VOLUME XXXIII:2 – AUTOMNE 2005
1 LiminaireNouvelles tendances à l’égard de la petite enfanceClaire MALTAIS
7 La qualité des services à la petite enfance : Résultats de l’étude longitudinale sur le développement des enfants du Québec (ELDEQ)Christa JAPEL, Richard E. TREMBLAY, Sylvana CÔTÉ
28 L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementaleFrancine SINCLAIR, Jacques NAUD
44 Évaluation des impacts de l’initiative communautaire1,2,3 GO! sur le développement et le bien-être destout-petits et de leurs famillesÉlisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU
67 Un programme de prévention destiné à la petiteenfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communautéYves HERRY
85 La collaboration famille-milieu de garde : ce que nous apprend la rechercheSylvain COUTU, Suzanne LAVIGUEUR, Diane DUBEAU,Marie-Ève BEAUDOIN
112 La communauté peut aider ses enfants à être mieux préparés pour commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfancePierre LAPOINTE, Isabelle MARTIN
125 Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieuurbain défavoriséDenise DOYON, Monique L’HOSTIE
142 De la collaboration au partenariat : analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusiveAndré C. MOREAU, Andrée ROBERTSON, Julie RUEL
161 Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programmeDaniel TURCOTTE, Marie-Christine SAINT-JACQUES,Annick ST-AMAND, Émilie DIONNE
182 Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI1Martine VERREAULT, Andrée POMERLEAU, Gérard MALCUIT
207 Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaireClaire MALTAIS
224 Une approche longitudinale – expérimentale sur les effets des mesures d’éducation préscolaire sur le rendement scolaire des enfants de milieux défavorisés de MontréalLinda PAGANI, Youma GHOSN, Julie JALBERT, Milenka MUNOZ, Maude CHAMBERLAND
247 Écolier à deux ans en FranceCatherine LE CUNFF
259 Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveauxSophie BRIQUET-DUHAZÉ
Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfanceRédactrice invitée :Claire MALTAIS, Faculté d’éducation, Université d’Ottawa, Ontario, Canada
VOLUME XXXIII:2 – AUTOMNE 2005
Revue scientifique virtuelle publiée parl’Association canadienne d’éducationde langue française dont la mission estd’inspirer et de soutenir le développe-ment et l’action des institutions éduca-tives francophones du Canada.
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Collège universitaire de Saint-BonifaceMariette Théberge,
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arbitrés, c’est-à-dire soumis à des pairs,selon une procédure déjà convenue.
La revue Éducation et francophonieest publiée deux fois l’an grâce à l’appui financier du ministère du
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Liminaire
Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance
Claire MALTAISUniversité d’Ottawa, Ontario, Canada
Depuis quelques années, l’intérêt pour la recherche en éducation de la petite
enfance ne cesse de croître. Les récentes recherches menées dans divers domaines
comme la santé (Forum national de la santé, 1997), l’éducation (Conseil des ministres
de l’Éducation, Canada, 1998), l’économie (Cleveland et Krashinsky, 1998) et la
prévention de la criminalité (Conseil national de la prévention du crime, 1996) ainsi
que celles préoccupées par les questions de justice sociale (Jensen et Stroick, 1999)
reconnaissent que des services de qualité offerts aux jeunes enfants s’avèrent un
moyen privilégié de réaliser des objectifs de société. Ces objectifs visent l’épanouis-
sement de tous les enfants, une meilleure préparation lors de leur entrée scolaire, la
réduction de la pauvreté infantile, la productivité économique, la participation active
au marché du travail et la cohésion sociale. Les résultats de ces recherches ont encou-
ragé les divers paliers de gouvernement à investir dans l’éducation des jeunes enfants.
Au Canada, malgré l’augmentation de budgets gouvernementaux alloués à la
petite enfance pour contrer l’inégalité sociale et le décrochage scolaire, les études et
les projets de recherche identifient encore deux problèmes majeurs : l’accessibilité
aux services de garde et la variation importante de leur qualité. Il faut préciser que
dans les provinces canadiennes, les services offerts aux jeunes enfants sont dispen-
sés sous deux formes : les services de garde pour les enfants de moins de 5 ans et le
système scolaire pour les enfants de 5 ans et plus. Les services de garde non parentale
peuvent prendre trois formes : les services institutionnels (garderie, centre de la
petite enfance, centre de garde), les services de garde en milieu familial (approuvés
ou non approuvés) et un troisième type qui relève d’arrangements personnels entre
les parents et une autre personne qui accueille l’enfant chez elle ou qui se rend au
foyer de l’enfant (Palacio-Quentin et Coderre, 1999). Une étude canadienne menée
en 2000 (Goelman, Doherty, Lero, La Grange et Tougas), relève qu’il existe des dis-
parités extrêmes d’une province et d’un territoire à l’autre. En effet, dans certaines
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provinces et régions, les services de garde ne répondent pas à la demande croissante
des familles. Les besoins sont encore plus criants pour les parents d’enfants qui ont
des besoins spéciaux ou qui proviennent de milieux défavorisés. Ce sont cependant ces
clientèles dites « à risques » qui bénéficient le plus de la fréquentation d’un service de
garde de qualité (O’Brien, DiPietro et Scrobino, 1994; Wasik, Ramey, Bryant et Sparling,
1990). L’accessibilité aux services de garde pour tous les enfants peu importe leur lieu
de résidence ou leur revenu familial n’est pas encore une réalité au Canada.
La qualité des services de garde pose également tout un défi. Même si les
recherches menées depuis une quinzaine d’années ont permis de constater que la
fréquentation des services de garde a un effet positif sur le développement langagier,
cognitif et social de tous les enfants (Doherty 2000; Maltais et Herry, 2001; Vandell et
Wolfe, 2000), elles démontrent que les meilleures performances sont associées à la
qualité du service de garde. Elles précisent que c’est la qualité globale du service de
garde qui est significative et non certains aspects particuliers comme la taille du
groupe, le nombre d’enfants dans le service de garde, le ratio éducatrice-enfants, etc.
Mais qu’est-ce qui détermine la qualité d’un service éducatif? L’enquête canadienne,
Oui, ça me touche! (Goelman et al., 2000) rappelle que le modèle écologique de
Bronfenbrenner (1979) permet de comprendre que la qualité d’un service éducatif
repose sur les interactions dynamiques et complexes de plusieurs facteurs. Parmi ces
facteurs (d’ordre structurel, contextuel, environnemental et expérientiel), la qualité
de l’expérience vécue par les enfants semble la plus déterminante. Elle est définie
comme étant la qualité des interactions quotidiennes vécues avec l’intervenante et
les autres enfants ainsi que le type d’activités et de ressources offertes pour leur
développement. La formation des éducatrices et les relations entre les parents et le
personnel de la garderie sont également des facteurs qui influencent la qualité des
milieux de garde.
Ces problèmes d’accessibilité et de qualité inégale des services de garde
expliquent peut-être en partie, le fait que le système scolaire tend à accueillir les
enfants de plus en plus jeunes. En effet, toutes les provinces offrent maintenant un
programme à demi-temps aux enfants de 5 ans et d’autres, comme l’Ontario français
et le Québec, le dispensent à temps plein. Ces programmes de maternelle ou de
jardin d’enfants ont l’avantage d’être accessibles à tous les enfants de 5 ans et d’offrir
une certaine qualité. En effet, ils sont encadrés par des programmes relevant des
ministères de l’Éducation et dispensés par des enseignants. Cependant, des
chercheurs du Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant
(GRIP) qui se sont interrogés sur l’influence de ces programmes de maternelle ou de
jardin d’enfants à temps plein suggèrent qu’il faut continuer les recherches afin
d’identifier des interventions et des stratégies destinées à bonifier les effets de ces
programmes à moyen et à long terme (2000).
D’autres provinces comme l’Ontario ont instauré des programmes pour les
enfants de 4 ans afin de contrer l’assimilation de leur population francophone.
Cependant, leur système d’éducation ne pouvait, par manque de financement, assu-
rer seul l’éducation des jeunes enfants. C’est en s’associant aux services de garde
qu’ils ont pu offrir ce programme à temps plein, et ce, pour tous les enfants de 4 ans.
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Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance
Ce genre d’association reflète tout à fait la tendance actuelle. En effet, devant le
manque de ressources, certains chercheurs et organismes tendent à promouvoir une
concertation entre les différents intervenants qui œuvrent auprès de la petite en-
fance. Au lieu d’avoir deux réseaux (les services de garde et le système scolaire) qui
fonctionnent de façon parallèle, plusieurs projets de recherche suggèrent de les
arrimer afin d’établir une cohérence et une continuité tant dans les programmes que
dans les interventions menées auprès des jeunes enfants.
Un autre courant va même plus loin et tente de créer une véritable synergie en
engageant toute la communauté dans l’éducation des jeunes enfants. Ce genre de
projet tente de rallier les agences communautaires, les municipalités, les gens d’af-
faires, le système scolaire, le système de garde et les parents à un projet commun
visant à contribuer au mieux-vivre des enfants et de leur famille (Partir d’un bon pas
pour un avenir meilleur, Peters, 1999; 1,2, 3 Go!, Bouchard, 2000).
Dans le présent numéro, les auteurs font état de la recherche actuelle en petite
enfance. Dans le premier article, Christa Japel, Richard E. Tremblay et Sylvana Côté
tentent de répondre à la question : « Quelle est la qualité des services éducatifs offerts
présentement aux enfants du Québec? ». En 2003, les résultats de l’Étude longitudi-
nale sur le développement des enfants du Québec indiquent que la majorité des ser-
vices à la petite enfance sont de qualité médiocre ou passable. Cependant, les
Centres de petite enfance affichent une qualité supérieure à celle des milieux privés.
Les auteurs concluent que les gouvernements doivent continuer à investir dans un
réseau public de services à la petite enfance accessible et de qualité.
Pour améliorer les services de garde, les travaux de recherche ont identifié des
facteurs susceptibles d’en améliorer la qualité. Francine Sinclair et Jacques Naud
présentent une réflexion théorique sur le développement de l’enfant selon une pers-
pective sociogénétique. Selon ces auteurs, les programmes d’intervention en petite
enfance devraient être basés sur une éducation développementale. Cette éducation
repose sur le principe d’appropriation (empowerment) selon lequel le soutien à l’en-
fant passe nécessairement par le soutien des personnes en interaction avec lui.
Plusieurs programmes d’intervention précoce reposent sur ce principe d’appro-
priation (d’empowerment) dont l’initiative 1, 2, 3 Go ! (Bouchard, 2000) et Partir d’un
bon pas pour un avenir meilleur (Peters, 1999). Élisa Denis, Gérard Malcuit et Andrée
Pomerleau présentent les résultats de l’initiative 1, 2, 3 Go ! implantée dans cinq terri-
toires défavorisés du Grand-Montréal. Les conclusions qu’ils en tirent ne permettent
pas d’observer d’effets significatifs de cette initiative chez les enfants de 0 à 3 ans.
L’article d’Yves Herry décrit brièvement le programme de prévention longitudi-
nal ontarien Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur, destiné aux enfants de
moins de huit ans et à leur famille. Ce programme aurait des effets à court terme aux
plans comportemental et social chez les enfants et à moyen terme sur leur santé. Chez
les parents, la participation à la conception et à la mise en œuvre du programme a en-
traîné un sentiment d’appropriation et un sentiment d’appartenance à la communauté.
Les trois articles suivants traitent de la collaboration famille, école et commu-
nauté. Sylvain Coutu, Suzanne Lavigueur, Diane Dubeau et Marie-Ève Beaudoin nous
présentent une recension des écrits portant sur la collaboration et la communication
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Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance
entre les parents et les éducatrices travaillant en milieu de garde. La recension se ter-
mine en abordant trois thèmes jugés importants : la satisfaction des parents à l’égard
des services éducatifs, les stratégies de communication parent-éducatrice et la ques-
tion de la concordance éducative entre les adultes qui prennent quotidiennement en
charge les jeunes enfants.
L’article de Pierre Lapointe et d’Isabelle Martin décrit le programme Comprendre
la petite enfance à Montréal. À l’aide d’informations recueillies sur les enfants lors de
leur entrée en maternelle, les intervenants communautaires soutiennent la mise en
œuvre de programmes et de ressources offerts aux enfants et aux familles.
La communauté de soutien à l’enfant est aussi considérée comme le fondement
de l’intervention précoce dans l’article de Denise Doyon et Monique l’Hostie. Les
auteures nous présentent l’élaboration d’un projet de recherche qui porte sur la mise
en place de maternelles 4 ans en milieu urbain défavorisé et les premières données
de leur recherche-action.
En plus des initiatives et des programmes qui s’adressent à des enfants
provenant de milieux défavorisés, d’autres visent une population d’enfants qui ont
des besoins particuliers (handicaps physiques, difficultés de comportement, etc.).
André Moreau, Andrée Robertson et Julie Ruel nous proposent une analyse des
recensions portant sur l’éducation inclusive. Ils identifient les concepts essentiels
liés aux pratiques inclusives et présentent un programme virtuel de perfection-
nement s’adressant aux parents, aux intervenants et aux gestionnaires des services
de garde qui désirent promouvoir l’inclusion des enfants ayant des besoins parti-
culiers.
Daniel Turcotte, Marie-Christine Saint-Jacques, Annick St-Amand et Émilie
Dionne se sont intéressés aux enfants ayant des problèmes de comportement. Leur
article porte sur les résultats d’un programme d’intervention s’adressant au person-
nel des services de garde. Les résultats indiquent que les intervenantes ont perçu des
changements dans leurs stratégies éducatives après avoir bénéficié du programme
SAEM (Service d’aide à l’enfant et à son milieu).
D’autres programmes ciblent des domaines particuliers comme la lecture ou le
langage. Martine Verreault, Andrée Pomerleau et Gérard Malcuit ont évalué les effets
du programme ALI (Activités de lecture interactive) sur le développement cognitif et
langagier d’enfants d’âge préscolaire. Que ce programme soit implanté à domicile,
en milieu de garde ou dans les deux contextes, les résultats démontrent des gains
significatifs aux mesures de langage expressif et d’habiletés non-verbales chez les
enfants âgés de 15, 24 et 48 mois.
Claire Maltais présente les résultats d’une étude visant à évaluer l’effet de quatre
types de services de garde sur le développement langagier d’enfants qui fréquen-
taient un programme de maternelle 4 ans à demi-temps, dans un conseil scolaire de
langue française de l’Ontario. Les résultats indiquent que les enfants qui fréquentent
la garderie ou qui bénéficient des services d’une gardienne à domicile, lorsqu’ils ne
sont pas à l’école, réussissent mieux au plan langagier que ceux qui se font garder par
un de leurs parents ou qui vont chez une gardienne.
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Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance
Linda Pagani, Youmma Ghosn, Julie Jalbert, Milenka Munoz et Maude
Chamberland ont évalué les effets d’un programme 1) sur la compétence linguis-
tique des enfants appartenant aux minorités linguistiques et 2) sur les concepts en
préarithmétique d’enfants à la prématernelle vivant dans des milieux défavorisés de
Montréal. Ils ont aussi évalué les effets d’un programme d’enrichissement mené à la
maternelle.
Les deux derniers articles portent sur l’éducation préscolaire en France. Dans ce
pays, l’école maternelle intègre les enfants dès l’âge de deux ans. L’article de Catherine
Le Cunff nous présente les résultats de recherches portant sur cette scolarisation pré-
coce et son effet sur la réussite scolaire des enfants.
Sophie Briquet-Duhazé quant à elle, présente les résultats d’une recherche por-
tant sur l’écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire. Elle a comparé les résul-
tats en lecture des élèves de classes préscolaires à niveau unique à ceux de classes à
plusieurs niveaux. Les résultats indiquent que les élèves des classes à plusieurs
niveaux développent plusieurs compétences telles que des compétences en lecture
en écoutant les directives de l’enseignante et en interagissant avec les élèves lecteurs.
En conclusion, nous espérons que ces articles, tout en donnant un aperçu de la
recherche en éducation à la petite enfance, susciteront de nouvelles questions et pistes
de recherche susceptibles d’améliorer les programmes destinés aux tout-petits. Les
résultats des recherches suggèrent que leur éducation est la responsabilité de tous y
compris celle du gouvernement canadien qui devrait continuer d’investir dans le
soutien aux jeunes enfants et à leur famille. Tous nos remerciements aux auteurs
ainsi qu’à ceux ou à celles qui ont collaboré à la réalisation de ce numéro. Un merci
tout particulier à Chantal Lainey et à l’équipe de direction de la revue pour leur appui.
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Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance
7volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La qualité des services degarde à la petite enfance :
Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)*
Christa JAPELUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada
Richard E. TremblayUniversité de Montréal, Québec, Canada
Sylvana CôtéUniversité de Montréal, Québec, Canada
RÉSUMÉ
La fréquentation d’un service de garde pendant la petite enfance est devenue
une expérience normative pour les enfants. De nombreuses études ont révélé que,
même en tenant compte du contexte familial, la qualité du milieu de garde a des
effets immédiats et durables sur le développement des enfants. Depuis 1997, la nou-
velle politique familiale au Québec vise la création d’un réseau de services de garde
de qualité qui favorise le développement socioaffectif et cognitif des enfants et qui les
* Pour une description plus détaillée des résultats de l’ÉLDEQ, veuillez consulter le rapport « La qualité, çacompte! La qualité des services de garde au Québec : Résultats de l’Étude longitudinale du développementdes enfants du Québec (ÉLDEQ)» Choix, Montréal : Institut de recherche en politiques publiques, à paraître.
préparent aux exigences rencontrées à l’entrée dans le système scolaire. Or, les résul-
tats récents de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec
(ÉLDEQ) indiquent que la majorité de ces services de garde sont de qualité minimale.
La qualité du service varie cependant selon le type de milieu de garde. Les centres de
la petite enfance, en installation comme en milieu familial, affichent une qualité
supérieure à celle observée dans les garderies à but lucratif et les services en milieu
familial non régi. Les données de l’ÉLDEQ révèlent également que les caractéris-
tiques socio-économiques des familles utilisatrices sont associées à d’importantes
variations de qualité. Ainsi, comparés aux enfants de familles bien nanties, les
enfants de familles moins favorisés sur le plan socio-économique sont plus suscep-
tibles de fréquenter un service de garde de moindre qualité. Ces résultats soulignent
l’importance d’un investissement continu dans un système public de services de
garde de qualité, accessible à tous les enfants quel que soit le statut socio-
économique de leurs parents.
ABSTRACT
The Quality of Early Childhood Day-Care Services:Results of the Longitudinal Study on the Development of Québec
Children (LSDQC)
Christa Japel
Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Richard E. Tremblay
Université de Montréal, Québec, Canada
Sylvana Côté
Université de Montréal, Québec, Canada
Attending a day-care centre in early childhood has become a normative expe-
rience for children. Many studies revealed that, even taking the family context into
account, the quality of the day-care milieu has immediate and lasting effects on child
development. Since 1997, Québec’s new family policy has been aiming to create a
network of quality day-care services which promote the socioaffective and cognitive
development of children and prepare them for the demands of the school system.
The recent results of the Longitudinal study on the Development of Québec Children
(LSDQC) indicates that most of these day-care services are of minimal quality. The
quality of the service varies, however, according to the type of day-care setting. Early
childhood centres set up like a family environment are superior to those observed in
the for-profit day-care centres and unregulated services in family settings. LSDQC
data also reveals that the socio-economic characteristics of families who use day-
care services vary condsiderably in quality. Thus, compared to children from well-off
families, children from less socially and economically advantaged families are more
susceptible to attending lower-quality day-care centres. These results highlight the
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
importance of continuing to invest in a quality public day-care system accessible to
all children, regardless of the socio-economic status of their parents.
RESUMEN
La calidad de los servicios de las guarderías infantiles: Resultados delEstudio longitudinal del desarrollo de los niños de Quebec (ELDEQ)*Christa Japel
Universidad de Quebec en Montreal, Quebec, Canadá
Richarde E. Tremblay
Universidad de Montreal, Quebec, Canadá
Sylvana Côté
Universidad de Montreal, Quebec, Canadá
* Para una descripción detallada de los resultados del ELDEQ, consulte el informe « ¡Lacalidad cuenta! La calidad de los servicios de guardería en Quebec : Resultados delestudio longitudinal del desarrollo de los niños de Quebec (ELDEQ) » Choix, Montreal:Institut de recherche en politiques publiques, en prensa.
La frecuentación de un servicio de guardería durante la infancia se ha conver-
tido en una experiencia normativa para los niños. Una gran cantidad de estudios
revela que, aun si se tiene en cuenta el contexto familiar, la calidad del medio de
guarda tiene repercusiones inmediatas y duraderas sobre el desarrollo de los niños.
Desde 1997, la nueva política familiar de Quebec se propone crear una red de servi-
cios de guardería de calidad que favorezca el desarrollo socio-afectivo y cognitivo de
los niños y que los prepare a los requerimientos que confrontan al ingresar al sistema
escolar. Ahora bien, los resultados recientes del Estudio longitudinal del desarrollo
de los niños de Quebec (ELDEQ) muestran que la mayor parte de servicios de
guardería poseen una calidad mínima. La calidad del servicio varia de acuerdo con el
medio de guarda. Los centros de la infancia, tanto los públicos como aquellos del
medio familiar, demuestran una calidad superior a la observada en las guarderías
con fines lucrativos y en los servicios en medio familiar no reglamentados. Los datos
del ELDEQ muestran asimismo que las características socioeconómicas de las famil-
ias usuarias están relacionadas con importantes variaciones de calidad. Así, si se
compara a los niños de familias con recursos, los niños provenientes de familias des-
favorecidas sobre el plan socioeconómico presentan más posibilidades de frecuentar
un servicio de guardería de poca calidad. Los resultados realzan la importancia de
una inversión constante en el sistema público de guarderías de calidad, accesibles a
todos los niños sin importar la situación socioeconómica de sus familias.
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
Introduction
De plus en plus de familles avec des enfants d’âge préscolaire ont recours à la
garde non parentale, principalement à cause de l’augmentation du nombre de mères
qui travaillent. Au Québec, entre 1976 et 2002, le taux de participation au marché du
travail des mères qui avaient des enfants en bas âge, soit plus jeunes que 6 ans, a aug-
menté de 30 à 73 % (Statistique Canada, 2003). Comparées aux mères de jeunes
enfants dans le reste du Canada, les mères québécoises ont, dans le passé, affiché des
taux inférieurs quant à leur participation au marché du travail, au nombre d’heures
travaillées et à leur revenu. Cependant, cet écart s’est amoindri significativement
depuis 1997 (Lefebvre, 2004). Ce phénomène semble directement relié à certaines
nouvelles dispositions de la politique familiale entrées graduellement en vigueur au
Québec depuis 1997. Plus précisément, la nouvelle politique familiale comprenait la
mise en place de services éducatifs et de services de garde à la petite enfance visant
à permettre aux parents de concilier leur rôle dans l’éducation de leurs jeunes
enfants avec leur travail, leurs études ou leur réinsertion sociale ou professionnelle.
Au-delà de la conciliation famille-travail, la création de ces services avait également
comme but de fournir à tous les enfants, quel que soit le statut de leurs parents, un
milieu préscolaire de qualité qui favorise leur développement socioaffectif et cogni-
tif et qui les prépare aux exigences rencontrées à l’entrée dans le système scolaire
(MFE, 1997).
L’implantation de la nouvelle politique familiale en ce qui concerne la création
d’un réseau de services de garde éducatifs à contribution parentale réduite coïncide
avec le début de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec
(ÉLDEQ) qui est menée conjointement par la Direction Santé Québec de l’Institut de
la statistique du Québec et une équipe interdisciplinaire de chercheurs venant de
diverses universités (Jetté & Des Groseilliers, 2000). L’objectif de cette étude, qui a
débuté alors que les enfants étaient âgés de 5 mois, est d’identifier les facteurs de
risque et de protection qui, pendant une période cruciale de leur développement,
peuvent compromettre ou favoriser leur adaptation à l’école. Étant donné cette coïn-
cidence historique et la contribution potentielle de la qualité du milieu préscolaire
au développement cognitif et social de l’enfant, une évaluation des milieux de garde
fréquentés par les enfants de l’ÉLDEQ s’est avérée incontournable. Puisque les objec-
tifs de la nouvelle politique familiale rejoignent ceux de l’ÉLDEQ, il était important
d’évaluer la qualité des services de garde afin de dresser un portrait de la situation
actuelle du réseau. Cet article présente un profil de la qualité des différents services
de garde, en installation ou en milieu familial, fréquentés par les enfants de l’ÉLDEQ
entre l’âge de deux ans et demi et de cinq ans. De plus, puisque la politique familiale
québécoise vise l’égalité des chances grâce à la mise en place de services de garde de
qualité accessibles à tous les enfants quel que soit le statut social de leurs parents,
nous avons également examiné le lien entre le statut socio-économique des familles
et la qualité des milieux de garde fréquentés par les enfants.
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
La qualité des services de garde
La qualité des services et le développement de l’enfantLe développement des enfants est influencé par les multiples environnements
auxquels ils sont exposés. Étant donné que la garde non parentale est devenue la
norme dans plusieurs pays, et que ces services représentent un environnement
important d’apprentissage, depuis une vingtaine d’années de nombreux chercheurs
se sont interrogés sur l’impact de cette expérience sur le développement de l’enfant.
La première vague de recherches dans ce domaine s’est préoccupée des effets néga-
tifs possibles de la fréquentation d’un service à un très jeune âge. Ces travaux révè-
lent des résultats peu concluants quant à la qualité de l’attachement et à l’adaptation
ultérieure de l’enfant ayant fréquenté un service avant l’âge d’un an (Belsky, 1986;
Clarke-Stuart, 1989). Le deuxième courant de recherche s’est intéressé aux variations
de qualité et leurs impacts éventuels sur le développement de l’enfant. Dans cette
perspective, les recherches permettent de conclure que la fréquentation d’un service
préscolaire de faible qualité peut nuire au développement social, affectif et cognitif
de l’enfant (Burchinal et al., 1989), tandis qu’un milieu de qualité est associé à de
multiples bénéfices développementaux pour les enfants (NICHD, 1996; NICHD &
Duncan, 2003; Peisner-Feinberg et al., 2001), et particulièrement pour ceux issus de
milieux défavorisés (Burchinal et al., 1997; NICHD & Duncan, 2003; Schliecker, White
& Jacobs, 1991 ). Le troisième et plus récent courant de recherche s’est penché sur les
influences conjointes des services préscolaires et des contextes familiaux sur le
développement de l’enfant. En conséquence, examiner l’impact des services sur les
jeunes enfants revient à étudier les questions entourant la qualité des soins reçus à la
fois à la maison et dans des services de garde. Cependant, les caractéristiques du
contexte familial qui sont fortement associées à l’adaptation de l’enfant, sont égale-
ment reliées au choix du milieu préscolaire et à ses caractéristiques (NICHD, 1997,
1998). Les différentes études soutiennent néanmoins que la qualité des services
offerts est un élément qui contribue au développement des enfants. Notons que les
effets de qualité sont modérés, mais on les retrouve même après avoir tenu compte
du facteur de sélection des familles concernant la qualité du service et la personna-
lité de l’enfant. À ce jour, donc, les résultats de diverses études longitudinales impor-
tantes et raisonnablement représentatives ont confirmé les effets à la fois immédiats
et durables de services de garde de qualité sur le développement cognitif et langagi-
er, ainsi que sur la réussite scolaire (Barnett, 2001; Campbell et al., 2001; NICHD &
Duncan, 2003; Peisner-Feinberg et al., 1999; Sylva, Melhuish, Sammons, Siraj-
Blatchford & Taggart, 2004). De plus, bien que la qualité puisse être encore plus cruciale
pour les enfants issus de milieux socio-économiques plus défavorisés, les résultats
indiquent qu’un service de garde de qualité est associé à des bénéfices développe-
mentaux chez les enfants de tous les milieux (Peisner-Feinberg et al., 2001).
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1. Depuis le 1er janvier 2004, les tarifs chargés aux parents sont de 7$ par jour, par enfant.
La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
À ce jour, donc, lesrésultats de diverses
études longitudinalesimportantes et raisonna-blement représentativesont confirmé les effets à
la fois immédiats etdurables de services degarde de qualité sur le
développement cognitifet langagier, ainsi quesur la réussite scolaire
Les services de garde à la petite enfance au QuébecLa création en 1997 des centres de la petite enfance (CPE) visait à faciliter le
développement et l’égalité des chances pour les 1,6 millions d’enfants du Québec,
entres autres, par la mise en place d’un réseau de services de garde éducatifs permet-
tant à tous les enfants d’avoir accès à des services de qualité. Le gouvernement ten-
tait de traduire en initiative concrète l’importance d’investir dans la petite enfance et
ainsi dans le capital humain d’une société qui en bénéficiera à long terme. Les ser-
vices éducatifs auxquels ont accès les jeunes enfants québécois sont regroupés en
deux grandes catégories : les services dits en « installation » où l’on retrouve les cen-
tres de la petite enfance (CPE) et les installations à but lucratif (garderies); et les ser-
vices dits « en milieu familial », qui incluent les milieux familiaux accrédités par les
CPE, et les milieux familiaux non régis par la Loi sur les centres de la petite enfance
et autres services de garde à l’enfance (Gouvernement du Québec, 1997). Tel qu’il-
lustré par le tableau 1, le réseau des CPE, services à but non lucratif, subventionnés
par l’état, gérés majoritairement par les parents et accessibles au modeste prix de 5 $1
par jour était en forte croissance de 1997 à 2003. Ceci reflète l’objectif du gouverne-
ment qui était de créer quelque 200 000 places à partir des services régis existants,
soit les garderies à but non lucratif, les services de garde en milieu familial accrédités
et les garderies à but lucratif. Ce taux de croissance des CPE traduit également la
préférence des parents pour ce type de milieu de garde. Les garderies à but lucratif
affichent au contraire une très faible croissance, étant donné le moratoire de cinq ans
imposé par le gouvernement sur la création de nouvelles garderies à but lucratif.
Ce moratoire a été levé en juin 2002.
Tableau 1 : Développement des services à la petite enfance de 1997 à 2003
(Nombre de places)
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
CPE CPE Nb total Nb d’enfantsInstallation Milieu familial Garderie de places au Québec
service régi 0-4 ans
1997-98 36 606 21 761 23 935 82 302 428 297
1998-99 38 918 32 816 24 964 96 698 412 161
1999-00 44 735 44 882 24 936 114 553 397 971
2000-01 51 570 55 979 25 701 133 250 382 727
2001-02 58 525 62 193 25 883 146 600 373 191
2002-03 67 123 71 365 25 882 164 410 366 619
Source : Ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, 2004
Méthodologie
ÉchantillonDepuis 1998, l’ÉLDEQ suit annuellement le développement d’une cohorte de
2 223 jeunes enfants. Cet échantillon, constitué à partir du registre des naissances, est
représentatif des enfants nés au Québec entre le 1er octobre 1997 et le 31 juillet 1998
(Jetté & Des Groseilliers, 2000). Les visites des milieux de garde fréquentés par les
enfants de l’ÉLDEQ ont commencé en 2000 et se sont poursuivies annuellement
jusqu’en 2003, année où toute la cohorte allait atteindre l’âge de cinq ans au mois de
septembre. Pendant ces quatre années, nous avons pu observer 925 enfants au moins
une fois dans leur milieu de garde, ce qui représente approximativement 70 % des
enfants ayant fréquenté de façon régulière un milieu de garde entre 2000 et 2003. Une
deuxième observation a pu avoir lieu dans 45 % des cas, une troisième dans 18 % des
cas, et une quatrième dans 4 % des cas (c’est-à-dire à chacune des collectes). Au total,
les assistantes ont effectué 1 574 observations d’une durée de cinq à six heures dans
les différents services de garde à la petite enfance. Le tableau 2 présente le nombre
des milieux évalués lors de chaque collecte ainsi que leur type.
Les résultats concernant la qualité des services de garde comportent un
léger biais relié au statut socio-économique des enfants dont le milieu de garde a pu
être évalué. Plus précisément, les enfants fréquentant un service de garde qui n’a pu
être évalué, à cause du refus des parents ou du service de garde, provenaient de
familles ayant un statut socio-économique légèrement plus faible.
Tableau 2 : Nombre de services à la petite enfance évalués, ÉLDEQ, 2000-2003
Mesures
L’évaluation de la qualité des services de garde à la petite enfanceAfin d’évaluer la qualité des milieux préscolaires fréquentés par les enfants de
l’ÉLDEQ, la traduction française du ECERS-R (Échelle d’évaluation de l’environ-
nement préscolaire; Harms, Clifford, & Cryer, 1998) et son équivalent adapté pour le
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
CPE CPE Garderie M. Familial TotalInstallation M. Familial Non régi
2000 (2 ans) 126 66 56 53 301
2001 (3 ans) 253 166 98 81 598
2002 (4 ans) 151 60 51 28 290
2003 (5 ans) 198 45 91 17 351
Total 728 337 296 179 1 540
Note : Le total s’élève à N = 1540. Ne faisant pas partie des catégories ci-dessous, 34 services (prématernelles,
halte-garderies ou jardins d’enfants) ne figurent pas dans le tableau.
milieu familial (Family Day Care Rating Scale; FDCRS - Grille d’évaluation des ser-
vices de garde en milieu familial; Harms & Clifford, 1993) ont servi comme outil prin-
cipal. Les caractéristiques psychométriques de ces instruments sont bien établies
(Cassidy, Hestenes, Hegde, Hestenes & Mims, 2003). La valeur prédictive du ECERS-
R est également bien documentée (Vandell & Wolfe, 2000). Ainsi, on trouve des rela-
tions significatives entre la qualité globale selon le score obtenu au ECERS et des
indicateurs de développement cognitif et socioaffectif chez les enfants (par exemple,
Peisner-Feinberg & Burchinal, 1997; Sylva et al., 2004). Le score au ECERS est égale-
ment relié à certaines caractéristiques d’ordre structurel telles le niveau d’éducation
et la formation spécialisée du personnel, leur rémunération et le statut juridique du
service (Goelman et al., 2000; Sylva et al., 2004).
L’ECERS-R est conçue pour être utilisée auprès d’enfants âgés de deux ans et
demi à cinq ans inclusivement qui fréquentent un milieu en installation. L’échelle
comporte 470 descripteurs regroupés en 43 items qui constituent sept sous-échelles
(Mobilier et aménagement, Soins personnels, Langage et raisonnement, Activités,
Interactions, Structure du service, Parents et personnel). Étant donné le caractère
multi-âge des services en milieu familial, la Grille d’évaluation des services de garde
en milieu familial peut être utilisée pour tous les groupes d’âge d’enfants. Bien que
les items reflètent la réalité d’un service en milieu familial, la structure de cette grille
est presque identique à celle de l’ECERS-R (32 items regroupés en 6 sous-échelles,
soit Espace et mobilier réservés aux soins et aux activités d’apprentissage, Activités
de routine, Langage et raisonnement, Activités d’apprentissage, Développement
social, Besoins des adultes). Les deux instruments permettent d’obtenir un score
global de qualité ainsi qu’un profil de qualité pour chaque item et pour chaque sous-
échelle. Le calcul est effectué à partir de l’absence ou de la présence des descripteurs
et situe le service sur une échelle de 1 à 7. Le score le plus bas (1) décrit un service
considéré ‘inadéquat’ (soins qui ne rencontrent pas les critères des règlements en
vigueur et ne répondent pas aux besoins fondamentaux des enfants); un score de
3 classe le service dans la catégorie ‘minimal’ (soins qui rencontrent les critères des
règlements en vigueur et, à un faible degré, les besoins fondamentaux de base), un
service qui reçoit la cote 5 est considéré ‘bon’ (les soins prodigués sont appropriés
aux stades développementaux des enfants); un service qui rencontre toutes les exi-
gences de l’échelle se situe à 7, soit de niveau ‘excellent’ (des soins personnalisés de
qualité supérieure).
L’indice de statut socio-économiqueLe statut socio-économique est un indice qui est calculé à partir d’informations
recueillies auprès des parents concernant leur niveau d’éducation, leur prestige
occupationnel et le revenu familial. (Willms & Shield; 1996). Cet indice de position
relative d’une famille par rapport à l’ensemble d’une population est un bon pré-
dicteur de l’adaptation psychosociale chez les enfants (Willms 2002). Dans l’ÉLDEQ,
cet indice a été standardisé avec une moyenne de zéro et deux écarts types au-dessus
et en dessous. La moyenne de zéro représente le statut socio-économique moyen de
la population à l’étude. Ainsi les familles qui se situent au-dessus de zéro sur cette
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
échelle ont un statut socio-économique plus élevé que la moyenne des familles, et
celles qui se situent en dessous de zéro sont moins bien nanties que la majorité des
familles. Pour les analyses présentées dans le cadre de cet article, nous avons divisé
la distribution sur l’échelle de statut socio-économique en quartiles : le premier
quartile représente les 25 % des familles qui se situent à l’extrême inférieur de
l’échelle. Inversement, le quatrième quartile regroupe les 25 % des familles qui sont
très favorisées sur le plan socio-économique.
La formation des assistantesLa formation des assistantes s’apparente à celle empruntée dans d’autres
recherches sur la qualité des services de garde (Drouin et al., 2004; Goelman et al.,
2000). Avant d’entamer les observations sur le terrain, les assistantes de recherche
ont suivi une formation de cinq jours. Celle-ci comprenait une partie théorique qui
visait à familiariser les assistantes avec les normes et règlements gouvernementaux
concernant les services de garde ainsi qu’avec les fondements théoriques des
échelles d’évaluation, leur utilisation et leur système de notation. La partie pratique
comportait l’application de ces connaissances théoriques dans le cadre d’une visite
d’un service. Cette visite était suivie d’une session permettant un retour sur les items
pour lesquels des divergences de notation avaient été rapportées. De plus, au début
de la collecte, les premières évaluations étaient effectuées par deux assistantes pour
vérifier l’accord inter-juges sur le terrain. Dans le cas d’une divergence marquée
entre les assistantes, des formations d’appoint et des visites dans un milieu en com-
pagnie de la formatrice étaient mises en place. Cette pratique d’observation et de
cotation sur le terrain a permis d’établir un accord inter-juges qui s’est avéré très sa-
tisfaisant (corrélations intra-classes de 0.93).
Résultats
À chaque collecte de données faite par les chercheurs de l’ÉLDEQ, les parents
ont indiqué si leurs enfants fréquentaient un milieu de garde, et, si oui, de quel type
de milieu il s’agissait.
Tel qu’illustré par la figure 1, le pourcentage des enfants dont les parents ont
recours à un service se situe à 14 % alors que les enfants sont âgés de 5 mois. Un an
plus tard, ce taux a triplé (42 %), sans doute à cause de la fin du congé parental et le
retour au travail d’un bon nombre de mères. À l’âge de trois ans et demi et de quatre
ans, trois quarts (75 %) des parents utilisent de façon régulière un service pour leurs
enfants. Enfin, quand les enfants sont en âge d’aller à la prématernelle, 81 p. 100
fréquentent un milieu de garde (y inclus le service de garde de l’école pour les enfants
qui fréquentent une prématernelle en milieu scolaire).
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
Figure 1 : Pourcentage des enfants qui utilisent les services de garde à la petite
enfance selon leur âge, ÉLDEQ 1998-2003
*Les enfants auront atteint l’âge de 5 ans au 30 septembre 2003
La figure 2 présente le type de service fréquenté par les enfants de l’ÉLDEQ à
l’âge de trois ans et demi. On constate alors qu’à cet âge, plus de la moitié des enfants
(60 %) bénéficient d’une place dans un centre de la petite enfance, soit en installation
(37 %) ou en milieu familial (23 %). Environ 5 % des enfants fréquentent une garderie
à but lucratif, et 27 % des enfants reçoivent des services en milieu familial non régi.
Ce dernier taux assez élevé semble refléter le nombre insuffisant de places subven-
tionnées disponibles aux parents, ce qui les amène à avoir recours à des services non
régis. En fait, les parents ayant participé à l’ÉLDEQ ont indiqué qu’un peu plus de la
moitié d’entre eux dont les enfants fréquentaient une garderie à but lucratif ou un
milieu familial non régi auraient préféré un CPE (Desrosiers et al., 2004).
Figure 2 : Répartition des enfants qui utilisent des services à trois ans et demi selon
le type de milieu fréquenté
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
Si la majorité des enfants de l’ÉLDEQ (75 %) reçoivent des services de garde non
parentale à l’âge de trois ans et demi, un quart des enfants (25 %) ne fréquentent pas
un service de garde à cet âge. La figure 3 présente la distribution de ces enfants selon
le statut socio-économique de leurs parents. Les données révèlent un gradient mar-
qué quant à la fréquentation d’un service et le statut socio-économique des parents.
Ainsi, parmi les familles appartenant au plus bas quartile socio-économique, presque
la moitié (46 %) des enfants ne fréquentent pas un service de garde. Par contre, seule-
ment 11 % des enfants dont les parents se situent dans le plus haut quartile socio-
économique ne fréquentent pas un service de garde.
Figure 3 : Distribution (%) des enfants qui ne reçoivent pas des services de garde à
la petite enfance à l’âge de trois ans et demi selon le niveau socio-économique de
leurs familles
La figure 4 présente le résultat des 1 574 observations effectuées dans les services
à la petite enfance de 2000 à 2003. Les données présentées se rapportent à l’ensem-
ble des milieux évalués et comprennent les résultats de tous les types de services
fréquentés par les enfants de l’ÉLDEQ (en installation, en milieu familial, régi et non
régi). Il appert alors que la majorité de ces services (61 %) ont reçu un résultat les si-
tuant dans la catégorie ‘minimale’ en ce qui concerne la qualité d’ensemble des soins
prodigués aux enfants. Environ 13 % des services se sont avérés inadéquats, et seule-
ment un service sur 4 (26 %) a été coté à 5 ou plus, affichant ainsi une bonne qualité.
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
Figure 4 : Qualité d’ensemble des milieux visités de 2000 à 2003 (N =1574)
La figure 5 montre les résultats de façon plus détaillée. Par exemple, quand on
regarde les milieux jugés inadéquats (13 %), c’est-à-dire où la santé et la sécurité ainsi
que la stimulation éducative des enfants ne sont pas assurées, on note que 2 % se
situent à la limite inférieure de cette catégorie, et que 11 % ont obtenu un score de
2 à 2,9. La majorité des milieux de garde (61 p. 100), sont de qualité minimale, ce qui
signifie qu’ils satisfont aux standards de base relatifs à la santé et à la sécurité des
enfants, mais que l’aspect éducatif y est minimal. Parmi ces derniers, 26% se trouvent
dans la partie inférieure de la catégorie (3 à 3,9), et 35 % dans la partie supérieure
(4 à 4,9). Environ un milieu sur 5 (22 %) dépasse ce seuil minimal, c’est-à-dire qu’il
offre des services appropriés aux stades développementaux des enfants et qu’ils cons-
tituent un environnement éducatif et stimulant. Enfin, 4 % des milieux évalués ont
un résultat de 6 et plus : ce sont des milieux qui favorisent encore davantage le
développement des enfants.
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
Figure 5 : Qualité d’ensemble des milieux visités de 2000 à 2003 (N = 1574)
La qualité des services selon le type de milieu observé est présentée à la figure 6.
Parmi les milieux ayant reçu un résultat de 5 et plus (bon à excellent) on constate que
les centres de la petite enfance sont fortement représentés. Ainsi, plus d’un tiers
(35 %) des CPE en installation et 29 % des CPE en milieu familial affichent une bonne
qualité. Mais seulement 14% des garderies à but lucratif et un service en milieu
familial non régi sur dix (10 %) atteignent ce niveau de qualité. Quant aux services
ayant reçu un résultat inférieur à 3 et ainsi la cote ‘inadéquat’, on observe une distri-
bution en sens inverse à l’égard du pourcentage des services à but lucratif ou non
régis représentés dans cette catégorie. Seulement 6 % des CPE en installation et 7 %
des CPE en milieu familial s’avèrent inadéquats tandis que 27 % des garderies et 26 %
des services en milieu familial non régi ne rencontrent pas les standards de base.
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
Figure 6 : Pourcentage des différents services de garde qui se situent à un niveau de
qualité d’ensemble « bon à excellent » et « inadéquat »
La figure 7 illustre de quel contexte socio-économique proviennent les enfants
qui fréquentent les services de garde à la petite enfance de bonne qualité. Bien que
la distribution ne semble pas trop biaisée, on note cependant un certain écart
lorsque l’on compare les groupes d’enfants se situant aux deux extrêmes de la distri-
bution. Seulement 22 % des enfants de familles plus défavorisées sur le plan socio-
économique fréquentent un bon milieu pendant que 27 % des enfants de familles
bien nanties bénéficient d’un service de bonne qualité.
Figure 7 : Pourcentage des enfants dans des services « bon à excellent » selon le
niveau socio-économique de leurs familles
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
L’écart entre les enfants de familles favorisées et moins favorisées sur le plan
socio-économique ressort de façon plus marquée quand la fréquentation des services
inadéquats est examinée. Tel que bien illustré par la figure 8, les enfants de faible
niveau socio-économique sont plus susceptibles de fréquenter un milieu inadéquat
que ceux qui proviennent d’une famille aisée. Plus précisément, environ un enfant
sur cinq (20 %) de familles se situant dans le plus faible quartile socio-économique se
retrouve dans un service de garde coté ‘inadéquat’ alors que moins d’un enfant sur
dix (9 %) de niveau socio-économique élevé passe son temps dans un environ-
nement de qualité médiocre..
Figure 8 : Pourcentage des enfants dans des services « inadéquat » selon le niveau
socio-économique de leurs familles
Discussion
Les observations dans les 1 574 services de garde à la petite enfance évalués
entre 2000 et 2003 à l’aide du ECERS-R (ou son équivalent pour le milieu familial)
révèlent que seulement un quart de ces milieux atteint un niveau de bonne qualité.
Presque trois quarts des services se situent alors à un niveau de qualité d’ensemble
qui est inférieur à bon. Bien que la majorité des services s’avère de qualité minimale,
presque un milieu sur six n’assure pas la santé et la sécurité des enfants et est donc
de qualité inadéquate.
Le niveau de qualité varie cependant selon le type de service utilisé. Parmi les
services en installation, plus d’un tiers des CPE se classent dans la catégorie « bon à
excellent », alors que moins d’une garderie à but lucratif sur six a été jugée de bonne
qualité. On observe le même phénomène pour les services en milieu familial :
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
Presque trois sur dix des CPE en milieu familial sont classés « bon à excellent », alors
que seulement un service en milieu familial non régi sur dix atteint un résultat le
classant dans cette catégorie. Quant aux services jugés de qualité inadéquate, les
garderies à but lucratif et les services en milieu familial non régi sont fortement
représentés. En fait, plus d’un quart des garderies et des milieux familiaux non régis
démontrent des lacunes importantes en ce qui concerne les soins prodigués aux
enfants qui leur sont confiés. Ces résultats suggèrent que, dans l’ensemble, les ser-
vices de garde à la petite enfance au Québec n’aient pas encore atteint le niveau de
qualité recherché et visé par la nouvelle politique familiale.
Les résultats de l’ÉLDEQ confirment ceux du rapport Oui, ça me touche !, paru à
la suite d’une enquête pancanadienne réalisée en 1998 auprès d’un échantillon de
234 milieux de garde en installation et de 231 en milieu familial, dont respectivement
36 et 42 étaient situés au Québec. Cette étude avait pour but de tracer le portrait des
salaires, des conditions de travail et des meilleures pratiques qu’on retrouve dans ces
services de garde. Pour y parvenir, on a utilisé la ECERS-R et la FDCRS comme outils
d’évaluation (Goelman, et al., 2000; Doherty, et al, 2000). Cette enquête a fourni une
vue d’ensemble de la qualité des services offerts dans les milieux de garde au Canada.
Malgré un important effet de sélection dû au fait que plusieurs milieux de garde ont
refusé d’y participer2, les résultats de l’étude indiquent que la majorité des milieux de
la petite enfance prodiguent des soins de garde qui sont de qualité minimale, c’est-à-
dire que la santé et la sécurité des enfants ne sont généralement pas compromises,
mais qu’il y a place à amélioration en ce qui concerne la stimulation des enfants par
des activités variées adaptées à leur développement ainsi que les mesures en matière
des pratiques d’hygiène.
Le rapport Grandir en qualité, qui a fait suite à l’enquête commandée par le gou-
vernement québécois à l’Institut de la statistique du Québec et réalisée au printemps
de 2003 auprès de 800 groupes d’enfants dans des services de garde régis au Québec,
arrive à une conclusion semblable (Drouin et al., 2004). L’étude, effectuée auprès
d’un échantillon représentatif d’enfants qui fréquentaient des services de garde (en
installation et en milieu familial) visait à évaluer la qualité de ces différents milieux,
et à déterminer leurs forces et leurs faiblesses de même que les principales carac-
téristiques associées à la qualité des services offerts. Comme le gouvernement qué-
bécois avait choisi de créer ses propres outils d’évaluation, la comparaison qu’on
peut faire entre les résultats de Grandir en qualité et ceux de l’ÉLDEQ et de Oui, ça me
touche ! est limitée. De plus, l’enquête de l’Institut de la statistique n’a évalué que les
milieux régis. Cependant, de manière générale, ses résultats indiquent que les
milieux de garde évalués n’atteignent, en moyenne, que la note passable. Et, comme
les autres études, elle permet d’observer de faibles niveaux de qualité en ce qui a trait
aux activités et au matériel qui favorisent le développement des enfants sur le plan
du langage et de la psychomotricité. Cette enquête révèle également des lacunes
importantes en matière de santé et de sécurité.
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2. Les taux de refus se situent à 43 p. 100 pour les services en installation et à 39 p. 100 pour les services enmilieu familial.
La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
Par ailleurs, les résultats des trois études convergent en ce qui a trait à la qualité
inférieure des milieux de garde à but lucratif, comparée à celle des milieux à but non
lucratif. La qualité d’un service de garde à la petite enfance comporte plusieurs
dimensions que l’on conceptualise habituellement selon deux grandes catégories
d’indicateurs : la qualité structurelle et la qualité du processus (Vandell & Wolfe,
2000). La qualité de la relation éducatrice-enfant, qui est l’élément central de la qua-
lité du processus, est fortement reliée aux compétences professionnelles que l’édu-
catrice possède. Ainsi, la présence d’un personnel ayant complété une formation
postsecondaire en services éducatifs et de garde à l’enfance est fortement associé à
la qualité d’un service (Cleveland & Krashinsky, 2004; Goelman et al., 2000). Au
Québec, les règlements sur les garderies et les centres de la petite enfance stipulent
que, dans une garderie, le titulaire de permis doit s’assurer qu’au moins un membre
de son personnel sur trois possède une qualification en petite enfance, tandis que ce
ratio se situe à deux sur trois dans les CPE. Étant donné que les garderies à but
lucratif sont subventionnées à un taux d’environ 20 % plus bas que les CPE et que
leur vocation est essentiellement commerciale, le manque de qualité observé dans
ces milieux semble partiellement dû à l’embauche de personnel peu qualifié pour
offrir des environnements enrichis qui favorisent le développement des enfants.
Les résultats de l’ÉLDEQ révèlent également qu’il y a un important écart socio-
économique entre les familles qui ont recours à un service de garde à la petite
enfance pour leurs enfants et celles qui n’utilisent pas ces services. Les enfants de
milieux moins favorisés sur le plan socio-économique sont moins susceptibles de
fréquenter un milieu de garde que les enfants de familles plus aisées. De plus, lorsque
les enfants de milieux moins favorisés fréquentent un service de garde, celui-ci
risque d’être de moindre qualité. Ceci suggère que, malgré l’augmentation impor-
tante du nombre de places en CPE depuis 1997, la politique familiale rejoint plus
facilement la partie de la population qui est la moins défavorisée. En fait, les travaux
d’économistes ont montré que l’investissement massif dans la création d’un réseau
de CPE favorise les familles à haut revenu (Lefebvre & Merrigan, 2003). Ainsi 50 % des
enfants bénéficiant d’une place à contribution réduite proviennent d’une famille
ayant un revenu supérieur à 60 000 $ alors que ces familles ne représentent qu’envi-
ron 36 % des familles avec des enfants d’âge préscolaire. Quant aux enfants des
familles défavorisés (environ 18 % des enfants), ils ne représentent que 9 % des
enfants en milieu de garde subventionné.
Conclusion
Les services de garde à la petite enfance ont connu de nombreuses transforma-
tions depuis l’adoption de la nouvelle politique familiale du gouvernement du
Québec en 1997. Malgré le fait que la réforme de la politique familiale a suscité d’im-
portantes critiques, le modèle québécois a permis la mise en place d’un réseau de
centres à la petite enfance qui se démarquent par leur engagement d’offrir des ser-
vices de qualité à tous les enfants. Depuis 1997, ce réseau a connu une rapide expan-
23volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
sion pour pouvoir répondre à la demande des parents, expansion dans laquelle l’ac-
cent a été mis sur la quantité plutôt que sur la qualité des places disponibles. Les
résultats de l’ÉLDEQ présentés à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée
Nationale du Québec ainsi qu’à l’Association québécoise des Centres de la petite
enfance (Tremblay, Japel, & Côté, 2003) ont soulevé un questionnement au sujet des
pratiques dans les milieux et ont ainsi donné lieu à plusieurs initiatives régionales
qui visent à augmenter le niveau de qualité dans les CPE. Ces initiatives doivent
cependant composer avec un contexte de changement quant au financement du
réseau. Depuis l’arrivé d’un nouveau gouvernement au Québec en 2003, de multiples
changements ont été apportés telles l’augmentation des tarifs payés par les parents
(de 5 $ à 7 $), l’imposition de restrictions budgétaires à tous les services, à but non
lucratif comme à but lucratif, et la récupération de surplus accumulés par les CPE. De
plus, ce gouvernement a pris position en faveur des garderies à but lucratif en leur
accordant une place importante dans la création des 12 000 places qui manquaient
encore pour rencontrer l’objectif de 200 000 places.
Nous sommes de l’avis que les services de garde à la petite enfance constituent
un service essentiel qui relève du bien public et qui doit être porté collectivement,
tout comme l’école publique et les soins de santé. Avoir accès à des services de qua-
lité devrait être un droit assuré à chaque parent et à chaque enfant. Cependant, pour
assurer l’égalité des chances, cibler des populations vulnérables et investir davantage
pour améliorer les services qui leur sont offerts permettra de diminuer l’écart que
l’on observe, sur le plan des chances de se développer pleinement, entre les enfants
de milieux défavorisés et ceux de milieux favorisés. Une approche universelle qui ne
prévoit pas de mesures particulières pour réduire ces écarts risque en fait de les
aggraver (Ceci et Papierno, 2005). Le développement et le maintien d’un tel réseau de
services nécessitent un investissement majeur des fonds publics. Mais cet investisse-
ment dans le capital humain d’une société rapportera des bénéfices encore plus
importants à long terme (Heckman & Carneiro, 2003)
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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)
L’intervention en petiteenfance :
pour une éducationdéveloppementale
Francine SINCLAIRUniversité du Québec en Outaouais, Gatineau, Québec, Canada
Jacques NAUDUniversité du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Rouyn-Noranda, Québec, Canada
RÉSUMÉ
Cet article présente une réflexion tirée de notre expérience des vingt dernières
années en recherche fondamentale portant sur le développement de l’enfant, et plus
récemment, de notre tentative de transfert de connaissances vers le milieu, c’est-à-
dire vers les parents, les enfants et les éducatrices des centres de la petite enfance.
Elle se fonde sur une vision socio-génétique du développement, qui place les trans-
actions sociales au cœur du développement. C’est à travers cette perspective
métathéorique que s’inscrit également notre vision de l’adaptation. À partir des prin-
cipaux travaux qui sont à la source de la perspective de l’enforcement, nous tentons
de définir ce concept et de le situer en tant que principe d’intervention visant le sou-
tien au développement humain. Par la suite, nous abordons les limites inhérentes
aux approches qui tirent leurs justifications de la correction ou de la prévention de
problèmes, et de là, la contribution et les besoins en termes de recherche. Enfin, dans
un effort d’intégration, nous proposons quelques éléments qui nous semblent perti-
nents à l’élaboration de programmes de soutien au développement humain, basée
sur une éducation développementale.
ABSTRACT
Early Childhood Intervention and Developmental EducationFrancine Sinclair
Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada
Jacques Naud
Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Québec, Canada
This article presents reflections based on our experiences over the past twenty
years in basic child development research, and more recently, on our attempt to
transfer knowledge to the sector – to the parents, children and educators in early
childhood development centres. It is based on a socio-genetic vision of development,
which places social transactions at the heart of development. Our adaptation vision
also stems from this metatheoretical perspective. Using principal works that are at
the source of the perspective of enforcement, we attempt to define this concept and
situate it as an intervention principle aiming to support human development. Then,
we examine the inherent limits to approaches that are based on the correction or pre-
vention of problems, and from there, the contributions and needs in terms of
research. Finally, in an effort to integrate these ideas, we propose a few elements that
seem pertinent to the elaboration of human development support programs based
on developmental education.
RESUMEN
La intervención durante los primeros años de la infancia: en pro de unaeducación evolutivaFrancine Sinclair
Universidad de Quebec en Outaouais, Quebec, Canadá
Jacques Naud
Universidad de Quebec en Abitibi-Temiscamingue, Quebec, Canadá
Este artículo presenta una reflexión que surge de nuestra experiencia durante
los últimos veinte años de investigación fundamental sobre el desarrollo del niño, y
más recientemente, de nuestra tentativa de transferir los conocimientos hacia el
medio, es decir, hacia los padres de familia, los niños y las educadoras de las
guarderías. Esta reflexión se basa en una visión socio-genética del desarrollo que
sitúa las transacciones sociales en el centro del desarrollo. A través de ésta perspec-
tiva meta-teórica también se inscribe nuestra visión de la adaptación. A partir de los
principales trabajos que fundamentan la perspectiva del ‘enforcement’, tratamos de
definir éste concepto y de situarlo en tanto que principio de una intervención que
busca apoyar el desarrollo humano. Enseguida, abordamos los límites inherentes de
los enfoques que se legitiman a través la corrección o la prevención de los problemas,
y a partir de ahí, la contribución y necesidades en términos de investigación.
29volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale
Finalmente, proponemos algunos elementos que nos parecen pertinentes en la elab-
oración de programas de apoyo al desarrollo humano, basados en una educación
evolutiva.
Introduction
Cet article vise à dégager des pistes de réflexion sur le soutien au développe-
ment, à partir d’un cheminement de près de vingt ans en recherche portant d’une
part, sur le jeune enfant et d’autre part, sur des actions de transfert des connais-
sances vers les divers contextes de vie du jeune enfant. Malgré une préoccupation
continue pour l’étude des interactions parent/enfant, éducatrice/enfant et enfant/
enfant, il nous a fallu une quinzaine d’années pour en arriver à se faire une vague
idée de la contribution potentielle des connaissances issues de la recherche, à l’enri-
chissement des divers contextes de vie du jeune enfant. C’est dans le cadre du pro-
gramme d’intervention précoce ÉcoPréscolaire http://w3.uqo.ca/ecopresc (Naud,
Sinclair, Gravel, Pagé, Coutu et Lemay, 2004; Sinclair et Naud, sous presse; Sinclair et
Naud, soumis) que s’est poursuivie notre réflexion sur les paramètres théoriques et
pratiques de transfert de connaissances.
C’est probablement l’étonnante diversité et complexité des composantes des
transactions sociales, jumelées à notre capacité, somme toute fort mince, à identifier
des variables qui permettent de prédire, avec un minimum de certitude le devenir
d’un enfant, que nous pouvons justifier et expliquer la longueur de notre chemine-
ment. En effet, la richesse des contextes de développement humain rend rapidement
caduque toute proposition trop simpliste de soutien aux adultes qui assument des
responsabilités éducatives. Les alternatives sont venues, en partie du moins, de la
persistance des parents à participer, avec leurs enfants, à nos projets de recherche, et
ce, en dépit de notre volonté affirmée de ne pas répondre aux attentes d’évaluation
ou de conseils en ce qui a trait à leurs pratiques parentales. Elle vient également de
notre conviction de considérer les enfants et les adultes qui en sont responsables,
non seulement comme la source des connaissances, mais comme les véritables
experts du développement. Ainsi, le fait de leur offrir des occasions de voir leurs
enfants et leur travail d’éducateurs sous un autre angle, par le biais des mises en si-
tuation d’observation, ou encore de réponses à des questionnements de toutes sortes,
semble avoir été une source de valorisation et d’enrichissement pour eux.
À partir de là, il nous fallait concevoir que l’essence de l’expertise spécifique du
chercheur repose sur la maîtrise et l’élaboration d’outils, capables de révéler la com-
plexité des variables et la richesse de la diversité des Personnes directement engagées
auprès des jeunes enfants. C’est autour de ces prémisses que s’est articulée notre
réflexion : pour une éducation développementale des enfants et des adultes.
Dans un premier temps, nous tenterons donc de définir les concepts de base qui
servent de trame à notre compréhension de l’adaptation et du processus de déve-
30volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale
loppement humain. Par la suite, nous présenterons les implications d’une telle vision
pour l’intervention éducative qui vise l’enforcement1 du potentiel de la Personne,
ainsi que la contribution de la recherche à l’élaboration de programmes centrés sur
le développement de la Personne et de la communauté. Enfin, à travers des consi-
dérations plus globales, nous effleurerons les enjeux socio-politiques du développe-
ment humain.
Une vision socio-génétique du développement de la Personne
Trop souvent, dans le monde scientifique, nous prenons pour acquis que nous
partageons la même compréhension des concepts auxquels nous faisons référence.
De la même façon, il nous apparaît parfois inutile de situer le cadre métathéorique,
c’est-à-dire le système de croyances qui oriente notre conception du développement
humain. Malgré l’aspect synthétique du propos qui suit – ceci aurait exigé un article
en soi – nous jugeons qu’il s’agit d’un détour obligé, par souci de transparence, de
situer le cadre métathéorique dans lequel s’inscrit notre réflexion.
Qu’est-ce que l’adaptation ou l’inadaptation?Il semble fondamental de resituer l’adaptation en tant que processus et en tant
que résultat ou forme que prend le développement. Pour éviter de s’embourber dans
des définitions arbitraires ou normatives trop limitées au plan culturel, un retour à
une perspective darwinienne nous semble plus saine. Ainsi, l’adaptation est essen-
tiellement, chez les êtres vivants, un processus par lequel l’organisme vivant est con-
sidéré comme un système dynamique ouvert, capable de percevoir certains aspects
de son environnement et de se modifier, de façon à assurer sa survie ou celle des
autres membres de son espèce. Les adaptations sont, de ce point vue, toutes les
formes manifestes de représentations, du moins chez les humains, et d’actions qui
définissent les interactions de l’individu avec son environnement physique ou social.
L’inadaptation devient alors un jugement, à posteriori, de l’incapacité d’un individu
à assurer sa survie. Ce n’est donc pas un critère normatif qui définit l’adaptation ou
l’inadaptation, mais le constat du maintien ou non de l’intégrité biologique de l’in-
dividu (Hardcastle, 1999; Lorenz, 1975; Staddon et Ettinger, 1989).
Les différentes formes d’adaptation et d’inadaptation ne sont comprises qu’à
titre de tentatives du vivant à incarner, sans fin, des formes permettant à l’espèce
d’expérimenter des façons variées d’être et de faire, à l’égard des contraintes
changeantes de l’environnement. Dans cette perspective non téléologique de l’évo-
lution du vivant, c’est dans la diversification des formes d’adaptation, incarnée dans
les individus, que la vie tente d’assurer sa pérennité (Grantham et Nichols, 1999).
31volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les différentesformes d’adaptation etd’inadaptation ne sontcomprises qu’à titre detentatives du vivant àincarner, sans fin, desformes permettant à
l’espèce d’expérimenterdes façons variées d’êtreet de faire, à l’égard descontraintes changeantes
de l’environnement.
1. Le terme enforcement proposé comme équivalent au terme empowerment vient de la traduction françaisede l’ouvrage monumental de Bandura sur l’auto-efficacité (2003). Ce choix est justifié par l’importancethéorique que prend la perspective de Bandura dans notre texte.
L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale
C’est la théorie du chaos, en situant les possibles adaptatifs comme des continuités
historiques des individus, compte tenu des contraintes environnementales contem-
poraines exercées (Gleick, 1994), qui semble fournir le modèle théorique le plus
cohérent avec cette vision du développement.
Les transactions sociales comme moteur du développementLa nature grégaire de l’espèce humaine et de certaines autres espèces, donne
aux transactions sociales une place centrale comme lieu où se vit la plupart des défis
adaptatifs de la Personne (Baldwin, 1894; Vygotski, 1978). Plusieurs expliquent même
l’importance du volume du cerveau humain par la complexité des enjeux liés aux
interactions sociales (Bradshaw, 2002). Ainsi, au fil de ses interactions avec les autres
et des réactions qu’elles suscitent, la Personne développe sa « vision du monde »
c’est-à-dire sa compréhension des règles qui régulent l’environnement auquel il doit
s’ajuster (Valsiner et Winegar, 1992; Winegar, 1997). Les transactions sociales sont à
la fois le lieu et le processus par lequel émerge, entre les Personnes en interaction,
une compréhension négociée du monde, compréhension parfois explicite, mais le
plus souvent implicite (Lawrence et Valsiner, 1993). Cette réalité co-construite entre
deux ou plusieurs Personnes est le résultat d’un ajustement interpersonnel
découlant de l’expérience, de l’action ou encore du discours symbolique (Winegar,
1997; Wozniak, 1986; 1993). L’issue du développement dépend donc d’une part, de ce
que sont chacune des Personnes en interaction et de leur compréhension préalable
de leur environnement et d’autre part, de « l’internalisation » particulière que fait la
Personne de ses transactions sociales (Lawrence et Valsiner, 1993; Sinclair, Strayer et
Winegar, 2003).
Dans le même sens, Bronfenbrenner (1996) conçoit que le développement est
contraint par les caractéristiques particulières de la Personne et de son histoire. De
son point de vue, le développement dépend également des Processus, c’est-à-dire
des interactions de la Personne avec son environnement physique et social – ce que
nous avons appelé la transaction sociale – et enfin, du Contexte dans lequel se passe
la transaction. Ce Contexte relèverait de toutes les influences indirectes posées sur
les transactions sociales. Bronfenbrenner (1979) a d’ailleurs proposé ce qui est large-
ment connu comme étant un modèle écologique du développement humain.
Découpé en plusieurs couches systémiques superposées autour de la Personne, ce
modèle permet d’aborder le développement dans toute sa richesse et sa complexité.
Ainsi, l’ontosystème représente le noyau central qui inclut tout ce qui définit la
Personne en tant que système historique ouvert, le microsystème qui tente de cir-
conscrire les dimensions particulières des transactions sociales, véritables moteurs
du développement et finalement, les couches supérieures (le mésosystème, l’exosys-
tème et le macrosystème) qui concernent les règles explicites et implicites qui in-
fluencent indirectement le cadre des transactions sociales.
32volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale
L’enforcement comme processus de développement de la personne
Les chercheurs contemporains qui s’intéressent au processus d’enforcement ou
d’appropriation (empowerment) s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un processus de
conscientisation d’une Personne ou d’une communauté du pouvoir qu’elle peut
exercer sur son devenir (Ouellet, René, Durand, Dufour et Garon, 2000; Thibault,
Jacques et Thibault, 2003; Wallerstein et Berstein, 1994). Nés, entre autres, en réaction
aux interventions de nature compensatoire, les programmes centrés sur l’enforce-
ment proposent d’amener la Personne ou la communauté à prendre et à exercer un
contrôle sur sa vie (Rappaport, 1981). Cependant, à la lecture des recherches récentes
s’inspirant de cette perspective, force est de constater qu’il s’agit d’un concept diffi-
cile à circonscrire et à rendre opérationnel (Bandura, 2003; Ouellet et als, 2000; Saint-
Jacques, Lessard, Drapeau et Beaudoin, 1998). Pour notre part, c’est à partir de la
réflexion socio-politique de Freire, en passant par la conception philosophique de
Rappaport, jusqu’aux écrits récents sur l’efficacité personnelle et collective de Bandura,
que nous allons tenter de définir notre vision de l’enforcement.
À la recherche d’une définition : de Freire à BanduraFreire (1974) dénonce ce qu’il appelle la « conception bancaire » de l’éducation,
conception qui maintient la passivité en forçant la Personne à se conformer à une
réalité normative. Il place cette conception de l’éducation en opposition à celle dite
« conscientisante », dans laquelle on amène la Personne à recouvrer sa capacité d’agir
en développant une conscience critique. Le développement de la pensée critique
chez la Personne, l’incite davantage à se percevoir comme un agent de transforma-
tion. Cette approche s’éloigne d’une vision fataliste en resituant « … le défi comme
un problème lié à d’autres problèmes, dans une optique globale, et non comme
quelque chose de pétrifié, la compréhension qui en résulte tend à devenir progres-
sivement critique, et donc de plus en plus désaliénée » (Freire, 1974, p. 64). L’enfor-
cement est alors un processus d’objectivation d’une réalité historique qui peut être
transformée par la Personne. De ce point de vue, on considère que les compétences
sont déjà présentes chez la Personne ou à tout le moins sont possibles, donnant
assises à des opportunités de développement (Rappaport, 1984). Mais selon Bandura
(2003), pour qu’une Personne se mette en action, il est essentiel de la doter d’une
solide croyance en ses capacités à produire des effets. Ses recherches ont démontré,
par exemple, que les croyances d’efficacité prédisent le niveau de performance
(Bandura, 1993). Pour reprendre les mots de Bandura (2003), « l’enforcement n’est
pas quelque chose d’octroyé par décret, mais est obtenu par le développement de
l’efficacité personnelle qui permet aux individus de tirer profit des occasions et d’éli-
miner les contraintes imposées par ceux dont elles servent les intérêts. » (p. 708). Or,
pour que le sentiment d’efficacité personnelle s’installe, il faut que la Personne per-
çoive qu’il existe non pas une seule solution possible, mais un éventail de solutions
qui, à la limite, peuvent être contradictoires (Rappaport, 1984). La diversité des solutions
émerge du partage des expertises des Personnes qui composent la communauté.
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L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale
Inspirés par ce qui précède, nous considérons que l’enforcement est un proces-
sus de développement qui vise à maximiser le potentiel de la Personne, à la fois par
une reconnaissance de son expertise individuelle et par l’appropriation par celle-ci
de l’expertise des autres. Il entraîne une augmentation des croyances d’auto-efficacité
et du potentiel d’action de la Personne ou encore de la communauté. L’enforcement
émerge du développement des connaissances et du partage de connaissances entre
des Personnes ayant des préoccupations semblables, que ces Personnes fassent par-
tie ou non d’une même communauté locale. En d’autres mots, partager les mêmes
intérêts, par exemple, le développement de l’enfant, ne se limite pas à l’apparte-
nance à une même culture.
Implications pour l’intervenante éducative
Depuis une trentaine d’années, au Québec, est apparu bon nombre de pro-
grammes d’intervention précoce. Ces programmes, souvent le fruit d’une traduction
ou d’une adaptation de programmes américains tentent, la plupart du temps, de
combler les déficits constatés ou appréhendés des Personnes, qu’ils s’agissent des
parents, des éducatrices ou des enfants (Bouchard, 1989). Or, selon nous, une inter-
vention centrée sur l’enforcement fait appel, pour être en parfaite harmonie avec
notre définition et notre position métathéorique, à un niveau qui s’inscrit dans un
cadre de valorisation du développement de la Personne, c’est-à-dire d’intervention
éducative.
Mettre l’accent sur la valorisation du développement de la PersonneLe concept de valorisation se distingue à plusieurs égards des approches cura-
tives et préventives. Premièrement, les approches curatives et préventives, justifiées
par l’identification d’un problème, assument que l’expert est extérieur au système.
La Personne y est vue, dans tous les cas, comme plus ou moins adaptée à son envi-
ronnement et le jugement de l’expert est basé sur l’écart à la norme, selon l’un ou
l’autre des critères arbitraires choisis. L’intervention, souvent une proposition
unique, sinon dans la prescription comportementale du moins dans la linéarité du
trajet développemental attendu, vise la correction d’un problème identifié à partir
d’un écart à un prototype comportemental humain, toujours défini en fonction de la
norme, qui sert d’objectif ou de modèle à reproduire. La Personne demeure alors rel-
ativement dépendante du « savoir » de l’expert et tente, tant bien que mal, de
s’adapter au monde « de ceux qui savent » (Freire, 1974). Dans cette perspective, la
source première des connaissances se trouve dans les recherches sur l’inadaptation
ou encore, dans les études épidémiologiques.
Donc, malgré la reconnaissance des dimensions sociales et contextuelles des
problématiques d’adaptation humaine, les programmes visent habituellement une
réduction de la marginalité des personnes ciblées, impliquant une remise en ques-
tion minimale du système social local. De ce point de vue, tout le poids du change-
ment repose presque entièrement sur la Personne qui, dans la plupart des cas, et ce,
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L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale
malgré le soutien d’un expert (professionnel de l’intervention psychosociale), est la
plus vulnérable et a le moins de ressources pour assumer le changement prescrit.
Cette proposition de changement, dégagée à partir d’une analyse normative, est sou-
vent peu signifiante pour quelqu’un qui se caractérise justement par son écart à la
norme ou encore, par des aspects de son contexte de vie jugés non favorables. Les
faibles taux de réussite des interventions psychosociales et les effets de stigmatisa-
tion rapportés, sont éloquents à cet égard (Hurtubise et Vatz Laaroussi, 1996a). En
somme, le changement proposé offre peu de garanties de correspondance avec le
contexte de vie de la Personne ciblée et donc, rend difficile le maintien et la générali-
sation des acquis. C’est à cette idéologie dominante, que Hurtubise et Vatz Laaroussi
(1996a) nomment « idéologie du problème », que se bute toute proposition de valori-
sation et de développement du potentiel d’action de la Personne.
Par ailleurs, au-delà des catégorisations habituelles des approches préventives
(Landry et Guay, 1987), l’approche de valorisation reconnaît à priori le potentiel
adaptatif de la Personne comme seule base solide de changement (Bouchard, 1989;
Hurtubise et Vatz Laaroussi, 1996b). Cette approche repose sur l’énoncé tautolo-
gique, aux antipodes d’une perspective normative, qui veut que tout être humain est
adapté puisqu’il est vivant. L’expert n’est donc plus à l’extérieur du microsystème,
mais bien enraciné dans le microsystème des interactions humaines, puisque le véri-
table expert ne peut être que la Personne elle-même.
Par conséquent, le défi de l’intervention consiste à rendre accessible, à la
Personne, le plus large éventail d’avenues possibles de développement, de façon à lui
permettre des choix signifiants de son point de vue, tout en maintenant et en assu-
rant son intégration sociale. Or, cet élargissement des perspectives passe par une
description significative de la diversité des modes d’adaptation et des phénomènes
associés au développement. Ainsi, le potentiel individuel défini à partir d’un juge-
ment fondé sur la qualité d’être, sert de point d’ancrage à l’enrichissement de la
Personne. Enfin, l’approche de valorisation n’est pas alimentée par les recherches en
psychopathologie développementale, mais s’appuie sur les recherches descriptives
du développement normal. La valeur centrale d’une telle perspective est la valorisa-
tion des différences comme source d’enrichissement individuel et collectif.
La contribution et le rôle de la recherche dans tout ça…
Les défis pour la recherche sont de taille. En effet, comment rendre compte de
toute la complexité du développement? De notre point de vue, la recherche doit se
recentrer sur l’étude du développement humain en tant que phénomène historique,
c’est-à-dire sur les processus. Ceci implique de reconnaître d’une part, notre diffi-
culté à identifier des facteurs causaux d’adaptation ou d’inadaptation et d’autre part,
notre incapacité à prédire l’issue du développement d’une Personne ou d’un groupe
spécifique de Personnes, d’une communauté spécifique. Le nombre de variables
impliquées et les facteurs contextuels toujours changeants demandent que l’on s’at-
tarde davantage à la description empirique des phénomènes.
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L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale
Le défi de l’intervention consiste à rendre accessible, à
la Personne, le plus large éventail d’avenues
possibles de dévelop-pement, de façon à lui
permettre des choix signifiants de son pointde vue, tout en main-tenant et en assurant
son intégration sociale.
Or, depuis une dizaine d’années, la compréhension du développement humain
découle principalement de recherches utilisant des mesures indirectes, basées sur la
représentation des sujets. Bien que moins coûteuse, cette approche permet difficile-
ment de vérifier l’adéquation entre la représentation et l’action et leur contribution
à l’adaptation au quotidien. En outre, l’interprétation des résultats, construite à par-
tir d’analyses statistiques basées sur des moyennes, conduit souvent le chercheur à
considérer tout écart à la norme comme un signe d’inadaptation (Strayer, Verissimo
et Manikowska, 1996).
