), ni prêts à
sacrifier des échanges commerciaux pour ce principe. L’idée
d’organiser les relations institutionnelles entre l’UE et le Royaume-Uni
autour d’un partenariat intergouvernemental structuré (ouvrant le droit
à consultation sur la législation européenne) a aussi été avancée. Ce
partenariat pourrait fournir une alternative (dangereuse pour certains,
inévitable pour d’autres) pour répondre aux velléités d’émancipation
d’autres pays-membres. Il permettrait d’organiser les futures relations
entre un noyau dur de pays complétement acquis à la cause
européenne et d’autres privilégiant le simple accès au marché
commun. Au-delà des évidents problèmes de souveraineté que cette
configuration soulève (notamment celui d’asymétrie d’information),
elle pose les bases d’une dynamique centrifuge dangereuse et réduit
la portée initiale du projet européen, voulu politique par les pères
fondateurs. Le fait même qu’aujourd’hui cette configuration puisse
être envisagée est un signal des différends qui rendent plus
compliquée l’adoption d’une position commune.
En amont du sommet, les institutions européennes se sont mobilisées pour rappeler la force du projet européen mais aussi pour pousser les États-membres au rassemblement et à l’action. Très concret, le discours sur l’état de l’Union du président de la Commission européenne (CE) Juncker devant le Parlement européen a désigné les priorités d’action de la CE en 2017. L’application du Pacte de stabilité avec plus de bon sens et moins de dogmatisme a aussi été invoquée. La CE a proposé l’extension et le renforcement (doublement des ressources) du Fonds européen pour l’inves-tissement stratégique, qui pourrait être complété par un Fonds d’investissement extérieur pour attirer de nouveaux investissements en Afrique et contribuer à endiguer l’émigration. Se recentrer sur l’essentiel et compléter les initiatives en cours (Union bancaire et Capital market union), tel a été le message envoyé par M. Draghi. L’incomplétude institutionnelle a été désignée comme le facteur qui a empêché les autorités de faire face aux différents chocs. Les divisions internes, notamment sur l’achèvement de l’UEM, auraient en outre
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 9
retardé la réponse aux nouveaux défis. Mais les pays se sont montrés sourds à ces appels et les ambitions ont été revues à la baisse, notamment sur le front économique. On a évoqué une simple extension du Fonds Juncker sans référence aucune au fonds extérieur. Il n’est pas non plus question de politiques de soutien de la croissance, seulement d’un programme renforcé en faveur des jeunes (sans plus de détails). L’ambitieuse architecture d’une politique commune de défense, inscrite dans l’agenda, n’a accouché que d’une simple coopération sans budget commun ni pour la défense ni pour la sécurité intérieure. Aucun éclaircissement n’a été apporté sur la question de la relocalisation des réfugiés, avec des incantations pour un meilleur contrôle des frontières extérieures et un retour à Schengen. L’agenda pour la prochaine réunion de début 2017 à Malte sera centré sur les thèmes de la sécurité et de la défense, une façon peut-être moins controversée de promouvoir plus d’intégration.
Le sommet et ses réunions préparatoires ont aussi écarté la
méthode communautaire au profit de la confrontation inter-
gouvernementale. C’est le signe de l’affaiblissement de la CE et
de la volonté des chancelleries de reprendre le contrôle en vue
d’une hiérarchisation des priorités autour du plus grand
dénominateur commun. Cette méthode, qui répond sûrement au
besoin de renationaliser les débats et les solutions, décrédibilise
davantage les institutions européennes. Le moteur franco-allemand
s’est de nouveau imposé, mais il est fragilisé par une France faible et
par une Allemagne, leader désormais très prudent, voire frileux.
L’agenda est ambitieux pour le rendez-vous de Rome en mars 2017
où les pays doivent exprimer « l’orientation de leur avenir commun ».
Entre temps, début 2017, la deuxième phase du Rapport des cinq
présidents des institutions européennes doit entrer en vigueur. Elle
prévoyait originellement de formaliser et rendre plus contraignant le
processus de convergence vers l’UEM, de mettre en place une
fonction de stabilisation macro-économique ainsi qu’un Trésor de la
zone euro. Bien que la CE ait annoncé la publication d’un livre blanc
sur l’UE pour mars prochain, les ambitions du Rapport paraissent
aujourd’hui très irréalistes : la plupart des États-membres freinent
toute velléité de modification des traités et souhaitent concentrer l’élan
réformateur sur des changements fonctionnels.
Trop tôt donc pour trancher entre un modèle d’union monétaire à
minima et une véritable union fédérale. Le premier modèle, cher
aux observateurs anglo-saxons et de plus en plus séduisant aux yeux
d’une partie de l’opinion allemande, fait l’impasse sur la surveillance
(décrédibilisée) des politiques budgétaires. Il exclut, en effet, toute
solidarité budgétaire et prévoit un mécanisme de résolution des crises
souveraines associé à la limitation du risque porté par les bilans
bancaires. Le deuxième modèle, soutenu par la France et les pays du
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 10
Sud (pourtant de moins en moins enclins à relâcher leur
souveraineté), prévoit une mutualisation plus importante autour d’un
budget de la zone euro assurant la stabilisation macro-économique
par des politiques contra-cycliques et par un système d’assistance
conditionnelle en cas de crise, mais aussi le maintien de règles et de
procédures de surveillance budgétaire. Si le premier modèle paraît
aujourd’hui incompatible avec le niveau de dette élevé de plusieurs
pays-membres et le risque de contagion susceptible d’en découler, le
deuxième modèle demande une délégation de souveraineté peu
réaliste dans un contexte d’euroscepticisme croissant. Il exige aussi
une organisation de la gouvernance autour de la Commission avec un
contrôle plus fort du Parlement européen, direction précisément
opposée à celle qui se dessine actuellement.
Le choix du statu quo paraît à ce stade le plus probable. Il n’est
pas dépourvu de risques. D’autant plus que le type de gouvernance
choisi par la zone euro demeure un élément clé autour duquel la
volonté d’appartenance à l’UE se forgera dans un contexte où le poids
relatif des pays membres de l’UEM s’accroît avec le Brexit.
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 11
Pays émergents – Donnez-moi une bonne raison d’être haussier
La croissance du bloc émergent devrait accélérer légèrement en 2017, à condition que les risques politiques restent sous contrôle et que les cours des matières premières demeurent bien orientés.
Légère amélioration en vue pour l’ensemble des pays émergents
La perception générale sur les pays émergents s’est fortement
améliorée au cours des derniers trimestres.
Cela s’explique en partie par le recul des inquiétudes sur la
Chine. Les marchés actions chinois ont été nettement plus stables
depuis le début de l’année qu’ils ne l’ont été l’an dernier, ce qui a joué un rôle clé dans le reflux des craintes de hard landing (atterrissage en
catastrophe de l’économie). La distribution de crédit par les
institutions financières chinoises s’est par ailleurs intensifiée début
2016 – et pas seulement pour des raisons saisonnières, ce qui a
permis de stabiliser la dynamique de l’économie.
