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NORRIS F. KRUEGER, JR. LA COGNITION DE L’ENTREPRENEUR

Jean-Pierre Boissin, Frank Janssen

Norris Krueger se présente comme « un expert dans la manière de créer et de développer la

pensée entrepreneuriale ». Krueger se passionne pour la compréhension de la façon dont nous

apprenons à penser comme des entrepreneurs et, inversement, pour la manière dont on peut

utiliser ces connaissances pour développer des communautés entrepreneuriales et des

entrepreneurs. Cela lui a également permis d’ouvrir la voie à une meilleure compréhension

d’autres domaines importants tels que l'entrepreneuriat social et/ou durable et la

commercialisation technologique.

Après une formation initiale en sciences, notamment à la prestigieuse Caltech, Krueger a

réalisé un doctorat qui, formellement, se rattachait à l’entrepreneuriat et au management

stratégique, mais se situait aussi aux frontières du marketing, du management, de la

psychologie sociale, de la psychologie cognitive et de l’économie. Ses premiers travaux

portaient sur les antécédents de la perception de l’opportunité soulignant le rôle de la

faisabilité du point de vue de l’individu (auto efficacité). Il sera dans ce contexte assistant de

Al Shapero.

Il est l’auteur le plus cité dans le domaine des intentions entrepreneuriales, domaine qu’il

continue à explorer, mais qu’il approfondit aujourd’hui à travers la science cognitive. Si la

cognition est un thème à la mode dans le recherche entrepreneuriale aujourd’hui (Gregoire et

al., 2011), c’est en grande partie à lui qu’on le doit. Et le thème est populaire parce qu’il est

important : la compréhension de la cognition est essentielle pour expliquer l’émergence et

l’évolution de l’entrepreneuriat (Krueger et Day, 2010). C’est également la psychologie du

développement cognitif qui l’a amené à s’intéresser à l’éducation entrepreneuriale, approche

qui, selon lui, a un potentiel scientifique immense.

Norris a été le récipiendaire de nombreux prix scientifiques et pédagogiques américains et

internationaux. Il a dirigé deux entreprises et intervient aussi en consultance. Il est un fervent

défenseur des travaux interdisciplinaires basés sur l’expérimentation en entrepreneuriat, en

particulier dans le champ de la cognition.

Ce chapitre qui lui est consacré sera divisé en deux grandes parties. La première examinera

les travaux de Norris Krueger sur l’intention entrepreneuriale. Elle s’intéressera plus

particulièrement à ses apports à la littérature entrepreneuriale au travers de la vérification

empirique du modèles des intentions, des ponts qu’il a établis entre management stratégique

et entrepreneuriat dans ses travaux sur la dimension cognitive de l’émergence d’opportunités

et, enfin, l’apport du modèle d’intention pour guider et évaluer les actions dans le domaine de

l’éducation. La seconde partie synthétisera ses apports dans le domaine de l’apprentissage

entrepreneurial. Elle s’intéressera à son approche constructiviste de la pédagogie, développera

ensuite ce que Krueger appelle les expériences critiques de développement et se clôturera par

l’appel de Krueger pour plus d’interdisciplinarité pédagogique et pour un décloisonnement

des champs de recherche.

1. LA STRUCTURATION DU MODELE INTEGRATEUR D’INTENTION

ENTREPRENEURIALE

Norris Krueger est à l’origine de la proposition de la structuration du modèle intégrateur

d’intention entrepreneuriale, articulant les travaux en entrepreneuriat de Shapero (1982, 1985)

et en psychologie de Ajzen et Fishbein (1980). L’ancrage théorique transversal de Krueger le

conduit à proposer un élargissement du modèle à l’intrapreneuriat et à construire un lien

entrepreneuriat – management stratégique avec les travaux de Hamel et Prahalad (1989) sur

l’intention stratégique et la saisie des opportunités. La qualité de ce modèle s’avère aussi

d’une grande utilité dans le domaine de l’éducation en entrepreneuriat afin de mieux connaître

l’évolution de l’état d’esprit entrepreneurial des jeunes.