Mais, si par un processus d’enforcement, plusieurs pistes de développement
sont possibles (Rappaport, 1984), comment rendre compte des changements? Nous
croyons que l’utilisation d’une approche observationnelle, descriptive et typologique
du développement humain sont de meilleurs outils pour apprécier les processus de
développement, mais aussi pour examiner la diversité des pistes développementales
et enfin, les liens potentiels entre la représentation et l’action. La centration de la
recherche sur les processus, c’est-à-dire essentiellement sur les transactions sociales,
permet, à notre avis, un transfert rapide et direct vers toute intervention ou action
éducative qui vise à maximiser la valorisation de la diversité et à optimiser l’enforce-
ment du potentiel de la Personne.
Nous croyons que la recherche doit s’attarder à développer des outils d’obser-
vation qui permettent d’identifier les dimensions signifiantes des représentations et
des comportements transactionnels associés au développement. L’intervention ou
l’action éducative consistera, pour sa part, à proposer des contextes permettant de
les transférer à la Personne et aux communautés, afin d’augmenter leur autonomie
et leur créativité pour faire face aux défis adaptatifs.
Implications pour l’élaboration de programmes de soutienau développement humain
Dans leur rapport Un Québec fou de ses enfants, Bouchard (1991) et ses collègues
proposaient, entre autres, certaines mesures spécifiques à l’élaboration de pro-
grammes d’intervention précoce. Ces recommandations, susceptibles de garantir un
meilleur soutien aux adultes et aux enfants ont fait l’unanimité, et ce, autant dans le
monde de la recherche que de l’intervention. Elles ont donné lieu à une éclosion de
recherches et de mesures concrètes, tel le développement du réseau des Centres de
la petite enfance, pour ne mentionner que la plus prégnante. C’est en continuité de
ces actions et à partir de notre expérience dans l’élaboration, l’implantation et l’é-
valuation de programmes, ainsi qu’en complémentarité avec les travaux de nom-
breux autres chercheurs qui s’intéressent au développement de programmes
(Bouchard, 1988; Boutin et Parent, 1988), que nous proposons ici une réflexion sur les
enjeux qui sous-tendent, selon nous, toute action d’éducation développementale
auprès des jeunes enfants et des adultes qui en sont responsables.
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L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale
La centration dela recherche sur les
processus, c’est-à-direessentiellement sur les
transactions sociales,permet, à notre avis, untransfert rapide et direct
vers toute interventionou action éducative qui
vise à maximiserla valorisation de la
diversité et à optimiserl’enforcement du poten-
tiel de la Personne.
Se centrer sur l’enfant et son devenir Nous croyons que le devenir des enfants est une motivation universelle qui peut
permettre à l’espèce humaine d’entreprendre les virages nécessaires afin d’éviter les
catastrophes décriées à juste titre par les altermondialistes (Minà, 2002). Tous s’en-
tendent pour dire que l’espoir et le défi de la survie de l’espèce reposent sur la soli-
darisation et la créativité des Personnes et des communautés humaines autour des
enfants. Comment voir ailleurs la solution aux défis d’adaptation que relève Chomsky
(2002) : la militarisation de la planète, la destruction de l’environnement, l’affaiblis-
sement de la démocratie et de la liberté? C’est dans un souci constant et collectif et
dans un engagement concret à l’égard des enfants que peut devenir possible un
monde meilleur (Caouette, 1992; 1997). Utopie? Oui, mais avons-nous le choix de ce
rêve obligé pour canaliser notre puissance technologique?
Solidariser les adultes autour du développement de l’enfantLa participation collective à un processus axé sur le développement renforce la
solidarisation des Personnes, solidarisation qui semble, à partir de notre expérience,
déborder du cadre de la participation aux différentes activités proposées par les pro-
grammes et s’étendre à la communauté locale plus large. L’universalisation de l’im-
pact d’un programme passe par l’assurance d’un accès le plus large possible au pro-
gramme, et non pas par la participation obligée à des programmes, déterminée à
partir d’un ensemble de facteurs de risque. En effet, l’enrichissement collectif peut
difficilement émerger de l’obligation de participer à un programme et encore moins,
d’une obligation fondée sur l’attribution et l’admission d’une forme ou d’une autre
de marginalisation sociale. À cet égard, un programme doit éviter à tout prix toute
forme de marginalisation et doit s’intéresser aux communautés locales comme des
touts dynamiques. D’autant plus que la marginalisation et la stigmatisation qui en
découlent se fondent d’abord et avant tout sur la correction sociale, c’est-à-dire
qu’elle amène les Personnes à faire partie « de ceux qui sont corrects ». Est-il néces-
saire de déculotter la Personne pour provoquer un changement? Qui peut se permet-
tre de dire quel type de changement est souhaitable et possible pour une Personne?
Quelle Personne doit changer?
Assurer le soutien au développement de l’enfant par le soutien au développement de l’adulteLe soutien au développement du jeune enfant passe essentiellement par le sou-
tien au développement, outre celui de l’enfant lui-même, des différentes personnes
en interaction avec celui-ci. Ceci inclut les parents, les grands-parents, les éducatrices
ou tous les autres adultes qui côtoient quotidiennement l’enfant. Mais plus encore,
elle implique un soutien à toutes les Personnes qui, à tous les niveaux, prennent des
décisions qui auront une influence directe ou indirecte sur les contextes de vie de
l’enfant. De notre point de vue, les politiques et les structures sociales qui favorisent
un enrichissement des cadres de vie des adultes responsables de l’enfant auront un
impact évident sur l’enrichissement collectif. S’y ajoute la nécessité de considérer ces
adultes (parents, grands-parents, éducatrices, etc.), comme des Personnes en déve-
loppement, au même titre que l’enfant.
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L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale
Axer sur l’enforcement comme processus de développementSoutenir le développement de la Personne implique, de notre point de vue, que
les interventions servent d’abord à reconnaître, et ensuite à renforcer le potentiel
d’action de la Personne ou de la communauté. L’enforcement devrait favoriser une
recontextualisation personnelle du développement du jeune enfant à travers l’obser-
vation et l’analyse des enjeux centraux impliqués dans les transactions sociales quo-
tidiennes. À cet égard, nous croyons que d’offrir aux Personnes les possibilités d’ob-
server et d’analyser les principaux enjeux du développement de l’enfant entraîne
cette recontextualisation par laquelle la Personne participante devient la source du
sens (Pourtois et Mosconi, 2002).
Promouvoir la diversité des Personnes et des contextes de vieLa diversité des Personnes impliquées auprès de l’enfant et la diversité des con-
textes de développement (famille biparentale, monoparentale, recomposée, écono-
miquement défavorisée, milieu de garde collectif, familial, etc.) devraient être la pré-
occupation constante des programmes proposés. Nous croyons que de ne pas tenir
compte de la diversité des personnes et des contextes réduit les possibilités d’action
ou de changement de la Personne, celle-ci ne pouvant pas se reconnaître ou retrou-
ver son contexte de vie particulier. D’un point de vue pratique, les programmes d’in-
tervention qui ciblent, par exemple, le développement des compétences parentales
devraient pouvoir s’adresser à toutes les personnes ou contextes de vie familiale
ayant, non pas des « problèmes » avec leur enfant, mais des préoccupations com-
munes, celles d’assurer le développement et le bien-être de leur enfant et de tous les
enfants.
Utiliser la recherche pour le développement de contenusLes programmes d’intervention doivent être alimentés par la recherche. Selon
nous, la recherche qui permet de révéler la diversité des formes d’adaptation est
essentielle au développement des contenus de programmes. C’est à la recherche que
revient le rôle de développer les outils capables de porter un regard sur les dimen-
sions cruciales des représentations et actions humaines pertinentes pour le déve-
loppement de la Personne et des communautés, et ainsi soutenir leur enforcement.
Ceci permettrait de rendre accessible à la communauté locale l’expertise collective.
À titre d’exemple, les recherches portant sur la collaboration parents/éducatrices ont
généré une certaine connaissance des représentations des parents et des éducatrices
en ce qui a trait aux variables qui entravent et facilitent la communication entre ces
adultes. Cependant, peu de recherches se sont intéressées à l’observation des inter-
actions parents/éducatrices de différentes communautés et encore moins de dif-
férentes cultures. Ces observations pourraient nous permettre d’une part, de mieux
saisir les enjeux de la communication entre ces Personnes et d’autre part, de faire le
pont entre la représentation et l’action, tout en présentant un plus large éventail pos-
sible de particularités.
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L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale
Conclusion
Une fois admise, la motivation personnelle comme condition sine qua non d’un
engagement significatif dans un processus de changement, tout programme de sou-
tien au développement de la Personne doit assurer la reconnaissance de l’expertise
individuelle. Seule cette reconnaissance respectueuse, ce « Bonjour à l’Autre »
(Pétrella, 2000) peut permettre l’ouverture nécessaire pour donner accès à toute la
richesse de l’expertise de la communauté.
De plus, en accord avec l’adage africain qui veut « qu’il faille tout un village pour
élever un enfant », les programmes de soutien au développement de l’enfant doivent
s’adresser à toutes les personnes qui assument, directement ou indirectement, des
responsabilités auprès des enfants. Tout programme qui aura comme effet d’aug-
menter l’engagement et la solidarisation des adultes envers les enfants aura un
impact positif sur l’enrichissement des contextes de développement des enfants.
Addenda socio-politiqueC’est dans le cadre général de la « réingénierie » ou de la « modernisation » néo-
libérale de l’État québécois, typique de l’orientation des états les mieux nantis, qu’il
faut, il nous semble, resituer le développement des services à la petite enfance. Déjà,
l’institutionnalisation des services de garde s’ouvre sur la privatisation et l’impu-
tabilité, et ce, à travers des vérifications financières et des contrôles de la « qualité des
services » de plus en plus pointus et contraignants. En attendant de connaître les ga-
gnants, mais surtout les perdants inévitables à ce jeu social pipé, il faudrait, il nous
semble, concevoir l’éducation à l’enfance essentiellement comme un outil de déve-
loppement individuel et collectif. Au-delà de tout slogan néo-libéral qui vise à « être
les meilleurs parmi les meilleurs », l’éducation à l’enfance devrait viser une solidari-
sation autour des enfants... de tous les enfants de la planète! Ceci demande cepen-
dant de replacer le soutien au développement de l’enfant dans un cadre beaucoup
plus large que celui de notre position de bougons-nantis de la petite planète bleue :
« …au cours des vingt dernières années, la part du revenu mondial détenu par
les pays développés … qui représentent 11 % de la population de la planète, est
passée de 75 % à 86 %. C’est-à-dire que nous, 11 % de la population mondiale, pos-
sédons 86 % des richesses du monde, dilapidons 88 % des biens de consommation,
dépensons 92 % de ce qui est investi dans la recherche et le développement, 96 % des
sommes investies dans le développement informatique et 98 % de ce qui est affecté
à la recherche médicale avancée » (Petrella, 2002).
Pendant ce temps, « … l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et
l’agriculture (Food and Agriculture Organisation of the United Nations, FAO) nous a
appris que, le jour même [le 11 septembre 2001], 35 600 enfants étaient morts de
faim, comme cela arrive quotidiennement. » (Esquivel, 2002)
Le chercheur autant que l’éducatrice, le parent autant que tout autre adulte
assumant des responsabilités auprès de l’enfant est aussi, pour subtiliser une appel-
lation de Freire, un « politique » qui, à travers ses interactions avec l’enfant, transmet
des valeurs conformes ou alternatives à l’idéologie dominante. Le développement de
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L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale
Il faudrait concevoirl’éducation à l’enfance
essentiellement commeun outil de déve-
loppement individuelet collectif.
l’ensemble du programme ÉcoPréscolaire a été pour nous une co-contribution d’un
cadre de soutien au développement humain qui, tout en ayant un impact bien mo-
deste, nous a permis la formulation de principes de recherche et d’élaboration de
programmes d’intervention éducative axés sur le respect de la diversité humaine.
Nous avons cru au potentiel d’action et de créativité individuel et collectif, potentiel
capable de soutenir une espérance dans le développement d’alternatives nom-
breuses et riches à l’égard des défis d’adaptation humaine actuels ou à ceux encore
impossibles à identifier.
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Notes des AuteursLes demandes de tirés à part doivent être adressées à Francine Sinclair, Ph.D.,
Université du Québec en Outaouais, Département des sciences de l’éducation, C.P.
1250, succursale B, Gatineau (secteur Hull), Québec J8X 3X7. La correspondance par
courrier électronique peut être acheminée via Internet à : [email protected]
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L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale
44volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go!
sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
Élisa DENISUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada
Gérard MALCUITUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada
Andrée PomerleauUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada
RÉSUMÉ
Cette étude mesure les impacts de l’initiative 1,2,3GO! sur les enfants et leur
famille. L’initiative, implantée dans des territoires défavorisés du Grand-Montréal,
vise à promouvoir le développement et le bien-être des enfants 0-3 ans. Deux cueil-
lettes de données, réalisées à deux ans d’intervalle, comparent des cohortes de
familles de cinq territoires 1,2,3GO! (n = 543) à celles de territoires de comparaison
(n = 526). De façon générale, il n’y a pas d’évolution entre les cueillettes. Le déve-
loppement cognitif des enfants des territoires 1,2,3GO! demeure inférieur à celui des
enfants des territoires de comparaison. Les indicateurs de santé et l’environnement
des enfants des territoires 1,2,3GO! sont plus négatifs. Ils possèdent moins de jouets
éducatifs, passent plus de temps devant la télévision et leurs parents consacrent
moins de temps à jouer avec eux et à leur faire la lecture. À la lumière des résultats, il
semble que 1,2,3GO! n’entraîne pas encore les effets désirés. Les particularités
sociodémographiques des familles expliquent en partie ce constat. Celles des terri-
toires 1,2,3GO! présentent plus de facteurs de risque (précarité du revenu, mono-
parentalité, faible scolarité). Une meilleure utilisation des ressources pour enfants et
une intervention directement axée sur les tout-petits permettraient d’améliorer les
effets de tels programmes communautaires.
ABSTRACT
Evaluation of the Impacts of the 1,2,3GO! Community Project on theDevelopment and Well-Being of Young Children and Their FamiliesElisa Denis, Gérard Malcuit and Andrée Pomerleau
Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
This study assesses the impacts of the 1,2,3GO! project on children and their
families. The initiative was established in socially disadvantaged territories of Greater
Montreal to promote the development and well-being of children from 0-3 years old.
Two data collections done two years apart compare cohorts of families from five
1,2,3GO! territories (n = 543) to those of comparison territories (n = 526). Overall,
there was no change in the data. The cognitive development of children in the
1,2,3GO! territories remains inferior to that of children in the comparison territories.
The health and environment indicators of the children in 1,2,3GO! territories are are
less positive. They have fewer educational toys, spend more time watching television,
and their parents spend less time playing with them and reading to them. In light of
these results, it seems that 1,2,3GO! has not yet yielded the desired results. The socio-
demographic features of the families explains part of this finding. Those in the
1,2,3GO! territories have more risk factors (unstable income, low education level, sin-
gle-parent families). Better use of resources for children, and interventions aimed
directly at infants would improve the effects of such community programs.
RESUMEN
Evaluación de los impactos de la iniciativa comunitaria 1,2,3 GO ! sobreel desarrollo y el bienestar de los niños y sus familiasElisa Denis, Gérard Malcuit y Andrée Pomerleau
Universidad de Quebec en Montreal, Quebec, Canadá
Este estudio evalúa los impactos de la iniciativa 1,2,3 GO ! sobre los niños y sus
familias. La iniciativa implantada en las zonas desfavorecidas de Montreal, pretende
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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
promover el desarrollo y el bienestar de los niños entre 0 y 3 anos. Dos recolecciones
de datos, realizadas con dos años de intervalo, comparan las cohortes de familias de
cinco zonas 1,2,3 GO ! (n = 543) con las de zonas de comparación (n = 526). En forma
general, no hay evolución entre las recolecciones de datos. El desarrollo cognitivo de
los niños de las zonas 1,2,3 GO ! es inferior al de los niños de las zonas de compara-
ción. Los indicadores de salud y el entorno de los niños de las zonas 1,2,3 GO ! son
más negativos. Esos niños poseen menos juguetes educativos, pasan más tiempo
delante de la televisión y sus padres consagran menos tiempo a jugar con ellos y a
leerles libros. Los resultados muestran claramente que 1,2,3 GO ! aun no provoca los
efectos deseados. Las particularidades sociodemográficas de las familias explican
parcialmente dicha constatación. Las familias de las zonas 1,2,3 GO ! presentan más
factores de riesgo (ingreso precario, monoparternidad, baja escolaridad). La mejor
utilización de los recursos dirigidos hacia los niños y una intervención directamente
centrada en los niños permitirían mejorar los efectos de ese tipo de programa comu-
nitario.
Contexte théorique
Dans la dernière décennie, le taux de familles défavorisées a augmenté de près
de 50 % au Québec (Statistique Canada, 2001). Ces familles sont démunies sur le plan
économique. Les parents sont souvent peu scolarisés, ils n’ont pas d’emplois valo-
risants, ils deviennent isolés socialement et ils hésitent à consulter les services d’en-
traide (Duncan & Brooks-Gunn, 2000; McLoyd, 1998; St-Pierre & Layzer, 1998). De
nombreuses études montrent que ces conditions adverses sont fortement associées
à la détérioration de la qualité de l’environnement familial des tout-petits (Bradley,
Corwyn, McAdoo, & García Coll, 2001; Dearing, McCartney, & Taylor, 2001;
Pomerleau, Malcuit, & Julien, 1997). Les effets de la situation précaire de la famille sur
le développement de l’enfant sont indirects. Les parents peuvent éprouver des diffi-
cultés à offrir une nourriture saine et équilibrée pour la santé de l’enfant; la famille
n’a souvent pas accès à un voisinage sécuritaire et à des écoles de bonne qualité. De
plus, le niveau de stimulation et les occasions d’apprentissages dont bénéficient les
enfants dans leur contexte familial sont moindres en comparaison à ceux dont béné-
ficient les enfants de milieux plus aisés (Dearing et al., 2001; Garrett, Ng’andu, &
Ferron, 1994). Les conséquences de la pauvreté sont lourdes à porter pour les en-
fants. Dès la naissance, ils ont un état de santé fragile. On retrouve chez eux une forte
incidence de petit poids à la naissance, d’infections, de handicaps permanents et
même de mortalité (Benn & Garbarino, 1992; St-Pierre & Layzer, 1998).
La façon dont les enfants se développent et apprennent dépend des interactions
continuelles entre leur condition biologique et leurs expériences avec les éléments
physiques et sociaux de l’environnement (Anderson et al., 2003). Plusieurs études
montrent que le nombre de facteurs de risque que présente la famille est fortement
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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
La façon dont lesenfants se développentet apprennent dépend
des interactions continuelles entre leurcondition biologique etleurs expériences avec
les éléments physiqueset sociaux de
l’environnement
relié à la qualité du développement de l’enfant, et particulièrement à celle de son
développement cognitif (Ackerman, Izard, Schoff, Youngstrom, & Kogos, 1999; Ramey
& Ramey, 1998; Bastien et al., 2002). Des chercheurs soulignent que le nombre de fac-
teurs de risque se révélerait plus important pour prédire le développement de l’en-
fant que le type particulier de risque (Ackerman, Schoff, Levinson, Youngstrom, &
Izard, 1999; Gutman, Sameroff, & Cole, 2003; Wachs, 2000).
Afin d’atténuer l’effet des facteurs de risque sur le développement des enfants,
des études montrent l’importance de programmes d’intervention préventive qui ten-
tent de suppléer les manques existants (Anderson et al., 2003; Arnold & Doctoroff,
2003; Campbell & Ramey, 1994; DiPietro, 2000; McLoyd, 1998; Ramey & Ramey, 1998;
St-Pierre & Layzer, 1998). Les programmes visent à créer un environnement physique
stimulant avec des jouets variés et du matériel éducatif approprié à l’âge des enfants,
ainsi que des occasions d’exploration dans un contexte sécuritaire. Des activités
ludiques diversifiées permettent une stimulation nécessaire à l’acquisition d’ha-
biletés motrices, sociales, langagières et cognitives. Il devient primordial d’agir sur
l’environnement physique et social dans lequel évoluent les enfants, puisque celui-
ci est directement lié à la qualité de leur développement (Bastien et al., 2002; Bradley,
Corwyn, Burchinal, McAdoo, & García Coll, 2001; Garrett et al., 1994; Gillespie, Pelren,
& Twardosz, 1998; Sénéchal, LeFevre, Thomas, & Daley, 1998). Les programmes
doivent favoriser, chez les parents et les familles, l’acquisition d’habiletés pour
répondre de façon efficace aux besoins de leurs enfants. C’est la variété et la qualité
des interactions parent-enfant qui, sur une longue période, influencent le dévelop-
pement de l’enfant (Gutman et al., 2003).
Parmi les programmes de promotion et de prévention, de plus en plus nom-
breux sont ceux qui empruntent une démarche d’appropriation (empowerment)
selon laquelle les individus accèdent à un contrôle et participent aux décisions de
leur communauté (Anderson et al., 2003; Bouchard, 2000; Chavis & Wandersman,
1990; Peters, Petrunka, & Arnold, 2003). Cependant, peu de ces programmes ont pour
objectif de favoriser le bien-être de tous les enfants d’une communauté donnée (St-
Pierre & Layzer, 1998). Dans une perspective universelle de prévention, le pro-
gramme est élaboré pour prévenir chez tous les enfants d’éventuels problèmes
cognitifs, émotionnels ou comportementaux. Deux types de programmes universels
sont identifiés : ceux qui ciblent un contexte, par exemple, une école ou un quartier
en particulier, et ceux qui s’étendent au niveau d’une province, d’un état ou d’un
pays (Offord, 1996). À ce jour, il y a peu d’études d’évaluation de ces deux types de
programmes, surtout ceux qui visent spécifiquement les jeunes enfants (Offord,
1996; Webster-Stratton & Taylor, 2001).
Le projet Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur de Ray Peters (Better
beginnings, better futures, Peters et al., 2003) apparaît comme un précurseur de ces
programmes. En œuvre depuis 1991, le projet est implanté dans 11 communautés
ontariennes. Il s’adresse aux enfants âgés de 0 à 4 ans ou de 4 à 8 ans, et à leur famille
vivant dans des milieux socio-économiques défavorisés où les risques de problèmes
de développement sont élevés. Le Ministère des services sociaux et des services com-
munautaires de l’Ontario accorde des subventions aux communautés retenues pour
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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
Afin d’atténuer l’effetdes facteurs de risquesur le développement
des enfants, des étudesmontrent l’importance
de programmes d’inter-vention préventive quitentent de suppléer les
manques existants
qu’elles mettent sur pied un projet local de prévention. Par une approche globale de
promotion du développement des enfants, le projet vise à enrayer, ou à diminuer, les
problèmes émotionnels et les problèmes de comportement. Il cible aussi le soutien
aux familles et l’éducation des parents afin qu’ils répondent de façon efficace aux
besoins des enfants. Finalement, la communauté oriente ses actions vers le voisinage
en élaborant des programmes de qualité qui tiennent compte des besoins parti-
culiers des citoyens. Le projet favorise la participation des parents et des autres rési-
dents en tant que partenaires dans le processus de planification, d’élaboration et de
mise en œuvre des programmes et autres activités (Pancer, Cornfield, & Amio, 1999;
Peters et al., 2000; Peters et al., 2003). Après cinq ans d’implantation, les résultats
montrent des progrès significatifs chez les enfants, chez les parents et dans le voisi-
nage par rapport à ceux des communautés de comparaison. Les chercheurs notent
une diminution des problèmes émotionnels et des problèmes de comportement,
une amélioration du fonctionnement social et de l’état de santé des enfants. Seule
leur performance à divers tests de développement cognitif ne montre pas d’amélio-
ration significative. Ils observent aussi un meilleur état de santé chez les parents, un
fonctionnement familial plus harmonieux, ainsi que des progrès au niveau de la
qualité du voisinage et des écoles (Peters et al., 2003).
L’initiative québécoise 1,2,3GO! s’inscrit dans cette perspective (Bouchard,
2000; Damant, Bouchard, Bordeleau, Bastien, & Lessard, 1999). Elle vise le rassem-
blement des citoyens de la communauté autour d’un but commun : celui de con-
tribuer au bon développement des tout-petits âgés de 0 à 3 ans. L’initiative 1,2,3GO!
poursuit trois objectifs complémentaires : 1) promouvoir le développement physique,
cognitif, social et affectif des enfants, 2) promouvoir le soutien aux parents et 3) sou-
tenir les efforts des communautés pour offrir aux familles un environnement stimu-
lant et chaleureux. Le promoteur de l’initiative, Centraide du Grand-Montréal, a ral-
lié des partenaires afin d’appuyer les efforts de mobilisation de six communautés de
la région de Montréal où l’initiative a été implantée. Chacune de ces communautés a
identifié ses propres besoins et formulé un plan d’action particulier pour les rencon-
trer. Le plan devait cependant respecter les principes directeurs de l’initiative. La
communauté devait mobiliser des acteurs variés et, surtout, favoriser la participation
des parents à toutes les étapes de la démarche. Le plan d’action devait aussi propo-
ser des stratégies pour rejoindre les enfants et les familles présentant les plus grands
besoins.
La présente étude a pour but d’évaluer l’impact de cette expérience communau-
taire sur le développement cognitif, la santé et l’environnement proximal des tout-
petits. L’initiative 1,2,3GO! s’appuie sur un modèle d’organisation hiérarchique du
développement de l’enfant. Selon ce modèle, un enfant se développe en se construi-
sant des compétences aux niveaux social, émotif et cognitif. Celles-ci lui permettent
alors de s’adapter à son environnement et de se préparer à l’acquisition de compé-
tences ultérieures. Les apprentissages réalisés pendant la petite enfance formeraient
la base des intégrations futures (Benn & Garbarino, 1992; DiPietro, 2000), d’où l’im-
portance des interventions préventives qui s’inscrivent le plus tôt possible dans la vie
des enfants (Bastien et al., 2002; Ramey & Ramey, 1998). L’initiative 1,2,3GO! s’appuie
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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
aussi sur une approche écologique qui sous-tend que le développement des enfants
est le produit de l’interaction avec leur environnement familial proximal et de condi-
tions plus distales qui se répercutent sur leur environnement immédiat (Ackerman,
Izard et al., 1999; Wachs, 2000). Quoique les plans d’action diffèrent d’une commu-
nauté à l’autre, ils illustrent l’adhésion de chacune à cette approche. En effet, leurs
objectifs particuliers se retrouvent à ces différents niveaux. Par exemple, un même
territoire conçoit des programmes de stimulation pour enfants, crée des services de
soutien pour parents et améliore la qualité des terrains de jeu. Un autre met en place
des milieux de garde pour enfants, des cuisines collectives et des moyens de trans-
port pour accéder aux services communautaires.
La recherche évaluative globale porte sur l’impact de l’initiative 1,2,3GO! sur les
diverses cibles visées : les enfants, les familles, les intervenants en petite enfance et la
communauté (Bouchard, 2000). Les territoires font l’objet de quatre vagues biennales
d’évaluation afin de décrire l’évolution des mesures dans le temps. La présente étude
porte sur les enfants et les familles de cinq des six territoires où l’initiative a été im-
plantée. Nous comparons ces territoires à cinq autres présentant des caractéristiques
sociodémographiques similaires, mais qui ne participent pas à l’initiative. Un terri-
toire n’a pu être évalué en raison de difficultés linguistiques. Un grand nombre de
familles qui y résident ne parlent ni le français, ni l’anglais. Seules les deux premières
vagues d’évaluation complétées à ce jour font l’objet de la présente étude. Si l’initia-
tive a les effets escomptés, les familles des territoires 1,2,3GO! devraient obtenir, à la
deuxième vague, de meilleurs résultats aux mesures de bien-être des enfants
(développement cognitif, santé) et aux mesures d’environnement stimulant et pro-
pice à leur plein développement (jouets éducatifs, activités ludiques, ressources pour
enfants) que les familles des territoires de comparaison. Nous considérons aussi le
cumul de facteurs de risque que présentent les familles afin d’examiner leurs liens
avec les mesures évaluatives.
Méthode
Participants et participantesMille soixante-neuf familles ayant un enfant âgé entre 20 et 42 mois participent
à l’étude. Elles sont recrutées à deux moments de mesure à deux ans d’intervalle
(cueillettes 1 et 2). Le groupe d’intervention se compose de 543 familles choisies au
hasard parmi la population de cinq territoires du Grand Montréal touchés par l’ini-
tiative 1,2,3GO! Deux de ces territoires se trouvent en milieu urbain, deux en milieu
suburbain et un en milieu rural. Ces territoires sont sélectionnés parce qu’ils présen-
tent des taux élevés de facteurs socio-économiques peu favorables à la qualité du
développement des jeunes enfants (précarité du revenu familial, faible scolarité des
parents et forte incidence de monoparentalité). Les 526 autres familles constituent le
groupe de comparaison. Elles proviennent de cinq territoires choisis en raison de la
similarité de leurs caractéristiques sociodémographiques à celles des premiers. Le
Tableau 1 présente le nombre de familles dans chacun des territoires 1,2,3GO! et de
comparaison.
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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
Si l’initiative a leseffets escomptés, les
familles des territoires1,2,3GO! devraient
obtenir, à la deuxièmevague, de meilleurs
résultats aux mesures de bien-être des enfants
(développement cognitif, santé) et aux
mesures d’environ-nement stimulant etpropice à leur plein
développement (jouetséducatifs, activités
ludiques, ressources pour enfants) que les
familles des territoiresde comparaison
Tableau 1 : Nombre de familles selon les milieux et les moments dans les territoires
1,2,3GO! et de comparaison
Nous recrutons les familles entre mars 1998 et novembre 2001. L’équipe de
recherche soumet au préalable une demande à la Commission d’accès à l’informa-
tion. Une fois la demande acceptée, la Régie de l’assurance maladie du Québec est
autorisée à nous fournir le nom et l’adresse des familles ayant un enfant âgé entre 20
et 42 mois. Les familles reçoivent une lettre sollicitant leur participation. La lettre
présente brièvement le projet. Elle indique qu’il vise à mieux comprendre ce qui
entoure la vie des parents et celle des tout-petits, pour ainsi identifier ce qui favorise
le développement des enfants dans la communauté. Les buts de la recherche, la
durée de la visite, ainsi que le type de mesures utilisées y sont également présentés.
La lettre souligne la confidentialité des données recueillies et la liberté du parent de
mettre fin à sa participation en tout temps. Quelques jours plus tard, la coordonna-
trice contacte les familles par téléphone. Celles qui possèdent un numéro confiden-
tiel ou qui n’ont pas le téléphone reçoivent une seconde lettre, si elles n’ont pas
d’elles-mêmes communiqué avec l’équipe deux semaines après le premier envoi.
Cette lettre les informe de notre incapacité à les joindre et leur demande d’entrer en
contact avec nous, si le projet les intéresse. Lors du contact téléphonique, la coor-
donnatrice explique de façon plus détaillée la recherche. Si les parents acceptent de
participer, elle fixe un rendez-vous pour une rencontre à leur domicile. À cette occa-
sion, un des parents signe le formulaire de consentement.
Le taux de participation représente le nombre de familles dans l’échantillon
divisé par le nombre de familles contactées, moins celles non admissibles. Une
famille n’est pas admissible si elle déménage hors du territoire ciblé avant le rendez-
vous, si l’enfant est âgé de moins de 20 mois ou de plus de 42 mois, si le parent ou
l’enfant ne comprennent ni le français ni l’anglais, si l’enfant est hospitalisé, handi-
capé ou diagnostiqué avec un retard de développement. Dans l’ensemble des terri-
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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
Territoires
1, 2, 3, GO! Comparaison
Urbains 1 44 49
Urbains 2 69 57
Suburbains 1 58 47
Suburbains 2 58 57
Ruraux 49 51
Urbains 1 50 56
Urbains 2 49 44
Suburbains 1 66 52
Suburbains 2 57 72
Ruraux 43 41
Cueillette 1
Cueillette 2
toires 1,2,3GO!, 46 % des familles acceptent de participer et 43 % dans les territoires
de comparaison.
DéroulementLa visite à domicile dure environ deux heures et demie. L’évaluatrice aide le pa-
rent à remplir les questionnaires. Elle administre l’échelle de développement Bayley
(1993) au moment où elle juge l’enfant apte à fournir une attention soutenue. Toutes
les données sont vérifiées, codifiées et entrées à l’ordinateur à l’aide d’un programme
informatique.
Nous offrons au parent un montant de 20 dollars et un jouet à l’enfant (pâte à
modeler) pour les remercier de leur participation. Si le parent souhaite recevoir de
l’information sur le développement de l’enfant, l’évaluatrice communique avec lui
quelques semaines plus tard pour présenter un bilan de l’évaluation.
MesuresLes données proviennent de questionnaires, de tests standardisés et de grilles
d’observation. Elles donnent de l’information sur les caractéristiques sociodémo-
graphiques de la famille, le niveau de développement de l’enfant, son état de santé
général et son environnement physique et social.
Caractéristiques sociodémographiques
Un questionnaire rempli par le parent à la fin de la visite recueille de l’informa-
tion sur le lieu de naissance de la mère, son âge, son niveau de scolarité, le revenu
familial annuel et la source principale du revenu. Des questions portent sur la
présence ou non d’un conjoint, son lien avec l’enfant, son origine, la nature de son
emploi et sa scolarité. Dans les analyses, nous utilisons le niveau de scolarité et l’âge
de la mère.
Développement de l’enfant
Nous évaluons le développement cognitif de l’enfant à l’aide de l’échelle men-
tale de développement de Bayley (Bayley, 1993). Elle porte sur les habiletés percep-
tives, mnémoniques, verbales et de résolution de problèmes de l’enfant. L’échelle
fournit un résultat normalisé (moyenne de 100, écart type de 15). Son degré de
cohérence interne varie de 0,78 à 0,83. Les évaluatrices reçoivent une formation
préalable de façon à assurer une standardisation de l’administration de l’échelle. De
plus, pour 4,1 % des évaluations, deux personnes font simultanément et indépen-
damment les cotations. La moyenne des accords inter-juges est 89,6 %.
Santé de l’enfant
Un questionnaire recueille de l’information sur l’état de santé général de l’en-
fant, son âge gestationnel et ses paramètres staturo-pondéraux à la naissance. Il nous
informe aussi sur la présence de pratiques parentales favorables à un état de santé
optimal de l’enfant. Trois indicateurs sont retenus dans l’étude : le poids à la naissance,
le nombre de semaines de gestation et l’indice pondéral (poids à la naissance/
semaines de gestation).
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Environnement de stimulation
Une fiche évalue la disponibilité de matériel de jeu pour l’enfant. Par conversa-
tion avec le parent et par observation, l’évaluatrice note la présence de différents
types de jouets : jouets qui stimulent le langage et l’audition, tels les livres, les jeux
sonores et les instruments de musique; jouets qui encouragent la performance, tels
les casse-tête, les jeux de construction, les objets à encastrer et les legos. Pour cette
étude, nous considérons le nombre de livres et de casse-tête puisqu’ils sont forte-
ment en relation avec le développement de l’enfant (Gillespie et al., 1998; Sénéchal
et al., 1998). La fiche précise la durée des périodes qu’un adulte consacre à jouer avec
l’enfant à la maison et à lui faire la lecture. Le parent y note aussi le temps que l’en-
fant passe à regarder la télévision. Lors de la première cueillette, nous demandons au
parent le nombre d’heures par semaine consacré à ces activités et à la seconde, le
nombre de minutes par jour.
Utilisation des ressources pour enfants
Un questionnaire évalue quels services reliés à son développement physique et
social (garderie, joujouthèque, bibliothèque, heure du conte, activités de stimula-
tion) fréquente l’enfant. Lors de la première cueillette, le parent indique si l’enfant se
fait garder, lors de la seconde, il spécifie quel type de service de garde est principale-
ment utilisé (garderie, halte-garderie, milieu familial, par un proche).
Des questionnaires ne faisant pas l’objet de la présente étude portent sur le pa-
rent (stress parental, réseau de soutien social, pratiques éducatives, etc.) et sur sa
perception du voisinage (sentiment d’appartenance à la communauté, cohésion
sociale de la communauté, salubrité et propreté du voisinage, attitudes des résidents
à l’égard des tout-petits et des familles, etc.).
Résultats
Avant les analyses inférentielles, nous procédons à des tests de normalité et
d’homogénéité de la variance des données. Les résultats montrent que ces condi-
tions sont respectées. Nous réalisons des analyses Khi-carré (_2) et des tests de Fisher
sur les variables catégorielles pour identifier les différences entre les territoires
1,2,3GO! et ceux de comparaison à chaque cueillette de données. D’autres analyses
_2 permettent de vérifier l’évolution des mesures dans le temps pour chacun des
groupes. Des analyses de la variance factorielle portent sur les variables continues.
Des données manquantes expliquent le nombre variable d’enfants et de familles
dans les analyses. Leurs nombres apparaissent dans les tableaux et les figures.
Dans un premier temps, nous comparons le profil sociodémographique des
familles de l’ensemble des territoires 1,2,3GO! et des territoires de comparaison, les
mesures de développement, de santé et de l’environnement de stimulation des tout-
petits, ainsi que l’utilisation des ressources pour enfants par les familles aux cueil-
lettes 1 et 2. Dans un deuxième temps, nous examinons si chaque paire de territoires
évolue de la même façon que l’ensemble des territoires 1,2,3GO! et de comparaison
à ces mesures.
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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
Profil sociodémographiqueLes analyses des données sociodémographiques montrent que les familles des
territoires 1,2,3GO! diffèrent de celles des territoires de comparaison (voir Tableau 2).
Tableau 2 : Caractéristiques sociodémographiques des familles dans les territoires
1, 2, 3, GO! et de comparaison
Les mères des territoires 1,2,3GO! sont plus jeunes, F(1, 1056) = 6,89, p < 0,01, un
plus grand nombre d’entre elles sont monoparentales, Fisher, p < 0,001, elles sont
moins scolarisées, _2(5, N = 1059) = 39,89, p < 0,001, et elles ont un revenu familial
inférieur, _2(6, N = 1016) = 24,39, p < 0,001. Aucune différence n’est observée entre les
territoires pour l’âge et le sexe des enfants. Les analyses n’indiquent pas non plus de
différence entre les deux cueillettes de données.
Le portrait sociodémographique de chaque paire de territoires se compare à
celui de l’ensemble des territoires 1,2,3GO! et de comparaison. Les analyses mon-
trent cependant un changement entre les deux cueillettes pour le territoire 1,2,3GO!
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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
Âge de la mère (n = 1060)
Territoires
1, 2, 3, GO! Comparaison
< 20 ans
20-25 ans
26-30 ans
31-35 ans
36-40 ans
> 40 ans
Primaire
Secondaire 1 et 2
Secondaire 3, 4 et 5
Secondaire professionnel
Cégep
Université
< 10 000 $
10 000 $ à 14 999 $
15 000 $ - 19 999 $
20 000 $ - 29 999 $
30 000 $ - 39 999 $
40 000 $ - 60 000 $
> 60 000 $
6
150
160
129
76
18
150
15
40
238
53
119
74
64
104
53
76
74
88
54
1,1
27,8
29,7
23,9
14,1
3,3
27,7
2,8
7,4
44,2
9,8
22,1
13,7
11,8
19,2
9,8
14,0
13,6
16,2
9,9
6
103
149
168
69
26
99
6
18
180
45
135
136
37
69
41
78
87
112
79
1,2**
19,8**
28,6**
32,2**
13,2**
5,0**
18,9***
1,2***
3,5***
34,6***
8,7***
26,0***
26,2***
7,0***
13,1***
7,8***
14,8***
16,5***
21,3***
15,0***
n % n %
Monoparentalité (n = 1066)
Scolarité de la mère(n = 1059)
Revenu familial annuel brut(n=1016)
**p < 0,01 *** p < 0,001
urbain1 et le territoire de comparaison urbain1. Dans le premier cas, les analyses
indiquent que les mères de la seconde cueillette sont plus jeunes que celles de la pre-
mière, F(1, 192) = 4,40, p < 0,05. Dans le second, elles montrent une diminution du
taux de monoparentalité de la première à la deuxième cueillette (de 37,5 % à 17,9 %),
seuil de signification de Fisher, p < 0,05. Finalement, les familles de la seconde cueil-
lette du territoire 1,2,3GO! suburbain1 ont un revenu familial inférieur à celui des
familles de la première cueillette, _2(6, N = 120) = 21,06, p < 0,01.
Développement cognitif des enfantsL’analyse des résultats de développement cognitif des enfants à l’échelle men-
tale de Bayley (1993) montre une différence entre les résultats des enfants des terri-
toires 1,2,3GO! et ceux des territoires de comparaison, F(1, 965) = 5,63, p < 0,05. Tel
qu’il apparaît à la Figure 1, les enfants des territoires 1,2,3GO! ont des résultats
inférieurs à ceux des autres enfants et ce, aux deux cueillettes de données. Nous ne
notons aucune différence entre les moments de mesure.
Figure 1 : Résultats de développement cognitif des enfants selon les moments dans
les territoires 1,2,3GO! et de comparaison.
On retrouve aussi cette différence entre les territoires 1,2,3GO! et de comparai-
son pour les résultats de développement dans les territoires urbains1, F(1, 168) =
2,96, p = 0,087, et urbains2, F(1, 183) = 17,28, p < 0,001. De plus, les résultats de
développement des enfants des territoires urbains1 augmentent d’une cueillette à
l’autre, F(1, 168) = 4,50, p < 0,05. L’interaction territoire x moment, F(1, 168) = 3,99,
p < 0,05, souligne que le résultat moyen des enfants du territoire 1,2,3GO! reste stable,
alors que celui du territoire de comparaison augmente. Dans les territoires subur-
bains (1 et 2) et ruraux, les différences ne sont pas significatives et les résultats ne
changent pas entre les deux cueillettes.
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L’outil d’évaluation permet de distribuer les résultats de développement des
enfants en quatre catégories (performance accélérée, moyenne, avec retard léger ou
retard significatif). La distribution des résultats en ces catégories indique une forte
proportion d’enfants classés dans les catégories retard (léger : entre 1 et 2 écarts types
sous la moyenne; significatif : plus de 2 écarts types sous la moyenne). Nous retrou-
vons, respectivement, aux cueillettes 1 et 2, 32 % et 38,3 % des enfants des territoires
1,2,3GO! dans ces catégories, alors que cette proportion est 28,2 % aux deux
moments de mesure chez les enfants des territoires de comparaison. La différence de
distribution entre les groupes à la première cueillette n’est pas significative, mais elle
l’est à la seconde, _2(3, N = 481) = 10,17, p < 0,05.
Comme le profil sociodémographique des familles des territoires 1,2,3GO! se
distingue de celui des autres familles, nous avons créé une variable cumul de risques
afin de prendre en considération cette disparité des groupes. Nous retenons comme
facteurs de risque la précarité du revenu familial (selon le seuil de pauvreté établi par
le revenu familial brut annuel, le nombre de personnes qui composent la famille et
le secteur de résidence), la sous-scolarisation (moins de 12 ans de scolarité) et la
monoparentalité. Chaque famille présente 0, 1, 2 ou 3 de ces facteurs de risque. Plus
de 55 % des familles des territoires 1,2,3GO! présentent un cumul de 2 et 3 facteurs de
risque, contre 37 % des familles des territoires de comparaison (voir Figure 2). Cette
différence entre les groupes est significative, _2(3, N = 1061) = 37,43, p < 0,001.
Figure 2 : Distribution des facteurs de risque selon les territoires 1,2,3GO! et de com-
paraison : pourcentage de familles à chaque niveau de risque.
Lorsque nous comparons le développement cognitif des enfants des différents
territoires en tenant compte du cumul des facteurs de risque, nous observons que les
résultats de développement sont associés à cette variable à la première cueillette,
F(3, 474) = 32,95, p < 0,001, et à la deuxième, F(3, 473) = 28,10, p < 0,001. À des niveaux
de risque équivalents, la différence entre les résultats des enfants des territoires
1,2,3GO! et de comparaison disparaît.
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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
Indicateurs de santéL’indicateur de prématurité se définit par un âge gestationnel inférieur à 37 se-
maines et celui de petit poids, par un poids à la naissance inférieur à 2500 grammes.
Les analyses ne montrent pas de différence entre les groupes dans le nombre d’en-
fants prématurés ou de petit poids à la naissance. Seuls les territoires urbains2 dif-
fèrent dans le taux de prématurité, Fisher, p < 0,05 (1,2,3GO! : 15,9 %; comparaison :
1,9 %). Dans l’ensemble des territoires, les taux de ces deux indicateurs diminuent à
la seconde cueillette. Le test de Fisher, p < 0,05, indique cependant que cette diminu-
tion n’est significative que pour le nombre d’enfants de petits poids du groupe
1,2,3GO!, passant de 10,2 % à 5,0 %. Les taux de prématurité et de petit poids à la nais-
sance ne sont pas reliés au cumul de risques.
Globalement, l’analyse de la variance de l’indice pondéral (poids à la naissance/
semaines de gestation) ne révèle pas de différence entre les groupes. Pour les données
de la cueillette 1, l’indice pondéral diminue avec le cumul de risques, F(3, 498) = 3,00,
p < 0,05. De plus, nous notons que l’indice augmente d’une cueillette à l’autre, F(1, 1029)
= 9,60, p < 0,01. Le ratio poids à la naissance sur nombre de semaines de gestation
s’améliore. Cette évolution se retrouve dans les territoires urbains1, F(1, 181) = 12,48,
p < 0,001, et suburbains1, F(1, 216) = 4,36, p < 0,05. Pour les territoires suburbains1,
une interaction territoire x moment, F(1, 216) = 4,30, p < 0,05, indique que l’amélioration
se retrouve dans le territoire de comparaison, mais non dans le territoire 1,2,3GO!
Résultat composite de l’environnement proximalAfin d’augmenter la puissance des analyses statistiques sur des éléments précis
du contexte de vie, nous regroupons les variables de l’environnement proximal en un
résultat composite. Les moyennes de chaque variable se retrouvent au Tableau 3.
Tableau 3 : Moyennes des aspects de l’environnement proximal de l’enfant selon les
moments dans les territoires 1, 2, 3 GO! et de comparaison
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Temps de jeu (min./jr) (n=1046)
Temps de lecture (min./jr) (n=1056)
Temps de télévision (min./jr) (n=1066)
Territoires
1, 2, 3, GO! Comparaison
Cueillette 1
Cueillette 2
Cueillette 1
Cueillette 2
Cueillette 1
Cueillette 2
Cueillette 1
Cueillette 2
Cueillette 1
Cueillette 2
M ÉT M ÉT
Nombre de livres (min./jr) (n=1014)
Nombre de casse-tête(min./jr) (n=1046)
118,5
89,4
23,5
17,2
94,8
92,2
21,7
24,2
6,0
5,1
97,0
68,5
28,9
15,8
80,6
67,9
22,9
22,4
7,4
5,6
126,1
90,9
28,6
18,2
71,9
76,0
25,5
28,8
5,6
5,3
106,0
68,8
36,8
17,7
59,3
58,1
25,8
25,6
6,0
5,0
Les corrélations de Pearson indiquent des relations positives et significatives
entre toutes les variables à l’exception du temps de télévision (voir Tableau 4). Cette
donnée est donc traitée séparément. Nous créons un résultat composite global d’en-
vironnement positif pour le développement de l’enfant qui inclut le nombre de livres
et de casse-tête ainsi que la durée de jeu et de lecture.
Tableau 4 : Corrélations entre les aspects de l’environnement proximal de l’enfant
Nous transformons ensuite ces variables en cotes z et calculons l’indice de
cohérence interne. Le regroupement environnement positif, qui inclut quatre va-
riables, obtient un alpha de 0,55. Nous calculons le résultat composite en faisant la
somme des cotes z. Les analyses de la variance des cotes z indiquent une cote d’en-
vironnement positif plus élevée dans les familles des territoires de comparaison que
dans les familles 1,2,3GO!, F(1, 999) = 4,29, p < 0,05. Globalement, dans les territoires
de comparaison, les parents offrent un environnement de stimulation plus propice
au bon développement de leur enfant, soit davantage de jouets éducatifs et de temps
accordé à l’enfant. Cette différence s’observe aussi entre les territoires urbains1,
F(1, 173) = 13,23, p < 0,001, et, de façon marginale, entre les territoires suburbains2,
F(1, 228) = 2,88, p = 0,091. Pour l’ensemble des territoires, le résultat diminue à la se-
conde cueillette, F(1, 999) = 19,12, p < 0,001. Ce changement est présent dans les ter-
ritoires suburbains2, F(1, 228) = 7,81, p < 0,01, et ruraux, F(1, 179) = 11,89, p < 0,001.
La différence entre les deux cueillettes est probablement due à un artéfact de mesure.
L’unité temporelle utilisée pour la durée de jeu et de lecture change (heures/semaine
vs minutes/jour). Nous observons aussi que la cote d’environnement positif diffère
avec le cumul de facteurs de risque, F(3, 961) = 20,07, p < 0,001. En tenant compte de
ce facteur, la différence entre les territoires 1,2,3GO! et de comparaison à la cote d’en-
vironnement positif disparaît.
À chaque cueillette, les enfants des territoires 1,2,3GO! passent plus de temps à
regarder la télévision que les autres, F(1, 520) = 9,56, p < 0,01 et F(1, 522) = 4,61,
p < 0,05. Cette différence se retrouve entre les territoires urbains1, F(1, 194) = 3,35,
p = 0,069, urbains2, F(1, 215) = 15,62, p < 0,001, suburbains1, F(1, 217) = 7,55, p < 0,01,
et suburbains2, F(1, 240) = 4,19, p < 0,05. Dans les territoires ruraux, l’interaction ter-
ritoire x moment, F(1, 180) = 5,13, p < 0,05, souligne que les enfants du territoire
1,2,3GO! regardent moins la télévision à la seconde cueillette qu’à la première, alors
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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
Variables 1 2 3 4 5
1. Temps de jeu ,– 0,43*** 0,13*** 0,13*** 0,10***
2. Temps de lecture ,– 0,04 0,11*** 0,12***
3. Temps de télévision ,– -0,14*** -0,07*
4. Nombre de livres ,– 0,49***
5. Nombre de casse-tête ,–
* p <0,05 ***p<0,001
que ceux du territoire de comparaison la regardent plus. Par ailleurs, l’analyse sur
l’ensemble des territoires ne montre pas de changement entre les deux moments de
mesure. La variable cumul de risques est reliée au temps passé à regarder la télévi-
sion (première cueillette : F(3, 520) = 2,27, p = 0,080; seconde cueillette : F(3, 522) =
6,52, p < 0,001). Plus les familles cumulent des facteurs de risque, plus le temps
d’écoute de la télévision chez les enfants augmente. Cependant, la différence entre
les territoires se maintient lorsque le cumul de risques est pris en considération.
Utilisation des ressources pour enfantsPlus de 70 % des enfants se font garder par des personnes autres que leurs pa-
rents. Globalement, les analyses ne montrent pas de différence entre les territoires
1,2,3GO! et les territoires de comparaison, ni entre les cueillettes. Seuls les territoires
urbains2 diffèrent de façon significative, Fisher, p < 0,001. Moins d’enfants du terri-
toire 1,2,3GO! se font garder régulièrement (61,9 % vs 83 %). Cependant, tel que le
révèle la cueillette 2, le type de services de garde principalement utilisé diffère, _2(3,
N = 388) = 8,02, p < 0,05. Les enfants des territoires de comparaison fréquentent
davantage un centre de la petite enfance (CPE) que les enfants des territoires
1,2,3GO! (30,8 % vs 23,3 %). Nous retrouvons cette différence dans les territoires
urbains (1 et 2), _2(3, N = 77) = 8,26, p < 0,05 et _2(3, N = 66) = 13,51, p < 0,01. De plus,
les analyses indiquent une relation significative avec le cumul de facteurs de risque
dans les territoires 1,2,3GO!, _2(9, N = 193) = 27,99, p < 0,001 et les territoires de com-
paraison, _2(9, N = 195) = 25,62, p < 0,01. La proportion d’enfants qui se font essen-
tiellement garder dans un CPE où est offert un programme éducatif spécifique
diminue avec le cumul de risques.
En moyenne, une trentaine d’enfants sur 100 fréquentent au moins un service
communautaire, tel la joujouthèque (5,3 %), la bibliothèque (22,7 %), l’heure du
conte (4 %) ou les activités de stimulation (12,9 %). Les analyses ne révèlent pas de
différence entre les territoires, ni entre les cueillettes. Seuls les territoires ruraux se
distinguent de façon significative avec un seuil de signification de Fisher, p < 0,001.
Plus d’enfants du territoire 1,2,3GO! utilisent au minimum un service communau-
taire (1,2,3GO! : 57,6 %; comparaison : 30,4 %). Le taux de fréquentation des services
communautaires diminue avec le cumul de risques dans l’ensemble des territoires
1,2,3GO!, _2(3, N = 541) = 8,18, p < 0,05, mais pas dans les territoires de comparaison.
Discussion
Notre étude visait à examiner les impacts de l’initiative communautaire
1,2,3GO! sur le développement et le bien-être des enfants et sur leur famille. Les don-
nées d’évaluation ne révèlent pas de résultats concluants. Les enfants et les familles
des territoires 1,2,3GO! se distinguent de ceux des territoires de comparaison, mais la
différence favorise généralement ces derniers. De plus, les territoires 1,2,3GO!
n’évoluent pas de façon positive d’une cueillette à l’autre au niveau du développe-
ment cognitif des enfants, de leur santé, de l’environnement familial aménagé par les
58volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
parents ni au niveau de la fréquentation des ressources qui favorisent le développe-
ment des tout-petits.
La disparité des indices sociodémographiques entre les territoires 1,2,3GO! et
ceux de comparaison peut, en partie, expliquer les résultats moins favorables
obtenus dans les territoires 1,2,3GO! Un plus grand nombre de familles de ces terri-
toires cumulent des facteurs de risque, tels la précarité du revenu, la monoparenta-
lité et la faible éducation de la mère. De plus, les indicateurs sociodémographiques
des territoires de comparaison tendent à s’améliorer à la seconde cueillette, alors que
c’est l’inverse pour ceux de 1,2,3GO! Ces variables pourraient expliquer pourquoi les
enfants et les familles se portent mieux dans les territoires de comparaison. Les pro-
moteurs de l’initiative ont choisi les territoires qui présentaient des taux élevés de
facteurs liés de façon adverse à la qualité du développement des enfants pour
implanter 1,2,3GO! Le choix des territoires de comparaison s’est fait à partir des
mêmes critères. Cependant, les territoires 1,2,3GO! présentaient les plus grands
besoins et ces caractéristiques moins favorables incitent à considérer les comparai-
sons entre les territoires avec prudence.
En étant plus nombreuses que les familles des territoires 1,2,3GO! à ne présenter
aucun facteur de risque sociodémographique, celles des territoires de comparaison
bénéficient généralement de meilleures conditions de vie et subissent moins de pres-
sions économiques (Ackerman, Izard, et al., 1999; Dearing et al., 2001). Les parents
qui ont un revenu précaire sont susceptibles d’avoir une santé émotionnelle instable,
d’être irritables ou dépressifs, et ainsi de se montrer moins attentifs à leur enfant,
moins aptes à interagir de façon appropriée avec lui et à offrir un cadre d’expériences
et d’apprentissages adéquat (Garrett et al., 1994). De plus, un revenu précaire con-
traint la famille à se loger dans un quartier peu favorable pour assurer la qualité du
développement de l’enfant (Bradley, Corwyn, McAdoo et al., 2001; Pomerleau,
Malcuit, Moreau, Bastien, & Bouchard, 2001).
Les familles des territoires 1,2,3GO! offrent un environnement moins stimulant
pour assurer le plein développement des enfants. Ces derniers possèdent moins de
livres, ils passent moins de temps à jouer ou à lire avec un adulte. En corollaire, ils
passent plus de temps à regarder la télévision. La recherche montre qu’une situation
économique difficile affecte de nombreux aspects de l’environnement familial des
enfants, tels la qualité de l’environnement physique, les occasions d’apprentissage et
le niveau de stimulation (Bradley, Corwyn, McAdoo et al., 2001). Ces divers éléments
du contexte de vie de l’enfant sont également connus pour être fortement reliés au
développement des enfants (Bradley, Corwyn, McAdoo et al., 2001; Garrett et al.,
1994). Un enfant exposé à des livres et à la lecture a l’occasion de développer ses
habiletés langagières. Il acquiert du vocabulaire et améliore sa compréhension ver-
bale (Gillespie et al., 1998; Sénéchal et al., 1998; Verreault, Pomerleau, & Malcuit,
accepté). Le temps que consacrent les parents à jouer avec leur enfant lui donne l’oc-
casion de hausser ses compétences en améliorant sa coordination visuo-motrice,
grâce aux casse-tête par exemple (Huston, Wright, Marquis, & Green, 1999). De plus,
même si la relation entre le temps passé à regarder la télévision et le développement
des enfants n’est pas claire, des études montrent que plus un enfant regarde la télévi-
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sion, moins il consacre de temps à d’autres activités plus enrichissantes (Bianchi &
Robinson, 1997; Huston et al., 1999) et plus il risque d’avoir des difficultés d’attention
plus tard (Christakis, Zimmerman, DiGiuseppe, & McCarty, 2004).
Les données indiquent également que les enfants des territoires 1,2,3GO! sont
moins nombreux à fréquenter un CPE. Chez les familles qui cumulent plus de fac-
teurs de risque, la mère, souvent moins scolarisée, reste au foyer et ne considère pas
pertinent de recourir à un tel service pour son enfant. D’ailleurs, les coûts d’accès à
un service de garde peuvent se révéler prohibitifs pour elle. La recherche révèle que
les jeunes enfants qui fréquentent des services de garde de qualité avec contenus
pédagogiques ont de meilleures performances langagières et cognitives (Arnold &
Doctoroff, 2003). L’ensemble de ces éléments de l’environnement est moins positif
pour les enfants des territoires 1,2,3GO! Ceci peut expliquer leur niveau de dévelop-
pement cognitif inférieur à celui des enfants des territoires de comparaison. La qua-
lité des expériences que les enfants vivent à l’intérieur et à l’extérieur de la maison est
associée aux conditions socio-économiques des familles (Pomerleau et al., 1997;
Ramey & Ramey, 1998). Les différences obtenues favorisent généralement les terri-
toires de comparaison puisque les familles présentent un profil sociodémographique
moins défavorable. D’ailleurs, les différences disparaissent lorsque nous comparons
les groupes à des niveaux de risque équivalents.
Les mesures d’évaluation montrent que peu de changements surviennent d’une
cueillette à l’autre chez les enfants et les familles des territoires 1,2,3GO! Nous n’ob-
servons aucune amélioration au niveau du développement cognitif des enfants. De
plus, principalement chez ceux des territoires urbains, des retards inquiétants appa-
raissent. Ces données indiquent qu’ils se situent sur une trajectoire d’échec et prédi-
sent des difficultés majeures à leur entrée à l’école. Il semble que l’initiative 1,2,3GO!
ne permette pas, pour le moment, de modifier cette trajectoire. Peut-être qu’en lais-
sant s’écouler plus de temps suite à l’implantation et qu’en ciblant davantage des
habiletés particulières chez les enfants, des changements pourraient se produire au
sein de la population d’enfants. La recherche montre que pour obtenir des change-
ments sur le plan cognitif, il est important d’impliquer les parents dans l’intervention
afin qu’ils répondent aux besoins de leur enfant et le stimulent efficacement, mais il
importe aussi que les actions s’adressent directement à l’enfant (Campbell & Ramey,
1994; Ramey & Ramey, 1998; St-Pierre & Layzer, 1998; Verreault et al., accepté).
À la lumière du changement noté d’une cueillette à l’autre sur l’environnement
de stimulation offert aux enfants, on pourrait conclure à une détérioration dans les
territoires 1,2,3GO! On constate que les parents offrent moins de livres aux enfants et
passent moins de temps à lire ou jouer avec eux. Une diminution semblable apparaît
dans les territoires de comparaison. Cette baisse traduit, en partie, un artéfact
méthodologique. D’une cueillette à l’autre, nous avons modifié les paramètres de
deux mesures sur ces données. L’unité temporelle utilisée pour la durée de jeu et de
lecture est passée du nombre d’heures par semaine au nombre de minutes par jour.
Le deuxième mode de mesure aurait entraîné une baisse d’estimation de la durée
moyenne. En conservant la même unité pour les cueillettes subséquentes, il sera
possible de noter si de réels changements surviennent.
60volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
La recherche montreque pour obtenir deschangements sur le
plan cognitif, il estimportant d’impliquer
les parents dans l’inter-vention afin qu’ils
répondent aux besoinsde leur enfant et le
stimulent efficacement,mais il importe aussi
que les actionss’adressent directement
à l’enfant
Nous constatons aussi que les taux de participation aux divers services commu-
nautaires n’augmentent pas avec le temps. On peut se questionner sur la mise en
place de ces services, leur promotion, leur disponibilité et leur accessibilité. La
recherche révèle qu’une disponibilité limitée ou la difficulté d’accès à des services
pour la famille contribue au stress des parents qui ont peine à trouver de l’aide pour
répondre à leurs besoins (Sampson & Morenoff, 1997). Par ailleurs, le recours à des
services qui offrent des interventions éducatives et des expériences de stimulations
intensives auprès des jeunes enfants entraîne des effets positifs sur leurs compé-
tences cognitives (Ramey & Ramey, 1998). La faible participation des enfants aux res-
sources et services qui visent leur bon développement ne contribue guère à amélio-
rer leur performance.
Au niveau de la santé des enfants, nous observons que l’indice pondéral s’amé-
liore de la première à la seconde cueillette et que les taux de bébés nés prématuré-
ment ou de bébés de petits poids tendent à diminuer, tant dans les territoires
1,2,3GO! que dans ceux de comparaison. Des programmes, tels OLO et Naître Égaux-
Grandir en Santé, proposés par la majorité des CLSC qui offrent des soins périnataux
à des populations à risque, peuvent expliquer que les indicateurs de santé des en-
fants s’améliorent avec le temps puisque tous les territoires progressent de la même
façon. Avant d’observer des impacts particuliers de l’initiative 1,2,3GO! sur ces indi-
cateurs, il faut attendre encore. En effet, nous évaluons des enfants âgés entre 20 et
42 mois. Si l’initiative a un quelconque impact à ces niveaux, celui-ci se situe néces-
sairement durant la période de gestation des enfants, soit entre deux et quatre ans
avant les prises de mesures. À la première cueillette, l’initiative n’était implantée
dans certains territoires que depuis environ deux ans. Les enfants les plus âgés qui
ont participé étaient donc déjà nés au moment de l’implantation de l’initiative. À
partir de la deuxième cueillette, nous aurions pu observer une évolution particulière
dans les territoires 1,2,3GO!, mais, si effet il y a, le changement pourrait être plus
probant aux cueillettes subséquentes.
Dans les milieux défavorisés, les facteurs qui nuisent au développement et au
bien-être des enfants sont nombreux. Il devient difficile de modifier l’environnement
de façon à obtenir des effets mesurables à court terme. L’initiative 1,2,3GO! s’adresse
à toute la population et vise, de façon idéale, des changements auprès des enfants,
des parents, des intervenants et de la communauté. L’équipe de recherche a rencon-
tré des familles et évalué des enfants résidant dans les territoires où a été implantée
l’initiative. Ceux-ci ne participaient pas nécessairement de façon directe aux activités
qu’elle génère. Il est difficile d’obtenir cette information puisque des familles peu-
vent profiter de services sans savoir qu’ils sont le fruit de 1,2,3GO!, alors que d’autres
peuvent fréquenter des ressources déjà existantes qui font la promotion de 1,2,3GO!
et croire ainsi qu’elles en résultent. Peut-être que des enfants ayant participé directe-
ment à des activités issues de l’initiative ont amélioré leur performance cognitive,
mais ces résultats se perdent parmi ceux des enfants qui n’en ont pas bénéficié. Nous
aurions pu nous attendre à observer des changements d’abord chez les parents, dans
l’utilisation des ressources pour enfants et dans l’aménagement de l’environnement
familial, pour ensuite espérer une amélioration au niveau du développement des
61volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
enfants. Cependant, les données des deux premières cueillettes ne révèlent pas une
telle évolution.
Nous avons aussi considéré chaque paire de territoires comme une expérimen-
tation spécifique puisque chacune des communautés 1,2,3GO! élaborait un plan
d’action qui répondait à ses propres besoins. Nous aurions pu croire que certaines
actions mises en place dans l’un ou l’autre des territoires auraient été plus efficaces
que d’autres. Cependant, les résultats montrent que tous les territoires se compor-
tent de façon similaire. De façon générale, peu de changements surviennent chez les
enfants et leur famille. En dépit d’actions diverses, les effets ne varient pas d’une
communauté à l’autre. L’initiative a pour objectif de modifier le sort de tous, à plu-
sieurs niveaux et avec relativement peu de moyens. On peut supposer qu’il serait plus
efficace de travailler sur des objectifs précis, avec des moyens appropriés. Des
chercheurs ont montré l’importance de confier le programme à des intervenants
qualifiés, d’offrir une structure et un contenu éducatif, d’optimiser l’intensité des
activités et d’impliquer parents et éducateurs (Anderson et al., 2003; Peters et al.,
2003; St-Pierre & Layzer, 1998).
En somme, une intervention appropriée devrait favoriser la disponibilité et l’ac-
cessibilité des ressources pour les familles afin qu’elles répondent à leurs besoins.
Elle devrait sensibiliser les parents à la pertinence de les utiliser et de participer aux
diverses activités proposées pour leur enfant. Elle devrait également amener les pa-
rents à développer leurs compétences parentales, à fournir des soins adéquats à leur
enfant et à lui offrir un environnement stimulant afin d’optimiser son développe-
ment. De plus, nous savons maintenant qu’il importe aussi d’agir directement
auprès des enfants si nous souhaitons élaborer des programmes efficaces afin que les
enfants et leur famille se développent harmonieusement (Ramey & Ramey, 1998;
St-Pierre & Layzer, 1998).
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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
Notes des auteursElisa Denis, Gérard Malcuit et Andrée Pomerleau, Laboratoire d’étude du nour-
risson, Département de psychologie, Université du Québec à Montréal
Cette étude représente une partie de la thèse de doctorat de la première auteure.
La recherche a été réalisée grâce à des subventions des organismes suivants :
Fondation McConnell, Fondation Alcan, FCAR, CRSH, Régie régionale Laval, Régie
régionale Montérégie, Ministère de la santé et des services sociaux, Centraide,
GRAVE-ARDEC. Nous tenons à souligner la contribution de tous les chercheurs impli-
qués dans l’équipe : Camil Bouchard, Jacques Moreau, Nathalie Bastien, Dominique
Damant; l’excellent travail de la coordonnatrice Marie-France Bastien; ainsi que
celui des collaboratrices, étudiantes de doctorat et évaluatrices. Nous aimerions
aussi remercier les familles et leurs enfants qui ont accepté de participer à l’étude.
Pour toute correspondance concernant cet article, s’adresser à Elisa Denis,
Département de psychologie, Université du Québec à Montréal, C.P. 8888, Succursale
Centre-ville, Montréal, (Québec), Canada, H3C 3P8. Adresse courriel : elisa_denis@
hotmail.com
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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille
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Un programme de préventiondestiné à la petite enfance :
ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
Yves HERRYUniversité d’Ottawa, Gatineau, Canada
RÉSUMÉ
Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur est un programme de prévention
des problèmes affectifs et comportementaux destiné aux enfants de moins de huit
ans vivant dans des communautés ontariennes socioéconomiquement défavorisées.
Une équipe de chercheurs évalue depuis 1991 l’impact des programmes du projet sur
les enfants, les familles et la communauté. Cet article présente les résultats de l’étude
huit ans après le début du projet. Après les quatre premières années, les chercheurs
ont observé une augmentation des comportements prosociaux, une amélioration de
la santé des enfants, une diminution des problèmes comportementaux et une
diminution du nombre d’enfants en difficulté. Quatre ans plus tard, la diminution
des comportements liés à l’hyperactivité et à la diminution du nombre d’enfants en
difficulté se sont maintenues. Cependant, le programme n’a pas eu d’effets sur le
développement cognitif des élèves.
ABSTRACT
A Prevention Program for Young Children: Its Effects on the Children,Families and the CommunityYves Herry
University of Ottawa, Ottawa, Ontario
Better Beginnings, Better Futures is a program whose purpose is to prevent emo-
tional and behaviour problems. It is designed for children under eight years old who
live in socially and economically disadvantaged Ontario communities. Since 1991, a
team of researchers has been evaluating the impact of this project’s programs on
children, their families and the community. This article presents the results of the
study eight years after the beginning of the project. After the first four years,
researchers observed an increase in pro-social behaviour, an improvement in the
children’s health, a decrease in behavioural problems, and a decrease in the number
of children having difficulties. Four years later, a decrease in behaviour problems
linked to hyperactivity and a decrease in the number of children having problems
remains stable. However, the program has not had any effects of the students’ cogni-
tive development.
RESUMEN
Un programa de prevención destinado a la infancia : sus consecuenciassobre los niños, las familias y la comunidadYves Herry
Universidad de Ottawa, Ottawa, Ontario
Partir bien hacia un futuro mejor es un programa de prevención de problemas
afectivos y de comportamiento destinado a los niños menores de ocho años que
viven en las comunidades socioeconómicamente desfavorecidas de Ontario. Un
equipo de investigadores evalúa desde 1991 el impacto de los programas de dicho
proyecto sobre los niños, las familias y la comunidad. Este artículo presenta los resul-
tados del estudio ocho años después de haberse iniciado el proyecto. Después de los
primeros cuatro años, los investigadores observaron un aumento de comportamien-
tos pro-sociales, un mejoramiento de la salud de los niños, una disminución de
problemas de comportamiento y una disminución del número de niños con proble-
mas. Cuatro años más tarde, la disminución de los comportamientos asociados a la
hiperactividad y la disminución del número de niños con problemas permanecieron
constantes. Sin embargo, el programa no tuvo incidencias sobre el desarrollo cogni-
tivo de los alumnos.
68volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
Introduction
Cet article s’intéresse à un programme de prévention des problèmes affectifs et
comportementaux destiné aux enfants de moins de huit ans vivant dans des com-
munautés ontariennes socioéconomiquement défavorisées. Ce projet, intitulé Partir
d’un bon pas pour un avenir meilleur (http://bbbf.queensu.ca/index_f.html), a germé
pendant les années 80 avec la publication des documents Ontario Child Health Study
(ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario, 1983) et Investing in
children (ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario, 1988). Ces
documents soulevaient, entre autres, des inquiétudes concernant le taux élevé d’en-
fants d’âge scolaire ayant des troubles affectifs et comportementaux. Le contenu de
ces rapports a permis au ministère des Services Sociaux et Communautaires de
l’Ontario (1989) de développer un modèle de prévention des troubles affectifs et
comportementaux au sein de communautés défavorisées, qui incluait la mise en
œuvre, par les communautés, de programmes financés par le gouvernement. La mise
en place des programmes a débuté en 1991.
Le projet Partir d’un bon pas inclut un volet programmes et un volet recherche.
Le volet programmes est développé et géré par des équipes locales intégrées à cha-
cun des sites participant au projet. Les programmes offerts poursuivaient trois objec-
tifs principaux, soit :
1. prévenir les difficultés comportementales, émotionnelles, physiques et cogni-
tives chez les enfants habitant des communautés socioéconomiquement
désavantagées;
2. promouvoir le développement optimal de l’enfant dans chacun de ces
champs;
3. habiliter les familles à répondre adéquatement aux besoins des enfants.
Pour atteindre ces objectifs, les communautés devaient miser sur l’intégration
des services offerts et sur la participation active des membres de la communauté
(principalement les parents) dans le choix, la conception et la gestion des pro-
grammes mis en place.
Le volet recherche est sous la responsabilité d’une équipe de chercheurs dirigée
par l’Université Queen’s qui est indépendante des équipes chargées de la section pro-
grammes. Il vise l’évaluation de l’atteinte des objectifs des programmes, 1) en éva-
luant l’impact des programmes du projet sur les enfants, les familles et la commu-
nauté; 2) en décrivant le déroulement et l’évolution du projet, et 3) en évaluant les
coûts et les retombées financières du projet. Le volet recherche a débuté en 1991 et
prévoit le suivi pendant 25 ans d’un groupe de jeunes enfants ayant bénéficié des
programmes pendant les quatre premières années de leur mise en œuvre. Cela fait
donc près de 14 ans que notre équipe suit l’évolution du projet.
Le présent article veut faire le point sur les principaux résultats observés au
cours de ces 14 premières années du projet. Il résume les effets observés chez les
enfants, les familles et la communauté lors des diverses phases de l’évaluation du
69volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
Cet article s’intéresseà un programme
de prévention des problèmes affectifs et
comportementaux destiné aux enfants de
moins de huit ans vivant dans des com-
munautés ontariennessocioéconomiquement
défavorisées.
programme Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur, ainsi que les effets du pro-
jet sur la participation des membres de la communauté dans la gestion du projet. Cet
article veut donc offrir au lecteur une vision d’ensemble du projet, de ses étapes et de
ses résultats, et non pas le présenter dans tous ses détails, ce qui serait trop long pour
un article1.
Le projet Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur est unique. Il constitue la
première étude longitudinale au Canada portant sur un programme de prévention
basé sur une conception écologique du développement communautaire (Peters &
Russell, 1994). En effet, Partir d’un bon pas offre des programmes tenant compte de
l’enfant, de la famille et de la communauté. Le projet offre une participation active
aux membres de la communauté, principalement aux parents, dans le choix, la con-
ception et la gestion des programmes mis en place. De plus, l’évaluation de ce projet
ne porte pas uniquement sur quelques aspects du développement de l’enfant, mais
se veut holistique, en incluant les divers domaines de développement de l’enfant, les
caractéristiques parentales et celles de la communauté. Finalement, contrairement
aux autres projets de recherche dans le domaine de la prévention, il ne vise pas un
groupe restreint d’enfants, mais tous les enfants et les familles d’un quartier dans les
limites d’âge imposées par le gouvernement. La recherche a suivi et suit encore
quelques 1157 enfants et leur famille, incluant les groupes de comparaison. Les pro-
grammes, quant à eux, sont offerts à 5334 enfants dans les huit communautés visées.
Le projet Partir d’un bon pas constitue une intervention novatrice dans le domaine
de la prévention des problèmes sociaux, susceptible de contribuer au renouvelle-
ment des pratiques sociales. Les chercheurs documentent chaque aspect du pro-
gramme afin de fournir des indications facilitant l’implantation de tels projets dans
d’autres communautés.
Les communautés participant à Partir d’un bon pas
Le gouvernement ontarien a choisi huit communautés pour participer au pro-
jet Partir d’un bon pas, dont cinq ont mis en place des programmes centrés sur les
besoins des enfants de moins de 4 ans et trois ont instauré des programmes centrés
sur les besoins des enfants âgés entre 4 et 8 ans. Pour être choisies, les communautés
devaient présenter une demande au gouvernement en justifiant les besoins de la
communauté pour un tel projet. Chaque communauté devait aussi démontrer sa
capacité à intégrer les services existants et à assurer la participation des agences dans
l’élaboration et la mise en œuvre de nouveaux programmes. Elle devait aussi démon-
trer sa capacité à favoriser la participation des membres de la communauté, princi-
palement les parents, dans l’élaboration et la gestion des programmes offerts.
70volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
1. Le lecteur qui désirerait obtenir plus de détails peut le faire en consultant les rapports anglais suivants : Peters, Arnold, Petrunka, Angus, Brophy, Burke, Cameron, Evers, Herry, Levesque, Pancer, Roberts-Fiati, Towsonet Warren, 2000; Peters, Petrunka, Angus, Arnold, Bélanger, Boyce, Brophy, Burke, Craig, Currie, Evers, Herry,Khan, Kocher, Mamatis, Nelson, Pancer, Russell et Towson (2003).
Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
Le présent articlerésume les effetsobservés chez les
enfants, les familles et la communauté lors
des diverses phases del’évaluation du pro-
gramme Partir d’un bonpas pour un avenir
meilleur, ainsi que leseffets du projet sur la participation des
membres de la com-munauté dans la
gestion du projet.
Les programmes offerts par le projet Partir d’un bon pas
Chaque site étant responsable de sa programmation, le nombre de programmes
établis par les sites de Partir d’un bon pas varie entre 11 et 26. Ces programmes se
regroupent autour de trois grands axes : les visites à domicile, les services de garde de
qualité et les programmes éducatifs préscolaires et scolaires. Les programmes de vi-
sites à domicile étaient offerts par tous les sites visant les enfants âgés entre 0 et 4 ans.
