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Monsieur Michel Aglietta

Monnaie et inflation : quelques leçons de l'expérienceaméricaine des dix dernières annéesIn: Economie et statistique, N°77, Avril 1976. pp. 49-71.

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Aglietta Michel. Monnaie et inflation : quelques leçons de l'expérience américaine des dix dernières années. In: Economie etstatistique, N°77, Avril 1976. pp. 49-71.

doi : 10.3406/estat.1976.2319

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1976_num_77_1_2319

AbstractMoney and inflation : a few teachings of USA's experience during the ten last years by - Based ondiscussions in the USA over the last ten years, the author offers an interpretation of the inflationaryprocess by referring to two sets of phenomena. These phenomena are first studied separately, later interms of their interaction.• The first set concerns the structural changes in the conditions of production (slowdowns inimprovement of average industrial productivity, modifications in the growth rates of industries...). Ananalysis of these structural changes within the framework of a competititve economy leads to ananalysis of their consequences, especially with regard to growth of indebtedness, shortages of capitalfor new investment and the malfunctioning of financial markets.• The second set of phenomena concerns the behaviour of the economic agents in these circumstances(anticipations and wealth constraints take a prominent part) and the nature of the market adjustments.By studying the interaction between these two sets of phenomena and taking into account the role ofmoney, it is possible to understand both the persisting inflationary trend and the wide fluctuations of theinflation rate about the general trend. Changes in inventories and the instability of structures ofindebtedness play an important part in the process. Their combined influence will lead to a liquiditycrisis which is all the more acute as the preceding rate of credit expansion was larger. Thus monetarypolicy is partly responsible for amplitude of the acceleration of inflation. But this responsibility must notbe exagerated because, in any event, the structural, sources of inflation are beyond the reach ofmanipulations of the money stock.

ResumenMoneda e inflación : unas cuantas enseñanzas adquiridas con la experiencia de los Estados Unidos enlos diez últimos anos - A partir de observaciones efectuadas en los Estados Unidos desde un decenio,el autor propone una interpretation del proceso inflacionista por medio de una referenda a dosconjuntos de fenómenos. En primer lugar, se estudian estos por separado y luego se intenta determinarsu interacción• El primer conjunto concierne los cambios estructurales intervenidos en las condiciones de producción(merma del desarollo de la productividad media de la industria, importantes modificaciones que afectanlos ritmos decrecimiento de las industrias...). El análisis de esos cambios estructurales dentro delmarco de una economía de competencia encarrila a subrayar sus consecuencias, especialmente suimpacto en el desarrollo del adeudamientoide todos los agentes, reflejando una escasez de capital paralas nuevas inversiones y mal-funcionamiento de los mercados financieros.• El segundo atane el comportamiento de los agentes que se hallan en esta situación (anticipaciones ysujeciones patrimoniales desempenan un papel importante) y la naturaleza de los ajustamientos que sellevan a cabo en los mercados. Al indagar la interacción de ambos tipos de fenómeno y teníendose encuenta la acción efectiva de la moneda, es factible comprender a la vez la persistencia tendencial de lainflación y sus extensas fluctuaciones coyunturales. La formación de los stocks y la realización deestructuras de adeudo inestables desempenan un papel de consideración en esta interacción. Suconjunción encarrila a una escasez de liquideces cuanto más aguda que la expansion del credito seaveriguo anteriormente más fuerte. Así pues la politica monetaria interviene en la magnitud de laacceleración de la inflación. Mas no cabe dar proporciones excesivas a esta responsabilidad ya que entodo caso las condiciones estructurales de la inflación estan fuera de alcance de las manipulaciones dela masa monetaria.

RésuméA partir des observations faites aux États-Unis depuis une dizaine d'années, l'auteur propose uneinterprétation du processus inflationniste en faisant référence à deux ensembles de phénomènes. Cesderniers sont d'abord étudiés séparément, puis on cherche à établir leur interaction. Le premierensemble concerne les changements structurels dans les conditions de la production (ralentissementdans les progrès de la productivité moyenne dans l'industrie, modifications dans les rythmes decroissance des industries...). L'analyse de ces changements structurels dans le cadre d'une économiede concurrence conduit à souligner leurs conséquences, en particulier sur le développement del'endettement de tous les agents reflétant une pénurie de capital pour les investissements nouveaux et

un disfonctionnement des marchés financiers. Le deuxième concerne le comportement des agentsplacés dans cette situation (anticipations et contraintes patrimoniales jouent fortement) et la nature desajustements qui s'opèrent sur les, marchés. En recherchant l'interaction de ces deux ordres dephénomènes et en tenant compte du jeu réel de la monnaie, on peut comprendre à la fois lapersistance tendancielle de l'inflation et ses amples fluctuations conjoncturelles. Dans cette interactionla formation des stocks et la réalisation de structures d'endettement instables jouent un rôleconsidérable. Leur conjonction mène à une crise de liquidités d'autant plus aiguë que l'expansion ducrédit a été antérieurement plus forte. Ainsi la politique monétaire a une responsabilité dans l'ampleurque prend l'accélération de l'inflation. Mais cette responsabilité ne doit pas être exagérée, parce qu'entout état de cause les conditions structurelles de l'inflation sont hors de portée des manipulations de lamasse monétaire.

Monnaie et inflation :

quelques leçons

de l'expérience américaine

des dix dernières années

par Michel AGUETTA.

La concurrence est-elle toujours un frein à la hausse des prix ? La manipulation de la masse monétaire, à: supposer qu'elle soit possible, suffît-elle à juguler l'inflation ? Comment peuvent coexister hausses de prix, et stagnation de la production ? Les comportements individuels sont-ils responsables de l'accélération de l'inflation ?,.. Combinant théorie:etdonnées empiriques, l'article présenté ci-après s'efforce d'apporter des éléments de réponse à ces questions dont l'actualité est évidente. A partir des observations faites aux USA' depuis une dizaine d'années, l'auteur propose une interprétation de l'enchaînement inflationniste en distinguant deux ensembles de phénomènes : d'un côté les changements dans les conditions de production et de l'autre- les comportements* des. agents.. Les premiers, qualifiés de conditions structurelles de l'inflation, seFtraduisent principalement par une pénurie de capitahpour les équipements nouveaux et umdisfonctionnement des marchés financiers. Les seconds soulignent le rôle des structures d'endettement instables et des anticipations de chacun sur l'accélération des hausses de prix. En; recherchant l'interaction de ces deux ordres de phénomènes et en tenant compte du jeu réelde la monnaie, on peut comprendre à la fois la persistance tendancielle de l'inflation i et ses amples fluctuations conjoncturelles..

Les années 1974 et 1975 ont été des années noires pour. les» prévisionnistes dans tous les pays occidentaux. Ni la brutale accélération de l'inflation, ni la sévérité de la récession qui lui a succédé, n'ont été correctement appréciées. Quelques \ erreurs spectaculaires font apercevoir le désarroi qui s'est emparé des spécialistes de 'la ? conjoncture.. Au Japon, on prévoyait à l'automne 1973 pour l'année 1974 un rythme ; d'inflation de 7%;. il a dépassé 25%. Aux États-Unis, où le plafonnement de la croissance s'est manifesté dès la fin de l'été 1973, une reprise vigoureuse pour le printemps^ 1974 après un léger ajustement conjoncturel était diagnostiquée à- l'automne 1973; cette insaisissable; reprise fut ensuite rituellement annoncée : tous les . six mois. . Quant ; aux erreurs de prévision sur le rythme de croissance réelle, faites à l'automne 1974 pour l'année 1975 par les services officiels dans les pays de l'OCDE, elles sont substantielles. Bien que les résultats de 1975 soient encore provisoires, l'incapacité à prévoir la récession ne fait aucun doute.: en: Allemagne, prévision de + 3,7 % contre . une réalisation de — 3,7 %, en France, + 4,2 % contre — 2 %, aux États- Unis, + 2,5 % contre — 3 %, etc.

Mise, en cause des schémas

macroéconomiques

d'analyse des fluctuations

économiques

Face à de tels écarts, il ne sert à rien d'incriminer l'incertitude des estimations : économétriques, ni l'effet de chocs aléatoires. Il est très insuffisant de faire remarquer que les. modèles économétriques, , fondés sur des relations stables et continues,, ne sont pas ides instruments, bien, adaptés à la prévision des retournements pour; lesquels s jouent . des effets de seuil : et des phénomènes cumulatifs > mal : connus

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provenant d'anticipations divergentes en situation d'incertitude. Plus fondamentalement, l'incapacité à comprendre la: conjoncture des deux - dernières années met . en cause les schémas théoriques qui, sous-tendent les s modèles de prévision construits depuis les années 1950. Les modèles « néo- keynésiens ; » ont pour pivot l'investissement réel net au - sein d'un schéma strictement mécanique fondé sur l'interaction i d'un s principe d'accélération (qui peut se présenter sous une grande ; diversité de formes) et d'un principe de multiplication. Le partage volume-prix est traité dans une optique d'inflation par les coûts s'appuyant sur une relation > de type» Phillips-Lipsey r et un- comportement: de conservation du -taux de marge. Les modèles «: monétaristes », qui ont relancé la réflexion sur l'inflation dans les années 1960, incorporent une reformulation de la théorie ■ quantitative de la monnaie. Cette nouvelle formulation ne parvient pas à surmonter d'une * manière convaincante le grave défaut de la théorie quantitative qui est d'introduire une dichotomie dans la formation des prix : d'un côté un; système ? de , prix relatifs . déterminé en s termes i réels, . d'un ; autre côté le niveau général des prix à partir de la quantité; de monnaie. Corrélativement, le i statut théorique de la monnaie fait problème.

Dans. la théorie quantitative, les fonctions de la monnaie, sont éclatées : l'étalon des valeurs est un bien quelconque choisi par une convention comptable; la fonction de moyen* de ; transaction est ; inexistante parce ; qu'un » équilibre réel ; est toujours^supposésous-jacent aux relations. entre les grandeurs nominales sur les > marchés agrégés des ♦ «biens . et services »,, des titres et de la monnaie; cette dernière ne peut donc être introduite que commet un actif désiré pour lui-même ' du fait de ses caractères propres qui ? lui ; confèrent un rendement implicite.

Il importe de retenir du débat monétariste qui a fait rage dans les années 1960 l'idée fondamentale selon laquelle la compréhension de l'inflation va de pair avec l'approfondissement théorique du rôle de la monnaie dans l'économie. Le grand * mérite des monétaristes est l'exigence de dépassement des Interprétations unilatérales et superficielles • de l'inflation à partir de certaines de ses manifestations : — soit l'inflation par les coûts dans les périodes où le fait statistique de la progression. rapide des salaires ou des prix des matières premières est converti sans la moindre précaution en « cause » de l'inflation ;- — soit l'inflation par la demande dans les périodes où le fait statistique de la hausse générale des prix cache la déformation des prix relatifs et pousse : au > diagnostic, ambigu et . presque tautologique, de l'excès de la demande globale sur l'offre globale.

Le débat monétariste des années 1960 a eu pour résultat essentiel l'affirmation ; de ~ la proposition cruciale selon laquelle1 l'inflation trouve une -condition permissive dans les mécanismes de la création ? monétaire et les déterminants de la détention des encaisses. L'approfondissement de cette proposition par la recherche contemporaine, tant du point de vue de la théorie que de celui de l'observation des faits, a fait : surgir des questions fondamentales t et renouvelé la démarche selon laquelle est abordé le problème de

tion. Il en fut ainsi parce que cette recherche s'est interrogée sur les « fondements microéconomiques de la macroéconomie ». Elle poursuit deux voies <:-. • Le problème de la formation des prix dans une économie d'échanges monétaires où les marchés peuvent être déséquilibrés en ; permanence 2; • Le problème de l'accumulation du capital dans une économie structurée par la production, qui conduit à rechercher, l'origine des déséquilibres économiques, et notamment les principales sources de l'inflation, dans le changement des conditions de production (relation entre le rythme de ; la formation de capital et le rythme d'évolution de la productivité du; travail, rapidité du progrès technique et modalités de son assimilation par les, marchés, incidences sur les relations interindustrielles et les modifications dans; la composition de la demande sociale3).,

Chacune de ces voies exprime une approche différente de la s dynamique : la première en termes d'interaction s des anticipations formées par les agents; la seconde en termes de transformation des structures de production. La première désigne une conception subjective dutempsemtermes de: formation de projets, t réalisation, révision des , projets; la deuxième une conception objective en : termes «. de fluctuations; produites par. les changements structurels. Parvenir à unifier ces deux modes d'approche est le problème cen- tralde la dynamique4.

Ce problème : théorique est encore loin ; d'être ;. résolu. Néanmoins, on va- tenter de montrer dans cet article que la t démarche : ainsi esquissée ,- permet de ? relier: un > grand nombre de faits bien connus des observateurs de l'économie mais non. pris en compte par les schémas macroéconomiques orthodoxes, et de porter un jugement sur la conjoncture contemporaine assez différent de celui qui découle des modèles ; prévisionnels fondés sur ces schémas. Au préalable, il est , indispensable d'évoquer les concepts qui font partie de cette • démarche de manière à justifier le plan : adopté et à énoncer les traits, essentiels sur lesquels, une théorie de l'inflation doit mettre l'accent:

Le point de départ se trouve dans l'interprétation contemporaine de la pensée révolutionnaire de Keynes5. Dans cette interprétation le rôle fondamental de la monnaie dans l'économie et la formation des prix sont indissolublement liés.