1.1. La validation empirique du modèle d’intention entrepreneuriale (Krueger, 1993,

ETP)

Dans son article paru en 1993 dans Entrepreneurship Theory & Practice intitulé « The Impact

of Prior Entrepreneurial Exposure on Perceptions of New Venture Feasibility and

Desirability », Krueger considère l’entrepreneuriat comme une décision processuelle dans

laquelle l’intention est centrale dans le passage à l’acte (Bird, 1988 ; Katz, Gartner, 1988). A

l’origine, Shapero (1982, 1985) a proposé un modèle de l’événement entrepreneurial basé sur

le processus d’intention. L’intention entrepreneuriale résulte des perceptions de faisabilité et

de désirabilité conjuguées à une propension à agir sur les opportunités. Les expériences

entrepreneuriales de l’individu influencent indirectement l’intention en agissant sur les

perceptions de faisabilité et de perception. Krueger (1993) note qu’il y a peu de travaux

empiriques sur ce processus de décision, que ce soit en entrepreneuriat ou en management

stratégique. Le modèle de décision basé sur l’intention de lancer une création d’entreprise de

Shapero (1975) n’a pas été testé ; Krueger saisit cette opportunité comme il le note en bas de

page (p.5) en hommage à Al Shapero.

C’est dans son papier de 2000 que Krueger rend le mieux compte du processus de

construction-déconstruction des fondements théoriques du modèle d’intention

entrepreneuriale. Le modèle de décision basé sur l’intention prend racine dans les travaux de

psychologie sociale de Ajzen et Fishbein (1975, 1980) sur l’action raisonnée, puis la théorie

du comportement planifié (Ajzen, 1991). L’intention prédit et explique l’action, le

comportement. Les attitudes face à un comportement influencent l’intention. Dans la théorie

de l’action raisonnée, Ajzen et Fishbein distinguent les attentes et les croyances des individus

des normes sociales à l’origine des attitudes. Dans la théorie du comportement planifié (TCP)

de Ajzen (1987, 1991), ces attitudes représentent l’attractivité d’un comportement, mais il

intègre aussi un autre type d’attitudes relatives au contrôle perçu du comportement visé, à sa

faisabilité.

Figure 1 : Modèle du comportement planifié (Ajzen, 1991)

Croyances

comportementales

Croyances

normatives Comportement

Intention

Croyances

de contrôle

Variables démographiques

Individuelles

(personnalité,

émotions…)

Sociales (âge, sexe, culture…)

Attitude perçue

Norme

sociale

Contrôle

perçu

Au final, le comportement (entrepreneurial, créer une entreprise) a pour origine une intention

fondée sur l’attractivité du comportement (la désirabilité) et le contrôle de ce comportement

(la faisabilité). Ajzen et Fishbein précisent que les normes sociales influencent les attitudes

personnelles ; famille, amis et autres (en fonction du contexte) peuvent influencer les attitudes

de l’individu en matière de désirabilité perçue, voire même de faisabilité perçue. La

perception de la faisabilité a été bien définie par Bandura (1986, 1995) avec la notion d’auto-

efficacité perçue (self-efficacy). Il s’agit de la capacité de l’individu a effectuer certaines

tâches au sens large : compétences techniques et managériales dans le domaine de la création

d’entreprise par exemple. Krueger (2000) précise que ces compétences peuvent faire l’objet

d’un apprentissage qui relève de l’enseignement mais aussi de dimensions plus

psychologiques et émotionnelles. Dans son modèle théorique originel de l’événement

entrepreneurial, Shapero (1982) n’avait pas intégré la norme sociale. En revanche, au-delà de

l’intention, Shapero avait pris en compte les facteurs déclencheurs du passage à l’acte,

facilitant la réalisation des intentions : disponibilité de ressources, propension à agir sur une

opportunité.

Figure 2 : Modèle de l’événement entrepreneurial de Shapero (1975)

Disposition à l’action

(motivations, attitudes, intuitions)

Crédibilité de l’acte

(milieu familial, groupe de référence, environnement local, environnement

organisationnel, essaimage)

Entrepreneur potentiel

(expérience personnelle et formation)

Evénement entrepreneurial

(création ou reprise d’entreprise, transmission-succession)

Faisabilité-accessibilité des ressources

(ressources humaines, financières, technologiques, aides, marché)

Discontinuité ou déplacement

(néfatif ou push, positif ou pull)

Variable psychologique

Variable économique Variable de situation

Variable sociologique

Krueger proposera (Krueger, Brazeal, 1994, p.95) un modèle de synthèse intégrant la théorie

du comportement planifié et l’événement entrepreneurial dans le modèle d’intention

entrepreneuriale.