Ils offraient un soutien aux mères pendant et après la grossesse. Les visites avaient
lieu au domicile, mais il était fréquent que les personnes travaillant au sein de ces
programmes accompagnent les parents à divers rendez-vous (médecins, immigra-
tion, régie du logement, etc.). Les programmes axés sur la qualité des services de
garde visaient à augmenter la gamme de services offerts aux enfants et aux parents et
à améliorer la qualité des services. Cela se faisait par l’entremise d’une augmentation
du personnel et des ressources matérielles, par une formation offerte aux éducatri-
ces, par la création de services de garde à l’improviste et de services de garde pendant
les journées de congé. Les programmes éducatifs préscolaires et scolaires ont été
surtout mis en place dans les sites visant les enfants âgés entre 4 et 8 ans. Ils pre-
naient principalement la forme de programmes d’animation et d’enrichissement
scolaires offerts dans les écoles. Ils visaient à optimiser le développement scolaire des
enfants. Finalement, les sites offraient une gamme de services axés sur les besoins
des enfants, comme les programmes de petits déjeuners et de dîners, des groupes de
jeu, des cours de langues ancestrales et des activités les jours de congé (les journées
pédagogiques, les fins de semaines et l’été).
Les études antérieures à Partir d’un bon pas
Au cours des quinze dernières années, on note un intérêt croissant de la part de
la communauté éducative envers l’impact des années préscolaires sur le développe-
ment de la personne et à l’endroit des programmes de prévention ou d’intervention
visant la population préscolaire. De plus, l’intérêt se porte sur des programmes
reposant sur un modèle écologique centré sur l’ensemble des domaines de
développement de l’enfant et sur l’ensemble de la communauté (par exemple, le pro-
jet 1, 2, 3, Go! de Centraide du Grand Montréal; Bouchard, 2000). On retrouve des
recensions d’études portant sur les effets des programmes de prévention ou d’inter-
vention visant le sain développement des jeunes enfants et de leur famille et accor-
dant une attention particulière aux familles à statut socioéconomique faible. Par
exemple, Mrazek et Brown (2002) ont identifié 32 études répondant à des critères de
qualité concernant la méthodologie et le processus d’évaluation du programme. La
plupart de ces études sont américaines, seulement deux étaient canadiennes et une
seule a évalué les effets à long terme. De plus, la plupart de ces projets se concentrent
sur un domaine de développement, comme le développement cognitif ou le déve-
loppement social. Très peu d’études tiennent compte de l’ensemble des champs de
développement des enfants et aucune ne tient compte à la fois des enfants, des parents
et de la communauté (Peters et al., 2003).
71volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
Au cours des quinzedernières années, on
note un intérêt croissantde la part de la com-
munauté éducativeenvers l’impact des
années préscolaires surle développement de la
personne et à l’endroitdes programmes de
prévention ou d’intervention visant lapopulation préscolaire.
La recension des écrits n’a donc pas permis d’identifier des programmes dont
les visées étaient aussi vastes que celles de Partir d’un bon pas. Les projets recensés
offraient souvent des programmes qui touchaient une gamme de services, mais ils
s’intéressaient aux effets des programmes dans un champ de développement spéci-
fique. Ces projets se centraient soit sur les visites à domiciles (ex. The Elmira Nurse
Home Visitation Program : Olds, 1997; Olds et al., 1997), sur les services de garde
(Carolina Abecedarian Project : Campbell & Ramey, 1995), sur les programmes édu-
catifs préscolaires (the High Scope Perry Preschool Program : Schweinhart, Barnes,
Weikart, Barnett & Epstein, 1993), sur des programmes de développement des habile-
tés sociales et de la résolution de problèmes (Tremblay, Masse, Pagani & Vitaro, 1996).
De façon générale, ces programmes produisent peu d’effets à court terme. Le
Elmira Nurse Home Visitation Program a contribué à une diminution du nombre
d’enfants victimes d’abus. Le Carolina Abecedarian Project et le High Scope Perry
Preschool Program ont trouvé une amélioration significative du quotient intellectuel
des enfants et le programme de développement des habiletés sociales de Tremblay et
al. (1996) n’a pas produit d’effets significatifs à court terme. Cependant, les effets à
long terme de ces programmes sont plus prometteurs. Trois de ces programmes ont
produit une amélioration significative de la performance scolaire (le Carolina
Abecedarian Project, le High Scope Perry Preschool Program et le programme de
développement des habiletés sociales de Tremblay et al.). Trois programmes ont
également contribué à une diminution des comportements liés à la délinquance
juvénile (Le Elmira Nurse Home Visitation Program, le High Scope Perry Preschool
Program et le programme de développement des habiletés sociales de Tremblay et
al.). Le Elmira Nurse Home Visitation Program a également conduit à une diminution
du tabagisme et de la consommation d’alcool et de drogues. Finalement, les enfants
ayant participé au High Scope Perry Preschool Program avaient de meilleurs emplois
et de meilleurs salaires que les enfants du groupe témoin. Il faut souligner que ces
programmes n’étaient pas soumis à une évaluation holistique visant à la fois les
enfants, les parents et la communauté, comme le fait Partir d’un bon pas. Il se peut
donc que des effets n’aient pu être mesurés, comme des effets potentiels de ces pro-
grammes sur le fonctionnement de la famille, sur les relations de couple entre les
deux parents ou sur la perception de la communauté. Les données recueillies dans le
cadre de Partir d’un bon pas viennent enrichir les informations déjà fournies par ces
recherches en offrant une évaluation dans un très grand nombre de domaines, de
même qu’un suivi à long terme de ces familles et de leur communauté.
La méthodologie
Cette section résume la méthodologie utilisée pour l’évaluation du projet Partir
d’un bon pas. Elle se divise en deux sections. La première présente les modes de
cueillette des données de nature quantitative et la seconde, la cueillette de données
de nature qualitative.
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Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
Les modes de cueillette des données de nature quantitativeLa cueillette des données de nature quantitative visait à évaluer les effets des
programmes offerts sur les enfants, leur famille et la communauté. Cette évaluation
se déroule en quatre phases. La première phase a eu lieu à la fin des quatre années
pendant lesquelles les enfants fréquentaient les programmes, et les trois subsé-
quentes ont eu ou auront lieu respectivement quatre ans, sept ans et dix ans après la
fin des programmes. Cet article résume les résultats disponibles à ce jour, soit ceux
de la première phase, pour les deux groupes d’âges et ceux de la seconde phase pour
les groupes des enfants de 4-8 ans, alors qu’ils étaient en sixième année, quatre ans
après la fréquentation des programmes.
Les deux modèles quasi-expérimentaux utilisés lors de la première phase de
l’évaluation
Lors de la première phase de l’évaluation, nous avons eu recours à deux mo-
dèles d’évaluation quasi-expérimentaux. Le choix de ces modèles reposait sur le fait
que les participants au programme Partir d’un bon pas n’étaient pas choisis au
hasard, mais en fonction de l’appartenance à des communautés spécifiques.
Le premier modèle utilisé est une comparaison entre un groupe témoin (niveau
de base) et un groupe cible. Pour les enfants âgés de 0 à 4 ans, regroupés en cinq sites,
le groupe témoin incluait des enfants de 4 ans (en 1992-1993) qui n’ont pas été
exposés au programme Partir d’un bon pas. Un total de 358 enfants et leur famille ont
été comparés aux enfants et leurs familles du groupe cible qui ont bénéficié du pro-
gramme Partir d’un bon pas pendant quatre ans. Ce groupe incluait 367 enfants âgés
de 4 ans lors de l’évaluation en 1997.
Pour les enfants âgés de 4 à 8 ans, regroupés en trois sites, le groupe témoin
incluait des enfants de deuxième année qui n’ont pas été exposés au programme
Partir d’un bon pas. Ces enfants étaient donc en deuxième année en 1992-1993. Un
total de 206 enfants, représentant autant de familles, ont été comparées aux enfants
du groupe cible et leur famille qui ont bénéficié du programme Partir d’un bon pas
pendant quatre ans et qui en étaient à leur deuxième année en 1997. Ce groupe in-
cluait 257 enfants.
Le second modèle utilisé est une évaluation longitudinale du groupe cible pen-
dant les quatre années qu’ont duré les programmes. Cette évaluation longitudinale a
été comparée à celle de sites de comparaison qui n’offraient pas le projet Partir d’un
bon pas. La comparaison longitudinale prévoyait l’évaluation, chaque année, des
367 enfants et leurs familles du groupe cible à partir de la naissance jusqu’à l’âge de
4 ans pour la clientèle 0-4 ans, et de la maternelle quatre ans jusqu’à la deuxième
année pour les 257 enfants de 4 à 8 ans et leurs familles. Elle incluait aussi des
groupes de comparaison provenant de communautés qui n’avaient pas accès au pro-
jet Partir d’un bon pas. Les sites choisis étaient un quartier des villes d’Ottawa et de
Vanier (182 enfants et leurs familles), un quartier d’Etobicoke (115 enfants et leurs
familles) et un quartier de Peterborough (192 enfants et leurs familles). Ces popula-
tions présentaient des caractéristiques semblables à celles des quartiers desservis
par le projet Partir d’un bon pas. De plus, nous avons utilisé plusieurs variables socio-
démographiques comme covariables lors des analyses statistiques.
73volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
Le modèle utilisé lors de la deuxième phase de l’évaluation
Lors de la deuxième phase de l’évaluation, qui visait le suivi des enfants et de
leur famille quatre ans après la fin de la fréquentation des programmes par les
enfants, nous avons comparé l’évaluation du groupe cible à celle de sites de com-
paraison qui n’offraient pas le projet Partir d’un bon pas.
Le projet Partir d’un bon pas a déployé des efforts importants pour limiter la
perte des sujets. Au cours de la période couverte par cet article, la perte de sujets se
situe à 9,1 pour cent, ce qui représente une perte de 141 enfants et familles sur un
total de 1536.
Les domaines évalués
Les instruments de mesure sont variés et visent l’évaluation des enfants, des
familles et de la communauté. Les domaines évalués incluaient le développement
affectif et comportemental, le développement physique et cognitif, la santé et la
nutrition des enfants et des parents. Le projet évalue aussi les habiletés parentales, la
vie sociale et affective des parents et leur perception de la communauté. D’autres
sources de données incluaient les données fournies par l’Institut canadien de la
santé, par le ministère de l’Éducation sur l’enfance en difficulté, par les services de
police et par la Société d’aide à l’enfance.
La collecte des données
La collecte de données incluait une entrevue structurée avec un parent de l’en-
fant, le plus fréquemment avec la mère. L’entrevue se faisait en personne, générale-
ment chez le parent, et durait environ deux heures. Chaque enfant faisait l’objet
d’une évaluation directe qui durait environ une heure. Les entrevues et les évalua-
tions étaient conduites par des personnes formées à cette fin par le groupe de
recherche responsable de l’évaluation du programme. La plupart des questions de
l’entrevue étaient fermées et l’administration des tests destinés aux enfants devait
suivre des procédures standardisées. La cueillette des données était soumise à une
série de contrôles qui incluaient la formation systématique des évaluatrices, le suivi
hebdomadaire de leur travail, l’observation du déroulement de certaines entrevues
ou évaluations et des vérifications auprès des familles pour s’assurer du bon déroule-
ment des entrevues.
Pour les enfants âgés de quatre ans et plus, l’enseignante remplissait aussi un
questionnaire à propos de chaque enfant. Il visait les comportements de l’enfant et
des informations de nature scolaire.
Le plan d’analyse des données
La comparaison entre le groupe témoin et le groupe cible a fait appel à des
analyses de régression tenant compte d’un certain nombre de covariables dont l’âge
du répondant, le sexe du répondant, l’appartenance à une famille monoparentale, le
niveau d’éducation du parent répondant, le revenu familial et l’appartenance à un
groupe ethnique. Les covariables ont été incluses dans les analyses pour lesquelles
elles avaient un effet significatif sur les variables analysées.
74volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
L’analyse des résultats obtenus dans le cadre de l’évaluation longitudinale a fait
appel à l’analyse des courbes de croissance. Pour chaque variable évaluée, nous
avons établi la courbe de croissance obtenue par le groupe cible, de même que celle
obtenue par le groupe de comparaison. La comparaison de ces deux courbes, à l’aide
des programmes de modélisation hiérarchiques HLM et MIWin, a permis de déter-
miner si elles sont statistiquement différentes. Ces analyses ont tenu compte des
mêmes covariables que celles utilisées lors de la comparaison entre le groupe témoin
et le groupe cible. Ces analyses ont porté sur le changement, d’année en année, entre
la première année et la quatrième année du processus d’évaluation.
Les données de nature qualitativeOutre les données quantitatives, nous avons compté sur plusieurs sources d’in-
formations de nature qualitative. Parmi celles-ci, on note les documents officiels du
gouvernement ontarien concernant le projet Partir d’un bon pas, les documents et
rapports produits par les divers comités du projet et les notes de recherche prises
régulièrement par les chercheurs assignés aux sites. Ces notes incluaient des
comptes rendus textuels ou quasi-textuels d’entrevues avec des participants au pro-
jet, de réunions ou de discussions liées au projet. Toutes ces informations ont été
colligées dans une banque de données par le biais du programme Ethnograph. Ce
programme permet de codifier les informations en fonction de thèmes variés afin
d’en faciliter le traitement ultérieur.
Les résultats
Cette section résume les résultats disponibles à ce jour concernant le projet
Partir d’un bon pas. Elle se divise en trois parties. La première présente les résultats
de la première phase de l’évaluation, après 4 ans de fréquentation des programmes,
pour les deux groupes d’âges (0-4 ans et 4-8 ans). La deuxième porte sur les résultats
de la seconde phase pour les groupes des enfants de 4-8 ans, alors qu’ils étaient en
sixième année, 4 ans après la fréquentation des programmes. La troisième présente
les effets de la participation des membres de la communauté aux activités de Partir
d’un bon pas.
Les résultats de la première phase de l’évaluation, après 4 ans defréquentation des programmesCette section présente tour à tour les résultats obtenus par les enfants, les pa-
rents et les communautés lors de la première phase de l’évaluation du projet.
Les résultats concernant les enfants
Selon les enseignants, les enfants des deux groupes d’âges qui ont bénéficié des
programmes de Partir d’un bon pas éprouvent significativement moins de problèmes
affectifs que ceux évalués avant la mise en place des programmes. L’évaluation des
parents démontre également une diminution des problèmes de comportement entre
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Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
Selon lesenseignants, les
enfants des deuxgroupes d’âges qui ont
bénéficié des pro-grammes de Partir d’un
bon pas éprouvent significativement moins
de problèmes affectifsque ceux évalués avant
la mise en place desprogrammes.
les deux groupes, en faveur du groupe cible. Chez les enfants âgés de 4 à 8 ans, cette
diminution des problèmes de comportement est accompagnée d’un nombre signi-
ficativement plus élevé de comportements prosociaux que chez les enfants des sites
de comparaison d’Ottawa-Vanier et d’Etobicoke. Les parents du groupe cible ont
également constaté une augmentation significative des comportements de coopéra-
tion. Chez les enfants âgés de 0 à 4 ans, ces changements de comportement observés
à l’école et à la maison sont accompagnés d’une amélioration significative de la
motricité fine, de la mémoire visuelle et de l’attention visuelle. En effet, l’évaluation
longitudinale souligne une amélioration significative de ces domaines chez les
enfants qui ont bénéficié des programmes de Partir d’un bon pas, en comparaison
avec les enfants du groupe témoin (Peterborough). Cependant, le projet Partir d’un
bon pas n’a pas eu d’effet à court terme sur le développement langagier et cognitif
des enfants des deux groupes d’âges.
La nutrition et la santé constituent des domaines dans lesquels des gains signi-
ficatifs ont été observés chez les enfants des deux groupes d’âge. Chez les enfants de
0-4 ans, les résultats soulignent une amélioration significative de leur nutrition grâce
à un apport accru de glucides (ex. fruits, légumes, céréales), d’acides foliques (ex.
épinards, pois, céréales) et de niacine (ex. arachides, graines de sésame, de tour-
nesol). Ces différences significatives apparaissent entre le groupe témoin (niveau de
base) et le groupe cible. Les enfants du groupe cible atteignent ou dépassent les
normes établies par Santé et Bien-être Canada (Canadian Recommended Nutrient
Intake : Health and Welfare Canada, 1990), ce qui constitue un effet appréciable. Chez
les enfants de 4-8 ans, les résultats soulignent une amélioration significative de la
nutrition des enfants grâce à un apport accru de calories, de glucides, de gras, de pro-
téines, de thiamine, de niacine, d’acides foliques, de fer et de zinc et de riboflavine.
Ces différences significatives apparaissent principalement entre le groupe témoin et
le groupe cible, bien que nous ayons aussi constaté une augmentation significative
de l’apport en calcium lors de l’évaluation longitudinale. Les enfants du groupe cible
atteignent ou dépassent les normes établies par Santé et Bien-être Canada (Canadian
Recommended Nutrient Intake : Health and Welfare Canada, 1990).
Dans le domaine de la santé, chez les enfants de 0-4 ans, les résultats indiquent
une augmentation de la vaccination et un plus grand respect des dates prévues pour
les vaccins. Dans les sites du projet Partir d’un bon pas, 50 pour cent des enfants
étaient vaccinés au moment prescrit, alors que ce pourcentage n’était que de 35 pour
cent pour le site de comparaison de Peterborough.
Les parents des deux groupes d’âge des sites Partir d’un bon pas ont constaté
une disponibilité accrue des services médicaux dans leur communauté.
Les résultats concernant les parents et les familles
L’évaluation des habiletés parentales a permis d’identifier une diminution du
recours à des comportements négatifs, comme l’agressivité verbale, par les parents
des enfants âgés de 4 à 8 ans. Cependant, cette diminution n’est pas accompagnée
d’une augmentation du recours à des comportements positifs comme la discussion
et le renforcement positif. Les résultats ne soulignent aucun changement dans ce
domaine chez les parents des enfants âgés de 0 à 4 ans.
76volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
La nutrition et la santé constituent des domaines danslesquels des gains
significatifs ont étéobservés chez lesenfants des deux
groupes d’âge.
En ce qui a trait à la santé affective des parents et du fonctionnement de la
famille, le changement le plus important est une diminution de la violence conju-
gale. En effet, les pourcentages de parents au sein des groupes 0-4 ans et 4-8 ans se
disant victimes de violence conjugale sont passés respectivement de 13,9 et 13,5 pour
cent avant la mise en place du projet Partir d’un bon pas à 4,9 et 2,5 pour cent à la fin
des quatre années de l’évaluation de programme. De plus, on note par rapport aux
groupes de comparaison d’Ottawa-Vanier et d’Etobicoke, plusieurs changements
chez les parents des enfants âgés de 4 à 8 ans, notamment une diminution des évé-
nements stressants de la vie et une augmentation de la satisfaction maritale.
Cependant, on note aussi une plus grande insatisfaction en ce qui concerne le fonc-
tionnement général de la famille.
L’évaluation du programme souligne également des changements liés à la santé
des parents et à la prévention des maladies, dont le principal résulte d’une diminu-
tion de la consommation d’alcool et de tabac. Les pourcentages de parents fumeurs
au sein des groupes 0-4 ans et 4-8 ans sont passés respectivement de 46 et 45 pour
cent avant la mise en place du projet Partir d’un bon pas à 35 et 26 pour cent à la fin
des quatre années de l’évaluation de programme. De plus, les mères participant aux
programmes Partir d’un bon pas visant les enfants âgés de 0 à 4 ans ont fait plus d’ac-
tivité physique pendant leur grossesse que les parents du site de comparaison de
Peterborough. Cependant, elles ont connu une diminution de l’activité physique
après l’accouchement. Ces mères ont également pratiqué moins d’auto-examens des
seins que celles du groupe de comparaison de Peterborough. Chez les mères partici-
pant aux programmes Partir d’un bon pas visant les enfants âgés de 4 à 8 ans, on note
une augmentation du recours au test PAP et une augmentation de la fréquence de
l’activité physique.
Les résultats concernant la communauté
Les résultats concernant la communauté ont permis de constater une amélio-
ration des conditions de logement chez les groupes d’âge 0-4 ans et 4-8 ans, de même
qu’une amélioration de la perception de la sécurité le soir dans les sites Partir d’un
bon pas qui visaient les enfants âgés de 0 à 4 ans et une augmentation du niveau de
satisfaction à l’endroit de la communauté dans les sites Partir d’un bon pas qui
visaient les enfants âgés de 4 à 8 ans. En matière de sorties et de l’utilisation des ser-
vices offerts par la communauté, les parents des sites visant les enfants âgés de 0-4
ans ont noté une diminution des rencontres et des sorties avec des amis et une
diminution de la fréquentation des clubs d’activités ou de sport. Ils ont également eu
moins recours aux services de garde à l’improviste. Chez les parents des sites visant
les enfants âgés de 4-8 ans, on note une augmentation du recours aux services des
parcs municipaux, des bibliothèques et des centres de ressources parentales, de
même qu’une augmentation de la fréquentation des activités communautaires et des
clubs d’activités ou de sport.
77volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
L’évaluation du programme souligneégalement des chan-
gements liés à la santédes parents et à la
prévention des mala-dies, dont le principal
résulte d’une diminutionde la consommationd’alcool et de tabac.
Les résultats de la deuxième phase de l’évaluation, 4 ans après lafréquentation des programmesCette section porte sur les résultats obtenus par les enfants, les parents et les
communautés du groupe d’âge de 4-8 ans lors de la seconde phase, alors que les
enfants étaient en sixième année, 4 ans après la fréquentation des programmes. Elle
n’inclut pas les résultats concernant les enfants du groupe d’âge 0-4 ans, puisqu’ils
ne sont pas encore disponibles.
Les résultats concernant les enfants
La plupart des effets positifs observés au niveau du comportement lors de la
première phase de l’évaluation, soit la diminution des problèmes de comportement
et l’augmentation des comportements prosociaux, ne se sont pas maintenus en
6e année. Cependant, la diminution des comportements liés à l’hyperactivité et à
l’inattention s’est maintenue quatre ans après la fin des programmes. Ces élèves ont
aussi subi moins de suspensions scolaires à cause de problèmes d’inconduite par
rapport aux élèves des sites de comparaison.
En ce qui concerne le plan social, les enfants du groupe cible ont accès à un
réseau social plus étendu que les enfants du groupe témoin. En effet, les parents des
enfants du groupe cible, par rapport aux parents des sites de comparaison, ont indi-
qué que leur enfant comptait dans son entourage plus de personnes importantes
dans la vie. Cette observation est confirmée par les enfants qui ont indiqué avoir plus
de personnes avec qui ils peuvent partager leurs problèmes.
Le projet Partir d’un bon pas n’a pas eu d’effet à court terme sur le développe-
ment langagier et cognitif des enfants alors qu’ils étaient en 2e année. Parmi les
changements observés alors qu’ils étaient en 6e année, on note chez les enfants du
groupe cible en comparaison avec le groupe témoin, une meilleure performance au
test provincial de mathématiques de 6e année et une meilleure attitude à l’égard de
l’école en général. De plus, moins d’enfants de ce groupe ont doublé une année sco-
laire et ils ont nécessité moins de services spécialisés liés à l’enfance en difficulté.
D’ailleurs, l’écart observé entre les nombres d’enfants identifiés dans le cadre de l’en-
fance en difficulté au sein du groupe cible et celui au sein du groupe de comparaison
s’est maintenu en 6e année.
Pour ce qui est de la santé, les avantages notés concernant la nutrition des
enfants du projet se sont maintenus. D’ailleurs, l’augmentation de l’indice de la
masse corporelle des enfants du groupe cible a été significativement moins forte que
celle des enfants des sites de comparaison. Ce phénomène était accompagné d’un
taux de participation à des activités sportives plus élevé. Mais malgré ces bons résul-
tats, le problème de surpoids chez les enfants et les parents des sites Partir d’un bon
pas et des sites de comparaison était quand même supérieur à la moyenne nationale.
Les enfants du groupe cible ont aussi fait preuve de plus de comportements
visant à prévenir les blessures et ont moins expérimenté la consommation d’alcool
que les enfants du groupe de comparaison. Tout comme en 2e année, les parents ont
rapporté faire appel plus souvent aux services de spécialistes en santé ou en coun-
selling pour leur enfant que les parents du groupe de comparaison.
78volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
Les résultats concernant les parents, les familles et les communautés
Les avantages observés en faveur des parents du groupe cible au niveau de la
santé physique des parents, lors de la première phase de l’évaluation, ne se sont pas
maintenus quatre ans plus tard. Dans le domaine de la santé mentale, ils disent
même vivre plus d’événements stressants que les parents du groupe de comparaison.
Alors que l’évaluation des habiletés parentales à la fin des quatre années de
fréquentation des programmes a permis d’identifier une diminution du recours à des
comportements négatifs par les parents des enfants âgés de 4 à 8 ans, quatre ans plus
tard, ces écarts entre les deux groupes ont disparu et on a même noté un recours
accru à des comportements négatifs par les parents du groupe cible. Malgré tout, ce
résultat ne s’est pas reflété dans l’évaluation qu’ont faite les enfants de leurs relations
avec les parents. Les enfants des deux groupes portent le même jugement sur cette
variable. D’ailleurs l’évaluation du fonctionnement de la famille est plus positive
chez les parents du groupe cible que chez ceux du groupe de comparaison et celui-ci
a atteint pour le groupe cible le niveau moyen national.
Finalement, les parents du groupe cible ont déclaré éprouver un plus grand senti-
ment d’appartenance à leur communauté que les parents du groupe de comparaison.
Les effets de la participation des membres de la communauté auxactivités de Partir d’un bon pasLe modèle du projet insiste particulièrement sur la participation des membres
de la communauté dans la conception, le développement et la mise en œuvre des
programmes Partir d’un bon pas au sein de chaque communauté (Peters, 1994).
Puisque près de 30 pour cent des parents du groupe cible ont participé, à différents
degrés, à la gestion et à l’organisation des activités et des programmes offerts par
Partir d’un bon pas, soit en tant que bénévole soit comme employé, il est intéressant
de voir comment cette participation a affecté la vie des familles et par ricochet celle
des enfants.
Les effets positifs de la participation des membres de la communauté au sein du
projet Partir d’un bon pas sont apparus dès les premières années du projet (Pancer &
Cameron, 1994). Chez les personnes qui participaient à un titre autre que celui de
professionnel, l’augmentation de la confiance en soi et de l’estime de soi a constitué
l’effet le plus souvent mentionné. Les autres effets positifs notés incluaient la réduc-
tion de l’isolement social, l’augmentation de l’appui et des contacts sociaux, l’amé-
lioration des habiletés et des connaissances personnelles et la possibilité de faire
bénéficier leurs enfants de l’ensemble des ressources disponibles. Les chercheurs ont
également observé une augmentation de l’entraide sociale. Par ailleurs, un nombre
croissant de parents révélait, au sein du projet, diverses occasions de parfaire leurs
connaissances et d’améliorer leurs habiletés. De plus, plusieurs sites Partir d’un bon
pas incluaient des programmes de valorisation de la langue et de la culture des
membres de la communauté. La participation des parents au projet fournissait des
occasions d’utiliser leur langue maternelle, que ce soit le français chez les franco-
phones minoritaires ou les langues des minorités ethniques.
79volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
Parmi les éléments mentionnés précédemment, plusieurs sont liés au concept
d’« empowerment » individuel (Prestby, Wandersam, Florin, Rich & Chavis, 1990;
Zimmerman & Rappaport, 1988; Heller et al., 1984) que Zimmerman et Rappaport
(1988) présentent comme un construit qui allie les compétences et les forces des
individus, les systèmes d’entraide naturels et les comportements proactifs à l’égard
des questions de politiques et de changements sociaux. L’« empowerment » est un
processus par lequel les individus gagnent la maîtrise et le contrôle de leur propre vie
et une participation démocratique à la vie de leur communauté. Il peut être générale-
ment décrit comme le lien entre un sentiment de compétence personnelle et une
volonté d’agir dans le domaine public. Ces auteurs l’associent également au
développement chez la personne d’un sentiment d’efficacité et de la capacité d’exer-
cer un pouvoir sur les événements.
Parmi les effets soulignés de la participation des parents qui sont des indica-
teurs d’un « empowerment », notons l’augmentation de la confiance en soi et de
l’estime de soi, la participation active au processus décisionnel et l’acquisition de
connaissances et de compétences liées à la gestion. Ces éléments contribuent au
processus par lequel les individus assument la maîtrise et le contrôle de leur propre
vie et une participation démocratique à la vie de leur communauté (Zimmerman &
Rappaport, 1988).
En contrepartie, les parents ont aussi rapporté un certain nombre d’effets
négatifs. L’effet négatif le plus souvent mentionné était lié à la diminution du temps
consacré aux activités familiales par les parents participant au projet. Cette situation
a entraîné un certain désenchantement de la part des conjoints. Cela a pu susciter
des tensions, de la frustration et de l’anxiété chez les conjoints.
L’impression d’un manque de compétences professionnelles a également surgi,
au début du projet. Puisque les parents côtoyaient des représentants des agences, ils
avaient souvent l’impression de ne pas maîtriser le jargon des professionnels. Cette
impression a semblé toutefois s’être résorbée avec le temps dans la majorité des cas.
La persévérance des parents pour acquérir ces compétences au moyen de leur
expérience au sein du projet, ainsi que la reconnaissance de l’importance des com-
pétences parentales constituaient deux facteurs qui ont permis de surmonter ces
sentiments.
En ce qui a trait à la communauté, les effets bénéfiques les plus marquants
résidaient dans le développement d’un sentiment communautaire et d’une volonté
d’améliorer la qualité de vie au sein de la communauté, dans des modifications de la
philosophie sous-jacente aux services offerts par les organismes locaux et dans l’aug-
mentation des capacités de la communauté à répondre à ses propres besoins.
Le résumé et la discussion
Cet article présente les résultats d’un programme de prévention des problèmes
affectifs et comportementaux intitulé Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur et
destiné aux enfants de moins de huit ans vivant dans des communautés ontariennes
80volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
socioéconomiquement défavorisées. Une équipe de chercheurs était chargée d’éva-
luer l’impact des programmes du projet sur les enfants, les familles et la commu-
nauté. Cette évaluation a débuté en 1991 et prévoit le suivi pendant 25 ans d’un
groupe de jeunes enfants ayant bénéficié des programmes pendant les quatre pre-
mières années de leur mise en œuvre. Cela fait donc près de 14 ans que cette équipe
suit l’évolution du projet. L’évaluation des effets des programmes sur les enfants, leur
famille et la communauté se déroule en quatre phases. La première phase a eu lieu à
la fin des quatre années pendant lesquelles les enfants fréquentaient les pro-
grammes, et les trois subséquentes ont eu ou auront lieu respectivement quatre ans,
sept ans et dix ans après la fin des programmes. Cet article a résumé les résultats
disponibles à ce jour, soit ceux de la première phase pour les groupes d’âge 0-4 ans
et 4-8 ans, ainsi que ceux de la deuxième phase pour le groupe des 0-4 ans.
Le principal objectif du projet Partir d’un bon pas visait la prévention des pro-
blèmes affectifs et comportementaux chez les enfants. Cet objectif a été atteint à
court terme, car les résultats soulignent une augmentation des comportements pro-
sociaux et une diminution des problèmes affectifs et comportementaux dans les
groupes d’âges 0 à 4 ans et 4 à 8 ans. Les programmes de visites à domicile destinés
aux parents des enfants âgés de 0 à 4 ans, de même que les programmes d’animation
et d’enrichissement scolaires ont sans doute contribué à cette amélioration.
Cependant, cet effet semble s’être amenuisé, ou plutôt s’être transformé, quatre ans
après la fréquentation des programmes chez le groupe des 4-8 ans. L’écart entre les
comportements prosociaux du groupe cible et ceux du groupe de comparaison s’est
effacé, mais la diminution des comportements liés à l’hyperactivité et à l’inattention
s’est maintenue. De plus, les enfants du groupe cible se sont vus administrer moins
de suspensions scolaires à cause de problèmes d’inconduite par rapport aux élèves
des sites de comparaison. Leur réseau social était aussi plus étendu. L’amélioration
des comportements observés à court terme est intéressante, car aucune des études
antérieures n’avait atteint cet objectif. Cependant, trois de ces études notent, parmi
les effets à plus long terme, que leur programme a contribué à une diminution des
comportements liés à la délinquance juvénile (Le Elmira Nurse Home Visitation
Program, le High Scope Perry Preschool Program et le programme de développement
des habiletés sociales). La diminution des suspensions, dont certains comporte-
ments qu’elles sanctionnent peuvent être associés à la délinquance, pourrait être
précurseur, lors des troisième et quatrième phases de l’évaluation (moments où les
élèves seront en 9e et en 12e année), d’un résultat semblable à celui obtenu par ces
trois études.
Un élément décevant de nos résultats est le peu d’effets de Partir d’un bon pas
sur le développement cognitif des élèves, alors que plusieurs études antérieures ont
noté une amélioration significative à long terme du développement intellectuel des
enfants (Carolina Abecedarian Project : Campbell et Ramey, 1995; High Scope Perry
Preschool Program : Schweinhart et al., 1993; Tremblay et al. 1996). Toutefois, dans
les résultats de notre étude, on note en 6e année des traces d’amélioration, lorsqu’on
constate une meilleure performance au test provincial en mathématiques et une
diminution du nombre d’enfants qui ont doublé une année. Il faut cependant noter
81volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
que les recherches antérieures qui ont obtenu des améliorations dans ce domaine
offraient des programmes très spécifiques et intensifs axés sur le développement
cognitif. Ce n’était pas l’intention de Partir d’un bon pas de cibler un domaine de
développement particulier, mais plutôt de promouvoir une approche holistique
dans l’élaboration des programmes. Malgré tout, on aurait pu s’attendre à ce que les
programmes d’animation et d’enrichissement scolaires conduisent à des change-
ments sur les plans langagier et scolaire.
Le projet Partir d’un bon pas a été particulièrement efficace au niveau de la
nutrition des enfants. L’information aux parents, la collaboration avec la banque ali-
mentaire et le programme de petits déjeuners et de collations ont permis d’aug-
menter significativement la quantité et la qualité de la nourriture consommée par les
enfants. Ces effets sur la santé se sont maintenus quatre ans après la fréquentation
des programmes. Cependant, les effets bénéfiques sur la santé des parents ne se sont
pas maintenus à moyen terme. Il semble que les parents aient maintenu des « bonnes
habitudes » liées à la santé chez leurs enfants, mais que celles qui les touchaient ne
se sont malheureusement pas maintenues.
Il est intéressant aussi de noter que le projet Partir d’un bon pas semble retarder
les premières expériences de consommation d’alcool. Ces résultats sont congruents
avec ceux du Elmira Nurse Home Visitation Program qui a noté à long terme une
diminution du tabagisme et de la consommation d’alcool et de drogues.
À la fin des quatre années de fréquentation des programmes, les parents des
enfants du groupe 4 à 8 ans ont eu moins recours à des comportements négatifs dans
leur conduite parentale que les parents du groupe de comparaison et ils disaient
aussi vivre moins d’événements stressants. Quatre ans plus tard, ces écarts entre les
deux groupes ont disparu et on a même noté un recours accru à des comportements
négatifs par les parents du groupe cible et ils ont indiqué vivre plus d’événements
stressants que les parents du groupe de comparaison. Il se peut que l’augmentation
des comportements négatifs soit liée à une plus grande exposition à des événements
stressants.
L’évaluation des effets des programmes a permis de constater que la participa-
tion des parents de la communauté dans la conception, le développement et la mise
en œuvre des programmes a entraîné un sentiment d’« empowerment » chez eux.
Nous avons noté une augmentation de la confiance en soi, de l’estime de soi, de l’en-
traide sociale, une réduction de l’isolement social et l’augmentation, ainsi qu’une
amélioration des habiletés et connaissances personnelles. Ce résultat a contribué à
développer un sentiment d’appartenance à la communauté chez les parents du pro-
jet, supérieur à celui observé au sein du groupe de comparaison.
82volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté
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85volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La collaboration famille –milieu de garde :
ce que nous apprend la recherche
Sylvain COUTUUniversité du Québec en Outaouais, Gatineau, Canada
Suzanne LAVIGUEURUniversité du Québec en Outaouais, Gatineau, Canada
Diane DUBEAUUniversité du Québec en Outaouais, Gatineau, Canada
Marie-Ève BEAUDOINUniversité du Québec en Outaouais, Gatineau, Canada
RÉSUMÉ
Le principal objectif de cet article est de présenter une recension des écrits por-
tant sur la collaboration et la communication entre les parents et les éducatrices tra-
vaillant en milieu de garde. Dans un premier temps, l’article aborde les aspects
théoriques et historiques associés à la collaboration entre les adultes qui participent
à l’éducation des jeunes enfants. Les effets de l’implication des parents dans les
milieux éducatifs préscolaires, tels que démontrés par la recherche scientifique, font
ensuite l’objet d’une attention particulière (notamment les effets de cette implica-
tion sur le développement et le bien-être des tout-petits). Le point suivant définit et
illustre les différentes formes que peut prendre la collaboration entre les parents et
les éducatrices; les conditions de réussite de cette collaboration sont également
identifiées. La recension se termine en abordant trois thèmes ayant particulièrement
attiré l’attention des chercheurs : la satisfaction des parents à l’égard des services
éducatifs, les stratégies de communication parent-éducatrice et la question de la
concordance éducative entre les adultes qui prennent quotidiennement en charge
les jeunes enfants. La conclusion résume les points saillants qui se dégagent de la
documentation consultée et présente quelques pistes prometteuses pour les
recherches futures.
ABSTRACT
Family Collaboration in the Day-Care Setting: What the Research Tells UsSylvain Coutu, Suzanne Lavigueur, Diane Dubeau and Marie-Ève Beaudoin
Research Group on Educational Quality in Children’s Living Environments (QEMVIE)
Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada
The main objective of this article is to present a review of writings about colla-
boration and communication between day-care educators and parents. The first part
of the article deals with theoretical and historical aspects of the collaboration
between adults involved in the education of young children. The effects of parents’
involvement in pre-school educational settings as demonstrated by scientific
research, are then examined (especially the effects of this involvement on the devel-
opment and well-being of infants). The next point defines and illustrates the differ-
ent forms this collaboration between parents and educators can take, and identifies
the conditions required for a successful collaboration. The review ends with a look at
three themes that have particularly captured the attention of researchers: parents’
satisfaction with educational services, parent-educator communication strategies
and the question of the educational concordance among the adults who take care of
the young children on a daily basis. The conclusion summarizes the main points that
emerge from the documents consulted, and presents a few promising avenues for
future research.
86volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
RESUMEN
La colaboración familia – medio de guarda: lo que nos enseña la investigaciónSylvain Coutu, Suzanne Lavigueur, Diane Dubeau y Marie-Ève Beaudoin
Grupo de investigación sobre la calidad educativa en los diversos medios de vida del niño
(QEMVIE)
Universidad de Quebec en Outaouais, Quebec, Canadá
El objetivo principal del presente artículo es presentar una recensión de escritos
sobre la colaboración y la comunicación entre la familia y las educadoras que traba-
jan en el medio de guarda. Por principio, el artículo aborda los aspectos teóricos e
históricos asociados a la colaboración entre los adultos que participan en la edu-
cación de los niños. Los efectos de la implicación de los padres de familia en los
medios educativos preescolares, tal y como ha sido demostrado por la investigación
científica, se estudian con particular atención (principalmente los efectos de dicha
implicación sobre el desarrollo y el bienestar de los niños). Enseguida se definen e
ilustran las diferentes formas que puede tomar la colaboración entre los padres de
familia y las educadoras; también se identifican las condiciones que favorecen el
éxito de dicha colaboración. La recensión se termina al abordar tres temas que han
captado la atención de los investigadores: la satisfacción de los padres de familia en
lo que respecta a los servicios educativos, las estrategias de comunicación familia-
educadoras y la cuestión de la concordancia educativa entre los adultos que se en-
cargan cotidianamente de los niños. La conclusión resume los puntos sobresalientes
que se desprenden de la documentación consultada y presenta algunas pistas prom-
etedoras para las investigaciones futuras.
Introduction
Le nombre d’enfants d’âge préscolaire fréquentant un Centre de la petite
enfance (CPE) ou une garderie privée a considérablement augmenté au cours des
dernières années au Québec comme partout ailleurs au Canada et en Amérique du
Nord. Selon les dernières statistiques publiées par le ministère de l’Emploi, de la
Solidarité sociale et de la Famille1 (MESSF, 2004), il y avait au 31 décembre 2003,
171 644 places existantes dans le réseau québécois des services de garde. Les services
dispensés par les CPE (le volet « public » du réseau) ont comblé les besoins de 80 %
des familles ayant un enfant d’âge préscolaire en milieu de garde. Ce pourcentage
regroupe à la fois les services en installation, qui sont offerts dans des établissements,
et les services en milieu familial, qui sont dispensés dans des résidences privées tout
87volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
1. Voir le site du MESSF du Québec à l’adresse suivante : www.messf.gouv.qc.ca/
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
en étant coordonnés par les CPE. Pour leur part, les garderies privées, qu’elles soient
ou non à but lucratif, ont offert leurs services à moins de 20 % des familles. Les
instances gouvernementales estiment que le nombre d’enfants québécois qui fré-
quentent un milieu de garde va continuer de s’accroître pour atteindre l’objectif de
200 000 places autour de 2006. Notons qu’il s’agit ici de places dites à contribution
réduite (coût de 7 $/jour pour les parents), subventionnées par l’État.
Les jeunes enfants sont donc en contact quotidiennement, et de façon plus pré-
coce que dans le passé, avec plusieurs « agents de socialisation » autres que les par-
ents. Ces derniers ne sont plus les seuls adultes impliqués dans l’éducation de leurs
enfants avant l’entrée à la maternelle ou à l’école. Cette nouvelle réalité soulève plu-
sieurs questions importantes concernant les liens entre la famille et les milieux de
garde. Par exemple : Comment se fait le partage des tâches et des responsabilités
entre les parents et les éducatrices? Comment les parents et les autres intervenants
en petite enfance s’y prennent-ils pour collaborer et communiquer ensemble? Est-il
souhaitable pour l’enfant que tous les adultes qu’il côtoie adoptent les mêmes pra-
tiques éducatives? Les parents sont-ils satisfaits des services rendus par les éduca-
trices? Quelles sont les attentes des éducatrices face aux parents et quelle place leur
font-elles dans leur programme d’activités? Que se passe-t-il sur le plan des interac-
tions parent-éducatrice lorsqu’un enfant présente des besoins spéciaux ou manifeste
de façon précoce certains problèmes de comportement? Toutes ces questions sont
d’une grande pertinence pour quiconque est préoccupé par la qualité éducative des
environnements de vie des jeunes enfants. Le principal objectif de cet article est donc
de fournir des éléments de réponse à ces questions en présentant une recension des
études portant sur la collaboration et la communication parent-éducatrice. De façon
plus précise, les données pertinentes issues des travaux recensés seront présentées à
l’intérieur des cinq sous-sections suivantes : 1. les considérations théoriques; 2. l’his-
torique de la collaboration parent-éducatrice; 3. les effets reconnus de l’implication
des parents; 4. les types de collaboration famille-milieu de garde et; 5. les conditions
de réussite de cette collaboration intermilieux.
Considérations théoriques
Le modèle écologique développé par Bronfenbrenner (1979) constitue le cadre
de référence de la plupart des études qui s’intéressent aux liens de collaboration
entre les milieux familial et de garde. Ce modèle théorique présente la particularité
de tenir compte de l’ensemble des facteurs (individuels, sociaux, culturels, écono-
miques et temporels) ainsi que de leurs interrelations pour expliquer le dévelop-
pement de l’enfant. Dans cette perspective écologique, le milieu de garde de l’enfant
représente un microsystème (au même titre que la famille) ayant ses influences pro-
pres sur le développement et le bien-être de l’enfant – influences qui résultent des
interactions entre l’enfant et les différentes composantes physiques et humaines
présentes dans ce type d’environnement (par exemple, les éducatrices, les cama-
rades de jeu, les activités, etc.). Par contre, ce milieu de vie n’est pas considéré
88volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
comme un lieu éducatif dissociable des autres contextes de vie de l’enfant. Le modèle
théorique stipule en effet que les relations vécues à l’intérieur du microsystème
« milieu de garde » influencent – et sont influencées par – les relations développées
dans les autres microsystèmes, dont le milieu familial. Ces influences réciproques
entre les microsystèmes représentent ce que Bronfenbrenner (1979) a qualifié de
mésosystème. Celui-ci nous invite à tenir compte des différents milieux de vie où
évolue l’enfant et à considérer tous leurs niveaux d’influences mutuels dans l’élabo-
ration des mesures visant à assurer le développement optimal de celui-ci. Ainsi, la
vision écologique reconnaît les impacts positifs que peuvent avoir les interventions
dans un milieu donné sur les autres contextes de vie de l’enfant. Par exemple, l’éta-
blissement d’un partenariat éducatif entre le milieu de garde et la famille peut non
seulement contribuer à mieux répondre aux besoins de l’enfant dans chacun de ses
microsystèmes, mais ce partenariat peut aussi préparer, en prévision des années à
venir, un mode de collaboration et d’échanges entre la famille et l’école. L’impor-
tance de cette influence mésosystémique (par exemple : la communication parent-
enseignante) dans l’intégration scolaire des enfants est d’ailleurs bien connue
(MSSSQ, 1998).
La collaboration parent-éducatrice d’un point de vue historique
Les termes « partenariat, collaboration et communication » avec les parents font
de plus en plus partie du vocabulaire des éducatrices et des autres intervenants en
petite enfance. Cependant, on reconnaît aujourd’hui que le milieu de garde et la
famille ont pendant longtemps été considérés comme des univers éducatifs distincts
ayant relativement peu de choses en commun (Powell, 1998). Les premiers pro-
grammes de formation dans le domaine de l’éducation préscolaire étaient presque
exclusivement centrés sur l’enfant et sur l’organisation du milieu de vie. En fait, ces
programmes de formation avaient pour principal objectif d’habiliter les éducatrices
à créer des environnements de vie sécuritaires et stimulants pour les jeunes enfants
à partir d’une série de critères établis par les experts dans le domaine (Carter, 2000).
Les éducatrices étaient invitées à prendre en charge leur milieu de garde et à se l’ap-
proprier, sans nécessairement consulter les parents ou prendre en compte leur point
de vue. On enseignait alors aux éducatrices que leur rôle envers les parents consistait
essentiellement à les informer et à les soutenir en leur « montrant les meilleures
stratégies éducatives à utiliser avec leur enfant » (Carter, 2000). Les comportements
et les attitudes à adopter envers les autres adultes (notamment les parents) pour
créer des liens de collaboration étaient rarement, sinon jamais, abordés par les for-
mateurs (File, 2001). L’idée de consulter les parents, de les impliquer ou d’utiliser
leurs compétences dans l’organisation et la mise en œuvre d’activités éducatives
dans le milieu de garde était rarement évoquée et encore moins souvent mise en pra-
tique. L’approche traditionnelle, qui a longtemps prévalue dans les programmes
préscolaires, misait avant tout sur l’éducation des parents et sur la « protection de
89volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
L’approche tradition-nelle, qui a longtempsprévalue dans les pro-grammes préscolaires,
misait avant tout sur l’éducation des parents
et sur la « protection de l’enfant » (vision« child saver »), de
manière à compenser,disait-on, pour les
déficits et les lacunes du milieu familial
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
l’enfant » (vision « child saver »), de manière à compenser, disait-on, pour les déficits
et les lacunes du milieu familial (Powell & Diamond, 1995).
Cette conception des rapports entre les différents adultes qui accompagnent
quotidiennement les enfants laissait supposer que les compétences éducatives et les
connaissances concernant « ce qui est bon » pour l’enfant étaient surtout détenues
par les enseignantes ou les éducatrices, alors que les parents étaient souvent perçus
comme des personnes peu compétentes que l’on devait « éduquer » (Kontos & Dunn,
1989). De nos jours, les intervenants en petite enfance admettent volontiers que cette
attitude est quelque peu condescendante (sinon dénigrante) envers les parents et
qu’elle est peu propice au développement d’une relation positive avec ceux-ci
(Carter, 2000; Coleman & Wallinga, 2000). Il semble maintenant bien admis que le
succès de l’éducatrice avec les enfants et le fonctionnement optimal du milieu de
garde sont liés de façon inextricable à la qualité de la relation que celle-ci entretient
avec la famille (Hamilton, Roach, & Riley, 2003; Powell, 1998).
Mais comment explique-t-on cette évolution dans la manière de concevoir le
rôle et l’implication des parents dans les environnements éducatifs extrafamiliaux?
Les experts s’entendent pour dire que plusieurs facteurs ont contribué à élargir la
place faite aux parents dans les services d’éducation préscolaire, notamment le
développement des connaissances, la transformation des réalités familiales ainsi que
l’action des groupes de promotion et de soutien aux familles. Tout d’abord, le
développement des connaissances et des modèles théoriques dans le domaine de la
psychologie de l’enfant a sans aucun doute favorisé le rapprochement de tous les
acteurs qui gravitent autour des enfants. Tel que mentionné précédemment, la vision
écologique et systémique de Bronfenbrenner, bien illustrée dans le proverbe « il faut
un village entier pour éduquer un enfant », a eu un impact certain sur la philosophie
éducative d’un bon nombre de programmes en petite enfance (Powell, 1998). Les
travaux réalisés ces dernières années en lien avec la théorie de l’attachement ont
également ajouté à nos connaissances sur le rôle central joué par les parents et les
éducatrices dans le développement socio-émotionnel des enfants (Elicker & Fortner-
Wood, 1995; Fein & Fox, 1990). En résumé, ces travaux ont démontré que les enfants
avaient la capacité de former des liens d’attachement multiples avec les adultes
« significatifs » présents dans leur entourage (Sroufe, Carlson, Levy, & Egeland, 1999)
et que la fréquentation d’un service de garde de qualité n’affectait pas la qualité et la
sécurité de leur relation d’attachement avec la mère (NICHD Early Child Care
Research Network, 1997; Shpancer, 2002)
Les nombreuses transformations qu’a connues la famille ces dernières années
seraient aussi du nombre des facteurs à considérer dans la reconfiguration du rôle
parental dans les programmes préscolaires. Les changements sociétaux, tels que la
baisse du taux de natalité, le nombre élevé de séparations parentales et l’augmenta-
tion significative des femmes ayant de jeunes enfants sur le marché du travail, ont
radicalement modifié les besoins des jeunes familles en matière de services éduca-
tifs. Cela a forcé les milieux de garde à diversifier leur offre de services et à réviser leur
façon de travailler avec les parents de manière à mieux répondre aux besoins de ces
derniers. Dans cette perspective, Powell (1998) a constaté que l’image projetée par les
90volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les experts s’enten-dent pour dire que
plusieurs facteurs ont contribué à élargir la
place faite aux parentsdans les services
d’éducation préscolaire,notamment le
développement des connaissances, la
transformation des réalités familiales ainsi
que l’action des groupesde promotion et de
soutien aux familles.
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
milieux de garde a considérablement évolué au cours des trente dernières années.
Selon lui, ces milieux sont de plus en plus perçus comme des systèmes de soutien
parental dont la fonction s’apparente à celle de la famille élargie traditionnelle (ver-
sion moderne).
Dans la foulée de ces transformations sociales, plusieurs groupes et associations
de parents se sont formés pour promouvoir les intérêts de la famille ou, encore, pour
informer et soutenir les parents dans l’exercice de leur rôle (par exemple : l’Institut
Vanier de la Famille, le Conseil Québécois de la famille, le Alliance for Parental
Involvement in Education, le National Coalition for Parent Involvement in Education
et le Commonwealth Institute for Parent Leadership). Suivant les recommandations
de ces groupes, certains parents ont décidé de jouer un rôle plus actif dans le
développement et le fonctionnement des services à la famille. À titre d’exemple, au
Québec, les parents qui le désirent peuvent s’impliquer dans la gestion et l’organisa-
tion de leur milieu de garde en siégeant sur le Conseil d’administration de leur CPE.
En participant activement aux décisions les concernant, les parents mettent en place
des stratégies dites d’appropriation (« empowerment ») qui favorisent leur intégra-
tion et leur implication dans les milieux préscolaires (Miron, 2003). À ce sujet, il est
intéressant de souligner que l’implication plus grande des parents dans les milieux
éducatifs des enfants constitue un phénomène observé à l’échelle mondiale
(Cochran, 1993).
Les effets de l’implication des parents
Cette implication accrue des parents profite-t-elle aux enfants? La recherche a
démontré que la participation effective des parents dans les programmes éducatifs
joue un rôle déterminant dans la réussite scolaire et l’adaptation sociale des enfants
(Deslandes, 1999; McBride, 1999; Shepard & Carlson, 2003). En fait, de nombreux
bénéfices directement imputables à l’implication parentale dans l’éducation des
jeunes enfants ont été constatés dans les études menées ces dernières années. À titre
d’exemple, on observe une plus grande motivation scolaire, de meilleurs rapports
parent-enseignant et une persévérance accrue dans les programmes éducatifs spé-
ciaux (Epstein, 1996; Katz & Bauch, 1999; McBride, 1999). D’autres études relient
l’implication des parents dans les milieux préscolaires à des retombées positives
pour les jeunes enfants sur le plan de la qualité de leur relation d’attachement avec
la mère. Ainslie (1990) constate que les mères qui s’impliquent le plus dans leur ser-
vice de garde (en faisant du bénévolat, en participant aux réunions de parents) ont
de jeunes enfants ayant une meilleure sécurité d’attachement à leur mère (et à leur
éducatrice) comparés à ceux dont les parents s’impliquent peu.
Encouragés par de tels résultats, plusieurs spécialistes de l’éducation présco-
laire ont récemment développé de nouvelles mesures visant à stimuler la participa-
tion des parents dans les programmes éducatifs (par exemple : en faisant preuve de
créativité dans la manière d’associer les parents aux activités, en multipliant les
modalités de rétroaction positive, etc.). Certaines de ces mesures visent plus spéci-
91volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La recherche a démontré que la
participation effectivedes parents dans les
programmes éducatifsjoue un rôle déterminantdans la réussite scolaire
et l’adaptation socialedes enfants
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
fiquement les parents d’enfants ayant des besoins spéciaux (Marshall & Mirenda,
2002; Peterander, 2000) ou issus des milieux à risque (McBride, Bae, & Rane, 1998),
alors que d’autres interventions sont destinées à tous les parents d’enfants d’âge
préscolaire qui utilisent un service de garde (Hamilton et al., 2003). Au Québec,
quelques programmes ont spécifiquement été élaborés dans le but de rapprocher les
familles et les milieux de garde : le Programme d’intégration éducative famille-
garderie (Falardeau & Cloutier, 1986), le Programme Parents responsables (Tochon &
Toupin, 1993) et, plus récemment, le Programme ECO-Famille (Nault & Sinclair,
2003). Ce dernier programme est particulièrement intéressant, car il vise à soutenir
les parents dans leur rôle d’éducateur en leur proposant plusieurs outils d’analyse et
en leur présentant différentes façons de faire avec les jeunes enfants.
La recherche a mis en lumière le fait que l’implication parentale entraîne aussi
des retombées positives du côté du personnel éducatif. Plus spécifiquement, il a été
démontré que les éducatrices et les enseignantes qui utilisent le plus les stratégies
favorisant l’implication et l’empowerment parental, entretiennent des rapports plus
satisfaisants avec les parents, ont moins de préjugés négatifs à l’égard de ceux-ci et
ont plus de facilité à surmonter les obstacles qui nuisent à la qualité de la collabora-
tion famille/milieu éducatif (Dunst, Johanson, Rounds, Trivette, & Hamby, 1992;
Epstein, 1983; Katz & Bauch, 1999).
S’appuyant en grande partie sur ces résultats prometteurs, plusieurs associa-
tions ou fédérations professionnelles des intervenants en petite enfance ont formel-
lement pris position en faveur de toute initiative visant à renforcer la communication
et les liens de collaboration entre la famille et les milieux préscolaires. Par exemple,
l’Association américaine d’éducation préscolaire NAEYC (National Association for
the Education of Young Children) a recommandé à ses membres de tout mettre en
œuvre pour développer, en collaboration avec les parents, des activités qui prennent
en compte les besoins spécifiques des familles qu’ils desservent (Bredekamp &
Copple, 1997). La NAEYC a également amendé son code d’éthique en 1996 pour
adhérer aux principes de confiance mutuelle et de respect des valeurs éducatives,
culturelles et linguistiques des familles et aussi pour reconnaître aux parents le droit
de participer à tout processus de décision concernant leur enfant (NAEYC, 1996). La
Fédération canadienne des services de garde à l’enfance (FCSGE)2 et l’Association
québécoise des Centres de la petite enfance (AQCPE)3 tiennent sensiblement le
même discours à leurs membres. On retrouve par exemple sur le site Internet de ces
associations des conseils pratiques pour favoriser une communication efficace et des
rapports harmonieux avec les parents. Il est d’ailleurs intéressant de noter, qu’en
2004, la Semaine des services de garde au Québec avait pour thème « Ensemble…
maintenant et pour longtemps » (AQCPE, 2004). Ce choix de thème illustre de façon
éloquente la valeur accordée à la collaboration que l’on souhaite établir entre tous les
acteurs concernés par le bien-être des tout-petits en milieu de garde.
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2. Voir le site de la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance : www.cccf-fcsge.ca 3. Voir le site de l’Association québécoise des Centres de la petite enfance : www.aqcpe.com/site.asp
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
La question est maintenant de savoir ce que l’on entend par « collaboration
famille-milieu de garde » et quelles formes celle-ci peut-elle prendre au quotidien.
Les types de collaboration famille-milieu de garde : définitions et exemples
On s’entend pour dire qu’il existe plusieurs types de collaboration4 ou parte-
nariat possibles entre la famille et les milieux éducatifs, tels les écoles et les garderies
(pour plus de détails, voir les recensions récentes de Miron, 2003 et de Shepard et
Carlson, 2003). Bouchard (1996) définit le partenariat comme une association de per-
sonnes égales entre elles qui reconnaissent leurs expertises et leurs ressources
réciproques et qui prennent les décisions par consensus. Transposé dans le contexte
des milieux de garde, le partenariat ou la collaboration peut prendre les formes sui-
vantes :
• la communication ou l’échange d’informations entre les parents et les éduca-
trices (à propos de l’enfant mais aussi sur des sujets tels que la routine de vie, les
progrès réalisés, les sources d’insatisfaction ou d’inquiétude, les attentes de cha-
cun, les activités proposées, le vécu familial);
• la prise de décisions communes (notamment pour ce qui est de la nature des
soins à prodiguer et des stratégies éducatives à adopter face à certaines con-
duites de l’enfant);
• le soutien social, émotionnel ou instrumental (écoute et entraide dans les situa-
tions difficiles, dépannage lors de situations imprévues, échange de documen-
tation ou de matériel, partage d’équipement);
• la participation aux activités du milieu (assistance lors des sorties, animation
d’activités, participation à des corvées de nettoyage de jouets ou des espaces
éducatifs, présence aux rencontres d’informations et aux causeries);
• la mise en œuvre d’un projet spécial conjoint (p. ex. : une sortie parents-enfants-
éducatrices dans le cadre du Salon du Livre, la préparation d’un « concert » ou
d’un spectacle);
• la gestion administrative du milieu de garde (participation aux réunions du
Conseil d’administration et aux assemblées générales, examen des bilans finan-
ciers, préparation de demandes de financement de projets spéciaux).
Dans le cas des enfants ayant des besoins spéciaux (handicap intellectuel ou
physique, autisme, troubles de comportement), ou plus vulnérables (issus de milieux
à risque), un autre type de collaboration est souvent possible et souhaitable : il s’agit
alors de participer conjointement à la mise en place de mesures de prévention et
d’intervention avec l’aide de professionnels du réseau des services sociaux.
93volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
4. Les termes partenariat et collaboration seront utilisés ici de façon interchangeable, même si une certaine distinction peut être faite entre ces deux mots : la collaboration réfère à la participation conjointe (et parfoisponctuelle) d’individus ou d’organismes à la réalisation de tâches visant l’atteinte d’un but commun alors quele partenariat sous-entend en outre une participation conjointe des parties impliquées au processus de prisede décisions.
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
Conditions de réussite et obstacles au partenariatPour que ces formes de collaboration se réalisent et soient couronnées de succès,
on s’entend généralement pour dire que les qualités suivantes doivent être présentes
chez les personnes concernées : être capable de faire preuve de respect mutuel et de
tolérance, manifester de l’ouverture d’esprit, être sensible et empathique à autrui,
savoir écouter, accepter la différence, être capable de reconnaître, de renforcer et de
valoriser les « bons coups » de l’autre personne, avoir des attitudes positives, savoir
communiquer clairement ce que l’on ressent et ce que l’on pense, être disponible et
motivé à l’égard de son travail, être discret, respecter la confidentialité et enfin, être
capable de traiter l’autre sur un pied d’égalité (Borruel, 2002; Coleman & Wallinga,
2000; Miron, 2003; Warner & Barrera, 2003). En contrepartie, ces auteurs soulignent
que les comportements et attitudes suivants sont réputés nuisibles à l’établissement
de liens de collaboration famille/milieu de garde : avoir une attitude négative et déni-
grante, faire preuve d’indifférence, ne pas tenir compte des opinions ou du point de
vue d’autrui, prendre seul les décisions sans aucune consultation, hausser la voix ou
utiliser un ton méprisant lors des conversations, avoir une attitude de fermeture et
d’intolérance, être passif dans les situations de conflits interpersonnels, relever seu-
lement les erreurs et ne jamais exprimer de marques d’appréciation.
De façon évidente, ces attitudes et comportements favorables et défavorables à
l’établissement de rapports harmonieux entre les parents et le personnel éducatif
relèvent du bon sens et s’appliquent à toutes les relations interpersonnelles. On cons-
tate que ces qualités et attitudes positives « à développer » font maintenant partie de
la plupart des programmes de formation et ouvrages spécialisés destinés aux inter-
venantes en petite enfance (voir le nouveau programme de Techniques d’éducation
à l’enfance offert dans plusieurs CEGEP du Québec; voir aussi le chapitre 5 du volume
de Post, Hohmann, Bourgon, & Léger, 2004; et le chapitre 7 du guide de Dunster,
1994). Mais au-delà des qualités personnelles et des habiletés relationnelles des indi-
vidus en cause, on peut s’interroger sur les conditions de réussite et d’échec qui sont
spécifiques à la collaboration entre la famille et les milieux de garde. Cet exercice
apparaît d’autant plus nécessaire que de nombreuses personnes semblent douter du
succès réel d’une telle collaboration. Par exemple, il n’est pas rare d’entendre les édu-
catrices émettre des commentaires du genre : « On me demande d’impliquer davan-
tage les parents dans les activités de mon milieu; le problème c’est que les parents sont
peu intéressés et rarement disponibles ». Ou encore : « Les parents s’intéressent peu à ce
qui se passe à la garderie et ne semblent pas apprécier tout ce que je fais pour eux;
avant de leur demander de s’impliquer dans leur milieu de garde, on devrait les inciter
à s’impliquer davantage auprès de leur enfant à la maison » (Galinsky, 1988; Workman
& Gage, 1997). De leur côté, les parents tiennent souvent des propos tels que : « Mon
rythme de vie est complètement fou, comment voulez-vous que je trouve le temps de
m’impliquer à la garderie de mon enfant? ». Ou encore « Je paie pour avoir de bons
services de garde et je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus! De toute façon, je
doute que je puisse être utile à quoi que ce soit ». Évidemment, ce ne sont pas tous les
parents et toutes les éducatrices qui pensent de la sorte; cependant, ces propos
94volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
témoignent des résistances et des difficultés pouvant faire obstacles à la collabora-
tion entre les deux milieux de vie (Campbell, 1993).
Ainsi donc, même si la plupart des spécialistes de la petite enfance reconnais-
sent aujourd’hui le bien-fondé et l’importance d’impliquer les parents dans les pro-
grammes préscolaires, on peut se demander si, dans la réalité, la collaboration
famille/milieu de garde est bien présente ou s’il s’agit encore d’une affirmation
générale de principe. C’est pourquoi, même si certains progrès ont été réalisés au
chapitre de l’implication parentale, bon nombre d’experts dressent un bilan plutôt
négatif de la situation actuelle et constatent qu’il existe relativement peu de modèles
ou d’exemples concrets d’une véritable collaboration entre la famille et les milieux
éducatifs préscolaires (Pinkus, 2003; Powell, 1998). Qui plus est, cela serait particuliè-
rement vrai dans les milieux d’éducation spécialisée offrant des services aux enfants
ayant des besoins spéciaux (Kroth & Edge, 1997; Turnbull & Turnbull, 1997). Ce cons-
tat décevant a encouragé les chercheurs à étudier de façon plus approfondie les rap-
ports entre les parents et les membres du personnel éducatif afin d’identifier les élé-
ments associés à une communication et à une collaboration positives et efficaces
entre tous les adultes qui accompagnent l’enfant d’âge préscolaire.
Les thématiques d’étude reliées à la collaboration famille-milieu de garde
De façon générale, on remarque que trois thèmes ont principalement retenu
l’attention des chercheurs en lien avec ce sujet :
1. le niveau de satisfaction des parents et des éducatrices;
2. les stratégies de communication privilégiées;
3. la perception des rôles de chacun et la concordance éducative entre les deux
milieux.
La satisfactionToutes les enquêtes réalisées ces dernières années sur cette question arrivent à
la même conclusion : la très grande majorité des parents interrogés se disent très sa-
tisfaits de leur milieu de garde, et ce, peu importe le type de service qu’ils utilisent
(Britner & Phillips, 1995; Coutu, Lavigueur, Dubeau, & Tardif, 2003; Ijzendoorn,
Tavecchio, Stams, Verhoeven, & Reiling, 1998; Powell, 1998). Sans trop de surprises,
les études ont démontré que les parents recherchent d’abord et avant tout des
milieux sécuritaires et stimulants pour leur enfant. Ils apprécient tout particulière-
ment les éducatrices chaleureuses, attentionnées, qui interagissent positivement
avec leur tout-petit et qui leur ressemblent, notamment sur le plan de leurs valeurs
éducatives et culturelles, du niveau socioéconomique et de la langue parlée à la mai-
son (Howes, 1987; Philips & McCartney, 1986; Shpancer, 1998). Il est toutefois éton-
nant de noter que le niveau de satisfaction des parents envers le service de garde
demeure élevé, quelle que soit la qualité de celui-ci (évalué à partir de critères ob-
jectifs), les années d’expérience ou de formation de l’éducatrice, ou le nombre de
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Même si certainsprogrès ont été réalisés
au chapitre de l’implication parentale,bon nombre d’experts
dressent un bilan plutôtnégatif de la situationactuelle et constatent
qu’il existe relativementpeu de modèles ou d’exemples concrets
d’une véritable collabo-ration entre la famille et
les milieux éducatifspréscolaires
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
changements (programmation, roulement de personnels) qui surviennent dans le
milieu (voir Sphancer, 1998). Curieusement aussi, même les parents perçus néga-
tivement par le personnel éducatif de leur milieu de garde rapportent une satisfac-
tion élevée à l’endroit de leur milieu (Kontos & Dunn, 1989; Kontos & Wells, 1986).
Comment peut-on interpréter de tels résultats? Kontos (1987) suggère que les
parents évaluent généralement leur milieu comme sécuritaire et stimulant pour leur
enfant et que c’est probablement sur la base de ces critères que repose leur satisfac-
tion. Le fait que les parents ont relativement peu de contacts avec leurs éducatrices
(comme nous le verrons plus loin) et que ces dernières sont généralement positives
et accueillantes lors des brefs moments de rencontre pourrait aussi expliquer le taux
d’appréciation élevé des parents. Même lorsque l’éducatrice adopte une attitude
négative envers eux, il semble que les parents leur en tiennent rarement rigueur et
qu’ils acceptent volontiers de « passer l’éponge » (Kontos & Dunn, 1989). Ces données
positives constituent un signe encourageant aux yeux de plusieurs. Toutefois, cer-
tains auteurs doutent que ces données soient un reflet fidèle de la réalité et critiquent
sévèrement les approches méthodologiques utilisées pour mesurer la satisfaction
parentale (Shpancer, 1998). Ces mêmes auteurs s’interrogent sur la pertinence de
mesurer cette dimension au moyen d’une seule cote globale de satisfaction (Britner
& Phillips, 1995; Shpancer, 1998). Selon eux, ce type de mesure n’est pas très utile, car
il comporte des risques de biais importants, notamment celui de la désirabilité
sociale.
Les rares études ayant utilisé une mesure plus nuancée de la satisfaction ob-
tiennent des résultats qui semblent donner raison à ces critiques. Par exemple, si l’on
demande aux parents (qui se disent satisfaits) s’ils changeraient leur enfant de leur
milieu de garde s’ils en avaient la possibilité, plus du quart répondent par l’affirma-
tive (Hofferth, Brayfield, Deich, & Holcomb, 1991 cité par Britner & Philips, 1995). Ce
pourcentage serait encore plus élevé chez les parents issus de milieux défavorisés sur
le plan socioéconomique. Autre résultat intéressant, Britner et Philips (1995) cons-
tatent que le facteur qui prédit le mieux la satisfaction des parents est le soutien
social perçu par ces derniers. En d’autres termes, plus les parents s’estiment soute-
nus et appuyés par leur éducatrice, plus ils sont satisfaits de leur milieu de garde. La
même étude indique aussi que la satisfaction des parents est intimement liée à la
qualité et à la quantité de leur implication dans leur service de garde. Par ailleurs,
comme il est souvent difficile pour les parents d’obtenir une place en garderie, il est
sans doute normal que ceux-ci fassent preuve d’une certaine « indulgence » et se
conditionnent eux-mêmes pour conserver une opinion favorable de leur service de
garde (Shpancer, 1998). Cette attitude conciliante permet aux parents d’assurer une
plus grande stabilité à l’enfant et d’éviter tous les problèmes associés à la recherche
d’un nouveau milieu.
Si la satisfaction parentale est grande, il semble que la situation soit quelque peu
différente du côté des éducatrices. En effet, plusieurs études démontrent que ces
dernières sont très critiques et ambivalentes à l’égard de certains parents (Galinsky,
1990; Kontos & Dunn, 1989; Leavitt, 1995). Par exemple, lorsqu’on demande aux édu-
catrices d’évaluer les compétences des parents qu’elles côtoient, celles-ci classent le
96volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
quart d’entre eux dans la catégorie « parents peu compétents » (Kontos & Dunn,
1989). Les propos recueillis auprès des intervenantes en petite enfance lors de groupes
de discussion ou d’entrevues confirment que celles-ci jugent sévèrement certains
parents et qu’elles ne les portent pas toujours en très haute estime. À titre d’exem-
ples, elles reprochent à ces parents de ne pas savoir comment s’y prendre avec les
enfants, de ne pas être suffisamment impliqués, d’être négligents, de ne pas recon-
naître leur travail à sa juste valeur, etc. (Coutu et al., 2003; Leavitt, 1995). L’évaluation
souvent négative des éducatrices à l’endroit des parents pourrait refléter l’écart exis-
tant entre les deux parties sur le plan de leurs attentes respectives. Par exemple, il a
été démontré que les éducatrices s’attendent à ce que les parents communiquent
davantage avec elles alors que ceux-ci en ressentent moins le besoin (Powell, 1989).
Galinsky (1990) rapporte également que le quart des éducatrices interrogées croient
que les parents n’utilisent pas le service de garde de manière positive et qu’ils ne
comprennent pas leurs besoins professionnels. Le personnel éducatif des milieux de
garde reproche fréquemment aux parents de ne pas bien connaître l’environnement
de vie dans lequel leur enfant évolue quotidiennement. Une étude récente menée
par Shpancer et ses collaborateurs (2002) semble confirmer cette impression : les
parents participants ont, en moyenne, répondu correctement à seulement 45 % des
questions se rapportant à leur milieu de garde, traduisant ainsi une méconnaissance
évidente de ce milieu.
Certaines caractéristiques des parents seraient associées au jugement des édu-
catrices. Par exemple, il a été démontré que ces dernières ont une image plus néga-
tive des parents divorcés, peu scolarisés et issus des milieux pauvres (Kontos & Wells,
1986). En revanche, il y a plus de chance que les éducatrices tiennent en haute estime
un parent si celui-ci ou celle-ci est marié(e), détient un diplôme universitaire et s’il/si
elle s’implique dans la garderie (Dunst et al., 1992; Kontos & Dunn, 1989). Sphancer
(1998) émet l’hypothèse selon laquelle l’attitude parfois négative des éducatrices
envers les parents pourrait être une façon de valoriser leur rôle et de revendiquer leur
statut de « professionnel de l’éducation »; le fait de se montrer critique envers le pa-
rent leur permettrait en quelque sorte de rehausser leur estime à l’endroit d’un travail
socialement peu valorisé (l’idée sous-jacente étant « J’arrive à bien m’occuper de
plusieurs enfants à la fois alors que les parents, eux, en arrachent même s’ils n’en ont
qu’un ou deux à prendre soin! »). Quoi qu’il en soit, même si les éducatrices sont plus
nombreuses que les parents à exprimer du mécontentement et de l’insatisfaction, il
faut reconnaître que leur relation avec les parents est généralement positive et sou-
vent même amicale (Coutu et al., 2003). En fait, les motifs d’insatisfaction des édu-
catrices concernent davantage leurs conditions de travail et la lourdeur de leur tâche
(salaire jugé trop bas, longues heures de travail, manque de pauses, situations stres-
santes, épuisement physique, peu de soutien et de reconnaissance), alors que leurs
gratifications au travail sont liées au plaisir d’être en contact avec des enfants (de
contribuer à leur bien-être et à leur développement), au caractère varié des tâches à
effectuer, à l’autonomie et à la possibilité d’être à proximité de leurs propres enfants
tout en travaillant (dans le cas des éducatrices en milieu familial) (Coutu et al., 2003;
Phillips, 1991).
97volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
La communicationLa qualité de la communication parent-éducatrice constitue aux yeux de plu-
sieurs le principal élément de réussite de la collaboration famille – milieu de garde
(Garbarino, et al., 1982; Ghazvini & Readdick, 1994; Powell, 1989). En effet, il est
logique de croire que la mise sur pied de projets communs et la prise de décisions
conjointes dépendent en grande partie de l’habileté des personnes à travailler en
équipe, à échanger leurs points de vue et à transmettre de l’information sur ce qu’ils
pensent, sur ce qu’il ressentent et sur ce qu’ils désirent. Pour cette raison, les auteurs
ont été nombreux à se préoccuper de cette question et à examiner les stratégies de
communication utilisées dans le contexte des rapports entre la famille et le milieu
éducatif préscolaire.
Premier constat : les échanges entre les éducatrices et les parents (habituelle-
ment les mères) sont peu fréquents et de courte durée (Powell, 1979). Endsley et
Minish (1991) ont constaté que le tiers des parents participants à leur étude n’avait
aucun contact avec l’éducatrice au moment de venir chercher leur enfant; les autres
parents échangeaient verbalement avec l’éducatrice pour une période variant entre
3 et 570 secondes (moyenne= 27 secondes!). Les auteurs observent toutefois des dif-
férences appréciables entre les milieux participants pour ce qui est de la durée des
conversations entre les adultes. C’est principalement le matin, au moment de l’ar-
rivée de l’enfant dans le milieu de garde, et le soir lors de son départ, que les adultes
ont l’occasion de se dire quelques mots (Endsley & Minish, 1991). Or, ces moments
de transition sont relativement peu propices aux échanges, et ce, pour différentes
raisons : le matin, les parents sont souvent à la presse, car ils craignent d’arriver en
retard à leur travail; un départ hâtif du milieu est souvent encouragé pour éviter des
réactions trop vives chez le jeune enfant lors de la séparation; le parent a parfois
d’autres arrêts prévus sur son parcours (un autre enfant à reconduire à l’école); au
retour, les parents et les éducatrices sont souvent fatigués à la fin de la journée et ont
hâte de se retrouver en famille pour amorcer la routine avec leurs proches (Galinsky,
1988; Workman & Gage, 1997).
Les brèves conversations entre les parents et les éducatrices lors des périodes de
transition portent habituellement sur des sujets relativement superficiels et anodins
(Endsley & Minish, 1991; Powell, 1978). Winkelstein (1981) a étudié les propos
échangés par les parents et les éducatrices le soir, au moment du départ de l’enfant
du milieu de garde. Trois types de communication parent/éducatrice ont été identi-
fiés à partir des observations recueillies :
• la communication sociale (par exemple : les salutations d’usage, les commen-
taires généraux à propos des événements de la journée, de la température);
• la communication informationnelle permettant l’échange de renseignements
factuels au sujet d’une activité ou d’un comportement de l’enfant (par exemple :
dire au parent que son enfant n’a pas fait de sieste ou qu’il y a une sortie prévue
au parc le lendemain);
• la communication centrée sur la prise de décisions communes (par exemple :
se mettre d’accord sur la conduite à adopter à l’égard des comportements d’op-
position de l’enfant).
98volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
Les résultats indiquent que c’est la communication de type social qui dominait
dans les quatre centres visités par la chercheuse, alors que les discussions centrées
sur la prise de décisions étaient beaucoup moins fréquentes. Winkelstein (1981) a
constaté que les parents les plus satisfaits de leur relation avec leur éducatrice étaient
ceux qui utilisaient couramment à la fois la communication sociale et les discussions
menant à la prise de décisions.