L’amélioration de la perception s’explique également par l’évo-
lution de la situation en Russie et au Brésil. La Russie a bénéficié
du rebond des prix de l’énergie. Au Brésil, de nombreux problèmes
demeurent, mais le pire semble être passé. La transition politique a
permis de limiter la détérioration du climat de confiance et le rebond
du real brésilien observé depuis le début de l’année a également
contribué à créer un meilleur environnement macro-économique.
Nous tablons sur une sortie de récession pour le Brésil et la Russie
dans les trimestres qui viennent et sur une croissance positive pour
l’année 2017.
Certains aspects de la situation mondiale sont également
devenus plus favorables aux pays émergents. Premier point, les
anticipations de remontée des taux directeurs aux États-Unis se sont
fortement modérées depuis le début de l’année. Les marchés
s’attendent de plus en plus à ce que la politique monétaire américaine
reste accommodante, en dépit du prochain mouvement de
resserrement monétaire. Cela s’est traduit par une baisse de la
pression sur les pays émergents.
Un facteur encore plus important a été le rebond du cours des
matières premières, dont l’impact a été doublement positif. Ce rebond
a tout d’abord permis une amélioration des perspectives économiques
pour les pays producteurs. Il a par ailleurs permis une stabilisation
des marchés (actions et changes, en particulier) et ainsi contribué à la
création d’un environnement plus stable pour les investisseurs. Notre
scénario global table sur une hausse graduelle des cours du pétrole
dans les trimestres à venir, ce qui serait une source de réconfort
supplémentaire pour les pays émergents.
Nous prévoyons une croissance quasiment stable du bloc
émergent cette année par rapport à l’année dernière (3,9% en
2016, contre 3,8% en 2015), puis une accélération plus signi-
ficative en 2017, à 4,7%.
-1
0
1
2
3
4
5
6
7
Asie Amériquelatine
EuropeEmergente
Afrique &Moy.-Orient
%
Emergents : croissancedu PIB par région
2015 2016 2017Source : Crédit Agricole CIB
-6
-4
-2
0
2
4
6
8
10
Chine Inde Brésil Russie
%
BRIC : croissance du PIB
2015 2016 2017Source : Crédit Agricole CIB
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 12
Le profil de la croissance ne devrait pas être très différent : la
consommation privée restera probablement le principal moteur de la
croissance du bloc émergent, la contribution du commerce extérieur à
la croissance ne devrait pas être particulièrement élevée et les
difficultés du cycle manufacturier mondial se poursuivront – limitant
les exportations de matières premières et de produits manufacturés.
Une légère amélioration pourrait toutefois survenir du côté des
investissements. Le rebond des cours des matières premières
observé plus tôt cette année suggère en effet que la désinflation
passée arrive probablement à son terme et que l’inflation devrait
accélérer graduellement dans les pays émergents. La plupart des
Banques centrales du bloc émergent ne devraient cependant pas être
contraintes de relever leurs taux rapidement, la hausse de l’inflation
restant modérée. De plus, des devises plus stables et le caractère
accommodant de la politique monétaire américaine pourraient donner
aux Banques centrales émergentes une certaine latitude, leur
permettant de ne pas relever les taux rapidement. Au total, les taux
réels pourraient bel et bien baisser en moyenne dans le bloc
émergent, ce qui soutiendrait la contribution de l’investissement à la
croissance.
Parmi les différentes régions, l’Asie devrait mener la danse en
termes de croissance économique. La croissance quasi-stable de
la Chine devrait permettre à la croissance de l’Asie émergente de se
maintenir juste au-dessus de 6% en 2017.
La croissance dans les trois autres grandes régions émergentes
devrait rester inférieure à la moitié de celle de l’Asie. L’accé-
lération attendue dans ces trois régions est principalement liée à la
hausse des cours des matières premières, qui conduira à une
croissance plus élevée en Russie, en Amérique latine ainsi que dans
les pays du Golfe.
Quels sont les principaux risques pesant sur notre scénario de légère
amélioration ? L’évolution du marché des matières premières, et plus
particulièrement des marchés de l’énergie, sera déterminante. Si le
prix du baril de pétrole retombait, à ce qu’il valait plus tôt cette année
par exemple (environ 30 USD), la croissance des pays émergents
n’accélèrerait pas et pourrait ralentir en 2017. Certaines situations
susceptibles d’engendrer de fortes tensions politiques dans les pays
développés (les élections présidentielles américaines cette année, les
élections en Europe l’année prochaine) doivent également être
surveillées de près, dans la mesure où elles pourraient alimenter
l’aversion au risque sur les marchés mondiaux et mettre les pays
émergents sous pression. Dernier point, des déceptions sur la
croissance chinoise (en cas de décélération du crédit, par exemple)
pourraient également se propager aux autres pays émergents.
Focus – Russie : fragile sortie de récession
Le pire semble être passé pour l’économie russe. La forte baisse
des cours du pétrole avait été le principal facteur ayant conduit à
la récession actuelle. Selon la même logique, la remontée puis la
stabilisation des cours observées depuis le début de l’année devraient
permettre à l’économie russe de sortir de la récession avant la fin de
l’année. Cependant, même si elle revient en territoire positif, la crois-
sance devrait être faible. Nous tablons sur une amélioration de -3,7%
en 2015 à -0,8% en 2016, puis +1,5% en 2017.
-15%
-10%
-5%
0%
5%
10%
15%
20%a/a
Russie : ventes au détail
Sources : Bloomberg, CA CIB
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57Chine : indices PMI
PMI manuf. (moy. officielle & Caixin)
PMI services (moy. officielle & Caixin)
Sources : Bloomberg, CA CIB
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 13
Plusieurs facteurs expliquent qu’il sera difficile pour la Russie de
renouer avec une croissance élevée. Le premier est que les termes
de l’échange ne redeviendront probablement pas aussi positifs qu’ils
l’étaient au début des années 2000. Le deuxième est que la
démographie va devenir de plus en plus défavorable dans les années
qui viennent (la population en âge de travailler devrait se contracter).
Le troisième facteur est le manque d’investissement ces dernières
années, qui limite également la croissance potentielle.
À l’heure actuelle, la Banque centrale donne la priorité au
contrôle de l’inflation. La Banque de Russie a abaissé son repo 1
semaine deux fois cette année (la deuxième baisse a eu lieu en
septembre). Elle a cependant clairement fait comprendre qu’elle était
réticente à baisser ses taux rapidement, tant qu’elle n’était pas
convaincue que l’objectif d’inflation serait atteint. Dans ce contexte,
les taux réels resteront élevés dans les trimestres à venir, ce qui
limitera le redémarrage de l’investissement.
Le principal risque sur cette prévision de reprise lente et limitée
porte sur les cours du pétrole. Si les cours baissaient, la croissance
pourrait ne pas repasser en territoire positif l’année prochaine.
Le parti au pouvoir, Russie unie, a largement remporté les élections
de septembre à la Douma, ce qui donne une grande marge de manœuvre à Vladimir Poutine. Cette marge de manœuvre ne se
transformera cependant en amélioration réelle du modèle de
développement de l’économie russe, aujourd’hui trop dépen-
dante des matières premières, qu’avec une augmentation des
investissements et une amélioration du cadre institutionnel.