Figure 3 : Modèle de l’intention entrepreneuriale

de Krueger (1993) et Krueger, Brazeal (1994)

1.2. Un ancrage théorique transversal intégrant Entrepreneuriat et Management Stratégique

(Krueger, ETP, 2000)

En 2000, Krueger publie un article dans Entrepreneurship Theory & Practice intitulé « The

Cognitive Infrastructure of Opportunity Emergence ». Il s’agit de montrer l’intérêt du modèle

d’intention, y compris dans l’entreprise, afin d’apprécier le rôle entrepreneurial de ses

membres (intrapreneurs) et la fonction d’incitation que doit jouer l’organisation, le collectif.

On passe de l’individu au collectif : capacités individuelle et collective, désirabilités

Désirabilité personnelle

Normes sociales

Désirabilité

Intention

Faisabilité Auto-efficacité perçue

Facteurs déclencheurs

Facteurs Exogèness

individuelle et collective. Cet élargissement du contexte de l’individu à l’organisation

préexistante peut être rapproché d’un pont entre entrepreneuriat et management stratégique.

Krueger (2000) montre le rôle des membres d’une organisation par leurs intentions sur

l’identification et la poursuite d’opportunités notamment d’innovation, de croissance rentable.

Ce modèle dépasse le modèle entrepreneurial individuel. Il peut s’inscrire dans la dynamique

des organisations et des comportements intrapreneuriaux des individus, intéresser le

management des entreprises. L’opposition des menaces aux opportunités s’inscrit dans le

modèle historique SWOT de Harvard (LCAG, 1969). L’unité d’analyse est néanmoins

centrée sur l’individu (versus l’organisation). Le potentiel entrepreneurial de l’entreprise

relève du potentiel de ses individus ; l’organisation est là pour soutenir ce potentiel des

individus. Il rejoint les travaux de Shapero (1982) sur le lien du potentiel entrepreneurial des

individus et celui de l’organisation. Krueger invite à une nouvelle conception du modèle

SWOT en se posant davantage le problème du « comment faire ? » plutôt que du « pouvons-

nous faire ? »

Il fait aussi le lien encore entre travaux en management stratégique et entrepreneuriat, plus

précisément entre la vision stratégique («strategic intent », Prahalad et Hamel, 1989), les

processus d’apprentissage (Mintzberg, 1994) et l’orientation entrepreneuriale (Covin et Slevin,

1991 ; Lumpkin et Dess, 1996).

On retrouve cette imbrication management stratégique et entrepreneuriat, organisation et

individus, plus tard dans les travaux de Teece (2007). Il souligne le rôle déterminant des

compétences entrepreneuriales dans la compétitivité des grandes entreprises en favorisant

l’identification des opportunités de croissance durable. L’organisation doit favoriser la

détection des opportunités et le passage à l’acte, à l’innovation, en particulier pour favoriser la

croissance des entreprises. Les travaux de Krueger sont proches d’une démarche

constructiviste en rappelant avec Mintzberg (1994) que l’opportunité n’existe pas en tant que

telle mais qu’elle est construite (2000, p.6) : « We do not find opportunities, we construct

them ». Il insiste sur l’enjeu des modèles de décision, de cognition pour comprendre le

processus de pensée entrepreneuriale, notamment sur l’apport des modèles d’intention en

psychologie sociale.

1.3. Un modèle fondamental pour guider l’action dans le domaine de l’éducation en

Entrepreneuriat chez les jeunes (Krueger, ETP, 2007)

Krueger est bien conscient des limites du modèle d’intention entrepreneuriale : simplification

de la complexité du processus cognitif, déterminisme, interrogation sur le basculement

intention / action, nécessité d’approches qualitatives des processus de décision, individu /

collectif, la non stabilité des processus donc de l’intention, l’action peut parfois précéder

l’intention…

Mais Krueger (2007) précise que la théorie du comportement planifié est bien adaptée au

processus d’intention vers l’objectif comportemental de créer une activité, en particulier dans

le domaine des choix de carrière.