Une autre étude confirme que le principal sujet abordé dans les conversations
entre parents et éducatrices au moment du retour à la maison est le « compte rendu »
de la journée de l’enfant à la garderie (Endsley & Minish, 1991). Plus spécifiquement,
l’éducatrice renseigne le parent et répond à ses questions à propos des comporte-
ments de l’enfant avec ses camarades, sa participation aux différentes activités, son
humeur générale, etc. De leur côté, les parents abordent plus souvent des sujets
touchant à leur travail (par exemple : les problèmes rencontrés au cours de la
journée); par contre, les parents sont beaucoup moins loquaces au sujet de leur vécu
familial et discutent plutôt rarement de ce que vit l’enfant à la maison (Powell, 1978).
Il semble aussi que la communication entre les parents et le personnel éducatif varie
en fonction de l’âge des enfants (Shpancer, 1998). Plus ces derniers sont jeunes (deux
ans et moins), plus la communication occupe une place importante. Cela peut sans
doute s’expliquer par le fait que les parents ont besoin de connaître les comporte-
ments associés au « rythme biologique » de leur tout-petit durant la journée (alimen-
tation, sommeil et élimination) pour être en mesure de prendre le relais à la maison.
Aussi, la connaissance des soins prodigués par l’éducatrice permet aux parents
d’adapter leurs conduites en conséquence (par exemple : sachant que bébé a beau-
coup dormi en après-midi, le parent s’étonnera moins de le voir aussi actif à l’heure
du dodo et pourra le laisser « veiller » un peu plus tard). Les parents d’enfants plus
vieux conversent beaucoup moins fréquemment et longuement avec leur éducatrice,
sans doute parce qu’ils disposent d’une source d’information privilégiée sur ce qui se
passe à la garderie : l’enfant lui-même (Powell, 1998; Shpancer, 1998). En outre, à par-
tir du moment où les enfants nécessitent moins de soins de base et qu’ils sont ca-
pables de fonctionner de façon relativement autonome, il est probable que certains
parents jugent moins utiles d’assurer un suivi aussi complémentaire entre le milieu
de garde et la maison (Shpancer, 1998).
Certaines études établissent un lien entre la qualité du milieu de garde et la
fréquence des contacts parent/éducatrice (Ghazvini & Readdick, 1994; Powell, 1989).
Cependant, tous ne sont pas d’accord pour dire qu’une faible fréquence de contacts
signifie que la qualité des rapports entre la famille et le milieu de garde soit pour
autant déficiente ou compromise. Par exemple, Shpancer (1998) pense qu’il est normal
(dans une certaine mesure) que les parents satisfaits de leur service de garde com-
muniquent peu avec leur éducatrice. Selon cet auteur, le rapport parent-éducatrice
s’inscrit habituellement dans une dynamique qui s’apparente à celle d’un consom-
mateur (parent-client) qui transige avec un pourvoyeur qualifié (éducatrice) offrant
des services en échange d’une rétribution financière (« marketplace-oriented con-
sumer/provider transactions »); en conséquence, pour autant que le parent est satis-
fait des services qu’il reçoit en retour de ce qu’il paie (nonobstant la qualité objective
99volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
du service « acheté »), on peut penser que celui-ci ne ressentira pas le besoin de col-
laborer et de multiplier les contacts avec le milieu de garde (Hofferth & Phillips,
1991). Autre élément intéressant, il a été démontré que les parents considèrent
rarement leur éducatrice comme une personne faisant partie de leur réseau social ou
de leur cercle d’intimes (Kontos & Well, 1986). Pour Shpancer (1998), cela constitue une
preuve additionnelle que la rareté des contacts parent/éducatrice n’est pas un indi-
cateur fiable de la qualité de la relation entre les adultes (autrement dit, si les parents
communiquent peu avec leur éducatrice, cela ne signifie pas nécessairement qu’il y
a un problème relationnel; cela peut tout simplement signifier que les parents ne tien-
nent pas à se rapprocher de la personne qu’ils paient pour s’occuper de leur enfant).
Par contre, si l’on accepte cette logique empruntée au milieu des affaires, la
communication devient « utile et rentable » lorsque les parents sont confrontés à des
difficultés particulières qui relèvent du domaine d’expertise de leur éducatrice.
Shpancer (1997; 1998) suggère que, dans un tel contexte, les parents sont plus dis-
posés à se tourner vers celle-ci pour obtenir l’aide professionnelle dont ils ont besoin.
Cette hypothèse d’un « effet tampon » de la relation parent-éducatrice est inspirée de
la documentation scientifique sur les réactions au stress et sur la résilience des
enfants confrontés à plusieurs facteurs de risque (voir Rutter, 1989). Plus parti-
culièrement, Sphancer (1997) réfère ici à l’idée voulant que certaines relations soient
activées en périodes de stress pour neutraliser les effets négatifs des situations
adverses. Par exemple, dans le cas qui nous intéresse, l’effet tampon pourrait pren-
dre la forme d’un conseil de l’éducatrice transmis à un parent qui se sent un peu
« dépassé » par les comportements difficiles de son enfant. En d’autres mots,
Shpancer (1998) suggère que les comportements d’inclusion et de communication
initiés par les parents sont principalement activés lorsque ceux-ci jugent que le
savoir-faire de leur éducatrice peut être mis à profit dans une catégorie bien précise
de problèmes (par exemple, lorsqu’ils sont préoccupés du niveau de développement
de leur enfant, s’ils s’interrogent sur la « normalité » de certains de ses comporte-
ments, etc.).
Outre les questions liées à la fréquence et au contexte des rapports parent/
éducatrice, certains chercheurs en petite enfance se sont intéressés aux moyens de
communication utilisés par les parents et les éducatrices (Britner & Phillips, 1995;
Coutu et al., 2003). Même si leur emploi est beaucoup moins répandu que les conver-
sations face à face (et au téléphone), il a été démontré que les éducatrices avaient
parfois recours aux moyens suivants pour communiquer avec les parents : le journal
de bord, les rapports quotidiens, les cahiers de suivis, les notes écrites (ou toute autre
forme de correspondance personnalisée), le babillard ou tableau d’information, les
conférences ou ateliers/causeries, les articles dans le journal du milieu de garde et,
finalement, les messages électroniques (Britner & Phillips, 1995). Les éducatrices
sont fortement encouragées à diversifier leurs approches en matière de communica-
tion de manière à rejoindre le plus grand nombre de parents possible (Kaufman,
2001; Workman & Gage, 1997). De leur côté, les parents remettent parfois à l’éduca-
trice une note écrite, un mot de remerciement ou des documents jugés intéressants
(cartes confectionnées par l’enfant, articles de revues, livres, etc.).
100volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
On remarque également que les moyens associés aux nouvelles technologies de
l’information et de la communication (TIC) gagnent rapidement en popularité, tant
du côté des milieux éducatifs que de la famille (Hundt, 2002; Neugebauer, 2000).
Qu’il s’agisse de l’Internet (et du système de messagerie électronique), des télé-
phones portables, ou de l’accès à des images en direct à partir d’une « webcam5 », on
constate déjà que les progrès technologiques sont en voie de transformer en pro-
fondeur la manière dont les adultes qui éduquent les enfants s’y prennent pour com-
muniquer entre eux (Lishka, 2003). Cependant, l’idée de doter les milieux de garde
d’un système vidéo afin de permettre aux parents d’observer à leur guise leur enfant
par le truchement de l’Internet n’est pas sans créer de remous. Ceux qui appuient
cette initiative font valoir que ce système comporte de nombreux avantages : contact
direct du parent avec son enfant, sentiment de « proximité » et de sécurité du parent,
meilleure connaissance de l’enfant (notamment de ses comportements en contexte
de groupe), effet dissuasif et préventif des abus envers les enfants, etc. Les opposants,
quant à eux, estiment que la mise en place de ce système de « surveillance » n’est
surtout pas la panacée aux problèmes de communication entre les parents et les édu-
catrices et qu’au contraire, cela peut engendrer de nouvelles difficultés : sentiment
de méfiance de la part des éducatrices qui se sentent continuellement épiées, pro-
blèmes liés à l’interprétation des images vidéo en l’absence du son et des autres élé-
ments du contexte, problèmes de confidentialité, etc. Certains doutent même des
avantages de ce système sur le plan de la surveillance à distance, car il est impossible,
dans la pratique, de filmer toutes les interactions à tout moment de la journée. Les
personnes qui se disent contre l’installation de caméras en milieu de garde avancent
aussi que les sommes d’argent importantes consacrées à ces équipements pour-
raient servir à des fins beaucoup plus utiles pour améliorer la qualité du milieu de
garde, ce qui profiterait davantage aux enfants. Quoi qu’il en soit, le débat ne fait que
commencer et il est à prévoir que cela prendra encore un certain temps avant qu’un
véritable consensus ne se dégage sur cette question (tant du côté des éducatrices que
de celui des parents).
La concordance éducative entre les deux milieux et le rôle des adultes Le succès de la collaboration entre les différents adultes qui participent à l’édu-
cation des jeunes enfants semble également lié au degré de cohésion et de consis-
tance entre les deux principaux milieux de vie. Logiquement, on peut en effet s’at-
tendre à ce que des adultes issus de milieux « spontanément compatibles » vont plus
facilement parvenir à se mettre d’accord sur la réalisation d’actions communes
(Keyes, 2000). À ce sujet, Pinkus (2003) juge qu’une trop grande distance ou disparité
entre les valeurs, les attentes et les caractéristiques propres à chaque milieu risque de
compliquer ou de rendre improbable l’établissement de liens permettant une col-
laboration significative. Nous avons déjà vu plus tôt que les attitudes négatives de
méfiance, d’intolérance et de jugement ont pour effet d’éloigner les partenaires po-
tentiels et de nuire à la qualité de leur relation. Mais au-delà des attitudes, il semble
101volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
5. À titre d’exemple, voir les sites : www.kindercam.com et www.daycarecams.com
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
bien que les parents et les éducatrices doivent aussi être capables de reconnaître et
de respecter l’apport spécifique de leur partenaire dans la vie de l’enfant, avant de
pouvoir véritablement faire équipe.
Le problème de la cohérence éducative inter-milieuxLe fait que le milieu de garde soit passablement différent du milieu familial
constitue en soi un défi pour l’adaptation sociale du jeune enfant (Provost, Garon, &
Labarre, 1989). À ce sujet, Powell (1980) a identifié cinq aspects qui permettent de
bien différencier ces deux milieux de vie :
1. l’environnement physique : plus grande liberté de mouvement à la maison,
plus grande intimité, moins de bruit;
2. la routine de vie au quotidien : habituellement plus structurée en milieu de
garde;
3. les relations interpersonnelles : l’enfant bénéficie à la maison d’un statut spé-
cial qui l’amène à vivre un certain « particularisme » dans ses relations avec
ses proches, alors qu’à la garderie, l’attention est distribuée plus équitable-
ment ce qui l’amène à vivre un « universalisme » dans ses rapports avec
autrui;
4. le langage : les parents et les éducatrices abordent souvent des sujets dif-
férents avec les enfants et le langage utilisé n’est pas toujours le même
(vocabulaire, syntaxe et façon de s’exprimer diffèrent parfois d’un milieu à
l’autre);
5. les pratiques éducatives : à cause du contexte et de leurs personnalités, les
parents et les éducatrices n’utilisent pas toujours les mêmes stratégies pour
contrôler les comportements indésirables des enfants.
À cet effet, une étude réalisée par Ijzendoorn et ses collègues (1998) démontre
qu’il existe un certain écart entre le milieu familial et le milieu de garde au chapitre
des attitudes éducatives. Cette étude révèle aussi qu’une trop grande discontinuité
entre les deux milieux est susceptible d’affecter le bien-être des enfants dans le ser-
vice de garde (par exemple, lorsque dans un milieu on utilise de stratégies de con-
trôle de types punitif et coercitif, alors que dans l’autre milieu, l’adulte a recours à des
stratégies de type plus démocratique). Mais ces mêmes auteurs soulignent que
d’autres recherches sont nécessaires pour décrire et comparer de façon plus précise
les actions éducatives posées par les parents et les éducatrices et, par conséquent,
éclairer davantage la question de la cohérence éducative inter-milieux.
Le problème du rôle éducatifMême s’ils interviennent dans des contextes différents, les parents et les édu-
catrices posent des gestes similaires lorsqu’ils éduquent, enseignent et prennent soin
de l’enfant : ils organisent des activités, encouragent, jouent, préparent la nourriture,
nettoient, consolent, supervisent, cajolent, règlent des conflits, etc. C’est aussi à tra-
vers les interactions quotidiennes que l’enfant et les adultes tissent des liens affectifs
significatifs et durables (Howes, 1987). La similitude des interventions et des tâches
102volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
effectuées par les parents et les éducatrices ainsi que le partage de responsabilités
reliées à la prise en charge de l’enfant soulèvent la question de la spécificité du rôle
de chacun et de la cohérence des pratiques entre les milieux. On s’entend pour dire
que c’est au parent qu’échoit la responsabilité première de l’enfant (tant sur le plan
légal que moral); son rôle consiste à assurer une présence sécurisante, affectueuse et
stable à l’enfant et à être le principal pourvoyeur de soins (en étant un modèle adulte
responsable capable de transmettre des valeurs positives, en étant impliqué et pré-
sent). Les éducatrices, quant à elles, ont pour rôle de partager la mission éducative
du parent (et non pas de se substituer à lui). Leur responsabilité première est donc
d’aménager un milieu de vie sécuritaire, agréable et stimulant pour l’enfant sur la
base de critères de qualité bien établis. S’appuyant sur leur expérience, leur savoir-
faire et leurs connaissances (du développement de l’enfant et de l’éducation présco-
laire), les éducatrices qualifiées doivent proposer un programme d’activités complé-
mentaires à celui de la maison, adapté au niveau de développement des enfants qui
leur sont confiés. Pour ce faire, elles sont invitées à suivre et à mettre en application
les lignes directrices des programmes d’éducation préscolaire reconnus et d’utiliser
des pratiques éducatives jugées les meilleures pour garantir le bien-être des tout-
petits dans le contexte de la garderie (« developmentally appropriate practices »). Bref,
même si les tâches et responsabilités des parents et des éducatrices sont semblables,
leurs rôles diffèrent sur le plan de l’investissement affectif, personnel et matériel
auprès de l’enfant.
Du côté des parents, un des défis consiste à accepter qu’un (ou plusieurs) autre
adulte occupe une place de choix dans la vie de leur enfant. Cela exige une bonne
dose de confiance en ses capacités parentales pour ne pas se sentir menacé par l’édu-
catrice (surtout lorsque les marques d’affection de l’enfant à l’endroit de l’éducatrice
se font plus évidentes et fréquentes). Le parent doit donc apprendre à voir celle-ci
non pas comme une rivale, mais plutôt comme une personne ressource dont le rôle
est de l’aider dans les soins et l’éducation de son enfant. Le parent doit apprendre à
reconnaître et à valoriser le caractère complémentaire du rôle de l’éducatrice par
rapport au sien. En effet, tel que mentionné plus haut, la vie de groupe et les activités
organisées par l’éducatrice en milieu de garde permettent à l’enfant de vivre des
expériences sociales différentes de celles de la maison (par exemple : l’enfant peut
apprendre à se faire de nouveaux amis, à régler les conflits auxquels il est confronté
en groupe, à découvrir sa créativité en participant à des activités artistiques ou à des
« spectacles », etc.). L’éducatrice a donc la possibilité d’intervenir dans des contextes
où le parent est habituellement très peu présent. Un autre défi se pose au parent en
cas de difficulté avec son enfant. Le parent doit alors oser s’adresser à l’éducatrice de
son milieu de garde (et à ses autres ressources professionnelles) pour demander
conseil ou de l’aide. Il doit aussi réagir positivement, donner son point de vue et
accepter de collaborer lorsque c’est le personnel éducatif qui lui rapporte que l’en-
fant manifeste des comportements difficiles ou inquiétants à la garderie. Tel que
mentionné, le soutien social perçu par les parents constitue l’un des facteurs qui
prédit le mieux la satisfaction des ces derniers à l’endroit de leur milieu de garde
(Britner & Phillips, 1995).
103volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La similitude des interventions et
des tâches effectuéespar les parents et leséducatrices ainsi que
le partage de respon-sabilités reliées à la prise en charge de
l’enfant soulèvent laquestion de la spécificité
du rôle de chacun et de la cohérence des
pratiques entre les milieux.
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
Du côté des éducatrices, un des principaux défis consiste à donner au parent
tout le crédit qu’il mérite et à reconnaître que celui-ci est la personne qui connaît le
mieux l’enfant (File, 2001). Or, il a été mentionné précédemment que les éducatrices
se montrent souvent critiques à l’égard des parents. À tort ou à raison, plusieurs d’entre
elles jugent sévèrement les compétences éducatives des parents. Ces perceptions
négatives risquent de faire obstacles à la collaboration qu’elles disent pourtant
rechercher entre elles et la famille. Il y a donc lieu de poursuivre le travail de sensi-
bilisation auprès des travailleuses en garderie et des parents afin de « créer des
ponts » et de combler le fossé qui existe souvent entre les deux principaux milieux de
vie de l’enfant.
Conclusion
Que doit-on retenir de cette recension des écrits? Selon nous, cinq grandes
conclusions ou points saillants se dégagent de la documentation que nous venons de
survoler :
1. Il existe un consensus à l’effet que les liens de collaboration entre la famille
et le milieu de garde sont souhaitables sinon nécessaires et qu’ils doivent être
renforcés, notamment parce qu’ils contribuent au bien-être des enfants.
Selon les contextes et les besoins de chacun, ces liens de collaboration peu-
vent être d’intensité variable et prendre différentes formes, allant de simples
gestes de collaboration ponctuels à des engagements plus formels et étendus
entre les parents et les éducatrices concernant l’éducation des enfants;
2. Sur le terrain, les exemples concrets de collaboration entre la famille et les
milieux de garde demeurent encore aujourd’hui peu fréquents. Au-delà du
discours et des énoncés de principe en faveur du resserrement des liens entre
les deux principaux milieux de vie de l’enfant, force est de constater que la
majorité des parents sont peu impliqués dans leurs services de garde.
Parallèlement, on constate que les mesures proposées aux intervenants des
milieux de garde pour tisser des liens de collaboration plus étroits avec les
familles sont relativement peu mises en pratique;
3. Les liens de collaboration demeurent parfois ambigus et exigent souvent un
changement d’attitudes et de mentalités de la part des différents acteurs
concernés. Les parents sont confrontés aux nombreux défis de la conciliation
famille/travail et ne sont pas toujours disposés à s’impliquer comme le
souhaiterait leur milieu de garde. Il semble que les parents soient générale-
ment très satisfaits des services qu’ils reçoivent et qu’ils ne voient pas tou-
jours l’utilité ou la pertinence d’agir « autrement » avec leur éducatrice. Il a
aussi été démontré que les parents connaissent relativement peu le milieu de
garde de leur enfant; la majorité d’entre eux ne perçoivent pas leur éducatrice
comme une ressource pouvant les soutenir dans l’exercice de leur rôle
parental à la maison. De leur côté, les éducatrices se montrent souvent cri-
tiques envers certains parents et doutent parfois de leurs compétences; elles
104volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
exploitent peu la variété de moyens de communication mis à leur disposition
(en fait, plusieurs d’entres elles n’ont pas été formées à le faire) et elles
composent plus difficilement avec les situations de conflits interpersonnels
susceptibles de se produire avec les parents;
4. Par contre, les outils et les ressources pour aider les parents et les éducatrices
à collaborer ensemble ne manquent pas. Qu’il s’agisse de guides ou d’ou-
vrages spécialisés, de conseils pratiques (dans les forums de discussion ou les
répertoires des sites Internet d’associations de parents ou d’éducation pré-
scolaire), ou encore d’outils d’évaluation ou de programmes centrés sur les
liens famille/milieu de garde, on constate qu’il y une panoplie de moyens à la
disposition des parents et des éducatrices pour les aider à renforcer leurs
liens de collaboration et la prise de décisions communes. Malheureusement,
l’utilisation de ces moyens demeure limitée et peu répandue;
5. Enfin, malgré ce constat plutôt « sombre » de la situation actuelle, la plupart
des auteurs consultés souligne l’importance de favoriser les conditions de
réussite de la collaboration entre la famille et les milieux éducatifs. La re-
cherche démontre clairement que les enfants sont les premiers bénéficiaires
d’une telle collaboration. Les retombées positives étant nombreuses et va-
riées, on s’entend pour dire que les efforts en valent la peine et qu’il faut
poursuivre le travail de sensibilisation auprès de tous les éducateurs. L’abon-
dante littérature recensée ici témoigne de l’importance accordée à ce sujet
par les experts et les chercheurs du domaine de l’éducation préscolaire. Ces
connaissances doivent maintenant servir de guides dans le développement,
la mise en pratique et l’évaluation de nouvelles formes de collaboration entre
tous les adultes concernés par le bien-être des tout-petits.
Outre ces points saillants, on constate que plusieurs avenues de recherche con-
cernant les liens entre la famille et les milieux de garde n’ont pas encore été explo-
rées. Par exemple, l’implication des pères dans les services de garde constitue un
sujet peu étudié qui devrait faire l’objet d’une plus grande attention dans les re-
cherches à venir. Cela permettrait de fournir des éléments de réponses à des questions
telles que : Les éducatrices sont-elles autant à l’aise de communiquer avec les pères
qu’avec les mères? Doit-on viser les mêmes objectifs avec les pères qu’avec les mères
sur le plan de la collaboration? Quels moyens peut-on utiliser pour intégrer les pères
dans les activités éducatives? De la même façon, on remarque qu’il existe peu de
données sur la collaboration entre les familles séparées et les milieux de garde. Étant
donné le nombre croissant de séparations parentales chez les jeunes familles, il serait
utile de mieux documenter comment les intervenants en petite enfance doivent s’y
prendre pour assurer une collaboration optimale avec les deux parents qui ne coha-
bitent plus ensemble (et qui, souvent, entretiennent des rapports conflictuels et acri-
monieux).
Notons qu’on a également peu exploré les modalités particulières de l’établisse-
ment de liens de collaboration entre les éducatrices et les parents immigrants. Quels
défis spécifiques posent aux milieux de garde la grande diversité culturelle des
105volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
familles nouvellement arrivées au pays? Comment respecter et composer avec leurs
différentes traditions éducatives? Comment favoriser leur intégration et celle de leurs
enfants? En outre, la très grande majorité des travaux recensés ici ont été réalisés
dans des milieux anglophones, principalement aux États-Unis. La nature des parte-
nariats et des initiatives de collaboration dans les milieux éducatifs préscolaires
canadiens et québécois (notamment en milieux francophones) est beaucoup moins
connue. Nous constatons aussi que la plupart des études recensées ont été effectuées
dans les garderies collectives (en installation) desservant des familles ayant des
revenus moyens ou supérieurs à la moyenne; par conséquent, la recherche nous ren-
seigne peu sur la nature des collaborations parent-éducatrice dans les autres types
de milieux de garde (notamment les services offerts en milieu familial) et celles
impliquant des parents plus défavorisés. Il est à souhaiter que des recherches seront
entreprises prochainement au Québec et ailleurs au Canada afin de combler ces
lacunes.
Aussi, à la lumière de la documentation consultée, nous remarquons que rela-
tivement peu de moyens concrets sont proposés pour stimuler l’implication des pa-
rents dans les milieux d’éducation préscolaire. À l’exception des efforts consentis
pour améliorer et diversifier les stratégies de communication entre les parents et les
éducatrices, on constate que peu d’idées innovatrices ont été suggérées pour vérita-
blement encourager les parents à participer de façon originale à l’organisation et au
développement d’activités éducatives dans les milieux de garde que fréquentent
leurs enfants. Ici encore, il est à espérer que de telles idées créatrices pourront engen-
drer de nouvelles expériences de collaboration (à expérimenter et à évaluer) entre les
deux milieux de vie.
Enfin, une dernière piste de recherche prometteuse consisterait à étudier com-
ment la collaboration entre les parents et les éducatrices peut contribuer à prévenir
l’apparition de problèmes de comportement chez les enfants qui manifestent de
façon précoce des difficultés d’adaptation sociale. Nous croyons en effet que les édu-
catrices sont en bonne position pour observer les comportements des jeunes enfants
et assurer, s’il y a lieu, le suivi auprès des parents. Notre équipe de recherche poursuit
présentement une étude6 dont l’objectif est notamment de décrire les actions et les
attitudes des adultes (parents, éducatrices et autres intervenants en petite enfance)
dans une perspective de prévention des problèmes d’adaptation chez les jeunes
enfants. Nous espérons que cette recherche permettra de documenter davantage
comment le partenariat famille – milieu de garde peut se développer dans une
approche de collaboration éducative qui sait offrir à l’enfant l’aide requise pour
« partir sur un bon pied », profitant ainsi au maximum de la complémentarité et du
soutien concerté de ses deux milieux de vie.
106volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
6. Projet financé par le CRSH (2002-2005). Le partenariat famille-milieu de garde : un moyen de prévention desproblèmes d’adaptation sociale des jeunes enfants.
La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
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La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche
112volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La communauté peut aider ses enfants à mieux sepréparer à commencer l’école :
l’initiative Comprendre la petite enfance
Pierre LAPOINTEUniversité de Montréal, Québec, Canada
Isabelle MARTINUniversité McGill, Québec, Canada
RÉSUMÉ
L’initiative Comprendre la petite enfance à Montréal s’inscrit dans le cadre du
programme national d’aide au développement des enfants et de lutte contre la pau-
vreté. Toujours en cours, cette étude vise, à partir de trois sources d’information, à
rendre compte de l’état du développement des enfants dans certains quartiers de
Montréal, au moment de leur entrée à l’école. Les enseignants de maternelle de 28
écoles publiques ont d’abord évalué le degré de préparation scolaire des enfants. Les
parents ont fourni des renseignements sur leur développement général. Enfin, les
caractéristiques des populations et les ressources disponibles sur le territoire étudié
ont été examinées. Les résultats de cette collecte de données sont transmis aux inter-
venants communautaires pour enrichir les programmes et les ressources offerts aux
enfants et aux familles. L’article décrit les origines du projet national, les résultats de
l’évaluation de la préparation scolaire des enfants et de celle des caractéristiques
socioéconomiques des populations étudiées. On termine en décrivant les activités de
transfert des connaissances aux organismes partenaires, dans la perspective d’une
révision des plans d’action locaux en petite enfance.
ABSTRACT
The Community Can Better Prepare Help Its Children for School -Understanding the Early Years InitiativePierre Lapointe
Université de Montréal, Québec, Canada
Isabelle Martin
Université McGill, Québec, Canada
Understanding the Early Years in Montreal is an initiative that is part of the
national aid program for child development and the fight against poverty. Still in
progress, this study uses three sources of information with the goal of understanding
the developmental level of children in some areas of Montréal when they start
school. Kindergarten teachers from 28 public schools first evaluated the degree of
preparation for school these children had. The parents supplied information on their
general development. Finally, the characteristics of the populations and the
resources available on the territory being studied were examined. The results of this
collection of data were shared with community stakeholders to enrich the programs
and the resources available to children and families. The article describes the origins
of the national project, the results of the evaluation of these children’s preparedness
for school and the socio-economic characteristics of the populations being studied.
The article concludes with a description of the knowledge transfer activities with
partner organizations from the perspective of a revision of local early childhood
action plans.
RESUMEN
La comunidad puede ayudar a sus niños a estar bien preparados paracomenzar la escuela: la iniciativa Comprender la infanciaPierre Lapointe
Universidad de Montreal, Quebec, Canadá
Isabelle Martin
Universidad McGill, Quebec, Canadá
La iniciativa Comprender la infancia en Montreal se inscribe en el cuadro del
programa nacional de apoyo al desarrollo de los niños y de lucha contra la pobreza.
Actualmente en curso, dicho estudio intenta revelar, a partir de tres fuentes de infor-
mación, el nivel de desarrollo de los niños en ciertas zonas de Montreal, al momen-
to de ingresar a la escuela. Los maestros de las clases de preescolar de 28 escuelas
113volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance
públicas evaluaron el grado de preparación escolar de los niños. Los padres de fami-
lia proporcionaron las informaciones sobre el desarrollo general de los niños.
Finalmente, las características de las poblaciones y los recursos disponibles sobre el
territorio estudiado fueron examinadas. Los resultados de ésta recolección de datos
fueron transmitidos a los agentes comunitarios para enriquecer los programas y los
recursos que se ofrecen a los niños y a las familias. El artículo describe los orígenes
del proyecto nacional, los resultados de la evaluación de la preparación escolar de los
niños y las características socioeconómicas de las poblaciones estudiadas.
Terminamos describiendo las actividades de transferencia de conocimientos hacia
los organismos asociados, en una perspectiva de revisión de planes locales de acción
entre los infantes.
Introduction
Notre société doit se donner comme objectif prioritaire d’assurer le développe-
ment optimal de chaque enfant afin qu’il réalise son plein potentiel et devienne un
citoyen responsable contribuant de manière significative au bien-être de sa collec-
tivité (Conseil des ministres de l’éducation et Statistique Canada, 2003; Développe-
ment des ressources humaines Canada et Statistique Canada, 2003).
La réalisation de cet objectif constitue un défi majeur pour les communautés
qui ont l’obligation d’adopter des stratégies concertées d’intervention en petite
enfance. Ces efforts doivent notamment préparer adéquatement l’enfant à son
entrée à l’école. La transition entre la maison et l’école constitue un passage obligé
pour tous les enfants. Or, on constate que l’entrée à la maternelle est vécue de ma-
nière plus ou moins harmonieuse par les enfants, en raison de facteurs personnels,
familiaux et sociaux. Bien que les programmes préscolaires insistent sur l’impor-
tance de respecter le rythme d’apprentissage de l’enfant, ses compétences et ses con-
naissances seront très tôt évaluées selon les standards du système scolaire (Ladd,
1996; Pianta et Cox, 1999; Ramey et Ramey, 1994).
Dans une perspective d’intervention communautaire, la capacité d’agir appa-
raît souvent limitée parce qu’on n’a pas de données précises sur les enfants, sur les
familles et sur les ressources disponibles. La connaissance de l’état du développe-
ment des enfants s’avère pourtant une condition nécessaire à l’établissement de rela-
tions de concertation et à l’élaboration de stratégies pour assurer une meilleure pré-
paration scolaire des enfants. En collaboration avec certaines communautés, l’initia-
tive Comprendre la petite enfance (CPE) vise à recueillir ces renseignements et à les
transmettre aux personnes engagées auprès des enfants et des familles.
L’article donne un aperçu de l’étude, à partir de l’expérience réalisée dans cer-
tains quartiers de Montréal. Nous présenterons d’abord les origines de cette initiative
nationale, ses assises théoriques, ses objectifs et sa méthodologie. Ensuite, les prin-
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La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance
La transition entre la maison et l’école
constitue un passageobligé pour tous les
enfants.
cipaux résultats de l’étude seront traités, notamment ceux concernant l’évaluation
de la préparation scolaire des enfants de maternelle et ceux reliés à l’analyse de la
vulnérabilité des populations étudiées. Enfin, nous discuterons des stratégies privi-
légiées pour transférer les connaissances aux acteurs locaux intéressés à revoir leurs
plans d’action en petite enfance.
Naissance d’une initiative locale : North York Project
En 1996, une coalition d’organismes communautaires de la ville de North York
(Toronto, Ontario) entreprenait une démarche dont l’objectif était d’implanter une
stratégie locale de soutien au développement des enfants. Ce regroupement « The
Early Years Action Group » a obtenu du ministère du Développement des ressources
humaines du Canada des renseignements sur l’état du développement des enfants
de la région étudiée, en vue d’en tracer un portrait et d’élaborer un plan d’action
communautaire (Early Years Action Group, 2001). À cette époque, le ministère réali-
sait, en collaboration avec Statistique Canada, une Étude longitudinale nationale sur
les enfants et les jeunes (ELNEJ). Cette recherche pancanadienne, amorcée en 1994,
visait à constituer une base de données nationale sur les jeunes Canadiens, de la
naissance à l’âge adulte (Développement des ressources humaines du Canada et
Statistique Canada, 1996). Le projet de North York offrait l’opportunité aux promo-
teurs de l’ELNEJ d’expérimenter leur méthodologie de recherche dans une perspec-
tive d’intervention régionale. De cette collaboration est née l’initiative Comprendre la
petite enfance, qui sera expérimentée dans douze régions du Canada, dont celle de
Montréal.
L’initiative Comprendre la petite enfance : un projetnational
À la suite de l’expérimentation à North York, une équipe de recherche du minis-
tère du Développement des ressources humaines du Canada a défini le cadre théo-
rique et méthodologique de l’initiative Comprendre la petite enfance, puis un appel
d’offres national a été lancé aux communautés intéressées à y participer. Dans les
projets retenus, les objectifs suivants sont poursuivis : établir un portrait de la situa-
tion sociale, économique et scolaire des enfants et des familles au moment de l’entrée
à l’école des jeunes; diffuser les résultats de la recherche auprès des citoyens et des
organismes responsables des services à la petite enfance; et enfin, soutenir la révi-
sion des plans d’action locaux en petite enfance.
L’initiative CPE aborde la question de la transition de l’enfant de la maison à l’é-
cole en référant au modèle bioécologique de Bronfenbrenner et Morris (1998). Les
concepteurs de l’initiative ont recensé les recherches sur les déterminants individu-
els et familiaux de la préparation scolaire ou « school readiness » (Doherty et
Développement des ressources humaines du Canada, 1997).
115volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance
Le concept de « school readiness » ou de « maturité scolaire » suscite un grand
intérêt aux États-Unis depuis l’adoption des priorités nationales en matière d’éduca-
tion, la première stipulant que les jeunes doivent « être prêts à apprendre » au mo-
ment de leur entrée à l’école (National Education Goals Panel, 1995). En général, la
notion de maturité scolaire indique un ensemble d’habiletés cognitives, affectives et
sociales que l’enfant possède, à son entrée à l’école, et qui le rendent plus ou moins
bien préparé à la vie scolaire (Rimm-Kaufman et Pianta, 2000).
L’évaluation de la maturité scolaire est un sujet de controverse dans le monde de
l’éducation américaine. Plusieurs dénoncent les administrateurs scolaires qui
utilisent ces évaluations pour sélectionner les enfants ou leur refuser l’accès à l’école
(Kagan et Neuman, 1997; La Paro et Pianta, 2000; May et Kundert, 1997; Stipek et
Ryan, 1997). À leur avis, ces approches évaluatives sont centrées exclusivement sur
l’enfant et elles négligent les aspects familiaux, scolaires et communautaires qui con-
tribuent à l’acquisition des compétences individuelles. Par contre, ils reconnaissent
que ces données peuvent être utiles aux intervenants intéressés à connaître les forces
et les faiblesses des enfants, afin de tenir compte de leurs besoins dans l’organisation
des services scolaires.
Les concepteurs de l’initiative CPE ont aussi recensé les recherches traitant de
l’effet des caractéristiques des quartiers sur le développement de l’enfant (Connors,
Brink et Développement des ressources humaines Canada, 1999). Par exemple, les
travaux de Kohen, Hertzman, Brooks-Gunn et Développement des ressources
humaines du Canada (1998) mettent en évidence la relation entre certaines caracté-
ristiques des quartiers, telles que l’aisance et la cohésion sociale, et les habiletés
comportementales et verbales chez les jeunes enfants. Ces chercheurs affirment que
la scolarité de la mère et la monoparentalité sont aussi associées à la maturité sco-
laire de l’enfant et agissent comme facteurs médiateurs des effets du quartier. De
même, Wilson (1987) et Brooks-Gunn, Duncan et Aber (1997) illustrent comment
l’isolement social et le fait de vivre dans des quartiers défavorisés où les ressources
matérielles sont rares, les taux de chômage élevés et les populations peu scolarisées,
peuvent avoir un effet négatif sur le développement des enfants. Dans cette perspec-
tive, l’étude des caractéristiques des populations et de leurs quartiers peut aider à mieux
cerner les facteurs de risque et de protection qui influent sur ce développement.
À partir d’un devis quasi expérimental de type transversal, notre étude descrip-
tive exploite différents instruments de mesure pour évaluer les caractéristiques des
enfants, de leurs familles et de leur environnement physique et social. Les partici-
pants sont choisis en fonction de l’école fréquentée par les enfants. L’échantillon-
nage de plusieurs écoles a délimité un territoire géographique où vivent les enfants.
La « communauté » comprend ici les citoyens et les organismes liés aux services
d’éducation, aux services bénévoles et récréatifs, aux services de santé, aux services
de garde et à l’administration municipale du territoire.
Les douze régions canadiennes partagent une méthodologie de recherche com-
mune. Réalisée durant sept années consécutives, l’initiative CPE prévoit trois phases
de collectes de données.
116volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Notre étude descrip-tive exploite différents
instruments de mesurepour évaluer les carac-téristiques des enfants,de leurs familles et de
leur environnementphysique et social.
La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance
Tableau 1 : Calendrier des activités de la recherche
Au cours de la phase I (2001-2002), un premier groupe d’enfants de maternelle
a été évalué par les enseignants dans chaque école du territoire à l’étude. Les don-
nées du recensement national ont servi à la constitution d’un indice de vulnérabilité
des populations locales (indice social), qui est mis en relation avec la maturité sco-
laire des enfants. Les parents, quant à eux, fournissent des renseignements sur les
caractéristiques de leur enfant et de la famille et sur l’utilisation qu’ils font des
ressources et des programmes communautaires. On a complété aussi un inventaire
des ressources et des services dédiés aux jeunes enfants et aux familles sur le terri-
toire. De plus, une enquête menée auprès des responsables des services fait con-
naître la nature et la disponibilité des ressources communautaires. Enfin, la phase I
est complétée par une évaluation de l’environnement physique des quartiers cou-
verts par le territoire.
La phase II (2003-2004) consiste à diffuser ces renseignements aux intervenants
du milieu, à appuyer les efforts de mobilisation communautaires et à évaluer la
maturité scolaire d’une seconde cohorte d’enfants du préscolaire. La phase III (2005-
2007) assure la suite des activités de transfert des connaissances et de mobilisation
des communautés. De plus, les enseignants sont invités à évaluer le niveau de pré-
paration scolaire d’une troisième cohorte d’enfants résidant sur le territoire étudié.
L’initiative Comprendre la petite enfance à Montréal
L’initiative Comprendre la petite enfance à Montréal associe différents parte-
naires : le Centre 1, 2, 3 Go ! le promoteur, la Commission scolaire de Montréal, la
Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre, la Ville de
Montréal, le Comité de gestion de la taxe scolaire de l’île de Montréal et le Groupe de
recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant de l’Université de Montréal.
L’étude est réalisée sur le territoire des centres locaux de services communau-
taires (CLSC) de Rosemont, Hochelaga-Maisonneuve, Olivier-Guimond, Saint-Michel
et Villeray. Les CLSC sont des établissements publics qui ont la responsabilité de rendre
accessibles à la population d’un territoire donné des services de santé, des services
sociaux, des services de prévention et des services d’action communautaire. Ces ter-
117volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Collecte de données Phase I Phase II Phase III
Évaluation des enfants par les enseignants X X X
Évaluation des enfants par les parents X X
Analyse des caractéristiques des populations X X X
Évaluation des caractéristiques des quartiers X
Inventaire des ressources communautaires X X
Enquête sur les programmes et les services X X
La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance
ritoires comptent environ 300 000 habitants et près de 10 % de ce nombre sont des
enfants de moins de six ans.
Nous traiterons ici des données sur l’indice social, qui rend compte du niveau
de vulnérabilité des populations, et sur l’évaluation de la maturité scolaire. Pour con-
naître les résultats de l’évaluation des enfants par les parents et les données concer-
nant l’inventaire et l’enquête sur les programmes, le lecteur est invité à consulter les
rapports déjà publiés (KSI Research International Inc, 2003; Lapointe, Martin et
Robitaille, 2003).
Une mesure de la vulnérabilité des populations : l’indice social
Neuf indicateurs du Recensement de 1996 ont été sélectionnés pour déterminer
le degré de vulnérabilité des populations observées. Selon le découpage géographique
établi par Statistique Canada, le territoire étudié se divise en 450 secteurs de dénom-
brement, qui sont les plus petites unités administratives pour lesquelles des données
sont disponibles.
Dans la présente analyse, chaque indicateur est reconnu comme un facteur de
risque lorsque la condition des individus d’un territoire donné est jugée nettement
désavantageuse par rapport à celle observée dans la population canadienne. La
somme des facteurs de risque relevés sur un territoire donné constitue la valeur de
son indice social. C’est cet indice qui sert à comparer les populations. La valeur de
cet indice varie de 0 à 9 : plus elle est élevée, plus la condition socioéconomique de la
population est jugée difficile.
Les données montrent la grande vulnérabilité sociale de plusieurs familles sur le
territoire étudié, puisque la valeur moyenne de l’indice s’établit à 7.
118volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance
Les données montrent la grande vulnérabilité sociale
de plusieurs familles sur le territoire étudié.
Figure 1 : Pourcentage, par école, des enfants jugés en difficulté.
Les enfants et les familles les plus vulnérables habitent des quartiers où il y a
plus de ménages à faible revenu; plus d’individus dont une part importante du
revenu provient de transferts gouvernementaux; moins de travailleurs actifs; plus de
familles monoparentales; un plus grand nombre d’adultes peu scolarisés (sans DES);
plus d’immigrants récents; plus de citoyens qui ne parlent ni français ni anglais;
moins de ménages propriétaires de leur logement et une plus grande mobilité des
familles.
L’évaluation de la maturité scolaire
L’évaluation de la maturité scolaire des enfants de maternelle fournit des rensei-
gnements sur leur développement, au moment de leur entrée à l’école. Au cours de
la phase I, dans 28 écoles primaires de la Commission scolaire de Montréal, 70 en-
seignantes de maternelle ont évalué 1 274 enfants à l’aide de l’Instrument de mesure
du développement à la petite enfance (Janus et Offord, 2000). Cinq composantes du
développement de l’enfant sont évaluées, celles qui sont considérées comme ayant
les rapports les plus significatifs avec l’apprentissage et la réussite scolaire : santé
physique et bien-être; compétence sociale; maturité affective; développement du lan-
gage et aptitudes cognitives; et communication et connaissances générales.
119volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance
Dans les écoles du territoire à l’étude, la majorité des enfants obtiennent de
bons résultats. Cependant, 32 % d’entre eux éprouvent des difficultés relativement à
au moins une composante de la maturité scolaire, tandis que 16 % sont jugés en dif-
ficulté à deux composantes et plus. Le pourcentage d’enfants jugés en difficulté est
calculé selon le nombre d’enfants dont le résultat individuel relativement à une ou
plusieurs composantes de la maturité scolaire se situe au-dessous du 10e rang cen-
tile. Les élèves jugés en difficulté à une seule composante n’éprouvent pas néces-
sairement un problème important de maturité scolaire. Ils peuvent néanmoins être
considérés comme des élèves potentiellement à risque. Par contre, les élèves éprou-
vant des difficultés à deux composantes et plus de la maturité sont les plus suscepti-
bles de devoir affronter des problèmes d’adaptation scolaire.
L’analyse des résultats montre aussi des caractéristiques communes à certains
groupes d’enfants. On observe notamment que les filles obtiennent de meilleurs
résultats que les garçons à toutes les composantes de la maturité scolaire; les enfants
plus âgés semblent mieux préparés que les plus jeunes à affronter les défis scolaires,
et les enfants allophones, c’est-à-dire ceux dont la langue maternelle est autre que la
langue d’enseignement, obtiennent des résultats plus faibles que les enfants fran-
cophones.
Les résultats de l’évaluation de la maturité scolaire, par école cette fois, sont
présentés à la figure 1. La proportion d’élèves jugés en difficulté à une ou à plusieurs
composantes de la maturité scolaire est indiquée de même que la valeur de l’indice
social de chaque secteur. Le taux moyen d’élèves reconnus en difficulté à une com-
posante et plus de la maturité scolaire est de 29 % par école. Le taux minimal est de
6 % alors que le taux maximal est de 53 %. Il existe donc, selon l’école d’apparte-
nance, une variation importante du degré de maturité scolaire des enfants. Ces résul-
tats mettent en relief les différences entre les enfants, dès leur entrée à l’école. De
plus, on peut observer à la figure 1 la relation entre la préparation scolaire des enfants
et la vulnérabilité des populations (indice social). De manière générale, plus la valeur
de l’indice social d’un secteur est élevée, c’est-à-dire plus les conditions socio-
économiques sont défavorables, plus le nombre d’enfants jugés en difficulté au
regard de la maturité scolaire est grand. Ces analyses illustrent les écarts de perfor-
mance, dès la maternelle, entre les enfants des milieux défavorisés et ceux des milieux
moins défavorisés.
Cette évaluation permet aussi de juger de l’effet du programme d’éducation
prématernelle sur la préparation scolaire des enfants à la maternelle. Rappelons que
seuls les enfants habitant les quartiers les plus défavorisés de Montréal peuvent aller
à l’école à l’âge de quatre ans. Un programme d’activités éducatives en classe et au
service de garde est offert dans la plupart des écoles des quartiers défavorisés sur le
territoire à l’étude. Deux groupes sont comparés aux fins de l’analyse : le premier est
formé d’enfants qui étaient inscrits en classe de prématernelle tandis que le second
réunit des sujets qui ne l’étaient pas. Les enfants du premier groupe obtiennent des
résultats significativement inférieurs à ceux du second groupe, pour chaque compo-
sante de la maturité scolaire. Ainsi, il semble que la participation à un programme de
prématernelle ne soit pas une condition suffisante pour que la préparation scolaire
120volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance
Ces analyses illustrent les écarts
de performance, dès la maternelle, entre
les enfants des milieuxdéfavorisés et ceux des milieux moins
défavorisés.
des enfants des quartiers les plus défavorisés soit équivalente à celle des enfants
vivant dans des milieux moins défavorisés.
Une analyse plus détaillée des résultats des enfants de chaque école a été faite
au bénéfice des communautés locales et présentée sous la forme d’un Rapport à l’é-
cole sur l’évaluation de la maturité des enfants de la maternelle. Un rapport de ce type
est remis aux intervenants des écoles participantes de façon qu’ils distinguent mieux
les caractéristiques des enfants dont ils ont la charge et adaptent leurs interventions
en conséquence.
Le transfert des connaissances
Dans toutes les régions canadiennes où l’initiative CPE est développée, l’admi-
nistration des projets est assumée par un organisme reconnu dans la communauté
locale pour son engagement dans la promotion du bien-être des enfants et des
familles. Le promoteur du projet à Montréal est le Centre 1, 2, 3 GO! et son directeur
préside un comité de coordination formé de représentants des partenaires institu-
tionnels de la région. Ces personnes sont informées des résultats de l’étude et elles
participent à l’organisation des activités de transfert des connaissances.
En vue d’assurer la diffusion des résultats de la recherche et de soutenir les
agents communautaires dans la révision des plans d’action en petite enfance, la
principale stratégie adoptée fut celle d’instaurer des collaborations avec des groupes
de concertation des services à la petite enfance et à la famille dans les cinq CLSC
associés à l’étude. Ces instances locales regroupent des représentants des services de
santé, des services sociaux, des services scolaires, des services de garde et des orga-
nismes communautaires. De cette manière, nous pouvons joindre simultanément
plusieurs types d’intervenants œuvrant sur le territoire.
À l’occasion de ces rencontres d’information et d’échanges, les gens sont invités
à former des groupes de réflexion sur la préparation scolaire des enfants dans leurs
quartiers. À chaque phase de l’étude, les résultats des dernières évaluations sont dis-
cutés avec les partenaires, ce qui maintient leur intérêt et leur collaboration. Paral-
lèlement, les faits saillants de l’étude sont présentés lors de colloques professionnels
et communautaires. Enfin, des rapports sont publiés à l’intention des partenaires de
l’initiative (KSI Research International Inc, 2003; Lapointe et al., 2003; Lapointe et
Robitaille, 2002).
D’emblée, l’étude CPE suscite l’intérêt des intervenants puisqu’elle rend dis-
ponibles, dans leur quartier respectif, plusieurs renseignements inédits sur l’état du
développement des enfants. Cependant, l’interprétation des données sur la maturité
scolaire renvoie à plusieurs modèles théoriques sur les déterminants du développe-
ment de l’enfant. L’étude CPE mesure les variations entre les caractéristiques de l’en-
fant et celles de son environnement familial et social, mais n’établit pas de relation
de cause à effet entre les phénomènes observés. En fait, nous n’avons pas de données
longitudinales qui permettraient de mesurer l’effet des expériences de vie à la petite
enfance sur la préparation scolaire. De plus, il n’y a pas d’évaluation sur l’efficacité
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La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance
des programmes en petite enfance dans les quartiers visés. En conséquence, lors de
l’appropriation des données de l’étude, les intervenants manquent encore d’infor-
mation pour définir des priorités communes et revoir leurs plans d’action locaux. À
Montréal, cette réflexion apparaît plus ardue encore puisque les intervenants agis-
sent dans des quartiers comptant un grand nombre d’enfants à risque d’échec sco-
laire. Aussi, la plupart des administrations publiques, compte tenu des budgets
disponibles, peuvent difficilement offrir davantage de services à leur communauté.
Conclusion
L’initiative Comprendre la petite enfance se poursuivra au cours des prochaines
années. Lors du discours du trône en février 2004, le gouvernement fédéral affirmait
sa volonté de créer 100 nouveaux sites du genre à travers le Canada.
Sur le territoire montréalais ciblé, le degré de préparation des jeunes à leur
entrée à l’école varie selon les caractéristiques personnelles des enfants, mais aussi
selon les conditions socioéconomiques de leur famille et de leur communauté. Les
résultats montrent que dans un même quartier, les enfants éprouvent souvent des
difficultés similaires, qui doivent être prises en compte dans l’élaboration et la révi-
sion des programmes locaux d’intervention précoce.
Comment la communauté peut-elle mobiliser davantage ses ressources pour
aider les enfants à mieux se préparer à réussir à l’école? En comparaison avec les
autres provinces canadiennes, le Québec est à l’avant-garde dans le domaine des
services à l’enfance et à la famille. En effet, plusieurs politiques québécoises visent à
assurer une meilleure préparation scolaire des enfants. Il apparaît donc prioritaire
d’évaluer comment les programmes d’intervention issus de ces politiques contri-
buent effectivement au développement des enfants. Rappelons que les résultats de
notre étude révèlent que les programmes de prématernelle en milieu scolaire ne per-
mettent pas, à eux seuls, de réduire les écarts entre les populations d’enfants plus
défavorisés et moins défavorisés.
L’initiative CPE montre l’importance de disposer d’indicateurs sur l’évolution
des caractéristiques des enfants, des familles et des communautés. En ce sens,
l’analyse longitudinale des trajectoires scolaires des enfants de la maternelle devrait
nous aider à mieux comprendre comment certains d’entre eux parviennent à se déve-
lopper pleinement, malgré qu’ils aient vécu dans un environnement moins favorable
à leur épanouissement.
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La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance
Sur le territoire montréalais ciblé, le
degré de préparationdes jeunes à leur entréeà l’école varie selon lescaractéristiques person-
nelles des enfants, mais aussi selon les
conditions socio-économiques de leur
famille et de leur communauté.
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Agir ensemble pour améliorerles pratiques d’interventionprécoce à la maternelle enmilieu urbain défavorisé
Denise DOYONUniversité du Québec à Chicoutimi, Saguenay, Québec, Canada
Monique L’HOSTIEUniversité du Québec à Chicoutimi, Saguenay, Québec, Canada
RÉSUMÉ
Dans le contexte de l’ouverture de deux classes maternelles quatre ans en milieu
urbain défavorisé visant à offrir un programme d’intervention précoce à des enfants
qui n’en bénéficieraient pas autrement, les personnes responsables d’une commis-
sion scolaire de la région du Saguenay-Lac-St-Jean (Québec) décident de tout mettre
en œuvre pour la réussite de ces enfants. Elles invitent alors des chercheures de l’uni-
versité régionale à travailler avec elles afin d’initier un projet de recherche sur le
sujet. La démarche entreprise s’inspire d’un modèle écologique dans lequel chacun
des acteurs impliqués est pris en compte de même que l’interaction entre les diffé-
rents paliers d’intervention des acteurs. Ainsi, afin de créer autour de l’élève une véri-
table communauté de soutien, les intervenants scolaires et sociaux sont appelés à
collaborer étroitement pour améliorer leurs pratiques en regard des relations école-
famille dans le milieu socio-économique concerné. Une communauté de recherche
est créée pour travailler à l’analyse des pratiques en cette matière par la discussion,
les échanges et la réflexion, mais aussi à la lumière de la littérature scientifique. Le
texte fait état des premières données de cette recherche-action dont le but est de
développer chez les différents intervenants impliqués des stratégies de communica-
tion et des relations école-famille plus favorables à la réussite des enfants.
ABSTRACT
Working Together to Improve Early Intervention in Kindergartens inSocially Disadvantaged Urban AreasDenise Doyon and Monique L’Hostie
Université du Québec à Chicoutimi, Québec, Canada
When two new junior kindergartens opened in a socially disadvantaged area, a
Saguenay-Lac-St-Jean school board (Québec) decided to do everything they could to
promote the success of these children by offering early intervention to children who
would not otherwise have access to it. They invited researchers from the area uni-
versity to work with them in order to initiate a research project on the subject. The
initiative was inspired by an ecological approach in which everyone working with the
children is taken into account, along with interactions between their interventions.
In order to create a real support community around the student, the educational and
social stakeholders were asked to collaborate closely to improve their school-family
practices in this socio-economic milieu. A research community was created to work
on analyzing the practices in this matter through discussion, exchanges and reflec-
tion, but also in light of scientific literature. The article reports on the initial data of
this research-action, the goal of which is to develop communication and relationship
strategies favourable to approval among the educational and social stakeholders.
RESUMEN
Actuar en conjunto para mejorar las prácticas de intervención precoz alnivel preescolar en medio urbano desfavorecidoDenise Doyon y Monique L’Hostie
Université de Quebec en Chicoutimi, Québec, Canadá
En un contexto de apertura de dos clases de preescolar par niños de cuatro años
en un medio urbano desfavorecido que buscaba ofrecer un programa de interven-
ción precoz para niños que de otra manera no podrían beneficiarse, las personas
responsables de una comisión escolar de la región de Saguenay-Lac-St-Jean
(Quebec), decidieron emplear todo lo necesario y favorecer el éxito de esos niños.
Esas personas invitaron a los investigadores de la universidad regional para trabajar
con ellas a fin de iniciar un proyecto de investigación sobre ese tema. El enfoque se
inspiró en un modelo ecológico en el cual se toma en cuenta cada actor implicado así
como las interacciones entre los diferentes niveles de intervención de los actores. Así,
126volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé
con el fin de crear alrededor del alumno una verdadera comunidad que lo sostenga,
se incita a los agentes sociales y escolares a colaborar estrechamente con el fin de
mejorar sus prácticas en lo que se refiere a las relaciones escuela-familia en el medio
socioeconómico concernido. Se creó una comunidad de investigadores para trabajar
el análisis de las prácticas en dicha materia a través de la discusión, los intercambios
y la reflexión, así como a la luz de la literatura científica. Este texto presenta los
primeros datos de esta investigación-acción cuya finalidad es desarrollar estrategias
de comunicación y de relación favorables a la apropiación entre los agentes escolares
y sociales.
Introduction
Ce texte porte sur l’élaboration d’un projet de recherche qui origine de la mise
en place par une commission scolaire de maternelles quatre ans en milieu urbain
défavorisé et qui, en s’associant avec des chercheurs universitaires en éducation,
crée une synergie autour de ces maternelles. Prenant appui sur les résultats des
recherches sur l’intervention précoce, les personnes se concertent dans le cadre
d’une recherche-action pour que les enfants qui bénéficient de ce service en retirent
le meilleur avantage. Dans les lignes qui suivent, on peut lire une description du con-
texte d’émergence du projet, des éléments qui ont permis de déterminer l’objet de la
recherche et de faire des choix méthodologiques. Des analyses préliminaires de nos
données serviront à présenter un exemple de construction progressive d’un problème
de pratiques liées aux relations famille-école et des voies d’action pour le résoudre.
Contexte d’émergence du projet
Les classes maternelles au Québec ont été mises en place dans les années soixante
à la suite du Rapport Parent. Ce service est alors offert aux enfants de cinq ans à rai-
son d’une demi-journée, cinq fois par semaine. Dans les années soixante-dix, dans la
foulée des programmes d’intervention précoce mis de l’avant par les Américains, le
ministère de l’Éducation du Québec décide d’agir pour tâcher, à son tour, de prévenir
l’échec scolaire. Il instaure alors différents programmes d’intervention précoce à
l’intention des enfants de quatre ans de milieux à risque, comme les maternelles-
maison, les maternelles-animation, le programme Passe-Partout et les maternelles à
demi-temps. En 1997, à la suite des États généraux sur l’éducation, les maternelles
pour enfants de cinq ans passent du demi-temps au temps plein; pour les enfants de
quatre ans, on maintient les maternelles déjà en place dans les commissions sco-
laires, mais peu à peu, les Centres de la petite enfance devraient offrir des services
pour les enfants de cet âge (MEQ, 1997 a).
127volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé
Cette nouvelle organisation des services ne parvient pas complètement à ré-
pondre à tous les besoins. En effet, dans des écoles situées dans des secteurs défa-
vorisés au plan socio-économique et culturel, les enseignantes du préscolaire de
même que les directions d’écoles constatent qu’une partie relativement importante
des enfants se présente à la maternelle cinq ans en accusant certains retards de
développement, des retards susceptibles d’entraver leur réussite scolaire. Le Rapport
du groupe de travail pour les jeunes (MSSS, 1991) fait état des liens établis entre la
pauvreté et les difficultés scolaires des enfants au primaire et au secondaire où deux
fois plus d’enfants de ces milieux décrochent. Selon ce même rapport, ces difficultés
scolaires sont souvent accompagnées de graves problèmes de comportement. Les
connaissances actuelles sur le phénomène de l’échec scolaire ont mis en valeur les
liens entre le milieu socioculturel et le milieu familial de l’enfant, mais aussi sur le
rôle que peut jouer le milieu scolaire (St-Laurent, 2000).
Pour répondre à ces besoins, lors de la préparation de son plan consolidé, une
commission scolaire de la région du Saguenay-Lac-St-Jean décide d’ouvrir deux
maternelles quatre ans pour les enfants de ces milieux urbains défavorisés. Il con-
vient de mentionner que la Commission scolaire possède déjà l’expérience des
maternelles quatre ans en milieu rural.
Au début du projet, les directions d’école et les enseignantes du niveau présco-
laire décrivent leurs milieux de travail respectifs de la manière suivante1 : il s’agit
d’écoles situées dans deux quartiers voisins mais distincts, dont l’indice de défavorisa-
tion est très élevé et où les enfants ne fréquentent pas les Centres de la petite enfance,
ni d’autres services préscolaires, et ce, pour des raisons différentes. Pour l’un, quand
les parents ont besoin de faire garder leurs enfants, ils font appel aux autres membres
de leur famille, car ceux-ci vivent à proximité. Les intervenants scolaires comparent
la vie des gens de ce milieu urbain à celle d’un milieu rural : les familles sont établies
dans ce quartier depuis longtemps, les gens se connaissent, vivent entre eux et se
soutiennent. Ce « soutien social extrafamilial » constitue un facteur de protection
pour les enfants (Trudel, Puentes-Neuman et Ntebutse, 2002 :158). De plus, toujours
selon le témoignage des mêmes personnes, les parents remettent à l’école la respon-
sabilité du développement des habiletés et des connaissances chez leurs enfants, se
préoccupant par ailleurs de leur prodiguer les soins de base et de les protéger. Au dire
de la direction et des enseignants, les parents acceptent de confier à l’école leurs
jeunes enfants parce qu’ils connaissent les enseignantes et la direction et ont confiance
en elles. Toutefois, lors de l’entrée scolaire, le moment où les enfants entrent à l’école
en laissant les parents à l’extérieur est accompagné de larmes. Dans l’autre milieu,
comme en témoignent la direction de l’école et l’intervenante sociale responsable du
Centre de soir/enfants, les caractéristiques d’un milieu urbain défavorisé sont encore
plus présentes : les parents déménagent souvent, les familles se font et se défont, la
consommation d’alcool et de drogues de même que la prostitution sont présentes et
entraînent la violence et la négligence qui leur sont reliées. Plusieurs facteurs néga-
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Dans des écolessituées dans des
secteurs défavorisés auplan socio-économique
et culturel, les ensei-gnantes du préscolaire
de même que les direc-tions d’écoles constatent
qu’une partie relative-ment importante desenfants se présente à la maternelle cinq ans
en accusant certainsretards de dévelop-pement, des retards
susceptibles d’entraverleur réussite scolaire.
1. Les descriptions sont issues des traces colligées au cours des rencontres comme les comptes rendus des réunions, le journal de recherche des chercheures. En ce sens, ces traces constituent des données descriptives.
Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé
tifs sont donc réunis, des facteurs susceptibles de causer des retards de développe-
ment et d’adaptation (Provost et Royer, 2004; Janosz, Fallu et Deniger, 2000). Ces facteurs
de risque peuvent aussi agir l’un sur l’autre ou se cumuler et affecter le comporte-
ment des enfants (Trudel, Puentes-Neuman et Ntebutse, 2002).
Toujours au début du projet, les enseignantes des deux écoles mentionnent
régulièrement qu’elles observent les conséquences de pratiques parentales peu
appropriées sur le développement des enfants et sur leur comportement. Elles
relèvent par exemple, des retards de langage, certains enfants même ne parlant pas;
elles notent qu’ils n’ont pas eu de contact avec des livres avant de venir à la mater-
nelle, que quelques-uns ne savent pas comment s’y prendre pour monter un escalier,
quoi faire avec le matériel de jeu et comment se comporter avec les autres enfants.
Considérant que dans ces quartiers de la ville, il n’y a pas d’autres services
offerts aux jeunes enfants, la commission scolaire demande au ministère de l’Éduca-
tion du Québec le financement nécessaire pour l’ouverture et le maintien de ces deux
maternelles quatre ans. Elle s’engage en même temps à lier la mise sur pied de ces
deux maternelles au développement de la recherche. Pour faire de cet engagement
une réalité, la personne coordonnatrice des Services éducatifs de ladite commission
scolaire établit des contacts avec une spécialiste de l’éducation préscolaire de l’uni-
versité régionale qui, de son côté, invite une spécialiste des questions d’organisation
en éducation à joindre l’équipe. Ensemble, nous préparons un projet de recherche.
Il convient de souligner aussi que les enfants et le personnel de chaque école
bénéficient du soutien d’une intervenante sociale. L’une d’elle est rattachée au CLSC
(Centre Local des Services Communautaires) de la municipalité. Son mandat est de
travailler avec les enseignants, les parents et les enfants pour informer, sensibiliser,
prévenir les problèmes et appuyer les actions entreprises en ce sens. Ses interven-
tions se font en groupe. L’autre intervenante sociale est responsable d’un Centre de
soir/enfants rattaché à l’une des écoles. L’objectif de ce Centre est de créer autour des
enfants du milieu un réseau de soutien nécessaire à leur bien-être et à leur réussite
scolaire.
Définir un objet de recherche
Lors des premières rencontres, l’équipe est composée de la personne qui agit
comme coordonnatrice des services éducatifs de ladite commission scolaire, de celle
qui agit comme conseillère pédagogique en ce qui concerne l’éducation préscolaire,
des deux directions d’écoles concernées et des deux chercheures. D’autres personnes,
disposées à s’impliquer dans une telle démarche, se joignent ensuite à l’équipe. Ce
sont les enseignantes des classes maternelles quatre et cinq ans des deux écoles, et
les deux intervenantes sociales dont il a été fait mention précédemment.
Quelques rencontres permettent d’établir l’objet de la recherche. Des éléments
théoriques et certaines données de recherche orientent nos discussions et nos ré-
flexions, particulièrement les connaissances relatives aux programmes d’intervention
précoce et aux relations parents-école. Nous avons aussi pris en compte la situation
129volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé
scolaire et sociale dans laquelle émergeait le projet. Voici donc en quelques lignes, la
trame de ces idées.
Les programmes d’intervention précoceLes programmes d’intervention précoce américains les plus connus sont le pro-
gramme Head Start, le programme Perry et le projet Abecedarian, et, si le premier des
trois n’a pas fait l’objet de mesures d’évaluation rigoureuses, c’est le cas des deux
autres peut-on lire dans un article synthèse sur le sujet (St-Laurent, 2000). Les
conclusions des études longitudinales faites par Schweinhart et Weikart (1993) sur les
enfants qui ont bénéficié du programme Perry ont permis de dire que ceux-ci, quand
on les compare aux enfants provenant de milieux similaires mais qui n’ont pas béné-
ficié de ces mesures, ont mieux réussi dans la vie dans le sens où ils occupent de
meilleurs emplois et ont moins de problème de délinquance (St-Laurent, 2000;
Hamel, 1995).
Le ministère de l’Éducation du Québec (1992) a publié une étude évaluant les
résultats des mesures qu’il avait mises en place dans les années soixante-dix. Cette
étude met en valeur la supériorité du programme Passe-Partout par rapport aux
autres programmes, et surtout par rapport aux classes maternelles. Même si la
méthodologie utilisée dans cette étude a été remise en question (Capuano, Bigras,
Gauthier, Normandeau, Letarte et Parent, 2001; Hamel, 1995; Terrisse et Boutin,
1994), les résultats sont souvent repris. À notre connaissance, c’est la seule étude
visant à connaître l’effet des mesures compensatoires mises de l’avant par le minis-
tère de l’Éducation. Les résultats donnent à penser que ce qui a fait la différence, c’est
entre autres choses la participation des parents, car la maternelle-classe est le seul pro-
gramme qui n’ait pas produit de changement notable chez les enfants et le seul
programme dans lequel il n’y a pas de mesures particulières visant la participation
des parents.
Parallèlement aux programmes déjà mentionnés qui avaient été instaurés par le
ministère de l’Éducation, des chercheurs universitaires québécois ont réalisé des
travaux dans ce domaine. On peut consulter le travail de synthèse de Hamel (1995) à
ce sujet. La participation des parents est un élément pris en compte, par exemple
dans le programme ApprentiSage (Piché, Roy et Couture, 1994) et, selon Terrisse et
Boutin (1994), elle rendrait les résultats plus durables. Plus récemment, l’initiative
1,2,3,Go! (Bouchard, 2000) s’inscrit d’emblée dans un modèle écologique et le sou-
tien aux parents est un des objectifs visés. La participation des parents apparaît
comme un des éléments clés de l’efficacité des programmes d’intervention précoce,
comme le mentionne St-Laurent (2000, citant le travail de Reynolds, 1998) dans ses
conclusions et recommandations.
Les liens avec les parentsLa participation des parents à l’éducation préscolaire fait en quelque sorte par-
tie de la culture québécoise. Ainsi, en 1982, le ministère de l’Éducation publiait un
guide pédagogique sur la participation des parents à la maternelle (MEQ, 1982). En
1997 encore, un document expliquant le programme aux parents accompagnait le
130volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé
La participation desparents apparaît comme
un des éléments clés de l’efficacité des
programmes d’intervention précoce
texte du programme (MEQ, 1997 b). Les responsables de l’éducation préscolaire ont
toujours considéré qu’il fallait d’une part, que les parents soient bien informés des
objectifs de la maternelle et d’autre part, qu’on devait faciliter leur participation à
différentes activités de la classe. Les parents démontrent ainsi leur intérêt à ce que
l’enfant fait à l’école et comprennent mieux les objectifs de la maternelle. Ce sujet est
aujourd’hui assez bien documenté et on s’entend pour y consacrer temps et énergie,
surtout en vue de développer une relation de partenariat (Miron, 2004) plutôt que de
se limiter à une transmission de l’information.
Prenant appui sur le modèle écologique développé par Bronfenbrenner (1979),
Jacques et Baillargeon (1997; Baillargeon et Jacques 1994) soulèvent les facteurs de
risque pour les enfants associés au manque de soutien des adultes dans les moments
de transition de vie et qui les empêcheraient de donner un sens à cette nouvelle
expérience qu’est l’école. Ces facteurs de risque sont reliés au mésosystème ou sys-
tème concernant les relations famille, services de garde et école. Une attitude néga-
tive de la part des adultes rend plus difficile l’adaptation de l’enfant à son nouveau
milieu de vie.
Cette question de la participation des parents est actuellement beaucoup dis-
cutée dans le milieu scolaire et différents modèles complémentaires sont mis de
l’avant (Deslandes, 1999). À ce concept de participation, souvent limité à des acti-
vités parascolaires et à une transmission d’informations des enseignants aux parents,
on associe maintenant celui d’appropriation. Ce terme est une traduction du mot
anglais « empowerment » et signifie la volonté de donner plus de pouvoir et de con-
trôle aux parents (Bouchard, 2000). Le parent est alors davantage considéré comme
une personne avec qui la responsabilité de l’éducation de l’enfant est assumée.
Savoirs partagés, compétences partagées et reconnaissance réciproque des compé-
tences de chacun sont les conditions de ce mode de relation.
La compréhension du rôle parental est un élément important qui explique l’agir
du parent envers son enfant et, par conséquent, son attente par rapport à l’école tout
comme le type de participation auquel on peut s’attendre de sa part (Deslandes,
1999). Le sentiment de compétence parentale détermine la décision des parents de
participer ou de ne pas participer. Ce sentiment se développerait quand le type de
rencontres ou de relations suscité par les enseignants facilite une mise en commun
des ressources et des compétences de chacun. Voilà pourquoi on recommande de
favoriser les relations de partenariat entre l’école et la famille. En outre, ce type de
relations parents-école a pour conséquence d’offrir à l’enfant une expérience plus
positive de l’école (Miron, 2004). Grâce au partenariat, les parents ont la possibilité
de mieux comprendre ce qui se passe à l’école et de mieux soutenir leur enfant dans
son cheminement scolaire. Ils contribuent ainsi à la création d’une communauté de
soutien autour de l’enfant (Deslandes et Lafortune, 2000).
Avec l’intention de faciliter chez ces enfants de milieux défavorisés le dévelop-
pement des différentes compétences prescrites dans le programme (MEQ, 2001) et,
s’inspirant du modèle écologique de même que des conclusions des programmes
d’intervention précoce mettant de l’avant l’importance des relations parents-école,
les membres de l’équipe ont décidé de coordonner leurs efforts pour mieux travailler
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Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé
Grâce au partenariat,les parents ont la
possibilité de mieuxcomprendre ce qui sepasse à l’école et demieux soutenir leur
enfant dans son cheminement scolaire.
ensemble. Cette orientation implique une meilleure concertation à l’école des dif-
férentes catégories d’intervenants comme les enseignants, la direction et les travail-
leuses sociales qui agissent auprès des enfants et de leurs parents. La formulation du
but de la recherche et de ses objectifs découle de ces intentions.
Objectifs de la recherche
Le but de la recherche est d’amener les directions, les enseignantes et les travail-
leuses sociales concernées à utiliser à l’endroit des parents, des stratégies de commu-
nication et de relation favorisant l’appropriation. Les objectifs qui s’ensuivent sont :
1) accroître les connaissances et les compétences des intervenants impliqués en
matière de relations école-famille; 2) améliorer les pratiques en matière des relations
école-famille; 3) analyser en groupe les pratiques individuelles et collectives relatives
aux relations avec les parents; 4) renforcer la concertation et la collaboration entre les
intervenants pour qu’ils soient plus efficaces ensemble dans l’action sur le terrain
auprès des parents.
Méthodologie
En raison du contexte de la recherche et des objectifs visés, l’idée d’inscrire le
projet dans une démarche de recherche-action s’est imposée d’emblée à l’équipe.
Différents auteurs (Savoie-Zajc, 2001; Dolbec et Clément, 2000; Dolbec, 1997) ont
effectué des recensions des écrits sur la recherche-action afin de retracer son évolu-
tion en même temps que les différentes façons de la concevoir. Nous avons retenu la
description suivante qui met bien en valeur les deux composantes de recherche et
d’action :
« La recherche-action s’apparente à un processus rigoureux de résolution de
problèmes qui permet de réduire les écarts entre ce qui est observé et ce qui serait
souhaitable. Elle ajoute à ce processus l’application de stratégies de recherche dans
le but de contribuer au développement des connaissances et au savoir dans le champ
de l’éducation ainsi que d’accentuer la prise de conscience des praticiens par rapport
à leurs interventions dans leur milieu particulier » (Dolbec et Clément, 2000 : 205).
Repenser son agir professionnel en regard des relations école-famille et discuter
en groupe de cet agir afin d’assurer la cohérence dans les interventions de chacun, le
cheminement encadré par des stratégies de recherche, correspond à une démarche
de recherche-action. À l’intérieur des différents paradigmes de la recherche-action,
la présente recherche se situe dans le paradigme interprétatif (Dolbec, 1997) puisque
que la manière d’appréhender la situation est d’analyser les réalités décrites par les
participants qui sont dans l’action et leurs interprétations de cette réalité. Dans le
paradigme interprétatif, on s’intéresse à « la cohésion des acteurs du système »
(Dolbec, 1997 : 479).
132volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé
Dans ce type de recherche, tous les intervenants concernés par le projet sont
impliqués : ils décident des réflexions et des discussions à mener, des actions à entre-
prendre, et finalement des évaluations à en faire. La recherche se situe dans un mo-
dèle socio-constructiviste : les acteurs sont au centre de la démarche; ce sont leurs
idées, leurs préoccupations, leurs propositions qui sont discutées et regardées sous
différents angles; on parvient à des consensus que l’on met en action et les résultats
sont de nouveau remis en perspective. La démarche est donc sociale et se fait en spi-
rale, les étapes s’enrichissant les unes des autres. L’équipe évolue à travers l’itinéraire
de ces différents temps de la recherche (Savoie-Zacj, 2001).
Ainsi donc, l’objet de la recherche concerne les pratiques professionnelles indi-
viduelles et collectives des acteurs du terrain. Pour travailler sur un tel objet, l’analyse
collective des pratiques qui favorise le codéveloppement professionnel (Payette et
Champagne, 1997) est apparue comme le dispositif à privilégier puisqu’il est au cœur
de la recherche-action.
Nous avons donc créé un groupe d’analyse des pratiques (GAP) fonctionnant
sur deux plans. Au premier plan se retrouvent deux sous-groupes, l’un en interven-
tion scolaire et l’autre en intervention sociale. Le sous-groupe en intervention sco-
laire est composé des enseignantes des maternelles quatre ans et cinq ans, d’une
direction d’école, du conseiller pédagogique et d’une chercheure; le sous-groupe en
intervention sociale réunit pour sa part les deux intervenantes sociales, une des
directions d’école, la personne coordonnatrice des services éducatifs et une cher-
cheure. Au deuxième plan, il y a l’ensemble des membres de l’équipe, ou si l’on veut,
les deux sous-groupes. Ceux-ci se réunissent pour planifier, pour échanger sur les
résultats de leurs discussions respectives, pour partager leurs préoccupations, leurs
intentions, pour élaborer des projets et les évaluer.
Le GAP fonctionne dans une perspective réflexive qui invite les acteurs du ter-
rain à prendre, de manière systématique, leur propre pratique professionnelle
comme un objet à connaître et à transformer au besoin. La pratique réflexive est un
moyen particulièrement approprié pour poursuivre le développement de ses con-
naissances et de ses compétences, étant donné que la base de l’apprentissage, pour
un praticien, c’est d’abord l’action et la réflexion dans l’action suivies d’un question-
nement sur cette action dans un effort d’objectivation et de compréhension
(Perrenoud, 2001; Bourassa, Serre et Ross, 1999; Schön, 1996, 1994). Pour cela, le
groupe travaille à partir de situations concrètes d’intervention vécues sur le terrain,
les analyse dans le but de cerner les aspects de l’action qui semblent poser problème
puis, recherche des pistes de solution en vue d’améliorer l’efficacité des interven-
tions auprès des élèves, en classe et dans l’école, et auprès des parents (St-Arnaud,
1992). Le matériel de base pour ce travail, ce sont des pratiques décrites et racontées
par les acteurs du terrain et appartenant à une même famille de situations, par exem-
ple, des situations de communication avec les familles. Le travail en groupe se struc-
ture autour de ce matériel de base et vise à problématiser les pratiques, c’est-à-dire à
poser et à construire progressivement les problèmes de la pratique plutôt que de
chercher tout de suite des voies de solution à un problème, comme si le problème
était évident.
133volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé
La pratique réflexiveest un moyen parti-
culièrement appropriépour poursuivre le
développement de sesconnaissances et de ses
compétences
Comme l’analyse réflexive se fait en groupe dans le cadre du GAP, le travail se
réalise dans une optique de codéveloppement professionnel laquelle repose sur une
idée simple mais centrale à savoir qu’un praticien peut apprendre sur sa propre pra-
tique en écoutant et en aidant d’autres praticiens à cheminer dans la compréhension
et l’amélioration de la leur (Payette et Champagne, 1997). Les discussions entre pairs
et les échanges structurés suscitent une dynamique d’interaction qui est une puis-
sante source de motivation et un moteur de développement professionnel pour ceux
qui y participent, étant donné que chacun profite dans ce cas non seulement du sup-
port moral des pairs mais, surtout, des clés d’interprétation fournies par le savoir
d’action et d’expérience des autres participants (L’Hostie, 2003).