1. Relation entre le taux de croissance des salaires nominaux et le niveau du ■■ taux de chômage. .

Voir sur ce point : Phan Duc LoT : « Un aperçu de la littérature théorique sur la courbe de; Phillips », Revue économique, septembre 1971. M. Aglietta : « L'évolution des salaires au cours des vingt dernières années », Revue économique, janvier 1971. 2. J. P. Benassy : «Théorie du déséquilibre et fondements microéconomiques ± de la macroéconomie », Revue économique, mai 1976. 3. F. von Hayek : Prix et production, éd. Calmann-Levy, 1975. J. R. Hicks : Capital and time, Clarendon Press, Oxford, .1973. 4. Voir sur ce point la préface de CY Schmidt à l'ouvrage de F. von Hayek,

(of>. cit). 5. RW Clower « A reconsideration of the microfoundations of monetary theory » Western Economic Journal, décembre 1967. A. Leijonhufvud, On keynesian Economics and the Economics of Keynes, Oxford; University Press, Londres, 1968.

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Temps subjectif et concept de l'échange monétaire

Las conception traditionnelle des; échanges, héritée de Walras, est la: construction d'un état d'équilibre régnant simultanément sur tous les marchés. Dans cet état, il existe un ; système de prix relatifs tel que • toutes ; les demandes et offres transmises sur les différents marchés sont satisfaites. -..Aux: prix d'équilibre, et à ces prix., seulement, les transactions nécessaires ont lieu. En , réalité, l'organisation • de telles- transactions: simultanées semble poser, des problèmes insurmontables : dans une économie complexe, sauf ; à supposer que les échanges sont entièrement centralisés par une institution qui réceptionne toutes les offres nettes et répartit les produits : entre les demandeurs. Indépendamment des problèmes de sa réalisation, cette configuration \ des échanges jouit d'une ; propriété remarquable : . tout se passe comme si les produits s'échangeaient contre des produits. La raison de cette propriété. surprenante au regard , des observations que l'on peut faire sur le fonctionnement des marchés réels tient, évidemment, au postulat de l'équilibre posé au ; départ. Puisqu'aucune transaction n'a jamais lieu i hors de .l'équilibre et que : tous les agents font leurs plans: en tenant, les prix d'équilibre pour des- données, aucun . agent : ne ; rencontre sur un ; marché quelconque une contrainte quantitative qui pourrait l'empêcher: de transmettre .- sur les différents : marchés . des demandes et des offres qui égalisent ses recettes et ses dépenses. Ainsi, en toutes " circonstances, les valeurs • totales des demandes * et des: offres: transmises aux* marchés sont identiquement égales. Il est donc supposé que chaque participant aux marchés achète et vend toujours simultanément' des marchandises de valeurs globales identiquement égales.

Une telle . conception rend; évidemment très difficile l'interprétation des déséquilibres autrement que comme des; perturbations transitoires- provenant d'une modification exogène d'une donnée de l'équilibre et menant à un nouvel état d'équilibre. Il est clair que, d'une part, ces perturbations ne peuvent pas être décrites par le même schéma conceptuel que celui qui définit l'équilibre et que, d'autre part, un processus cumulatif; ne peut provenir que d'une succession, malheureuse de ■ perturbations fortuites.. L'inflation ; serait alors le fruit de chocs exogènes superposés ou à succession rapide, mais sans lien logique.

Ce point de vue vient de deux oublis : celui de la monnaie comme constituant nécessaire de l'échange, qui n'est plus un intermédiaire technique; celui du ■ temps qui est aboli par le concept d'état d'équilibre. Ces deux oublis n'en font qu'un parce que c'est la considération des caractères propres < à l'échange monétaire ; qui r permet : de t prendre en ? compte une dimension * concrète du temps : celle d'un i enchaînement de r périodes caractérisées chacune ' par un cycle de décisions et de transactions effectives, chaque période transmettant aux décisions formées dans la suivante une masse d'informations issues des contraintes qui ont été ■ perçues à l'occasion des échanges précédemment réalisés. On peut appeler temps subjectif cette dimension du temps concret,.

bien que les raisons qui poussent les agents à participer aux échanges soient 'évidemment des nécessités objectives. Il* est subjectif en ce sens que ce sont les projets des agents tendus: vers l'avenir, projets: modifiés par la : réalisation ; incomplète des demandes transmises aux marchés dans le* passé, qui scandent le • processus ; séquentiel : des échanges. Cette interprétation des échanges ne fait pas de l'équilibre un concept central. De toutes manières, l'équilibre ne peut être défini comme un état, mais comme un processus particulier qui se reproduit dans le temps.

La possibilité de définir, une dynamique des échanges de marchandises tient . au ; rôle de la monnaie comme moyen d'échange, qui est fondamentalement différent de celui que lui attribuent les théoriciens de l'équilibre, à savoir celui d'un intermédiaire technique entre: les: produits. Ce. que permet la monnaie, c'est la séparation "dans le temps de l'achat et de la vente en tant qu'actes d'un même agent.

Il est vrai qu'achat et vente sont deux actes complémentaires des participants aux échanges; mais ils sont scindés dans le temps parce que le détenteur de monnaie possède un pouvoir d'achat général et permanent sur l'ensemble des marchandises. En conséquence il peut suspendre la transmission effective au marché des demandes qu'il est potentiellement capable de former. Il est donc faux que les valeurs totales des demandes et des offres transmises sur les différents marchés par chaque agent soient identiquement; égales.

Chaque bien s'échangeant exclusivement , contre de la monnaie, les prix sont d'abord des prix monétaires. Les prix relatifs ne sont que l'effet résultant de la formation de l'ensemble des prix monétaires. Comme les agents transmettent leurs désirs d'achats et de ventes sur les différents marchés indépendamment dans le temps, les prix auxquels se font les transactions n'ont aucune raison d'être des prix d'équilibre qui égalisent i les offres ; et les demandes transmises par les agents. La sanction de l'échange monétaire se manifeste donc par des contraintes quantitatives qui déterminent: un processus de rationnement sur, les: marchés. La perception de l'intensité de ce rationnement parles différents agents est une information ? quit conditionne leurs anticipations et par conséquent affecte les demandes qu'ils transmettront dans la période suivante. Du fait de l'incidence des contraintes perçues sur un. marché pour la formation des demandes transmises ultérieurement sur les autres marchés,, il est possible de montrer que pour certains types de fonctions de demande, la scission des achats et des ventes dans le temps prend 'de l'ampleur et que les déséquilibres se propagent de marché en marché 6.

Temps objectif et rôle de la production

La temporalité ; qui i vient d'être ; définie ' est : insuffisante pour l'analyse théorique: d'une économie; concrète. Elle permet seulement de saisir le principe du fonctionnement

6. A. Leijonhufvud : « Effective demand failures », Swedish journal of Economics, mars 1973.

MONNAIE ET INFLA TION : L'EXPÉRIENCE AMÉRICAINE 51 1

de marchés : en ; déséquilibre • et , de : montrer la - possibilité de phénomènes cumulatifs et de crises dans le système des échanges, „ nourries par: la non-confirmation ? des : demandes transmises aux: marchés, dans» les* transactions réalisées. Mais elle ne dit rien sur la formation. des prix.- Or, puisqu'il n'existe pas de système de prix d'équilibre déterminé; anonymement: par. le fonctionnement du . marché, , se pose la questiomde savoir qui détermine les:prixiet comment.

Ce serait faire injure à Keynes que de croire que sa contribution à la dynamique se limite à une analyse pénétrante de l'échange monétaire. Ce: serait déjà beaucoup; : mais Keynes va bien plus loin en mettant la production au cœur de l'organisation des échanges. Il rompt ainsi avec une représentation tenace qui . fait de l'économie un ensemble de marchés interliés où se rencontrent des sujets souverains, n'entrant en rapport que par l'intermédiaire des demandes: et des offres qu'ils transmettent. Dans cette représentation,, la, productions est exclusivement la réunion d'ensembles de conditions techniques exogènes qui constituent le substrat de la rationalité "des producteurs, de même que les systèmes ordonnés de préférences constituent le substrat de la rationalité des consommateurs. Le fait que l'échange soit monétaire ne suffit pas à invalider cette représentation subjectiviste de l'économie, bien que la formation, des prix reste un mystère si ) on juxtapose cette conception , à la: théorie des marchés en déséquilibre. Mais, pour Keynes, le rôle fondamental de la monnaie comme moyen d'échange est indissolublement lié à- la définition; de la ; production comme un rapport économique, plus exactement comme le rapport économique dominant qui ordonne logiquement l'ensemble des échanges. Telle est la signification profonde du principe fondamental de la demande effective 7.

D'une part, la production établit une hiérarchie entre les agents en faisant des entreprises non financières les agents» qui fixent les prix; d'autre part; elle ordonne et ferme le cycle des échanges de : marchandises sur les entreprises, en faisant i de ce : cycle : un flux de monnaie qui en part et : un r reflux de monnaie qui y retourne..

Un cycle des échanges s'ouvre par un acte de crédit de la part des entreprises qui achètent les facteurs de la production. Qu'il; mobilise- de la monnaie déjà existante ou qu'il soit un acte de création de monnaie nouvelle, le crédit, est à l'origine de la production. Le point essentiel est que cet acte de crédit qui ouvre la production est en même- temps un. acte anticipateur du résultat de la production future et un acte créateur de droits nominaux sur cette production, distribués. aux facteurs de la production et représentant un pouvoir d'achat potentiel. Par conséquent: lorsque les entreprises mettent en route la production; d'une période quelconque, elles ne le font pas en répondant: à une demande préexistante déjà transmise sur les marchés,, mais en anticipant elles-mêmes la demande qui doit s'adresser à; leur, propre produit., La dissociation précédemment signalée entre : achat et ■ vente dans les actes d'un même agent a pour fondement la dissociation inhérente à la production. La création des marchandises progresse selon un temps qui est propre à la production alors que les droits monétaires passent entre les mains des facteurs de

tion, acquièrent umpouvoir d'achat général sur l'ensemble ■ des marchandises existantes et déterminent les plans de dépenses de ces agents. Ces derniers forment leurs demandes ; dans l'ignorance : des décisions de production : qui s ont été ' prises et qui ne peuvent être révisées avant confrontations des masses de * marchandises produites ; avec les . demandes ; solvables issues: des: droits; monétaires antérieurement émis.-, La sanction : de • l'échange • monétaire dicte les conditions dans lesquelles se fait la réalisation des marchandises. Il n'y a évidemment aucune raison pour que l'ensemble des offres et demandes transmises soient satisfaites. D'une part il y a rationnement quantitatif sur les marchés, d'autre part les entreprises obtiennent un: flux de recettes? monétaires différent de celui qu'elles avaient anticipé. Ces deux éléments affectent leurs -anticipations de la demande future. Leur prise en compte exige de distinguer deux composantes de* la demande anticipée, une: demande solvable courante et une demande pour le stock, et de relier cette dernière aux conditions de son financement: qui > conduisent à accorder une grande importance aux relations entre les entreprises non financières et les banques. Nous verrons ultérieurement que la dynamique des stocks et de leur financement est un trait essentieldu * processus inflationniste.

Pour aller plus loin dans l'étude de la temporalité objective liée à la production, il convient de se séparer de Keynes " en rompant la dernière amarre qui le tenait attaché à l'uni-, vers néo-classique, c'est-à-dire l'hypothèse d'une courbe de coût marginal croissante déterminant le prix d'offre correspondant • au .niveau ! d'activité compatible avec la i demande anticipée ■ par les entreprises.

A l'échelle de la société, la production est une structure, c'est-à-dire un ensemble de rapports organiques entre les* différentes branches qui ? la constituent. Cette structure présente une grande rigidité parce qu'elle renferme des complémentarités et que les ; transformations qui s'y déroulent sont marquées par d'importantes indivisibilités qui en font des mutations discontinues. Cette. combinaison de: rigidités et de changements brusques est le principe d'une dynamique de longue - période qui affecte profondément les conditions dans lesquelles les entreprises : achètent les facteurs de production et anticipent leurs demandes. Les rigidités ne se résolvent pas d'un trait de plume en parlant de « mobilité du capital ». Elles ne sont pas des « imperfections » du marché, mais la substance: même du changement des structures de la production. Elles sont sources de profonds déséquilibres que les comportements des entreprises vont transmettre sur les marchés, parce qire les transformations? matérielles' provoquent: toujours l'immobilisation de; forces, productives- frappées d'obsolescence- d'un côté," d'insuffisances aiguës de ressources" de l'autre. La formation des prix se situe dans le temps des changements structurels parce que ce:sont ces changements qui déterminent les : modalités de la concurrence » des entreprises.

7. Sur le problème théorique de l'interprétation de la demande effective, voir .' Schmitt. L'analyse macroéconomique des revenus, Dalloz, 1971.

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En effet, la concurrence est un processus par lequel chaque- entreprise cherche à produire sa propre demande en transformant les. conditions de la production. de manière à en* abaisser le coût total unitai re (existence de , rendements : dynamiques croissants) et à ouvrir un champ d'expansion ■•■ à de nouvelles marchandises.. En même temps qu'elles fonte leurs prévisions sur la demande qu'elles attendent dans les: cycles de production- immédiatement à venir, auxquels! elles- participent, les entreprises anticipent une: demande: de longue période liée aux changements dans les conditions; de production. C'est à cette dernière dimension temporelle: de la demande qu'est rattachée la formation des prix industriels. Ils n'ont pas . pour fonction de régler l'équilibre de l'offre et de la demande en épousant les conditions instantanées du marché; ils ont pour fonction de: faire émerger et d'exprimer, les, conditions de ? production socialement dominantes dans le temps des changements structurels..

Lorsque la concurrence est interprétée de cette manière, il est clair que l'investissement brut en est l'arme privilégiée.. C'est la relation entre l'investissement brut et les conditions de son financement qui est le cœur de l'interaction des deux dimensions du temps concret. En effet, le flux et reflux de monnaie, qui est le point de départ et le résultat de l'activité courante des entreprises, dégage le profit brut qui est l'instrument décisif de la lutte pour la transformation des conditions de production.