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 14
Pétrole – Un marché qui reste incertain
Les cours du pétrole sur le troisième trimestre ont été très volatils. Le prix du pétrole joue les montagnes russes alternant baisse (juillet) et remontée (août). Malgré la reprise de la production au Canada et une croissance de la demande chinoise moins soutenue, les cours du pétrole n’ont pas dévissé et se sont maintenus au-dessus de 40 USD par baril. Toutefois les incertitudes qui demeurent sur l’offre et la demande à court moyen terme entretiennent la volatilité des cours.
Il n’existe pas encore de consensus clair sur l’état du marché
pétrolier aujourd’hui. Ceux qui voient le verre à demi-vide soulignent
la faible croissance de la demande sur le troisième trimestre,
notamment en Chine, et une offre qui ne faiblit pas globalement. Les
stocks en pétrole et produits pétroliers restent à des niveaux très
élevés. La crainte de voir le rééquilibrage entre l’offre et la demande
repoussé au deuxième semestre 2017 est grande. Il est cependant
possible de voir le verre à demi-plein. La production du pétrole de
schiste aux États-Unis continue à décliner. Mais, surtout, alors que le
marché absorbait simultanément le retour de près d’un million de barils
par jour du Canada et une croissance des stocks chinois presque deux
fois plus faible en juillet qu’au mois de mai, les cours du pétrole se sont
maintenus au-dessus du seuil de 40 USD par baril.
Le marché pétrolier n’est pas encore déficitaire en offre, mais il est
structurellement dans un meilleur état aujourd’hui qu’il ne l’était
l’année dernière. L’excédent de production avoisinait 1,6 million de
barils par jour en 2015. Il ne devrait être que de 0,4 million de barils par
jour en 2016. Si le marché tend à s’équilibrer, il reste cependant très
instable et très sensible à toute perturbation qui viendrait accroître
l’excédent de production. Une reprise des exportations de pétrole libyen
ou nigérian, une importante baisse de la demande chinoise
déstabiliserait le marché. Inversement, un puissant El Niña cet hiver ou
la poursuite de constitution de réserves stratégiques par la Chine ou
l’Inde soutiendrait les cours, sans toutefois provoquer une forte
remontée des prix tant les stocks sont importants.
Dans ce contexte, notre scénario central a été sensiblement revu à la
baisse avec toujours une accélération de la remontée des cours sur la
seconde moitié de 2017.
9,5
10,0
10,5
11,0
11,5
juin-13 mars-14 déc.-14 sept.-15 juin-16
Mb/j
Pétrole : demande apparente chinoise
Source : Crédit Agricole S.A.
0
2
4
6
8
10
12
14Mb/j
Pétrole : production américaine
Autres Pétrole de schiste
Offshore Liquides associés au gaz
Source : EIA
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 15
Politique monétaire – L’imagination au pouvoir
La Fed devrait (enfin) s’engager dans un resserrement très graduel de sa politique monétaire. La BCE devra combiner habileté politique et efficacité économique pour étendre son Quantitative Easing. Enfin, la Banque du Japon, ayant atteint les limites de l’exercice, se replie sur ce qui est le moins coûteux (mais certainement le moins efficace) : « l’incantation ».
La Fed envisage une hausse en décembre
Le Comité de politique monétaire (FOMC) devrait relever le taux
des Fed funds de 25 points de base le 14 décembre, puis de
50 points de base supplémentaires en 2017. L’économie est
proche du plein emploi, mais une poursuite de l’amélioration, per-
mettant à davantage de personnes de réintégrer le marché du travail,
est souhaitable. Dans la mesure où l’économie en plein emploi ne
crée actuellement pas de pression inflationniste et où l’inflation reste
inférieure à 2%, la Fed souhaite maintenir une politique modérément
accommodante un peu plus longtemps. L’accumulation de signes
indiquant que l’économie continue de progresser à un rythme
supérieur à son potentiel et que l’amélioration du marché de l’emploi
se poursuit, avec une probable accélération des salaires, nous amène
cependant à penser que le FOMC va relever ses taux.
Le rythme de normalisation des taux devrait être graduel. La Fed
a abaissé ses estimations de croissance potentielle. Dans un environnement de croissance et d’inflation faibles (new normal), le
taux d’équilibre du taux des Fed funds est logiquement plus bas (la
Fed l’estime à 2,875%), ce qui renforce l’idée que les hausses de taux
ne peuvent être que graduelles : le niveau plus faible du taux d’équi-
libre implique que la politique monétaire est moins accommodante
qu’on ne le pensait jusqu’alors.
BCE : rendez-vous en décembre
La BCE devrait maintenir ses taux inchangés et garder le rythme
des achats à 80 Mds € par mois, tout en étendant le Quantitative
Easing (QE) jusqu’à septembre 2017. Cette extension du pro-
gramme nécessitera une modification des modalités des achats
qui devrait être annoncée en décembre cette année.
Selon nos estimations, avant fin 2016, la BCE ne trouvera
probablement plus de titres allemands à acheter. En prévision de
cette raréfaction, en septembre, la BCE « a chargé les comités
concernés d’évaluer les options permettant d’assurer une mise en
œuvre ordonnée de son programme d’achats d’actifs. ». Ces comités
rendront leurs travaux en décembre, en même temps que la mise à
jour trimestrielle des prévisions de la BCE.
Il ne faut pas sous-estimer l’importance de ces comités : ils avaient
préparé le QE entre novembre 2014 et janvier 2015 et sont également
à l’origine des modifications annoncées en décembre 2015 et mars
2016.
Alors que la mise à jour des prévisions de d’inflation devrait conduire
la BCE à étendre son QE d’au moins six mois, ces comités vont
préparer des modifications dans les modalités du programme d’achat
de manière à étendre suffisamment l’univers des actifs achetables
pour permettre au QE de continuer jusqu’en septembre 2017. Parmi
0
1
2
3
4
5
2015 2016 2017 2018 2019 2020
%
Fed : rythme approprié du resserrement monétaire
Longer
Projection des marchés (OIS)
FOMC de septembre, projection médiane
Source : FOMC sept. 2016 - projections économiques
2016 2017 2018 2019Lo ng
terme
M édiane 0,6% 1,1% 1,9% 2,6% 2,9%
OIS 0,56% 0,74% 0,86%
Chaque losange indique la valeur, arrondie au 8e de point de base le
plus proche, du taux des Fed funds (ou du centre de l’ intervalle) jugé
approprié par un membre du FOM C, à la fin de l’année calendaire
spécifiée ou à long terme.
-0,5
-0,4
-0,3
-0,2
-0,1
0,0
0,1
0
20
40
60
80
100
oct.-14 oct.-15 oct.-16 oct.-17 oct.-18
%Mds € BCE : achats mensuels
ABSPP CBPP3
PSPP CSPP
Taux Refi (dr.) Taux de dépôt (dr.)
Sources : BCE, CA CIB
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 16
les options disponibles1, nous pensons que la BCE va privilégier les
plus consensuelles politiquement : la suppression de la limite du taux
de dépôt et l’extension de la limite de détention de 33% à 40% par
ligne.
Les comités pourraient toutefois parallèlement envisager des mesures
plus « puissantes » susceptibles d’être mises en place au cours de
2017, en cas de détérioration sensible des conditions économiques et
financières.