De plus, une stratégie de changement assisté oriente le travail réalisé en GAP et
vise à dépasser les limites inhérentes aux savoirs d’action et d’expérience en intro-
duisant dans la dynamique du changement, le savoir et le savoir faire spécialisés des
chercheurs dans un effort pour concilier raison scientifique et raison pratique
(L’Hostie et Doyon, 2004; Perrenoud, 2001; St-Arnaud, 1999). Il revient en effet aux
chercheurs de soumettre à l’attention et à la critique des praticiens des connais-
sances scientifiques et des résultats de recherche pertinents aux problèmes analysés,
de leur fournir des clés d’interprétation puisées dans les corpus théoriques de
domaines tels que la psychopédagogie et la sociologie, afin que les acteurs de terrain
puissent considérer ces apports dans la construction progressive des problèmes
analysés et dans l’élaboration de leurs propres solutions à ces problèmes. Les cher-
cheurs doivent en somme accompagner les praticiens dans une optique qui rejoint
celle de Le Boterf (1990) lorsqu’il propose de concevoir l’accompagnement comme
une fonction pédagogique visant essentiellement à aider les personnes accompa-
gnées à nommer ce qu’elles font, à identifier les problèmes qu’elles rencontrent dans
leurs pratiques, à les mettre en relation avec des ressources et des connaissances per-
tinentes aux problèmes rencontrés et, finalement, à les aider à faire le point sur leur
démarche et leur progression afin d’assurer le bon déroulement du processus de
changement enclenché dans le cadre de la recherche-action.
Les rencontres en groupe d’analyse des pratiquesCe texte rend compte du déroulement de la recherche sur une durée de dix mois
de travail en groupe d’analyse des pratiques. Avant d’entreprendre une telle dé-
marche, quelques rencontres avaient permis aux initiateurs du projet provenant de
la commission scolaire et aux chercheures de s’informer mutuellement de l’état de la
situation et de préciser l’objet de la recherche. La démarche d’analyse collective des
pratiques s’est déroulée sur une année scolaire, soit de septembre à juin. Pendant ce
temps, quatorze rencontres ont été tenues, cinq du sous-groupe d’intervention
sociale, quatre du sous-groupe d’intervention scolaire et cinq, de l’équipe complète.
Le contenu des rencontres du sous-groupe d’intervention scolaire porte sur les
caractéristiques des enfants et des parents de ces milieux dits « à risque »; il est aussi
question de l’entrée des enfants à l’école, des activités d’accueil offertes par l’école,
des rencontres avec les parents, des services offerts, etc. Les membres du sous-
groupe d’intervention sociale s’intéressent plus précisément aux modalités des rela-
134volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé
tions avec les parents et aux activités du Centre de soir/enfants. Les moments où se
trouvent réunis les deux sous-groupes servent à planifier les actions et à dresser des
bilans pour mieux relancer celles-ci. Ils sont aussi un espace de réflexion et de dis-
cussion à partir de textes et de synthèses apportés par les chercheures ou encore, de
rencontres avec des invités présentant des expériences concrètes relatives aux rela-
tions école-famille.
Toutes les discussions lors des rencontres sont enregistrées sur bandes audio.
Aussi, une assistante de recherche prend des notes et prépare un compte rendu
qu’elle complète à l’aide de l’enregistrement audio. Les chercheures, pour leur part,
tiennent un journal de recherche. Une analyse de contenu de ce matériel, en cours
de processus, nous offre des données préliminaires. Une triangulation de ces don-
nées permet de dégager quelques lignes directrices quant à l’orientation des résultats
de la recherche-action au cours de cette première année.
Une deuxième année de travail en groupe d’analyse des pratiques est prévue
afin de poursuivre le cheminement en cours. Pour alimenter les réflexions et les dis-
cussions au sujet des rapports école-famille, les chercheures ont prévu présenter un
état de la question en regard des développements théoriques et empiriques sur ce
sujet et en faire un objet de réflexion collective avec les membres de l’équipe de
recherche.
Pour recueillir les données, d’une part, les chercheures vont continuer à tenir
leur journal de recherche et d’autre part, les rencontres seront toujours enregistrées
afin d’en tirer des comptes rendus. Une analyse de contenu des rencontres du groupe
d’analyse des pratiques sera réalisée et permettra une analyse plus fine du contenu
et de la dynamique des échanges. Nous pourrons ainsi dégager les éléments mar-
quants des discussions au cours des rencontres et décrire la manière dont s’est cons-
truite, à travers les interactions, une nouvelle façon d’aborder les relations école-
famille.
De plus, au terme de cette deuxième année de travail en groupe d’analyse des
pratiques, il est d’ores et déjà prévu qu’un ensemble de moyens seront utilisés pour
connaître, du point de vue des acteurs, les effets obtenus par la démarche. À cette fin,
il y aura des entrevues semi-dirigées avec chacun des participants à l’aide d’un ques-
tionnaire préétabli; des entretiens ciblés en groupe avec les intervenants tant sco-
laires que sociaux de chaque école seront réalisés; enfin, un bilan sera dressé avec
tous les participants au projet. Les entrevues, comme les entretiens ciblés et le bilan
seront retranscrits pour permettre de procéder à des analyses de contenu d’abord, et
à une triangulation des données par la suite. Ces analyses nous permettront de
mieux cerner les changements dans les perceptions des intervenants, de même que
les nouvelles pratiques en regard des relations école-famille.
135volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé
Construction progressive de problèmes de la pratique enmatière de relation famille-école et de voies d’action pourles résoudre : des résultats préliminaires
Une analyse de contenu des comptes rendus des rencontres tenues au cours de
cette première année du projet ainsi que des journaux de recherche tenus par les
deux chercheures nous permettent de dégager certains résultats préliminaires. Bien
que partielles, les données accumulées jusqu’ici indiquent déjà un mouvement dans
les conceptions et les pratiques entre le début et la fin de l’année scolaire, tant du
côté des acteurs scolaires que de celui des intervenantes sociales en regard des rela-
tions école-famille.
Au cours des premières rencontres, les conceptions des acteurs scolaires sont à
l’effet que l’école doit favoriser la réussite scolaire des enfants, ce pourquoi d’ailleurs
ils ont mis sur pied les maternelles pour enfants de quatre ans. Les acteurs scolaires
considèrent que les parents doivent soutenir leurs enfants dans ce cheminement
scolaire, mais ils estiment que les parents de ces milieux défavorisés ne rencontrent
pas bien leurs attentes, car les enfants se présentent à l’école avec des retards de
développement. Du point de vue des acteurs scolaires, il revient alors à l’école de for-
mer les parents pour qu’ils agissent mieux avec leurs enfants afin de répondre aux
attentes de l’école.
Les pratiques de ces acteurs scolaires en regard des parents sont conséquentes
avec leurs conceptions. On tient les réunions statutaires avec les parents et on les
convie quand il y a des problèmes, par exemple, au moment des études de cas. Les
directions qui sont au premier plan dans l’établissement des relations avec les pa-
rents, témoignent de leur préoccupation pour trouver des moyens appropriés afin
d’entrer en communication avec ceux-ci. Elles choisissent les formules, le vocabu-
laire, le ton, le mode de présentation en vue de prévenir l’inquiétude, le stress chez
les parents. Les directions collaborent aussi avec les acteurs sociaux du Centre de soir
pour enfants ou du Centre local des services communautaires. Cette collaboration,
de même que la portée de leur tâche auprès des parents a une influence sur leur con-
ception et leur préoccupation à l’égard des relations école-famille.
Pour leur part, les intervenantes sociales qui connaissent bien le milieu socio-
économique et sont au courant des problèmes, considèrent que les parents ont
besoin d’aide pour subvenir aux besoins de base de leurs enfants ainsi que pour
devenir de meilleurs éducateurs. Mais, si les parents ont de grands besoins, ils ont
aussi des capacités. Elles croient que l’école pourrait agir auprès d’eux en prenant en
compte leurs capacités et en leur faisant vivre des expériences positives en regard de
l’école.
Quant aux pratiques des intervenantes sociales, on constate qu’elles ont des
stratégies pour entrer dans les maisons, savent créer des liens avec les parents et leur
montrer comment intervenir de manière plus appropriée dans l’éducation de leurs
enfants. À l’école, elles aident à établir des contacts avec les parents. Elles organisent
occasionnellement des cafés rencontres avec eux pour les informer sur différents
sujets relatifs à l’éducation des enfants.
136volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé
C’est le portrait que l’on peut dégager des conceptions et des pratiques des
intervenantes scolaires et des intervenantes sociales à partir des comptes rendus des
premières rencontres de l’équipe de recherche. Dans les rencontres qui suivent, on
note certaines prises de conscience au sujet des relations école-famille en général, et
plus précisément concernant l’entrée à la maternelle au début de l’année scolaire et
des attitudes à adopter en regard des retards de développement des enfants.
Au cours des rencontres, les intervenantes scolaires réalisent qu’elles font venir
les parents à l’école seulement quand il y a des problèmes de comportement, d’ap-
prentissage, ou les deux. On renforce ainsi chez ces parents l’image négative qu’ils
ont déjà de l’école en raison de leur passé scolaire souvent marqué d’expériences
pénibles. Ils peuvent difficilement alors aider leurs enfants à bien vivre cette transi-
tion entre la famille et l’école et faire valoir aux yeux de leurs enfants l’expérience
comme positive. Ainsi qu’en témoignent les enseignantes et les directrices, il n’est
pas étonnant que l’entrée scolaire se fasse sous le regard triste des parents et accom-
pagnée des larmes des enfants. De plus, si on fait venir les parents à l’école pour leur
montrer ce qu’ils doivent faire pour répondre aux attentes des enseignantes, on se
trouve encore à leur signifier leur incompétence à être de bons parents.
Au fil des rencontres, les intervenantes scolaires en viennent à vouloir modifier
leur mode de relation avec les parents et à désirer convier les parents à l’école pour
des activités collectives et conviviales auxquelles ils seraient invités comme parents
tout simplement. On pense à des moyens pour faire en sorte que l’entrée scolaire soit
une expérience positive tant pour les parents que pour les enfants. On réfléchit aussi
sur le rôle de l’enseignant en regard des retards de développement que présentent les
enfants de ces milieux défavorisés.
Au terme de cette première année de travail en groupe d’analyse des pratiques,
force est de constater que l’on assiste à une nouvelle synergie entre intervenantes
scolaires et intervenantes sociales. Par exemple, on a convenu d’inviter les parents à
assister à des activités dans la classe de leurs enfants pour leur permettre de voir
ceux-ci en action dans ce milieu. C’est une des intervenantes sociales qui a fait les
contacts, et la participation des parents a été plus importante que jamais. À la suite
de l’activité, les parents ont pu faire part aux intervenantes sociales de leurs com-
mentaires sur l’activité. Ces dernières ont assuré le suivi auprès des enseignantes et
des directrices pour qu’ensemble, on envisage les points à améliorer. On a surtout
convenu que l’activité serait récurrente. Aussi, on a décidé d’organiser un café ren-
contre en mai afin de recevoir, accompagnés de leurs parents, les enfants de quatre
ans admis à la maternelle pour septembre. Cette fois, les enfants ont eu l’occasion de
vivre des activités de la maternelle et de se faire une idée de ce qui les attend à l’école
à l’entrée scolaire. Pendant ce temps, les parents ont été reçus par les intervenantes
sociales pour discuter de différents sujets relatifs à l’éducation des enfants.
On assiste donc à un changement du mode de relation entre les intervenantes
et à une meilleure collaboration entre elles, ce qui était un des objectifs du projet. On
note également que, grâce à cette collaboration, les activités auxquelles sont conviés
les parents se sont transformées, et que dans ces dernières, une place nouvelle est
accordée aux parents.
137volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé
Conclusion
Ce texte avait pour but de faire état d’une recherche initiée par le personnel
d’une commission scolaire et menée conjointement avec des chercheurs de l’univer-
sité. L’objectif que l’on s’est donné est de créer une communauté de soutien autour
de l’enfant pour faire en sorte que les ressources humaines et matérielles mobilisées
pour l’intervention précoce auprès des enfants soient des plus profitables pour le
développement des enfants concernés. Le dispositif conçu pour répondre à cet
objectif est le groupe d’analyse des pratiques, un lieu de rencontres, d’échanges, de
réflexion pour les différents intervenants.
D’une rencontre à l’autre, les acteurs du terrain ont l’occasion de mettre en dis-
cours leurs pratiques, leurs idées, de les confronter avec celles des autres. La diversité
des acteurs s’avère une richesse parce que chacun dans ses fonctions a développé un
certain savoir-faire, adopté des stratégies d’action. L’échange des différents points de
vue engendre une nouvelle perspective d’une situation donnée.
Les chercheurs, pour leur part, jouent un rôle d’animation, facilitent l’émer-
gence des idées, amènent au besoin des résultats de recherches pour soutenir ou faire
avancer la situation. La recherche-action assure un soutien aux différents acteurs car
l’intervention pédagogique ou sociale auprès d’une clientèle de milieu défavorisé est
particulièrement exigeante. La recherche donne lieu à une formation pour les dif-
férents acteurs grâce à la réflexion individuelle et collective, l’enrichissement des
points de vue et l’apport des chercheurs. Enfin, elle favorise la transformation des
pratiques individuelles et collectives par l’ouverture aux autres et la construction
d’une vision qui intègre le point de vue de l’autre.
Dans le cas présent, la recherche-action permet aux intervenantes scolaires et
sociales qui, jusque là, travaillaient d’un manière plutôt isolée et agissaient en fonc-
tion de leur point de vue sur la situation, d’échanger sur leur pratiques. Grâce aux
rencontres en groupe d’analyse des pratiques, les regards posés sur les relations
famille-école ont pu se croiser et les points de vue se sont élargis. Une nouvelle col-
laboration dans l’action en découle, mettant à profit les compétences de l’un et de
l’autre pour la réussite des enfants. La recherche se poursuit pour une deuxième
année et se terminera avec une cueillette de données et des analyses plus fines.
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De la collaboration au partenariat :
Analyse de recensionsantérieures et prospectiveen matière d’éducation inclusive
André C. MOREAUProfesseur chercheur, Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada
Andrée ROBERTSONDoctorante en éducation, Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada
Julie RUELDoctorante en éducation, Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada
RÉSUMÉ
Dans une perspective de promotion des pratiques éducatives inclusives en milieu
préscolaire, ce texte fait la synthèse des recensions antérieures d’études sur la col-
laboration, la concertation, la coopération et le partenariat. L’analyse de ces recen-
sions antérieures précise les principaux concepts appliqués à différents domaines :
scolaire, travail d’équipe-école, milieux cliniques… Ces relations antérieures mettent
en valeur l’importance des relations de collaboration et de concertation dans l’éta-
blissement d’un partenariat interorganisme. Parmi les avantages, le travail en colla-
boration favorise une hausse de la capacité de développer, d’optimiser, d’améliorer,
d’accélérer et de changer les façons de faire de l’organisation : l’amélioration de la
qualité des services. Les auteurs terminent en relevant les pistes de recherche et de
développement en matière d’éducation inclusive. Ils retiennent un modèle de pro-
gramme virtuel de perfectionnement comme outil d’apprentissage à la collaboration
et au partenariat et de développement de pratiques d’inclusion des enfants ayant des
besoins particuliers.
ABSTRACT
From Collaboration to Partnership – Analysis of Prior and ProspectiveReviews on Inclusive EducationAndré C. Moreau, Andrée Robertson and Julie Ruel,
Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada
To promote inclusive educational practices in the pre-school milieu, this text
synthesizes previous reviews of studies on collaboration, co-development, coopera-
tion, and partnership. The analysis of these reviews specifies the main concepts
applied to the different domains: school, school-team work, clinical milieux. …These
prior relationships highlight the importance of collaboration and co-development in
the establishment of an inter-organization partnership. Among the advantages,
working in collaboration promotes increased ability to develop, optimize, improve,
accelerate and change the way the organization does things, thus improving the
quality of services. The authors conclude by pointing out research and development
avenues for inclusive education. They describe a model of an online professional
development tool that teaches collaboration, partnership and the development of
inclusion practices for special needs children.
RESUMEN
De la colaboración a la cooperación: análisis de recensiones anteriores yprospectiva en materia de educación inclusivaAndré C. Moreau, Andrée Robertson y Julie Ruel,
Universidad de Québec en Outaouais, Québec, Canadá
Desde una perspectiva de promoción de prácticas educativas inclusivas en el
medio preescolar, éste texto presenta una síntesis de recensiones anteriores de estu-
dios sobre la colaboración, la concertación, la cooperación y la asociación. El análi-
sis de dichas recensiones identifica los conceptos principales aplicados a los difer-
entes campos : escolar, trabajo, equipo escolar, medios clínicos… Estas relaciones
subrayan la importancia de las relaciones de colaboración y de concertación en el
establecimiento de una asociación entre organismos. Entre las ventajas, el trabajo en
colaboración favorece una alta capacidad de desarrollo, de optimización, de perfec-
cionamiento, de aceleración y de transformación de los métodos de la organización :
143volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
mejorar la calidad de los servicios. Los autores concluyen identificando las pistas de
investigación y de desarrollo en materia de educación inclusiva. Retienen un mode-
lo de programa virtual de perfeccionamiento en tanto que útil de aprendizaje de la
colaboración, de la asociación y del desarrollo de practicas de inclusión de los niños
que presentan necesidades particulares.
Introduction
L’accueil et le soutien des enfants ayant des besoins particuliers en services pré-
scolaires émanent d’un besoin grandissant des parents et des membres de la société
de voir tout enfant grandir dans ses milieux de vie. Cette orientation s’appuie sur la
reconnaissance de la valeur humaine de toute personne et de son droit de vivre dans
sa communauté. Elle exige des services préscolaires une structure éducative centrée
sur les pratiques d’inclusion auprès de ces enfants dans leur milieu éducatif : services
de garde, maternelle et école régulière. En ce qui a trait à l’inclusion des enfants ayant
des besoins particuliers, trois grandes caractéristiques conditionnent l’existence de
services éducatifs inclusifs : éducation inclusive. D’abord, les services proinclusifs
s’inscrivent dans une démarche de projet dont les orientations éducatives valorisent
et favorisent l’accueil de tous les enfants de la communauté sans égard aux diffé-
rences qu’elles soient culturelles, liées aux difficultés de déficience ou d’handicap.
Ensuite, les services pro inclusifs se dotent systématiquement d’un système de pra-
tiques éducatives de collaboration, entre les parents et le personnel des services,
dont le plan d’intervention individualisé représente un des outils de concertation et
de coordination. Enfin, les services proinclusifs s’assurent d’une qualité ou de l’effi-
cacité d’une pédagogique renouvelée et innovante qui intègrent, entre autres, des
activités diversifiées de perfectionnement des membres de leur communauté.
Que faut-il comprendre des concepts de collaboration, de concertation, de
coopération ou de partenariat? Comment les distinguer? Quel est le sens de la colla-
boration dans une pédagogie d’inclusion? Cet article veut présenter un éclairage sur
ces principaux concepts en s’appuyant sur les recensions antérieures des études sur
les pratiques éducatives de collaboration en milieux préscolaires inclusifs. Les auteurs
terminent ce texte en présentant un programme virtuel (apprentissage en ligne) de
perfectionnement en éducation inclusive comme stratégie innovante de collabora-
tion. Le défi de ce type de formation réside dans le développement de relations de
collaboration virtuelle.
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De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
Collaboration : dynamique relationnelle convergente
L’accueil d’un enfant ayant des besoins de santé, de rééducation ou d’éducation
adaptée crée un contexte suscitant une collaboration entre les personnes qui gravi-
tent autour de cet enfant. La collaboration est un phénomène complexe. Dérivé du
latin (cum=avec et laborate = travailler), le concept de « collaboration » désigne les
processus du travail « ensemble, en commun »; c’est l’harmonisation des efforts de
chacun, « savoir-agir en convergence », à la réalisation d’une tâche, d’un objectif ou
d’un travail (Panitz, 1996, 1999; Moreau, Fortin, Clément, 2002).
Pour Panitz (1999), la collaboration surpasse les formules pédagogiques, un
style personnel où les individus sont responsables mutuellement de leurs actions, de
leurs apprentissages dans le respect des compétences et de la contribution de leurs
pairs. En ce sens, la collaboration désigne une philosophie d’apprendre ensemble ou
d’agir ensemble en mobilisant les ressources disponibles pour créer des relations
convergentes contrairement à des philosophies antagonistes ou à des relations dites
divergentes.
Collaboration en contexte d’apprentissageÀ l’origine, l’apprentissage en collaboration a été développé pour les personnes
de tous les âges qui vivent diverses expériences de groupe ou qui présentent diffé-
rents niveaux de compétence en contexte de relations sociales convergentes (Bruffee,
1995). Pour Orr (1997), la collaboration réfère à une philosophie qui met en valeur les
relations de vie en groupe dont le respect, le partage, le soutien mutuel, la tolérance
et la contribution de chacun des membres. Sous l’angle du socioconstructivisme,
l’apprentissage collaboratif rejoint un système de valeurs où l’autonomie, la réflexi-
vité, l’engagement actif, etc. ont une importance primordiale. Apprendre en collabo-
rant est un processus dynamique et réflexif qui favorise la croissance de celles et ceux
qui le pratiquent (Basque, 2003). Pour sa part, le modèle de compétence de Jonnaert
(2002) définit la collaboration comme le savoir-agir convergent en contexte social.
La collaboration ou « l’apprentissage collaboratif » se caractérise par « la cocons-
truction d’une signification commune à travers l’interaction ainsi que par l’engage-
ment partagé pour un objectif commun (Saint-Pierre, 2004 : 62). » L’avancement de
toutes les sections est pris en charge par chacun; tous collaborent à la réalisation de
la section de l’autre tout en étant responsables de la sienne, d’où l’existence d’un
haut niveau de convergence (Viens, 2000). L’apprentissage en collaboration s’appuie
sur différents principes dont
1- le travail conjoint favorise un plus haut niveau de compréhension que le tra-
vail individuel;
2- les interactions à l’oral ou à l’écrit contribuent à augmenter la compréhen-
sion;
3- les interactions sociales de la vie d’un groupe ou d’une classe fournissent
l’occasion d’être plus conscient et rehaussent la compréhension;
4- certains éléments de cette compréhension sont idiosyncrasiques;
5- et la participation doit être volontaire et entièrement libre (Orr, 1997).
145volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
La collaboration ou « l’apprentissage
collaboratif » se caractérise par
« la coconstruction d’unesignification commune
à travers l’interactionainsi que par l’engage-ment partagé pour un
objectif commun (Saint-Pierre, 2004 :
62). »
De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
Au préscolaire, par exemple, les études comme celle de Moreau (1990) illustrent
les pratiques d’intervention efficaces qui stimulent l’apprentissage en collaboration
chez les groupes hétérogènes d’enfants d’âge préscolaire. Ces contextes d’apprentis-
sage sont la genèse du développement de la compétence sociale de collaboration.
La collaboration permet entre autres à l’apprenant de mobiliser et d’utiliser un
ensemble de ressources. Ce savoir-agir convergent réfère à une gamme de processus
sociaux plus ou moins complexes dont les interactions prosociales (habiletés, atti-
tudes, communication), la concertation, la coopération et le partenariat. Ces proces-
sus s’appliquent à différents contextes simples de relations d’apprentissage en col-
laboration ou d’équipe de travail d’un milieu, d’un réseau ou de systèmes de services.
Au préscolaire, entre autres, les études comme celle de Moreau (1990) illustrent les
pratiques d’intervention efficaces qui stimulent l’apprentissage en collaboration
chez les groupes hétérogènes d’enfants d’âge préscolaire. Ces contextes d’apprentis-
sage sont la genèse du développement de la compétence sociale de collaboration.
Collaboration en contexte de travail ou groupe de travail collaboratif Dans un contexte d’éducation à la petite enfance des enfants ayant des besoins
particuliers, les auteurs parlent de structures ou de modèles différents dont, entre
autres, la collaboration de groupe de travail pour désigner la participation des pa-
rents et des professionnels concernés par la prestation de services éducatifs et réé-
ducatifs : planification, implantation et évaluation des programmes. De manière spé-
cifique, le collectif des recherches de Fine et Simpson (2001), la recension des écrits
de Saint-Pierre (2004), celle de Labelle (2003) et les recherches de Bouchard et de ses
collaborateurs (1996) décrivent la nature de la collaboration ainsi que les facteurs
favorables et défavorables.
Dans un contexte d’équipe école, la collaboration réfère à une structure d’acti-
vités humaines. Par exemple, le modèle d’enseignement en collaboration de Saint-
Laurent, Giasson, Simard et leurs collègues (1995) décrit les différentes composantes
et les activités que l’enseignante, l’orthopédagogue et les parents réalisent en collabo-
ration afin de fournir des services adaptés à l’élève en difficulté : plan d’intervention.
À ce titre, Buysse et Wesley (2001 : 288) distinguent cinq modèles de collaboration :
1- l’assistance technique;
2- la consultation;
3- le travail de groupe;
4- la formation;
5- la supervision dont le « mentorat ».
En contexte de travail d’équipe de services à l’enfant ayant des besoins parti-
culiers et sa famille, la collaboration « correspond à la participation, à la réalisation
d’une tâche ou à la prise en charge d’une responsabilité » (Bouchard et al. 1996 : 22).
Inspirée du modèle de Bronfenbrenner (1979), l’approche écologique part de la pré-
misse que l’enfant est au centre des préoccupations de l’organisation des services. Le
développement de l’enfant prend place dans plusieurs milieux : famille, commu-
nauté, service de garde, école… Ce modèle permet l’étude des relations entre l’enfant
et ses différents milieux. La collaboration est au cœur de ces relations.
146volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
Dans un contexte clinique, la relation de collaboration désigne la qualité des
liens thérapeutiques entre les membres de la famille et le professionnel en santé ou
en éducation. À titre d’exemple, les travaux de Fink et Fowler (1992) et Fine et
Simpson (2001) résument la nature des relations thérapeutiques optimales de col-
laboration entre les professionnels et les membres des familles d’enfant ayant des
besoins particuliers ainsi que les conditions qui les favorisent.
En contexte de structure organisationnelle de services, la collaboration interor-
ganisationnelle ou intersectorielle renvoie aux liens fonctionnels entre des orga-
nismes ou entre des systèmes de services qui travaillent ensemble afin de dispenser
des services à la clientèle. De manière spécifique, les relations sont qualifiées de
fonctionnelles dans ce sens où le succès de l’atteinte des objectifs fixés à un niveau
dépend d’une collaboration réussie à un autre niveau (Wilson, 1998 : 127). Les straté-
gies de collaboration contribuent à augmenter l’efficacité des projets, à améliorer la
qualité des services, etc.
La collaboration se mesure en degré d’intensité sur la base du nombre d’acti-
vités de collaboration ou du degré d’implication des personnes dans l’ensemble des
réalisations. Par exemple, selon les six modèles de prestation de services à la petite
enfance de McWilliam (1996), les services inclusifs, comme les activités rééducatives
intégrées au groupe, nécessitent une intensité de collaboration beaucoup plus élevée
que celles dispensées en contexte clinique ou en dehors du groupe d’enfants ou de la
classe.
La collaboration est comprise comme un processus de développement qui fait
intervenir différentes étapes d’activités humaines assurant une collaboration. Par
exemple, le modèle théorique de Buysse et Wesley (2001) décrit quatre étapes afin de
construire une relation de travail en collaboration :
1- apprendre à connaître et à établir une confiance réciproque avec les person-
nes;
2- déterminer les objectifs de changement;
3- élaborer et mettre en œuvre un plan;
4- évaluer les résultats.
Pour terminer cette brève description, nous ajouterons que les fonctions
sociales de la collaboration sont multiples. Par exemple, chez les membres d’une
communauté d’apprenants, les liens de collaboration permettent de construire des
relations sociales de tolérance, d’entraide, de solidarité, de soutien ainsi que des rela-
tions fonctionnelles. Ces compétences relationnelles permettent à l’apprenant de se
réaliser dans différents domaines : milieu social, travail, loisirs… En contexte de tra-
vail collaboratif, d’autres fonctions peuvent être soulignées : la hausse de la produc-
tivité ainsi que la capacité de développer, d’optimiser, d’améliorer, d’accélérer et de
changer les façons de faire du service éducatif. La collaboration permet d’améliorer
différents processus dans le système éducatif.
147volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
Coopération comme processus d’apprentissage
Les expressions « apprentissage collaboratif » et « apprentissage coopératif » sont
parfois utilisées sans distinction par certains auteurs, ou encore sont confondues.
L’apprentissage coopératif se distingue particulièrement par une systématisation de
l’enseignement et de l’appropriation des habiletés ciblées liées à l’apprentissage à la
coopération. Pour distinguer la collaboration de la coopération, Bruffee (1995),
Panitz (1996) et Viens (2000) spécifient que l’apprentissage en collaboration renvoie
au niveau d’expertises des groupes. Deux types de connaissances distinguent les
approches : les connaissances fondamentales et les connaissances non fondamen-
tales. Les connaissances fondamentales reflètent la culture sociale de ce qui est
« bon » ou les normes de cette culture telles que les croyances et les valeurs. Bruffee
définit ces concepts. La notion de collaboration intègre ces concepts fondamentaux.
Les connaissances non fondamentales, quant à elles, sont davantage liées aux
processus tels que la résolution de problèmes, le raisonnement, la mémoire, le ques-
tionnement… L’apprentissage coopératif s’inspire particulièrement de ces struc-
tures. Coopérer réfère au processus de réalisation d’activités partagées où chacun
réalise une section du projet sans nécessairement se préoccuper du travail accompli
par les autres coéquipiers. C’est le partage du produit, mais pas nécessairement de
l’apprentissage (Viens, 2000).
En apprentissage coopératif, le rôle de l’adulte ou du personnel enseignant est
important. Il implique un haut niveau d’organisation : structuration et répartition
des activités et des tâches. Entre autres, l’éducatrice ou l’éducateur se concentrent
sur la création de groupes hétérogènes, la création d’une structure d’interdépen-
dance et l’enseignement d’habiletés sociales de coopération.
Ce processus complexe exige des stratégies d’enseignement-apprentissage
soutenues afin de susciter la compétence à coopérer. En petite équipe, les ap-
prenants développent des compétences à agir ensemble efficacement pour résoudre
des problèmes, pour compléter des tâches ou pour réaliser un objectif commun. Il
existe plusieurs stratégies pédagogiques ou facteurs favorisant l’apprentissage
coopératif. Ces facteurs sont essentiels à l’apprentissage. Ce sont principalement les
relations d’interdépendance, les objectifs communs, l’attitude de partage mutuel des
succès et des échecs, la communication fonctionnelle ainsi que l’engagement et l’im-
plication de tous (Abrami et al., 1996; Artzt et Newman, 1990; Tousand et al., 1998).
L’apprentissage coopératif est issu principalement des travaux américains liés à
la philosophie de John Dewey ciblant la nature « sociale » de l’acte d’apprendre et des
travaux sur la dynamique de groupe de Kurt Lewin (Abrami et al. 1996).
L’apprentissage coopératif s’est implanté dans les premiers ordres de scolarité. Les
jeunes et les adolescents bénéficient grandement de l’apprentissage à négocier et à
adhérer à leur groupe d’appartenance ou à leur famille.
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De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
Coopérer réfère processus de réalisation
d’activités partagées où chacun réalise unesection du projet sans
nécessairement sepréoccuper du travail
accompli par les autrescoéquipiers. C’est lepartage du produit,
mais pas nécessaire-ment
de l’apprentissage(Viens, 2000).
Coopération en contexte de prestation de services et desoutien
En contexte d’équipe de travail, « la coopération est le processus d’interactions
de personnes ou d’un groupe d’individus qui, par le partage de tâches, de responsa-
bilités ou d’activités, réalisent un objectif spécifique » : dynamique de coopération
(Bouchard et al. 1996 : 22). La coopération est donc le « processus d’opérationnalisa-
tion » de la décision par consensus entre les partenaires. Elle désigne le partage des
tâches et des responsabilités contrairement au partenariat qui correspond essen-
tiellement à la prise de décision. « Avant de coopérer, il faut être partenaire dans la
prise de décision puisque l’action de coopérer signifie que nous avons décidé ensemble
des objectifs ou des actions à entreprendre : tâches à accomplir ou responsabilités à
assumer » (Bouchard et al. 1996 : 22). La coopération crée un phénomène d’inter-
dépendance entre les personnes. Il s’agit de relations réciproques liées aux senti-
ments de solidarité et d’entraide mutuelle à la réalisation des objectifs communs
(Panitz, 1999 : 9-10).
En contexte de services éducatifs, l’étude du processus de coopération a permis
de dégager les facteurs qui structurent cette démarche de travail en groupe. Les
objectifs communs, la relation d’interdépendance, les rôles, les attitudes de respect
mutuel et les relations d’égalité, la communication efficiente, l’implication
réciproque en sont quelques facteurs déterminants (Bouchard et al. 1996).
Concertation en tant que processus
Quant à la concertation, elle « renvoie au processus d’échange d’idées en vue de
s’entendre éventuellement sur un objectif, une démarche ou une attitude commune :
prise de décision par consensus. Cette définition ressemble (…) à celle du partena-
riat tout en étant différente, puisqu’elle n’implique pas la condition de réciprocité
dans la décision puisque chaque partie n’est pas liée à la décision » (Bouchard, et al.
1996 : 22).
Dans un processus de concertation, la « réciprocité sociale » est importante. Elle
réfère à la valeur de la qualité relationnelle perçue par les personnes. Spécifiquement,
de part et d’autre, les personnes ont le sentiment d’un partage réel dans la relation
(Moreau, 1992). Par exemple, en contexte d’interactions sociales, la réciprocité
désigne des chances équivalentes de prendre un tour de rôle et d’échanger. Dans les
relations plus complexes, la réciprocité prend un sens plus global; elle intègre dif-
férents facteurs ou paramètres dont le partage dans les prises de décision (processus
consensuel), dans les responsabilités, les tâches, les risques…
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De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
De la collaboration au partenariat
Le concept de partenariat se confond à celui de collaboration; ils sont inter-
changeables. Il s’agit des relations convergentes au sein de structures complexes de
groupes d’adultes, de services ou d’organisation de services : relations fonctionnelles
entre les personnes (mésosystème ou exosystème) (Dunst et al. 2000). Dans le
domaine des services à la petite enfance, les auteurs dont Fine et Simpson (2000),
Saint-Pierre (2004) ou Bouchard et ses collègues (1996) parlent de relation de colla-
boration en partenariat ou de « partenariat ». Les contextes de partenariat varient
selon les milieux engagés. Le partenariat peut être de différents ordres selon les
objectifs ciblés, le type de groupe de travail ou les secteurs d’activités : secteurs pub-
lic, parapublic, privé et communautaire ou un mélange de plus d’un secteur.
Pour Flo et Smith (2000), le partenariat réfère à l’exercice du pouvoir individuel
et du pouvoir collectif. Dans une perspective globale, il s’agit « d’un rapport social,
une nouvelle dynamique de confrontation des forces sociales, une manière inusitée
de coupler le social avec l’économie, le social avec la politique et l’étatique » (Labelle,
2003 : 12).
En contexte de services éducatifs, le partenariat repose sur les relations de tra-
vail ou ce qui le concerne. Ces relations de partenariat diffèrent de la concertation;
« le partenariat n’est pas seulement un partage de l’analyse des problèmes et des
solutions. Le partenariat suppose un engagement formel de chaque participant, qui
investit une part de ce qui lui appartient, dans le but de réaliser quelque chose en
commun » (CSÉ, 1995 : 22).
En milieu de services à la petite enfance y compris les enfants ayant des besoins
particuliers et leur famille, le partenariat se définit par l’association de personnes,
par la reconnaissance de leurs expertises et de leurs ressources réciproques, par le
rapport d’égalité dans la prise de décision par consensus entre les partenaires au
regard, par exemple, des besoins de la personne et de la priorité des objectifs de
réadaptation (Bouchard et al. 1996 : 22). La recherche de Blue-Banning, Summers,
Frankland, Nelson et Beegle (2004) permet de saisir les principales dimensions de la
collaboration et du partenariat en éducation avec différents dispensateurs de services.
Après avoir réalisé 34 groupes de discussion (focus groups) et 32 entretiens indivi-
duels auprès de parents et de professionnels, ces auteurs dégagent les marqueurs
de la collaboration et du partenariat. Ces marqueurs sont regroupés en six grandes
catégories :
1- qualité de communication (partage de renseignements, capacité d’être clair,
d’être honnête, communication positive…);
2- engagement (implication, flexibilité, valeur du travail…);
3- égalité (autodétermination personnelle, défense des droits…);
4- compétences personnelles;
5- confiance (facilité à rejoindre, sécurité et discrétion);
6- respect (absence de jugement, de discrimination…).
150volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
En milieu de servicesà la petite enfance ycompris les enfants
ayant des besoins par-ticuliers et leur famille,le partenariat se définitpar l’association de per-
sonnes, par la recon-naissance de leurs
expertises et de leursressources réciproques,par le rapport d’égalité
dans la prise de décisionpar consensus entre les
partenaires au regard,par exemple, des
besoins de la personneet de la priorité des
objectifs de réadaptation(Bouchard et al.
1996 : 22).
Il est difficile d’envisager une relation de partenariat si les partenaires potentiels
présentent peu (ou ne présentent pas) de ressources personnelles ou de capacités à
collaborer de façon autonome et responsable : l’autodétermination. L’autodétermi-
nation suppose que les personnes et les groupes sont capables d’assumer des res-
ponsabilités de manière autonome, de réaliser des performances sans pression par-
ticulière, d’optimiser les processus, de prendre des mesures correctives si nécessaire
et de mériter la confiance qu’on leur accorde. D’un point de vue individuel, il s’agit
de redonner aux personnes le plein pouvoir sur leur vie. L’appropriation du pouvoir
par la personne signifie avoir une plus grande maîtrise de sa vie par une participation
active aux décisions qui la concernent et avoir la possibilité d’exercer des choix libres
et éclairés pour être capable d’actualiser son potentiel de croissance personnelle,
professionnelle et sociale : pouvoir défendre ses droits (Brunet et Boudreault, 2001).
En matière de partenariat, les relations de collaboration peuvent prendre dif-
férentes formes. À titre d’exemple, Buysse et Wesley (2001) suggèrent cinq principales
structures de partenariat :
1- l’assistance technique;
2- la consultation;
3- le travail en groupe ou travail d’équipe, teaming;
4- la formation;
5- la supervision et le mentorat (mentorship).
Les modèles de structure d’un projet de partenariat sont variables. Toutefois,
Labelle (2003) suggère six caractéristiques d’une structure :
1- un ou des objectifs clairs;
2- une structure et des règles claires;
3- un partage des rôles, des responsabilités et des ressources;
4- un cadre relationnel agréable;
5- une vision claire des résultats escomptés;
6- un degré de formalisation.
De façon générale, un processus de partenariat comprend les étapes suivantes :
(a) se connaître et établir une relation de confiance réciproque, (b) déterminer les
objectifs de changement ou de convergence, (c) élaborer et mettre en œuvre un plan
de partenariat et (d) réguler et évaluer les efforts et les actions (Buysse et Wesley,
2001). Ce processus s’actualise sur une base volontaire et participative contrairement
aux « relations forcées », ce qui suppose un équilibre de pouvoir entre les parties.
Outre ces dimensions intrastructurelles de groupe, le partenariat s’inscrit égale-
ment dans une perspective plus large de dispensation de services et de politiques
gouvernementales. Au Canada, la structure politique des programmes à la petite
enfance relève d’un partenariat fédéral et provincial qui exige des deux paliers de
gouvernement d’avoir des ententes pour assurer la mise en place de programmes
éducatifs. Les provinces et les territoires sont responsables de l’implantation des
services dont les principales ressources financières proviennent du fédéral (Moreau
et Boudreault, 2000). Comme avantage, cette structure permet aux gouvernements
151volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
régionaux d’adapter les programmes de services aux besoins des milieux. Cepen-
dant, les programmes éducatifs à la petite enfance varient d’une région à une autre.
En règle générale, les programmes éducatifs en services préscolaires mettent l’accent
sur le partenariat entre les familles et les équipes d’intervention éducative et réédu-
cative visant l’intégration des enfants dans leur milieu de vie. Le partenariat s’inscrit
comme « un moyen » de changement et non comme une fin (Saint-Pierre, 2004 : 64). Pour
d’autres organismes gouvernementaux, le partenariat se définit comme « une façon
de réaliser la mission de formation » (Conseil supérieur de l’éducation, 1995 : 22).
Somme toute, peu importe le contexte, le partenariat est un processus com-
plexe de relations convergentes dont les dimensions interpersonnelles (microsys-
témiques) et interstructurelles (méso et macrosystémiques) exigent un haut niveau
d’organisation. En contexte de prestation de services aux enfants et à leur famille, le
partenariat réfère, entre autres, aux ententes entre les membres de la famille et les
professionnels ou les partenaires concernés par les objectifs communs. Cette rela-
tion s’établit dans un climat de confiance, de respect mutuel et de relation réci-
proque ainsi que dans la reconnaissance de l’expertise et des ressources de chacun
(relation de complémentarité). Les sections suivantes décrivent précisément les fac-
teurs qui entravent ou favorisent les relations de partenariat.
Obstacles au processus de partenariatDans le domaine des services à la petite enfance, Saint-Pierre (2004) présente,
dans le cadre d’une recension des écrits sur l’éducation inclusive en services de
garde, les facteurs qui freinent les relations de partenariat. Inspirés des travaux de
Bruder (1996), l’auteure recense cinq catégories d’obstacles :
• Manque d’engagement des familles dans le processus intégratif : manque de
temps et d’énergie, mauvaise expérience d’entrée dans le processus d’inté-
gration, climat du milieu non réceptif, manque d’information et de commu-
nication, manque de confiance et manque de soutien.
• Obstacles relatifs à l’assouplissement du rôle des intervenants : inégalité
entre les partenaires, manque de souplesse entre les personnes.
• Obstacles organisationnels : inadéquation des structures, manque de
ressources pour la planification et la coordination des services, manque de
supervision, de soutien au personnel de garde, manque de formation et de
préparation des spécialiste et enfin manque de temps.
• Attitudes et croyances défavorables : différences philosophiques entre les
partenaires.
• Caractéristiques personnelles : manque d’habiletés de communication,
habiletés à être attentionné (caring), respectueux, empathique, congruent et
ouvert, ainsi que l’habileté à résoudre des problèmes en collaboration
(Bruder, 1996 : 37).
En outre, le temps et la formation aux habiletés de travail en équipe sont incon-
tournables pour bâtir des relations efficaces de partenariat. Ces éléments sont perçus
comme peu prioritaires et souvent ignorés par les professionnels (Saint-Pierre, 2004 : 64).
152volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
Facteurs de réussite ou conditions favorables à un partenariat efficace Les modèles de collaboration sous forme de partenariat sont nombreux et va-
riés. Néanmoins, certains auteurs abordent les relations de partenariat dans le sens
d’objet de changement. Ils mettent en relief les facteurs atténuant ou favorisant le
partenariat. En matière d’éducation à la petite enfance, particulièrement les élé-
ments théoriques de Bouchard et al. (1996) ou de Epstein (1997) sur la collaboration
et le partenariat, les recensions des écrits de Bruder (2001), de Lieber, et al. (2002), de
Park and Turnbull (2003) et de Saint-Pierre (2004) sur les facteurs qui freinent ou
favorisent le partenariat ainsi que des recherches comme celle de Blue-Banning et
ses collègues (2004) fournissent des éléments solides de changement pour une pra-
tique de partenariat entre les familles et les services éducatifs.
Dans une perspective sociale, Epstein et ses collègues (1997) présentent, à par-
tir du modèle social de l’influence partagée, une théorie relationnelle entre famille,
services éducatifs et communauté. Selon ce modèle, ces trois grandes structures
(famille, services éducatifs et communauté) s’influencent mutuellement ou
s’éloignent l’une de l’autre suivant quatre forces : le temps (force A), les caractéris-
tiques philosophiques et pratiques des personnes ou des familles (force B), du ser-
vice éducatif (force C) ainsi que de la communauté (force D). Ces forces contribuent
ou nuisent à la création des activités partagées entre ces milieux. À titre d’exemple,
les structures se recoupent à un plus haut degré lors de la période d’entrée en servi-
ces préscolaire ou scolaire de l’enfant. Au cours de ces premières années (force A), les
parents participent au suivi de leur enfant (force B); il y a un plus grand degré
d’échanges entre les systèmes famille et service éducatif (force C) particulièrement
lorsque les parents sont invités à participer à la vie du service éducatif, de l’école ou
de la communauté (force D). Ce modèle postule qu’un échange de savoirs et de savoir-
faire entre parents, intervenantes et membres de la communauté axé sur le respect
mutuel et le partage de buts communs conduit à un meilleur développement et une
meilleure réussite de l’enfant.
Les recensions des écrits de Bruder (2001) et de Saint-Pierre (2004) présentent
des contenus de recherche similaires. Ces auteurs analysent les études qui traitent
des facteurs de réussite de la collaboration, du partenariat au sein des équipes tra-
vaillant auprès des enfants ayant des besoins particuliers. Ces auteurs recensent les
facteurs suivants :
1- les degrés individuels de participation parmi les membres;
2- les comportements des membres de l’équipe durant les rencontres, entre
autres, Bouchard et al. (1999);
3- les processus de prise de décision (voir, entre autres, Fink et Fowler, 1997);
4- l’élaboration de plans de services;
5- les stratégies de collaboration (voir, entre autres, Hanline, 1990);
6- la formation en milieu universitaire que la formation continue en milieu de
pratique.
La recension de Bruder et celle de Saint-Pierre ont le mérite de faire la synthèse
des études sur les équipes de travail en services éducatifs inclusifs à la petite enfance.
153volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
À ce titre, Saint-Pierre (2004 : 65-71) résume les facteurs favorisant le partenariat et la
coopération :
• une mission, un but et des objectifs clairs,
• un leadership solide,
• des membres apportant une expertise, une équipe ayant les qualités néces-
saires à l’obtention de résultats,
• un climat propice, basé sur la confiance,
• un bon système de communication,
• un soutien entre les membres et un soutien organisationnel,
• une composition appropriée de l’équipe.
Parallèlement à ces facteurs facilitant, Saint-Pierre fait l’inventaire des moyens
qui facilitent le processus de partenariat. Cet auteur résume en sept étapes le fonc-
tionnement efficace d’une équipe de travail (Bruder : voir Saint-Pierre, 2004 : 71) :
• Orientation : « Pourquoi suis-je ici? »
• Construction de la confiance : « Qui êtes-vous? »
• Clarification des rôles et des objectifs : « Qu’est-ce que nous faisons? »
• Engagement : « Comment le ferons-nous? »
• Implantation : « Qui fait quoi, quand, où? » (Processus de coordination)
• Évaluation et régulation : « Comment faisons-nous? » « Comment s’ajuster? »
• Renouvellement : « Pourquoi devrions-nous continuer? »
Les stratégies de communication entre les membres d’une équipe sont essen-
tielles à une réussite. Saint-Pierre (2004) dénombre, entre autres, quatre facteurs favo-
risant une communication efficace : des habiletés d’écoute, des questions ouvertes,
de la communication non verbale, et des perspectives positives.
Outre ces différents facteurs et stratégies, les pratiques de collaboration et de
partenariat en services préscolaire restent une réalité complexe et difficile à actuali-
ser. À ce titre, Saint-Pierre rappelle l’un des principaux défis de cette problématique :
« Pour satisfaire adéquatement les besoins individuels de toutes les
familles, les éducateurs spécialisés doivent donc être capables de docu-
menter les inquiétudes, les ressources et les priorités des familles, et ainsi
de communiquer efficacement pour établir en partenariat les objectifs de
l’intervention pour les enfants et leurs familles (…). (Saint-Pierre, 2004 :
72). »
En somme, le développement de relations de collaboration, voire d’un parte-
nariat comme réalité incontournable à la réussite de l’inclusion, renvoie à des pro-
cessus complexes de travail d’équipe dont les facteurs à considérer sont multiples.
Pour les parents d’un enfant ayant des besoins particuliers, leur implication éduca-
tive relève souvent d’une démarche d’essais et erreurs. Considérant cette complexité
de facteurs, comment ces parents peuvent-ils réaliser cette démarche leur permet-
tant de vivre des réussites? Pour le personnel des services éducatifs et spécialisés,
154volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
comment peuvent-ils soutenir ces parents? Comment ces professionnels peuvent-ils
prendre en compte l’ensemble des facteurs permettant la réussite de l’inclusion? Si
la collaboration et le partenariat s’inscrivent dans une pratique éducative innovante
dont la formation continue constitue une des voies, quelles en sont les conditions/
modalités associées? Peut-on envisager une formation continue où tous les membres
d’une communauté peuvent avoir accès : parents, intervenantes et membres de la
direction? Comment développer ces communautés? La section suivante aborde cette
dimension de la problématique sous l’angle de la formation continue virtuelle : com-
munauté d’apprenants adultes et formation en ligne.
Communauté d’apprentissage d’adultes et formation en ligne
Si se concerter, c’est échanger ses points de vue pour définir des objectifs ou des
actions communes, si coopérer c’est la mise en commun de contributions indivi-
duelles à la réalisation d’un objectif ou d’un projet, si collaborer c’est la contribution
de chacun à l’ensemble des étapes de réalisation d’un projet ou à l’atteinte d’un
objectif commun, si le partenariat c’est la formalisation d’ententes entre partenaires
à l’atteinte d’objectifs communs, qu’en est-il des communautés inclusives de prati-
ciens? Quel rôle peuvent jouer les nouvelles technologies de l’information et des
communications (TIC) dans un contexte de services à la petite enfance? Comment
bonifier les pratiques éducatives entre parents et praticiens soucieux de réaliser en
commun la réussite de l’inclusion des enfants ayant des besoins particuliers? Quelles
sont les modalités qui favorisent le partage de pratiques éducatives entre parents et
personnel de services éducatifs au préscolaire dans un esprit de collaboration qui
permettent l’émergence de communautés inclusives?
Rappelons brièvement que les théories psychocognitives, dont le sociocons-
tructivisme, expliquent abondamment les assises de l’apprentissage et des pratiques
de collaboration. Les relations impliquant des processus sociaux complexes tels que
la concertation, la coopération, la collaboration et le partenariat offrent une plus
value plus considérable que les processus d’apprentissage ou de pratiques individu-
elles. Entre autres, les relations de collaboration favorisent la multiplicité des con-
naissances, la réflexion, la validation, une meilleure compréhension des situations
vécues… Ces contributions théoriques permettent de faire des distinctions entre la
connaissance, attribut exclusif aux personnes, et les connaissances sociales : cogni-
tion sociale. Ces connaissances sociales se traduisent, entre autres, par les buts qu’une
communauté ou une société se donnent. Ces connaissances sociales constituent les
éléments de l’histoire d’une communauté, les habitudes, les traditions, les modes de
pensée, les idéologies et les valeurs d’une société (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001).
Chaque personne est porteuse de connaissances. Également, la société dans laquelle
on vit constitue en soi une connaissance collective qu’il faut considérer. Accepter
d’apprendre ou de travailler en communauté, c’est d’abord partager ses connais-
sances et aussi interagir, s’approprier et agir sur les connaissances collectives.
155volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
La notion de « communauté d’apprentissage d’adultes » prend le sens d’un
regroupement de personnes qui, en relation, partagent, échangent, construisent
leurs connaissances individuelles et collectives au regard de la réalisation d’un objec-
tif ou d’un projet commun. Les processus de concertation, de coopération, de col-
laboration et de partenariat sont, en soi, des modèles de relations. Les comprendre
et s’en inspirer offrent une valeur ajoutée aux relations interpersonnelles.
Quel est l’apport des outils technologiques dans un contexte où il est
souhaitable de mettre en ligne (relations virtuelles) de communautés d’apprentis-
sage d’adultes? Aujourd’hui, les environnements collaboratifs virtuels représentent
des outils de travail incontournables. Il existe actuellement un mouvement consen-
suel tant en recherche, en apprentissage que dans les milieux de pratiques qui
affirme que la technologie permet aux personnes non point seulement de commu-
niquer, d’apprendre, mais aussi de collaborer et de développer des réseaux de per-
sonnes ou de soutien en ligne/virtuel (Moreau, Maltais et Herry, 2004).
Maintenant, dans un contexte de services à la petite enfance ayant comme
valeur l’inclusion des enfants ayant des besoins particuliers dans leurs milieux de vie
(famille, services de garde et maternelle), quelle est la place de la collaboration
virtuelle dans ces communautés de praticiens? Pour ces communautés, l’une des
perspectives d’innovation pédagogique passe par l’appropriation de pratiques
éducatives favorisant l’inclusion des enfants différents grâce à la collaboration entre
les parents et le personnel des services éducatifs. Est-ce que les outils technologiques
par Internet peuvent être des pratiques éducatives innovantes et une voie d’avenir
(Anderson et Elloumi, 2004; Garrison et Anderson, 2003; Henri et Basque, 2003; Henri
et Lundgren-Cayrol, 2001; Lewis, 2003; Trentin, 2002 et Viens, 2000).
À titre d’exemple, le programme virtuel de perfectionnement en éducation
inclusive (http://w3.uqo.ca/inclusion) au préscolaire destiné aux parents, au per-
sonnel des services préscolaires et aux gestionnaires offre un modèle d’apprentissage
en ligne. Ce programme virtuel constitue une source de renseignements et d’outils
pratiques que les parents, les intervenantes et les intervenants ainsi que les gestion-
naires peuvent utiliser pour développer un milieu qui favorise l’inclusion des enfants
ayant des besoins particuliers (Moreau, Maltais, Herry, Gagnon & Larouche, 2004a,
b). Le défi de ce projet est de savoir comment susciter une réelle collaboration en
ligne. Le programme virtuel de formation est une des premières étapes de l’éta-
blissement d’un environnement d’apprentissage en ligne. Il offre la possibilité de
réaliser un double défi : l’appropriation de pratiques éducatives inclusives et celui de
l’apprentissage à la collaboration et au partenariat.
156volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive
La notion de « communauté d’apprentissage
d’adultes » prend le sens d’un regroupement
de personnes qui, enrelation, partagent,
échangent, construisentleurs connaissances
individuelles et collec-tives au regard de la réalisation d’un
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161volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfantsprésentant des troubles ducomportement :
appréciation des effets d’un programme
Daniel TURCOTTEUniversité Laval, Québec, Québec, Canada
Marie-Christine SAINT-JACQUESUniversité Laval, Québec, Québec, Canada
Annick ST-AMANDUniversité Laval, Québec, Québec, Canada
Émilie DIONNEUniversité Laval, Québec, Québec, Canada
RÉSUMÉ
Les problèmes de comportement chez les enfants doivent faire l’objet d’une
attention particulière en raison des difficultés d’adaptation qui guettent ces derniers
à moyen et à long termes. La présence de ces problèmes en bas âge laisse présager
d’éventuelles difficultés d’adaptation telles que l’abandon scolaire, la toxicomanie, le
rejet de la part des camarades, les difficultés interpersonnelles et les conduites délin-
quantes. Pour contrer cette trajectoire développementale problématique, il importe
d’intervenir précocement dans la vie de l’enfant. Or, l’intervention auprès des enfants
qui ont des problèmes de comportement constitue un défi majeur pour le personnel
en milieu de garde. Cet article porte sur un programme d’intervention qui est offert
au personnel des milieux de garde pour les aider à composer avec ce type de situa-
tions. Les données, recueillies dans le cadre d’une démarche qualitative, révèlent que
les participantes attribuent des effets positifs au programme. En faisant une meil-
leure analyse des besoins que l’enfant exprime par ses comportements, elles sont en
mesure d’opter pour des stratégies d’intervention mieux adaptées et plus efficaces.
Cependant, elles soulignent qu’une intervention efficace auprès d’un enfant en diffi-
culté exige une action concertée des principaux acteurs qui l’entourent, d’où l’im-
portance d’associer les parents à la démarche d’intervention.
ABSTRACT
Educative Strategies of Day-Care Personnel with Children Who HaveBehavioural Problems: Appreciation of the Effects of the ProgramDaniel Turcotte, Marie-Christine Saint-Jacques, Annick St-Amand, and Émilie Dionne
Research Centre on the Adaptation of Youth and Families at Risk
Université Laval, Québec
It is important to pay particular attention to children’s behaviour problems
because of the adaptation difficulties these children may face over the medium and
long term. If children have these problems at an early age, they may be at risk of
adaptation problems, such as dropping out of school, drug addiction, being rejected
by other young people, interpersonal problems, and delinquent behaviour. Early
intervention is important in counteracting this problematic development trajectory.
Intervention with children who have behaviour problems is a major challenge for
day-care personnel. This article is based on an intervention program offered to day-
care personnel to help them deal with these types of situations. The data, gathered
during a qualitative process, reveals that participants find that the program has pos-
itive effects. By doing a better analysis of the needs that children express through
these behaviours, they are able to choose better adapted and more effective inter-
vention strategies. However, they emphasize that effective intervention with a child
in difficulty requires the concerted action of everyone working with the child, thus
the importance of working with the parents during the intervention process.
162volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
RESUMEN
Las estrategias educativas del personal en medio de guarda con niñosque presentan problemas de comportamiento : apreciación de las repercusiones de un programa.Daniel Turcotte, Marie-Christine Saint-Jacques, Annick St-Amand y Émilie Dionne
Centro de investigaciones sobre la adaptación de los niños y las familias frágiles
Universidad Laval, Quebec
Los problemas de comportamiento de los niños deben ser tratados con una
atención muy particular a causa de las dificultades de adaptación que pesan sobre
ellos a mediano y largo plazo. La presencia de dichos problemas en edad temprana
permite pronosticar eventuales dificultades de adaptación como el abandono escolar,
la toxicomanía, el rechazo de la parte de los camaradas, las dificultades interperson-
ales y los comportamientos delincuentes. Para confrontar esta trayectoria evolutiva
problemática, es importante intervenir de manera precoz en la vida de los niños.
Ahora bien, la intervención entre los niños que presentan problemas de compor-
tamiento constituye un desafío de talla para las empleadas de las guarderías. Este
artículo presenta un programa de intervención que se ofrece al personal de las
guarderías para ayudarlos a transigir con ese tipo de situaciones. Los datos, recogi-
dos en el cuadro de un enfoque cualitativo, muestran que las participantes atribuyen
efectos positivos al programa. Al realizar un análisis más adecuado de las necesi-
dades que los niños expresan a través sus comportamientos, ellas pueden optar por
estrategias de intervención más adecuadas y eficaces. Sin embargo, ellas recalcan
que una intervención eficaz entre los niños con problemas exige una acción concer-
tada entre los actores principales que rodean al niño, de ahí la importancia de aso-
ciar los padres de familia a la intervención.
Introduction
Il est largement reconnu que les problèmes de comportement chez les enfants
doivent faire l’objet d’une attention particulière en raison des difficultés d’adapta-
tion qui les guettent à moyen et à long termes. La présence de ces problèmes en bas
âge laisse présager d’éventuelles difficultés d’adaptation telles que l’abandon sco-
laire, la toxicomanie, le rejet, les difficultés interpersonnelles, les conduites délin-
quantes, la criminalité, les problèmes de santé, etc. (Kazdin, 1987; Kratzer et Hodgins,
1997; Lacourse, Côté, Nagin, Vitaro, Brendgen et Tremblay, 2002; Vitaro, Dobkin,
Gagnon et Leblanc, 1994; Werner et Smith, 1989).
Bien qu’il soit difficile de statuer sur les causes des problèmes de comportement,
puisqu’ils peuvent résulter à la fois des caractéristiques de l’enfant, des dysfonctions
163volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
familiales et de l’interaction des deux, tous en sont affectés. Ainsi, l’enfant subit des
conséquences de cette situation par les réactions négatives qu’il provoque. En outre,
les problèmes de comportement ont des répercussions négatives sur les différents
milieux de vie dans lesquels évolue l’enfant. La famille est évidemment la plus
directement touchée par cette problématique. Devant leurs difficultés à contrôler les
comportements négatifs de leur enfant, les parents se culpabilisent, s’épuisent et en
viennent à se sentir totalement impuissants. La plupart du temps, l’inefficacité de
leurs efforts engendre une dynamique d’interactions négatives « parents-enfants »
qui contribue à exacerber le problème. C’est alors toute la dynamique familiale qui
s’en trouve ébranlée de fait du climat de tension qui se développe au sein de la fratrie
(Webster-Stratton et Herbert, 1995).
Le milieu de garde est un autre contexte de vie particulièrement affecté par les
problèmes de comportement de l’enfant. Ces comportements nuisent au climat du
milieu de garde et entravent le bon déroulement des activités. Qu’ils soient témoins
ou victimes de gestes agressifs, les autres enfants du groupe réagissent à ces com-
portements. Certains ont des réactions d’insécurité, d’anxiété ou de perte de contrôle
qui exigent plus d’attention de la part des adultes (Kaiser et Sklar Rasminsky, 1999);
d’autres cherchent plutôt à imiter leurs pairs turbulents et copient les comporte-
ments problématiques. Dans de telles situations, les programmations sont souvent
perturbées puisque le personnel doit passer beaucoup de temps à gérer les crises, à
consoler les enfants et à contrôler les comportements inadéquats. L’étude de Coutu,
Lavigueur, Dubeau et Tardif (2003) indique que les comportements de colère et
d’agressivité physique sont les situations les plus difficiles à gérer pour les éducatrices.
On conçoit aisément que la présence, au sein d’un milieu de garde, d’un enfant qui
présente des problèmes de comportement puisse être lourde de conséquences à la
fois pour l’enfant, pour ceux qui l’entourent et pour les membres du personnel. Chez
ces derniers, il peut en résulter un sentiment d’incompétence, une impression d’ina-
déquation, des remords, des doutes, voire même une remise en question du choix de
la profession (Kaiser et Sklar Rasminsky, 1999).
Afin de contrer cette trajectoire développementale problématique, il importe
d’intervenir le plus précocement dans la vie de l’enfant pour éviter que se
cristallisent les comportements perturbateurs. Toutefois, le personnel en milieu de
garde se sent démuni à l’égard de ces comportements. En effet, selon certaines
études, l’intervention auprès des enfants ayant des problèmes d’agressivité constitue
le thème de formation le plus souhaité par le personnel en milieu de garde (Coutu et
coll., 2003). Cet article porte sur un programme d’intervention (le Service d’aide à
l’enfant et son milieu - SAEM) s’adressant au personnel des milieux de garde pour
l’aider à composer avec un (ou des) enfant présentant des problèmes de comporte-
ment. Ce programme s’appuie sur une évaluation précise des problèmes de com-
portement de l’enfant et sur le développement de stratégies visant à répondre aux
besoins que les comportements de l’enfant traduisent. La présente étude vise, d’une
part, à déterminer les stratégies éducatives utilisées par le personnel en milieu de
garde à l’égard des problèmes de comportement des enfants et, d’autre part, à exami-
ner l’utilité du programme selon l’appréciation formulée par les participantes.
164volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Il importe d’intervenir le plus
précocement dans la viede l’enfant pour éviter
que se cristallisent les comportements
perturbateurs.
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
Le texte se divise en quatre parties principales. La première présente un survol
rapide des programmes qui peuvent soutenir l’action du personnel éducatif. Les deux
suivantes décrivent respectivement la nature du programme SAEM et la méthode de
recherche utilisée pour en cerner la portée. La dernière partie porte sur les stratégies
éducatives utilisées en milieu de garde et sur l’appréciation du programme par les
participantes.
La prévention de l’inadaptation sociale de l’enfant
Au cours des quarante dernières années, de nombreux programmes préventifs
ont été développés à l’intention des enfants d’âge préscolaire, et particulièrement
ceux des milieux défavorisés. Qu’il s’agisse des programmes comme Head Start,
Abecederian Carolina Program ou Fast Track aux États-Unis ou des programmes
Apprenti-Sage, 1,2,3 Go ! ou Fluppy au Québec (CCPRG, 1997; Piché, Roy et Couture,
1992; Bastien, Plante et Cotte, 1995; Capuano, 1995; Weisberg et Greenberg, 1998;
Vitaro et Gagnon, 2000). Également, en milieu scolaire, plusieurs programmes de
prévention et d’intervention précoce ont été mis sur pied à l’intention des élèves
présentant des problèmes d’adaptation : programmes d’entraînement aux stratégies
de résolution de problèmes, programmes d’intervention impliquant des pairs, pro-
grammes d’entraînement aux habiletés sociales, etc. Ces programmes visent notam-
ment à stimuler le développement affectif et social des jeunes, à développer leurs
stratégies de gestion des conflits, à les amener à acquérir des habiletés sociales et à
mieux gérer leur stress. La philosophie de ces programmes, leurs cibles d’interven-
tion (jeunes, parents, éducateurs, professeurs, etc.), les instruments utilisés pour
mesurer leurs impacts et leurs impacts eux-mêmes sont très diversifiés (Desbiens,
2000), d’où la difficulté d’en tracer un portrait comparatif précis. Fortin et Bigras
(1997), suite à une recension de programmes préventifs destinés aux enfants à
risque, mentionnent que si le degré d’optimisme quant à l’efficacité de tels pro-
grammes varie énormément, il est très difficile d’en établir avec précision l’efficacité
en raison des limites méthodologiques imposées par le contexte d’évaluation de ces
programmes, notamment, la difficulté d’avoir un groupe contrôle, le nombre de
sujets peu élevé, les taux d’abandon élevés et la variabilité dans l’application des pro-
grammes.
Par ailleurs, les programmes de prévention des problèmes d’adaptation sociale
des enfants conçus et adaptés spécifiquement pour les milieux de garde à l’enfance
sont relativement peu nombreux (Coutu, Lavigueur, Dubeau et Harvey, 1995; Hamel,
1995; MSSSQ, 1997; Reese, Vera, Simon et Ikeda, 2002). Or, ces milieux sont des lieux
stratégiques pour la prévention des problèmes d’adaptation sociale. En effet, selon
les données de Statistiques Canada (2005), plus de 60 % des enfants âgés de six mois
à cinq ans au Québec sont confiés à un mode de garde quelconque. En outre,
plusieurs enfants fréquentent leur milieu de garde pour une période relativement
longue, ce qui les amène à y développer des liens importants. Donc, plusieurs fac-
teurs « militent fortement en faveur du développement et de l’intégration d’activités
165volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
Les programmes de prévention des
problèmes d’adaptationsociale des enfantsconçus et adaptés
spécifiquement pour lesmilieux de garde à
l’enfance sont relative-ment peu nombreux.
de prévention des problèmes d’adaptation sociale des enfants dans les milieux de
garde à l’enfance » (Coutu et coll., 2003 : 7).
Non seulement les programmes sont-ils peu nombreux, mais il existe peu de
données concernant les stratégies éducatives des éducatrices qui interviennent
auprès des enfants, notamment ceux qui présentent des difficultés d’adaptation. Or,
il s’agit là d’un volet majeur de l’intervention auprès des enfants en difficulté, car ce
sont ces personnes qui interviennent au quotidien auprès d’eux. D’ailleurs, Poliquin-
Verville et Royer (1992) soulignent que l’évaluation de programmes devrait tout
autant porter sur les stratégies éducatives du personnel que sur les progrès du jeune.
Les stratégies éducatives en milieu de gardeLes stratégies éducatives sont des techniques d’intervention concrètes des-
tinées aux jeunes; il s’agit d’actions concrètes et de moyens pratiques utilisés par le
personnel éducateur dans ses interventions auprès des enfants et des jeunes. Ces
stratégies visent à contrôler ou à développer les comportements en conformité avec
les attentes des adultes envers l’enfant (Grosenick et coll., 1985).
Certains auteurs distinguent deux grandes catégories de stratégies éducatives :
les interventions directes et indirectes (Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1998).
Les interventions directes incluent des interventions telles qu’ignorer les comporte-
ments agaçants, faire preuve d’humour pour dédramatiser une situation, offrir des
moments privilégiés d’attention, intervenir lorsque survient un comportement dan-
gereux ou injuste ou façonner les comportements souhaités par la discussion ou le
renforcement positif. Les interventions indirectes visent à modifier certains compor-
tements problématiques en agissant sur des éléments extérieurs à l’enfant. L’amé-
nagement des locaux, la mise en place d’un espace d’intimité, l’adoption d’un pro-
gramme d’activités variées et adaptées, la communication avec les parents sont autant
d’exemples d’interventions.
Pour sa part, Essa (2002) propose une typologie plus détaillée. Elle distingue dix
techniques de modification des comportements. Certaines favorisent le maintien
des comportements positifs, alors que d’autres visent plutôt la diminution des com-
portements perturbateurs. Ces dix techniques sont : 1) le renforcement, 2) l’igno-
rance, 3) l’isolement de l’enfant, 4) le retrait volontaire, 5) la prévention, 6) la réorien-
tation, 7) la discussion, 8) la créativité dans la solution de problèmes, 9) la période
spéciale et 10) le tableau de renforcement.
Selon Essa (2002), il est primordial que l’adulte sache comment faire face
adéquatement aux comportements inacceptables des jeunes. Sa réaction est suscep-
tible d’entraîner une foule de répercussions, car l’image que l’enfant a de lui-même
se construit principalement à partir des réactions de l’adulte à ses comportements.
Lorsque cette réaction a lieu en milieu de garde, elle peut avoir un impact non seule-
ment sur l’enfant, mais sur l’ensemble du groupe. Elle peut tout aussi bien contri-
buer au maintien d’un climat positif qu’entraver le déroulement des activités. Les
techniques proposées par Essa (2002) fournissent des pistes concrètes pour guider
l’adulte dans le choix de ses réactions face aux comportements d’un enfant. Mais il
doit garder en tête que chaque cas est unique. Donc, il doit utiliser son jugement afin
166volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
de choisir les bonnes techniques en fonction de l’enfant, du contexte et de la nature
du comportement en cause. D’où l’importance de faire une analyse approfondie de
chaque situation. C’est là l’idée centrale sur laquelle s’appuie le Programme SAEM.
Description du programme SAEM
Le Programme SAEM (Service d’aide à l’enfant et son milieu) est un programme
préventif destiné aux enfants âgés de 0 à 5 ans qui présentent des problèmes de com-
portement. Le programme comporte trois volets qui peuvent être mis en lien avec les
types de prévention distingués par l’Institute of Medecine (1994 cité dans Coutu et
coll., 2003). Le premier volet a un caractère universel, car il s’adresse à l’ensemble des
parents; il s’agit d’activités de formation aux parents. Le second est sélectif et prend
la forme de groupes pour familles défavorisées. Le troisième vise spécifiquement les
enfants qui présentent des problèmes de comportement; il s’agit du volet Aide et sou-
tien aux parents et au personnel en milieu de garde. C’est ce dernier volet qui cons-
titue l’objet de la présente étude.
Dans ce volet, l’intervention s’appuie sur le postulat que les enfants expriment
des besoins particuliers par leurs comportements inadéquats. Le processus consiste
essentiellement à cerner ces besoins et à apporter une aide et un soutien concrets
aux parents et au personnel en milieu de garde pour qu’ils puissent fournir une ré-
ponse adéquate aux besoins de l’enfant. Différents principes orientent l’interven-
tion : action à court terme dans les milieux de vie de l’enfant, approche d’enseigne-
ment et de « coaching », recherche de solutions concrètes dans « l’ici et maintenant »,
valorisation des forces des différents acteurs, reconnaissance des besoins de l’enfant,
encouragement à l’autonomie et interdisciplinarité (Bouchard, Girouard et St-Amand,
2004; Paradis et Cantin, 1993).
Les demandes de service peuvent provenir soit des parents, soit du milieu de
garde. Dans la plupart des cas, il est privilégié que les interventions se fassent à la fois
avec les parents et avec le milieu de garde, mais l’absence de l’un ou l’autre des par-
ties n’empêche pas le processus de se mettre en branle. Globalement, l’intervention
s’effectue en trois étapes : 1) évaluation de la situation problématique, 2) élaboration
d’un plan d’intervention, 3) application du plan avec une évaluation continue des
résultats. Le processus d’intervention se déroule sur trois à six rencontres, struc-
turées en fonction des étapes du processus, qui ont lieu dans les milieux de vie de
l’enfant, soit la famille et le milieu de garde, et qui se déroulent à un rythme variable
selon les besoins et le contexte.
La méthode d’évaluation
Pour évaluer l’utilité de ce programme, un devis basé sur une approche qualita-
tive a été privilégié. Étant donné qu’il s’agissait d’une première évaluation de ce pro-
gramme et considérant les défis d’une collecte d’information auprès d’éducatrices
167volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
qui sont en présence d’enfants, nous avons opté pour cette approche parce qu’elle
facilite la prise en compte des éléments contextuels, qu’elle permet de saisir l’expé-
rience dans la perspective de ceux qui la vivent et qu’elle autorise plus de souplesse
quant à la procédure de collecte de données (Deslauriers et Kérésit, 1997; Marshall et
Rossman, 1999; Patton, 1987). Deux types de données ont été utilisés pour cerner
l’influence du programme sur la gestion des problèmes de comportement. D’une
part, les stratégies éducatives utilisées pas les éducatrices ont été documentées à
deux moments, soit avant et après la mise en place du programme. D’autre part, une
mesure d’appréciation portant sur la satisfaction et sur les effets perçus a été effec-
tuée à la fin du programme.
Les données ont été collectées par entrevue avant que l’intervention débute
(temps 1) et au moment où l’intervention prenait fin (temps 2) auprès d’éducatrices
qui ont fait appel au programme SAEM entre décembre 2001 et mars 2003. Au temps
1, les éducatrices (n = 41) ont été rencontrées en personne, le plus souvent dans leur
milieu de travail. Les données ont été collectées à partir d’un schéma d’entrevue à
questions ouvertes dont le contenu portait sur les problèmes de comportement de
l’enfant et sur les stratégies de l’éducatrice à son endroit, avant le début de l’inter-
vention. Les problèmes de comportement étaient explorés en demandant à l’éduca-
trice de « décrire brièvement ce qui est plus problématique chez l’enfant » et en lui
faisant préciser les impacts de ces comportements sur elle, sur le groupe, sur les
autres enfants. Pour cerner les stratégies utilisées, la question suivante était posée :
« Jusqu’à maintenant, quels moyens concrets avez-vous mis en place en réaction aux
comportements décrits précédemment? ». L’éducatrice était alors invitée à décrire
chacune des stratégies utilisées ainsi que son contexte d’utilisation. Au temps 2, les
questions suivantes ont été posées : (1) « Quels moyens concrets utilisez-vous actuelle-
ment pour faire face aux comportements de (prénom de l’enfant)? » et (2) « Considérez-
vous qu’il y a eu un changement dans vos stratégies éducatives suite à l’intervention de
SAEM? ». Dans les cas où l’enfant avait quitté le milieu de garde ou avait changé de
groupe au temps 2, seule la seconde question était posée. Cette seconde collecte de
données a été réalisée dans le cadre d’un entretien téléphonique. Même si ce choix
impliquait l’utilisation d’une procédure différente de celle du temps 1, il a été retenu
parce qu’il était moins exigeant pour les répondantes en terme de disponibilité, ce
qui assurait un plus haut taux de réponse. En outre, comme cet entretien était réalisé
par la même personne que l’entrevue du temps 1, la communication était facilitée,
même si elle se déroulait au téléphone, par le fait qu’il y avait déjà un contact d’établi
avec les répondantes.
Lors de cet entretien, les éducatrices ont également été questionnées sur les élé-
ments ayant facilité et les éléments ayant fait obstacle à l’intervention, et elles ont été
invitées à fournir une appréciation du programme SAEM. Cette mesure d’apprécia-
tion a été réalisée avec la version abrégée de l’échelle de satisfaction [Client
Satisfaction Inventory/Short Form (CSI-SF)] développée par McMurtry et Hudson
(2000). Il s’agit d’une échelle de type Likert à 7 points comportant 9 énoncés. Cet
instrument présente une bonne validité de construit et une excellente cohérence
interne (alpha de Cronbach de 0,89 dans la présente étude). Quelques données
168volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
complémentaires, portant notamment sur les objectifs d’intervention et les moda-
lités d’aide, ont été recueillies dans les dossiers cliniques des enfants. Trente-cinq
éducatrices ont participé à cette deuxième entrevue, les autres n’étant pas
disponibles pour diverses raisons (refus, changement d’emploi). En moyenne, le temps
écoulé entre les deux entrevues est de 4,5 mois, avec un minimum de trois mois et un
maximum de sept mois et demi.