Les relations entre les flux de profit brut obtenus dans- les conditions moyennes de la* production et les capitaux bruts • engagés . définissent dans les différents - processus ; de < production1 les taux de profit t à partir desquels les entreprises modifient les prix conformément aux contraintes de la concurrence: II se peut que les conditions de la concurrence soient telles que les - entreprises ; sont poussées à'-, accélérer ' le • rythme ; de l'obsolescence sans gain 'immédiat - de productivité, parce que la restructuration de la demande sociale s. de longue ■ période n'est pas compatible avec les ? modalités présentes du partage du 'revenu. Le reflux courant de profit brut n'est pas suffisant pour soutenir le rythme de la formation de capital requis par la concurrence. Cette1 dernière induit : alors ' une augmentation « considérable et prolongée de l'endettement." Ainsi ; les problèmes monétaires trouvent leur assise dans les conditions de production.

Les développements théoriques ci-dessus orientent l'analyse, de. l'inflation conçue comme un. phénomène économique global. Trois parties s'imposent : — une analyse 'des conditions structurelles de l'inflation; — une ; étude des enchaînements dynamiques ; qui constituent le processus Inflationniste;- — une appréciation de • la politique monétaire en - tant qu'instrument de régulation de la monnaie.

La distinction entre la première et la seconde partie est essentielle. Définir uniquement l'inflation comme un processus cumulatif de hausse des, prix et étudier, les; phénomènes , inhérents reviendrait à se placer dans la situation d'un médecin qui ne prendrait en considération He cancer qu'à partir des symptômes évolutifs du cancer généralisé.

Enfin, l'étude de la politique monétaire ne peut être l'énoncé de: règles; destinées à assurer, la. réalisation- d'objectifs définis o pr/or/V. II. s'agit d'analyser les conditions objectives de sa formation comme un compromis transitoire entre : forces antagonistes, d'apprécier, l'étendue de son * influence ? sur le processus inflationniste et de repérer les principaux; chaînons de son modus operand].

L'analyse sera conduite sur l'économie américaine parce que le jugement que l'on peut porter, sur la persistance de l'inflation aux États-Unis a une importance décisive sur les, prévisions économiques pour l'Europe occidentale au cours- des cinq prochaines' années. Elle a également un «intérêt théorique1 et historique pour dissiper certaines illusions ; tenaces de ce côté-ci de l'Atlantique sur le comportement financier des entreprises américaines censé • reposer sur l'autofinancement, sur. le fonctionnement du marché financier supposé apte à drainer les ressources financières longues nécessaires au -financement de la formation de capital, sur la capacité de la Banque centrale à contrôler l'évolution de* la masse monétaire.

Les conditions

structurelles de l'inflation

Les développements théoriques qui précèdent ont suggéré qu'un point de départ fructueux pour aborder, le problème de l'inflation était d'établir, le lien entre la transformation* des conditions de production et la détérioration des conditions du financement de la formation de capital. Il convient maintenant d'explorer cettevoie;.

Conditions de production et partage salaires-profit

Au-delà des fluctuations conjoncturelles, l'examen des tendances de longue . période fait ' apparaître trois caractéristiques importantes de la période récente qui sont autant d'indices des profonds - changements des conditions ■ de la production aux USA : — un infléchissement sensible du rythme de croissance de la productivité du. travail depuis 1965, accompagné d'une modification dans les déterminants de l'investissement; il s'agit par ce dernier, d'élever la productivité et de restructurer, la demande à long terme;: — une déformation de la composition des coûts par dollar, de produit net, comportant' un accroissement de la charge en capital avec une pression: corrélative et simultanée sur. les salaires réels et les taux de marge nette; MONNAIE ET. INFLATION : L'EXPÉRIENCE AMÉRICAINE 53

— des distorsions structurelles au sein du système productifs marquées par de profonds t changements des prix relatifs; selon la structure verticale de la production > (hausse ■ rela- - tive des prix des secteurs amont, des prix de gros manufacturés par rapport aux prix de détail), des divergences accrues ; dans la rentabilité selon les secteurs et les entreprises.

Examinons ces caractéristiques plus en détail. Le rythme de croissance annuel moyen de la valeur ajoutée:

par homme-heure, dans, l'industrie -manufacturée après la- seconde -guerre • mondiale . a ; été de 3 % de 1947 à 1958, , 3,2% sur 1959-1966 et 1,6% sur 1966-1974. Il s'agit d'une ■ cassure importante sur une période qui couvre deux phases 5 d'expansion et deux récessions; elle ne peut pas, par conséquent, être considérée comme une fluctuation conjoncturelle. . Cette cassure est confirmée par l'évolution t de la ; productivité, dans l'ensemble; de l'économie; privée, (3,5 % sur 1947-1966 contre 1,7% sur 1966-1974), ce qui signifie; qu'elle n'est pas due à des changements dans la croissance: relative de l'industrie vis-à-vis du reste de? l'économie. Force est de situer le ralentissement au sein de l'industrie. Cela ne signifie pas que les dix dernières années soient celles du début ; du ; déclin industriel comme le clament les soi- disant «prospectivistes », apôtres de l'économie de services, chantres de l'écologie, . ou augures de la croissance * zéro. Il ' s'agit plus probablement d'une crise d'adaptation a dans une expansion à très long terme qui devrait conduire à des changements spectaculaires dans les conditions de productions En effet, l'économie. américaine est: entrée, à* partir.de la fin des années 1950, dans une longue phase de: transformation des méthodes de production. Cette transformation- affecte^ l'ensemble de: l'industrie, accélérant l'essor, de nouvelles industries et le déclin d'industries qui> avaient été motrices de l'expansion depuis les années 1920.. Elle engendre des périodes d'avancée rapide de la formation, de capital soutenant une croissance extensive de la production 8iet des périodes à, prédominance: intensive '.dont les traits : principaux sont le changement dans; l'importance; relative des secteurs amont et aval, l'accélération du rythme», de : Pobsolescence, . l'épuisement des » gains d'efficacité liés i aux méthodes prévalentes de l'organisation du travail et la résistance à l'introduction de nouvelles , méthodes. La première moitié des années 1960, caractérisée par une croissance exceptionnelle de la production et de l'investissement,, a vu la conjonction de la fin de la phase de forte croissance, des i industries de !■ la . consommation » de : masse . entraînées par les biens durables et du début du développement d'industries s centrées sur les • principes liés du contrôle automatique,, des communications: à; distance, des systèmes: intégrés de traitement de l'information. Le fléchissement de la productivité moyenne à partir de la deuxième : moitié des années .1960 reflète une difficile restructuration industrielle 9.

L'indice le plus sûr de cette interprétation de la crise de productivité est une pénurie persistante der ressources financières disponibles pour, la formation de capital, pénurie quir selon- lest experts; des marchés financiers deviendra beaucoup plus aiguë d'ici à 1985. Comme on va le voir dans la suite de. ce texte, cette; pénurie dans la formation t du,

capital nouveau,' , eu ' égard aux changements . structurels à ; accomplir, est, le point central autour duquel ■ s'organisent ~ tous les aspects ■ de l'inflation. Mais il faut immédiatement : remarquer que cette pénurie ne se comprend que dans une- perspective dynamique. . La rapidité des ■ changements dans les conditions de production, dont une composante essentielle est l'intensité- de l'obsolescence technologique, se; heurte à la rigidité du mode de consommation sur laquelle repose la formation de la demande sociale qui sous-tend la? mise en-valeur d'une partie importante du capital immobilisé. Cela se traduit à la fois par la baisse du taux de profit sur. le capital immobilisé et la hausse sur l'investissement nouveau: C'est : pourquoi la ? pénu rie financière -qui* frappe » la formation de capital peut aussi '> être considérée comme ■ une suraccumulation du < capital \ déjà investi. W s'agit des ■• deux composantes dynamiques d'un transfert considérable» d'une partie du profit global d'autant plus difficile à réaliser que- l'accroissement du profit globah est fortement freiné: par la crise de la productivité dans les secteurs qui étaient jusque-là les moteurs de la croissance; corrélativement les; nouveaux secteurs d'expansion exigent des engagements de< capital ; massifs bien avant d'avoir restructuré à leur avantage la composition de la demande globale de longue période. Cette inadéquation du capital existant aux nouvelles conditions de production ne peut se résoudre que par une perte: de valeur du capital. Cette dernière n'apparaît pas dans les données comptables, mais elle se manifeste sous forme d'une - épargne qui \ accélère l'investissement à travers un gonflement des provisions d'amortissement et une réduction de! la .durée économique apparente des . biens d'équipement. . L'épargne ; forcée dont bénéficient les . entreprises est : liée ; à la restructuration matérielle de la composition du stock-, de; capital? qui implique: une ? dépréciation! incomplète^ du; capital investi dont l'éventualité est prise en compte a priorh dans les charges d'exploitation ; courante (encadré p. 55). Cette , façon de financer l'obsolescence . en augmentant les , coûts d'exploitation courante est possible tant que le rapport des prix aux coûts de production permet de conserver le taux de marge brute. On a là une des modalités du processus inflationniste. ,

Les, conséquences de la .dynamique de la formation 'de, capital en période de changement rapide des conditions de: production apparaissent dans les* observations suivantes : • Le taux de croissance moyen de l'intensité capitalis- tique présente un infléchissement sensible à partir de 1966, c'est-à-dire «un alourdissement des forces productives en capital? fixe concomitant au ralentissement de la productivité du travail. Cette évolution recouvre deux phénomènes ; qui tous deux expriment l'ampleur, des changements structurels . : l'accélération de : l'intensité capitalistique dans « les

8. C'est-à-dire créant une expansion des marchés avec une composition peu modifiée de la demande. 9. En dépit de phénomènes conjoncturels, tels que le suremploi lié à la guerre du Vietnam, qui ont été défavorables à la croissance de la productivité, il semble que le ralentissement persistant de la productivité moyenne provienne de causes plus profondes. 54

PERTE DE VALEUR DU CAPITAL ET TAUX DE PROFIT Considérons un processus productif schématique dans lequel on néglige ■. pour la simplicité des formules le capital matériel circulant. Toutes les grandeurs sont évaluées en unités monétaires dans les conditions actuelles des marchés. Soit KF la valeur brute du capital fixe, T le . nombre de périodes de production pendant lesquelles les équipements' sont mis en service, Pb le profit brut (valeur ajoutée — dépenses courantes d'exploitation) refluant vers les entreprises à chaque période. Si les conditions de production sont stables pendant la durée T, le taux de profit interne au processus (r) est donné par :

= p.-, y 1

ou comme T y_ =-(1 -d+r)-T) r

le lien entre le taux de cash-flow et le taux de profit : r

KF 1 - (1 +r)-T

Cette relation s'entend pour le processus productif qui représente les conditions sociales de production en vigueur dans la branche considérée et qui est imposé par la concurrence des capitaux. Si de plus la concurrence des capitaux règne dans l'ensemble de l'économie et si toutes les conditions de production sont stables, la répartition des capitaux entre les branches est telle que r s'établit dans l'ensemble de l'économie en tant que taux de profit général rapporté à un capital équivalent valorisé par. un processus fictif auquel s'applique la formule précédente (T étant alors une durée de rotation moyenne).

KF KF 1 Soit — la dépréciation économique et a = — ■ — le taux de dépréciation économique sur la durée T qui est la durée économiquement la plus efficiente d'utilisation du capital fixe. VA est le flux global de valeur ajoutée produit sur une période unitaire à partir des éléments de production qui composent le capital brut de cette période, c'est-à-dire qui proviennent de l'investissement brut effectué pendant les T périodes ■

Pn Profit net précédentes. Appelons m = — = le taux de marge VA Valeur ajoutée: nette et s la part du profit non investie. L'investissement net est alors :

1 -(1 + r)-T T KF

Considérons alors le taux g de formation brute de capital lb compatible avec ce schéma d'accumulation. Il lui correspond le capital fixe :

KF = -(1 - g;

et l'investissement net :

d'où la condition d'équilibre:, R 1

KF

1 - (1 + g)~T T. (1-s) 1 - (1 + r)-T T

lorsque T-* x, le capital devient un fonds permanent et g -<■ r (1-s) relation traditionnelle de la théorie de la croissance équilibrée. Supposons que l'économie soit soumise à un rythme régulier d'obsoles- cence de sorte que la durée d'utilisation effective du stock de capital soit T <T. Pour un même taux de croissance de l'investissement

brut, le capital fixe productif brut jst fonction des mises au jebut qui se font en un temps V; soit :

1 - g) -T' ( g ; 1 ■ - (1 + g) ~ KF

D'un point de vue analytique, la dépréciation économique n'a rien à voir avec la transformation des conditions de production. Elle se définit toujours sur la durée qui aurait été économiquement efficiente (T) si > les conditions de production en vigueur au moment où l'équipement a été mis en service étaient demeurées stables. Les mises au rebut avant T. s'analysent comme des pertes tn capital qui se manifestent dans la différence KF-KF'. Mais en régime d'accumulation équilibrée compatible avec un rythme régulier d'obsolescence, la valeur ajoutée est affectée par la mise au rebut prématurée des moyens de production ■ d'une manière telle que le taux de dépréciation économique n'est pas modifié :

KF' 1 KF 1 T~ VA

où VA' et VA sont les flux globaux de valeur ajoutée produits avec et " sans obsolescence du capital fixe. .