Il est primordial de repérer ce qui diffère dans les structures cognitives profondes des

individus. L’examen des croyances profondes procure l’opportunité de mieux comprendre

comment l’esprit entrepreneurial se développe.

Figure 4 : Structuration de l’esprit entrepreneurial d’après Krueger

Dans le domaine de l’éducation, Krueger insiste sur son positionnement dans les processus

d’apprentissage par essai et erreur ancrés dans un contexte social et qui façonnent la

construction des structures de connaissances de l’individu. Les croyances, les attitudes et les

traits de personnalité évoluent, surtout après ou lorsque des évènements importants ont lieu

dans notre vie et jouent un rôle très important dans notre intention de carrière (métier).

Différentes recherches empiriques ont été conduites sur les modèles d’intention

entrepreneuriale basés sur les apports de Krueger. A la suite de Kolvereid (1996), de

nombreux travaux empiriques francophones (ou notamment menés dans des pays

francophones) ont testé le modèle d’intention (Emin, 2003 ; Tounès, 2003 ; Audet, 2004 ;

Boissin et al., 2007, 2009 ; Shinnar et al., 2012).

Dans le contexte du développement d’un plan entrepreneuriat étudiant à l’échelle de

l’ensemble de l’enseignement supérieur français (http://www.apce.com/pid14170/plan-

entrepreneuriat-etudiants.html?espace=5), l’accent est mis sur les mesures d’impact. Outre la

mise en place d’indicateurs d’impact de court terme, tels que le nombre de modules

pédagogiques et effectifs, l’insertion professionnelle dans les PME, le nombre de projets

Les croyances profondes

Structures Cognitives

Les attitudes entrepreneuriales

Les intentions entrepreneuriales

L’action d’entreprendre

engagés ou le nombre de créations et de reprises d’activité, il est nécessaire de développer des

outils d’impact de plus long terme sur la culture entrepreneuriale. Les questionnaires sur

l’intention entrepreneuriale des étudiants inspirés des travaux de Krueger sont riches

d’enseignement pour guider l’action. Ces questionnaires sont particulièrement bien adaptés à

la population étudiante dans la mesure où l’individu n’est pas nécessairement dans une phase

de passage à l’acte. L’observation de l’évolution des croyances, des attitudes et des intentions

de carrière permet de présenter la structuration des schémas mentaux des étudiants, de repérer

les éventuelles effets des filières d’enseignement ou de différentes psychosociologiques. Des

travaux en cours (Boissin, 2013) montrent que les modèles d’intention ne sont pas structurés

de la même façon selon que l’étudiant a une forte intention d’entreprendre ou non à court

terme. Ainsi, l’application de ce type de questionnaire sur des grandes masses (site

universitaire de 50 à 100 000 étudiants) permettrait de mieux cibler et de différencier les

programmes en renforçant l’attractivité auprès de ceux éloignés de l’intention

d’entreprendre et/ou en agissant sur les compétences de ceux qui veulent passer à l’acte à

court terme et qui sont convaincus en matière de désirabilité. Krueger fait des propositions

pour l’apprentissage de l’entrepreneuriat.

2. L’APPRENTISSAGE ENTREPRENEURIAL

Outre l’application du modèle d’intention aux étudiants, l’intérêt de Krueger pour la cognition

entrepreneuriale l’a par ailleurs conduit à s’interroger sur la pédagogie qu’il convient

d’appliquer pour enseigner l’entrepreneuriat. Le système éducatif, y compris l’université,

constitue un des premiers fondements du développement d'une culture et de l'action

entrepreneuriales. S’il veut remplir ce rôle, ce système doit pouvoir efficacement former les

futurs entrepreneurs. L’entrepreneuriat étant central pour nos pays, l’éducation

entrepreneuriale, et, partant, le développement d’aptitudes entrepreneuriales chez nos

étudiants semble être la manière la plus efficace et la plus économique pour accroître le

nombre et la qualité d’entrepreneurs au sein d’une économie (Krueger, 2010). La question

des approches pédagogiques adéquates demeure toutefois encore vague et sujette à débats.