Le contenu des entrevues a fait l’objet d’un enregistrement audio et d’une trans-
cription intégrale. Il a ensuite été analysé selon les procédures habituelles de l’analyse
de contenu constitué : préparation du matériel, préanalyse, exploitation et analyse et
interprétation des résultats (Deslauriers et Mayer, 2000). Un système de catégorisa-
tion mixte a été privilégié; une partie des catégories est dérivée de la typologie de
Essa (2002) et l’autre partie a été induite en cours d’analyse. Le matériel a été analysé
à l’aide du logiciel NVivo 1.0.
Profil des répondantes Les éducatrices qui ont participé à l’étude proviennent de trois milieux : Centre
de la petite enfance (CPE) en installation (61 % des répondantes), CPE en milieu
familial (24,4 %) et milieu de garde privé (14,6 %). Ce sont des femmes dont l’âge
varie de 22 à 61 ans, avec une moyenne de 33,3 ans (ET = 8,9). La majorité d’entre
elles (77,5 %) ont un diplôme d’études collégiales. Leur expérience en milieu de garde
se situe en moyenne à 8 ans. Plus précisément, elle est de moins de 2 ans pour 17,1 %,
de 2 à 5 ans pour 31,7 %, de 6 à 10 ans pour 22 % et de plus de 10 ans pour 29,3 %.
Presque toutes ces personnes (95,1 %) travaillent à temps plein (4 ou 5 jours) et elles
s’occupent de groupes d’enfants dont la taille varie de 5 à 11 enfants (moyenne : 8,2,
ET = 1,6).
Les enfants visés par le programmeLa demande de service adressée au Programme SAEM par ces éducatrices porte
sur 41 enfants, majoritairement (78 %) des garçons, âgés de 2 à 5 ans, pour un âge
moyen de 3,3 ans. Une forte proportion des enfants de l’échantillon vivent au sein
d’une famille biparentale intacte (80 %), c’est-à-dire en compagnie de leur père et de
leur mère. Parmi les huit enfants ne vivant plus en famille intacte, six vivent le plus
souvent avec leur mère et deux vivent en garde partagée.
Le tableau 1 fournit la liste des besoins, considérés sous-jacents à leurs pro-
blèmes de comportement, qui sont mentionnés dans les plans d’intervention selon
le nombre d’enfants qui en sont l’objet. Aux fins de la présentation, ces besoins ont
été distingués en deux catégories selon qu’ils demandent une réaction de l’adulte ou
qu’ils renvoient plutôt au comportement de l’enfant lui-même.
169volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
Tableau 1 : Besoins des enfants tels qu’identifiés dans le plan d’intervention destiné
au milieu de garde (N = 35)
Les interventions Le nombre moyen d’interventions directes réalisées par l’intervenante SAEM est
de 7,5 par enfant (ET = 3,7). Une intervention directe correspond à « une action con-
crète auprès de l’enfant, de l’éducatrice ou des parents. L’intervention directe ne cons-
titue pas par exemple une simple prise de rendez-vous par téléphone ». Le nombre
moyen d’interventions réalisées en milieu de garde (moyenne : 5,1; ET = 2,6) est plus
élevé que le nombre d’interventions en milieu familial (moyenne : 3,4; ET = 2,1).
Précisons à cet égard que dans le cas de 8 enfants, il n’y a aucune intervention en
milieu familial; ils ne sont pas comptabilisés dans la moyenne.
La nature des stratégies éducatives
L’analyse des propos recueillis auprès des éducatrices a conduit à distinguer
12 stratégies éducatives (S1 à S12) qui peuvent être regroupées en deux types : (1)
celles qui sont utilisées en amont de la manifestation du comportement probléma-
tique et (2) celles qui constituent une réaction au comportement problématique. Les
premières réfèrent à des actions posées avant que l’enfant manifeste un comporte-
ment problématique ou en dehors des moments où il se désorganise. Ces stratégies,
qui visent à diminuer le risque que le comportement problématique se présente,
sont : les actions préventives (interventions indirectes et promotion de comporte-
170volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
Nombre d’enfants Besoin identifié dans le plan d’intervention
8 Etre encadré, avoir des limites
4 Être stimulé, motivé sur différents plans
4 Améliorer son estime de soi
3 Être arrêté
3 Sécurité
2 Cohérence entre la maison et le service de garde
1 Distanciation par rapport à l’adulte
1 Pouvoir
7 Apprendre à s’exprimer ou à s’affirmer de façon adéquate
3 Apprendre à s’approprier une place confortable, positive dans le groupe
3 Apprendre à gérer son agressivité
2 Apprendre à respecter les consignes
2 Apprendre à respecter ses limites
1 Dépenser son plein d’énergie
1 Développer son attention
Besoin qui exige une réaction de l’adulte
Besoin qui renvoie au comportement
de l’enfant
ments positifs), le renforcement positif, l’utilisation de la dynamique du groupe, la
stimulation de l’enfant et les interventions normalisantes. Ces stratégies s’actua-
lisent à travers différents comportements qui sont illustrés dans le tableau 2.
Tableau 2 : Nature des comportements correspondant aux stratégies en amont du
comportement
Les stratégies utilisées en réaction au comportement problématique réfèrent à
des actions posées au moment où l’enfant présente un problème de comportement.
Elles correspondent aux actions suivantes : la prise de conscience, l’application de
conséquences, l’ignorance du comportement, le retrait volontaire, la réorientation,
le défoulement de l’enfant et le contact physique avec l’enfant. Leur nature est pré-
cisée dans le tableau 3.
171volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Organiser l’environnement physique
Ajuster les modalités de fonctionnement du groupe
Ajuster les exigences
Rappeler les consignes et les faire répéter par l’enfant
Formuler positivement les consignes
Annoncer des conséquences
Présenter des options possibles
Attribuer des responsabilités à l’enfant
Placer l’enfant à proximité d’une éducatrice
Éviter les situations à risque de problèmes de comportement
Féliciter et encourager verbalement et non verbalement
Utiliser un tableau de motivation
Attribuer des récompenses, privilèges
Mettre en valeur les forces de l’enfant
Sensibiliser les autres enfants à la situation
Outiller les autres enfants pour résoudre les situations conflictuelles
Solliciter la collaboration des autres enfants
Jumeler les enfants
Encourager la résolution de problèmes entre enfants
Changer l’enfant de groupe périodiquement
Diminuer les interventions publiques à l’endroit de l’enfant
Réagir plus discrètement
Stimuler les fonctions cognitives par des jeux appropriés
Proposer des activités pédagogiques
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
Promotion de comportements positifs
Interventions indirectes
Renforcement positif
Actions préventives
Stratégies centrées sur ladynamique du groupe
Interventionsnormalisantes
Stimulation de l’enfant
Tableau 3 : Nature des stratégies utilisées en réaction au comportement
Le tableau 4 trace un portrait de l’utilisation de ces différentes stratégies éduca-
tives au temps 1. L’examen des résultats, sans distinction du type de milieux de garde,
indique que cinq stratégies sont utilisées par plus de 50 % des éducatrices : les
actions préventives, le renforcement positif, l’utilisation de la dynamique du groupe,
l’application de conséquences et la prise de conscience. En contrepartie, certaines
stratégies sont utilisées par moins de 10 % des éducatrices, soit les interventions nor-
malisantes et le retrait volontaire.
Même si cet exercice doit être considéré avec prudence compte tenu du faible
nombre de répondantes, la comparaison des stratégies selon le type de milieux de
garde fait ressortir quelques observations intéressantes. Ainsi, quatre des cinq straté-
gies utilisées par une majorité d’éducatrices sont partout les mêmes, soit les actions
préventives, le renforcement positif, l’application de conséquences et la prise de
conscience. Seules les stratégies centrées sur la dynamique du groupe dérogent à
cette constante en étant utilisées par plus de 50 % des éducatrices en installation et
en milieu de garde privé, mais par 30 % des éducatrices en milieu familial. On note
également que la prise de conscience est utilisée par environ 50 % des éducatrices en
milieu de garde privé et en installation alors qu’elle est mise de l’avant par 90 % des
éducatrices en milieu familial. On note également un écart dans l’utilisation du ren-
forcement positif entre les éducatrices en installation (64 %) et celles en milieu de
garde privé (100 %). Parmi les stratégies moins répandues, le défoulement de l’enfant
n’est pas utilisé par les éducatrices en milieu familial alors qu’il l’est par le tiers des
éducatrices en milieu de garde privé. En outre, les données indiquent l’absence de
172volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
Mettre un terme à une activité
Enlever un privilège
Exiger réparation
Retirer du groupe
Démontrer une ignorance intentionnelle
Faire preuve de tolérance
Offrir à l’enfant de s’isoler du groupe
Attirer l’attention de l’enfant sur autre chose
Faire appel à la contribution de l’enfant
Permettre à l’enfant d’extérioriser ses sentiments
Faire des activités qui permettent de bouger
Maintenir une proximité physique avec l’enfant
Se mettre à la hauteur de l’enfant pour lui parler
Lui toucher pour le rassurer
Prise de conscience Discuter de la situationFaire une démonstration de la situation (l’imiter)
Application des conséquences
Ignorance du comportement
Retrait volontaire
Réorientation
Défoulement
Contact physiqueavec l’enfant
quelques stratégies dans certains types de milieux de garde. Ainsi, le retrait volontaire
et le défoulement de l’enfant ne sont pas utilisés par les éducatrices en milieu fami-
lial alors que les actions normalisantes sont absentes en milieu familial et en garderie
privée.
Tableau 4 : Portrait des stratégies éducatives utilisées en Temps 1 en fonction du
type de milieux de garde de l’éducatrice
Le tableau 5 compare l’utilisation de chacune des stratégies avant et après le
programme SAEM. Cette comparaison porte seulement sur 25 éducatrices, soit celles
qui étaient toujours responsables de l’enfant à l’origine de la demande de service, au
temps 2. Les données indiquent que sept stratégies sont utilisées par moins d’éduca-
trices à la fin de l’intervention. La diminution du nombre d’éducatrices utilisant ces
stratégies varie d’une à huit. En ordre décroissant, ces stratégies sont : les stratégies
centrées sur le groupe et sa dynamique (-8), l’application de conséquences (-6), les
actions préventives (-5), l’ignorance du comportement (-4), le renforcement positif (-2),
la réorientation (-2) et les interventions normalisantes (-1). D’autre part, quatre stra-
tégies sont utilisées par plus d’éducatrices au temps 2, mais l’augmentation est
173volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
Stratégies éducatives Utilisation parl’ensemble
des éducatrices
(N = 41)
Utilisation parles éducatrices
en CPE installation
(N = 25)
Utilisation parles éducatrices
en CPE Mil. familial
(N = 10)
Utilisation parles éducatrices
en milieu privé
(N = 6)
Stratégies en amont des manifestations du comportementproblématique
S 2- Renforcement positif
S1 - Actions préventives
S3 - Centrées sur le groupe
Centrées sur la dynamique
S4- Interventions normalisantes
Stratégies en réaction au comportement problématique
S7 - Application de conséquences
S6 - Prise de conscience
S8 - Ignorance du comportement
S12 -Contact physique avec l’enfant
S10 -Réorientation
S11 -Défoulement de l’enfant
S9 - Retrait volontaire
N % N % N % N %
30 73,2 16 64,0 8 80,0 6 100
27 65,9 16 64,0 7 70,0 4 66,8
21 51,2 15 60,0 3 30,0 3 50,0
7 17,1 5 20,0 1 10,0 1 16,7
2 4,9 2 8,0 – – – –
N % N % N % N %
36 87,8 20 80,0 10 100 6 100
25 61,0 13 52,0 9 90,0 3 50,0
12 29,3 7 28,0 4 40,0 1 16,7
12 29,3 7 8,0 3 0 2 3,3
11 26,8 8 32,0 2 20,0 1 16,7
7 17,1 5 20,0 – – 2 33,3
4 9,8 3 12,0 – – 1 16,7
faible. Il s’agit du contact physique avec l’enfant et du défoulement de l’enfant (+2),
ainsi que la stimulation de l’enfant et la prise de conscience (+1).
Tableau 5 : Comparaison entre l’utilisation des stratégies éducatives au T1 et au T2
Au temps 1, le nombre moyen de stratégies utilisées est de 4,60 (ET = 1,47) alors
qu’il est de 3,80 (ET = 1,71) au temps 2. Pour 14 éducatrices (56 %), la diversité des
stratégies utilisées diminue alors qu’elle augmente pour cinq seulement (20 %).
Donc, on observe une tendance allant dans le sens d’une diminution de la variété des
stratégies utilisées, mais il n’est pas impossible que cette tendance soit attribuable à
la différence dans la procédure de collecte des données.
Bien qu’il soit difficile de statuer sur l’influence du programme sur ces change-
ments dans les stratégies utilisées, selon l’appréciation des éducatrices, le programme
conduit à des effets positifs. En effet, à la question : « Considérez-vous qu’il y a eu un
changement dans vos stratégies éducatives suite à l’intervention de SAEM? », les trois
quarts (77 %) des répondantes considèrent que l’intervention de SAEM a contribué à
modifier leurs stratégies éducatives. Comme l’illustre le tableau 6, ce changement
prend différentes formes. Dans certains cas, elles recourent à des stratégies qu’elles
utilisaient déjà, mais les appliquent différemment. Dans d’autres cas, elles indiquent
avoir amorcé l’utilisation de stratégies qu’elles connaissaient, mais n’avaient jamais
appliquées auparavant. Enfin, quelques situations donnent lieu à la mise en œuvre
de stratégies qui étaient inconnues jusque-là.
174volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
Stratégies éducatives Utilisationpar les
éducatricesau T1
(N = 25)
Utilisationpar les
éducatricesau T2
(N = 25)
Écart dans les
utilisations(N = 25)
Stratégies en amont des manifestations du comportement problématique
S2 - Renforcement positif
S1 - Actions préventives
S3 - Centrées sur le groupe
Centrées sur la dynamique
S4 - Interventions normalisantes
Stratégies en réaction au comportementproblématique
S7 - Application de conséquences
S6 - Prise de conscience
S8 - Ignorance du comportement
S12 -Contact physique avec l’enfant
S10 -Réorientation
S11 -Défoulement de l’enfant
S9 - Retrait volontaire
N % N % N %
18 72,0 16 64,0 -2 -8,0
17 68,0 12 48,0 +5 -20,0
16 64,0 8 32,0 -8 -32,0
6 24,0 7 28,0 +1 +4,0
2 8,0 1 4,0 -1 -4,0
N % N % N %
21 84,0 15 60,0 -6 -24,0
15 60,0 16 64,0 +1 +4,0
7 28,0 3 12,0 -4 -16,0
7 28,0 9 36,0 +2 +8,0
4 16,0 2 8,0 -2 -8,0
3 12,0 5 20,0 +2 +8,0
1 4,0 1 4,0 0 0,0
Tableau 6 : Illustration de chacun des niveaux de perception du changement à partir
des propos des éducatrices
En ce qui a trait à leur satisfaction au regard de l’intervention, sur une échelle
pouvant varier théoriquement entre 0 et 100, le résultat moyen pour l’ensemble des
répondantes est de 85,5 (ET= 16,2). Si le fait que les éducatrices qui perçoivent un
changement se disent plus satisfaites des services reçus (91,5) que celles qui ne
perçoivent pas de changement (65,3) n’est pas étonnant en soi, il n’en indique pas
moins que l’échelle de satisfaction laisse place à l’expression d’une position moins
favorable à l’égard du programme (Z (N = 35)= -3,59, p<,001).
175volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
1. L’intervention n’a apporté aucun changementNon, je pense que ça n’a pas fait de changement. Je trouvais que j’avais comme pas de pisted’intervention puis je passais mon temps à remplir des questionnaires. C’est ça qui m’acha-lait un petit peu. (Éduc.#2)Non, il n’y a pas vraiment eu de changement dans mes pratiques. Les interventions quim’avaient été suggérées par (l’intervenant), ce sont des choses que déjà en garderie,comme éducatrice, on fait déjà ça. Les interventions proposées comme telles, on les faitdéjà. (Éduc.#33)
2. Utilisation des mêmes stratégies validées par l’intervenantJe te dirais que SAEM est venu un peu confirmer les choses que je faisais déjà avec lui, quej’étais dans la bonne voie. (Éduc.#13)Il y a eu du renforcement par rapport à ce que je faisais déjà. Les visites de (l’intervenant)ont permis de confirmer nos interventions je pense. Ça a validé ce que je faisais. (Éduc.#27)
3. Utilisation des mêmes stratégies en les appliquant différemment (nouvelles modalités d’application)Il y a des choses que je faisais avant, mais pas nécessairement de la même façon.(Éduc.#19)(L’intervenant) m’a aussi proposé d’utiliser ces stratégies (que j’utilisais déjà) dans d’autres situations où je n’avais pas l’habitude de les utiliser. (Éduc.#9)
4. Utilisation de stratégies connues, mais non utilisées au temps 1(rappel de stratégies par l’intervenant)Axer les commentaires sur le comportement et non sur la personne, c’est une interventionqu’on connaît déjà, mais de se le faire rappeler particulièrement pour tel jeune, c’est aidant,ça m’aide à porter plus attention. (Éduc.#11)Des fois, on va vers le chemin le plus court et puis on n’y repense pas d’utiliser ces points-là,mais en me les rappelant, là j’y pense plus. (Éduc.#30)
5. Utilisation de nouvelles stratégiesIl y a eu beaucoup de changements pour intervenir avec elle. Il y avait l’adaptation de monmatériel pour elle. Quand je lui parlais, je mebaissais tout le temps pour être vraiment à sonniveau puis j’attendais vraiment qu’elle me regarde avec ses yeux. Mes interventions, je neles faisais plus devant le groupe, je ne disais plus son nom fort. Ça c’est tout du nouveau.(Éduc.#21)Les fiches, c’est vraiment nouveau puis c’est vraiment magique. Je pense qu’elle est visuellepuis de lui dire comment je me sentais, elle ne le comprenait pas. Le voir, c’est très différentpour elle. (Éduc.#23)Avec le plan d’intervention, ça a beaucoup changé. On mettait plus l’accent sur des chosescomparativement à avant où il y a des choses que je faisais puis que c’était un peu uneperte. Ce n’était pas le temps pour lui de faire ces acquisitions-là. Alors on s’est vraimentconcentré sur autre chose. (Éduc.#36)
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
Tableau 7 : Perception des éducatrices au regard des changements dans leurs
stratégies éducatives et satisfaction au regard de l’intervention
Entre autres éléments sous-jacents à la satisfaction des éducatrices, il y a la pos-
sibilité de donner un sens aux comportements de l’enfant, la concordance des
moyens proposés avec les préoccupations professionnelles, la simplicité des actions
suggérées et la possibilité de transférer les acquis à d’autres situations; leur portée ne
se limite pas à la situation spécifique de l’enfant en difficulté.
(L’intervenant) m’a fait comprendre pourquoi il avait ce comportement-là, puis
en comprenant, il me semble que ça va mieux quand on sait pourquoi le comporte-
ment est là. (Éduc. #36)
Ça collait beaucoup avec ma personnalité,, donc c’était facile pour moi de mettre
en pratique les points qu’on avait dits. (L’intervenant) me demandait toujours qu’est-
ce que moi je voulais, qu’est-ce que moi j’aimais, puis les consignes de mon local, puis
comment moi je fonctionnais. (L’intervenant) ne me proposait pas des affaires qui ne
collaient pas avec moi. (Éduc. #21)
Ce sont des petits trucs qui sont simples et efficaces, qui fonctionnent bien.
(L’intervenant) a été très à l’écoute et a pris le temps vraiment d’essayer de comprendre
un peu ce que nous autres on pouvait vivre à la garderie. (Éduc. #26)
C’est un point fort qu’ils m’ont apporté qui est très utile dans ma pratique de tous
les jours. C’est que tu ne t’attends pas à un résultat, donc tu n’es pas déçue. On y va
tranquillement dans ça, puis à un moment donné, ça va ressortir. (Éduc. #29)
Parmi les obstacles mentionnés, on retrouve les présences parfois trop espacées
de l’intervenante SAEM, l’absence d’interventions directes de sa part auprès de l’en-
fant et le caractère parfois irréaliste de certaines suggestions. Leurs propos qui sui-
vent illustrent ces commentaires négatifs à l’endroit du programme.
J’aurais aimé être capable de voir (l’intervenant) plus souvent. Si c’était à recom-
mencer, je lui demanderais peut-être des rendez-vous un petit peu plus fréquents. Je
trouve quand même que c’est un long bout à passer entre les rencontres. (Éduc. #12)
176volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Total
Changement perçu 27
Satisfaction : résultat moyen 91,50
(écart-type) (10,31)
Aucun changement perçu 8
Satisfaction : résultat moyen 65,28
(écart-type) (16,44)
TOTAL 35
85,50
(16,18)
Z = -3,59, p < 0,001 (test de Mann-Whitney)
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
Entre autres éléments sous-jacents
à la satisfaction des éducatrices, il y a la
possibilité de donner un sens aux comporte-
ments de l’enfant, laconcordance des moyens
proposés avec les préoccupations profes-sionnelles, la simplicitédes actions suggérées
et la possibilité de transférer les acquis à
d’autres situations
C’est sûr que j’aurais aimé ça que (l’intervenant) vienne passer des périodes pour
intervenir directement avec l’enfant. Parce que souvent, voir intervenir quelqu’un qui
saisit mieux les concepts que de seulement te les faire expliquer. (Éduc. #21)
C’est ce que je reproche, des fois on nous propose des choses comme si on avait
juste un enfant, mais on en a dix, tous avec d’autres troubles à corriger. (Éduc. #2)
Dans le bilan qu’elles font du programme, les éducatrices identifient trois types
de conditions de réussite de l’intervention : a) la qualité de l’appui qui leur est offert
par l’intervenant SAEM, b) la concertation entre les trois principaux acteurs engagés
envers l’enfant soit les parents, l’intervenant SAEM et elle-même et c) la rapidité
d’accès aux services offerts par le programme SAEM. Ces conditions sont illustrées
par les propos rapportés dans le tableau suivant.
Tableau 8 : Perception des éducatrices sur les conditions de succès du programme
Discussion et conclusion
Cette étude a été réalisée dans l’optique de mieux cerner les stratégies éduca-
tives utilisées par le personnel des milieux de garde par rapport aux enfants qui
présentent des problèmes de comportement et d’évaluer l’influence d’un programme
visant à soutenir leur action auprès de ces enfants. Les données indiquent que le per-
sonnel de garde fait appel à une grande variété de stratégies lorsqu’il s’agit de com-
poser avec un enfant difficile. Ces stratégies ne sont pas que réactives; plusieurs sont
mises en place avec la préoccupation de prévenir les problèmes avant qu’ils se mani-
festent. Les résultats traduisent également que la majorité des éducatrices ayant
bénéficié du Programme SAEM perçoivent des changements dans leurs stratégies
éducatives. Leurs propos suggèrent qu’en faisant une meilleure analyse des besoins
que l’enfant exprime à travers ses comportements, elles sont davantage en mesure
de trouver des stratégies efficaces et, a contrario, d’éviter l’utilisation de stratégies
moins appropriées. Les propos des éducatrices traduisent également que le
177volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
L’écoute, quand (l’intervenant) m’a écoutée, je l’ai beaucoup aimé. Je trouve que (l’intervenant) ne me jugeait pas. Tout a été très positif. Je l’ai trouvé vraiment humain,ouvert et je ne me suis pas sentie jugée. Je ne me suis pas sentie incompétente. (Éduc.#23)
(L’intervenant) avait beaucoup de relations aussi avec les parents, au niveau de la famille,c’était de voir que je ne travaillais pas dans un seul sens. (L’intervenant) a pu faire l’inter-médiaire, le pont entre les deux milieux. (Éduc.#15)
Quand on a besoin de (l’intervenant), il est toujours là. (L’intervenant) est quand mêmeassez présent. Ce n’est pas tellement long non plus avant que (l’intervenant) se déplace. En gros, c’est pas mal ça, la disponibilité. (Éduc.#34)
Qualité de l’appui offertpar l’intervenant SAEM
Concertation entre les principaux acteursengagés vers l’enfant
Rapidité d’accès auxservices
Programme SAEM influence l’ensemble de leur pratique, et non seulement l’inter-
vention spécifique auprès de l’enfant en difficulté. Cependant, elles demeurent con-
vaincues qu’une intervention efficace auprès d’un enfant en difficulté exige une
action concertée des principaux acteurs qui gravitent autour de l’enfant. À cet égard,
l’orientation du programme SAEM, à l’effet d’impliquer conjointement les parents et
le personnel du milieu de garde dans une action concertée auprès de l’enfant, appa-
raît comme étant une option incontournable.
Les résultats de cette étude viennent appuyer, d’une part, l’importance d’aug-
menter la formation des éducatrices en matière de gestion des comportements diffi-
ciles et, d’autre part, la nécessité de leur fournir un soutien adéquat pour composer
avec ces enfants dont la présence a souvent un effet perturbateur sur le groupe. Ils
supportent également l’importance de la communication parents-éducatrice dans
l’aide aux enfants en difficulté, la qualité de cette communication étant générale-
ment considérée comme la pierre angulaire d’un partenariat efficace entre la famille
et le milieu de garde (Coutu et coll., 2003; Owen, Wade et Barffot, 2000).
Évidemment, ces résultats doivent être examinés à la lumière des limites de
cette étude, limites qui tiennent notamment à la taille de l’échantillon, à l’absence de
groupe de comparaison et à la nature subjective de l’information collectée. Les choix
méthodologiques effectués n’en ont pas moins permis de recueillir une information
riche sur les stratégies des éducatrices en garderie et sur les changements perçus au
regard de leurs stratégies éducatives suite à la participation à un programme d’inter-
vention visant la prévention des problèmes d’adaptation sociale par l’intervention en
milieu de garde. Par ailleurs, même si un autre volet de cette recherche (Turcotte,
Saint-Jacques, St-Amand, Beaudoin et Champoux, 2004) a fait ressortir que la parti-
cipation au programme SAEM s’était accompagnée d’une amélioration des compor-
tements des enfants, il faut poursuivre les travaux sur l’évaluation des programmes
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Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme
Les résultats de cetteétude viennent appuyer,d’une part, l’importance
d’augmenter la forma-tion des éducatrices enmatière de gestion des
comportements difficileset, d’autre part, la
nécessité de leur fournirun soutien adéquat pour
composer avec cesenfants dont la présence
a souvent un effet perturbateur sur le
groupe.
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Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans :
les programmes ALI
Martine VERREAULTUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada
Andrée POMERLEAUUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada
Gérard MALCUITUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada
RÉSUMÉ
La présente étude examine l’impact d’Activités de Lecture Interactive (ALI) sur
le développement cognitif et langagier d’enfants d’âge préscolaire. Cent douze
enfants bénéficient de l’intervention selon trois programmes (ALI-Bébé, ALI-Bambin
et ALI-Explorateur). Les programmes sont implantés à domicile, en milieu de garde
ou dans les deux contextes. Nous évaluons le développement cognitif et langagier
des enfants avant le début des programmes, puis après 6 mois d’application. Dans
l’ensemble, les enfants obtiennent des résultats normalisés significativement plus
élevés à la deuxième mesure. Nous observons une différence entre les programmes :
les résultats de développement augmentent de façon significative pour les enfants
des programmes ALI-Bébé et ALI-Bambin, mais non pour ceux du programme ALI-
Explorateur. La grandeur des gains ne diffère pas d’un contexte d’implantation à
l’autre. De plus, nos résultats révèlent que l’intervention entraîne des gains signifi-
catifs aux mesures de langage expressif et d’habiletés non-verbales. La discussion
s’organise autour de ces constatations. Notre étude souligne l’efficacité de pro-
grammes axés sur des Activités de Lecture Interactive pour hausser le développe-
ment cognitif et langagier des enfants durant les années préscolaires.
ABSTRACT
The Impact of Interactive Reading Programs on Cognitive and LanguageDevelopment Among Children from 0 to 5 Years Old: The ALI ProgramsMartine VERREAULT, Andrée POMERLEAU and Gérard MALCUIT
Infant Study Lab, Department of Psychology
Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
This study examines the impact of interactive reading activities (ALI) on the co-
gnitive and language development of pre-school-aged children. One hundred twelve
children benefit from the interventions of three programs (ALI-Bébé, ALI-Bambin et
ALI-Explorateur). These programs are established in the home, in day-care centres or
in both contexts. We evaluate the cognitive and language development of children
before they begin the programs, and again after 6 months of application. Overall, the
children’s standardized scores were significantly higher after the programs. We
observed a difference between the programs – the development scores increase signi-
ficantly for children in the ALI-Bébé and ALI-Bambin programs, but not for those in
the ALI-Explorateur program. The size of gains does not differ from one setting-
context to another. Our results also reveal that the intervention leads to significant
gains in expressive language and non-verbal abilities scores. The discussion revolves
around these findings. Our study highlights the effectiveness of programs based on
interactive reading activities as a means of raising the cognitive and language deve-
lopment of children during the pre-school years.
183volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
RESUMEN
Impacto de programas de Actividades de Lectura Interactiva sobre eldesarrollo cognitivo y lingüístico de los niños entre 0 y 5 años : los programas ALIMartine Verreault, Andrée Pomerleau y Gérard Malcuit
Laboratorio de estudios sobre los lactantes, Departamento de sicología
Universidad de Quebec en Montreal, Quebec, Canadá
El presente estudio examina el impacto de las actividades de lectura interactiva
(ALI) sobre el desarrollo cognitivo y lingüístico de los niños en edad preescolar.
Ciento doce niños beneficiarios de dicha intervención según tres programas (ALI-
Bebé, ALI-Chiquillo, y ALI-Explorador). Los programas se llevan a cabo en los domi-
cilios, en las guarderías o en los dos contextos. Evaluamos el desarrollo cognitivo y
lingüístico de los niños antes del inicio del programa y 6 meses después de su
implantación. En total, los niños obtienen resultados normalizados significativa-
mente más elevados durante el segundo programa. Observamos una diferencia entre
los programas : los resultados del desarrollo aumentan de manera significativa para
los niños de los programas ALI-Bebé y ALI-Chiquillo, pero no para los del programa
ALI-Explorador. La proporción de lo adquirido no difiere de un contexto de
implantación al otro. Además, nuestros resultados revelan que la intervención
provoca ganancias significativas cuando se mide el lenguaje expresivo y las habili-
dades no-verbales. La discusión se organiza alrededor de estas constataciones.
Nuestro estudio subraya la eficacia de los programas centrados en actividades de lec-
tura interactiva para aumentar el desarrollo cognitivo y lingüístico de los niños
durante los años preescolares.
Contexte théorique
Les cinq premières années de vie de l’enfant semblent cruciales pour l’acquisi-
tion des habiletés nécessaires pour rencontrer les exigences des apprentissages sco-
laires. Certaines des compétences cognitives acquises avant la maternelle prédisent
la performance scolaire (Ramey & Ramey, 1998; Stevenson & Newman, 1986). En
effet, dans l’ensemble de ses compétences cognitives, le niveau des habiletés langa-
gières de l’enfant d’âge préscolaire explique en bonne partie la qualité de son fonc-
tionnement ultérieur à l’école (Scarborough & Dobrich, 1994; Whitehurst, Epstein et
al., 1994). Par exemple, l’étendue de son vocabulaire avant l’entrée à l’école est un
bon prédicateur de son succès en lecture un peu plus tard (Wells, 1987). De tels cons-
tats soulignent l’importance pour l’enfant d’acquérir tôt un bon niveau d’habiletés
cognitives et langagières.
184volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
De tels constatssoulignent l’importancepour l’enfant d’acquérir
tôt un bon niveau d’habiletés cognitives
et langagières.
Dès leurs premières années de vie, les enfants présentent des différences dans
la qualité de leur développement cognitif et langagier (Alexander & Entwisle, 1988;
Edwards, 1995). Selon un rapport de la Carnegie Foundation for the Advancement of
Teaching (1991), 35 % des jeunes américains entrent à la maternelle avec un niveau
langagier insuffisant pour aborder avec succès les tâches d’apprentissage. Ils présen-
tent des lacunes sur le plan du vocabulaire et de l’organisation grammaticale des
phrases. Une enquête plus récente auprès d’enseignantes de la maternelle confirme
cette réalité. Elle révèle que près de la moitié (48 %) des enfants américains réussis-
sent mal la transition de la maison à l’école (National Center for Early Development
and Learning, 1998). Le personnel rapporte que les enfants ont de la difficulté à com-
prendre des consignes, à travailler de façon autonome, à communiquer et à maîtri-
ser des notions générales. Ces problèmes posent un défi, car il semble que ce que l’on
observe à la maternelle se maintient jusqu’au secondaire (Stevenson & Newman,
1986; Wells, 1987). Ainsi, un faible niveau cognitif et langagier à l’entrée à l’école
handicape grandement le rendement scolaire ultérieur des enfants. L’enrichissement
de leurs habiletés préscolaires faciliterait la transition à l’école et un meilleur succès
par la suite (Alexander & Entwisle, 1988).
Les expériences vécues pendant l’enfance, à la maison ou en milieu de garde,
sont d’importantes sources d’influence pour le développement des habiletés langa-
gières nécessaires aux apprentissages ultérieurs (Hart & Risley, 1995). Selon l’ap-
proche interactionniste, le langage expressif et réceptif se développe, dès le début de
la vie, à travers des expériences d’interactions offertes par les environnements fami-
lial et social de l’enfant (Ninio, 1992; Perna, 2003; Ramey & Ramey, 1998; Snow, 1984).
Les personnes présentes dans les milieux que fréquente l’enfant (parents, grands-
parents, éducatrices, etc.) peuvent faciliter ou non son développement langagier.
Les échanges verbaux entre l’adulte et l’enfant contribuent également au
développement du langage expressif et réceptif. L’enfant apprend le langage et les
règles de la communication à partir de ce qu’il entend (Ninio, 1992). La recherche
montre que la fréquence des interactions verbales entre les parents et leur bambin
est en relation positive avec l’acquisition du vocabulaire de l’enfant à 2 ans
(Huttenlocher, Haight, Bryk, Seltzer, & Lyons, 1991) et avec son développement co-
gnitif à 9 ans (Hart & Risley, 1995). Cependant, la fréquence ne peut expliquer, à elle
seule, le niveau de développement de l’enfant (Hart, 1991). Le style et le contenu lan-
gagier de l’adulte qui interagit avec lui doivent aussi être pris en considération.
Lorsque le parent parle à son enfant, il adopte un style différent de celui qu’il utilise
pour parler à un adulte. Il recourt à un langage simple et redondant, habituellement
ajusté au niveau de compréhension du petit. L’étude de Hoff-Ginsberg (1985) confirme
la relation positive entre le développement langagier de l’enfant et l’utilisation par le
parent de phrases courtes, énoncées clairement avec une intonation expressive. De
plus, des catégories d’énoncés présentes dans le langage de l’adulte sont particu-
lièrement importantes pour expliquer le niveau langagier de l’enfant, notamment les
énoncés interrogatifs et ceux qui renforcent les expressions (Lacroix, Pomerleau, &
Malcuit, 2002). En effet, les questions suscitent des réponses verbales de l’enfant. Qui
plus est, le renforcement des sons qu’il produit, par des encouragements et des
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Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
Un faible niveau cognitif et langagier
à l’entrée à l’école handicape grandement
le rendement scolaireultérieur des enfants.
rétroactions, incite le bébé à continuer à faire ces sons et dirige ses productions vers
des formes de plus en plus langagières (Malcuit, Pomerleau, & Séguin, 2003). En
somme, l’acquisition du langage par le jeune enfant dépend, en partie, de la quantité
de ses échanges verbaux avec un adulte familier, du style langagier adopté par ce
dernier et du type d’énoncés qu’il émet pendant l’interaction verbale (Ninio, 1992;
Snow, 1984).
Des contextes d’interactions entre l’adulte et l’enfant sont plus propices que
d’autres à de bons échanges. En particulier, les contextes de lecture permettent d’in-
tégrer, de façon optimale, un style et un contenu associés à la qualité du développe-
ment langagier des enfants. En situation de lecture, l’adulte utilise une plus grande
variété de mots et questionne plus souvent l’enfant que lors du jeu libre (Lewis &
Gregory, 1987). Il donne davantage de rétroactions et d’encouragements aux verba-
lisations de l’enfant que dans les autres contextes (McDonnell, Rollins, & Friel-Patti,
2001). Les conduites verbales de l’adulte sont plus contingentes à celles de l’enfant et
davantage associées à son développement langagier que celles présentes lors des
soins, des repas, de l’habillement ou des jeux (Hoff-Ginsberg, 1991). L’adulte offre, en
situation de lecture, un modèle langagier plus riche et plus varié que lors des autres
activités.
De nombreuses études montrent l’importance de la lecture adulte-enfant et des
conduites verbales qu’elle favorise. Le fait de regarder des livres avec un parent ou un
adulte familier est positivement corrélé aux habiletés langagières de l’enfant (Bus,
van IJzendoorn, & Pellegrini, 1995; Scarborough & Dobrich, 1994). Le lien entre les
activités de lecture au cours des années préscolaires et le développement cognitif et
langagier de l’enfant perdure. Crain-Thoreson et Dale (1992) rapportent une corréla-
tion positive entre des sessions de lecture parent-enfant à 2 ans et des mesures cogni-
tives et langagières prises à 2 et 4 ans. Aussi, des enfants ayant bénéficié d’une lecture
régulière à l’âge préscolaire obtiennent à 13 ans des résultats plus élevés en lecture et
aux tests de QI que ceux d’enfants ayant eu peu d’expériences de lecture (Stevenson
& Fredman, 1990).
La relation entre les activités de lecture et la qualité du langage de l’enfant
est encore plus importante lorsque ces activités débutent dès le plus jeune âge
(Scarborough & Dobrich, 1994). L’âge de l’enfant au moment où les parents com-
mencent les activités de lecture avec lui est un meilleur prédicateur de son niveau de
langage à 2 ans que leur fréquence ou le nombre d’histoires racontées (DeBaryshe,
1993). Également, les enfants qui ont bénéficié davantage de lecture depuis l’âge de
1 an manifestent plus d’intérêt pour les livres et présentent de meilleures habiletés
langagières à 2 ans (Lyytinen, Laakso, & Poikkeus, 1998).
En résumé, la recherche indique que faire la lecture avec les enfants favorise leur
développement cognitif et langagier, les prépare à devenir eux-mêmes des lecteurs
(Wells, 1987) et facilite leur entrée dans le monde scolaire (Bus et al., 1995). Par
ailleurs, la façon de faire la lecture avec le jeune enfant importe elle aussi. Un mode
spécifique d’interactions durant la lecture se révèle particulièrement efficace.
Whitehurst et ses collègues (1988) ont conçu un programme dit de lecture dialogique
qui enseigne aux adultes (parents ou éducatrices) des techniques à utiliser lorsqu’ils
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Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
regardent des livres d’images avec un jeune enfant. Les techniques consistent à
l’aider à préciser ses descriptions d’images, à corriger ses essais et à lui poser des
questions afin de maintenir le débit de sa conversation et son intérêt. L’adulte ren-
force les verbalisations de l’enfant en réagissant de façon positive et en ajoutant de
l’information appropriée. Ce mode d’interaction diffère de la lecture traditionnelle
où l’enfant demeure silencieux pendant qu’on lui raconte une histoire. Avec la lec-
ture dialogique, l’adulte délaisse son rôle de locuteur pour devenir un auditeur actif.
L’enfant apprend à raconter l’histoire.
Les études de Whitehurst et de ses collègues soulignent l’efficacité de leur inter-
vention auprès d’enfants âgés de 2 à 4 ans, de milieux socio-économiques et d’ori-
gines culturelles variés, tant à la maison qu’en milieu de garde (Lonigan & Whitehurst,
1998; Valdez-Menchaca & Whitehurst, 1992; Whitehurst et al., 1988; Whitehurst,
Arnold et al., 1994; Whitehurst, Epstein et al., 1994). Les enfants qui participent à au
moins 3 périodes hebdomadaires de lecture dialogique de 10 minutes chacune pen-
dant 4 à 7 semaines ont des performances langagières supérieures à celles d’enfants
d’un groupe contrôle. Les résultats indiquent des gains significatifs aux mesures de
langage expressif. Aux mesures de langage réceptif, les résultats vont généralement
dans le même sens, sans toutefois atteindre le seuil usuel de signification statistique.
Au Québec, des programmes d’Activités de Lecture Interactive (ALI) ont été mis
en place dans une municipalité de la Montérégie. Il s’agit de trois programmes dis-
tincts, inspirés de la lecture dialogique, s’adressant aux enfants âgés de 0 à 5 ans. Ils
ont pour objectif général de favoriser leur développement cognitif et langagier, et de
les préparer aux apprentissages scolaires. Les activités des programmes ALI peuvent
être réalisées par les parents ou les éducatrices en milieu de garde et s’adaptent aux
habiletés croissantes des enfants. Pour le nourrisson, les activités ALI-Bébé stimulent
le développement d’habiletés cognitives générales, comme l’attention et le début de
la communication. Celles-ci l’amèneront, vers 15 mois, aux activités de lecture inter-
active du programme ALI-Bambin. Les techniques pour réaliser les activités de lec-
ture interactive consistent, entre autres, à capter l’attention de l’enfant, à identifier
les éléments d’une image, à formuler des questions ouvertes, à évaluer et à renforcer
ses verbalisations. ALI-Bambin vise le développement des habiletés langagières
expressives et réceptives. Enfin, vers 3 ans, ALI-Explorateur met l’accent sur les
concepts à intégrer aux activités de lecture interactive pour favoriser l’acquisition des
habiletés cognitives nécessaires aux apprentissages scolaires.
Objectifs et hypothèses de recherche
L’objectif général de l’étude est d’évaluer l’impact des programmes ALI sur le
développement cognitif d’enfants d’âge préscolaire selon deux moments de mesure.
L’évaluation se réalise à partir d’instruments de mesure standardisés donnant des
résultats normalisés. Nous évaluons l’impact des trois programmes ALI après six
mois d’application. L’impact devrait se traduire par des résultats normalisés plus
élevés au deuxième moment de mesure qu’au premier. Nous examinons aussi l’im-
187volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
Avec la lecturedialogique, l’adulte
délaisse son rôle delocuteur pour devenir
un auditeur actif.L’enfant apprend àraconter l’histoire.
pact selon le contexte d’implantation des programmes : à domicile, en milieu de
garde ou dans les deux contextes. Nous attendons des gains plus importants chez les
enfants qui reçoivent les programmes à la fois à domicile et en milieu de garde,
puisqu’ils sont plus fréquemment exposés aux activités. Comme ALI vise de façon
particulière à favoriser le développement langagier, nous distinguons dans la mesure
du développement cognitif les habiletés langagières et non-langagières des enfants.
Nous prévoyons une hausse plus importante des résultats aux mesures langagières.
Méthode
Participants et participantesLes programmes ALI sont implantés dans une municipalité rurale de la Montérégie.
La population de cette municipalité doit composer avec un facteur d’éloignement
des services. Les problématiques présentes dans la région (sous-scolarisation, pro-
blèmes de langage chez les enfants) et le nombre élevé d’enfants âgés de 0 à 5 ans jus-
tifient une intervention préventive favorisant le développement cognitif et langagier
de tous les enfants (Pomerleau, Malcuit, Laberge, & Flynn, 1997). Divers moyens
(annonces dans les journaux locaux et les milieux de garde, bouche à oreille, activités
de promotion au CLSC et à la bibliothèque, etc.) permettent de rejoindre un grand
nombre de familles, de présenter les programmes et de donner des informations sur
l’étude. Les parents signent un formulaire de consentement pour la participation de
l’enfant aux programmes et pour son évaluation. Ce formulaire décrit l’étude, assure
la confidentialité des données recueillies et le droit de se retirer en tout temps sans
avoir à le justifier.
Nous recrutons 335 enfants auprès desquels nous réalisons une première éva-
luation. De ceux-ci, nous retenons les 189 enfants qui participent à une deuxième
évaluation 6 mois plus tard. Cette dernière permet de comparer les résultats des
enfants avant le début des programmes et après 6 mois d’application. Nous ne
retenons pas les données de 39 de ces enfants : 19 reçoivent un programme ALI adap-
té aux difficultés cognitives ou orthophoniques que la première évaluation a permis
de détecter, 5 ne reçoivent aucune forme de programme entre les deux évaluations,
8 n’ont pu être évalués au tout début de leur participation, 1 est évalué la seconde fois
dans un délai de 18 mois, 6 n’ont pas le même outil d’évaluation aux deux mesures.
De plus, nous ne considérons pas, dans les analyses, les données de 38 autres enfants
par manque d’assiduité d’application. Les enfants doivent participer aux pro-
grammes un minimum de trois mois pour être inclus dans l’étude d’évaluation.
Le groupe final de 112 enfants se compose de 59 filles et 53 garçons. Leur âge
varie de 2,3 à 65,6 mois. Cinquante-cinq d’entre eux (49,1 %) fréquentent un centre
de la petite enfance (CPE). Comme 18 des enfants ont une sœur ou un frère qui parti-
cipe à l’étude, nous avons un échantillon de 94 familles. La scolarité moyenne des mères
correspond à une année post-secondaire et celle des conjoints à un secondaire 5.
Cinquante-trois pour cent des familles ont un revenu annuel entre 30 001 et 60 000 $,
26,5 % ont un revenu inférieur à 30 001 $ et 20,5 % un revenu supérieur à 60 000 $.
188volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
L’échantillon comprend trois groupes d’enfants répartis selon l’âge dans un pro-
gramme particulier (ALI-Bébé, ALI-Bambin et ALI-Explorateur). Le premier groupe
est formé de 37 bébés âgés de moins de 15 mois (M = 5,5 mois, étendue : 2,3 – 12,2
mois). Le deuxième groupe est constitué de 31 bambins âgés en moyenne de
23,9 mois (étendue : 12,4 – 53,2 mois). Le dernier groupe comprend 44 enfants âgés
en moyenne de 51,1 mois (étendue : 31,7 - 65,6 mois). Des tests Khi-carré (_2) sur les
caractéristiques des participants selon les trois programmes révèlent que la réparti-
tion des sexes, le revenu familial annuel et le niveau de scolarité de la mère et du con-
joint ne se distinguent pas entre les groupes. Cependant, l’âge des mères et de leurs
conjoints diffère, F(2, 99) = 5,62, p < 0,01 et F(2, 93) = 4,65, p < 0,05, respectivement.
Le test a posteriori Student-Newman-Keuls précise que les mères et les conjoints du
groupe ALI-Bébé sont plus jeunes que ceux du groupe ALI-Explorateur. Également,
les enfants ALI-Bébé sont moins nombreux à fréquenter un CPE que les autres
enfants _2(2, N = 85) = 13,83, p < 0,01. Les principales caractéristiques sociodémo-
graphiques des participants apparaissent au Tableau 1.
Tableau 1 : Caractéristiques des enfants et de leurs parents par programme
Programmes ALIProgramme ALI-Bébé : 0-15 mois
Le programme ALI-Bébé propose des activités de stimulation susceptibles de
favoriser le développement cognitif du tout-petit, en particulier l’attention, la com-
munication et le langage. Les activités sont réparties en cinq volets (A, B, C, D, E)
selon l’âge. Les volets présentent des activités telles parler à l’enfant lors des routines
quotidiennes, lui faire suivre des yeux un objet, lui décrire les parties du corps,
favoriser l’imitation d’une comptine, d’une séquence de gestes ou le cri des animaux,
189volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
ALI – Bébé
(n = 37)ALI-Bambin
(n=31) ALI- Explorateur
(n = 44)
M ÉT % M ÉT % M ÉT %
Sexe de l’enfant (filles) 54,1 48,4
54,5
Âge de l’enfant (en mois) 5,5 2,7 23,9 9,0 51,1 9,4
Enfants fréquentant un CPE 13,5 67,7
65,9
Âge de la mère (en année) 28,6 5,7 30,8 6,4 33,1 5,2
Âge du conjoint 31,7 7,4 34,3 6,7 36,5 5,6
Scolarité de la mère (en année) 12,6 2,1 13,0 2,6
11,9 2,3
Scolarité du conjoint 11,1 2,3 12,1 2,7 11,5 2,5
Revenu familial
≤30 000$
30 001$ - 40 000$
40 001 – 60 000$
≥ 60 001$
21,9
21,9
37,5
18,8
16,0
20,0
32,0
32,0
34,3
25,7
ALI – Bébé(n = 37)
ALI-Bambin(n=31)
ALI- Explorateur(n = 44)
Sexe de l’enfant (filles)
Âge de l’enfant (en mois)
Enfants fréquentant un CPE
Âge de la mère (en année)
Âge du conjoint
Scolarité de la mère (en année)
Scolarité du conjoint
Revenu familial
≤ 30 000 $
30 001 $ – 40 000 $
40 001 – 60 000 $
≥ 60 001 $
M ÉT % M ÉT % M ÉT %
54,1 48,4 54,5
5,5 2,7 23,9 9,0 51,1 9,4
13,5 67,7 65,9
28,6 5,7 30,8 6,4 33,1 5,2
31,7 7,4 34,3 6,7 36,5 5,6
12,6 2,1 13,0 2,6 11,9 2,3
11,1 2,3 12,1 2,7 11,5 2,5
21,9 16,0 34,3
21,9 20,0 25,7
37,5 32,0 25,7
18,8 32,0 14,3
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
encourager les sons qu’il produit, explorer et manipuler un livre avec lui, etc. Avec le
programme ALI-Bébé, l’enfant apprend à devenir attentif aux personnes et aux
objets, il entend un adulte lui parler, il apprend à communiquer et à vocaliser, et il
associe les images et les mots. ALI-Bébé favorise aussi la mise en place d’une routine
incluant beaucoup de stimulations vocales et de contacts physiques chaleureux
entre l’adulte et l’enfant. Ces moments d’activités le préparent à la lecture interactive
proprement dite avec le parent ou l’éducatrice en milieu de garde.
Programme ALI-Bambin : 15-36 mois
Le programme ALI-Bambin montre aux adultes des techniques spécifiques à
utiliser lorsqu’ils font les activités de lecture interactive avec l’enfant, telles obtenir
son attention et utiliser son intérêt, nommer les éléments d’une image, répéter et
encourager, poser des questions ouvertes et générales, ajouter de l’information, faire
des liens avec la vie courante et établir le tour de parole. Ces techniques incitent l’en-
fant à verbaliser et à élaborer à partir de ce qu’il voit et de ce qu’il connaît. Elles sont
réparties en quatre volets (A, B, C, D) de complexité croissante qui s’adaptent à la
progression de l’enfant. Avec ALI-Bambin, l’adulte amène l’enfant à échanger avec
lui. Il l’aide à préciser ses descriptions d’images et il lui pose des questions afin de
maintenir le débit de sa conversation et son intérêt. L’adulte corrige et renforce les
réponses de l’enfant par des encouragements, des répétitions et des expansions de
ses énoncés. L’enfant élargit son vocabulaire et améliore sa prononciation en asso-
ciant les images et les mots, et en nommant des objets, des actions ou des person-
nages.
Programme ALI-Explorateur : 3-5 ans
Le programme ALI-Explorateur met l’accent sur les connaissances et concepts à
intégrer aux activités de lecture interactive pour favoriser l’acquisition des habiletés
cognitives nécessaires aux apprentissages ultérieurs. Un volet préparatoire (volet
Début) initie les adultes aux techniques de lecture interactive proprement dites. Ce
volet correspond au dernier d’ALI-Bambin (volet D). ALI-Explorateur comprend quatre
volets (A1, A2, B1, B2) présentant un ensemble de connaissances et de concepts qui
peuvent être abordés lors des activités de lecture interactive. Le volet A1 touche des
catégories conceptuelles concrètes faisant référence au nom des animaux domes-
tiques, au nom de leurs petits, aux fruits et aux légumes, au nom des principales par-
ties du corps et à leurs fonctions. A2 porte sur des concepts plus abstraits, tels les
mots utilisés dans les interrogations, les formes, les couleurs simples, les notions de
temps, de quantité ou de grandeur, etc. Les volets B1 et B2 présentent des concepts
similaires à ceux des volets A, mais à un degré de complexité plus avancé. Par exem-
ple, les adultes font référence aux animaux sauvages, de la jungle ou de la savane, aux
fruits et légumes exotiques et aux nuances de couleur.
190volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
Déroulement
Nous planifions, au domicile ou au CPE, un premier rendez-vous d’évaluation
avec l’enfant avant la formation aux programmes ALI. Par la suite, des agentes de
recherche réalisent les visites de formation, auprès des parents et des personnes
présentes à la maison (grands-parents, fratrie) ou auprès des éducatrices en milieu
de garde. Lors de chaque séance de formation, d’une durée d’environ une heure, l’a-
gente explique les activités du volet en question et en fait la démonstration. Elle
demande ensuite aux adultes de les mettre en pratique. Au besoin, elle donne des
explications supplémentaires. Pour chaque volet d’ALI-Bambin, une vidéo d’environ
30 minutes illustre les techniques à adopter lors des activités de lecture interactive.
Pour le volet Début d’ALI-Explorateur, une vidéo correspondant au dernier volet
d’ALI-Bambin montre l’ensemble des techniques de lecture interactive. Par contre,
les volets A1, A2, B1 et B2 d’ALI-Explorateur et les cinq volets d’ALI-Bébé n’ont pas de
vidéo de formation. Trois semaines après la séance de formation, une visite de conso-
lidation (à domicile ou en milieu de garde) permet de vérifier la compréhension des
techniques, d’apporter des corrections au besoin et de renforcer les apprentissages
des adultes. Les agentes assurent un suivi téléphonique mensuel pour examiner la
réalisation des activités ou l’application des techniques de lecture et pour colliger
l’information sur la fréquence et la durée des sessions ALI. On demande aux adultes
de réaliser les activités de lecture ALI-Bambin ou ALI-Explorateur au moins 3 fois par
semaine, pendant des sessions de 10 à 15 minutes chacune. Les activités ALI-Bébé
sont plus difficilement quantifiables, car elles s’intègrent à la routine quotidienne de
l’enfant.
Matériel
Les parents et les éducatrices reçoivent un manuel explicatif résumant et illus-
trant les activités du programme ALI-Bébé, les techniques de lecture interactive du
programme ALI-Bambin ou les concepts et connaissances du programme ALI-
Explorateur.
Lors des séances de formation aux volets d’ALI-Bébé, nous donnons divers
objets favorisant la stimulation, tels des marionnettes, des livres plastifiés, un
hochet, etc. Pour ALI-Bambin et ALI-Explorateur, les adultes reçoivent quatre livres
pour enfants à chaque formation. Les livres donnés aux éducatrices qui s’adressent à
un groupe d’enfants (n = 4 à 6) ont un plus grand format que ceux donnés aux pa-
rents. Les livres comportent peu de texte et sont adaptés à chaque volet des pro-
grammes. Les adultes ont le choix d’utiliser chacun des livres aussi souvent qu’ils le
désirent ou d’autres, appropriés aux activités ALI.
191volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
Instruments de mesure
Développement cognitif de l’enfantJusqu’à l’âge de 42 mois et 15 jours, chaque enfant est évalué à l’aide de l’échelle
mentale du Bayley (Bayley, 1993) avant le début des programmes et 6 mois plus tard.
L’échelle mentale du Bayley donne des résultats normalisés de développement
(Index de Développement Mental : IDM) dont la moyenne est 100 et l’écart type 15.
Elle possède de bonnes qualités psychométriques. Les coefficients de fidélité test-
retest sont 0,83 pour les enfants âgés de 1 à 12 mois et 0,91 pour ceux âgés de 24 à 36
mois. Une supervision étroite assure la fidélité de l’évaluation. Une assistante, étudi-
ante au doctorat, examine les protocoles et vérifie la justesse des cotations. Au préa-
lable, les évaluatrices reçoivent un entraînement rigoureux à l’administration et à la
cotation de l’échelle du Bayley. En plus de l’IDM, nous calculons trois autres résul-
tats. Nous obtenons ces résultats en regroupant, dans trois sous-échelles, tous les
items de l’échelle mentale selon qu’ils évaluent plus spécifiquement le langage
expressif, le langage réceptif ou les habiletés non-verbales. Les trois résultats se cal-
culent selon le rapport d’items réussis cumulés par l’enfant sur le nombre total
d’items cumulés de la sous-échelle en question. Cette approche s’inspire des méth-
odes de Dale, Bates, Reznick et Morisset (1989) et Reznick, Corley, Robinson et
Matheny (1997) (Pour le détail et la validation de la répartition des items de l’échelle
mentale dans les trois sous-échelles, voir Verreault, Malcuit, & Pomerleau, 2005;
Verreault, Pomerleau, Malcuit, & Séguin, 2001).
À partir de 42 mois et 16 jours, l’Échelle d’intelligence Stanford-Binet
(Thorndike, Hagen, & Sattler, 1986) sert à évaluer les enfants. Comme le Bayley, elle
est administrée avant le début du programme et 6 mois plus tard. Cette mesure éva-
luative offre un résultat normalisé de quotient intellectuel (QI) dont la moyenne est
100 et l’écart type 16. La corrélation test-retest est 0,91 à l’âge de 5 ans. La cotation de
l’échelle pour les enfants de 2 à 6 ans permet d’établir un résultat normalisé en dis-
tribuant les huit sous-tests en deux facteurs : compréhension verbale et raison-
nement non-verbal/visualisation. Les évaluatrices reçoivent un entraînement préa-
lable à l’administration du test de façon à standardiser la passation. Une assistante,
étudiante au doctorat, examine les protocoles et vérifie la justesse des cotations pour
s’assurer d’un calibrage adéquat. De plus, pour 16,04 % des évaluations, deux per-
sonnes font indépendamment les cotations; le coefficient d’accord (Kappa) est 0,98.
Journaux de lecture et appels téléphoniques
Les adultes remplissent des journaux hebdomadaires pendant trois semaines à
partir de chacune des formations jusqu’à la visite de consolidation. Ces journaux,
sous forme de calendrier, colligent l’information sur la fréquence des activités ALI et
leur durée. De plus, des appels téléphoniques mensuels permettent d’examiner avec
l’adulte l’application des techniques et de recueillir l’information sur la fréquence et
la durée des sessions. Une grille de suivi compile ces informations. Les journaux et
les appels téléphoniques visent à s’assurer de la conformité des adultes aux pro-
grammes. Les données provenant des appels téléphoniques sont mises en relation
192volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
avec les données des journaux de lecture. Les analyses montrent des corrélations
significatives entre les données des appels et des journaux remplis par les parents
(fréquences : r = 0,45, p < 0,001; durées : r = 0,54, p < 0,001). Les sessions de lecture
sont plus fréquentes selon les appels téléphoniques que selon les journaux, t(67) =
3,89, p < 0,001. Les analyses des durées ne montrent pas de différence entre les appels
et les journaux. Pour les éducatrices, les fréquences et les durées ne varient pas entre
les journaux et les appels. À la suite de ces résultats et parce que nous possédons un
plus grand nombre de données provenant des appels téléphoniques, nous utilisons
ces dernières pour décrire la conformité des adultes aux programmes ALI.
Indices socio-démographiques et mode de garde
À la première évaluation de l’enfant, un questionnaire collige des informations
sur les caractéristiques socio-démographiques des familles et la fréquentation d’un
milieu de garde par l’enfant. De ce questionnaire, nous tirons les informations sui-
vantes : âge des parents, niveau de scolarité et revenu, statut civil, type de milieu de
garde et durée de fréquentation.
Résultats
L’évaluation de l’impact d’ALI porte sur le développement cognitif des enfants
dans les trois programmes aux deux moments de mesure, puis selon leur contexte
d’implantation. Nous examinons aussi les mesures d’impact selon l’instrument uti-
lisé. Des analyses supplémentaires sur les trois résultats à l’échelle mentale du Bayley
et sur les deux facteurs du Stanford-Binet permettent de distinguer l’effet des pro-
grammes sur les habiletés cognitives langagières et non-langagières des enfants.
Enfin, une dernière partie décrit la conformité des adultes aux demandes des pro-
grammes ALI, selon les rapports des parents et des éducatrices.
Impact d’ALI selon les programmesLa Figure 1 présente les moyennes des résultats normalisés de développement
cognitif des enfants selon les trois programmes aux deux moments d’évaluation. Une
analyse de la variance à mesures répétées avec les facteurs programmes (3) et
moments de mesure (2) montre que, dans l’ensemble, les enfants font des gains d’un
moment de mesure à l’autre, F(1, 109) = 11,71, p < 0,01, (pré : M = 98,97, ÉT = 9,79;
post : M = 101,22, ÉT = 9,10). L’interaction programmes par moment, F(2, 109) = 4,33,
p < 0,05, indique que l’amélioration varie selon les programmes. L’analyse des effets
simples révèle que la hausse des résultats entre les deux moments de mesure s’ex-
plique surtout par les gains des enfants des programmes ALI-Bébé, t(36) = -2,67,
p < 0,05, et ALI-Bambin, t(30) = -3,15, p < 0,01. Les enfants du programme ALI-
Explorateur ne font pas de gain entre les deux moments de mesure, t(43) = 0,39,
p = 0,70.
193volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
Figure 1 : Résultats de développement selon les programmes aux deux moments de
mesure (les lignes verticales représentent les erreurs types des moyennes).
Impact d’ALI selon les contextes d’implantationLes programmes ALI se réalisent à domicile, en milieu de garde ou dans les deux
contextes. L’analyse de la variance à mesures répétées avec les facteurs contextes
d’implantation (3) et moments de mesure (2) indique encore l’effet principal du
temps, F(1, 109) = 7,69, p < 0,01. Elle ne montre pas de différence entre les contextes
d’implantation, F(2, 109) = 0,001, p = 0,99, ni d’effet d’interaction, F(2, 109) = 0,41,
p = 0,66. Les résultats des enfants augmentent d’un moment de mesure à l’autre dans
tous les contextes d’implantation, y compris celui où les programmes sont réalisés à
la fois à domicile et en milieu de garde.
Impact d’ALI selon les testsL’évaluation de l’impact des programmes ALI sur le développement cognitif des
enfants se fait avec deux tests normalisés. Nous avons examiné si la mesure d’impact
varie selon l’instrument utilisé. L’analyse à mesures répétées avec les facteurs tests
(2) et moments de mesure (2) fait ressortir l’effet temps, F(1, 110) = 5,46, p < 0,05, et
une interaction tests par moment, F(1, 110) = 6,70, p < 0,05. Les gains ne sont pas les
mêmes selon le test utilisé (Bayley : 3,72 points; Stanford-Binet : -0,19 points).
L’analyse des effets simples révèle une différence significative entre les deux
moments de mesure pour les résultats à l’échelle mentale du Bayley, t(69) = -3,84,
p < 0,001, mais pas pour les résultats à l’Échelle d’intelligence Stanford-Binet, t(41) =
0,17, p = 0,86. L’absence de différence entre les résultats du Stanford-Binet s’explique
par le facteur programme. Sur les 42 évaluations réalisées à l’aide du Stanford-Binet,
40 portent sur des enfants ALI-Explorateur. D’après les analyses précédentes, les
enfants touchés par ce programme ne font pas de gains.
194volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
Impact d’ALI sur les habiletés cognitives langagières et non-langagièresLes programmes ALI visent de façon particulière le développement langagier
des jeunes enfants. Pour vérifier cet effet, des analyses portent sur les trois résultats
dérivés de l’échelle mentale du Bayley. Nous examinons de façon distincte les résul-
tats des enfants ALI-Bébé et ALI-Bambin. Ces analyses distinctes s’expliquent
d’abord par l’intérêt de comparer l’impact de chaque programme sur chacune des
sous-échelles. Également, le répertoire verbal des nourrissons est très différent de
celui des enfants plus âgés. L’acquisition du langage constitue l’habileté principale
développée au cours de la deuxième année de vie des enfants (Edwards, 1995). Ainsi,
les items langagiers occupent une plus grande place dans l’évaluation cognitive des
enfants ALI-Bambin. Comme ils sont peu nombreux, les quatre enfants ALI-
Explorateur évalués avec l’échelle mentale du Bayley sont regroupés avec les enfants
ALI-Bambin.
Pour ALI-Bébé, l’analyse de la variance à mesures répétées montre un effet prin-
cipal sous-échelles, F(2, 72) = 6,25, p < 0,01, et un effet d’interaction sous-échelles par
moments, F(2, 72) = 26,75, p < 0,001 (voir Figure 2). L’analyse des effets simples
indique une différence significative entre les moments de mesure à deux des sous-
échelles. À la sous-échelle langage réceptif, les résultats diminuent entre les deux
moments, t(36) = 4,79, p < 0,001, tandis qu’à la sous-échelle habiletés non-verbales
les résultats augmentent, t(36) = -7,05, p < 0,001. Les résultats de langage expressif ne
diffèrent pas d’un moment de mesure à l’autre, t(36) = 0,02, p = 0,99. Les corrélations
entre les résultats aux deux moments sont faibles et non significatives pour les deux
sous-échelles verbales du Bayley, r = 0,15, p = 0,38, pour la sous-échelle expressive, et,
r = 0,19, p = 0,27, pour la réceptive. Par contre, une corrélation positive entre les résul-
tats aux deux moments à la sous-échelle d’habiletés non-verbales, r = 0,41, p < 0,05,
souligne la relative stabilité dans le temps des scores cognitifs non-verbaux des
enfants ALI-Bébé.
Pour ALI-Bambin, l’analyse de la variance à mesures répétées des résultats aux
trois sous-échelles montre des effets principaux des sous-échelles, F(2, 64) = 86,90,
p < 0,001, du moment, F(1, 32) = 19,09, p < 0,001, et un effet d’interaction sous-
échelles par moment, F(2, 64) = 3,60, p < 0,05 (voir Figure 2). Les analyses d’effets
simples indiquent une hausse significative des scores du langage expressif, t(32) =
-4,47, p < 0,001, et des habiletés non-verbales des enfants, t(32) = -3,12, p < 0,01, ainsi
qu’une hausse marginale à la sous-échelle du langage réceptif, t(32) = -1,74, p = 0,09.
Les corrélations entre les résultats aux deux moments de mesure sont significatives
pour les trois sous-échelles : r = 0,45, p < 0,01, pour l’expressive, r = 0,41, p < 0,05, pour
la réceptive et, r = 0,39, p < 0,05, pour la non-verbale.
195volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
Figure 2 : Proportions d’items réussis aux trois sous-échelles du Bayley aux deux
moments de mesure.
Chez les enfants ALI-Explorateur (et pour les 2 enfants ALI-Bambin évalués avec
le Stanford-Binet), les analyses supplémentaires pour distinguer l’effet sur les habi-
letés cognitives langagières portent sur les résultats normalisés aux deux facteurs du
Stanford-Binet. Dans l’ensemble, les résultats aux facteurs compréhension verbale et
raisonnement non-verbal/visualisation ne changent pas d’un moment de mesure à
l’autre, F(1, 41) = 1,01, p = 0,32. L’interaction moments par facteurs n’est pas signi-
ficative, F(1, 41) = 0,11, p = 0,74. Les enfants ont globalement des résultats supérieurs
au facteur non-verbal/visualisation qu’au facteur verbal, F(1, 41) = 20,62, p < 0,001
(compréhension verbale : M = 96,61; raisonnement non-verbal/visualisation : M =
102,68).
196volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
ALI-Bébé
ALI-Bambin
Pro
port
ion
s
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
Conformité des adultes aux programmesLes données de conformité provenant des appels téléphoniques confirment que
les parents et les éducatrices ont respecté les demandes des programmes (au moins
3 périodes hebdomadaires de 10 à 15 minutes chacune). Les activités d’ALI-Bébé ne
sont pas quantifiées, car elles s’intègrent à la routine quotidienne de la famille ou du
CPE. Pour le programme ALI-Bambin, les parents rapportent faire plus de 4 séances
de lecture hebdomadaires d’une durée moyenne de plus de 12 minutes. Les parents
du groupe ALI-Explorateur rapportent aussi faire de la lecture de façon régulière
(plus de 3 périodes par semaine), pendant plus de 16 minutes chaque fois. Les ana-
lyses montrent que les parents d’ALI-Explorateur rapportent des durées plus longues
que les parents d’ALI-Bambin, F(1, 31) = 5,63, p < 0,05.
En milieu de garde, les éducatrices des programmes ALI-Bambin et ALI-
Explorateur réalisent aussi plus de 3 séances de lecture par semaine pour une durée
moyenne au-delà de 14 minutes. Les analyses de la variance ne montrent pas de dif-
férence de fréquence ni de durée entre les éducatrices ALI-Bambin et les éducatrices
ALI-Explorateur.
Des analyses supplémentaires comparent les fréquences d’activités ALI et les
durées moyennes rapportées par les parents et par les éducatrices. Les fréquences et
durées des activités ne diffèrent pas selon les parents ou les éducatrices et ce, pour
les deux programmes.
Discussion
Nos résultats montrent que les enfants font des gains significatifs aux tests nor-
malisés après six mois d’intervention. Cependant, les programmes n’ont pas tous la
même efficacité. Ce sont surtout ALI-Bébé et ALI-Bambin qui entraînent des hausses
de résultats normalisés. À notre surprise, la grandeur des gains ne diffère pas d’un
contexte d’implantation à l’autre, ni lorsque les programmes sont réalisés à la fois à
domicile et en milieu de garde. Finalement, nos résultats révèlent que l’intervention
entraîne essentiellement des gains aux mesures de langage expressif et d’habiletés
non-verbales. La discussion s’organise autour de ces constatations. Nous discutons
également de la conformité des adultes et terminons en présentant les limites de la
recherche.
Tout d’abord, même si globalement ALI entraîne des gains de points chez les
enfants, les trois programmes n’ont pas tous un impact significatif. L’augmentation
des résultats normalisés se retrouve essentiellement chez les enfants qui ont suivi les
programmes ALI-Bébé et ALI-Bambin. Les enfants du programme ALI-Explorateur
ne haussent pas leurs résultats d’un moment de mesure à l’autre. Nous pouvons
avancer quatre hypothèses pour expliquer cette absence de changement : une inter-
vention de type ALI ne serait efficace qu’avec des enfants plus jeunes, l’instrument
d’évaluation ne parviendrait pas à détecter le changement, l’implantation du pro-
gramme ALI-Explorateur aurait manqué d’intensité et, finalement, son contenu
serait insuffisant pour hausser le développement cognitif d’enfants âgés de 3 à 5 ans.
197volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
Nos résultats montrent que les
enfants font des gainssignificatifs aux testsnormalisés après sixmois d’intervention.
Nos résultats vont dans le sens des études qui montrent que les effets de la lec-
ture sont plus importants lorsque les enfants sont plus jeunes (Bus et al., 1995;
DeBaryshe, 1993; Scarborough & Dobrich, 1994). Les chercheurs affirment que des
programmes introduits à un plus jeune âge produisent de meilleurs effets (Ramey &
Ramey, 1998). Cependant, ils ne mentionnent pas qu’il existe une période sensible
après laquelle des interventions peuvent être trop tardives. Si le plus tôt s’avère
préférable, il n’est jamais trop tard pour intervenir. Il est possible d’obtenir des résul-
tats positifs avec différents programmes chez des enfants âgés de 3 ans et plus
(Barnett, 1995). L’âge ne nous paraît donc pas le principal facteur explicatif de l’ab-
sence d’efficacité du programme ALI-Explorateur.
Il est possible que le Stanford-Binet, utilisé comme instrument d’évaluation des
enfants à partir de 3 ans et demi, soit moins apte à détecter les effets du programme
ALI-Explorateur. Le Stanford-Binet propose un ensemble diversifié de tâches qui per-
mettent de mesurer le niveau général du développement cognitif de l’enfant
(Thorndike et al., 1986). Pour sa part, le programme ALI-Explorateur favorise l’ac-
quisition de notions, telles le temps, les grandeurs, les similitudes, les couleurs, la
numération, les animaux, les parties du corps, les formes, etc. Ces connaissances
conceptuelles sont spécifiques et forment une partie du fonctionnement cognitif
global de l’enfant. Il est possible que le Stanford-Binet soit trop général pour détecter
des changements au niveau des connaissances conceptuelles visées par ALI-
Explorateur.
Pour les participants ALI-Explorateur, nous avons implanté un volet prépara-
toire (volet Début) pour initier les adultes aux techniques de lecture interactive pro-
prement dites. Ce volet correspond au dernier d’ALI-Bambin. En examinant de près
les données d’implantation, nous constatons que 24 des 44 enfants ALI-Explorateur
ont surtout eu le volet Début entre leurs deux moments de mesure; ils n’ont pas
bénéficié du contenu des volets spécifiques du programme ALI-Explorateur durant
un minimum de trois mois. La courte durée d’implantation du programme et la pré-
dominance du dernier volet d’ALI-Bambin auprès d’enfants plus âgés peuvent expli-
quer, en partie, l’absence de gains chez ces enfants.
Le programme ALI-Explorateur permet à l’enfant d’apprendre et d’utiliser un
vocabulaire de plus en plus élaboré pour nommer, décrire et situer, dans l’espace et
le temps, les personnes, les objets et les événements qui l’entourent. Cependant, il ne
présente pas d’activités pour favoriser l’acquisition des nombreuses habiletés cogni-
tives en émergence chez des enfants de 3 à 5 ans, telles la mémoire, le raisonnement
logique, etc. Le Stanford-Binet mesure ces habiletés. Dans une nouvelle version
(Malcuit et al., 2003), les concepteurs ont enrichi le contenu du programme ALI-
Explorateur pour mieux intégrer ces différentes habiletés. La nouvelle version devrait
pouvoir entraîner des effets décelables avec le Stanford-Binet.
Les résultats des enfants augmentent après six mois de programme, mais la gran-
deur des gains ne diffère pas selon qu’il soit mené à domicile ou en milieu de garde,
ni même, plus étonnant, qu’il soit réalisé aux deux endroits. Nos données de confor-
mité peuvent expliquer, en partie, le fait que les programmes à la maison aient autant
d’impact sur les habiletés cognitives que ceux réalisés en milieu de garde. Les parents
198volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
et les éducatrices ont consacré un temps égal à faire les activités. Ainsi, les enfants
sont autant exposés aux contenus ALI à domicile qu’en milieu de garde. Les qualités
propres aux deux contextes expliquent aussi l’efficacité équivalente de l’intervention.
L’implantation des activités ALI à domicile offre ses avantages : activités indi-
viduelles, généralisation à d’autres contextes et grande variabilité des stimulations
par la famille. Dans un contexte dyadique, le parent est en mesure d’adapter les tech-
niques de lecture interactive à l’intérêt et aux capacités de l’enfant. L’ajustement des
façons de faire du parent au niveau de l’enfant permet de développer efficacement
ses habiletés cognitives (Lonigan & Whitehurst, 1998). Aussi, les familles rapportent
avoir généralisé leur application des techniques ALI au cours de multiples activités
quotidiennes (lors des repas, des soins, des promenades, etc.). Les interventions ont
davantage d’impact lorsque leur contenu touche un large éventail d’activités (Hart &
Risley, 1995). Également, nous formions aux programmes les diverses personnes en
interaction avec l’enfant. Les grands-parents ou la fratrie pouvaient réaliser des acti-
vités ALI avec l’enfant de façon quotidienne, ce qui lui permettait de profiter d’une
plus grande variété de stimulations. La réalisation d’activités ALI peut être bien inté-
grée dans le quotidien des familles. Ceci explique les gains des enfants qui ont le pro-
gramme à domicile.
Le milieu de garde permet aussi, et peut-être davantage, une régularité des stimu-
lations grâce à l’intégration des activités des programmes à la routine quotidienne.
La lecture traditionnelle est souvent incluse dans la programmation des milieux de
garde. Elle fait partie des réglementations gouvernementales (Ministère de la famille
et de l’enfance, 1997). Il devient facile d’y appliquer les techniques ALI. De plus, en
milieu de garde, les activités ALI se réalisent en petit groupe. La situation de groupe
crée de plus grandes exigences pour l’enfant et constitue un contexte d’émulation
favorable à son développement. Comparativement à ce qui se passe à la maison, où
le parent comprend les approximations langagières de l’enfant et ajuste ses propres
verbalisations au niveau de ce dernier, le groupe, avec des personnes moins fami-
lières, est plus exigeant. Dans ce contexte, l’enfant doit préciser davantage ses
expressions verbales pour se faire comprendre. Le contexte social du milieu de garde
favorise l’émulation et les conduites d’échange verbal lors des nombreux contacts de
l’enfant avec les adultes et ses pairs (National Institute of Child Health and Human
Development Early Child Care Research Network, 2000). Aussi, par leur formation,
les éducatrices comprennent l’importance de la lecture interactive et du rôle qu’elles
jouent pour favoriser le développement de l’enfant. La réalisation des activités ALI
peut être intense en milieu de garde (Perna, 2003), ce qui explique les gains obtenus.