BoE : un assouplissement monétaire supplémentaire plus tard dans l’année reste d’actualité
La Bank of England (BoE) a lancé un ensemble de mesures
monétaires agressives en août, notamment une baisse de 0,25%
de son taux directeur, un redémarrage de son programme
d’achats d’actifs et un nouveau dispositif de financement (le
Term Funding Scheme ou TFS), afin d’éviter une récession à
court terme. D’après la BoE, l’impact initial de cet ensemble de
mesures est encourageant. Il a eu un impact positif plus important
qu’attendu sur les prix des actifs britanniques et sur la réduction des spreads émetteurs des entreprises. Concernant l’activité, le Comité de
politique monétaire (MPC) s’attend désormais à « un ralentissement
moins marqué de la croissance britannique au second semestre
2016 » que cela n’était attendu en août. La BoE n’a cependant pas vu
dans les données récentes de raison suffisante pour changer ses
perspectives pour 2017 et au-delà. La BoE s’attend toujours à une
baisse de l’investissement des entreprises et des ménages au second
semestre 2016 et à un ralentissement moins marqué de la
consommation, en ligne avec l’évolution des revenus réels disponibles
des ménages. Une majorité des membres du MPC continue de soutenir l’idée d’une nouvelle baisse du bank rate plus tard cette
année, ce qui conduirait le taux directeur à sa limite basse effective
(taux proche de zéro mais demeurant positif). Cette baisse
interviendra probablement en novembre, si les perspectives sont alors jugées « globalement cohérentes avec les prévisions de l’Inflation
report du mois d’août ». Nous continuons à tabler sur une réduction
du bank rate à 0,10% en novembre.
BoJ : la politique monétaire amorce un virage
La Banque du japon (BoJ) a modifié sa stratégie monétaire le
21 septembre : elle a notamment abandonné son objectif de base
monétaire, mis en place une politique de « contrôle de la courbe
des taux » pour soutenir la profitabilité du secteur bancaire et a
renforcé son engagement à poursuivre sa politique actuelle
jusqu’à ce que l’inflation sous-jacente se stabilise au-dessus de
2%. L’objectif de la politique de contrôle de la courbe des taux est de
maintenir le taux des titres d’État japonais (JGB) à dix ans autour de
0% (contre près de -0,30% jusque fin juillet). Alors que le montant
annuel des achats de JGB reste inchangé à 80 000 milliards de yens
et que le taux directeur a été maintenu à -0,10%, cette nouvelle
politique implique que la BoJ se concentrera davantage sur le niveau des taux d’intérêt. Malgré cela, la soutenabilité du Quantitative Easing
continue de poser question : une réduction des achats de JGB sera
nécessaire tôt ou tard. La politique de contrôle de la courbe des taux
pourrait donc être un moyen indirect d’éviter une forte volatilité du
marché des JGB, lorsque la BoJ annoncera une baisse de ses achats
de titres. 1 Cf. Focus – Le Quantitative Easing de la BCE : quelles options pour le prolonger ?
-0,4
-0,2
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
2012 2013 2014 2015 2016
BoJ : décalage des taux des JGB par maturité
10 ans 5 ans 2 ans
%
Sources : Bloomberg, CA CIB
-2
0
2
4
670
75
80
85
90
95
09 10 11 12 13 14 15 16 17 18
a/a, %indice
R-U : livre sterling et inflation CPI
Taux de change nominal effectif
CPI inflation, dr., inv.
Prévisions CPI de la BoE
Prévisions CPI de CA
Sources : ONS, Datastream, Crédit Agricole S.A.
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 17
Focus – Le Quantitative Easing de la BCE : quelles options pour le prolonger ?
Le programme d’achat de la BCE se compose de quatre parties
distinctes : achats d’ABS (ABSPP), d’obligations sécurisées (CBPP3),
de titres d’entreprises (CSPP) et de titres du secteur public (PSPP,
incluant les titres souverains, les titres supranationaux, les titres
d’agences publiques et les titres des autorités locales et régionales).
Constat simple : le programme d’achat d’ABS n’a jamais réellement
fonctionné en raison de l’étroitesse du marché, le programme d’achat
d’obligations garanties s’essouffle en raison de la raréfaction des titres
liée aux achats de la BCE, le CSPP reste très dépendant du marché
primaire des entreprises. Dans ce cadre (alors que l’inclusion d’autres
actifs, bien que possible à l’avenir, nous semble très peu probable à horizon prévisible), le seul moyen pour la BCE d’assurer des
achats mensuels à hauteur de 80 milliards d’euros est d’as-
souplir les modalités d’achat de titres du secteur public.
Dans le cadre de ces derniers, la BCE s’est imposée quatre types
de limites : maturité (achat de titres compris entre deux et trente-et-
un ans), détention des titres (pas plus de 33% d’une souche et d’un
émetteur pour les souverains, pas plus de 50% pour les supranationaux), rendement plancher (pas de titres dont le
rendement est inférieur au taux de dépôt) et répartition par pays (en
proportion de la clé de répartition des banques centrales nationales
au capital de la BCE).
La BCE pourrait se trouver confrontée à une rareté sur certains
titres, notamment allemands, finlandais et néerlandais en raison,
précisément, de ces contraintes. Chacune d’entre elles pourrait
être partiellement ou intégralement assouplie. Se posent alors
les questions délicates de faisabilité technique, d’efficacité
économique, de rentabilité en matière d’actifs achetables libérés
et d’acceptabilité politique.
Les limites de maturité
La limite basse de maturité semble compliquée à supprimer pour des
raisons pratiques : dans la mesure où la BCE s’est engagée à
réinvestir les obligations arrivant à maturité, détenir des titres très
courts l’obligerait à réinvestir très massivement à court terme,
éventuellement avant la fin du QE ; ce qui pourrait représenter des
achats bruts très importants.
La limite haute de maturité, en revanche ne pose aucun problème de
faisabilité technique, elle ne pose pas de problème d’acceptabilité et
pourrait être marginalement positive économiquement en faisant
marginalement baisser les taux longs. En revanche, une telle option
ne change rien pour l’Allemagne ou la Finlande qui n’ont pas de titres
de maturité supérieure à trente ans.
Les limites de détention
Compte tenu de l’étroitesse et de la faible liquidité des marchés hors
obligations d’État, l’attention de la BCE se portera sur les contraintes
encadrant l’achat de titres souverains.
Pour ceux assortis de clauses d’action collective (CAC), la BCE
pourrait augmenter marginalement sa part de détention. Il faut
seulement s’assurer que 50% des détenteurs d’obligations soient
présents lors de la prise de décision et qu’ils s’expriment – donc la
BCE ne pourra pas détenir plus de 50% de chaque ligne. En
0
20
40
60
80
100
mars-15 juil.-15 nov.-15 mars-16 juil.-16
Mds €
Achats mensuels :les 5 sous-composantes du QE
PSPP Sov PSPP Supra CBPP3 ABSPP CSPP
Sources : BCE, CA CIB
0
200
400
600
800
1 000
1 200
1 400
mars-15 juil.-15 nov.-15 mars-16 juil.-16
Mds €
Les souverains occupent une place prépondérante dans le QE
PSPP Sov PSPP Supra CBPP3 ABSPP CSPP
Sources : BCE, CA CIB
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N°16/249 – 30 septembre 2016 18
revanche, il est possible d’envisager que la BCE accroisse sa part
détenue jusqu’à 40% par exemple, laissant une certaine marge aux
autres détenteurs pour parvenir aux 50%.