Les réflexions sur les méthodes pédagogiques adéquates à l'enseignement de l'entrepreneuriat

ne conduisent pas toujours conduit aux mêmes réponses, mais la plupart des cours ou

programmes en entrepreneuriat ont opté pour des pédagogies actives, notamment

l’apprentissage par problèmes. Krueger plaide pour une pédagogie constructiviste, où les

expériences critiques de développement et l’interdisciplinarité jouent un rôle central. Nous

monterons finalement que cette ouverture l’a également amené à s’intéresser à

l’entrepreneuriat social et durable.

2.1. Une pédagogie constructiviste

Alors que la majorité des recherches en éducation entrepreneuriale est descriptive, Krueger

ancre délibérément sa propre contribution à ce champ dans la théorie constructiviste. Il part du

constat selon lequel le modèle comportementaliste de l’éducation, considérant les étudiants

comme des réceptacles relativement passifs du savoir, a largement cédé la place à un modèle

constructiviste pour lequel l’objectif de l’éducation est d’assister les apprenants dans la

manière dont ils structurent ce savoir. Il aime utiliser la formule selon laquelle, il faut

entraîner des esprits et non des mémoires (Krueger, 2009). A une pédagogie basée sur la

mémorisation de faits et leur répétition, l’approche constructiviste préfère des apprentissages

contingentés où les étudiants acquièrent du savoir, mais, aussi et surtout, développent de

nouvelles façons de l’organiser et modifient leurs modèles mentaux de représentation de ce

savoir. Il aime aussi paraphraser Yeats en disant qu’« Eduquer, ce n’est pas remplir un vase,

c’est allumer un feu » (Krueger, 2010).

La pédagogie constructiviste repose sur cinq piliers (Brooks et Brooks, 1993). Premièrement,

elle est centrée sur des « questions authentiques », en ce sens qu’elles sont représentatives de

problèmes auxquels sont confrontés les étudiants. Les apprenants doivent posséder leur savoir

et l’éducateur doit les aider à se poser ces questions. Le second est celui des grandes idées : le

savoir doit être structuré autour de concepts de base et non de détails. Troisièmement, la

construction du savoir requiert la triangulation et la confrontation de différents points de vue.

Quatrièmement, l’instructeur doit jouer un rôle d’accompagnateur (ou de mentor) et s’adapter

aux besoins des étudiants. Enfin, les méthodes d’évaluation des étudiants doivent refléter cela

et ne pas se limiter à « régurgiter » le savoir.

Nos modèles d'enseignement, même ceux qui intègrent des travaux de terrain, sont fondés sur

l’acquisition des connaissances et/ou de compétences que l’on peut mesurer, démontrer, parce

que notre système éducatif requiert des résultats tangibles montrant que l’apprenant a

progressé. Pour être vraiment constructiviste, il faut pouvoir relâcher les mesures des

compétences/connaissances, ce qui représente un obstacle bureaucratique difficile à franchir,

mais aussi risqué pour les programmes qui le tentent (Jacquemin et Janssen, 2013). Krueger

souligne que l'ironie réside dans le fait que l'apprentissage par problèmes a souvent pour effet

secondaire, d'améliorer sensiblement la connaissance et les compétences, même si il n'y a pas

eu de cours au sens classique du terme. C’est pourquoi Krueger se fait aujourd’hui l’avocat de

méthodes telles que les start-up week-ends, Lean Launchpad, Machines Lean Startup,

TechStars et Y-Combinator1. Nous y reviendrons.

2.2. Les expériences critiques de développement

Une organisation à la recherche d’un climat plus entrepreneurial nécessite des modes de

pensée plus entrepreneuriaux de la part de ses membres. C’est évidemment applicable à une

école ou une université (Krueger, 2009). L’approche de Krueger repose sur l’importance de

faire évoluer les étudiants d’une mentalité de novice à celle d’expert en entrepreneuriat

(Krueger et Day, 2010) grâce à des «expériences critiques de développement». Shane (2000) a

montré que les expériences antérieures influencent le perception d’opportunités futures. Si

l’évolution d’un cadre de pensée novice vers celui d’expert peut s’opérer de façon

incrémentale, les transformations radicales requièrent des changements plus abrupts. Cette

transformation cognitive permettrait aux étudiant de modifier non pas ce qu’ils pensent, mais

comment ils pensent dans la mesure où un expert structure la connaissance différemment d’un

novice.