Finalement, nous supposions des gains plus importants chez les enfants qui
reçoivent les programmes à la fois à domicile et en milieu de garde, car ils sont plus
fréquemment exposés aux activités ALI. De façon constante, la recherche révèle une
relation positive entre l’intensité avec laquelle on applique des programmes et l’im-
portance de leurs effets (Barnett, 1995; Ramey & Ramey, 1998). Il est possible que
l’absence de différence entre les groupes s’explique par le très petit nombre d’enfants
à avoir combiné les deux modalités d’application. En effet, seulement 13 enfants,
dont 7 dans ALI-Explorateur, constituent le groupe domicile+milieu de garde. Consi-
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Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
dérant la relative inefficacité du programme ALI-Explorateur, il reste peu d’enfants
dans ce groupe pour dégager des gains différentiels. Des recherches futures devront
établir des comparaisons entre l’intensité des programmes ALI et leurs effets.
Les programmes ALI ont un impact différent sur les habiletés cognitives langa-
gières et non-langagières des enfants. Évidemment, les activités de stimulation ALI-
Bébé produisent des gains au niveau des habiletés non-verbales, fonctions domi-
nantes pour des enfants âgés entre 0 et 15 mois. Chez des enfants un peu plus âgés,
les études sur la lecture dialogique rapportent essentiellement des gains en langage
expressif (Lonigan & Whitehurst, 1998; Valdez-Menchaca & Whitehurst, 1992;
Whitehurst et al., 1988; Whitehurst, Arnold et al., 1994; Whitehurst, Epstein et al.,
1994). Les gains en langage réceptif sont plus mitigés. Nos résultats vont dans le
même sens pour les enfants ALI-Bambin. Les analyses indiquent une hausse signi-
ficative des résultats au langage expressif, ainsi qu’une hausse marginale au langage
réceptif. Or, aucune des études antérieures ne présente de mesures d’habiletés non-
verbales. Notre étude indique que des activités de lecture interactive peuvent aussi
favoriser l’acquisition d’habiletés cognitives non-verbales entre 15 et 36 mois. Ce
résultat peut s’expliquer par le cadre dans lequel les activités ALI-Bambin se
déroulent. Pendant la lecture d’imagiers, l’adulte attire l’attention de l’enfant sur les
images, ce qui l’aide à développer des habiletés non-verbales, telles la discrimination
visuelle, l’attention et la coordination visuo-spatiale. Enfin, chez les enfants ALI-
Explorateur, les analyses sur les facteurs compréhension verbale et raisonnement
non-verbal/visualisation du Stanford-Binet montrent que les résultats normalisés ne
changent pas. Même en distinguant les habiletés cognitives langagières et non-
langagières, le programme ALI-Explorateur semble inefficace.
Les données de conformité révèlent que les parents ont respecté les demandes
des programmes. En milieu de garde, nous savons que les éducatrices font les acti-
vités ALI régulièrement, mais nous ne savons pas si les enfants que nous évaluons
sont toujours présents. Nous n’avons pas comptabilisé les présences des enfants, ni
leur participation individuelle lors des sessions ALI. Les recherches futures devraient
s’assurer d’avoir des mesures, toutefois intrusives, qui répertorient les enfants parti-
cipant à chacune des activités de lecture interactive. Il serait alors possible de mettre
en lien les fréquences des activités et les gains chez les enfants.
Limites et contributions de la rechercheIl existe des limites à la présente recherche. Tout d’abord, elle ne repose pas sur
un devis expérimental avec assignation au hasard aux programmes et à une condition
de contrôle. Les résultats se basent sur des tests standardisés avec des résultats nor-
malisés. Il faut situer le contexte de l’étude pour expliquer ce choix méthodologique.
Les programmes ALI s’insèrent dans le cadre d’un large projet, l’initiative 1,2,3GO!,
implanté dans une municipalité rurale de la Montérégie. Dans ce contexte, nous
avons rencontré des contraintes conceptuelles et financières. La philosophie de l’ini-
tiative 1,2,3GO! réclame un accès universel à tout ce que la communauté offre, dont
les programmes ALI. Ceci empêche donc une vraie expérimentation avec assignation
au hasard d’enfants aux programmes et d’autres à une condition de contrôle.
200volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
Notre étude indique que des
activités de lecture interactive peuvent
aussi favoriser l’acquisition d’habiletés
cognitives non-verbales.
Dans ce cas, nous aurions pu recourir à un schème quasi-expérimental, en trou-
vant une communauté de comparaison aussi équivalente que possible à la commu-
nauté expérimentale pour y recruter les enfants de la condition de contrôle. Cepen-
dant, l’initiative 1,2,3GO! a choisi le territoire où nous avons implanté les programmes
ALI en fonction de facteurs de risques socio-démographiques particuliers : sous-
scolarisation, isolement des familles, éloignement des services, absence de transport
en commun, etc. (Pomerleau et al., 1997). Il est toujours possible (mais très difficile)
de trouver un territoire de comparaison présentant des caractéristiques similaires
(Denis, Malcuit, & Pomerleau, accepté). Il faut souligner que l’implantation et l’éva-
luation des programmes ALI se sont déroulées sur une période de quatre ans. On
constate généralement que même si au départ les territoires expérimental et de con-
trôle paraissent à peu près équivalents, les communautés évoluent durant une si
longue période de temps, et habituellement de façon différente. Le bon choix du
début ne garantit donc pas la ressemblance à plus long terme.
Dans le cadre de ces contraintes, nous avons opté pour des tests normalisés
reconnus. Ils situent la performance de chaque enfant par rapport à celles des enfants
de son groupe d’âge. En l’absence d’événement particulier systématique entre deux
moments de mesure, un enfant devrait obtenir des résultats normalisés similaires à
des évaluations successives. S’il y a hausse significative des résultats d’une évalua-
tion à l’autre, on peut l’attribuer à un événement particulier : les programmes ALI ou
une variable historique, telle la mise en place d’un autre programme dans la com-
munauté qui toucherait tous les enfants. Outre ALI, nous n’avons identifié aucun
événement systématique susceptible d’expliquer des hausses de résultats normalisés
chez les enfants de deux des trois programmes. S’il y avait eu une variable inconnue
dans l’histoire de la communauté, on aurait pu s’attendre à ce qu’elle entraîne aussi
des hausses de résultats chez les enfants ALI-Explorateur. Si la grandeur des gains
significatifs des enfants ALI-Bébé et ALI-Bambin peut paraître modérée malgré tout,
il faut souligner que les programmes inversent la tendance à la diminution progres-
sive des scores de développement qui paraît de façon générale dans les milieux
socio-économiques moins favorisés (Lacroix et al., 2002).
Également, nous avons poussé un peu plus loin les analyses statistiques pour
confirmer l’impact d’ALI. Pour être inclus dans l’étude, les enfants devaient par-
ticiper aux programmes un minimum de trois mois. Lorsque les dossiers des forma-
trices ne permettaient pas d’établir la participation active et intensive des adultes, les
données des enfants (n = 38) n’étaient pas incluses dans les analyses d’impact. Des
analyses sur les données de ces enfants montrent que leurs résultats de développe-
ment n’augmentent pas d’un moment de mesure à l’autre, t(37) = -1,15, p = 0,26.
Quand les enfants reçoivent peu les programmes, leurs v normalisés ne changent pas
de façon significative (Verreault, 2005).
Nous avons aussi examiné les données des participants en formant deux
cohortes de nombre égal d’enfants selon la période où ils ont commencé pour cha-
cun des trois programmes. Des analyses de la variance à mesures répétées avec les
facteurs cohortes (2) et moments de mesure (2) portent sur les données des enfants
de chaque programme. Ces analyses confirment nos conclusions antérieures. Elles
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Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
montrent un effet moments de mesure et aucun effet d’interaction cohortes par
moments de mesure pour les programmes ALI-Bébé et ALI-Bambin. Elles révèlent
aussi l’absence d’effet du programme ALI-Explorateur dans la modification des
résultats de développement des enfants (Verreault, 2005).
L’évaluation des programmes ALI ne comporte pas de mesure différée. Il serait
intéressant de vérifier si les effets obtenus à court terme se maintiennent jusqu’à la
maternelle et au-delà, si les effets sont plus importants à la suite d’un programme de
plus longue durée ou, encore, si des effets qui ne sont pas immédiats apparaissent
quelques temps après. Les effets bénéfiques de la lecture dialogique persistent
jusqu’à la fin de la maternelle (Whitehurst et al., 1999). Avec une action mobilisant la
communauté, on peut espérer que les programmes ALI contribueront au développe-
ment cognitif et langagier ultérieur des enfants de cette municipalité.
Notre étude souligne l’importance des familles et des milieux de garde pour la
stimulation cognitive en contexte de lecture. Plus particulièrement, les résultats
montrent que des Activités de Lecture Interactive participent au développement co-
gnitif et langagier des enfants durant les années préscolaires. Les programmes ALI
respectent les objectifs et principes de base du programme éducatif des centres de la
petite enfance du Ministère de la famille et de l’enfance (1997). Ils font d’ailleurs l’ob-
jet d’une implantation dans l’ensemble des milieux de garde de la Montérégie.
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Notes des auteursCette recherche constitue une partie de la thèse de doctorat de la première
auteure. Celle-ci a reçu une bourse du Conseil québécois de la recherche sociale
(CQRS), du Fonds pour la formation de chercheurs et l’aide à la recherche du Québec
(FCAR) et du Programme d’aide financière à la recherche et à la création (PAFARC).
205volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
L’élaboration des programmes ALI et la recherche ont été rendues possibles grâce à
des subventions du CQRS, du FCAR, du Conseil de recherches en sciences humaines
du Canada (CRSH), de l’Institut de recherche pour le développement social des
jeunes (IRDS) et de la fondation Lawson.
Nous tenons à remercier Renée Séguin, toutes les collaboratrices, les familles et
leurs enfants pour leur contribution indispensable à l’étude.
Pour toute correspondance concernant cet article, s’adresser à Martine Verreault,
Clinique des troubles de l’attention, Hôpital Rivière-des-Prairies, 7070 Boulevard
Perras, Montréal, (Québec), Canada, H1E 1A4; courriel : martine.verreault.hrdp@
ssss.gouv.qc.ca
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Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI
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Relation entre les typesde services de garde et ledéveloppement du langagechez les enfants du préscolaire
Claire MALTAISUniversité d’Ottawa, Ontario, Canada
RÉSUMÉ
Cette étude visait à évaluer les effets de quatre types de services de garde sur le
développement langagier de 306 enfants qui suivaient un programme de maternelle
quatre ans à demi-temps, dans un conseil scolaire de langue française de l’Ontario.
Les enfants étaient répartis selon les quatre types de services de garde : la garde à la
maison par un des parents (N=136), la garde à la maison par une gardienne (N=34),
la garde chez une gardienne (N=81) et la fréquentation d’un service de garde (N=55).
L’évaluation du langage s’est faite à l’aide de l’Échelle de vocabulaire en images
Peabody, la version canadienne française du Test for Auditory Comprehension of
Language, de questionnaires destinés aux enseignantes (l’Instrument de mesure du
développement de la petite enfance) et aux parents (Échelle d’utilisation du
français). Les résultats indiquent que les enfants qui fréquentent une garderie ou qui
sont gardés à leur domicile par une gardienne ont acquis un niveau de développe-
ment du vocabulaire et du langage global supérieur à celui des enfants qui se font
garder à la maison par un parent ou qui vont chez une gardienne. Les facteurs pou-
vant contribuer à expliquer ces différences entre les groupes sont : le temps d’atten-
tion et de stimulation; le type d’attention et de stimulation; l’environnement et le
type d’activités; ainsi que le type de langage utilisé.
ABSTRACT
Relationship Between Types of Day-Care Services and LanguageDevelopment Among Pre-School ChildrenClaire Maltais, University of Ottawa, Ontario, Canada
The goal of this study was to evaluate the effects of four kinds of day-care ser-
vices on the language development of 306 children in a half-time junior kindergarten
program in a French language Ontario school board. The children attended four
types of child-care services: home day-care by one of the parents (N=136), home day-
care by a babysitter (N=34), day-care at the home of a babysitter (N=81) and day-care
services (N=55). Language was evaluated with the Peabody Picture Vocabulary Test,
the French Canadian version of the Test for Auditory Comprehension of Language,
questionnaires geared to the teachers (Early Development Instrument) and parents
(French usage scale). The results show that children who go to a day-care centre or
who stay at home with a babysitter acquire a level of language and vocabulary devel-
opment globally superior to that of children who stay at home with a parent or who
go to a babysitter’s home. Some factors that may explain the differences among these
groups are the amount and type of attention and stimulation, the environment and
types of activities, and the type of language used.
RESUMEN
Relación entre los tipos de servicio de guardería y el desarrollo dellenguaje entre los niños en preescolarClaire Maltais, Universidad de Ottawa, Ontario, Canadá
Este estudio pretende evaluar los efectos de cuatro tipos de servicios de
guardería sobre el desarrollo del lenguaje de 306 niños que seguían un programa
preescolar para niños de cuatro años a tiempo parcial, en una comisión escolar de
lengua francesa en Ontario. Los niños fueron repartidos según los tipos de guardería:
la guarda en la casa por uno de los padres ( n = 136), la guarda en la casa atendida por
una asistente (n =34), la guardería privada en una casa (n = 81), y un servicio de
guardería ( n =55). La evaluación del lenguaje se hizo utilizando la Escala del vocabu-
lario en imágenes Peabody, la versión francesa del Test for Auditory Comprehension
of Language, los cuestionarios destinados a las maestras (el Instrumento de medida
del desarrollo de la infancia) y a los padres de familia (Escala de utilización del
francés). Los resultados indican que los niños que frecuentan una guardería o que se
quedan en sus casas pero que reciben los servicios de una asistente, adquirieron un
desarrollo del vocabulario y del lenguaje global superior al de los niños que se
quedan en la casa al cuidado de los padres o que van a una guardería privada. Los
factores que pueden contribuir a explicar las diferencias entre los grupos son: el
tiempo de atención y de estimulo, el tipo de atención y de estimulo, el entorno y el
tipo de actividades así como el lenguaje utilizado.
208volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire
Introduction
Cette étude veut évaluer les effets de quatre types de services de garde sur le déve-
loppement langagier d’enfants qui suivaient un programme de maternelle quatre
ans à demi-temps, dans un conseil scolaire de langue française de l’Ontario. Puisque
les enfants fréquentaient la maternelle un jour sur deux, les parents devaient avoir
recours à différents services de garde le reste du temps. Selon les renseignements
obtenus auprès des parents, ils faisaient appel à quatre types de services de garde : la
garde à la maison par un des parents, la garde à la maison par une gardienne, la garde
chez une gardienne et la fréquentation d’un service de garde. Les parents, les inter-
venants scolaires et les psychologues se demandent souvent quelle est l’influence de
ces divers types de services de garde sur le développement de l’enfant.
La recension des écrits
Les recherches qui se sont intéressées à cette question (Clarke-Stewart,1984,
1987a, 1987b, 1991; Clarke-Stewart et Gruber,1984; Dunn, Beach et Kontos,1994;
Wessels, Lamb et Hwang, 1996; Loeb, Fuller, Kagan et Carroll, 2004) ont comparé le
développement langagier d’enfants qui restaient à la maison (soit avec l’un de leurs
parents, un membre de la famille ou une gardienne) à celui d’enfants qui fréquen-
taient un service de garde (de type public, familial, agréé ou non agréé.
Clarke-Stewart (1984; 1987a, 1987b, 1991) a suivi et observé, à six reprises pen-
dant un an, 150 enfants de Chicago âgés de 2 à 4 ans. Ils étaient répartis selon six
types de services de garde. L’évaluation du langage portait sur la compréhension du
langage, la mémoire verbale, le langage expressif et la connaissance de concepts. Les
résultats démontrent que les enfants qui fréquentaient une garderie (à l’occasion, à
mi-temps ou à temps plein) avaient un niveau de langage supérieur à celui des
enfants gardés à la maison ( par un de leurs parents ou par une gardienne) ou qui
allaient chez une gardienne. Clarke-Stewart explique les différences observées, en
faveur des enfants qui fréquentaient une garderie, par des facteurs tels que la
présence d’activités axées sur le langage et sur le jeu, la pratique d’habiletés sociales
avec une variété d’enfants de leur âge et l’encouragement à être autonomes dans un
contexte non autoritaire. Ces expériences seraient qualitativement différentes de
celles que vivent les enfants gardés à la maison.
Dunn, Beach et Kontos (1994) ont évalué 117 enfants de 3 à 5 ans inscrits à
24 garderies agréées (dont huit sans but lucratif et 16 à but lucratif) et 30 garderies de
type familial (dont 26 étaient agréées et quatre non agréées). L’évaluation du langage
chez les enfants se faisait à l’aide de la sous-échelle Intelligence verbale du Classroom
Behavior Inventory (Schaefer et Edgerton, 1978). Les analyses statistiques ont tenu
compte du niveau socioéconomique. Les résultats démontrent, tout comme ceux de
Clarke-Stewart (1984, 1987, 1991), que le langage des enfants qui fréquentaient les
209volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire
Cette étude veutévaluer les effets de
quatre types de servicesde garde sur le déve-loppement langagier
d’enfants qui suivaientun programme de
maternelle quatre ans à demi-temps, dans un
conseil scolaire delangue française de
l’Ontario.
garderies est plus développé, et ce, de façon significative que celui des enfants ayant
fréquenté les garderies de type familial.
D’autres chercheurs, Wessels, Lamb et Hwang (1996) ont comparé, pendant
plusieurs années, trois groupes d’enfants dont le premier fréquentait la garderie, le
deuxième, une garderie familiale et le troisième demeurait à la maison. L’évaluation
des enfants s’est faite en cinq phases (à 16, 28, 40, 80 mois et 8 ans et demi). Les
instruments d’évaluation incluaient le Griffiths Developmental Scales (Griffiths,
1970) (à 16, 28 et 40 mois), une échelle d’habileté verbale tirée d’un test utilisé dans
les écoles suédoises (Ljungblad, 1967-1989) (à 80 mois) et un test suédois standardisé
(Haggström et Lundberg, 1990) ( à huit ans et demi). Les auteurs n’ont pas observé de
différences significatives sur le plan langagier entre les trois groupes pendant les
quatre premières étapes de la recherche. Cependant, au cours de la cinquième phase
(à huit ans et demi), ils ont noté qu’en évaluation du langage, les enfants ayant
fréquenté la garderie obtenaient des résultats supérieurs à ceux qu’obtenaient les
enfants des deux autres groupes (ceux gardés à la maison et ceux en garderie fami-
liale). Selon eux, l’influence de la garderie se ferait sentir davantage à long terme qu’à
court terme.
Loeb, Fuller, Kagan et Carroll (2004) ont suivi pendant cinq ans 451 jeunes
enfants provenant de familles monoparentales de niveau socioéconomique faible.
Au cours de la première évaluation, les enfants étaient âgés de deux ans et demi et
lors de la deuxième, ils avaient quatre ans. Les auteurs ont comparé un groupe d’en-
fants de milieux défavorisés qui étaient gardés à la maison par une voisine ou un
membre de la famille autre que la mère (136) à un groupe d’enfants qui fréquen-
taient une garderie agréée (158). L’évaluation du langage des enfants se faisait à l’aide
du McArthur Communicative Development Inventory (CDI; Fenson et al., 1994) et
du Bracken Basic Concept Scale (Psychological Corporation, 1998). Les résultats
indiquent des différences significatives et positives dans le développement du lan-
gage et des compétences cognitives en faveur des enfants qui fréquentaient une
garderie agréée au cours des deux étapes de l’évaluation.
Des recherches ont aussi comparé des groupes d’enfants fréquentant divers
types de service de garde sans inclure de groupes d’enfants qui étaient gardés à la
maison (McCartney, 1984; McCartney et Scarr, 1984; Goelman et Pence, 1987). Les
recherches de McCartney (1984) et de McCartney et Scarr (1984) ont comparé un
centre gouvernemental des Bermudes ayant un programme structuré qui accueillait
des enfants de trois à six ans d’un niveau socio-économique défavorisé à huit autres
centres privés ayant des programmes moins structurés et qui accueillaient des
enfants de milieux variés. Les évaluations de langage comportaient quatre types
d’évaluation : des tests standardisés que subissaient les enfants tels le Peabody
Picture Vocabulary (PPVT) (Dunn, 1979), le Preschool Language Assessment
Instrument (PALI) (Blank, Rose et Berlin, 1978), le Feagans et Farran: Adaptive
Language Inventory (ALI) et des échantillons de langage enregistrés pendant une
tâche de communication. Les résultats indiquent que le milieu de garde a des effets
importants sur le niveau de développement langagier chez les enfants et plus parti-
culièrement chez ceux qui proviennent de milieux défavorisés. Ils révèlent aussi que
210volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire
les enfants fréquentant le centre gouvernemental font preuve d’un développement
langagier supérieur à celui des enfants fréquentant des centres dont les programmes
étaient moins structurés.
Goelman et Pence (1987) ont comparé les résultats de l’évaluation du langage de
105 enfants de trois à six ans de l’ouest canadien qui fréquentaient trois types de
milieu de garde : des garderies familiales agréées, des garderies familiales non
agréées et des garderies agréées. Les instruments de mesure étaient le Peabody Picture
Vocabulary Test (PPVT) (Dunn, 1979) et l’Expressive One-Word Picture Vocabulary Test
(EOWPVT) (Gardner, 1979). Ces tests étaient effectués trois fois à six mois d’intervalle
chaque fois. Les enfants fréquentant des garderies familiales non agréées ont obtenu
des résultats moins élevés en langage réceptif et expressif que ceux qui ont fréquenté
les types de garde agréés (garderie et garderie en milieu familial).
Ces résultats concordent avec les conclusions de deux études menées dans
plusieurs états aux Etats-Unis : Cost, Quality and Child Outcomes in Child Care
Centers (COQ) (Peisner,-Feinberg et coll.,1999) et National Institute of Child Health
and Human Development Study of Early Child Care (NICHD Early Child Research
Network, 1994). Ces deux études montrent l’influence que peuvent avoir des services
de garde de bonne qualité sur le développement langagier des enfants. La première
des deux, COQ, a regroupé 826 enfants de toutes les strates socio-économiques
fréquentant 183 garderies situées dans quatre états américains. La deuxième,
NICHD, regroupait 852 enfants issus de divers milieux socio-économiques et habi-
tant dix états différents. Les résultats indiquent que la compétence linguistique des
enfants ayant fréquenté des services de garde de qualité était supérieure à celle des
enfants ayant fréquenté des services de garde de moins bonne qualité (Clarke-
Stewart, 1999; Peisner,-Feinberg et Burchinal, 1997).
Nous avons relevé une étude qui n’a pas trouvé de différence significative entre
le développement langagier de jeunes enfants qui ont suivi un programme présco-
laire et ceux qui sont restés à la maison (Ackerman-Ross et Khanna, 1989). Ces
auteurs ont évalué le langage réceptif et expressif de 40 enfants de trois ans de milieu
socio-économique moyen à l’aide du Zimmerman Preschool Language Scale (PLS) et
du Stanford-Binet scales of Intelligence Form L-M. Ils ont comparé les résultats de
22 enfants qui fréquentaient une garderie à ceux de 17 autres qui demeuraient à la
maison. Les analyses ne démontrent aucune différence significative entre les deux
groupes aux trois échelles de langage du PLS, que ce soit en matière de langage
expressif ou de langage réceptif. Cela pourrait s’expliquer par le petit nombre de
sujets ou par le fait que les enfants provenaient d’un milieu socio-économique
moyen. Selon les auteurs, ce sont les enfants issus de milieu socio-économique faible
qui bénéficieraient le plus des effets des services de garde.
La majorité des recherches indique donc que la fréquentation d’une garderie a
une influence positive sur le développement du langage chez les jeunes enfants et
plus particulièrement chez ceux qui proviennent des milieux défavorisés. Chez les
enfants de milieu socio-économique moyen ou bien nanti, ces résultats seraient
moins évidents et les progrès n’apparaîtraient qu’à plus long terme.
En Ontario français, les services de qualité pour les jeunes enfants représentent
211volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire
un moyen important de freiner l’assimilation des Franco-ontariens et de leur per-
mettre de mieux réussir à l’école (Masny, 1998). Les conseils scolaires de langue fran-
çaise accueillent une population étudiante très variée. Elle est composée d’enfants
qui parlent le français, mais dont les niveaux de langue varient beaucoup, d’enfants
« ayant droit », c’est-à-dire des enfants qui parlent peu ou pas du tout français, mais
qui ont le droit de fréquenter les écoles de langue française et, finalement, d’enfants
pour qui le français est une troisième langue (clientèle multiethnique). Ils offrent
depuis plusieurs années la maternelle à demi-temps aux enfants de quatre ans afin
de leur permettre de fréquenter un milieu de vie qui favorise la langue et la culture
françaises. Cependant, pour combler la période pendant laquelle les enfants ne sont
pas à la maternelle, les parents ont recours à plusieurs types de service de garde.
Dans la présente étude, tous les enfants fréquentaient, à demi-temps, la mater-
nelle dont le programme est prescrit par le ministère de l’Éducation de l’Ontario. Les
intervenantes étaient des enseignantes titulaires d’un baccalauréat en enseigne-
ment. Les recherches antérieures ont démontré que la fréquentation d’un service
éducatif de qualité favorisait le développement du langage. De plus, elles ont indiqué
que la garde à la maison par un parent était le type de garde qui favorisait le moins
ce développement. Cependant, aucune étude n’a porté sur les effets de la combinai-
son d’un service de garde de qualité offert à demi-temps et d’autres types de services
de garde. La présente étude offre la possibilité d’analyser ces effets puisque les
enfants, lorsqu’ils n’étaient pas à la maternelle, fréquentaient quatre types de services
de garde : la garde à la maison par l’un des parents, la garde à la maison par une gar-
dienne, la garde chez une gardienne et la fréquentation d’un service de garde.
La question est importante dans le contexte canadien actuel pour plusieurs
raisons. Compte tenu des recherches qui confirment que, dans plusieurs pays, la
qualité des programmes de la petite enfance influe de façon significative sur le
développement des enfants, les gouvernements aussi bien au niveau fédéral que
provincial procèdent à la refonte des programmes de la petite enfance afin de les rendre
plus efficaces et plus accessibles à tous les enfants. De plus, les études antérieures ne
portaient pas sur une population vivant dans un contexte linguistique minoritaire.
Pour ce type de population, l’apprentissage de la langue est une préoccupation
importante. Finalement, les résultats d’études comme celles-ci pourraient encoura-
ger les conseils scolaires de langue française en milieu minoritaire à offrir des pro-
grammes de maternelle à temps plein.
La présente recherche veut donc évaluer les effets de quatre types de services de
garde sur le développement langagier d’enfants qui fréquentaient un programme de
maternelle quatre ans à demi-temps, dans un conseil scolaire de langue française de
l’Ontario.
212volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire
En Ontario français,les services de qualité
pour les jeunes enfantsreprésentent un moyen
important de freiner l’assimilation des
Franco-ontariens et de leur permettre de
mieux réussir à l’école.
La méthodologie
L’étude a recours à un modèle de recherche qui compare le développement lan-
gagier de quatre groupes d’enfants qui fréquentaient un programme quatre ans à
demi-temps. La section méthodologie présente les participants, les instruments de
mesure utilisés pour évaluer le développement langagier des enfants et le déroule-
ment de la collecte des données.
Le choix des écoles et les participants à l’étude
La recherche a porté sur 306 enfants fréquentant le programme de maternelle
quatre ans à mi-temps. Les enfants, dont l’âge moyen était de 59,2 mois, provenaient
de 13 des 39 écoles d’un conseil scolaire d’Ottawa. Le choix des écoles reposait sur
une représentation proportionnelle des écoles du centre-ville, des banlieues et des
extrémités du territoire du conseil scolaire. Les enfants se répartissaient en quatre
groupes en fonction du type de service de garde utilisé par les parents les jours où
l’enfant ne fréquentait pas la maternelle. Nous avons identifié quatre types de ser-
vices de garde : un des parents garde l’enfant à la maison (N=136), une gardienne
garde l’enfant à domicile (N=34), l’enfant se rend chez une gardienne (N=81) et l’en-
fant fréquente un service de garde (N=55). En plus des évaluations directes menées
auprès des enfants, 16 enseignantes et 306 parents ont répondu aux questionnaires
qui leur étaient destinés. Le tableau 1 présente certaines caractéristiques des enfants
et des parents.
Tableau 1 : Caractéristiques et informations sur les participants à l’étude
213volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire
Parent Gardienne Garderie Va chez une Totaldomicile à domicile gardienne
Nombre d’enfants 136 34 55 81 306
Nombre de parents participant au projet 136 34 55 81 306
Nombre d’enseignants participant au projet s/o s/o s/o s/o 16
Âge moyen des enfants (en mois) 59,2 59,5 59,1 59,0 59,2
Pourcentage de filles 50 50 45 49 49
Pourcentage d’enfants membres d’une minorité raciale 20 18 13 7 15
Pourcentage d’enfants qui vivent avec leurs deux parents 92 74 80 79 84
Pourcentage des mères ayant un diplôme universitaire 34 40 41 29 30
Les domaines évalués et les instruments utilisés
Cette section présente les domaines évalués et les instruments de mesure utili-
sés. Ils portaient sur le développement langagier. Le tableau 2 présente les modes
d’évaluation retenus en fonction des répondants.
Tableau 2 : Les modes d’évaluation retenus en fonction des répondants
L’évaluation du langage s’est faite à l’aide des tests effectués auprès des enfants
ainsi que des questionnaires destinés aux enseignantes et aux parents. Les tests de
langage utilisés auprès des enfants incluaient l’Échelle de vocabulaire en images
Peabody (ÉVIP) (Dunn, Thériault-Whalen et Dunn, 1993) et la version canadienne
française du Test for Auditory Comprehension of Language (TACL) (Groupe coopé-
ratif en orthophonie, 1995).
L’ÉVIP évalue le langage réceptif des enfants. Elle demande aux enfants de mon-
trer du doigt, laquelle des quatre images présentées illustre le mot que dit l’examina-
teur. Ce test inclut des normes de performance francophones pancanadiennes. Le
résultat brut de l’enfant est transformé en rang centile qui varie entre 1 et 99. L’ÉVIP
est fréquemment utilisé dans les recherches et évalue principalement la compréhen-
sion du vocabulaire.
La version française du Test for Auditory Comprehension of Language (TACL)
(Groupe coopératif en orthophonie, 1995) évalue le langage réceptif des enfants. Elle
porte sur trois composantes du langage : le vocabulaire, la forme et la syntaxe. Elle
fournit un résultat (maximum 40) pour chacune des trois composantes du test :
Classes de mots et relations (ex. : « Oiseau »); Morphèmes grammaticaux (ex. : « Le
garçon est à côté de l’auto »); Phrases complexes (ex. : « Les filles mangent et regar-
dent la télévision ») et un résultat global (maximum 120). Ce test demande aux
enfants de montrer du doigt laquelle des trois images présentées illustre le mot ou la
phrase que dit l’examinateur.
Pour chaque enfant, les enseignantes ont aussi rempli l’échelle de développe-
ment du langage de l’Instrument de mesure du développement de la petite enfance
(IMPE) (Centre canadien d’études sur les enfants à risque, 1999). Les énoncés por-
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Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire
Sources d’information
Enfant Personnel enseignant Parent
Langage Échelle de vocabulaire en 8 énoncés (a=0,94) Utilisation du françaisimages Peabody et Instrument de mesure de 6 énoncés (alpha=0,85)Test for Auditory la petite enfance (IMPE) 1 énoncé (IMPE)Comprehension of Language(version canadienne-française)
Données démographiques Date de naissance, sexe de Niveau d’éducation, âge, sexe,l’enfant, etc. appartenance à une minorité
ethnique, etc.
taient sur des compétences telles que la capacité de l’enfant de raconter une histoire,
de comprendre ce qu’on lui dit et d’articuler clairement. Les parents devaient rem-
plir une échelle portant sur l’utilisation du français à la maison. Les résultats de
chaque échelle utilisée ont été soumis à des analyses factorielles avec rotation
orthogonale Varimax. Les coefficients de saturation de tous les énoncés étaient
supérieurs à 0,30 et la structure factorielle était la même que celle présentée par le
test original.
La collecte des données
La collecte de données a eu lieu à la fin de l’année scolaire, pendant les deux
dernières semaines du mois de mai. Quatre étudiantes inscrites à la maîtrise en
orthophonie étaient responsables de l’évaluation du langage et du concept de soi des
enfants. Une consultante en orthophonie leur a donné une formation de deux jours
et a supervisé la passation des tests et l’interprétation des résultats. Les parents et les
enseignantes ont rempli leurs questionnaires au cours de la même période.
Les résultats
L’évaluation de programme avait pour but de comparer le développement
langagier de quatre groupes d’enfants qui suivaient un programme quatre ans à mi-
temps; chaque groupe était établi à partir du type de service de garde adopté par les
parents lorsque l’enfant n’était pas à la maternelle. Les moyennes obtenues par les
enfants des quatre groupes ont été soumises à des analyses de covariance univariées
inter-sujets ANCOVA. Le seuil de confiance a été établi à p<,05. La variable indépen-
dante était le type de service de garde adopté par les parents lorsque l’enfant n’était
pas à la maternelle (quatre groupes) et la variable dépendante était le développe-
ment du langage. Les analyses portaient sur 306 enfants et parents; elles ont tenu
compte des covariables suivantes : le nombre d’enfants par classe, le sexe des
enfants, l’âge des enfants, l’appartenance à une minorité raciale, la langue parlée à la
maison, la structure familiale (biparentale ou monoparentale), le niveau de scolarité
des parents et le statut socio-économique de la famille (établi à partir du type d’em-
ploi). Le tableau 3 présente les covariables qui affectent significativement les
domaines évalués. Les moyennes obtenues par les sujets ont été ajustées en fonction
de cette analyse de covariance afin de limiter l’effet des covariables sur les variables
dépendantes.
215volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire
Tableau 3 : Les covariables qui affectent significativement les domaines évalués
(variables dépendantes) et dont nous avons tenu compte lors de la comparaison
entre quatre groupes (ANCOVA)
Le tableau 4 présente les moyennes obtenues par les quatre groupes d’enfants
pour chacun des domaines évalués. L’examen de ces moyennes permet de constater
que les enfants qui se font garder à la maison par un parent sont ceux qui ont le
niveau de développement langagier le plus faible. Toutefois, la performance langa-
gière de ces enfants s’apparente à celle des enfants qui se rendent au domicile d’une
gardienne. Les enfants qui fréquentent la garderie ou qui ont une gardienne à domi-
cile obtiennent les résultats les plus élevés.
Tableau 4 : Moyennes obtenues par les quatre groupes d’enfants lors de l’évaluation
du langage
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Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire
Composantes du langage évaluées Sexe Âge Membre d’une Langue parléede l’enfant de l’enfant minorité raciale à la maison
Classes de mots et relations p<,05 p<,001 ns. p<,0001
Morphèmes grammaticaux p<,05 p<,0001 ns. p<,0001
Phrases complètes ns. p<,0001 ns. p<,0001
Résultat global TACL p<,01 p<,0001 ns. p<,0001
Résultat du ÉVIP en fonction des rangs centiles ns. p<,01 ns. p<,0001
Langage expressif et réceptif (selon les enseignantes) p<,0001 p<,0001 ns. p<,0001
Utilisation du français à la maison ns. ns. p<,01 p<,0001
N.B. : Le nombre d’élèves par classe, la structure familiale (biparentale ou monoparentale), l’emploi et la scolarité des parents n’affectent pas les variables dépendantes.ns. = La variable n’influence pas significativement le domaine évalué.
Composantes du langage évaluées Parent Gardienne Garderie Va chez une Ancovadomicile à domicile gardienneN=136 N=34 N=55 N=81
Classes de mots et relations (max. 40) 26,60 30,50 29,60 27,10 p<,01
Morphèmes grammaticaux (max. 40) 17,50 19,30 19,70 18,60 ns.
Phrases complètes (max. 40) 13,60 15,40 16,20 13,80 ns.
Résultat global TACL (max. 120) 58,75 64,59 64,79 58,75 p<,01
Résultat du ÉVIP en fonction des rangs centiles 21,80 40,40 42,80 28,40 p<,01
Langage expressif et réceptif 3,70 4,20 4,10 4,00 p<,01(selon les enseignantes)(max. 5)
Utilisation du français à la maison (max. 40) 23,70 27,40 26,30 25,30 ns.
Les analyses de covariance univariées inter-sujets ANCOVA tendent à confirmer
cette première analyse tout en y apportant des nuances. Dans un premier temps,
elles permettent de préciser que le type de service de garde utilisé lorsque l’enfant
n’est pas à l’école est en corrélation avec le développement du vocabulaire. Ce résul-
tat est confirmé par deux sources d’évaluation, soit le sous-test classes de mots et
relations du TACL-R (F(3,297)= 5,2, p<.01) et l’Échelle de vocabulaire en images
Peabody (F(3,293)= 4,6, p<.01). Il est également en corrélation avec le développe-
ment global du langage confirmé par le résultat global du TACL-R (F(3,294)= 3,9,
p<.01) et par l’évaluation des enseignantes (IMPE) (F(3,294)= 4,3, p<.01). Cependant,
l’acquisition des morphèmes grammaticaux (F(3,297)= 0,7, ns) et des phrases com-
plètes (F(3,297)= 0,7, ns), de même que l’utilisation du français à la maison (F(3,206)=
0,2, ns) ne sont pas en corrélation avec le type de service de garde utilisé.
Les résultats des tests post hoc de type Tukey confirment que les enfants qui
fréquentent une garderie ont acquis un niveau de développement du vocabulaire
(TACL-R et Évip) et du langage global supérieur (TACL-R et IMPE) à celui des enfants
qui se font garder à la maison par un parent. De plus, pour trois de ces mesures
(Classes de mots et relations du TACL-R; résultat global du TACL-R et langage global
du IMPE), les enfants qui bénéficient d’un service d’une gardienne à domicile ob-
tiennent également des résultats supérieurs à ceux qu’obtiennent les enfants qui se
font garder à la maison par un parent. La comparaison entre le groupe d’enfants qui
fréquentent un service de garde et le groupe de ceux qui bénéficient d’un service
d’une gardienne à domicile révèle que le premier groupe obtient de meilleurs résul-
tats que le deuxième à l’ÉVIP : c’est la seule différence observée à ce test.
Les enfants qui fréquentent un service de garde font donc preuve d’un meilleur
développement du langage et disposent d’un léger avantage sur les enfants qui béné-
ficient d’un service d’une gardienne à domicile. Il n’existe pas de différence signi-
ficative entre le développement langagier des enfants qui se font garder à la maison
par un parent et celui des enfants qui vont au domicile d’une gardienne. On peut
donc répartir les enfants en deux groupes : le premier inclut à la fois les enfants qui
fréquentent un service de garde et ceux qui bénéficient d’un service d’une gardienne
à domicile; le second comprend les enfants qui se font garder à la maison par un pa-
rent et ceux qui vont au domicile d’une gardienne. Il faut noter que les différences de
performance entre ces deux grands groupes sont importantes : les enfants qui fré-
quentent un service de garde obtiennent un rang centile moyen de 43, alors que ceux
qui se font garder à la maison par un parent obtiennent un rang centile de 22 et ceux
qui vont au domicile d’une gardienne un rang centile de 28.
Résumé et discussion
Cette étude avait pour but d’évaluer les effets de quatre types de services de
garde sur le développement langagier de 306 enfants qui suivaient un programme de
maternelle quatre ans à demi-temps, dans un conseil scolaire de langue française de
l’Ontario. Puisque les enfants étaient à l’école une journée sur deux, les parents
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Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire
Les enfants quifréquentent la garderie
ou qui bénéficient duservice d’une gardienne à domicile lorsqu’ils ne
sont pas à la maternelle,ont un rendement
supérieur sur le plan langagier que ceux qui
se font garder par un deleurs parents ou qui vont
chez une gardienne.
devaient avoir recours à différents services de garde pendant les journées au cours
desquelles l’enfant n’était pas à la maternelle. Ils faisaient appel à quatre types de
services de garde : la garde à la maison par un des parents (N=136), la garde à la mai-
son par une gardienne (N=34), la garde chez une gardienne (N=81) et la fréquenta-
tion d’un service de garde (N=55).
L’évaluation du langage s’est faite à partir de tests auprès des enfants (l’Échelle
de vocabulaire en images Peabody (ÉVIP) et la version canadienne française du Test
for Auditory Comprehension of Language, TACL-R), ainsi qu’à l’aide de question-
naires destinés aux enseignantes (l’Instrument de mesure du développement de la
petite enfance, IMPE) et aux parents (Échelle d’utilisation du français). Les résultats
des analyses de covariance univariées inter-sujets ANCOVA indiquent que les enfants
qui fréquentent une garderie ont acquis un niveau de développement du vocabulaire
(TACL-R et Évip) et du langage global supérieur (TACL-R et IMPE) à celui des enfants
qui se font garder à la maison par un parent. De plus, pour trois de ces mesures
(Classes de mots et relations du TACL-R; résultat global du TACL-R et langage global
du IMPE), les enfants qui bénéficient du service d’une gardienne à domicile obtien-
nent également des résultats supérieurs à ceux qui se font garder à la maison par un
parent. La comparaison entre le groupe d’enfants qui fréquentent un service de
garde et le groupe de ceux qui bénéficient du service d’une gardienne à domicile
obtiennent un niveau supérieur à l’ÉVIP.
Dans le cadre de la discussion des résultats, nous retenons un certain nombre
d’éléments susceptibles d’expliquer pourquoi les enfants qui fréquentent la garderie
ou qui bénéficient du service d’une gardienne à domicile lorsqu’ils ne sont pas à la
maternelle, ont un rendement supérieur sur le plan langagier que ceux qui se font
garder par un de leurs parents ou qui vont chez une gardienne. Ces éléments sont : le
temps d’attention et de stimulation; le type d’attention et de stimulation; l’environ-
nement et le type d’activités; et le type de langage utilisé.
Le temps d’attention et de stimulation accordé aux enfants par les adultes à la
garderie et à la maison pourrait être un facteur expliquant cette différence. Selon
plusieurs auteurs, il existe une corrélation positive entre le développement intel-
lectuel (dont le langage) et le temps d’attention que reçoivent les enfants de la part
des adultes (Clarke-Stewart, 1991, Phillips, Scarr et McCartney, 1987; Whitebook,
Howes, et Phillips, 1990). Cependant, la majorité des recherches sur le sujet ont
démontré que les enfants reçoivent plus d’attention à la maison que dans les
garderies (McCartney, 1984; Melhuish,1990). Comment se fait-il alors qu’en évalua-
tion du langage, les enfants gardés à la maison par un de leurs parents obtiennent des
résultats inférieurs à ceux qui fréquentent une garderie ou qui sont gardés à la mai-
son par une gardienne. Le type d’attention et de stimulation accordé à l’enfant pour-
rait constituer un élément d’explication. En effet, lorsqu’un parent garde son enfant
à la maison, il continue de vaquer à ses occupations sans nécessairement passer tout
son temps ou la majorité de son temps à jouer, à parler ou à s’occuper de l’enfant. Il
en est de même lorsque l’enfant va chez une gardienne. Dans ces deux situations,
l’enfant s’occupe seul (joue, regarde la télévision, etc.) ou avec d’autres enfants. À la
garderie, même si l’attention n’est pas individuelle, les éducatrices ont comme
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Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire
responsabilité de s’occuper d’un petit groupe d’enfants et communiquent verbale-
ment avec eux dans toutes sortes de situations. La gardienne qui vient au domicile de
l’enfant reçoit souvent des directives des parents qui l’embauchent : ils désirent
qu’elle s’occupe particulièrement de l’enfant et qu’elle contribue à son développe-
ment. Cette exigence pourrait encourager la gardienne à communiquer verbalement
avec l’enfant sur différents sujets dans diverses situations.
L’environnement et les types d’activités proposés à l’enfant pourraient aussi
contribuer à expliquer la différence entre les deux milieux. À la garderie, l’enfant peut
communiquer avec d’autres enfants de son âge, avec des enfants plus vieux ainsi
qu’avec plusieurs adultes. À la maison, il sera soit seul, soit avec un petit nombre
d’enfants du même âge ou plus jeunes (frères ou sœurs), mais en présence d’un seul
adulte (parent ou gardienne). Le nombre de communications langagières avec
d’autres enfants ou avec des adultes est ainsi plus limité.
L’environnement physique et le matériel constituent une autre des grandes
différences qui existent entre la garderie et la maison. À la maison, l’enfant est dans
son milieu habituel. Il a accès à un certain nombre de jouets choisis par les parents
ou il joue avec les objets de la maison qu’il n’a pas besoin de partager, sauf s’il est
gardé avec d’autres enfants. À la garderie, le milieu est organisé en fonction des
enfants. Ils sont répartis par groupes d’âge et supervisés par un adulte.
L’environnement comprend souvent des centres d’intérêt : coin du livre, coin des
jeux de construction, etc. Le matériel est varié, adapté à leur âge et choisi en fonction
de sa qualité pédagogique (casse-tête, jeux mathématiques, matériel d’arts, jeux de
lettres, jeux de construction, etc.). Cet environnement et ce matériel poussent les
enfants à acquérir du vocabulaire et leur fournissent des sujets de conversation dif-
férents et variés. De plus, étant donné qu’ils doivent partager cet espace et ce
matériel avec d’autres enfants, ils développent une forme de langage social qui leur
sert à entrer en relation, à demander, à exiger ou à expliquer. Cela pourrait favoriser
l’émergence d’un langage plus élaboré chez les enfants qui fréquentent ce type d’en-
vironnement.
Le type d’activités auxquelles les enfants participent dans les garderies diffèrent
aussi de celles qu’offre la maison. Dans les garderies, l’horaire est fixé en fonction du
groupe et non de l’individu. L’emploi du temps inclut, en plus des activités de jeux
libres, des activités dirigées dans les centres, des activités de groupe (sous forme de
leçons portant sur des apprentissages spécifiques comme les nombres, les
formes…), l’apprentissage de chansons ou de comptines. Les enfants apprennent à
reconnaître et à adapter de façon abstraite les règles générales et les informations
présentées de façon formelle. Ils sont encouragés par les éducatrices à être
autonomes et indépendants. À la maison, les activités se déroulent plutôt dans un
contexte informel et naturel (ex. : faire des biscuits avec maman) dans lequel les
règles et les leçons sont limitées. Les enfants ont plus de temps libre et se livrent à des
occupations solitaires. En manipulant les objets de la maison, en aidant la gardienne
ou le parent, ils apprennent à réaliser les tâches de la vie quotidienne.
Finalement, le type de langage utilisé dans les deux milieux est aussi très dif-
férent. En effet, lorsque le parent ou la gardienne à la maison discute avec l’enfant,
219volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire
les conversations sont plus longues, elles incluent des phrases plus complexes et
offrent aux enfants l’opportunité de poser des questions, d’exprimer leur opinion et
de faire plus d’inductions (Tyler et Dittman, 1980). Dans les garderies, les conversa-
tions sont plus déductives et convergentes; elles prennent la forme de questions-
réponses comme en classe; l’éducatrice pose des questions et les enfants sont
encouragés à répondre (Tyler et Dittman, 1980; Wittmer et Honig, 1989). Selon
plusieurs auteurs, les sortes de conversations qui ont lieu dans les garderies sont
celles qui préparent les enfants à mieux répondre au test d’intelligence standardisé
dont une importante composante est langagière (Clarke-Stuart, 1991).
Le temps d’attention et de stimulation, le type d’attention et de stimulation,
l’environnement et le type d’activités, ainsi que le type de langage utilisé constituent
donc des facteurs qui peuvent influencer le développement langagier des enfants et
contribuer à expliquer les différences observées entre les groupes d’enfants fréquen-
tant les quatre types de services de garde. Les recherches ultérieures devraient s’in-
téresser au maintien à long terme de ces différences et à leurs effets sur les appren-
tissages scolaires comme la lecture, l’écriture et les mathématiques. Les questions de
recherche pourraient être formulées comme suit : Est-ce que les différences
observées chez les quatre groupes d’enfants sur le plan langagier s’atténuent au
cours des premières années du primaire? Le niveau supérieur de développement
observé chez les enfants qui fréquentaient la garderie ou qui se faisaient garder par
une gardienne à la maison favorise-t-il de meilleurs apprentissages scolaires?
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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impactdes mesures d’éducation aupréscolaire sur le rendementscolaire des enfants défavorisés de Montréal
Linda PAGANIUniversité de Montréal, Montréal, Québec, Canada
Youmna GHOSNUniversité de Montréal, Montréal, Québec, Canada
Julie JALBERTUniversité de Montréal, Montréal, Québec, Canada
Mélanka MUNOZUniversité de Montréal, Montréal, Québec, Canada
Maude CHAMBERLANDUniversité de Montréal, Montréal, Québec, Canada
RÉSUMÉ
Dans cet article, nous présentons certains résultats d’un programme de
recherche longitudinale qui a débuté à la prématernelle. Dans la première section,
nous discutons le volet longitudinal d’un programme inspiré de Head Start et
implanté à la prématernelle auprès d’enfants résidant en milieu urbain. Nous exa-
minons son influence sur la compétence linguistique d’enfants appartenant aux
minorités ethniques. À la fin de la prématernelle, ces enfants présentent une plus
grande amélioration de leur compétence linguistique que leurs pairs francophones.
Malgré le maintien, à la fin de la maternelle, d’une différence intergroupe favorisant
les enfants francophones, nous assistons à long terme à une poursuite de l’améliora-
tion de la compétence linguistique des enfants des minorités ethniques telle qu’au-
cune différence n’est plus perceptible à la fin de la première année du primaire entre
les deux groupes. Cette amélioration est en partie due aux efforts déployés par les
parents et les enseignants de la prématernelle pour aider ces enfants à surmonter les
défis de l’école. Dans la seconde section, nous discutons le volet expérimental du
programme. L’impact positif d’un programme en pré-arithmétique implanté en pré-
maternelle sur la connaissance des précurseurs en mathématiques et les résultats
d’un programme d’enrichissement implanté à la maternelle sont alors exposés.
Des programmes de prévention devraient être élaborés au préscolaire afin de
parer les effets d’un statut socioéconomique faible (Case, Griffin & Kelly, 2001;
Huston, 1994; McLoyd, 1998) et de briser le cycle de la transmission intergénéra-
tionnelle de la pauvreté (Rodgers, 1995). Montréal, l’une des villes les plus pauvres du
Canada (Canadian Council on Social Development, 2000), représente un contexte
urbain idéal pour la réalisation de ces efforts. Le but de cet article est de communi-
quer certaines conclusions d’un programme de recherche longitudinale implanté
auprès d’enfants vivant dans les milieux défavorisés de Montréal.
ABSTRACT
A Longitudinal Experimental Approach on the Impact of Pre-School-LevelEducational Measures on the Achievement of Socially DisadvantagedMontreal StudentsLinda Pagani, Youmna Ghosn, Julie Jalbert, Milenka Muñoz and Maude Chamberland
Université de Montréal, Québec, Canada
In this article, we present some results of a longitudinal research program which
started at the pre-school level. In the first section, we discuss the longitudinal part of
a program inspired by Head Start and implanted at the pre-school level for children
living in urban areas. We examine its influence on the linguistic competence of chil-
dren belonging to ethnic minorities. At the end of pre-school, these children show a
greater improvement in their linguistic competence than their French-speaking
peers. Despite the inter-group difference at the end of kindergarten in favour of
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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
French-speaking children, over the long term there is a continuation of increasing
linguistic competence among children from ethnic minorities, to such an extent that
there is no longer a perceptible difference between the two groups at the end of the
first year of elementary school. This improvement is due in part to the efforts made
by parents and pre-school teachers to help these students overcome the challenges
of school. In the second section, we discuss the experimental aspect of the program,
describing the positive impact of a pre-arithmetic program based on knowledge of
mathematical precursors, which was established at the pre-kindergarten level, and
the results of an enrichment program established at the kindergarten level.
RESUMEN
Un estudio longitudinal-experimental del impacto de los dispositivos deeducación en preescolar sobre el rendimiento escolar de los niños desfa-vorecidos de MontrealLinda Pagani, Youmna Ghosn, Julie Jalbert, Milenka Muñoz y Maude Chamberland
Universidad de Montreal, Quebec, Canadá
El presente artículo presenta algunos de los resultados de un programa de
investigación longitudinal que comienza desde el nivel preescolar. En la primera sec-
ción, discutimos la parte longitudinal de un programa inspirado de Head Star e
implantado en el nivel preescolar entre los niños que residen en medio urbano.
Examinamos sus repercusiones sobre la aptitud lingüística de los niños que
provienen de minorías étnicas. Al término del preescolar, dichos niños presentan
más adelanto de su aptitud lingüística que sus pares francófonos. A pesar de que se
mantiene, al término del preescolar, una diferencia al interior del grupo en favor de
los niños francófonos, asistimos, a largo plazo, a una mejora continua de la aptitud
lingüística de los niños provenientes de las minorías étnicas a un grado tal que
ninguna diferencia es perceptible al término del primer año de primaria entre los dos
grupos. Esta mejora se debe, en parte, a los esfuerzos desplegados por los padres de
familia y los maestros del preescolar para ayudar esos niños a superar los retos de la
escuela. En la segunda parte discutimos el aspecto experimental del programa. El
impacto positivo de un programa de pré-aritmética implantado en preescolar sobre
el conocimiento de los precursores en matemáticas y se exponen los resultados de un
programa de enriquecimiento implantado en el preescolar.
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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
Introduction
L’étude montréalaise sur le préscolaire en milieu défavorisé est une recherche
longitudinale – expérimentale qui a débuté en 1997. Son objectif original visait à
étudier l’impact du programme préscolaire, Opération Renouveau/Solidarité (OR),
qui offre la prématernelle (quatre ans) à mi-temps et la maternelle (cinq ans) à temps
plein aux enfants des milieux montréalais défavorisés.
De nombreux chercheurs, étudiants et intervenants du système scolaire (ensei-
gnants) ont participé aux volets longitudinal et expérimental de ce projet.
Le volet longitudinal
Avec la collaboration de la Commission Scolaire de Montréal (CSDM), nous
avons évalué plus de 2000 enfants provenant de familles défavorisées de la région
montréalaise. Les objectifs visés étaient :
1- d’étudier le développement des enfants à travers quatre cohortes suivies
annuellement;
2- de dépister les facteurs de risque et de protection reliés aux compétences
scolaires et sociales;
3- d’étudier la relation entre l’école et la famille.
Les instruments utilisés incluaient un test de vocabulaire de la langue française,
deux tests de connaissance des nombres, un questionnaire portant sur les compor-
tements sociaux des enfants (complété par les enseignants et les parents), et les carac-
téristiques pédagogiques (techniques innovatrices, stratégies de gestion, stratégies
d’appui, pratiques éducatives) utilisées par les enseignants du programme préscolaire.
Tout au long de la collecte des données, les enseignants ont fait part de leurs
inquiétudes à l’égard du nombre considérable d’enfants provenant de familles immi-
grantes. Nous avons donc porté une attention particulière à cette variable.
Les connaissances actuelles révèlent, qu’en l’absence d’une intervention, les
enfants défavorisés sont moins bien préparés à la rentrée scolaire que leur pairs plus
favorisés (Pagani, Boulerice, & Tremblay, 1997; Zigler & Styfco, 1996). Ceci est d’autant
plus vrai si ces enfants appartiennent à des groupes minoritaires (Alexander,
Entwisle, & Dauber, 1994; Bempechat, Graham, & Jimenez, 1999; Bianchi, 1984;
Driessen, 1997). Par ailleurs, certaines études indiquent qu’un échec scolaire précoce
peut avoir des conséquences négatives sur la trajectoire de vie de l’enfant. Son
impact à long terme sur l’adaptation scolaire et comportementale de l’enfant sem-
blerait ainsi d’autant plus grave que l’échec survient au début de l’enseignement pri-
maire (Pagani, Tremblay, Vitaro, Boulerice, & McDuff, 2001). De même, il semblerait
que le risque d’abandonner l’école soit plus élevé chez les enfants qui réussissent
moins bien à l’école primaire, surtout lorsque leurs difficultés apparaissent tôt
(Cairns, Cairns, & Neckerman, 1989; Ensminger & Slusarcick, 1992). Dès lors, il est
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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
L’étude montréalaisesur le préscolaire en
milieu défavorisé estune recherche longitu-dinale – expérimentalequi a débuté en 1997.
Son objectif originalvisait à étudier l’impactdu programme présco-
laire, OpérationRenouveau/Solidarité(OR), qui offre la pré-
maternelle (quatre ans)à mi-temps et la
maternelle (cinq ans) àtemps plein aux enfantsdes milieux montréalais
défavorisés.
primordial d’améliorer le potentiel d’apprentissage des enfants lors des premières
années d’enseignement pour favoriser leur réussite scolaire et économique.
Pour bon nombre d’enfants issus des minorités linguistiques et vivant sous le
seuil de la pauvreté, cette amélioration se traduit par l’atteinte d’une bonne connais-
sance de la langue du pays d’accueil. Un tel bagage linguistique permet à ces enfants
d’être aussi bien outillés que leurs pairs appartenant au groupe majoritaire et leur
offre la possibilité de mieux répondre aux exigences scolaires de la maternelle et de
la première année du primaire.
Depuis quelques décennies, de nombreux efforts d’intervention sont déployés
pour enrichir l’environnement préscolaire et favoriser le développement des habi-
letés requises pour le programme scolaire du primaire. Ces habiletés ont fait l’objet
de diverses interprétations, selon les enjeux économiques, les idées prédominantes
relatives aux besoins des enfants des milieux défavorisés et les définitions proximales
et distales de la préparation scolaire (e.g., performance égale à celle de leurs pairs
issus d’un milieu socioéconomique moyen; performance en accord avec des critères
établis tels que le quotient intellectuel; maîtrise ou consolidation des précurseurs
cognitifs en respectant les caractéristiques inhérentes à l’enfant; maîtrise des prin-
cipes d’autorégulation comportementale; etc.).
Inspirée par le mouvement Head Start, la plus grande commission scolaire de
Montréal (CSDM) a implanté, en prématernelle, un programme pour les enfants âgés
de quatre ans et issus des quartiers les plus défavorisés de la ville. Ce programme
(connu sous le nom de Opération Renouveau/Solidarité), offert à raison de demi-
journées, est administré par des enseignants de formation universitaire et possède
une orientation parents-enfant. Il vise à développer, chez les enfants, des habiletés
sociales et personnelles, des habiletés d’expression orale et écrite et des habiletés de
résolution de problèmes. Ces trois objectifs sont atteints par des moyens formels
(enseignement) et informels (activités de groupe). Il vise également à améliorer, chez
les parents, l’accès au système de santé et aux services sociaux et dentaires, à créer
un partenariat entre la famille et les enseignants afin de favoriser le développement
de l’enfant, et à favoriser la participation des parents aux activités scolaires et com-
munautaires. À cet effet, des rencontres bimensuelles sont prévues entre les ensei-
gnants et l’un ou les deux parents.
Le programme Opération Renouveau_Solidarité a été soumis à des évaluations
sommatives et formatives régulières et est finalement le fruit de cinq révisions. Les
premiers concepteurs du programme (fin des années 60) visaient l’amélioration des
habiletés de socialisation et l’enrichissement culturel des enfants à travers des acti-
vités de groupe et des sorties à des centres d’attraction locaux (musées et sites his-
toriques et culturels). Ils étaient convaincus que, dans leur ensemble, les enfants
présentaient des déficits dans leurs expériences socioculturelles. À l’issue de deux
études de coûts/bénéfices (Bonnier-Tremblay, 1977; Montmarquette, Houle, Crespo,
& Mahseredjian, 1989), il est apparu que cette première version de prématernelle,
offerte par demi-journée avec déjeuner et dîner inclus, n’avait aucun effet significatif
sur les habiletés en français et en mathématiques. Des chercheurs indépendants ont
alors recommandé que le programme emprunte une orientation plus cognitive. Les
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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
révisions subséquentes (deuxième et troisième) ont permis d’augmenter graduelle-
ment le nombre des écoles et des familles participantes, de même que l’étendue du
programme (CÉCM, 1994). Une étude longitudinale récente a relevé un impact posi-
tif de la troisième version du programme (cohorte 1982/83) chez les enfants qui ne
présentent pas de risques développementaux dus à des complications à la naissance
(Pagani & Tremblay, 1996; Pagani, Tremblay, Vitaro, & Parent, 1998). Comparés aux
enfants du groupe de contrôle qui habitent les mêmes quartiers qu’eux et qui n’ont
pas connu non plus de complications périnatales, les garçons qui participent au pro-
gramme manifestent davantage de comportements prosociaux à l’âge de six ans. De
plus, il présente un risque amoindri pour les comportements oppositionnels vers
l’âge de 11_12 ans, et pour la délinquance vers l’âge de 14_15 ans. Ces résultats sont
importants, car près de la moitié des enfants éligibles au programme sont restés à la
maison en attente de fréquenter la maternelle à mi-temps, créant naturellement un
groupe de comparaison quasi-expérimental.
La dernière version du programme, d’orientation plus cognitive, vise à aug-
menter les habiletés sociales, verbales et de résolution de problèmes des enfants et
tient compte des exigences croissantes de la maternelle.
La majorité des enfants, à qui nous avons offert le programme, ayant décidé d’y
participer, il a été impossible de former un groupe de comparaison. Toutefois, nous
pouvons examiner l’effet des variables intra-groupes. Une variable intra-groupe
d’une importance sociale particulière et économique est le nombre d’enfants allo-
phones qui débutent en prématernelle. Plusieurs de ces enfants font face à un triple
défi. Ils proviennent de milieux familiaux défavorisés et doivent s’adapter aux cou-
tumes de la société d’accueil. De plus, qu’ils soient nés ou non dans le pays d’accueil,
ils présentent souvent de faibles compétences dans la langue officielle (le français) à
leur entrée à l’école.
La prématernelle est la première année de scolarité formelle pour tous les
enfants des quartiers défavorisés de la ville de Montréal. Aussi, son objectif proximal
est de mieux préparer ces enfants pour la maternelle. Plusieurs membres des com-
munautés ethniques, orientales et occidentales, partagent la conviction que le
développement du langage est central pour atteindre cet objectif (Ran, 2001; Tobin,
Wu & Davidson, 1989).
Autrefois, les enfants apprenaient, à la maternelle, à découvrir, à jouer et à
développer leurs compétences sociales dans une atmosphère festive. De nos jours, ils
y acquièrent les habiletés préscolaires nécessaires au travail formel de la première
année du primaire (Cosden, Zimmer, & Tuss, 1993; Fast Response Survey System,
1993; Hains, Fowler, Kottwitz, Schwartz, & Rosenkoetter, 1989). Les habiletés requis-
es pour l’entrée en maternelle incluent le traitement réceptif et expressif du langage
complexe, l’habileté à s’organiser et le respect de plusieurs nouvelles règles et procé-
dures (Rosenkoetter, 2001). Compte tenu des pressions financières vécues par les
écoles primaires et secondaires, les attentes envers les élèves de maternelle ont con-
sidérablement augmenté. Depuis, un nombre croissant d’enfants vivent des expé-
riences d’échec en maternelle, les enfants issus des minorités ethniques étant les
plus à risque de redoublement (Cosden et al., 1993). D’un point de vue développe-
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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
mental, cela a une implication importante sur l’intégration sociale et l’autonomie
financière de ces enfants à long terme.
Ces résultats ne sont pas surprenants, car les enfants des familles immigrantes
ont tendance à moins bien réussir à l’école que leurs pairs non immigrants. À leur
entrée au préscolaire, lorsqu’ils sont testés dans la langue officielle d’instruction, ils
présentent souvent des lacunes en pré-lecture et en pré-arithmétique (Driessen,
1997). Leur retard par rapport aux enfants du groupe majoritaire se maintient quel
que soit leur niveau socioéconomique ou leur niveau d’instruction (i.e., primaire ou
secondaire) (Steele, 1997). Confrontés à une discontinuité entre les schèmes de leur
culture d’origine et ceux de leur pays d’accueil et à une connaissance faible de la langue
officielle, les enfants des minorités linguistiques semblent rencontrer des difficultés
dans leurs nouvelles acquisitions. Aussi, il semblerait que la préparation linguistique
soit le principal facteur sous-jacent à la préparation et au rendement scolaire.
Pour les enseignants du programme montréalais de prématernelle, la prépara-
tion des enfants à la maternelle représente un défi de taille vu la composition multi-
culturelle du milieu. Les théoriciens, tels que Vygotsky (1962), Bronfenbrenner
(1992), et Rogoff (1990) ont grandement influencé leur domaine d’études en analy-
sant le développement cognitif dans un contexte socioculturel, c’est-à-dire en tenant
compte des systèmes de relations interpersonnelles, de valeurs, de pratiques et
d’outils socialement transmis. Afin d’apprécier l’expérience d’apprentissage de l’en-
fant, l’enseignant doit accepter que chaque enfant opère sur un ensemble distinct de
croyances culturelles. À titre d’exemple, de peur que leur héritage culturel se perde
(Taylor, 1994), les parents des minorités linguistiques risquent de résister passive-
ment ou activement à l’acquisition par l’enfant de la langue du pays d’accueil.
Toutefois, tous les immigrants n’accordent pas la même importance à la langue et à
l’héritage culturel. Dans leur étude, Ebbeck et Glover (1996) constatent que le main-
tien de la langue maternelle est très important pour les parents chinois, moins
important pour les parents cambodgiens et indonésiens et absolument pas impor-
tant pour les parents philippins. Il est probable que de telles différences culturelles
aient des implications sur le rendement des enfants.
Selon les tenants de la théorie développementale socioculturelle, l’apprentis-
sage d’une langue seconde nécessite un certain degré d’immersion culturelle. Cela
devient difficile étant donné les schèmes comportementaux conflictuels encouragés
par la maison et l’école (Ebbeck, 2001; Katz, 1991; Kelly, Gregory, & Williams, 2001;
Ran, 2001). Par exemple, contrairement à l’enseignement occidental qui encourage
l’enfant à poser des questions et à s’affirmer, plusieurs cultures orientales valorisent
l’obéissance et le respect des parents, des aînés et des enseignants (Ranford, 1992).
Un sentiment de confusion risque de naître chez les élèves issus des minorités eth-
niques. Ces enfants devront apprendre et fonctionner selon des schèmes comporte-
mentaux différents, souvent paradoxaux.
Les familles immigrantes doivent faire face à un autre défi. Les sociétés nord-
américaines attribuent une grande importance aux liens établis entre les parents et
les institutions qui interviennent auprès de l’enfant. Or, pour les familles immi-
grantes non originaires d’Amérique du Nord ou d’Europe Centrale, la famille élargie
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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
remplit les fonctions relatives à la santé et à l’éducation de l’enfant et constitue un
réseau de bien-être et une unité consultative. Dès lors, ces familles risquent de per-
cevoir la volonté du personnel à établir des liens comme intrusive. Elles risquent
également de méconnaître les services et les privilèges qui leurs sont offerts. Par con-
séquent, il importe que les enseignants se familiarisent avec les composantes cultu-
relles de leur groupe-classe de prématernelle et y ajustent leurs pratiques éducatives.
Un résultat déconcertant de l’étude d’Ebbeck et Glover (1996) révèle que certains
enseignants ignorent tout du pays ou de la culture d’origine de leurs élèves.
Les attentes des adultes significatifs pour l’élève ont une influence considérable
sur sa performance. Malgré l’adversité d’un statut socioéconomique faible, les pa-
rents appartenant aux minorités ethniques envisagent avec optimisme les compé-
tences et les aspirations scolaires de leurs enfants (Alexander & Entwisle, 1988;
Galper, Wigfield, & Seefeldt, 1997; Ran, 2001; Stevenson, Chen, & Uttal, 1990). Le sou-
tien parental dont bénéficient ces enfants a une influence positive sur leur perfor-
mance scolaire (Smith & Hausafus, 1998). Leurs frères et sœurs plus âgés leur trans-
mettent des connaissances en littéracie par le biais du modelage et du soutien qu’ils
leur offrent (Kelly et al., 2001). Par ailleurs, les études suggèrent que les enseignants,
surtout ceux dont le statut socioéconomique est plus élevé, nourrissent moins d’at-
tentes (Alexander, Entwisle, & Bedinger, 1994) et consacrent moins de temps
(Driessen, 1997) aux enfants des minorités ethniques, entraînant ainsi de mauvaises
performances chez ces élèves (Alexander, Entwisle, & Thompson, 1994). Aux États-
Unis, les intervenants et les enseignants traitent souvent les enfants et les familles
non anglophones comme des étrangers (Kagan & Garcia, 1991), et font naître chez
eux un sentiment d’aliénation et d’intrusion dans leur propre école (Gougeon, 1993).
En supposant qu’il existe des divergences entre les attentes des parents et celles des
enseignants, nous pouvons nous questionner sur le rôle que les enseignants jouent
et sur les caractéristiques relationnelles qu’ils établissent avec les parents et qui per-
mettraient de dévier les enfants issus des minorités linguistiques de la trajectoire de
l’échec scolaire.
Dans Pagani, Jalbert, Lapointe, & Hébert (sous presse-a), nous utilisons des
données tirées de l’étude longitudinale montréalaise sur le préscolaire. Notre but est
d’examiner les bénéfices que les enfants défavorisés et appartenant aux minorités
linguistiques retirent de leur expérience au préscolaire. Au terme de cette expérience,
ces enfants sont-ils mieux préparés aux exigences de la maternelle qu’ils ne l’étaient
au début de l’année? Le cas échéant, quelle est l’importance de cette amélioration
comparativement à celle des enfants francophones issus du même milieu socioé-
conomique? Enfin, à l’égard des défis du nouvel environnement scolaire de leur
société d’accueil, dans quelle mesure les enfants des minorités linguistiques bénéfi-
cient-ils de l’aide de leurs enseignants au préscolaire?
Lorsque la préparation à la maternelle est définie en termes de compétences
sociales, les analyses indiquent une différence de l’adaptation comportementale des
enfants selon leur appartenance linguistique. Contrairement à nos attentes, les éva-
luations faites par les enseignants en début et en fin d’année à la prématernelle
relèvent moins de détresse émotionnelle et de comportements hyperactifs chez les
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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
Les attentes desadultes significatifs
pour l’élève ont uneinfluence considérable
sur sa performance.
enfants des minorités linguistiques que chez leurs pairs francophones et une stabi-
lité comportementale chez les deux groupes (les résultats comportementaux
obtenus au début de l’année ont été soustraits à ceux obtenus à la fin de l’année).
Ainsi, il semblerait que l’expérience au préscolaire n’exerce aucun impact significatif
sur le développement comportemental des enfants.
Par ailleurs, lorsque la préparation à la maternelle est définie en termes de pré-
paration linguistique, les analyses indiquent de moins bonnes compétences en
français et en pré-arithmétique chez les enfants des minorités linguistiques à l’entrée
à la prématernelle. Toutefois, leur déficit en pré-arithmétique est statistiquement
expliqué par leur faible connaissance de la langue officielle d’instruction.
Confrontés aux restrictions imposées par certains de leurs parents pour
empêcher qu’ils se « mélangent » à leurs pairs de la société d’accueil (Gougeon, 1993;
Katz, 1991; Kelly et al., 2001; Ran, 2001), ces enfants auraient moins de possibilité
d’apprendre le français et présenteraient ainsi plus de lacunes dans leurs compé-
tences linguistiques. Par ailleurs, ce déficit pourrait également résulter d’un manque
d’expérience en garderie, laquelle permet d’améliorer les habiletés narratives et dis-
cursives des enfants désavantagés (Feagans, Fendt, & Farran, 1995). En effet, dans
notre étude, plutôt que de fréquenter une garderie, les enfants des minorités linguis-
tiques sont significativement plus nombreux que leurs pairs francophones à rester à
la maison, en compagnie de leur mère. Leurs parents perçoivent peut-être la langue
comme un obstacle à la communication (telle qu’étudiée dans les recherches ethno-
graphiques, (Ebbeck, 2001), et estiment que leurs enfants ne seraient pas en mesure
d’apprécier pleinement l’expérience en garderie. Le préscolaire constitue donc la
première expérience culturelle et linguistique pour bon nombre de ces enfants. Cela
pourrait aussi expliquer leur plus faible niveau (entrée et fin) de problèmes de com-
portement.
À la fin de l’année du préscolaire, ces enfants présentent une plus grande
amélioration de leurs compétences linguistiques que leurs pairs francophones sur
l’échelle de vocabulaire Peabody (Dunn, Thériault-Whalen, & Dunn, 1993). Cette
amélioration se poursuit jusqu’à atteindre, à la fin de la maternelle, un gain d’un
écart-type par rapport à leur moyenne à la fin du préscolaire, contre un gain d’un
demi écart-type chez leurs pairs francophones. À la fin de la première année du pri-
maire (ces résultats concernent uniquement les enfants de notre échantillon que
nous avons pu suivre parce qu’ils sont restés dans notre zone de cueillette de don-
nées), aucune différence significative de compétences linguistiques en français n’est
détectable dans les bulletins de notes entre les enfants des deux groupes. Nos résul-
tats suggèrent donc une amélioration graduelle des compétences des enfants des
minorités linguistiques jusqu’à atteindre, au début du primaire, des chances de réus-
site scolaire identiques à celles de leurs pairs francophones. Nous espérons que cette
égalité de chances se poursuive à long terme dans leur adaptation psychosociale et
leur cheminement scolaire.
Dans une perspective préventive, ces résultats optimistes et rassurants concor-
dent avec ceux d’études antérieures. Dans leur recherche longitudinale, entre 1969 et
1970, Lee, Brooks-Gunn et Schnur (1988) comparent des enfants du programme
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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
Nos résultats suggèrent donc une
amélioration graduelledes compétences desenfants des minorités
linguistiques jusqu’àatteindre, au début duprimaire, des chances
de réussite scolaire identiques à celles
de leurs pairs francophones.
Head Start à des enfants inscrits dans des programmes préscolaires et à d’autres qui
ne sont inscrits dans aucun programme. Après avoir contrôlé les compétences ini-
tiales des enfants et les caractéristiques de leur milieu, les auteurs observent chez les
enfants de Head Start une amélioration plus importante à bon nombre de tests de
préparation à l’école. Cette amélioration est plus marquée chez les enfants afro-
américains et surtout chez ceux dont les compétences initiales sont inférieures à la
moyenne. Ces résultats sont particulièrement intéressants, car, dans cette étude, ces
enfants présentent le plus grand nombre de facteurs de risque (appartenance à des
communautés ethniques et à des familles monoparentales, éducation maternelle
faible, taille de la famille plus élevée). D’ailleurs, dans notre étude, les enfants des
minorités linguistiques sont également les plus défavorisés.
Les découvertes d’Entwisle et d’Alexander (1992) sur les modèles de l’apprentis-
sage saisonnier (les pertes scolaires estivales indiquent les effets de la maison et les
gains scolaires hivernaux indiquent ceux de l’école) chez les enfants à statut socioé-
conomique faible sont également pertinentes. Dans cette étude, les gains des enfants
sont proportionnels à la taille des résultats initiaux. Au début de l’année scolaire (i.e.,
à la fin de l’été), les résultats des enfants défavorisés sont faibles. Toutefois, les gains
qu’ils réalisent au cours de l’hiver sont plus importants que ceux de leurs pairs dont la
situation socioéconomique est meilleure. L’échantillon d’Entwisle et Alexander (1992)
est cependant composé essentiellement d’enfants défavorisés afro-américains et
caucasiens et de peu d’enfants latino-américains. La discussion des auteurs relative
au statut des minorités se limite pour cela à des considérations ethniques et non lin-
guistiques.
Néanmoins, l’importance de l’étude de la langue s’impose lorsque les statuts de
minorités ethniques et linguistiques se confondent. Quel que soit leur lieu de nais-
sance, les enfants des immigrants intègrent le préscolaire en pratiquant une autre
langue que celle de leur pays d’accueil et ont une faible connaissance de la langue
officielle d’instruction. Dans notre étude, l’amélioration des habiletés linguistiques
de ces enfants s’étant poursuivie jusqu’à la disparition de leurs lacunes linguistiques
après la première année du primaire, nous estimons qu’une scolarisation précoce
leur est bénéfique.
Nos résultats soulignent fortement l’influence prospective des effets de la péda-
gogie. Chez les enfants des minorités linguistiques, les pratiques éducatives sont
associées à l’amélioration des compétences en vocabulaire au cours du préscolaire.
Les données recueillies, au milieu de l’année scolaire, sur le soutien offert par l’en-
seignant, sur les innovations pédagogiques et sur l’importance accordée à la résolu-
tion des problèmes, nous autorisent une interprétation prospective des résultats.
L’analyse de la relation entre ces variables et les résultats d’amélioration des enfants
des minorités linguistiques suggère que les enseignants offrent plus de soutien,
utilisent davantage de stratégies pédagogiques innovatrices et mettent plus l’accent
sur la résolution de problèmes avec les enfants dont les compétences en vocabulaire
se sont le moins bien améliorées. Selon les recherches antérieures, les enseignants
perçoivent les enfants provenant des minorités ethniques comme des étrangers et
nourrissent à leur égard peu d’attentes. Au contraire, dans notre étude, les en-
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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
seignants témoignent un intérêt réel pour ces enfants, et plus spécifiquement pour
ceux qui manifestent des lacunes linguistiques. En réalité, il se pourrait que ces
faibles attentes envers ces élèves « étrangers » motivent les enseignants à leur venir
en aide. Loin de constituer uniquement un facteur de risque, ces attentes pourraient
constituer dans certains cas un facteur de protection.