P'n Soient m' = le taux de marge nette avec obsolescence et s' la VA'

nouvelle part consommée du profit global.' Les conditions d'accumulation équilibrée avec et sans obsolescence s'écrivent :

m'

m

(1

(1

<:'\ - s ; *

-S)-

- aT

a

1 -

1 -

(1

n

+ g; "+

g)-T' 1 T 1 T

La comparaison de ces deux relations montre que pour maintenir le taux de marge nette, il est nécessaire que 1-s'. > 1-s si T'~< T. Tout se passe comme si, pour maintenir un même rythme de formation de capital, le flux régulier de perte de valeur en capital devait être * épongé par un accroissement de la part du profit net consacrée d V accumulations La transformation des ; conditions de production i provoque donc un accroissement du taux d'épargne global sous forme d'une épargne forcée directement engendrée par les entreprises. Dans la logique comptable, cette épargne forcée prend la forme d'une provision d'amortissement parce qu'elle est incorporée a priori dans' les prix de revient. Cette provision entre dans l'amortissement total . qui est calculé sur la durée V anticipée par. les entreprises. C'est donc en quelque sorte une assurance destinée à absorber les pertes ■ prévisibles. Il est bien évident que la réalité n'est pas calquée sur ce cas schématique. La transformation des conditions de production provoque des discontinuités dans \ les processus productifs et des dévalorisations brutales de capital qui ne peuvent être prévues. Il y a à la fois baisse des taux de marge nette, gonflement des provisions d'amortissement et liquidations d'actifs favorisant la concentration du capital. Remarquons enfin pour terminer l'étude de l'exemple schématique qu'à la durée T' correspond un taux de profit r' tel que :

c'est-à-dire tel que r' < r lorsque V < T. Le taux: de profit s'abaisse avec l'intensification de Pobsolescence. Signalons que les indicateurs de rentabilité usuels sont mesurés directement sur les données statistiques brutes au niveau macroéconomique. Cessant en réalité des taux de cash-flow du type :

KF' _ T r r

On peut remarquer que r approxime mieux r que r' puisque T > TV £n/în comme Test fonction croissante de r et décroissante de T, l'obso- lescence diminue le taux de profit plus vite que le taux de cash-flow <. dans le cas général où la transformation des conditions de production n'est pas compatible avec l'accumulation équilibrée.

MONNAIE ET INFLA TION : L'EXPÉRIENCE AMÉRICAINE 55

TABLEAU 1

Évolution de l'intensité capitalistique Taux de croissance annuel moyen en %

Économie privée non agricole -. Stock de capital productif par homme-

heure

industrie manufacturière ■ l Stock de capital productif par homme-

; Structures par homme-heure 1

1947-1966

3,8. 5'1 2.7

3,7 5,4 1,9

1966-1973 !

4,5 5.3: 3,6.

3.8 4,6 2.4

' 1. Les équipements correspondent à des investissements de productivité ou de capacité dans une unité donnée. Les structures correspondent à la création d'unités de production nouvelles.

Source : US Department of Commerce. Bureau of Economie Anal/sis.

secteurs des. transports, communications, ingénierie, commerce ; la * baisse . dans : l'industrie ' manufacturière du taux de croissance de l'équipement par homme-heure directement inducteur de gains de productivité et l'augmentation du taux de croissance des structures 10; par homme-heure représentatif du changement dans l'importance relative des secteurs et de la modification des méthodes de production1 exigeant des installations productives entièrement nouvelles qui* remplacent : aides •coûts croissants Ja- fermeture des établissements obsolescents (tableau 1). Ainsi la formation de capital dans les. années 1970 n'est ni fortement

trice de capacités de production, ni directement inductrice ; de gains de productivité. Cela est confirmé par le tableau 2 qui donne quelques indications sur l'orientation des investissements dans l'industrie: manufacturière;

« Le fléchissement delà productivité, la pénu rie des ressources disponibles pour la formation de capital,, l'alourdissement des charges fixes dans les prix de revient sont des» conditions structurelles de l'inflation qui, s'inscrivent dans les rapports économiques bien 'avant que ne se: manifeste la hausse cumulative des prix. Ces conditions se reflètent synthétiquement dans la déformation' des composantes des prix de revient et dans l'évolution des indicateurs de rentabilité. Elles se traduisent par. un durcissement de la lutte pour le partage social de la valeur ajoutée, marqué par une pression permanente- sur* la progression* des salaires réels et par une évolution du taux de marge nette conduisant à la baisse du taux de profit avant impôt. ,

Le graphique I met en perspective l'évolution des diverses composantes de la valeur unitaire du produit (valeur ajoutée brute en dollars courants des entreprises non financières ■ rapportée au même agrégat aux prix de 1958)MI décrit les indices d'évolution sur la base 100 en 1958 des coûts en dollars courants par unité de. valeur. ajoutée brute en dollars constants de 1958 pour saisir la déformation de la structure du coût de production et de la marge unitaire. Ce graphique fait apparaître nettement l'effet de la cassure dans le rythme de : progression : de la i productivité du travail à partir, de .; 1966 : augmentation très rapide de la charge d'amortissement, fléchissement du résultat net d'exploitation (intérêt compris) après le grand accroissement de la période 1960- 1 965, compression i très forte du coût salarial unitaire des • travailleurs productifs qui croît beaucoup moins vite que les autres composantes de la valeur ajoutée unitaire.

10. Les équipements correspondent à des investissements de productivité ou de capacité dans une unité de production donnée. Les structures correspondent à la création d'unités de production nouvelles.

En milliards de dollars courants

Nature de l'investissement

Adaptation aux normes >• de sécurité et anti-pollution

Compensation des hausses de prix sur le

Total

1969

13 11,5

1

6

31,5

1970

12. 11

1,5

7.5

32;

1971

10' 10:

2

8

30

1972

10.5 10

2:

9

31,5

1973"

12,5 10,5

2,5

12,5

38

Source : Fortune «Why business ran out of capacity » mai 1974. 56

TABLEAU 2

Composition des investissements

GRAPHIQUE I

Évolution de la composition de la valeur ajoutée brute par unité produite dans les sociétés non financières 1948-1972

{base 100 en 1958)

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1948 1950 1S55 Sources ; US Bureau of Labor Statistics. US DepartmentJof^Commerce.

1960 1965 1970

Si le graphique I fait justice du slogan de l'inflation salariale, cela est confirmé par l'examen des statistiques de salaire publiées par le Bureau of Labor Statistics. Le salaire réel hebdomadaire moyen disponible des travailleurs directement productifs, qui avait augmenté au rythme annuel moyen de 3,5% sur la période 1960-1965, est demeuré constant en moyenne sur la période 1966-1975. Une stagnation sur une période aussi longue ne s'était pas vue depuis plus de quarante ans.

Mais la pression sur les salaires ne signifie pas que les entreprises dans leur ensemble soient dans une situation florissante. Car tel est bien le trait dominant des conditions structurelles de l'inflation. Le processus inflationniste se développe sur un terrain où tout avantage obtenu dans la lutte pour le partage salaires-profit est rapidement annihilé

par les réactions du reste de l'économie. Les graphiques II et III montrent l'évolution de la rentabilité et de la composition du profit brut engendré par les entreprises. Sur le graphique II on remarque les grandes tendances du taux de profit net n : baisse dans les années 1950, remontée spectaculaire jusqu'en 1965, puis baisse profonde. Les statistiques récentes du « Department of Commerce » confirment que la rentabilité est descendue durablement au- dessous de 10% (oscillation dans la gamme 8-10% de 1970 à 1973, puis chute plus profonde à 7 % en 1974 et 5 % en 1975). On remarque aussi la longue montée des

11. Ce taux est l'homologue du taux de rendement économique observé pour le secteur productif français. Voir sur ce point les n" 60 et 68 d'Economie et sto- t/'st/que. MONNAIE ET INFLATION : L'EXPÉRIENCE AMÉRICAINE 57

charges ; d'intérêt dont l'importance va -être étudiée avec les conditions financières de l'inflation. Le rapport :

Profit net avant impôt et hors plus value sur stock: + charge nette d'intérêt Charge nette d'intérêt

est passé de 6,3 en 1965 à 3,0 en 1972 et 2,5 en 1974. On observe enfin que le taux de cash-flow résiste mieux à la baisse que le taux dej profit net. Cela découle,, comme on l'a vu, de la manière dont sont absorbées les pertes en capital » impliquées par le changement des conditions de production. Le graphique III i confirme cette appréciation- en révélant , l'augmentation de la part de l'amortissement dans l'épargne brute des sociétés. Interrompue: pendant la période de forte accumulation et gains importants de productivité de la période1 1960-1965, cette augmentation* s'est , faite ï très rapide, par la suite. Le graphique llh indique; également l'effet d'ensemble des exigences de la formation de capital? et des contraintes qui pèsent sur les profits des entreprises à travers, l'évolution du taux; d'autofinancement qui, à partir de 1966,* descend à un palier. très inférieur, au niveau ■ moyen d'après-guerre. Les statistiques récentes du Federal? Reserve Board prolongent les enseignements de ce graphique : en montrant que. le taux d'autofinancement hors stock a< oscillé dans la gamme 65-75 % sur la période 1970-1974.

Ces dernières ■■: indications laissent pressentir une forte . détérioration des conditions financières de l'accumulation ; du capital; Pour les apprécier plus complètement, il importe t de ne pas se contenter déraisonner en termes de flux. Hi. faut saisir les contraintes de bilan impliquées par cette détérioration et les ; perturbations qu'elles provoquent sur. le fonctionnement des marchés financiers. On disposera alors. d'un panorama général" des conditions structurelles- de: l'inflation.

Conditions financières

La réduction des marges bénéficiaires (hors appréciation des stocks) et des taux de profit net, la modification de; la composition du cash-flow signifient que les entreprises répercutent de plus en plus dans leurs prix de revient courants un montant de plus en plus grand d'investissement.

Dans une période de transformation intense des conditions de production, marquée par * un fléchissement de la productivité et de la rentabilité du ; capital antérieurement: investi/la formation de capital nouveau est plus que jamais l'instrument décisif de la concurrence et ce faisant un puissant facteur d'inflation; l'ampleur, des fonds qu'elle requiert dépasse progressivement et d'une manière permanente le , montant du cash-flow, engendré par les entreprises. Cela provient principalement du comportement des entreprises qui, cherchent: à conserver leur, taux de marge brute 12 lorsque la marge nette s'amenuise fortement. Aussi gonflé soit-il par le raccourcissement : des durées économiques et . l'amortissement accéléré," le cash1 flow est un reflux de

58

monnaie conditionné par. les investissements passés, -, sans commune mesure avec le coût des investissements futurs : ainsi la valeur:monétaire:des équipements* à réaliser croît plus vite que le cash-flow destiné à les financer. C'est pourquoi une part de plus en plus importante du > financement de la formation de capital est destinée à absorber les hausses de prix des: biens d'équipement; (tableau^);

Ce processus secrète une augmentation cumulative de l'endettement, point central* des conditions financières de l'inflation.

Du développement cumulatif de l'endettement. ..

L'analyse de l'endettement fait ressortir les enseignements, suivants 13*: • 1 L'augmentation v de l'endettement des : entreprises . plus rapide que celle des : capitaux permanents et de -■ l'actif - immobilisé modifie la composition des bilans dans un sens qui détériore de • manière durable les fonds de roulement et: les situations de trésorerie ! et qui > de ce fait crée des contraintes de bilan finissant par faire obstacle à la progression de l'investissement (tableau 3); • ; L'augmentation : de l'endettement plus rapide que celle : du cash-flow (tableau 3) exprime le* manque durable: de capitaux disponibles pour l'investissement dont l'origine a été signalée antérieurement. Cette % pénurie : altère gravement le fonctionnement des marchés financiers. En effet, ces derniers . ne peuvent fonctionner correctement : que : si . les intermédiaires établissent une hiérarchie stable de taux d'intérêt : pour des durées déterminées d'engagement des fonds, des conditions définies de négociabilité des titres et des classes de risques statistiquement connues. Les épargnants peuvent alors arbitrer entre différents instruments , financiers leur procurant des rendements réels stables « compte tenu de leur propre préférence pour, la liquidité et des: risques qu'ils acceptent d'assumer. Rien; de tel- n'existe lorsque la situation • financière des entreprises est telle qu'elle * fait peser la menace d'une crise financière, c'est-à-dire d'un risque collectif dont par nature ni l'ampleur ni; la- probabilité d'occurence ne sont estimables; • ' Dans ces circonstances, un blocage . de la fonction , allo- cative des marchés financiers se produit sous l'effet convergent d'un faisceau , de- comportements défavorables. La pénurie de capitaux: maintientdes: taux d'intérêt à ;long: terme durablement très élevés. Ces derniers «provoquent : l'atonie du /marché des actions, entrecoupée de poussées de fièvre spéculative et présentant une hypersélectivité. De 1950 à .1965 l'indice Dow Jones est passé de 200 à 1 000;

12. Voir supra.. 13. Pour la Franca, voir : «L'endettement des entreprises et des ménages de 1954 à 1974 », Economie et statistique, n° 73, décembre 1975.

GRAPHIQUE II

Indicateurs de taux de rentabilité 1948-1971

GRAPHIQUE III

Évolution des ratios de financement dans les sociétés non financières

1948-1971

Chacune dans les

15.

des grandeurs retenues est rapportée au stock net de capital fixe sociétés non financières En%

10.