Sur le plan cognitif, une bonne connaissance théorique de l’entrepreneuriat ne suffit pas pour

devenir un entrepreneur à succès. En effet, la connaissance n’est pas simplement une

accumulation d’informations. Elle doit mobiliser à la fois un contenu et la façon dont on

structure ce contenu. Trop souvent, dans notre hâte à vouloir transmettre quantité

d’informations aux étudiants, nous perdons de vue que la structure des connaissances est au

moins aussi importante que le contenu des connaissances, et que notre capacité à influencer la

manière dont les modèles mentaux des étudiants évoluent est l’essence même de la formation.

C’est fondamental dans le domaine de la formation entrepreneuriale où nous ne pouvons pas

nous contenter d’expliquer ce qu’est l’entrepreneuriat (contenu) mais où nous devons surtout

permettre à nos étudiants de penser comme un entrepreneur et développer un esprit

d’entreprendre (structure du contenu).

Pour Krueger, le rôle de l’enseignant en entrepreneuriat consiste à aider les étudiants à passer

d’une mentalité de novice à celle d’expert en entrepreneuriat, plus précisément, à les aider à

acquérir une expertise entrepreneuriale. Comme le montre le schéma ci-dessous, cela signifie

que ce qu’ils connaissent (contenu) augmente. Toutefois, ce n'est pas suffisant pour aboutir à

un réel apprentissage. Un expert structure la connaissance différemment du novice. Ce sont

les expériences d'apprentissage qui permettent de faire évoluer la façon dont les étudiants

1

www.startupweekend.org ; http://steveblank.com/category/lean-launchpad/ ; www.leanstartupmachine.com;

www.TechStars.org ; www.ycombinator.com ; http://vcplist.com/

structurent leurs connaissances. Elles modifient la façon dont les étudiants voient le monde et

sont appelées expériences critiques de développement (Krueger, 2009).

Figure 5 : Processus cognitif d’apprentissage de Krueger (2009)

Les experts savent plus que les novices, mais ils savent aussi certaines choses que les novices

trouvent contre-intuitives. L’effet Dunning-Kruger (1999) vient compliquer cette situation. Il

décrit un phénomène selon lequel les novices surestiment leurs capacité et leurs performances

de manière significative, même lorsqu'ils sont confrontés à des preuves évidentes du contraire.

Evoluer de débutant à expert nécessite aussi une modification en profondeur des structures

cognitives à laquelle on ne peut arriver sans expériences transformatrices, appelées

expériences critiques de développement. Les activités en elles-mêmes ne suffisent pas, il faut

en outre retirer des leçons d'une expérience critique de développement. Cela nécessite une

réflexion personnelle, le soutien des pairs, voire un mentorat par les pairs, et le mentorat d’un

expert, le tout dans un environnement favorable et orchestré par des instructeurs/professeurs

qui comprennent ce processus d'apprentissage. C’est une des raisons pour lesquelles Krueger

estime que plutôt que d’enseigner aux étudiants comment réaliser un plan d'affaires avant de

l’exécuter, il est préférable de leur apprendre à réaliser des itérations rapides où ils testent les

hypothèses clés de leur « business model ». C’est pourquoi il défend aujourd’hui le modèle

Novice Expert

Mentalité

entrepreneuriale

Expériences critiques de développement

Changement dans ce que

nous savons (contenu)

Changement dans comment nous le savons (structures de la connaissance)

Changement dans les croyances profondes

de la «lean startup», issu de pratiques de la Silicon valley rendues célèbres par le best-seller

de Ries (2008), qui repose sur la vérification de la validité des concepts au travers

d'expérimentations scientifiques d’itérations fréquentes vers le marché potentiel (Günzel et