Pour les titres souverains non dotés de CAC, la BCE pourrait
théoriquement aller jusqu’à 50%. Cependant, distinguer les titres
dotés de CAC et ceux non dotés entraînerait de fortes distorsions sur
la courbe des taux souverains : les effets négatifs seraient supérieurs
aux bénéfices retirés.
La limite du taux de dépôt
Actuellement, la BCE s’interdit d’acheter des titres dont le rendement
est inférieur au taux de dépôt. Cette disposition vise à limiter la baisse
des taux souverains et à maintenir l’incitation des banques à vendre
leurs titres à la BCE. Elle vise également à ne pas exposer la BCE au
risque de perte : en supposant que le taux de refinancement de la
BCE soit le taux de dépôt, si elle achète des titres souverains en-
dessous de ce taux, alors elle enregistre des pertes sur les titres
achetés. Ce point ne semble pas être majeur, dans la mesure où la
BCE réalise actuellement des bénéfices considérables sur les titres
qu’elle achète. En revanche, si la BCE enregistrait des pertes
certaines sur des titres souverains, cela pourrait être considéré
comme du financement monétaire.
La suppression de la limite du taux de dépôt pourrait précipiter les
taux de maturités courtes à moyennes à des niveaux extrêmement
bas, ce qui pourrait perturber le fonctionnement de certains segments
de marché et de certaines institutions financières. En revanche, la re-
pentification des courbes de taux souverains pourrait être positive
pour le secteur bancaire dont l’activité de transformation s’en
trouverait facilitée. D’un point de vue d’acceptabilité politique, lever
cette contrainte ne devrait pas poser de problème, (cela devrait
favoriser avant tout l’Allemagne). Cependant, les taux très bas sont
déjà assez largement critiqués dans plusieurs pays européens. Cette
mesure susceptible de faire plonger les taux vers des niveaux inédits,
susciterait donc des critiques, qui ne seraient cependant pas un
obstacle rédhibitoire.
La clé de répartition du capital de la BCE
La clé de répartition du capital est déjà sujette à une flexibilité
importante : si elles ne trouvent pas de titres souverains à acheter, les
Banques centrales nationales peuvent procéder à des achats « de
substitution », (titres d’autorités locales et régionales, titres d’agences,
et enfin titres supranationaux). C’est le cas pour plusieurs petits pays
de la zone euro faiblement endettés, Estonie, Malte, Chypre,
Luxembourg. Ce qui semble acceptable pour ces petites économies,
l’est bien moins du point de vue de l’Allemagne. Confrontée à la rareté
des obligations souveraines, la Banque centrale allemande pourrait
certes acquérir des titres supranationaux. Cela diminuerait sensiblement la part de l’Allemagne au sein des titres acquis in fine
par la BCE, part qui deviendrait faible au regard de sa participation au
capital.
Si se pose la question de l’acceptabilité politique, force est de
constater que la suppression de la clé de répartition est
économiquement l’option la plus positive : elle élargit nettement
l’univers des titres achetables et favorise un resserrement des spreads des pays périphériques, ce qui permet de soutenir davantage
les pays les plus fragiles, tout en offrant aux pays du cœur de la zone
euro des taux moins faibles.
0%
20%
40%
60%
80%
100%
Clé de répartition du capital :des flexibilités déjà utilisées
Ratio montant acheté/montant théoriqueSources : BCE, CA CIB
-0,9
-0,6
-0,3
0,0
0,3
0,6
0,9
1,2
0 10 20 30
%
années
Limites de maturitéet limite du taux de dépôt
France Allemagne
limites maturité
taux de dépôt
Sources : BCE, CA CIB
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N°16/249 – 30 septembre 2016 19
Taux d’intérêt – L’influence des Banques centrales
Les taux longs américains semblent splendidement ignorer les resserrements suggérés par la Fed. Les taux européens restent quant à eux guidés par les actions et déclarations de la BCE. Excellent pilote qui devra cependant assouplir ses propres règles de conduite.
Taux d’intérêt américains : la demande pour les US Treasuries évolue
La forte corrélation entre les anticipations de hausse des taux
directeurs sur l’année à venir et les taux à dix ans se « détend ».
Anticipations sur les taux directeurs et sur les taux à dix ans
tendent même à diverger, principalement parce que la demande
pour les Treasuries s’est essoufflée. Cela s’explique notamment
par le changement d’attitude des investisseurs japonais, qui ont acheté environ un tiers de l’offre nette des US Treasuries cette année.
Leur demande s’est évaporée avec la remontée des taux gou-
vernementaux nippons à trente ans autour de 0,50%. Avec le nouveau QQE
1 de la Banque du Japon « avec contrôle de la courbe
des taux », les flux japonais vers les US Treasuries vont se contracter
et exercer une influence moins baissière sur les taux de ces derniers.
Une autre source importante de demande : celle émanant des
banques commerciales américaines, qui semblent également
avoir largement épuisé leurs programmes d’achats.
La demande n’est qu’une partie de l’équation et l’offre de
Treasuries a également été plutôt orientée à la baisse en 2016.
Elle pourrait repartir modestement à la hausse l’année prochaine.
Le Trésor américain continuera d’émettre des montants importants de
dette obligataire (plus de 2 000 Mds USD d’obligations par an en
données brutes et environ 650 M USD d’émissions nettes de bons du
Trésor et d’obligations par an). Nous tablons sur une légère
augmentation des coupons, facteur qui – comme le recul de la
demande – pourrait contribuer à la remontée des taux.
Cependant, le problème principal pour le marché obligataire
américain est la quasi-absence des anticipations de remontée
des taux directeurs par les marchés. À en juger par les contrats
eurodollar, les marchés ne prévoient que 28 points de base de
hausse du Libor trois mois entre décembre 2016 et décembre 2018 ; notre scénario table sur une remontée plus rapide du taux des Fed
funds. Si nous n’anticipons qu’une remontée modeste des taux à deux
et dix ans, le risque de hausse plus violente des taux de marché ne
peut être exclu. Avec une courbe aussi mal préparée à ce que la Fed
pourrait entreprendre, le danger d’une remontée des taux plus brutale
qu’anticipé n’est en effet pas négligeable.
Taux d’intérêt en zone euro : sous l’influence des Banques centrales
D’ici la fin de l’année, l’univers des taux d’intérêt sera proba-
blement conditionné par les anticipations sur l’action des
Banques centrales : Fed, BCE et BoJ. Les mouvements récents
indiquent que les marchés ont commencé à douter de la capacité et
1 QQE : Quantitative and Qualitative Easing (assouplissement quantitatif et qualitatif)
1,0
1,2
1,4
1,6
1,8
2,0
2,2
2,4
-10
0
10
20
30
40
50
60
janv.-16 mars-16 mai-16 juil.-16 sept.-16
%pdbHausses de taux attendues dans
12 mois et 10 ans américain
Ecart contrats futures sur Fed funds 1 & 12
Taux des Treasuries 10 ans
Baisse des anticipations de taux, mais augmentation des taux longs
Source : CA CIB
2 000
2 050
2 100
2 150
2 200
2 250
2 300
juin-13 janv.-14 août-14 mars-15 oct.-15 mai-16
Mds USD, s/ 6m
annualisé
Émissions brutes d'obligations
Source : CA CIB
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 20
de la volonté des Banques centrales à maintenir leur politique
accommodante.