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1948 1950 1955 1960 1965 1970 Profits nets = cash-flow -f dividendes distribués — provisions d'amortissement Source : US Department of Commerce. En % 130 ,-

120

110

100

90

80

70

60

50

40

30

20

10

1. Formation brute de capital fixe 4- stocks. - ■ .- • • Sources : US Department of Commerce. Federal Reserve Board. MONNAIE ET INFLATION: L'EXPÉRIENCE AMÉRICAINE

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TABLEAU 3 Indices d'évolution de la situation financière des sociétés non financières i

Les flux sont annuels, les encours sont évalués au 31 décembre

'., Endettement net annuel : : Dette à long terme ' (milliards de dol- : lars). * Dette à court terme 2 (milliards de

lars) Fonds externes de toute nature levés

" pour un dollar de cash-flow " Proportion de l'endettement net an

nuel à court terme par rapport à l'en- \ dettement à long terme (%) Rapport des capitaux permanents aux encours de dettes

• Pression des charges financières : Bénéfice net avant impôts + intérêts nets

Intérêts nets-

Situation de trésorerie : Rapport des actifs liquides 3 à l'endettement à court terme (%)

Rapport des actifs liquides à l'ensemble des engagements courants (%)

1964^

6,4 '

5,0

78

3,95

11,3

110

46

1965

8,6

10,0.

0,65

116

3,47

12,0

100

42

1966:

14,2

8,9

; 0,60

63

3,13

12,5,

90

37.5

1967

18,3.

7,5

0,50

41

2.85

10.6

80

37

1968 r

17,0

12,6:.

0,80

74

2,64

8,8

74

35

1969

15,6

17.7

0.95

113

2.43

7,0

68.

21

1970 s

24,2

8,6

0,75

36

2,25

5,2

62.

30

1971

30,0

4,5

0,77

15

2,30

3,3

67

32,5

1972

28,4

27,0

0,85

95

2,31

3,0

64

32

1973 ï

28,1

34,0.

1,10

1301

2,24

2,8 ;

58-

30,5:

1974

30,5

40,2

1,60

132

2,15

2,5

55

29

44,5

25,0

1.45

56

1. Dette à long terme : emprunts aux banques a, plus d'un an, obligations, emprunts hypothécaires. ; 2. Dette à court terme : prêts à moins d'un an et renouvelables des banques et holding companies, escompte et découvert en banque, papier commercial, prêts du gouvernement fédéral. 3. Actifs liquides : dépôts à vue et numéraire, certificats de dépôts à terme, bons du Trésor, autres actifs à court terme.

Sources : Federal Reserve Board; Securities and Exchange Commission; Internal Revenue Service; Salomon Brothers et Manufacturers Hanover Trust.

depuis 1965 il a oscillé dans la gamme 800 à 1 000, hormis des chutes brutales au (■ moment des retournements de la haute conjoncture. La forte demande qui s'exerce corrélativement pour l'endettement à long terme sollicite en permanence les intermédiaires financiers, grands collecteurs d'épargne. Ces derniers réagissent de manière à compenser la montée des risques par l'augmentation des marges bénéficiaires. Pour ce faire ils pratiquent le rationnement quantitatif." Les entreprises sont cotées en fonction de l'examen de leurs bilans et seules les plus hautes cotations autorisent l'octroi de prêts ou les émissions .d'obligations. Les autres entreprises ne peuvent obtenir de fonds à long terme quel que soit le taux d'intérêt qu'elles sont disposées à payer.. Ils pratiquent également l'élargissement du différentiel entre « taux débiteurs et taux . créditeurs. La . masse des épargnants se voit ainsi prisonnière de taux d'intérêt nominalement rigides qui ne. répondent pas au développement de l'inflation; son patrimoine financier est dévalorisé;

• «Ces distorsions dans la structure des taux d'intérêt, eu égard à la hiérarchie des rendements réels garantissant une croissance équilibrée des patrimoines, provoquent des comportements contradictoires de précaution et de spéculation qui ; s'emparent de tous les marchés. Sous l'effet de ces comportements, le rapport de l'endettement annuel à court terme à l'endettement à long terme varie très brutalement (tableau 3), obligeant les entreprises à prendre de grandes marges de sécurité dans leur trésorerie. De plus la forte diminution, et même la disparition, des rendements* réels des, placements incite à des opérations génératrices de gains nominaux rapides. Ces opérations provoquent des mésallocations ,- de capital et accentuent l'instabilité " des marchés financiers et la pénurie des capitaux. Les deux exemples les plus célèbres furent la vague de concentration conglomerate -. de 1967-1968 et le boom spéculatif de la construction de 1971-1972;

60

... au^ rôle ce pivot)) du. système bancaire...

L'insuffisance t du ^ cash-flow et la : carence .- des marchés financiers font du système bancaire le pivot du financement de l'accumulation et de la création monétaire l'instrument obligé de la continuité des; processus productifs. L'engagement croissant des banques . commerciales dans le crédit par rapport à la détention d'autres types d'actifs se lit dans le tableau 4. Dans cette activité les banques ont largement débordé ; le cadre ; des prêts • industriels et . commerciaux, puisque 25 % environ de •,- leur." encours de crédit 14 est constitué de prêts hypothécaires; et 20 %. de prêts; à la consommation, soit directement, soit en tant- que refinancement de leurs filiales spécialisées dans le financement des achats à tempérament. L'essor des banques commerciales depuis le début des années 1960 et la diversification de leur, champ d'action dans des domaines à hauts risques (financement ; de > sociétés <■ immobilières, , leasing, , factoring, fourni- ture de ■ services), par, l'intermédiaire de sociétés holdings comme paravents permettant de tourner. la réglementation bancaire sont d'ailleurs des traits dominants du capitalisme américain contemporain. L'effet de ces changements sur la- structure de leurs bilans s'observe dans, le tableau 4.. Les

fonds propres constituent une masse de plus en plus faible au regard de l'actif total et le besoin de liquidités potentielles pour' nourrir* une trésorerie : tendue t par l'expansion; du crédit est couvert . par un endettement: proportionnellement croissant. C'est sur l'endettement du système bancaire que repose la pyramide du crédit; c'est évidemment sur le système bancaire que convergent les symptômes de crise financière et c'est de ses réactions déterminant l'offre de crédit que, dépend grandement: l'allure du processus inflationniste..

... enfin * à; des structures d'endettement instables

Avant d'aborder l'analyse proprement dite de cet enchaînement, il est bon de clore ce panorama général de l'endettement de l'économie en introduisant une notion qui découle des tendances précédentes, celle:de structure d'endettement instable dont va dépendre la compréhension du profil: conjoncturel! dans une. situation «inflationniste, c'est-à-dire

14. Prêts aux institutions financières, aux autres banques et i l'étranger exclus.

Position en fin d'année

TABLEAU 4

Indicateurs de la structure des bilans bancaires

Désignation des ratios et années d'observation

1. Rapport des prêts au total des dépôts (%) Ï1967 1970 1973 1974. 2." Rapport des capitaux propres au total des actifs (%) 1967. 1970. 1973 1 974

' 3. Rapport des liquidités empruntées au total des actifs (%)

1967. 1970 1973 1974.

Banques implan- - tées :. à. New York-

65 = 64 74 > 74,5

5,9 5.0 . 4,0* 4,1:

2,0 4.0 9,0 . 8,0

Banques i m plan- - tées dans d'autres centres financiers

65» 68; 79.5 86

8,5. 7.5 4,9' 5,1:

2,5 8,3,

13,5 14,0*

Les 50 plus

grandes . banques

64 66- 74 75

6.6- 6.1 4.9 r 5.1

2.2 5.2

10.0 12,5

Moyenne des

banques

65 67. 76; 80*

7.2, 6,5 4,8 4,9*

2.3 7.0

13.0' 13.3

Sources : Federal Reserve Board et Investors Management Sciences. MONNAIE ET INFLA TION : L'EXPÉRIENCE AMÉRICAINE 61

dusphénomène de stagflation auquel mènent les conditions financières précédemment décrites. La structure d'endettement -instable : est un < effet de ■ seuil : provoqué par les - contraintes de bilan sur les comportements. .

Pour les collectivités locales et les public utilities (entreprises de transports collectifs, de communication, de distribution d'énergie),, elle se traduit par l'impossibilité de trouver les montants de ressources, externes à long-terme, qui- leur permettraient de poursuivre leurs- programmes d'investissements lourds. Outre la dégradation des services collectifs, très sensible en milieu urbain, c'est un important stabilisateur de la conjoncture qui disparaît. En effet dans . les ralentissements légers delà longue : phase d'expansion ** d'après-guerre, les cash-flows étaient rapidement reconstitués dans les entreprises industrielles et la détente sur les taux* d'intérêt : à long terme ? permettait aux « ' public uti- • lities» de lancer. une tranche de leurs; programmes d'investissements» qu'elles; établissaient . indépendamment de* la conjoncture. Elles exerçaient donc un puissant effet contra- cyclique sur; la conjoncture.-.

Pour les entreprises de l'industrie manufacturière, la. structure d'endettement instable se manifeste sous la forme d'une priorité donnée à la lutte contre la détérioration des; ratios de liquidité face au risque d'insolvabilité qui met les entreprises à la merci d'un décalage défavorable dans l'enchaînement des paiements et des rentrées d'argent. La pénurie de liquidités provient elle-même de lai prépondérance écrasante . prise par. l'endettement <, à court terme au > cours du processus inflationniste. Nous allons voir dans la prochaine section qu'au cours de ce processus la concurrence ; provoque un raccourcissement de la rotation des capitaux, sous l'impulsion de, la demande pour le stock. L'instabilité de * la structure de - l'endettement : se développe - lorsque le crédit à court terme nécessaire au financement de la demande anticipée pour. le stock se met à dépasser. cumulativement le; rythme d'accroissement '■ des recettes courantes provenant : de la conversion du stock antérieurement constitué * en demande de -flux. La nécessité ultérieure de stabiliser la structure de la dette prime toute autre considération; mais la phase de consolidation peut être fort longue parce que l'économie doit d'abord trouver un seuil de résistance, alors que la chute de la demande et le dégonflement des stocks : se poursuivent dans un enchaînement; qui, semble ne pas pouvoir rencontrer de limite.

Pour les ménages, la structure d'endettement instable- provient de l'ampleur de l'endettement. à = des: coûts de plus en plus prohibitifs eu égard à la stagnation durable des revenus réels et à la dévalorisation de l'épargne. Tant que les ménages sont confiants dans l'expansion de leur revenu permanent, ils ont intérêt à s'endetter et par conséquent à se protéger contre la hausse des prix des biens de consommation en : achetant des .; marchandises présentes avec des revenus futurs. C'est ainsi que dans les courtes récessions de l'après-guerre la consommation des ménages. jouait un rôle: stabilisateur essentiel. Ce comportement peut durer bien après que les , conditions objectives qui le motivaient aient disparu, parce que la perception par les ménages des variables permanentes est longue à se former- et à se

fier,15. Mais lorsque l'insécurité devient manifeste et durable et que les banques durcissent leurs conditions de crédit, il;- faut bien faire face aux échéances de l'endettement antérieur. Comme - la < liquidité est la motivation principale dans ces : circonstances, personne ne devrait s'étonner de la montée du taux d'épargne et du coup de frein brutal 5 sur la consommation que l'on; a ■. constatés* en pleine ; conjoncture inflationniste. Là encore les ; changements structurels annihilent un: stabilisateur automatique de? la conjoncture:

Pour, les banques; enfin, la. structure ■ d'endettement instable se manifeste ? par la disparition ■ de ! leurs * profits faisant brusquement suite à des gains inflationnistes élevés, et par le gonflement rapide du montant des créances irrecouvrables. Cette situation s résulte d'une évolution- divergente : des deux côtés du bilan ?• : à l'actif forte <. proportion : de créances à rendement rigide et recouvrement fixé par échéance déterminées au passif nécessité d'emprunter au: jour, le jour une part croissante de liquidités aux conditions du; marché* monétaire- pour soutenir le- gonflement du- crédit." Lorsque les .banques ont développé leurs activités: au point que les actifs à rendement rigide (par exemple obligations etprêts à moyen et long termes) ne peuventplus être entièrement financés par les dépôts à faible coût, elles se mettent à financer des actifs peu sensibles aux conditions du marché monétaire par des ressources qui sont hautement: sensibles. Dans ces conditions, elles ne contrôlent plus leurs profits qui se mettent à fluctuer au gré des taux d'intérêt du marché monétaire et elles sont vulnérables à une éventuelle crise de ; confiance, ce qui s les conduit à restreindre leur activité.

3 Le processus inflationniste

De l'analyse précédente émerge l'idée que : la conjoncture n'existe pas en soi. Elle participe toujours d'une phase ! du changement des structures économiques. Ce changement s'exprime.' dans . des phénomènes cumulatifs affectant les conditions techniques et financières de la production. Le: pont que la formation de capitah crée entre le présent et l'avenir en transformant les méthodes de production n'est pleinement établi que lorsque s'est produite la modification de la demande en faveur des branches promotrices des nouvelles» techniques de sorte que la formation des profits bruts se développe à un rythme compatible avec la progression de l'investissement. Mais le cycle de renouvelle-

15. Voir Economie et statistique, n" 74, janvier 1976. 62

ment des dépenses courantes se déploie sur une duréeet renferme des anticipations de courte période portant sur les prix, les coûts et la demande qui ne peuvent être spontanément accordées, au* rythme de- lai transformation des conditions de production.

Aux époques où l'économie évolue selon des phases: d'expansion ' quasi régulière, les , plans de ,-, développement à long terme des branches qui structurent l'ensemble de la- demande sociale créent un faisceau cohérent d'anticipations dans ' le reste de * l'économie à , travers les rapports organiques * que :: les branches ; dominantes entretiennent dans l'économie et: grâce * à leur importance dans la ; formation des revenus. Les fluctuations de la conjoncture n'en sont pas éliminées" pour autant parce que: les différences dans >> la, durée des: ajustements subsistent." Mais l'essor général de - la : production crée des , stabilisateurs endogènes par les comportements qu'il induit de sorte que les fléchissements, de l'activité sont aisément surmontés et les conditions favorables à l'investissement rapidement7 rétablies.