Krueger, 2013). Cette méthode conduit les entrepreneurs à traduire leur vision en des

hypothèse de « business models » adaptables, voire jetables, qu’ils testent rapidement et à

moindres frais auprès de leur marché potentiel. Sur base des réponses du marché, les

entrepreneurs décident de conserver leur « business model », de l’adapter ou de le reformuler

totalement . Ce modèle implique des allers-retours entre l’entrepreneur et ses parties

prenantes. Cette approche est encore largement absente de la littérature et de l’enseignement

en entrepreneuriat. Contrairement à l’approche par le plan d’affaires, plus darwinienne, qui

implique une expérimentation tardive et à l’échelle du secteur du « business model », celle du

« lean start-up » est plus lamarckienne et propose une expérimentation précoce et continue.

La première repose sur la planification et la seconde sur un mécanisme d’essais et d’erreurs.

Elle oblige les participants à réfléchir plus entrepreneurialement. En effet, le mode

d’apprentissage des entrepreneurs peut être décrit comme un processus d’essais-erreurs basé

sur une rationalité limitée et sur l’effectuation. Il est donc avant tout expérimental. Krueger

souligne d’ailleurs, qu’en cela, le modèle du « lean start-up » est basé sur une expérimentation

scientifique.

2. 3. L’interdisciplinarité et les champs de recherche récents

Krueger est également un chantre de l’interdisciplinarité pédagogique. La nécessité de faire

reposer les formations à l’entrepreneuriat sur l'interdisciplinarité pédagogique se justifie

notamment par des considérations d’ordre cognitif. Rassembler des mentalités

significativement différentes permet une diversité cognitive qui, non seulement, fait apparaître

une plus grande variété de possibilités, soit un plus large ensemble d’opportunités, mais

facilite également un réel apprentissage. Dans une formation où les modèles mentaux ne sont

pas partagés, il existe une diversité cognitive, c’est-à-dire une diversité significative des

structures de connaissance (Krueger, 2009). Le succès des programmes d'entrepreneuriat

interdisciplinaires découle largement de la diversité cognitive inhérente aux étudiants et

professeurs (Krueger, 2009). Ces différences de mentalité vont en réalité accélérer

l'apprentissage. La seule façon pour les étudiants de rester « sur la même longueur d’onde »

consiste à changer la façon dont ils structurent leurs connaissances, ainsi que leurs a priori les

plus ancrés sur ce que c’est d’être un entrepreneur. C’est ce qui explique le succès des

programmes interdisciplinaires également appelés « venture creation programs »2.

La diversité cognitive est importante dans la plupart des choses de la vie, mais absolument

essentielle pour les entrepreneurs car l’entrepreneuriat requiert de tester constamment ses

hypothèses. Le fait d’avoir des connaissances et des structures cognitives différentes facilite

l’acte d’entreprendre. C’est d’ailleurs pourquoi de nombreux entrepreneurs sont des

généralistes (Lazear, 2005). L’interdisciplinarité conduit aussi Krueger à promouvoir

l‘utilisation de l'expérimentation comme méthode de recherche, alors que la majorité des

travaux empiriques en entrepreneuriat est basée sur des enquêtes ou des entretiens.

Plus récemment, partant du constat qu’une manière efficace d’examiner la cognition

entrepreneuriale est de se concentrer sur des domaines d’application plus spécifiques, il en est

venu à se passionner pour l’entrepreneuriat social et durable3 et, en particulier, pour la

détection d’opportunités entrepreneuriales dans ces domaines (Krueger et al., 2012). La

cognition s’opère au travers de deux systèmes parallèles de traitement de l’information, l’un

étant intentionnel et l’autre automatique. La cognition entrepreneuriale s’est surtout intéressée

à l’aspect intentionnel. Or, l’entrepreneuriat social et/ou durable est probablement aussi le

résultat du traitement automatique ancré dans des suppositions et des croyances profondes

(Krueger et al., 2012). En d’autres termes, ces champs sont très prometteurs pour la recherche

sur les aspect émotionnels de l’évaluation d’opportunités.

2 http://vcplist.com

3 Il a édité les deux premiers numéros spéciaux de revues sur l'entrepreneuriat de l'environnement et introduit

Ashoka et Bill Drayton à l'Academy of Management.

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Annexe : Publications de Norris KRUEGER

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