Lors de sa réunion de septembre, la BCE n’a ni assoupli sa politique via une expansion de son QE, ni donné d’indice sur la manière dont
elle comptait gérer le problème de la raréfaction des titres éligibles au
QE. Alors même que l’intérêt d’une expansion du QE par la BCE nous
paraît discutable, il nous semble qu’une absence d’expansion aurait
des conséquences négatives sur les mécanismes de transmission de
la politique monétaire.
Aussi pensons-nous que la BCE annoncera un
prolongement du QE avant la fin de l’année. Du point de
vue des marchés, la question la plus importante dans
l’immédiat est de savoir comment la BCE compte gérer le
problème du manque de titres disponibles, en particulier de
titres allemands.
La BCE impose en effet actuellement plusieurs contraintes sur les obligations éligibles à ses achats
1. Elle devra les assouplir
en combinant acceptabilité politique et efficacité économique.
Changer la limite de détention par titre et/ou repousser la
maturité des titres éligibles sont des mesures faciles à mettre
en œuvre qui seront probablement adoptées par la BCE. Ces
mesures ne répondent cependant pas au problème de la
rareté des titres allemands, dont une proportion importante
s’échange à des taux inférieurs au taux de la facilité de dépôt
de la BCE.
Nous tablons sur la suppression de la contrainte du taux
plancher et le relèvement de la limite de détention par titre.
Ces deux mesures ajouteraient jusqu’à 700 Mds EUR de titres
au pool des titres éligibles au QE, dont des titres allemands
pour un montant qui pourrait atteindre 200 Mds.
Ces deux mesures se traduiraient par une pentification de la courbe
des taux, avec une baisse potentielle des taux sur la partie courte de
la courbe et une remontée des taux sur la partie longue. Une
pentification de la courbe serait favorable aux investisseurs
institutionnels, dont les banques, les fonds de pension et les
compagnies d’assurance.
Au-delà de la BCE, le marché semble trop confiant sur les
perspectives d’évolution de l’appétit pour le risque. Dans les mois qui
viennent, la hausse des taux de la Fed attendue d’ici la fin de l’année,
les élections présidentielles américaines, le référendum en Italie et les
inquiétudes persistantes sur le secteur bancaire et les risques
politiques en Espagne suggèrent que l’appétit pour le risque pourrait
être mis à rude épreuve. En conséquence, un élargissement des spreads périphériques est probable à court terme. Nous maintenons
cependant notre vue baissière à moyen terme sur les spreads : tout
élargissement peut être considéré comme une opportunité d’achat de
titres périphériques.
1 Cf. Focus – Le Quantitative Easing de la BCE : quelles options pour le prolonger ?
Eligible
%
Pool actuel de
titres
éligibles
Mds €
Pool éligible
si
assouplisse
ment Mds €
Titres émis
Mds €
Allemagne 40% 26 65 161
Autriche 40% 54 103 257
Belgique 40% 13 29 72
Espagne 40% 242 474 1,185
Finlande 40% 113 321 801
France 40% 19 37 93
Grèce 40% 399 484 1,209
Irlande 40% 41 93 232
Italie 40% 31 38 95
Pays-Bas 40% 199 242 604
Portugal 40% 35 43 108
Autres 40% 20 27 69
Total 40% 1,193 1,954 4,833
Source : Bloomberg
Un retrait du taux plancher et une remontée de la limite de
détention par titre pourraient permettre une hausse de plus
de 700 Mds € du pool des obligations disponibles à l’achat
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 21
Taux de change – « L’usure » des Banques centrales ?
À court terme, la BCE et la Banque du Japon disposent encore de quelques munitions pour échapper à une appréciation de leurs devises. L’amorce de resserrement de la politique monétaire américaine sera également propice à l’appréciation du dollar.
Taux de change G10 et fin des central bank puts1
Les fondamentaux macro-économiques qui conditionnent les
taux de change du G10 semblent être en train de changer et les
investisseurs se focalisent de plus en plus sur la fin des central
bank puts mis en place par la BCE et la BoJ pour soutenir le
sentiment de marché. La BoJ a récemment tenté de prolonger à
moindres frais la durée de vie de son QE faiblissant. Aucune nouvelle
mesure d’assouplissement n’a été annoncée. En revanche, le Comité
de politique monétaire (MPC) a remplacé ce ciblage du taux de
croissance de la base monétaire par un objectif de maintien du taux
des JGB à dix ans à 0%. Ces mesures devraient permettre de
s’assurer que la courbe des JGB ne s’aplatit pas de manière
excessive, ce qui pénaliserait un secteur financier japonais déjà
fragile. Point important, la BoJ – qui se méfiait probablement de
l’impact négatif qu’une telle mesure avait eu en janvier – n’a pas
abaissé ses taux davantage en dessous de zéro.
La BoJ n’a pas traité le problème de la raréfaction des actifs
disponibles qu’elle peut acheter au titre du QE. Ce problème ne
fera qu’empirer et affaiblira son engagement à faire varier les
montants de ses achats de manière à stabiliser les taux des JGB à
moyen terme. En réalité, il semble que le vrai message à retenir de la
réunion de la BoJ est que la banque se rapproche de plus en plus de
ses limites en termes d’assouplissement agressif supplémentaire.
Cela pourrait réduire le champ des possibles pour le MPC, qui n’aura
guère d’autre choix que de réduire le rythme de ses achats et
d’étendre la duration de son QE. La BoJ pourrait être obligée de
réduire ses achats de titres dans les mois qui viennent.
Les investisseurs ne tarderont pas à mettre en cause la capacité
de la BCE à maintenir ses achats de titres au rythme actuel. En
effet, des problèmes de rareté des actifs disponibles entravent d’ores
et déjà le bon fonctionnement du programme d’achats d’actifs, qui est
contraint à des achats disproportionnés de titres allemands par la
règle de répartition des achats selon la part de chaque pays au capital
de la BCE. La manière la plus efficace de traiter le problème du
manque d’actifs disponibles (et du problème associé de l’aplatisse-
ment excessif de la courbe allemande) est de commencer à acheter
des titres dont le rendement est inférieur à la barrière basse actuelle,
le taux de la facilité de dépôt. Ceci dit, des éléments ponctuels et des
articles de presse récents semblent suggérer que le Conseil des
gouverneurs est moins désireux de faire baisser davantage les taux à
court terme de la zone euro.
1 Central bank put : idée selon laquelle les Banques centrales ne laissent pas les actifs
(actions, obligations, devise, etc.) de leur pays/zone s’effondrer sans intervenir pour les soutenir, ce qui limite les risques pour les investisseurs.