Dans les : époques telles que celle - que nous : traversons, au contraire,, les changements dans : les conditions « de production et leurs effets sur les prix et les financements altèrent le profil ; conjoncturel. . On a constaté un i raccourcissement des périodes d'expansion rapide et l'existence,, après le: retournement de conjoncture, de périodes de stagnation qui tendent à s'allonger d'un cycle sur l'autre. Les périodes d'expansion sont étouffées par la flambée des hausses.de prix, le, gonflement de l'endettementrà court terme et les distorsions; sectorielles faisant apparaître des pénuries physiques aiguës.. Les périodes de récession parviennent; à consolider, l'endettement; à court terme, ;,mais ne réussissent pas à rétablir des conditions . de production et, de : partage salaires-profit .favorables à une formation soutenue du capital. Ainsi.de cycle en cycle, le niveau moyen x du chômage monte à des paliers plus élevés : et le rythme moyen de hausse des prix s'accroît. Telles sont les caractéristiques les plus : apparentes de i l'enchaînement inflationniste. Au: vu des observations les plus récentes sur le nouveau cycle qui s'amorce, il paraît raisonnable de s'attendre à la persistance de ces caractéristiques * puisque rien *. ne ; laisse présager une résorption \ des conditions structurelles i de : l'inflation * dans : un . avenir proche. On ne peut même exclure ; que cette résorption ne • puisse . se produire ; sans que la conjoncture traverse. des fluctuations encore plus heurtées que celles constatées jusqu'ici..

Ces. interrogations conduisent àt étudier le. processus inflationniste comme; enchaînement. de déséquilibres qu'il s'agit , de : distinguer, analytiquement des . conditions » structurelles qui lui donnent naissance. Cette étude se heurte aux insuffisances théoriques signalées dans l'introduction; qui se résument dans l'incapacité de la science économique contemporaine .d'articuler, les différentes; dimensions du », temps historique. Cette hétérogénéité du temps fait que le processus inflationniste n'est pas une accélération régulière du * rythme de croissance du niveau général ; des . prix.. Un caractère essentiel.de ce processus est la formation d'une structure d'endettement instable * qui. permet : de: comprendre pourquoi! la .hausse cumulative des prix': finit: par/ rencontrer une barrière de nature monétaire. Mais le:

cessus inflationniste ne disparaît pas pour autant. Au contraire, un de 'ses -traits: marquants; est la récurrence des périodes de vive augmentation du crédit : et ■ des : périodes où se manifeste durement la contrainte monétaire. Dans la présente.section, on ̂ essaiera de développer un ensemble d'hypothèses: compatibles avec les: aspects; contrastés du processus inflationniste en s'appuyant sur. les enseignements de ; l'analyse des conditions structurelles = de - l'inflation.

Les projets dés agents et l'enchaînement inflationniste

in s'agit .d'articuler la formation \ des * projets * des agents économiques avec les- conditions structurelles de >-. l'inflation . déjà décrites. . Par, ailleurs • ces ; projets en agissant» les uns sur les autres contribuent à propager les tensions sous la forme d'un déséquilibre général..

Sur. le premier point, les théoriciens monétaristes ont mis l'accent sur l'existence de seuils de perception de l'inflation* chez les» agents; économiques.. Le franchissement d'un seuil signifie que les agents ne perçoivent pas immédiatement et de:façon continue l'incidence de l'inflation; sur leurs- salaires, profits,- consommation, investissements. Cette perception semble dépendre, non pas du rythme de hausse duiniveau général des prix lui-même, mais de son accélération. L'important est que cette perception persiste une fois le seuil franchi, même si; ce franchissement découle d'un ; fait objectif -, transitoire qui n'est ; pas : susceptible par lui-même d'entretenir: un processus inflationniste; A partir de leurs perceptions, les agents modifient leurs anticipations.' Cela signifie \ qu'ils font? des prévisions et modifient leurs paramètres de décision; sur.' la: base de ces, prévisions i en les supposant^ correctes.. Ainsi; les réactions: des agents contribuent à transformer, leurs prévisions en réalité .« de . sorte qu'il se produit une suréaction par rapport à la perturbation initiale. L'économie s'établit finalement sur un nouveau» régime d'équilibre caractérisé par un rythme 'de hausse : du : niveau général des prix plus élevé.

Toutefois cette : représentation des . comportements - doit . être complétée:: • La conformité de la réalité aux prévisions suppose un consensus sur l'avenir, générateur d'anticipations voisines.. Or la théorie des marchés en déséquilibre fondés sur l'échange monétaire indique que les prévisions sont modifiées. d'autant plus. rapidement qu'elles sont plus discordantes.. Ces modifications: successives peuvent alimenter, des phénomènes cumulatifs 16. La disparité des anticipations repose sur. la disparité des situations des différents agents que les conditions structurelles de l'inflation exacerbent. Le comportement qui en découle semble s'interpréter comme un comportement d'endiguement individuel face à un risque à la fois collectif, et non probabilisable. Il' peut apparaître

16. Voir J. P. Benassy, op. cit. MONNAIE ET INFLA TION : L'EXPÉRIENCE AMÉRICAINE 63

paradoxalement aussi bien- comme un :comportement;de précaution r que de spéculation généralisée. Il se manifeste par le placement des investisseurs qui : en • ont les moyens dans des valeurs refuges et par la perte de valeur, du patrimoine de la grande masse des épargnants; ces deux aspects du disfonctionnement des marchés financiers se renforcent pour entretenir une mauvaise allocation ides ressources et pour créer, de larges transferts- nominaux qui accentuent puissamment les disparités par rapport aux inégalités issues de la production. L'endiguement se manifeste également par le raccourcissement de l'horizon des projets rendant impossible la mise en œuvre de décisions de longue portée. Cette préférence générale pour les dépenses courantes au détriment des investissements longs, à une époque où la transformation, des? conditions de production appelle* une formation de capital soutenue, renforce les distorsions sectorielles et les goulots localisés dans les capacités de production, lien découle d'amples > mouvements des prix relatifs,: qui, à leur tour,- provoquent de nouvelles disparités dans les anticipations à partir de l'échec des prévisions antérieures;

• La vision de l'inflation popularisée par l'école monétariste orthodoxe ne fait pas - une analyse systématique : des causes » qui ; amorcent la : modification ? des anticipations des agents. On part d'une position d'équilibre où prévisions et réalisations coïncident. , Une ~ perturbation initiale : se produit qui peut être un choc quelconque purement exogène dans l'économie réelle ou une « erreur » de la politique monétaire. Cette ■ optique est différente de celle ; exposée ici, tout en. faisant une place essentielle à la monnaie. La perturbation \ n'est pas exogène, : mais ; inscrite comme :• on l'a: vu dans les conditions.: structurelles de l'inflation % : c'est la formation \ d'une : structu re d'endettement : instable • qui est le lien théorique entre ces conditions, les disparités de situation des agents qu'elles provoquent et le comportement d'endiguement face au risque par. lequel les agents réagissent aux contraintes patrimoniales ; :

© Pour les monétaristes, l'économie: est un ensemblede marchés interdépendants , où tous ; les agents non financiers peuvent être regroupés en un agent unique, « le public », parce qu'ils ont fondamentalement la même rationalité de gestion de la composition d'un patrimoine total de grandeur donnée. Lorsqu'on fait du changement des conditions deproduction un moteur de la dynamique, on rejoint au contraire la position keynésienne selon laquelle les entreprises mènent le jeu dans la formation des projets* et l'investissement réeldans la production est la variable clé. Ce sont les entreprises qui, distribuent les droits sur la. production sous forme de revenus monétaires en fonction des possibilités d'expansion . qu'elles perçoivent. L'essentiel de leurs anticipations est constitué par la comparaison de deux flux monétaires, la masse des dépenses engagées et le flux; de recette future, dont ressort le profit brut escompté. Ces anticipations commandent le crédit," d'où l'importance de , la relation banques-entreprises.

Déroulement du processus inflationniste : l'expérience américaine

II découle de ce qui précède que les aspects déterminants du processus inflationniste sont ceux qui désignent le changement rapide des conditions techniques et financières de la production. : modification brutale des prix relatifs et création de? pénuries sectorielles aiguës, comportement d'endiguement face au risque générateur d'une: demande pour le stock dépassant largement la capacité d'absorption par les marchés d'un flux régulier, de ventes, distorsion de la hiérarchie des taux d'intérêt et établissement, d'une structure d'endettement instable. La connaissance : rigoureuse des enchaînements entre ces, différents ensembles de faits est encore hors d'atteinte pour les raisons évoquées antérieurement. Il est cependant possible de tirer certains enseignements des deux dernières poussées inflationnistes (1968-1970 et. 1972-1 974) quant au -. déroulement du i processus lui-même.

Dans une conception qui fait une large place aux changements structurels, et qui par conséquent refuse au progrès technique le statut d'un flux exogène et régulier d'innovations à effets immédiats et exclusivement bénéfiques, il n'est nul besoin de supposer que les autorités monétaires deviennent maladroites pour amorcer/ le processus inflationniste. C'est la concurrence de capitaux elle-même qui s'en charge lorsque les entreprises cherchent à réagir à la détérioration des conditions de production. Dans cette situation, qui s'engage dans un contexte conjoncturel caractérisé* par un accroissement général de la demande, les entreprises ne sont pas incitées à réviser leurs prévisions expansionnistes. En conséquence, soucieuses de tenir ou d'accroître leurs parts de marché d'autant plus qu'elles perçoivent le fléchissement des taux de marge nette, elles continuent à distribuer des droits d'achat sur la production future à un rythme qui s'accélère. L'obtention des fonds pour le renouvellement accéléré de l'équipement et pour les nouvelles installations qui compensent la fermeture des anciennes provient pour une part croissante de l'épargne forcée, due au financement de l'investissement sur. dépenses courantes selon les modalités étudiées antérieurement, et; du "crédit bancaire. Dans cette première phase, la demande de crédit est nécessairement satisfaite parce qu'elle est avantageuse pour. les parties prenantes. Elle l'est pour les entreprises pour qui* l'accroissement de l'investissement est l'arme principale; det ht concurrence. Elle l'est: aussi pour, les banques qui voient s'ouvrir un' domaine de prêts- rapidement recouvrables d'autant plus que ; la tension < naissante sur. les; marchés? financiers leur fait anticiper une hausse future: des. taux: d'intérêt à« court terme. C'est ainsi qu'en*1972notamment;la formation: brute de capital fixe a cruaurythme annuehde 16,3 % (et 22,1 % au premier semestre 1973); les augmentations de capital par voie d'émissions d'actions ont atteint un montant record, et cependant le rythme; de croissance du crédit bancaire a atteint 18%.

64

TABLEAU 5

Pouvoir d'achat des salaires Taux de croissance annuel moyen s

Gains ■■ horaires moyens nomi-

Indice des prix à !a consomma-

Gains horaires réels

1973 I

6.2

4.1 2.0

II*

6.4

5.5 0,8

III

7.1

6,9 0.1

IV

8.0

8,4 - 1.2

\ 1974 ' 1;

: 6.6

9,9 - 3,1

II

7,5

10,7 - 2,9

III

8,1

11,3 4,4

IV

5.5

10.5 4.6

Source ; Bureau of Labor Statistics. Department of Labor.

Il importe ici de remarquer un point essentiel : la modification de la situation financière , des entreprises, , dans le sens qui a été décrit au tableau'3, a pour contrepartie un changement dans la structure de la production: En effet, l'épargne forcée et le crédit bancaire cherchent à résoudre une; contradiction- portant' sur; des» anticipations antagonistes i concernant* la • formation ■• de - capital ; et la demande de consommation finale. Elles sont d'autant plus antagonistes que le tableau 2 a montré qu'au plus 1/3 de l'Investissement contribuait à élever les capacités de production. Il en résulte une grande tension sur les biens de production non spécifiques- qui sont à double; destination* (lai production? des métaux, les matières? premières- énergétiques, une part importante des; demi-produits- deSi industries- chimiques et électro-magnétiques). Cette tension» est d'autant plus forte que la dépendance verticale de ces industries est très étroite et qu'il existe au sein de la structure verticale de la ^ production des branches où la capacité ne peut s'accroître que sur de longues périodes;; les projets d'investissements: à long terme ne pouvant être entrepris que si les conditions* de marché ; sont espérées stables. C'est i ainsi que, dès ; le début de 1972, l'indice de l'utilisation des capacités -de production du Federal Reserve Board était pour les principaux matériaux de plus de 10 % au-dessus de ce qu'il était pour l'industrie manufacturière.

A partir, de: ce moment les entreprises commencent à entrer, dans une situation où la continuité de leurs opérations productives à elle seule fait que l'endettement nourrit, l'endettement. Dans cette deuxième phase, la dépendance des faits réels vis-à-vis des phénomènes monétaires se manifeste avec une lumière particulièrement aveuglante. Avec la multiplication des pénuries dans la structure verticale de la production, les prix relatifs se modifièrent rapidement en 1969-1970 et surtout en .1973-1974. Le rythme de croissance des prix de gros non alimentaires dépassa largement celui des prix . de détail (1 0,7 % et 25,6 % en 1973 et 1974 contre 5,0% et 13,2%). L'accroissement des prix des matériaux de base dépassa 30%. L'augmentation des prix des métaux se répercuta dans celle de la plupart des biens durables, celle du papier et des produits de la pétrochimie dans celle des biens fongibles de la consommation finale. Mais la modification rapide de la structure des prix relatifs» augmente relativement plus la* valeur

nominale du capital matériel circulant que toutes les autres composantes des coûts de production. Elle fit donc disparaître- les profits, bruts: des entreprises: (hors* plus-value sur stock); Les entreprises furent alors forcées à l'endettement à1 court * terme, ne . serait-ce : que pour renouveler la ; dette : antérieure et éviter l'interruption de la production eu égard ; aux; commandes en cours. Simultanément l'accélération de l'inflation provoqua une profonde détérioration du. pouvoir d'achat des salariés (tableau 5).