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 22
Implications pour les devises du G10
Sur la durée, la fin des central bank puts se traduira par un
durcissement des conditions financières globales. À court terme,
dans la mesure où la BoJ et la BCE ne souhaitent pas pousser les
taux courts à des niveaux « excessivement » négatifs, il est probable
que les efforts destinés à traiter le problème de la raréfaction des
actifs et/ou l’aplatissement de la courbe des taux obligataires ne
réussiront pas à éviter une correction graduelle supplémentaire des
taux à la hausse sur la partie longue de la courbe. Le sujet gagnera
probablement en importance courant 2017, la question de la volatilité
des prix des actifs étant amenée à occuper une place centrale avec
l’arrivée, jugée de plus en plus imminente, des réductions des achats
d’actifs. Cela devrait réduire l’attractivité des opérations de portage
financées en yen ou en euro. Un impact plus large pourrait prendre la
forme d’une crise – sur le marché obligataire et sur les autres
marchés – liée à la perspective d’une baisse des achats d’actifs, qui
pèserait sur l’appétit pour le risque.
Avec la fin des central bank puts, la Fed sera la seule grande
Banque centrale en mesure de répondre à d’éventuels nouveaux
chocs économiques. En d’autres termes, la Fed pourrait être la
seule en mesure d’assouplir sa politique en retardant un resserre-
ment. Alors qu’à présent la politique monétaire du FOMC est
principalement dictée par les fondamentaux domestiques américains,
l’économie et les conditions financières mondiales pourraient
commencer à jouer un rôle plus important dans les trimestres à venir.
Cela pourrait se traduire par une progression encore plus lente des
taux directeurs américains et avoir des conséquences négatives sur
l’évolution à plus long terme du dollar.
Perspectives du marché des changes pour le quatrième trimestre 2016
Après les récentes réunions de la BoJ et de la Fed, les marchés ont
vendu le dollar et acheté le risque. On peut supposer que les marchés
ont été rassurés par l’engagement de la BoJ à limiter les taux des
JGB dix ans à 0%, tandis que la Fed révisait une nouvelle fois à la
baisse ses projections de hausse des taux à long terme. La sous-
performance du dollar devrait toutefois être temporaire. Il nous semble en particulier que la récente prudence de la Fed s’explique par
l’approche des élections présidentielles aux États-Unis. Tout ceci
pourrait se traduire par une performance assez terne de l’indice dollar
pondéré par les échanges commerciaux avant le vote du 8 novembre.
Ceci dit, nous continuons à tabler sur une victoire de la candidate
démocrate, Hillary Clinton. Ce résultat devrait permettre à la Fed de
relever les taux en décembre. Dans la mesure où l’incertitude
politique a pesé sur les indices de confiance des entreprises et des ménages aux États-Unis, un statu quo politique pourrait avoir des
conséquences favorables sur l’activité économique au quatrième
trimestre et pourrait par la suite se traduire par un jugement assez
positif de la situation économique par la Fed lors de sa réunion de
décembre.
Historiquement, les hausses de taux de la Fed tendaient à marquer le
début de périodes de hausse des taux avec pentification de la courbe des Treasuries, périodes habituellement favorables au dollar initia-
lement. L’impact sur les marchés obligataires d’une hausse en
décembre pourrait être plus prononcé cette fois-ci, en raison des inquiétudes du marché sur la fin des « puts » de Mario Draghi et de
99,0
99,4
99,8
100,2
100,6
101,0
-30 -25 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 25 30
Performances préélectorales du dollar (depuis 1976)
Indice USD pondéré par leséchanges commerciaux
jours
Sources : Bloomberg, CA CIB
10
15
20
25
30
-80
-40
0
40
80
120
sept.-15 déc.-15 mars-16 juin-16 sept.-16
Taux obligataires mondiauxet appétit pour le risque
Indice VIX (dr.) US 10 ansUK 10 ans JP 10 ansGE 10 ans FR 10 ansIT 10 ans SP 10 ans
Sources : Bloomberg, BCE, CA CIB
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 23
Haruhiko Kuroda. La remontée des taux longs pourrait se poursuivre
et finir par saper l’appétit pour le risque des investisseurs, poussant
les devises du G10 liées aux matières premières et corrélées au
risque à nouveau à la baisse. De plus, la combinaison d’une
surévaluation des taux de change, de positions longues excessives et
de risques baissiers croissants rend les perspectives des devises
liées aux matières premières assez difficiles. Nous conservons nos
positions courtes en dollar canadien et en dollar néo-zélandais.
Pour l’euro par rapport au dollar et le dollar par rapport au yen,
nous pensons que les efforts de la BCE et de la BoJ pour
prolonger leurs QE devraient continuer à payer pour l’instant,
limitant ainsi le potentiel de hausse de leurs devises. De plus,
avant le référendum italien prévu fin novembre, l’euro pourrait être
désavantagé par les inquiétudes croissantes de contagion politique post-Brexit. Il nous semble par ailleurs que l’engagement de la BoJ à
limiter les taux des JGB et les menaces d’interventions officielles sur
le marché des changes devraient affaiblir l’appétit des investisseurs
pour le yen. Ces deux devises refuges pourraient cependant
surperformer les petites devises du G10, en particulier si une hausse des taux de la Fed en décembre déclenchait un taper tantrum sur le
marché des changes.
Pays émergents : vers des jours meilleurs
Deux des principales menaces qui pesaient sur les devises
émergentes se sont nettement atténuées au cours des trimestres
écoulés. Les hausses de taux de la Fed seront probablement
graduelles et sans doute beaucoup plus que ce qui était attendu il y a
quelques trimestres. La plupart des devises émergentes devraient,
par conséquent, bien résister aux hausses des taux de la Fed
lorsqu’elles se produiront, le marché anticipant une remontée lente et
d’ampleur limitée des taux américains.
La stabilisation des cours des matières premières a également
soutenu les devises émergentes de manière importante depuis le
début de l’année. Si l’offre de pétrole n’augmente pas brutalement,
les cours du pétrole devraient continuer à progresser l’année
prochaine à la faveur d’une accélération graduelle de la croissance
mondiale, ce qui devrait également soutenir les devises émergentes.
Toutefois, les devises qui combinent vulnérabilité extérieure et
problèmes domestiques devraient sous-performer les autres
devises émergentes. Le real brésilien, par exemple, pâtira
probablement des hausses des taux de la Fed lorsqu’elles se
produiront. Le recul du déficit courant pourrait s’inverser lorsque la
demande domestique s’améliorera ; la situation politique pourrait
rester trouble et le portage baissera lorsque la Banque centrale du
Brésil abaissera ses taux, probablement l’année prochaine. La livre
turque pourrait également perdre graduellement du terrain quand la
Fed relèvera ses taux, principalement en raison de son déficit courant
et du montant assez élevé de sa dette extérieure à court terme.
C’est toutefois le rand sud-africain qui semble être la devise la plus
vulnérable dans les trimestres à venir. En effet, sa vulnérabilité ne
s’explique pas par son déficit courant seul : la détérioration de la
situation politique intérieure pourrait également avoir un impact négatif
sur la confiance des investisseurs étrangers et peser, par ailleurs, sur
la note souveraine du pays.
20
30
40
50
60
70
80
900
20
40
60
80
100
120
140Rouble et prix du pétrole
Prix du Brent (USD/bl) USD/RUB (dr. inv.)
Sources : Bloomberg, CA CIB
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,50
20
40
60
80
100
120
140
Livre turque et prix du pétrole
Prix du Brent (USD/bl) USD/TRY (dr. inv.)