Aï la détérioration k du s pouvoir d'achat et . à l'insécurité grandissante devant l'avenir s'ajouta la pression croissante des charges de l'endettement provoquée par le boom- de la construction de 1971-1972 et par l'énorme accroissement du crédit à la consommation. Face à la montée des taux d'intérêt à , long terme et de la restriction du crédit aux ménages par les banques de plus en plus sollicitées par les > prêts % courts - aux entreprises, , le ; besoin t de t liquidités des ménages se fit sentir, dès le r milieu * de 1 973 j .II n'est donc pas étonnant que. le taux d'épargne des» ménages ait bondi de 6,2 % au -milieu de 1972 à plus, de, 9 %tà la fin de 1973, et que la consommation réelle des ménages ait commencé à décliner dès le troisième trimestre 1973.

Dès lors .tout était : prêt pour la phase culminante : du processus inflationniste, le comportement; d'endiguement généralisé conduisant à une structure: d'endettement. instable. Dès le milieu de 1973, la production se mit à stagner en volume sous le double effet du déclin de la demande des ménages et des > goulots d'étranglement dans f les secteurs amont. La demande des entreprises se mua en une demande, spéculative de : précaution * pour le stock i stimulée ; par la hausse très rapide des i prix, génératrice de : profits : nominaux purement \ comptables dans -, la mesure : où * les stocks se gonflaient sans pouvoir, être écoulés et par la crainte de manquer d'approvisionnements: qui auraient interrompu la production alors que l'assèchement des trésoreries rendait nécessaire : une rotation de : plus en j plus • rapide ■ des flux de recettes. Au début de 1974,- le ratio des stocks au PNB avait l de : très ■; loin ; atteint . son ; plus haut : niveau de l'après-guerre, laiformation de capital. fixe déclinait à son tour par disparition du cash-flow et manque total de fonds externes:à long terme, .le gonflement du; crédif;à court, terme faisait, monter les taux: d'intérêt du marché monétaire ! à « leur- plus ; haut : niveau ■; historique. . Lorsqu'il ■ en ; est MONNAIE ET INFLA TION : L'EXPÉRIENCE AMÉRICAINE 65

En milliards de dollars 1958

Années:

1970 * 1971 1972. 1973 ; 1 974 :

1

159,0ï 161,6! 165,2 171,8 i 167,0?

Il

159,0" 163,5v 168,0 171,6' 1 65,2 1

111

1 60,0 164,8 169,6 170,5 161,6

IV"

160,1 164,9^ 171,2 169,0 157,7

TABLEAU 6

Masse monétaire à la fin

de chaque trimestre

Source : Federal Reserve Bulletin.

ainsi, iln'y a plus de place: pour la: poursuite des anticipations c expansionnistes.. L'accroissement* du; crédit' et des flux : monétaires; ne fait; plus: qu'absorber, le - coût ; croissant des ; échanges ? de marchandises ■: nécessaires ; à la 1 continuité des cycles de production. L'incidence de la politique monétaire sur ce processus sera étudiée dans la quatrième partie:

Le processus inflationniste rencontre une barrière^ de nature monétaire

Lorsque les liquidités qui se forment sont déjà absorbées par le renouvellement des engagements antérieurs, l'écono- nomie est en crise potentielle de liquidités. Une telle crise est caractérisée par la conjonction de structures d'endettement instables chez tous les agents.. La pénurie de liquidités, d'autant plus aiguë que l'expansion monétaire antérieure a été plus forte, souligne l'importance décisive de la monnaie dans l'enchaînement inflationniste.. La crise j va se dénouer par la chute des stocks et de la. production,, la déflation de la dette monétaire et la consolidation de l'endettement • : ■ c'est le : début de la ; récession.

Les entreprises ; n'ont plus ; de marge ' de • manœuvre ; : les aléas dans, les ventes ou les retards dans les paiements de quelques semaines; provoqués: par; les difficultés» de : trésorerie des clients suffisent à faire éclater la crise de liquidités. . La •. décélération : des hausses > de :; prix : s'amorce : dans les i secteurs i amont avec : l'arrêt : brutal ; du / gonflement , des stocks, mais les hausses antérieures continuent à se transmettre à .travers . la structure .verticale • de la production. En tout état de cause, la flexibilité des prix est absolument incapable : de résorber les déséquilibres : qui se sont accumulés.' L'ajustement est forcément brutal et se fait par les quantités. La chute de la demande est si rapide que le dégonflement des stocks ne peut se: produire et jouer son rôle amortisseur." Lat production < tombe de plus i en? plus bas dans un > mouvement de ' spirale où ' la ; baisse du ■ niveau des stocks court après la réduction de la demande. Les profits comptables des entreprises font place à des pertes d'autant plus; importantes, que', les stocks: sont plus- brutalement

66

dévalorisés. Ainsi > la production ne peut trouver un : niveau * de résistance avant que les entreprises, par compression des coûts et réduction d'activité, aient retrouvé un enchaînement des flux -, de : dépenses et ; de : recettes courantes à un niveau tel qu'un cash-flow brut soit de nouveau engendré,, permettant de i réduire l'endettement ai court , terme. La déflation de la dette à court terme marque la sévérité de la recession et l'ampleur de la contraction de la masse. monétaire (tableau 6).

La , masse • monétaire r en i. dollars constants commence ; à diminuer bien avant le déclenchement de: la déflation s de la dette à court terme, ce qui conduit à étudier le comportement bancaire et les réactions du marché monétaire en période de formation d'une • structure : d'endettement instable. Ce: décalage- provient de: l'évolution dui rapport entre . offre de crédit , bancaire et offre : de ■■ monnaie ,17. C'est l'offre de: crédit bancaire * qui, pour l'essentiel; crée; la monnaie * nouvelle ; lorsque . le système ■ bancaire : ouvre des crédits aux emprunteurs.. La quantité nouvelle de-monnaie créée dépend : de l'adaptation entre offre et demande • de crédit bancaire aux conditions de prêts faites par les banques? aux différents emprunteurs potentiels: Une offre de crédit bancaire à des conditions extrêmement favorables, comme celles qui ont été en vigueur de la fin de 1971 au milieu de* 1973," est un puissant générateur d'inflation. L'offre de monnaie est tout autre chose. C'est l'ensemble des conditions que les banques offrent aux agents non financiers qui désirent détenir des dépôts monétaires ou quasi monétaires chez elles. Cette offre est fondamentalement oligopolis- tique; elle se définit par des, taux d'intérêt nominaux sur les dépôts. administrés par le système bancaire et garantis par la législation qui . fixe des taux plafonds pour • la plupart des catégories de dépôts. Il n'est donc pas étonnant, dans un pays où le marché monétaire est très large quant aux agents économiques susceptibles d'y intervenir et aux instruments de crédit qui s'y négocient, que le mouvement : des taux d'intérêt du marché monétaire soit très sensible aux tensions qui affectent l'offre de crédit et exerce1 une

17. Voir dans ce numéro l'article d'Antoine Coutière, p. 79.

GRAPHIQUE IV

Rapports entre crédits et monnaie pour l'ensemble des banques commerciales

1,0

1969 1370 1971 1972 Masse monétaire = Numéraire -f dépôts à vue.

Source : Federal Reserve Board. .,

1973 1974

GRAPHIQUE. V

Liquidités empruntées rapportées aux réserves totales des banques commerciales * '■

Données mensuelles 2,0

1,6

1,2

0,8

0,4

1969 1970 ■ 1971 1972" 1973 1974 * II s'agit des banques commerciales membres du système de réserve fédérale.

Source ; Federal Reserve Board.

1 |l 1 I 1 M 1 1 1 1 1 1 M 1 1 II 1 IP

/

1 1 M'illi.

A I

r 1 1 1975

grande 'influence sur l'évolution 'de l'offre de monnaie. Il se produit alors une hémorragie de dépôts, parce que les; gros déposants ont intérêt à placer leurs liquidités temporaires en achetant des titres à court terme. Ce phénomène a une grande importance dans la formation d'une structure: de dette instable -au; sein; du système : bancaire. Le graphique IV 'montre ; que,- pendant toute la phase d'essor rapide du crédit à court terme,- le rapport des prêts bancaires à la masse monétaire a augmenté. Pendant le même temps les banques ont fait refluer les liquidités dont elles ■ avaient besoin pour soutenir, leurs prêts en? empruntant à des taux très élevés la monnaie qui les avait fuies (graphique V). On sait que ce processus place les banques les plus fragiles en risque d'insolvabilité face à des défections importantes de leurs débiteurs ; et : met le profit bancaire ■ à > la ■ merci des conditions du: marché monétaire. Dans une telle situation un événement fortuit peut faire perdre confiance

dans le système bancaire et obliger les banques à contracter- brutalement le crédit, déclenchant ainsi la crise de liquidités- dansle reste de l'économie. C'est ce qui. s'est produit au printemps 1974 avec la faillite de quelques banques importantes/ Enfin, la montée des taux d'intérêt du marché monétaire peut être à l'origine d'un phénomène complémentaire: d'instabilité, connu - sous le nom' de désintermédiation. Il s'agit, outre du face à face entre les entreprises, de la création d'instruments monétaires sous la forme d'une gamme1 de papiers commerciaux se développant hors de la garantie bancaire. Ces formes temporaires de: monnaie sont très instables: parce qu'elles sont alimentées par des fonds spéculatifs attirés ; hors de ! leurs circuits ■ traditionnels par des taux -d'intérêt très- élevés compensant des risques considérables. Ih s'agit d'une manifestation - éclatante' du primat de la fonction de moyen de paiement de la monnaie dont ona déjà souligné l'importance. Augmentant encore MONNAIE ET INFLA TION : L'EXPÉRIENCE AMÉRICAINE 67

Flux annuels nets en milliards de dollars

Agents fournisseurs

Réserve fédérale Banques commerciales. Agents privés non financiers.

dont : Particuliers Entreprises Autres organismes privés

Institutions financières non bancaires

1967,

4,8 36,6.

— 0,2

_ . — 0.2

- 34,4 :

1968*

3,7; 39,5 12,3>

5.8 1 7,4

— 0.9 ' 34,2

1969 ■

4,2 12,2 39,8 ;

18.3 13.8 7,7

30,1

1970

5,0 31,3 7,1

10.6 ? — 1,0 — 2.4

38,9

1971

8,4 46,7

—12,6

— 16.5 5,6

— 1,6: 73,1

TABLEAU 7

Principaux fournisseurs directs de crédit

Source : Federal Reserve Bulletin.

l'instabilité de l'endettement, ce phénomène * montre que - la monnaie se définit par son rôle dans la circulation générale des flux, ■, laquelle complique la saisie . statistique traditionnelle, notamment aux époques de crise. Pour en avoir une idée, on peut observer l'ampleur de la modification des flux de crédit entre les banques et les agents non financiers ; en 1969, année de tension extrême sur le crédit, par rapport, aux années voisines (tableau 7).

Le début de la récession - est, comme on • l'a montré, commandé par la déflation de la dette à court terme. Ce phénomène permet en l'espace de six mois à un an de modifier profondément le rapport des flux selon le terme du r crédit (tableau 3). Mais, à une époque dominée par la nécessité', de financer, les. changements des conditions.de, production, cela est, Insuffisant pour rétablir une. structure financière < adaptée à une reprise soutenue ■ de • l'investissement.. Les contraintes de bilan demeurent très fortes et ih faut du temps pour consolider l'endettement: Seule cette consolidation ; peut résorber les distorsions sectorielles de la production et rétablir des conditions de rentabilité favorables. Mais elle est d'autant plus difficile à réaliser qu'elle * engendre des forces qui la bloquent. La nécessité d'emprunter à long terme pour consolider la dette à court terme freine labaisse desitaux d'intérêt à long terme. En conséquence le marché .* des actions, après, uni rétablissement initial consécutif à la détente sur les taux d'intérêt à court terme et au ralentissement de la hausse des prix, redevient suffisamment peu attractif pour être incapable d'absorber les augmentations de capital - qui > seraient indispensables pour fortifier, les structures financières de; la grande majorité ■■ des entreprises. Cela est d'autant plus grave que les entreprises les plus touchées sont celles qui auraient besoin, d'un apport de capital nouveau , pour développer les nouvelles • conditions , de production. . Ainsi < l'endettement « antérieur contribue à la pénurie de capital pour l'avenir. La. reprise de l'investissement est donc dépendante d'un- rétablissement durable de la formations du cash-flow. Mais celui-ci ne peut guère venir d'une compression plus forte • des salaires, étant donné la -, gravité de la détérioration des

niveaux.de vie. Elle doit venir d'une amélioration de la productivité,, laquelle présuppose la reprise de: ̂ l'investissement et le déblocage ; des > principales : contraintes • sectorielles. Mais cela n'est possible que si les entreprises développent; des programmes à long' terme,, ce qui^ suppose un environnement économique . suffisamment stabilisé. Or l'incertitude générale contribue à la faiblesse de la demande prévisible à long terme, ce qui décourage l'investissement productif. Il n'est donc pas étonnant que; les récessions: soient suivies de longues phases de stagnation, et ces dernières de reprises hésitantes suivies de brusques ; poussées spéculatives déclenchant immédiatement le* retour de< l'inflation.