Sources : Bloomberg, CA CIB
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 24
Prévisions économiques et financières
Taux d’intérêt
Taux de change
Matières premières
28-sept. déc.-16 mars-17 juin-17 sept.-17 déc.-17
Etats-Unis Fed funds 0,50 0,75 0,75 1,00 1,00 1,25
Taux 10 ans 1,55 1,95 2,15 2,25 2,50 2,70
Zone euro Repo 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00
Taux 10 ans (All.) -0,15 0,10 0,15 0,20 0,30 0,40
Spread 10a c/ EUR France 0,24 0,25 0,25 0,30 0,30 0,30
Italie 1,34 1,30 1,25 1,20 1,20 1,25
Taux de change USD
Pays industrialisés28-sept. déc.-16 mars-17 juin-17 sept.-17 déc.-17
Euro EUR/USD 1,12 1,10 1,10 1,12 1,13 1,15
Japon USD/JPY 100,60 102,00 104,00 105,00 104,00 102,00
Royaume-Uni GBP/USD 1,30 1,29 1,29 1,30 1,31 1,32
Suisse USD/CHF 0,97 0,99 1,00 1,00 0,99 0,98
Asie
Chine USD/CNY 6,67 6,60 6,58 6,55 6,53 6,50
Hong Kong USD/HKD 7,75 7,77 7,77 7,77 7,77 7,77
Inde USD/INR 66,53 70,00 70,50 71,50 71,75 72,00
Corée du Sud USD/KRW 1098 1160 1140 1150 1140 1120
Amérique latine
Brésil USD/BRL 3,25 3,30 3,45 3,60 3,60 3,50
Mexique USD/MXN 19,52 17,80 17,40 17,70 17,70 17,00
Europe - émergents
Pologne USD/PLN 3,84 3,91 3,91 3,75 3,72 3,61
Russie USD/RUB 63,97 63,00 60,00 62,00 62,00 57,00
Turquie USD/TRY 2,99 3,02 3,05 3,09 3,10 3,10
2016
Métaux précieux T4 T1 T2 T3 T4
Or USD/oz 1 320 1 330 1 340 1 360 1 390 1 400
28-sept2017
2016
T4 T1 T2 T3 T4
Brent USD/BBL 0 50 54 58 62 68
Prix moy. du trim.28-sept
2017
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 25
Scénario économique du Groupe Crédit Agricole S.A.
2015 2016 2017 2015 2016 2017 2015 2016 2017
Etats-Unis 2,6 1,6 2,3 0,1 1,2 2,3 -2,6 -2,8 -2,9
Japon 0,5 0,6 1,4 0,8 -0,2 0,5 3,3 3,5 3,3
Zone euro 1,6 1,6 1,5 0,0 0,2 1,2 3,7 3,4 3,4
Allemagne 1,4 1,8 1,6 0,1 0,4 1,4 8,5 8,2 7,9
France 1,2 1,3 1,4 0,1 0,4 1,1 -0,3 -1,3 -0,9
Italie 0,6 0,8 1,0 0,1 -0,1 0,8 1,5 1,5 1,9
Espagne 3,2 3,0 2,0 -0,6 -0,6 1,1 1,4 1,5 1,4
Pays-Bas 2,0 1,7 1,6 0,2 0,2 1,1 10,2 10,1 9,5
Autres pays développés
Royaume-Uni 2,2 1,9 0,8 0,1 0,7 2,8 -5,2 -4,1 -3,2
Canada 1,1 1,4 2,1 1,1 1,8 2,1 -3,2 -3,2 -2,5
Australie 2,5 2,5 3,0 1,5 2,1 2,4 -4,6 -3,6 -3,5
Suisse 0,9 1,1 1,4 -1,1 -0,6 0,1 11,4 9,5 9,0
Asie 6,1 6,0 6,1 2,4 2,5 2,9 2,8 2,1 1,5
Chine 6,9 6,7 6,6 1,4 1,7 1,8 3,1 2,0 1,6
Inde 7,2 7,6 7,7 4,9 5,3 5,3 -1,1 -1,5 -1,4
Corée du Sud 2,6 2,9 3,0 0,7 0,8 1,8 7,7 7,8 6,0
Amérique latine -0,3 -0,8 2,2 8,9 10,7 6,1 -3,2 -2,2 -2,2
Brésil -3,9 -3,2 1,8 9,0 8,8 5,6 -3,3 -1,1 -1,7
Mexique 2,5 1,7 2,2 2,7 2,7 2,7 -2,9 -3,4 -2,8
Europe émergente -0,6 0,9 2,3 11,6 6,0 5,1 1,9 0,8 1,0
Russie -3,7 -0,8 1,5 15,6 7,3 5,3 5,8 3,6 4,2
Turquie 4,1 2,7 3,1 7,7 7,5 7,2 -4,2 -4,3 -4,5
Pologne 3,6 2,9 3,5 -0,9 -0,6 1,8 -0,3 -0,5 -0,6
Afrique, Moyen-Orient 2,6 2,1 2,9 6,0 6,4 6,4 -3,1 -3,8 -1,8
Arabie Saoudite 3,4 1,1 1,7 2,2 3,8 3,6 -8,2 -9,8 -5,0
Emirats Arabes Unis 3,4 2,1 2,6 4,2 2,1 2,6 4,1 3,6 3,7
Egypte 4,2 3,1 3,7 10,2 11,2 10,4 -3,0 -2,6 -2,2
Maroc 4,5 1,9 4,0 1,6 1,5 2,0 -1,9 -2,3 -2,7
Total 3,0 2,9 3,4 3,0 2,9 3,1 0,7 0,4 0,4
Pays industrialisés 1,9 1,5 1,8 0,2 0,7 1,7 0,2 0,1 0,1
Pays émergents 3,8 3,9 4,7 5,0 4,6 4,1 1,1 0,6 0,6
PIB (a/a, %) Inflation (a/a, %) Balance courante (% du PIB)
MONDE – Scénario macro-économique 2016-2017 Le chaînon désespérément manquant
N°16/249 – 30 septembre 2016 26
Comptes publics
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2015 2016 2017 2015 2016 2017
Etats-Unis -2,5 -3,2 -3,3 73,7 76,7 77,4
Japon -7,3 -7,7 -7,8 239,4 244,7 248,8
Zone euro -2,1 -2,0 -1,7 91,5 90,5 89,6
Allemagne 0,7 0,0 0,0 71,1 68,3 65,8
France -3,5 -3,3 -3,0 95,7 96,1 96,1
Italie -2,6 -2,5 -2,1 132,8 132,1 132,4
Espagne -5,1 -3,6 -2,6 99,1 100,3 100,0
Pays-Bas -1,8 -1,7 -1,2 64,3 62,2 61,7
Belgique -2,7 -2,5 -2,3 106,7 107,1 106,1
Grèce -7,2 -3,6 -2,2 177,0 184,1 184,4
Irlande -1,8 -1,0 -0,7 97,6 91,9 89,1
Portugal -4,4 -2,6 -2,3 129,1 128,5 123,6
Royaume-Uni -4,4 -3,7 -3,5 89,2 90,6 93,0
Solde budgétaire (% du PIB) Dette publique (% du PIB)
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