Les vicissitudes

de la politique monétaire

II est opportun determiner, cette étude parumexamen synthétique de la politique : monétaire. On ne rentrera pas ici dans ce qui est connu sous le nom de débat monétariste: parce que la démarche qui sous-tend- ce débat est étrangères aux propositions, développées jusqu'ici; Dans une conception de la ; conjonctu re fondée : sur l'interaction ; des changements structurels et des fluctuations des flux monétaires et de la demande globale, la; politique monétaire* ne saurait se définir, normativement, ni' par la réunion deses instruments/ II existe un processus endogène de formation: de ■ la politique monétaire qui jfait partie de la dynamique

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économique.. Il y a conditionnement réciproque des objectifs et des orientations prioritaires d'une part, des contraintes subies par les autorités, monétaires d'autre part, en sorte que les objectifs effectivement poursuivis ; peuvent: varier considérablement au ■ cours • des f phases de ; l'enchaînement inflationniste: C'est ce que l'on. va examiner en appréciant les responsabilités ' der la politique monétaire- américaine dans l'inflation récente.

Au cours des quinze dernières années, le taux de croissance de la masse monétaire aux USA a connu une élévation i tendancielle '(graphique VI).

Cette; accélération de longue période: n'a; pas subi de cassure; elle s'est poursuivie dans la phase de croissance à prix stables jusqu'en 1965, comme dans la phase de croissance avec hausse des prix. Mais ce qui apparaît à partir de cette date que toutes les considérations sur les conditions structurelles de l'inflation s'accordent? pour qualifier de charnière, c'est l'amplitude beaucoup plus grande des variations du rythme de croissance de la masse monétaire. Il ne serait pas prudent d'en déduire que la politique monétaire ne fait que refléter l'instabilité des conditions de la croissance. Mais, à l'inverse, il faudrait vraiment croire que la politique monétaire se décide in abstracto pour, prétendre que les changements dans les conditions de la- croissance : n'y sont pour rien et que la conduite du Fed est simplement devenue plus erratique,, les conséquences dei ses; erreurs successives se cumulant et étant l'origine des tensions sur les prix observées à partir du» milieu des années 1960. Il paraît plus fructueux de creuser l'idée selon laquelle les objectifs de la politique monétaire sont toujours le résultat d'une décision plus ou moins, fragile et transitoire..

Les responsabilités de: la politique monétaire américaine dans l'inflation

Pour un observateur qui survole rapidement une décennie de politique monétaire, l'impression générale est celle d'une hésitation dans les moyens et d'une grande incertitude dans les objectifs. Cela , se manifeste dans l'évolution ■< heurtée des variables que le Fed est censé réguler (masse monétaire et taux d'intérêt à court terme), dans la violence des querelles doctrinales, dans les changements fréquents de diagnostic et de perspective qui ressortent des* comptes, rendus des débats tenus par les responsables de la politique d'intervention à l'open market. Il semble : que les décisions ; au cours de cette période ont été particulièrement difficiles et instables.. Cette impression est confirmée par les. confidences du principal responsable de la politique monétaire américaine A.F.Burns. Répondant à ses détracteurs par une contre-attaque portée au niveau théorique fondamental- de la conception de la dynamique économique, il a déclaré^ que. la, croyance des monétaristes en une: stabilité inhérente à l'économie était un leurre, qu'une forte hausse; des i prix, provenant d'un ensemble de conditions spécifiques, ne pouvait être: évitée; d'aucune manière, que la règle monétaire, plus que toute autre ; règle ; de conduite, mènerait à l'éclatement d'une grave crise de liquidités 18.

En se limitant à la période où les aspects monétaires de l'inflation ont commencé à être fortement ressentis,. il est commode de distinguer deux époques : une première époque

18. A. F. Burns : « Letter on monetary policy to Senator William Proxmire », . nov. 1973.

GRAPHIQUE VI Évolution du taux de croissance de la masse monétaire*

(Données mensuelles. Taux d'accroissement d'un mois rapporté au mois correspondant de l'année précédente) +10%

1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1067" 1063 1069 1070 1071 19/2 1073 1074 • Numéraire + dépôts à vue.

Source : First National City Bank. MONNAIE ET INFLA TION : L'EXPÉRIENCE AMÉRICAINE 69

qui va du début de 1969 à l'instauration ■ du» contrôle des salaires et. des r prix % à partir du 3" trimestre; 1971 ; une deuxième époque marquée soit par des contrôles plus ou moins serrés sur les salaires et les prix, soit par la menace de -,. la i réinstauration < de : tels contrôles i lorsqu'ils étaient levés.

La première époque s'est. ouverte dans > le sillage de la, première grande vague d'endettement spéculatif qui s'était épanouie au cours de ; l'année 1 968 avec le paroxysme des , mouvements; de concentration. Ce climat euphorique dissimulait un endettement devenu- dangereusement instable et la nouvelle administration républicaine décida de ; donner un coup de frein brutal à l'activité économique en? utilisant principalement des moyens monétaires. Les banques commerciales furent plus lourdement contraintes; par des dispositions, réglementaires. Cette politique fit décélérer brutalement le taux de croissance de la? masse monétaire (graphique VI); Mais les conséquences ne furent pas un paisible ralentissement de la demande globale. Ce fut l'explosion d'une crise du crédit aiguë qui allait avoir des effets durables sur la structure des bilans des entreprises. Le freinage aboutit : à l'effondrement du crédit bancaire (qui passa de 39,5 milliards de dollars en 1968 à 12,2 milliards; en 1969),' à la désintermédiation sur le marché monétaire (alors que le crédit bancaire s'effondrait, les emprunts à court terme des entreprises non financières bondissaient de 15,4 1 milliards en 1 968 ' à 22,8 ' milliards en 1969),., à lai tension généralisée sur le marché des euro-dollars et l'ensemble des marchés monétaires' européens.

Les "enseignements de l'année 1969 furent donc, d'une part la confirmation que l'offre de monnaie était active sur l'économie et pouvait être influencée par les- autorités monétaires, d'autre. part que ce moyen. d'action était fort dangereux s'il était manipulé sans tenir compte de la conjoncture mondiale- et de l'endettement auquel? étaient contraintes les entreprises du fait des changements structurels dans les conditions de production; II n'est pas étonnant que la faillite de- la Penn Central 19 au printemps 1970 ait joué le rôle d'un révélateur et que l'appréciation des contraintes que faisait peser l'endettement de l'économie ait provoqué un» renversement de tendance ; et~ une reformulation des: principes de la ; politique monétaire : • Affirmation du rôle de « prêteur en dernier recours » du Fed * et par conséquent soutien • aux i banques par des avances, directes et prêts aux entreprises en* difficulté, s'il s'agit d'entreprises ayant des positions dominantes dans; une ou plusieurs industries. Ces principes furent largement, appliqués en 1973-1974; • -Assouplissement de la réglementation* bancaire; pour permettre aux banques de - s'opposer à la désintermédiation; obligation pour les courtiers qui négocient; le papier commercial de constituer des réserves sur les montants de: leurs opérations;,, • Définition des modalités d'intervention à l'open market en prenant conjointement les- réserves bancaires et les conditions du marché monétaire comme indicateurs d'objectifs. ,

Bien que \zi nouvelle formulation a aille dans le sens des préceptes ; monétaristes, , les ; dix-huit mois qui i séparèrent : le '". desserrement t contrôlé v des contraintes ? monétaires de ' l'instauration des* contrôles; sur- les ; salaires; et: les* prix* se révélèrent défavorables , pou r, leurs . thèses. L'élévation t progressive pendant plus d'un an du rythme de croissance de la masse monétaire ne parvint pas à stimuler la dépense.. Le crédit- se développa1 rapidement» en? 1971? puisque t le- flux global * d'endettement net annuel de l'économie --■ non financière passa de 90,4 milliards de dollars en 1969 à 97,5 milliards en il 970 ? et 1 50,4 milliards s en A 971 i Mais . les agents ̂ économiques s'endettèrent, , non \ pas pour relancer leurs dépenses, mais pour reconstituer leurs positions liquides et consolider la structure de leurs dettes antérieures. Ces déterminants patrimoniaux expliquent ;. largement, la longueur de la phase de stagnation qui a suivi la -récession, de 1969-1970.. Ils expliquent; également les raisons de l'augmentation considérable du crédit en période de stagnation -, et la fragilité du compromis que le Fed tentait de maintenir par des moyens monétaires; D'une part la forte progression * des: crédits; bancaires répondait . àû des besoins, profonds dont l'expérience de 1969 montrait les dangers qu'il y avait; à les contrecarrer en cherchant à limiter trop strictement la créations monétaire. D'autre, part; la perspective, du rythme élevé de la hausse des prix et le retard de la reprise de la croissance réelle donnaient l'impression que, les taux: d'augmentation des agrégats monétaires étaient trop élevés au printemps 1 971 ; . Mais le Fedi voulait éviter une trop forte. montée des taux d'intérêt à court terme pour favoriser le financement de; la construction qui était, le seul secteur affaire ; preuve d'un certain i dynamisme. -

Cette ligne de conduite monétaire fut remise en cause par les événements internationaux qui. amenèrent le Gouvernement à déplacer la recherche d'une • politique cohérente dans le sens d'une action directe sur la formation; des revenus et des prix. Faite de phases successives, la nouvelle politique économique; avait, d'abords pour objectif, de provoquer une cassure dans les anticipations à la hausse des prix et d'inciter les entreprises à entreprendre des programmes d'expansion, ensuite d'influencer directement la composition de la valeur ajoutée unitaire dans un sens favorable à la formation du cash-flow. Qu'elle ait accompagné un. mouvement naissant en l'accentuant ou qu'elle ait créé: une ; cohérence : des anticipations des agents privés, , il i est incontestable que cette politique, a connu un, succès i initial; apparent, marqué, par;- le ; rythme élevée de la formation de capital en A 972. Mais, pour les raisons déjà développées, l'investissement ne pouvait pas faire disparaître les conditions structurelles de l'inflation. Face à la persistance: de ces conditions, lai politique! monétaire n'est pas apte à résoudre des problèmes ; structurels par le i réglage ; de la ?. quantité de monnaie. Il paraissait alors logique aux autorités monétaires de définir, un compromis ■ permettant de - sauvegarder des ratios de; financement aptes à encourager la

19. Première entreprisa américaine de chemins de fer. 70

poursuite de l'investissement. La question quise pose est cependant de saisir si : l'objectif . d'expansion . de la masse ; monétaire pour répondre à la nécessité de la forte demande de crédit n'a pas été porté trop haut et si, comme le prétendent les monétaristes, le Fed n'a pas de ce fait été entraîné à accompagner. trop longtemps la montée de l'endettement, sa marge de manœuvre devenant alors extrêmement étroite. .

Poser une telle question montre bien que la formation de la politique monétaire est; le produit d'un -complexe de forces en évolution ; qui : modifient la hiérarchie des : contraintes et la perception < nécessairement incertaine qu'en ont les autorités monétaires au moment où elles cherchent à avoir prise sur les événements. En ce qui concerne cette- année cruciale 1972, il est certain qu'il y a eu une convergence de : forces poussant à déséquilibrer la structure de la production et sollicitant des marchés financiers encore .- mal remis de la précédente . crise de liquidités. Les deux forces principales furent la conjonction des reprises expansionnistes dans les principaux pays industriels, qui - a provoqué l'explosion spéculative des prix mondiaux et révélé les pénuries quantitatives dans les ; secteurs • amont, , et lai reprise très. rapide de la progression des dépenses budgétaires ; après : trois années , de ralentissement; cela dans un contexte politique où le gouvernement et le congrès s'accor- • daient; pour repousser l'éventualité d'un alourdissement de la charge fiscale.

Déchiré par des tendances contradictoires,, le; compromis de la politique monétaire ne put faire échec au développement de l'inflation à partir de la fin de l'année 1972.' Les événements qui se déroulèrent" sur la période 1973- 1975; ont reproduit qualitativement ceux de 1 969-1 971 , ? mais . avec : une intensité beaucoup plus grande, , des déséquilibres: bien plus profonds et un climat, d'incertitude •' extrême : pour l'avenir. Compte tenu de ; l'expérience ; de 1969, le Federal Reserve Board était dans la situation délicate où l'appréciation de risques liés à différentes contraintes était décisive. D'une part il lui fallait apprécier la rapidité de la: propagation des anticipations- inflationnistes' pour éviter une évolution > vers l'hyper-inflation. D'autre part : il lui fallait éviter de renouveler la crise de liquidités de 1969 en affirmant sa fonction de prêteur en dernier recours i et en surveillant étroitement les comportements des banques. C'est pourquoi leFed ai adopté le comportement déjà signalé : freiner longuement la progression des réserves; par le mécanisme des interventions à l'open market; ouvrir beaucoup plus largement ses avances aux banques.

Ainsi les responsabilités de la politique monétaire dans le déroulement de l'inflation ne sauraient être niées. Comment pourrait-il en être autrement puisque la monnaie est une condition- permissive essentielle de* ce processus et que la formation: de la politique monétaire fait partie des comportements perturbés; et perturbants en situation d'incertitude? Mais, ces responsabilités, ne sauraient être grossièrement exagérées.- Ce n'est pas du tout* une question de juste milieu. Ce qui est en cause, c'est la proposition fondamentale selon laquelle les conditions structurelles de

l'inflation sont hors d'atteinte de la manipulation des quantités globales. Le dérèglement; monétaire est la mauvaise foi des sociétés' occidentales contemporaines parce -qu'il découle du -déchirement, des intérêts, contradictoires qui s'y affrontent et de l'ambiguïté de ses choix fondamentaux.

Michel AGUETTAï maître de conférence agrégé à l'Université de Picardie, ancien administrateur de l'INSEE.

MONNAIE ET INFLA TION : L'EXPÉRIENCE AMÉRICAINE 71


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