Nos résultats indiquent un lien significatif entre la participation des parents
appartenant aux minorités linguistiques et l’amélioration des compétences en voca-
bulaire des enfants. La participation globale est meilleure chez les parents dont les
enfants présentent des difficultés scolaires. Nos résultats confirment ceux des
recherches citées plus haut (Alexander et al., 1988; Galper et al., 1997; Stevenson et
al., 1990) qui indiquent que les parents issus des minorités ethniques perçoivent de
manière positive les compétences et les ambitions scolaires de leurs enfants malgré
le statut socioéconomique faible de la famille. Face aux difficultés rencontrées par
leurs enfants, ces parents inquiets finissent par s’impliquer pour tenter de résoudre
les difficultés de leurs enfants.
De même, nos résultats indiquent que les enseignants proposent en milieu
d’année aux parents des minorités linguistiques un éventail de modalités de rencon-
tres d’autant plus large que les enfants présentent des difficultés en langue française.
Pour pallier à l’incapacité de certains parents à communiquer par des notes écrites,
plusieurs stratégies sont mises en place : conversations téléphoniques, rencontres à
l’école, invitations à se joindre aux activités de la classe, recours aux services d’un
interprète, etc. Les parents dont les enfants présentent une faible amélioration en fin
d’année, profitent davantage des différents types de rencontres qui leur sont offerts
et s’investissent plus dans la relation parents-école.
Les actions concertées entre l’enseignant et les parents pourraient rendre
compte de l’amélioration des compétences verbales des enfants dès la fin du présco-
laire. Ces résultats suggèrent, qu’en dépit d’éventuels sentiments xénophobes chez
l’enseignant et chez les parents, ces adultes significatifs pour l’enfant ont un impact
positif sur sa performance scolaire et sur son bien-être. Contrairement aux idées
exprimées par certains parents qu’une exposition précoce à une nouvelle langue
peut entraîner l’oubli de la langue maternelle, les résultats d’une recherche menée au
préscolaire ne montrent, après une année de suivi, aucune perte des acquis de la
langue maternelle chez des enfants hispanophones (Winsler, Diaz, Espinosa, &
Rodriguez, 1999). Comparés à d’autres enfants hispanophones qui sont demeurés à
la maison, ces enfants acquièrent une meilleure connaissance de la langue du pays
d’accueil (anglais) et développent davantage leur maîtrise de la langue maternelle.
Dans des conditions optimales, il n’est donc pas surprenant que le fait de posséder
une langue seconde soit associé à des niveaux de réalisation cognitive plus élevés
(Diaz, 1983; Diaz, Padilla, & Weathersby, 1991; Hakuta, 1986).
Les enseignants peuvent faire davantage pour respecter les besoins des enfants
dans les situations d’apprentissage. Dans son analyse des variables psychoculturelles
et des processus de l’enseignement/apprentissage, Tharp (1989) dégage quatre
prédicateurs de la réaction des enfants issus des minorités linguistiques à l’égard du
système scolaire nord-américain standard : l’organisation sociale, les facteurs socio-
234volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
linguistiques, les facteurs cognitifs et les facteurs motivationnels. En Amérique du
Nord, l’accent mis sur la concurrence et sur la compétition sociale en classe risque
d’être inadéquat pour beaucoup d’élèves appartenant aux minorités culturelles. De
plus, des conventions rigides régissant le discours, l’encouragement de la perform-
ance, la tendance pour des techniques qui développent la pensée verbale/analytique
et la négligence générale des valeurs d’affiliation augmentent le risque d’échec sco-
laire de ces enfants, surtout lorsqu’ils appartiennent à un milieu socioéconomique
défavorisé. La prise en compte de ces facteurs socioéducatifs pourrait davantage
profiter aux enfants des minorités linguistiques plutôt que l’organisation des
semaines culturelles.
Il est vrai que la notion de période critique du langage figuré est controversée
dans les études portant sur les processus du développement de l’enfant. Cette notion
est néanmoins utile pour réfléchir à la scolarisation des enfants du préscolaire
(Entwisle & Alexander, 1998), surtout si nous envisageons son apport en termes de
prérequis à la connaissance. L’enrichissement précoce pourrait stimuler les habiletés
requises à une bonne transition piagétienne dans le développement cognitif des en-
fants âgés de cinq à huit ans (Entwisle & Alexander, 1998). Nous ne devons pas perdre
de vue que le but général du programme du préscolaire est de préparer les enfants à
l’école. La perception de soi à l’école, développée au préscolaire, permet des résultats
exemplaires en première année du primaire (Pallas, Entwisle, Alexander, & Cadigan,
1987). Dans notre étude, les enfants qui présentaient des lacunes en français à leur
entrée à la prématernelle ont réussi à réduire leur risque d’échec scolaire. À eux seuls,
ces résultats confirment le rôle stratégique que joue l’éducation préscolaire dans la
prévention de l’échec scolaire et de l’inadaptation psychosociale à long terme. S’ils
avaient intégré le préscolaire une année plus tard, les enfants de notre étude auraient
eu à relever le double défi du programme de la maternelle et de leur adaptation psy-
cholinguistique et culturelle à leur nouvel environnement scolaire nord-américain.
Le volet expérimental
La performance en première année du primaire constitue un prédicateur
important de l’évolution scolaire de l’enfant au niveau de son rendement (Alexander
& Entwisle, 1988; Ensminger & Slusarcick, 1992; Kerckhoff, 1993; Pederson, Faucher,
& Eaton, 1978) et de son adaptation sociale (Pagani et al., 2001). Dans le cadre d’une
étude sur le redoublement scolaire utilisant une banque de données d’enfants
québécois (Pagani et al., 2001; Nagin, Pagani, Tremblay, & Vitaro, 2003), nous avons
établi que près de la moitié des retards scolaires sont dus à des difficultés en mathé-
matiques, surtout dans les milieux défavorisés. À l’instar de la plupart des pro-
grammes du genre « Head Start », le programme préscolaire de la CSDM favorise
principalement le développement des compétences verbales. Le but du volet expéri-
mental est d’implanter un programme de prévention qui stimule les précurseurs de
la connaissance des nombres chez les enfants au préscolaire afin d’améliorer leur
performance en mathématiques à l’école primaire. Ce dernier objectif est atteint
235volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
À l’instar de la plupart des programmesdu genre « Head Start »,
le programme pré-scolaire de la CSDM
favorise principalementle développement descompétences verbales.Le but du volet expéri-mental est d’implanterun programme de pré-vention qui stimule lesprécurseurs de la con-
naissance des nombreschez les enfants au pré-scolaire afin d’améliorer
leur performance enmathématiques à
l’école primaire.
grâce à une collaboration extrêmement étroite entre les chercheurs et les ensei-
gnants (nos intervenants).
En collaboration avec la CSDM et avec l’aide des enseignants du préscolaire
(Griffin & Case, 1996; Griffin, Case, & Capodilupo, 1994; Griffin, Case, & Carpenter,
1994; Griffin Case, & Siegler, 1994), nous avons traduit, adapté et implanté le pro-
gramme d’enrichissement en mathématiques de Sharon Griffin et de Robbie Case,
intitulé Rightstart-Bon Départ (Pagani, Jalbert, & Girard, sous presse-b). Ce pro-
gramme, implanté en classe de maternelle (cinq ans), a pour objectif la stimulation
des précurseurs nécessaires à l’apprentissage des mathématiques de première
année. Au total, 622 des 1410 enfants de notre étude longitudinale et 61 enseignants
y ont participé. Nos résultats à la fin de la maternelle montrent que les enfants qui
ont conjointement participé au programme RSBD et au programme OR connaissent
une amélioration plus marquée de leurs habiletés en mathématiques que les enfants
qui ont uniquement bénéficié du programme OR.
Nous avons également développé un programme inspiré et adapté du RSBD
pour les classes de prématernelle (quatre ans), intitulé Bon-Départ (BD). Implanté
par 25 enseignants de la CSDM auprès de 724 enfants, ce nouveau programme com-
porte également un volet parental (avec des dyades parents-enfant). Cette version du
programme a pris en considération les réflexions des enseignants qui ont participé
au programme de la maternelle. Aussi, le programme offert à la prématernelle
représente une version nettement améliorée en termes de matériel et d’activités.
Dans Pagani et al. (sous presse-b), nous avons cherché à examiner si l’enrichis-
sement au préscolaire des précurseurs à l’arithmétique a une influence sur la connais-
sance des nombres chez les enfants issus des milieux les plus défavorisés de
Montréal. Nous avons implanté une version française et culturellement adaptée du
programme Rightstart auprès d’un échantillon d’enfants de maternelle suivant le
programme OR offert par la CSDM et inspiré de Head-Start. Par ailleurs, nous avons
développé et implanté un nouveau programme d’enrichissement aux pré-arithmé-
tiques auprès d’enfants de maternelle fréquentant des écoles des mêmes quartiers.
Dans nos analyses de données, nous employons deux méthodes pour examiner l’in-
fluence de ce programme. La première méthode implique une approche tradition-
nelle comparant le groupe d’intervention auto-sélectionné à un groupe de comparai-
son également auto-sélectionné. La deuxième méthode emploie, pour le groupe
d’intervention, une approche de dosage auto-sélectionné, étant donnée l’applica-
tion différente du programme selon les enseignants. Les groupes de comparaison ont
reçu, dans les écoles et milieux fréquentés par les enfants du groupe d’intervention,
un programme traditionnel inspiré de Head Start.
Les enseignants ont été informés qu’ils faisaient partie d’une étude expérimen-
tale longitudinale englobant la ville de Montréal. De plus, ils ont reçu une formation
et du matériel prêt à être utilisé pour l’implantation du programme. Néanmoins,
suite à des négociations avec les enseignants et les parents, il a été convenu que la
progression du programme sera laissée à la discrétion de chacun. Pour répondre à ce
défi méthodologique, nous avons effectué, dans le traitement de nos données, une
comparaison traditionnelle et dichotomique entre les résultats du groupe d’inter-
236volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
vention et ceux du groupe de contrôle, ainsi qu’une analyse dosage-effet. Notre
discussion porte sur les résultats de deux programmes différents implantés à deux
périodes préscolaires différentes.
En premier lieu, les analyses traditionnelles ne rapportent aucun effet proximal
significatif à la fin de l’année scolaire. Toutefois, l’analyse dosage-effet suggère une
corrélation positive entre le dosage du programme et la connaissance intuitive des
nombres. La différence des résultats entre les deux méthodes d’analyse pourrait être
attribuée à l’inefficacité du programme lorsqu’il est offert aux enfants à des doses
moyennes. Le cas échéant, lorsque administré dans des classes régulières non expéri-
mentales, le programme Rightstart devrait être mené à terme pour en assurer un
dosage maximal. Les objectifs de la plupart des unités devraient ainsi être remplis,
sans quoi les efforts déployés pour modifier les connaissances de l’enfant seront vains.
En second lieu, les deux analyses de données indiquent, même du point de vue
le plus conservateur, l’efficacité du programme de pré-arithmétique de la prémater-
nelle sur les précurseurs à l’arithmétique. De plus, ce programme présente une plus
grande ampleur de l’effet que le programme Rightstart mis en place un an plus tard
(en maternelle). Ces résultats témoignent de l’utilité et de la nature instructive d’une
approche centrée sur le dosage de l’implantation du programme.
En notre qualité de chercheurs sur le terrain, nous pensons que notre collabo-
ration avec les enseignants pour le programme de la prématernelle est une réussite.
Les programmes implantés à la prématernelle et à la maternelle sont différents. Il est
donc impossible de déterminer si les effets positifs observés sont explicables par
l’hypothèse de la « période sensible » (elle suggère l’importance d’implanter l’inter-
vention à un plus jeune âge (UNICEF, 2001), ou par le contenu élaboré du pro-
gramme de la prématernelle. Toutefois, même si les enfants ont été réceptifs aux
deux programmes, il nous semble que l’implantation d’un programme visant l’ap-
prentissage des précurseurs cognitifs aux mathématiques à la prématernelle est pos-
sible et bénéfique à court terme. Il reste à savoir si ces résultats demeureront positifs
et concluants à long terme.
Selon une perspective de santé publique (Hertzman & Weins, 1996), les personnes
défavorisées ne semblent pas bénéficier autant des interventions psychosociales et
des programmes de prévention que leurs pairs plus aisés. Puisque notre échantillon
provient des quartiers urbains parmi les plus défavorisés du Canada, cette perspec-
tive pourrait prédire que les programmes de prévention au préscolaire seraient
moins efficaces et n’atteindraient que partiellement leurs objectifs. À cet égard, l’am-
pleur de l’effet observé dans notre étude indique une influence modique sur la con-
naissance des nombres à la fin des deux années du préscolaire. Bien évidemment, un
effet réduit dans une telle population à risque peut éventuellement faire « boule de
neige » et donner des résultats encore plus importants à long terme. Une illustration
parfaite de cette hypothèse sont les résultats obtenus pas le programme High/Scope
Perry Preschool. À la fin de l’intervention et jusqu’à l’âge de sept ans, les enfants du
groupe expérimental (cohorte de 1963-65) se sont significativement démarqués de
ceux du groupe de contrôle lors des évaluations intellectuelles et des tests de langage.
Les effets toutefois modestes se sont affaiblis entre l’âge de sept et 14 ans (Hohmann
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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
& Weikart, 2002; Schweinhart, 2003), mais ont repris de l’ampleur à l’âge adulte
(19 ans et 27 ans). Dans ce même ordre d’idées, le High/Scope Preschool Curriculum
Demonstration Project (1967-70) a comparé trois modèles (modèle High/Scope,
enseignement direct et école). L’étude n’a relevé aucune influence significative sur
divers indicateurs du rendement intellectuel et scolaire jusqu’à l’âge de dix ans. Par
contre, dès l’âge de 15 ans, les enfants ayant participé au modèle High/Scope
démontrent une plus grande responsabilité sociale. Ces effets psychosociaux se
développent encore plus vers l’âge de 23 ans (Weikart, Epstein, Schweinhart, & Bond,
1978; Schweinhart & Weikart, 1997). Par conséquent, les petits effets rapportés par
Hertzman et Weins (1996) pourraient s’amplifier avec le temps, même si au départ
aucun effet n’a été observé ou que l’effet s’est atténué en cours de route.
La perspective de santé publique permet également de suggérer que les enfants
défavorisés ont besoin d’un dosage important de l’intervention pour atteindre les
mêmes objectifs que les enfants de milieux plus aisés. En effet, les résultats observés
suite à l’implantation des deux programmes d’éveil aux mathématiques (prémater-
nelle et maternelle) démontrent qu’un tel dosage exerce un impact significatif sur la
connaissance des nombres des enfants des milieux défavorisés. Un dosage impor-
tant d’un programme bien élaboré et implanté en prématernelle pourrait également
mener à de meilleurs résultats chez les enfants pauvres, du moins à court terme.
Les mathématiques sont souvent liées à la notation et au symbolisme. Ces con-
cepts requièrent une certaine forme de pensée opérationnelle. À ce titre, il semblerait
que les mathématiques n’ont pas leur place dans les programmes au préscolaire. Par
contre, la structure conceptuelle de base des habiletés en mathématiques aurait sa
place dans ces programmes. Par le biais d’interactions avec leur environnement, les
jeunes enfants ont le potentiel de développer de multiples connaissances de nature
intuitive et informelle en mathématiques (Pepper & Hunting, 1998). Celles-ci incluent,
notamment, la connaissance des nombres (calcul, correspondance terme à terme
entre les objets), les formes (géométrie), l’ampleur relative (contraires, opposés, pairs
et impairs, fractions) et les couleurs (pour la classification). L’acquisition et le trans-
fert de telles structures conceptuelles centrales étant essentielle à l’apprentissage
formel initial des mathématiques durant les années scolaires, nous soutenons que :
1- les éducateurs en milieu préscolaire devraient connaître l’importance de ces
structures dans le programme enrichi de prématernelle;
2- les éducateurs en milieu préscolaire devraient être sensibles au degré d’im-
plantation du programme;
3- dans la mesure du possible, ces concepts devraient être reliés aux expé-
riences et objets de la vie quotidienne.
Certains chercheurs nous mettent en garde contre un enthousiasme exagéré à
l’égard de l’influence de l’éducation au préscolaire (e.g., Karweit, 1994; Pagani,
Larocque, Tremblay, & Lapointe, 2003). Certains programmes rigoureux de recherche
plurimodaux, implantés sur différents sites, n’ont démontré aucun effet sur le plan
cognitif (e.g., St. Pierre, Layzer, Goodson, & Bernstein, 1997) et ont engendré des
débats sur la valeur réelle de tels investissements. L’influence positive à long terme
238volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
La perspective desanté publique permetégalement de suggérer
que les enfants défa-vorisés ont besoin d’un
dosage important del’intervention pour
atteindre les mêmesobjectifs que les enfants
de milieux plus aisés.
du programme High/Scope sur les compétences psychosociales milite en faveur
d’une définition plus large du succès. Même s’il est important d’envisager l’influence
réelle de l’éducation au préscolaire avec un optimisme prudent, cela n’exclut pas
l’importance d’évaluer comment les stratégies pratiquées au préscolaire influencent
la préparation aux apprentissages formels du primaire.
Des moyens pour sensibiliser les parents à l’importance de leur rôle en tant que
partenaire dans l’éducation de leur enfant doivent être élaborés. De plus, il nous
incombe de trouver une façon d’éviter l’effet « Rosenthal » (Rosenthal & Jacobson,
1992) que les attentes des parents ont sur la préparation scolaire et sur la perfor-
mance ultérieure de leur enfant, en incluant une composante parentale dans les pro-
grammes évalués dans cette étude. À cet égard, nous avons développé et implanté un
volet parental pour chacun des deux programmes d’éveil aux mathématiques
implantés en milieu préscolaire (prématernelle et maternelle).
En présence d’un animateur de RSBD, ce volet est présenté sous forme d’ateliers
et implique des dyades parents-enfant. Il vise à introduire, à respecter et à renforcer
les concepts enseignés en classe par les deux programmes et à conscientiser les pa-
rents dans leur rôle d’éducateurs et d’agents stimulateurs et renforçateurs du pro-
gramme. Il est intéressant de souligner que plus de la moitié des parents sollicités ont
participé aux rencontres. Nous croyons qu’un tel taux de participation s’explique par
le grand nombre d’ateliers qui renferment des activités concrètes en mathématiques
entre les parents et leur enfant.
Les résultats à court terme démontrent, pour les deux programmes, une meil-
leure connaissance des nombres chez les enfants exposés à la composante parentale
du programme, par rapport à ceux qui ont participé au seul volet enfant (Jalbert &
Pagani, sous presse-a; soumis-b). Toutefois, nous devons demeurer prudents dans
l’interprétation de cette conclusion, parce que les résultats qui ont comparé la con-
naissance des nombres des enfants du volet parental à celle d’un second groupe de
contrôle (i.e., les enfants qui ont reçu le programme en classe et dont les parents,
après avoir consenti à participer aux ateliers-parents, ne s’y sont jamais présentés)
sont peu probants. Nous effectuons présentement l’analyse à long terme de ces don-
nées. Les analyses préliminaires démontrent des effets peu concluants du volet
parental en début de la scolarisation, à la fois chez les enfants ayant participé aux
programme de la prématernelle et de la maternelle (Jalbert & Pagani, soumis a et b).
Ces résultats seront présentés au prochain congrès de l’ISSBD.
Grâce à la collaboration des enseignants du préscolaire tout au long de l’étude
longitudinale-expérimentale, ces projets en recherche-intervention sont conformes
aux exigences des nouvelles réformes du Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ).
L’implication du personnel enseignant constitue une ressource extraordinaire dans
la réalisation d’un projet longitudinal composé de plusieurs volets impliquant les
enseignants (les intervenants) et leur clientèle. Pour cela, il est impératif que ces per-
sonnes fassent partie de l’équipe de recherche et participent au développement et à
l’évaluation des programmes et des instruments.
Notre programme de recherche n’est pas sans limites. Nous n’avons probable-
ment rejoint qu’un petit groupe de minorités linguistiques. Plusieurs parents, fran-
239volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal
cophones ou autres, ont pris la décision de ne pas y participer. De toute évidence,
leur incapacité à lire le formulaire de consentement ou même de comprendre les sol-
licitations effectuées par téléphone, n’a certainement pas joué en notre faveur. Cette
limite influence considérablement nos résultats. Néanmoins, comme nous avons
réussi à observer des effets positifs sous de telles conditions, nous pensons que nos
résultats sont conservateurs selon la perspective de santé publique (Hertzman &
Wiens, 1996). Par ailleurs, l’absence d’un groupe formé d’enfants de minorités lin-
guistiques n’ayant pas participé au programme de prématernelle et ayant intégré
directement le programme de maternelle (plein temps) en tant que première expé-
rience préscolaire constitue une limite d’ordre expérimental. À l’heure actuelle, la
majorité des enfants éligibles au programme y participent, peut-être grâce à l’entrée
en vigueur, en 1998 au Québec, du programme des garderies à cinq dollars par jour.
Les recherches futures impliquent de suivre ces enfants et leurs parents à travers
leurs différentes épreuves de vie (i.e., emplois des parents, changement dans le statut
familial, évolution des difficultés financières, augmentation de la taille de la famille)
et d’observer le partenariat famille-école et la nature des services sollicités par les
familles lorsque leurs enfants ont de mauvais rendements ou qu’ils risquent d’é-
chouer. Depuis les initiatives inspirées par le programme Head Start, les recherches
sur l’adaptation des minorités ethniques sont insuffisantes. Pour cela, nous encoura-
geons les chercheurs à évaluer leurs données afin de valider, et peut-être même, d’é-
tendre nos conclusions à des contextes sociaux qui offrent moins de programmes
financés par le gouvernement que ne le fait la province du Québec.
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247volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Écoliers à deux ans en France
Catherine LE CUNFFUniversité Paris X, Département des sciences du langage, Nanterre, France
RÉSUMÉ
La classe des deux ans est une particularité française et a fait l’objet de recherches
que l’article présente. Le Ministère de l’Education Nationale prend en compte ces
très jeunes écoliers dans ses programmes et intègre dans ses directives les résultats
des recherches présentées dans cet article. L’interactionnisme social constitue la
référence principale des travaux, mettant au premier plan le rôle de la parole
enseignante pour les apprentissages. Cependant, la classe des deux ans fait l’objet de
débats périodiques en France dans lesquels sont évoqués des résultats contradic-
toires quant aux effets de la scolarisation précoce. Il s’avère nécessaire de mettre en
place un programme de recherche spécifique et pluridimensionnel pour en identifier
les conditions de l’efficacité de la scolarisation précoce sur la réussite scolaire par
rapport aux autres modes d’accueil.
ABSTRACT
Two Year-Olds’ At School in FranceCatherine Le Cunff, Lecturer in Language Sciences, Department of Language Sciences
Université Paris X, Nanterre France
Educating two year-olds is particular to France, and this article presents research
on this grade level. The French Ministry of Education takes these very young school
children into account in its programs and integrates the results of the research pre-
sented in this article into its directives. Social interactionism is the primary reference
for the work, with emphasis on the role of the teacher’s words. However, educating
two year-olds is periodically the object of debates in France, which focus on the con-
tradictory results related to the effects of early education. It is proving necessary to
implement a specific and multidimensional research program to identify the condi-
tions and the effectiveness of early education on school success compared to other
types of early child-care.
RESUMEN
Alumno a dos años en FranciaCatherine Le Cunff, Conferenciante magistral en ciencias del lenguaje, Departamento de
ciencias del lenguaje, Universidad Paris X, Nanterre, Francia
La clase de dos años es un rasgo particular francés y ha sido objeto de investi-
gaciones que se resumen en el presente artículo. El Ministerio de la educación
nacional toma en consideración a esos jóvenes alumnos en sus programa e integra
en sus directivas los resultados de las investigaciones que aquí presentamos. El inter-
accionalismo social constituye la referencia principal de los trabajos, y pone en
primer plan el rol del habla de los maestros en el aprendizaje. Sin embardo, la clase
de dos años es un sujeto de debates periódicos en Francia, debates que evocan resul-
tados contradictorios en lo que se refiere a los efectos de la escolarización precoz. Es
necesario implantar un programa de investigación especifica y pluridimensional que
permita identificar las condiciones de la eficacia de la escolarización precoz sobre le
éxito escolar comparado con otras formas de acoger.
L’école à la maternelle à la française
L’école maternelle française a plutôt bonne réputation et ne fait pas l’objet de
critiques actuellement, contrairement à l’école élémentaire et au collège. Cependant,
dans certains quartiers, les parents font pression pour avancer les apprentissages en
Grande Section, notamment pour introduire la lecture ou les langues vivantes afin de
faire de la dernière année de l’école maternelle une première année d’école élémentaire.
En effet, si l’école maternelle accueille depuis 1886 sur quatre niveaux les en-
fants de 2 à 5 ans, même si un programme existe, elle n’est pas obligatoire contraire-
ment à l’école élémentaire qui débute avec le CP (Cours Préparatoire) et comprend
cinq niveaux. Les textes officiels prennent en compte cette classe et suggèrent une
progression concertée pour donner de la cohérence à l’ensemble de la scolarité en
école maternelle.
248volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Écoliers à deux ans en France
Cette tentative pour aligner la maternelle et ses apprentissages sur ce qui se fait
en élémentaire rencontre une forte résistance des enseignantes (majoritaires) regrou-
pées au sein de L’AGIEM1, association que le Ministère de l’Education Nationale ne
manque pas de consulter avant d’entreprendre de changer les textes.
Cependant, la classe des tout-petits, au gré des flux annuels et aussi des pres-
sions économiques, fait alternativement l’objet de menaces ou d’encouragements,
de critiques ou d’éloges.
La classe des tout-petits
35,3 %2 des enfants de deux ans à la rentrée 2001 et 32 % en 2002, en légère
régression, secteurs public et privé confondus sont accueillis à l’école. La demande
sociale dépasse ce chiffre. Le ministère a créé un groupe3 d’experts, GNPEM (Groupe
national permanent des écoles maternelles), pour produire un document destiné à
préciser aux enseignants et aux cadres administratifs comment mener à bien la sco-
larisation des tout-petits. Les termes et préconisations de cette brochure se retrou-
vent dans les Instructions Officielles de 2002, actuellement en vigueur pour l’école
primaire française.
Comme le souligne une étude du Ministère réalisée à partir d’un panel de 8661
écoliers nés en 1991, ce sont les enfants de cadres et les élèves étrangers ou issus de
l’immigration qui semblent tirer le plus grand bénéfice de cette mesure4. En fait, consi-
dérée comme prioritaire en ZEP (Zone d’Education Prioritaire), la scolarisation des
enfants de deux ans y est de 27,7 % seulement. Ce sont en effet les cadres et les
agriculteurs qui scolarisent leurs jeunes enfants, particulièrement dans le nord et
l’ouest de la France où la proportion atteint 57 %. Localement, dans le Morbihan,
département de l’ouest, elle peut atteindre 74 %. Périodiquement, la presse se fait
l’écho de débats autour de cette question : faut-il scolariser les enfants dès deux ans?
Ainsi, A. Florin5, chercheur en psychologie de l’enfant et expert pour le GNPEM
considère que « c’est une bonne chose, mais pas pour tous »6 insistant sur le bénéfice
que tirent de cette scolarité à deux ans les élèves de milieux défavorisés. En effet,
compte tenu de l’importance de la maîtrise du langage pour la suite de la scolarité,
la scolarisation est positive sur le développement langagier. Elle insiste cependant
sur la nécessité de locaux adaptés permettant de satisfaire le besoin d’isolement mais
aussi d’échanges et d’ « exubérance motrice », sur l’organisation souple de la journée
scolaire alternant les moments de mobilisation cognitive et de jeux libres. Il s’agit
249volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
1. AGIEM Association générale des enseignants en maternelle2. Chiffre donné par Le Monde 4 septembre 20033. GNPEM groupe national permanent des écoles maternelles (2000/2003) comprenant la présidente de
l’AGIEM, des chercheurs M. Fayol,, A. Florin, C Le Cunff, un Inspecteur général J. Hébrard et des praticiens ouformateurs d’enseignants. 2000. Le document a été revu pour être conforme aux IO de 2002. Cette versionest parue en 2003
4. Elle est disponible sur le site du CNDP, Centre National de documentation pédagogique.5. Le Monde de l’éducation avril 20016. Le Monde de l’éducation avril 2001
Écoliers à deux ans en France
La classe des tout-petits, au gré des flux
annuels et aussi despressions économiques,
fait alternativement l’objet de menaces oud’encouragements, decritiques ou d’éloges.
aussi que le personnel soit compétent et en nombre suffisant, qu’il s’agisse d’ensei-
gnants ou d’ATSEM (Agents Territoriaux Spécialisés en Maternelle).
De son côté7, A. Bentolila, professeur de linguistique, considère qu’« avant l’heure,
c’est pas l’heure ». Il invoque en fait le nombre d’enfants par classe : trente avec un
seul adulte, condamnant les enfants à parler avec leurs pairs, privés de la parole d’un
adulte bienveillant, disponible et exigeant qui lui fasse « découvrir ce que parler veut
dire ». Selon lui, l’école telle qu’elle est, en l’absence de conditions favorables et
adaptées ne peut constituer le « seul recours » pour les enfants en manque d’accom-
pagnement surtout dans leur apprentissage linguistique.
Recherche concernant les deux ans
Les apprentissages langagiers : bref historiqueLes travaux concernant l’acquisition du langage chez le jeune enfant sont déjà
anciens. Le courant constructiviste tel que Piaget l’a représenté a été dominant pen-
dant plusieurs décennies en France et a peu posé la question de l’apprentissage du
langage notamment en milieu scolaire, s’intéressant plutôt aux représentations et
constructions relatives à l’écrit et aux connaissances disciplinaires.
Le courant de l’interactionnisme social représenté en particulier par M. Deleau
(1987) en France, durant cette période, a produit des recherches sur la petite enfance
en milieu de garde collective, liées aux travaux de J.Bruner et en amont, à ceux de
L. Vygotski, introduits en France au début des années 80. Cependant, dès 1975, des
propositions pédagogiques ont concerné la maternelle, issues en partie de la psy-
chologie de H. Wallon, et aussi de la sociolinguistique américaine considérant que le
langage est un fait social et qu’en conséquence, la parole de l’adulte est fondamen-
tale pour l’acquisition du langage chez le jeune enfant. Ces propositions concernent
l’entraînement langagier individuel avec les enfants défavorisés susceptibles de ren-
contrer l’échec scolaire.
Ainsi, L.Lentin (1977) élabore une « didactique »8 fondée sur le feedback, l’inter-
action ciblée sur la syntaxe à laquelle la linguistique accorde une priorité. Cette péda-
gogie se répand largement et son influence est encore sensible dans les productions
vidéos récentes, destinées par exemple à la formation des enseignants, réalisées pour
le MEN (1999).
L’objectif est de permettre aux enfants de parler la variété de langues en usage à
l’écrit et d’entrer ainsi plus aisément dans l’apprentissage de la lecture qui se fonde
sur des textes d’une variété peu familière aux enfants des classes défavorisées; le but
est donc de créer une pédagogie alternative à celle issue du behaviorisme et ses exer-
cices structuraux. Par la suite, les travaux d’A. Florin et al. (1985, 1991) ont pu mon-
trer les pistes pour l’enseignement de l’oral en maternelle, sans qu’il soit parti-
culièrement question des écoliers de deux ans, tout comme dans les propositions de
L. Lentin.
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Écoliers à deux ans en France
7. Le terme n’entre dans le lexique que dans la fin des années 808. Le terme n’entre dans le lexique que dans la fin des années 80
La parole de l’adulteest fondamentale pourl’acquisition du langage
chez le jeune enfant.
A partir des années 1990, la didactique de l’oral, fondée au plan scientifique, a
commencé à se constituer d’une part, en prenant appui sur la didactique de l’écrit,
mais aussi sur les didactiques des sciences et sur les travaux relatifs à l’acquisition du
langage. Les travaux d’E. Nonnon, ceux de J. Dolz et B. Schneuwly en Suisse et de C.
Le Cunff à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Créteil ont fait pro-
gresser la didactique de l’oral. Ce sont actuellement ces travaux qui fondent aussi
avec ceux d’A. Florin les directives des programmes officiels. L’histoire de la consti-
tution de la didactique de l’oral (Nonnon, 1986, 1999) recoupe celle de la didactique
du langage pour les deux ans. Certains travaux (Le Cunff, 2002; Guénézant, Le Cunff,
2004) se développent dans le Morbihan où 74 % des enfants de deux ans sont scolari-
sés (chiffres de 2001). La recherche ne procède pas par grands programmes, mais plutôt
par expérimentations, recherches-actions locales et cependant, validées par la com-
munauté scientifique grâce à des communications en colloques ou des publications.
Recherche en didactique : l’interactionnisme social en classe de deux ansLe point de départ - au moins pour la recherche en didactique de l’oral à l’IUFM
de Créteil (1989) - a été la communication d’I. Weigl, (1984), invitée pour un colloque
à Rennes par M. Deleau, en même temps que J. Bruner.Partant de l’observation des
enfants silencieux, particulièrement en petite section (3 ans), un modèle de la prise
de parole s’est construit progressivement, permettant de formaliser l’extrême com-
plexité de la prise de parole en classe sous forme de composantes, à décliner ensuite
en termes d’objectifs d’apprentissage.
Le « scénario » de J.Bruner (format) tel qu’il est utilisé par I. Weigl dans son
expérimentation en jardin d’enfants en ex-RDA est le concept-clé qui a permis d’éla-
borer les principes d’une didactique auprès des enfants de maternelle en général,
puis plus particulièrement auprès des tout-petits, associé à celui d’« interaction ver-
bale ». En effet, la recherche d’I. Weigl a consisté à opérer un traitement pédagogique
du modèle de l’acquisition du langage de J. Bruner, à associer action et langage :
(1984 : 94 ) : « Nous avons essayé de « modeler » ces processus naturels d’acquisition
du langage, d’organiser la proposition spontanée et plus ou moins aléatoire de lan-
gage et d’action – qui sont à la base de ces processus- de façon systématique, et nous
avons essayé de diriger consciemment les procédés communicativo-coopératifs ayant
lieu entre les adultes et l’enfant »
Didactique : état actuel
Le langage comme priorité pour le MENL’école maternelle a toujours considéré le langage oral comme une priorité pour
le jeune enfant, avant d’introduire l’écrit comme on le sait : « En accueillant des
enfants de plus en plus jeunes, l’école maternelle a fait du langage oral l’axe majeur
de ses activités » Ministère de l’Education Nationale (2002 : 19). Il en est autrement de
l’école élémentaire qui a tardé à donner à l’oral la place actuelle. Les instructions offi-
cielles inscrivent l’interaction verbale avec l’enseignant et les adultes comme fonda-
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Écoliers à deux ans en France
La recherche ne procède pas par
grands programmes,mais plutôt par expéri-
mentations, recherches-actions locales
mentale pour les apprentissages. A. Florin ajoute à cette action de l’enseignant la
dimension du petit groupe conversationnel auquel participe l’enseignant. Nos propres
recherches nous ont amenés à prendre en compte les échanges avec les pairs d’une
part, et d’autre part à considérer les situations didactiques proposées dans la classe
comme des « formats » pour les apprentissages langagiers. Nous avons également consi-
déré comme cruciale la troisième année pour la construction du langage intérieur
(L Vygotski.). Ces recherches sont prises en compte par les instructions officielles
récentes, renonçant aux situations de type « séances de langage » pour préconiser
l’apprentissage de « l’oral intégré », c’est-à-dire inscrit dans les situations d’action.
Initiation à la parole devant le groupeLes recherches actuelles considèrent que l’enfant naît avec la volonté de com-
muniquer et qu’il n’est pas exclusivement centré sur lui-même. « Les tout-petits sont
beaucoup moins égocentriques qu’on ne l’a cru pendant longtemps » écrit le GNPEM
(2003). Ainsi, dans nos recherches, nous avons travaillé à construire une commu-
nauté discursive dans laquelle les enfants échangent non pas seulement avec
l’adulte, mais aussi avec les pairs. Bien sûr, il s’agit d’abord qu’ils comprennent qu’on
dialogue à l’école, que la communication est différente de l’échange familier dans
lequel l’adulte ne s’adresse qu’à lui, lequel s’appuie sur l’implicite partagé. Il lui faut
apprendre à partager cette parole aussi, attendre son tour, comprendre le type de
conduite attendue selon les moments de la journée (formats). (Guénézant, Le Cunff,
2004; Le Cunff, 2002)
Les travaux de J. Bruner comme ceux de L. Vygotski ont permis d’élaborer des
stratégies, objet d’une expérimentation, pour la didactique dans la classe des deux
ans. Les temps de la classe ont été ritualisés, ce qui est déjà l’habitude à l’école mater-
nelle française, de manière à permettre à l’enfant de comprendre ces temps (dimen-
sion pragmatique) liés aux espaces de la classe, de l’école, et à des conduites discur-
sives. La dimension pragmatique est donc travaillée de manière à permettre à chacun
de se repérer dans les rituels quotidiens, les formats successifs aménagés par l’en-
seignant et pouvoir y intervenir. L’école reconnaît officiellement les capacités préco-
ces des enfants à évoquer le passé, le vécu commun. Ainsi, une vidéo de formation
(Centre National de Documentation Pédagogique, 2001) montre une séquence dans
laquelle la classe des tout -petits se rend en train de banlieue à une gare proche pour
voir une grande horloge nouvellement installée et ensuite réaliser une exposition de
photos commentées par les enfants (l’enseignant notant le commentaire) et un album
collectif, prêté dans les familles. Ce vécu commun constitue la culture commune,
fondement du discours commun d’évocation.
Selon nos propres recherches, anticiper sur les moments à vivre, trouver ses
repères pour pouvoir parler et prendre peu à peu l’initiative de la parole, de l’action
constituent les objectifs du travail de l’enseignant pour construire l’autonomie de
l’enfant, du petit écolier. Chacun entre à son rythme dans la parole publique, dans les
activités, l’étayage de l’enseignant sous forme verbale, l’envie de faire aussi comme
les autres pour prendre son tour et sa place dans le cercle constituent les leviers des
apprentissages pour devenir écolier et trouver les mots nécessaires. « La découverte
252volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Écoliers à deux ans en France
« Les tout-petits sont beaucoup moins
égocentriques qu’on nel’a cru pendant
longtemps »
du rôle primordial de l’interaction humaine précoce et de l’activité initiée et dirigée
par soi-même dans le cadre de cette interaction, fut un formidable pas en avant. »
écrit Bruner (1995 : 139) à propos de ses recherches, principes moteurs de la didac-
tique qui se construit au fil des expérimentations.
Mais dans nos recherches-actions, nous avons cherché à aller plus loin en
favorisant la prise en charge par les enfants eux-mêmes de l’espace sonore et des
événements qui s’y déroulent, en développant la « dévolution » de la parole. C’est au
travers des jeux de règles, à travers des stratégies de transmission de consignes dans
une perspective d’entraide que cette dévolution s’effectue progressivement. La
socialisation est en lien avec cette stratégie pour que les enfants soient concernés par
les paroles de l’autre afin de transformer le schéma conversationnel enfant-adulte en
échange dans lequel la parole du pair compte aussi. En apprenant à parler, l’enfant
apprend que la parole de l’autre est importante.
La socialisationLa socialisation est une notion complexe et culturellement marquée. Une
recherche antérieure (Le Cunff, 2002) a mis en évidence le lien fort entre l’intégra-
tion, la socialisation dans le cadre de la classe, la participation aux tâches langagières
orales et les apprentissages.9 Les travaux de Charlot et al. (1992) ont montré que le
sens des tâches varie selon la culture de chaque élève et l’intégration, l’acceptation
des règles scolaires (sociales) est liée à ce sens. C’est cette dimension que nous avons
évoquée dans son aspect langagier. « La réussite dans une tâche dépendrait en
grande partie de l’identification par l’élève des différentes finalités dont la situation
est porteuse. La source des difficultés ne serait pas à rechercher dans les dysfonc-
tionnements internes de tel ou tel élève, mais une moindre capacité à se repérer dans
l’univers social des tâches scolaires. Dès lors, la clarification des contextes scolaires
et plus précisément du contrat didactique qui lie le maître et les élèves devrait être
un objectif prioritaire. » L’auteur ajoute qu’ « il y a difficulté grave lorsqu’il y a
déchirure de ce tissu communicatif, c’est-à-dire renoncement des partenaires à
réaliser les ajustements nécessaires(…) les difficultés se construisent au sein des
échanges qui ont lieu dans la classe. », écrit M. Brossard (1992 p.198). On sait aussi
que les postures de retrait ou de participation s’installent dès la maternelle et per-
durent, selon A. Florin (1985). C’est pourquoi, la verbalisation de l’enseignant s’avère
dans nos recherches de première importance.
Prendre la parole constitue aussi le moyen de construire son identité, sa per-
sonne, de participer à la construction d’un discours commun, chargé de la culture
commune construite par le vécu verbalisé au fil des jours. Il s’agit de comprendre les
règles du fonctionnement de l’institution, règles sociales, langagières. C’est pourquoi
aussi, contrairement aux préconisations plus qu’aux recherches d’A. Florin par exemple,
nos recherches montrent que l’apprentissage de la parole et des règles sociales lan-
gagières s’effectue aussi dans le grand groupe voire dans le conseil d’école auquel
prennent part tous les écoliers de la maternelle, quand il en existe un. En effet, même
253volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
9. Rapport de recherche GRE 102 Exclusion/intégration dans la classe le rôle du langage, 2002 Le Cunff et al.
Écoliers à deux ans en France
La source des diffi-cultés ne serait pas
à rechercher dans lesdysfonctionnements
internes de tel ou tel élève, mais unemoindre capacité à
se repérer dans l’univers social des
tâches scolaires.
s’il n’y prend pas la parole, le tout-petit construit une représentation de ce qui s’y fait
et s’y dit. Les activités dans la classe qui rassemblent tout le monde sont du même
ordre : l’appel, la mise à jour du calendrier ordinaire et l’annonce des événements
extraordinaires qui prennent place dans la vie commune, les projets, les lectures d’al-
bums, etc.… contribuent à construire un rapport à l’autre et un langage commun, un
certain rapport au langage, positif. On y apprend à écouter l’autre. Plus tard, en
Grande Section, on apprend à parler à l’autre sans le blesser10.
Les recherches et les Instructions OfficiellesLes textes officiels prennent en compte les conceptions qui fondent les recher-
ches évoquées et insistent sur la nécessité pour l’enseignant de verbaliser dans ce
but, mais aussi pour permettre au langage d’accompagner l’action, langage en situation
que l’enfant s’approprie donc en observation puis en action comme les recherches-
actions l’ont proposé à partir de la démarche pionnière d’I. Weigl. C’est ensuite le
langage d’évocation qui sera visé, étant entendu que les rythmes d’apprentissage des
enfants sont divers, liés aux habitudes langagières culturelles de chacun.
Les instructions officielles préconisent un travail au plan du « vivre ensemble »,
proposant de mettre en place des discussions, d’apprendre à écouter l’autre. Les
recherches ont préparé ces textes. Il reste à développer ces recherches selon les axes
présentés. Or, il n’y a pas de réel programme de recherche sur les pédagogies des-
tinées aux jeunes enfants dans les différents modes d’accueil. (Plaisance, Rayna,
1999, Florin, 2000)
Apprendre à deux ans à l’école
Les instructions officielles mais surtout les pratiques ne prennent pas toujours
en compte les capacités d’apprendre de l’enfant. On considère que le jeu est la seule
activité à proposer à l’enfant de cet âge. Les jeux sont aussi un mode de différencia-
tion culturelle fort entre les familles. Il est des jeux qui éduquent et préparent à l’é-
cole et il est des jeux qu’aucun adulte n’accompagne de ses mots et la fonction est
alors autre. Comment donc concilier jeu et apprentissage, temps libre et temps d’at-
tention convergente sur un objet d’apprentissage?
Préparer la démarche scientifique : recherche-actionLes sources théoriques de nos recherches sont celles que nous avons évoquées;
en ce sens, il nous semble important de considérer que les démarches intellectuelles
se mettent en place dès cet âge. C’est le cas en milieu naturel et le rôle de l’école est
d’agir afin que chaque enfant accède à ces discours et ces outils intellectuels que l’in-
stitution privilégie pour les apprentissages. Nous avons choisi de travailler11 la dé-
couverte du vivant avec les tout-petits dans l’esprit des recommandations officielles.
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Écoliers à deux ans en France
10. Rapport de recherche Oral savoirs socialisation, C. Le Cunff, 2004, IUFM de Bretagne11. Le Cunff, Catherine, 2004, Rapport de recherche Oral, savoirs, socialisation, Rennes, IUFM de Bretagne
Ainsi, par exemple, le temps de la collation est devenu temps d’exploration de la
pomme et des diverses formes qu’elle prend : jus, fruit cru et préparations cuites
diverses. (Le Cunff, 2002) Comparaison, vérification, explicitation et justification ont
trouvé place dans cette activité prolongée d’une sortie dans une ferme où l’on fa-
brique du jus de pommes selon des méthodes artisanales auxquelles on a fait par-
ticiper les enfants. Et ensuite, on a fait aussi du jus de pommes en classe, sous les
yeux des enfants avec leurs commentaires et ceux de l’enseignant. Le livre docu-
mentaire a accompagné ce travail.
Ailleurs, ce sont tous les fruits ou tous les légumes qui ont fait l’objet d’une
exploration de tous les sens, dans un projet qui a permis à chacun de dire sa relation
vécue avec tel fruit ou tel légume chez lui, de comparer le cru du cuit, les textures, les
goûts et les odeurs. Le familier devient objet à questionner et non seulement à con-
sommer. L’enfant apprend à poser des questions, à dire son expérience immédiate,
vécue ailleurs ou avant, à entendre d’autres avis, à vérifier : une démarche de décou-
verte se constitue dans les mots et les actions. (Guénézant, Le Cunff, 2004)
Les jeux : revisiter leur statutLes situations mises en place pour les apprentissages conservent une dimen-
sion ludique, le nouveau s’inscrit dans un rituel : ouvrir une boîte pour découvrir le
légume du jour par exemple. Le jeu libre conserve également sa place dans l’espace
de la classe, dans les temps de la classe. Il est des jeux à règles aussi qui permettent
la dévolution, l’apprentissage des règles (Guénézant, Le Cunff, 2004), des jeux édu-
catifs disposés sur les tables à différents moments, accompagnés par l’adulte,
observés puis réalisés sont des occasions didactiques. Certaines expérimentations
dans le cadre de mémoires professionnels ont utilisé de manière innovante les coins
dînette par exemple, habituellement coins de jeux libres pour des apprentissages
mathématiques ou sociaux.12
Entrée dans l’écritParmi les domaines d’apprentissage, on rencontre l’écrit, comme construction
de savoirs dans classe dès deux ans. L’entrée dans l’écrit et la familiarisation avec les
albums, principalement, ont fait l’objet de recherches importantes et nombreuses à
la maternelle, associées à la dictée à l’adulte qui trouve sa place aussi dans la classe
des tout -petits. Ces travaux s’inspirent des recherches d’E. Ferreiro, relayées par la
recherche psycholinguistique française, utilisant des dispositifs pédagogiques aussi
mis en place par L. Lentin (1977). Le MEN intègre aussi ces recherches dans les
Instructions Officielles depuis 1992.
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Écoliers à deux ans en France
12. Mémoire pour le certificat d’aptitude aux fonctions de formateur, LE NABAT, Isabelle (2004 ), IUFM deBretagne France
L’enfant apprend à poser des questions, à dire son expérience
immédiate, vécue ailleurs ou avant,
à entendre d’autres avis,à vérifier : une démarche
de découverte se constitue dans les
mots et les actions.
Conclusion
La classe des tout-petits est une particularité que la France partage avec la
Belgique. Elle a fait l’objet de peu de recherches spécifiques : on s’intéresse davan-
tage à l’enfant qu’à l’écolier. Cependant, le Ministère de l’Education Nationale lui a
consacré des écrits et elle fait l’objet de débats, auxquels sont conviés les spécialistes.
Les programmes pour l’école maternelle proposent des démarches issues de
recherches inspirées en particulier par l’interactionnisme social, dont nous avons
rendu compte, et dont les enseignants sont loin d’avoir adoptés dans leurs pratiques.
Les cadres théoriques existent donc et quelques recherches-actions proposent des
pistes pour la didactique et pour des recherches encore à mettre en place. Il serait
nécessaire et urgent de développer les recherches sur les conditions pour que la sco-
larisation précoce soit favorable à la réussite notamment des enfants défavorisés.
Aucune recherche d’envergure n’existe à ce jour. Seules quelques recherches-actions,
de type qualitatif, que nous avons évoquées, proposent des pistes prometteuses.
Comme nous l’avons rappelé, une des pistes consiste à explorer davantage les
conditions pour que la scolarisation précoce soit efficace. Il s’agirait en particulier
d’évaluer les pratiques innovantes des enseignants, pratiques fondées sur l’interac-
tionnisme social. La place donnée aux interactions langagières entre adulte et enfant
et entre pairs, qui varie considérablement dans les pratiques de classe, est à prendre
en compte dans les effets d’une pédagogie. De même, la prise en compte de la com-
pétence métalangagière de l’enfant et la pratique de la dévolution telle que nous la
définissons, devraient constituer des éléments d’explication décisifs pour les diffé-
rences dans les pratiques et les représentations des enseignants comme dans les
effets sur les enfants. Selon nos hypothèses, ce sont-là les clés pour déterminer les
conditions d’une scolarisation précoce efficace, à condition aussi d’ajouter la rela-
tion entre compétence langagière et socialisation dans l’observation des différences
entre enfants. Des études longitudinales manquent cruellement pour donner des
arguments à ceux qui œuvrent au maintien des classes de deux ans et les aider à
définir les conditions de leur efficacité.
Un effort important doit aussi se porter sur la diffusion des recherches en for-
mation du personnel au contact de ces écoliers, sur l’accueil des parents aussi, ainsi
que le soulignent les revues de travaux menées par Florin (2000) ou Plaisance et
Rayna (1999). Les Instructions Officielles pour l’école en France manifestent une
avance dans leurs propositions pédagogiques, et par rapport aux pratiques réelles et
par rapport à l’état de la recherche sur ces questions.
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Écoliers à deux ans en France
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Écoliers à deux ans en France
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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieursniveaux
Sophie BRIQUET-DUHAZÉ I.U.F.M. de l’Académie de Rouen, Université de Rouen, France
RÉSUMÉ
Beaucoup moins nombreuses qu’au XIXème siècle, les classes rurales à
plusieurs niveaux font encore partie du paysage scolaire français. Les performances
des élèves ont été seulement étudiées depuis les années 1980 en France et s’avèrent
égales voire légèrement supérieures à celles des élèves de cours uniques en milieu
urbain (M.E.N., 1995).
La préscolarisation a elle-même évolué dans les petites écoles de campagne. Si
les élèves fréquentaient la Section Enfantine un ou deux ans tout au plus avant l’ap-
prentissage de la lecture, il y a quinze ans encore, la configuration actuelle tend vers
un compromis avec la création plus large de classes maternelles pour plusieurs vil-
lages, permettant aux enfants de la fréquenter presque aussi longtemps que leurs
camarades inscrits dans une école maternelle.
Notre première recherche a comparé les résultats en lecture des élèves de C.P.
scolarisés dans les classes S.E./C.P.et S.E./C.P./C.E.1 avec ceux des élèves de C.P. à
cours uniques (Briquet-Duhazé, 1997). Dans les classes à plusieurs niveaux, les C.P.
obtenaient des résultats significativement supérieurs. L’observation des élèves de
Section Enfantine pendant des leçons de lecture dispensées par l’enseignant aux
élèves de C.P. nous a permis de révéler une « écoute furtive » des premiers. L’analyse
plus précise de la variable temps de préscolarisation (sans influence dans ces classes)
et l’évolution de la préscolarisation en milieu rural ont orienté notre projet de deuxième
recherche au regard de l’autonomie plus grande des enfants et de la présence partagée
du maître qui caractérisent ces classes. Le suivi en classe unique d’élèves de grande
section déjà préscolarisés de deux années confirme l’existence de cette « écoute
furtive » et permet d’identifier sa présence même en dehors de tout comportement
interactif observable.
ABSTRACT
Furtive Listening While Reading Observed in Pre-School Students inMulti-Grade ClassroomsSophie Briquet-Duhazé, I.U.F.M., Académie de Rouen,
CIVIIC Laboratory, Education Sciences
Université de Rouen, France
Although there are far fewer of them than in the 19th century, rural multi-grade
classrooms are still part of the French educational landscape. The performance of
these students has only been studied since the 1980s in France, and they seem to do
as well or slightly better than urban students in same-grade classes (M.E.N., 1995).
Our first study compared the reading results of C.P. students educated in
S.E./C.P. and S.E./C.P./C.E.1 with those of C.P. students in single-grade classes
(Briquet-Duhazé, 1997). In multi-grade classes, the C.P. obtain significantly better
scores. Observations of students in the children’s section of the library during read-
ing lessons given by the C.P. teacher, revealed "furtive listening". A more precise
analysis of the time variable of pre-school education (which had no influence in
these classes) and the development of pre-school education in rural areas oriented
our second research project towards the greater autonomy of the students and the
shared attention of the teachers, which characterizes these classes. Follow-up in
multi-grade classes made up of students who attended pre-school for two years con-
firmed the existence of this "furtive listening" and allowed it to be identified even
outside all observable interactive behaviour.
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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux
RESUMEN
Escucha furtiva en lectura de alumnos en preescolar en clases de variosnivelesSophie Brique-Duhazé, IUFM de la Academia de Rouen,
Laboratorio CIVIIC de Ciencias de la Educación
Universidad de Rouen, Francia
Mucho menos abundantes que durante el siglo XIX, las escuelas rurales uni-
tarias aun forman parte del paisaje escolar francés. Los resultados de los alumnos se
empiezan analizar solamente a partir de los años 1980 en Francia y se revelan idén-
ticos e incluso superiores a los de los alumnos de clases normales en el medio urbano
(MEN 1995)
Nuestra primera investigación comparó los resultados en lectura de los alum-
nos de C.P escolarizados en las clases S.E./C.P. y S.E./C.E./C.E.1 con los resultados de
los alumnos de C.P. de clases normales (Briquet-Duhazé, 1997). En las clases de var-
ios niveles, los C.P. obtuvieron resultados significativamente superiores. La obser-
vación de los alumnos de la Sección infantil durante las clases de lectura que ofrecían
los maestros a los alumnos de C.P. nos permitieron revelar una ‘escucha furtiva’ de los
alumnos. Un análisis más preciso de la variable tiempo de preescolarización (sin
influencia en esas clases) y la evolución de la preescolarización en el medio rural orien-
taron el proyecto de nuestra segunda investigación respecto a la mayor autonomía
de los alumnos y a la presencia compartida del maestro que es lo distintivo de dichas
clases. El seguimiento en clase de alumnos de gran sección preescolarizados durante
dos años confirma la existencia de la ‘escucha furtiva’ y permite identificar su pres-
encia a parte de todo comportamiento interactivo observable.
Introduction
Notre étude longitudinale se compose de deux recherches et porte sur l’obser-
vation des élèves de S.E.1 pendant des leçons de lecture dispensées par l’enseignant
aux élèves de C.P.2 ou de C.E.13 inscrits dans une classe à plusieurs niveaux. La pre-
mière recherche est achevée et nous présentons ici le projet constituant l’armature
pilote de la seconde.
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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux
1. S.E. : Section Enfantine. Elle regroupe en général les élèves de 4 -5 ans et ceux de 6 ans (C.P.) premièreannée d’école élémentaire au sein d’une même classe, lorsqu’il n’existe pas d’école maternelle ou de classematernelle. L’abréviation de Section Enfantine (S.E.) sera utilisée dans l’article.
2. C.P. : Cours Préparatoire (élèves de 6 ans), seconde année de cycle 2 (apprentissages fondamentaux) et première année de l’école élémentaire.
3. C.E.1 : Cours élémentaire deuxième année (élèves de 7 ans). Troisième et dernière année du cycle 2 desapprentissages fondamentaux.
Notre réflexion est axée sur le rôle des interactions entre élèves lecteurs et non
lecteurs émergeant sous et en dehors du contrôle visuel du maître. Ces interactions
répétées favorisent l’analyse de deux approches complémentaires que sont :
• la construction de la notion de représentation des apprentissages futurs liée à
une perception originale de la notion de temps chez l’élève de classes à plu-
sieurs niveaux, le temps long;
• l’opportunité que s’autorise l’élève d’appréhender certains apprentissages qui
relèvent d’un autre niveau que le sien; ici la lecture.
Plus généralement, nous essaierons de définir comment la structure et la ges-
tion d’une classe rurale primaire à plusieurs niveaux, dont les modalités spécifiques
sont la présence partagée du maître et l’autonomie de l’élève, peuvent permettre à
l’enfant de devenir élève, de trouver un sens aux activités, d’utiliser le langage au sein
de discussions entre pairs, d’être un sujet parlant-pensant, mais surtout de dévelop-
per une écoute furtive des apprentissages, notamment en lecture.
Présentation quantitative et qualitative des classes ruralesà cours multiples et de la section enfantine
Cadrage théoriqueUne classe à plusieurs niveaux est un mode de regroupement particulier qui
caractérise principalement l’école primaire française. Ces cours peuvent être doubles,
triples ou composés de six sections en classe unique4. Les recherches françaises
analysant comparativement les cours uniques et les cours multiples sont relative-
ment récentes et portent sur les acquis scolaires des élèves. Elles démontrent que les
performances de ceux-ci sont plus élevées dans les cours multiples (Oeuvrard, 1990;
Jarousse et Mingat, 1993; Ferrier, Vandevoorde, 1993). Cet écart est d’autant plus
grand que la mesure est réalisée dans une classe unique (Vogler et Bouissou, 1987;
Oeuvrard, 1990, 1995), et les classes à double niveaux ont des résultats légèrement
supérieurs aux classes à un seul cours (Leroy-Audouin et Mingat, 1995). En ce qui
concerne les cours triples, les performances y sont égales à celles des élèves des cours
uniques, mais il semble que les enseignants aient plus de difficultés dans la gestion
de ce type de classe (Bressoux, 1994).
L’efficacité des classes à plusieurs niveaux est donc reconnue dans le sens où,
quel que soit le nombre de sections considérées, les élèves n’obtiennent jamais des
résultats inférieurs à ceux poursuivant leur scolarité dans des cours uniques jugés
cependant plus performants (Mingat et Ogier, 1993). La croyance ancienne en des
résultats scolaires inférieurs dans les classes de milieu rural avait décidé le monde
politique, il y a plusieurs années, à créer des Regroupements Pédagogiques
Intercommunaux (R.P.I.) qui, s’ils offrent l’avantage d’éviter l’isolement voire la sup-
262volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca
Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux
4. Classe unique : classe regroupant tous les cycles, tous les niveaux de la maternelle au C.M.2 (Cours moyendeuxième année) soit entre 4 et 11 ans.
pression de petites écoles, génèrent un coût énorme en transport et en fatigue pour
les enfants. L’étude de Mingat et Ogier porte sur la pertinence des choix opérés, éva-
lue les modes de regroupement des élèves sur leurs acquis scolaires et montre que les
résultats vont à l’encontre de ces opinions. Si en 1877, sur 51 250 écoles publiques,
44 323 étaient à classe unique, leur nombre a toutefois considérablement chuté
puisque aujourd’hui, on en dénombre à peu près 8005. Cependant, le nombre d’écoles
à 2 ou 3 classes s’élève tout de même à 17 000, maternelles et élémentaires confon-
dues, ce qui représente une part non négligeable des écoles publiques françaises.
Les résultats obtenus à l’issue de ces recherches (Leroy-Audouin et Duru-Bellat,
1990, 1991; Leroy-Audouin et Suchot, 1994; Leroy-Audoin et Mingat, 1995) sont inter-
prétés grâce à l’analyse des pratiques pédagogiques des maîtres. Dans les classes à
plusieurs cours, les élèves sont à la fois plus autonomes et plus longtemps en situa-
tion de travail personnel. Dans une classe à un seul niveau, les élèves ont un temps
de travail personnel plus court; les enseignants étant plus directifs et ayant une ges-
tion du temps beaucoup plus lâche. Ce temps de travail individuel semble être pro-
portionnel au nombre de sections; il est montré qu’il est donc supérieur dans les
classes uniques. Le travail individualisé et le tutorat sont des pratiques plus fré-
quentes et intégrées à la pédagogie des classes uniques. Les professeurs de collège6
reconnaissent pour la plupart que les élèves issus de ces petites structures du pri-
maire ont des compétences qui vont au-delà des seuls résultats scolaires comme des
capacités à davantage travailler seuls, à être plus et mieux organisés et à montrer une
plus grande autonomie (Leroy-Audouin et Mingat, 1995). Il faut cependant noter
qu’après l’école primaire, les élèves des milieux ruraux ont tendance à sous-évaluer
leur niveau scolaire et à envisager un éventail de projets de poursuite d’études moins
large et bien plus modeste que leurs camarades de villes a priori liés à un moindre
souhait de mobilité géographique (Poirey, Alpes, 2001).
Au niveau international, Veenman (1995, 1996, repris par Russell, Rowe et Hill,
1998), qui a passé en revue 56 études réalisées dans 12 pays, conclut qu’il n’y a pas de
différence significative, quant aux résultats, entre les classes multiniveaux et les classes
à cours simples. Mason et Burns (1996) ont contesté l’interprétation des résultats de
Veenman (et non les résultats) en présentant un effet légèrement négatif des classes
multiniveaux. Cette contestation repose principalement sur le manque de motiva-
tion des professeurs. Toutefois, les limites de cette contestation trouvent leur source
dans les variables explorées fort différentes (taille de la classe, qualité des cours, tra-
vail autonome mis en place, matériel disponible…), mais aussi dans la sélection ou
non des élèves composant ces classes. Les termes utilisés sont eux-mêmes signifi-
catifs quant à la difficulté d’établir des comparaisons scientifiquement argumentées :
la classe multiniveaux décrit une classe dans laquelle les élèves sont placés ensemble
pour des raisons administratives tandis que la classe multi-âge est organisée à travers
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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux
5. Après une longue période de stabilité, le nombre de classes uniques diminue considérablement après la seconde guerre mondiale ; de 19000 en 1960-61, elles passent à 11500 au début des années 1980. FERRIER Jean, « L’école en milieu rural », juin 1996, Revue Internationale d’Education, Sèvres, 31-137.
6. Le collège en France est un établissement d’études secondaires de la 6e à la 3e pour les élèves âgés de 12 à 15 ans.
les niveaux et les âges par choix et pour des raisons pédagogiques uniquement.
Globalement, que ce soit en Australie (pays ayant une très grande expérience des
classes multiniveaux), en Europe (Grande Bretagne, Allemagne, Suisse, Pays-Bas…)
ou en Amérique du Nord, les recherches montrent qu’il n’y a pas de différence quant
aux résultats entre ces classes et les classes à un seul niveau, mettant en avant l’au-
tonomie plus grande des élèves et leur socialisation.
Les résultats des recherches françaises montrent des résultats légèrement posi-
tifs. Pour cette raison, afin d’appuyer la nécessité d’être prudents, nous avons choisi
de ne conserver que le cadrage théorique français en précisant les variables choisies,
d’autant plus que notre travail porte sur la lecture et son apprentissage.
Évolution de la préscolarisation en FranceOutre les classes à plusieurs niveaux, ce qui caractérise les écoles de milieu rural
en France est, sans aucun doute, la préscolarisation des élèves. Cette dernière a consi-
dérablement évolué au fil des années et a offert un paramètre fondamental à intégrer
dans nos recherches sur l’apprentissage de la lecture et les interactions entre élèves
dans ces structures scolaires.
En effet, si dans notre pays, le système préscolaire peut se définir principale-
ment par son école maternelle accueillant les élèves entre 2 et 5 ans, en quatre sec-
tions distinctes et/ou regroupées en plusieurs7, il existe une autre configuration,
beaucoup moins connue, mais réellement présente néanmoins en milieu rural, la
section enfantine.
Les élèves définissant cette section peuvent avoir 4 ou 5 ans, plus rarement 3, ce
qui signifie qu’en fonction du milieu géographique dans lequel est implantée l’école
d’une part, et en fonction du nombre d’élèves au total ainsi que dans chaque section
d’autre part, ils peuvent être préscolarisés un an, deux et plus rarement trois
(Briquet-Duhazé, actes du Colloque de Genève, septembre 2003, à paraître). De plus
en plus, les S.E. effectuent une année de P.S.8 et une autre de M.S.9 dans une classe
maternelle et partagent leur année de grande section avec des élèves de C.P. et/ou de
C.E.1 et/ou en classe unique. Dans ce cas, ils ne sont plus désignés comme le groupe
formant la S.E., car ils ont déjà été préscolarisés auparavant dans une structure
maternelle.
Les performances en lecture dans les classes S.E./C.P. etS.E./C.P./C.E.1 : élaboration de la notion d’ « écoute furtive »
Méthodologie et principaux résultatsCette première recherche a mesuré et comparé les niveaux des élèves en fin de
C.P. dans les deux catégories de classes suivantes :
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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux
7. T.P.S. : Toute Petite Section (2 ans) ; P.S. : Petite Section (3 ans) ; M.S. : Moyenne Section (4 ans) ; G.S. : GrandeSection (5 ans).
8. P.S. : Petite Section de maternelle (enfants de 3 ans).9. M.S. : Moyenne Section de maternelle (enfants de 4 ans).
Outre les classes àplusieurs niveaux,
ce qui caractérise lesécoles de milieu rural
en France est, sansaucun doute, la présco-
larisation des élèves.
• S.E./C.P. et S.E./C.P./C.E.1 : les C.P. ayant été préscolarisés en moyenne un ou
deux ans en S.E.
• C.P. à cours uniques ayant effectué trois ou quatre années en maternelle.
L’enquête par questionnaire réalisée auprès des maîtres de C.P. a concerné
905 élèves de C.P., dont 176 inscrits dans les classes à cours multiples et 729 scolarisés
en C.P. désigné comme « purs ». Un traitement statistique (tris à plat, modèles multi-
variés) a mis en relation notre variable dépendante, le niveau en lecture, et trois vari-
ables indépendantes : le sexe, le temps de préscolarisation et la catégorie sociopro-
fessionnelle du père.
Le niveau en lecture, décomposé en quatre items (bon, moyen, insuffisant,
médiocre) a été mesuré à l’issue de l’année scolaire du C.P., temps fort de l’appren-
tissage de la lecture.
Les principaux résultats montrent que « toutes choses égales par ailleurs », les
élèves de C.P. obtiennent significativement de meilleures performances en lecture
dans les classes à plusieurs niveaux incluant une section enfantine, que ceux inscrits
dans le système dominant de séparation école maternelle et C.P. appartenant à l’école
élémentaire (Briquet-Duhazé, 1997).
L’étude plus précise de l’influence de la variable sexe fait apparaître une cons-
tante du niveau obtenu en lecture dans les deux catégories de classes où les filles ont
plus de chances que les garçons d’obtenir un niveau bon ou moyen. A l’identique,
l’influence de la catégorie socio-professionnelle du père est la même quelle que soit
la classe considérée : un élève de catégorie « favorisée » a plus de chances d’obtenir
un niveau bon ou moyen qu’un autre issu de catégorie « défavorisée ».
Par contre, 28 % des élèves des classes S.E./C.P. et S.E./C.P./C.E.1 ont été présco-
larisés 2 ans contre la moitié de cet effectif dans les classes de C.P. où d’ailleurs la
faible préscolarisation voire l’absence totale est peu représentée alors qu’elle concerne
encore 19 % des élèves dans les classes à plusieurs cours et inversement en ce qui
concerne la forte préscolarisation.
Outre ces disproportions dans les deux catégories de classes, l’analyse révèle
qu’il semble ne pas y avoir de lien significatif entre le niveau en lecture et le temps de
préscolarisation dans les classes à plusieurs niveaux alors que ce lien est très fort
dans les classes de C.P. à cours unique. Cette absence de lien entre les deux variables
dans les classes S.E./C.P. et S.E./C.P./C.E.1 signifierait que dans ces classes, ce temps
n’influencerait pas les résultats en lecture.
Nous avions mesuré, au moment de cette étude, toute la prudence nécessaire
dont il convenait d’user pour affirmer ces résultats d’autant que l’échantillon formant
les S.E. était conjoncturellement très inférieur à celui des élèves ayant fréquenté une
école maternelle. Ceci est d’autant plus vrai qu’aujourd’hui, leur nombre est encore
moins important au regard des R.P.I. mis en place en milieu rural. De plus, ces résul-
tats allaient à l’encontre des études sociologiques montrant qu’une préscolarisation
plus longue augmentait les chances de réussir la scolarité future.
Nous avons comparé ces résultats à ceux obtenus dans une autre enquête où les
élèves de milieux ruraux obtenaient de meilleurs résultats que les élèves de milieux
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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux
Les principaux résultats montrent que« toutes choses égales
par ailleurs », les élèvesde C.P. obtiennent
significativement demeilleures performances
en lecture dans les classes à plusieurs
niveaux incluant unesection enfantine
L’analyse révèle qu’ilsemble ne pas y avoir
de lien significatif entrele niveau en lecture et le temps de préscola-
risation dans les classesà plusieurs niveaux
alors que ce lien est très fort dans les classes
de C.P. à cours unique.
urbains (Brizard, 1995). Cette étude, comparant les résultats en mathématiques et en
français au C.E.2, montrait que, quel que soit le lieu d’implantation de l’école (milieu
rural ou urbain), les filles réussiraient mieux que les garçons en français, mais ces der-
niers obtiendraient des résultats comparables à ceux des filles, en mathématiques.
De même, les enfants de cadres supérieurs réaliseraient, quelle que soit la disci-
pline considérée, des résultats supérieurs à ceux des enfants des autres catégories
sociales. Pourtant, en mathématiques, les enfants d’ouvriers ruraux obtiendraient de
meilleurs résultats que les enfants d’ouvriers urbains.
L’auteure s’est également intéressée à l’influence du nombre de niveaux dans la
classe sur les résultats des élèves de C.E.2 et conclut que les résultats dans cette disci-
pline seraient d’autant meilleurs que le nombre de niveaux dans la classe serait élevé.
Par contre, la scolarisation en milieu rural au sein de regroupements pédago-
giques ne permettrait pas d’obtenir de meilleurs résultats. Au contraire, puisque les
élèves ruraux hors R.P.I. obtiendraient des résultats supérieurs en français et en mathé-
matiques, que les élèves scolarisés en R.P.I.
Afin d’expliquer ces écarts, l’auteure s’est attachée à la variable taille de la classe
du point de vue effectif qui, étant souvent plus petite en milieu rural, influencerait les
résultats des élèves. Au regard de notre échantillon, il apparaissait que les élèves issus
de ces classes à cours multiples comprenant une section enfantine obtenaient de
meilleurs résultats en lecture que les C.P. issus des cours uniques, mais surtout que le
temps de préscolarisation ne semblait pas influencer leurs résultats, uniquement dans
ces classes. C’est pourquoi, dans ce cas, l’analyse selon laquelle la réussite scolaire
croît avec le temps de préscolarisation ne pouvait être valide et était à rechercher
ailleurs.
Interprétation des résultats
Afin d’expliquer ces résultats supérieurs dans les classes à cours multiples, nous
avons analysé le passage maternelle/C.P. plus doux et moins traumatisant dans ces
classes; continuité que l’on est censé retrouver dans toutes les écoles depuis la mise
en œuvre de la Loi d’Orientation de 1989, et plus particulièrement l’organisation en
cycles pluriannuels. Cette application demeure toutefois difficile et inégale encore
aujourd’hui. Dans un second temps, nous avons étudié les interactions entre les
élèves des différents cours. C’est cette piste de recherche que nous allons définir plus
précisément ici.
L’observation des élèves de section enfantine pendant des leçons de lecture dis-
pensées par le maître aux élèves de C.P. dans une classe S.E./C.P./C.E.1 a révélé que
la majorité d’entre eux pratiquaient une « écoute furtive » de ces leçons selon des
modalités propres à chacun, alors que tous réalisaient un travail en autonomie dans
ce même temps. Une grille d’observation nous a permis de dégager huit comporte-
ments interactifs chez les élèves de S.E. observés durant une année scolaire : écoute
la leçon faite au C.P.; répond spontanément à une question que pose le maître au C.P.;
lève le doigt pour répondre; répond à une question que le maître a posé au C.P. avec
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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux
L’observation desélèves de section
enfantine pendant desleçons de lecture dis-pensées par le maître
aux élèves de C.P. dansune classe S.E./C.P./C.E.1 a révélé que lamajorité d’entre eux
pratiquaient une« écoute furtive »
de ces leçons
approbation du maître; anticipe les réponses; se lève spontanément pour aider un C.P.;
se lève pour aider un C.P. à la demande du maître; donne à son voisin une réponse à la
question posée par le maître au C.P. Nous avons analysé ces interactions en fonction
de la structure particulière de la classe à plusieurs niveaux.
La présence partagée du maître et l’autonomie des élèves
Concept du temps longPour l’enseignant de milieu rural, faire travailler les élèves des différentes sec-
tions avec un maximum d’efficacité est une nécessité qui prend ses racines dans une
réalité fonctionnelle : sa présence partagée. Pensée en amont par le maître, l’organi-
sation de la classe consiste en premier lieu à élaborer un plan sur lequel les différents
espaces seront agencés. Ils permettront à l’enseignant de gérer deux à six sections
tout en conservant l’opportunité d’en regrouper plusieurs à certains moments. Cela
induit inévitablement une réflexion sur le travail en groupes, ici défini administra-
tivement par les niveaux, mais également une attention sur les apprentissages
conçus sur une période plus longue qu’une année scolaire, le cycle voire toute la sco-
larité. Afin de gérer l’hétérogénéité des élèves marquée davantage par les sections,
mais surtout sa présence partagée, l’enseignant de classes à cours multiples organise
le travail en autonomie sous la forme d’ateliers périphériques le plus souvent. Du
coin-écoute aux fichiers permettant l’auto-évaluation en passant par un atelier scien-
tifique, tous ont l’objectif général de favoriser les apprentissages individualisés. De ce
fait, dans ce type de classes, cette organisation pédagogique permet d’éviter les
temps d’attente d’une section lorsque le maître travaille avec une autre (c’est égale-
ment l’un des rôles du plan de travail en pédagogie Freinet outre le travail indivi-
dualisé). C’est donc une pratique qui, d’une part, permet à l’enseignant de gérer au
mieux le groupe classe et qui, d’autre part, est pour l’élève un moyen d’accéder à une
relative autonomie tout en apprenant. Le travail en autonomie a donc pour objectif
de rendre l’élève apte à se prendre en charge à titre individuel ou collectif. Il fait l’ex-
périence des responsabilités, des choix, de la motivation tout en se socialisant. Il
devient acteur de ses apprentissages construits et non uniquement reçus. Pendant
un cours magistral, les élèves n’ont pas de droit de regard sur la séance préparée par
l’enseignant; cette séance s’intégrant à une séquence et à une progression. Le travail
du maître pour ses élèves n’est que très rarement négociable. En pédagogie de l’au-
tonomie, le professeur a conçu ou mis à disposition des outils, il propose des situa-
tions pédagogiques…il devient accompagnateur (Chesnais, 1998). Cette démarche
fait l’hypothèse que l’élève est une personne, un individu responsable, qui aura son
propre cheminement pour construire un savoir, se construire en tant qu’être pen-
sant. La réflexion personnelle et partagée est au centre du travail en autonomie. Il
s’agit de rechercher la coopération, d’établir des relations aux autres dans le but
d’aider, de progresser, de partager, d’apprendre… C’est également donner du sens à
l’apprentissage, en s’interrogeant, en évaluant, en cherchant à comprendre. C’est
accepter l’erreur : si l’enfant accepte de se tromper, c’est qu’il se construit une autre
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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux
Avant tout, ils seposent des questions là
où d’autres élèves, en cours uniques
notamment, posent desquestions. La différence
notable réside dans l’attente de la réponse.
idée du temps, celui qu’il faut pour apprendre; et une certaine idée de l’apprentis-
sage qui procède par étape et non comme un savoir-résultat (Brunot et Grosjean,
1999). C’est l’un des versants du concept du temps long que nous définissons ainsi.
Lorsqu’ils travaillent en autonomie, les élèves deviennent responsables de leur
tâche. Ils se doivent de répondre, seuls ou en groupe, à des problèmes pouvant être
soulevés dans l’immédiateté d’une action. Réguler le bruit qu’ils font alors que le
maître travaille avec un autre niveau, se procurer du matériel, se faire réexpliquer
une consigne… sont autant de décisions à prendre et à réinvestir grâce à leur vécu,
leur expérience, car ils ont conscience qu’ils ne peuvent déranger l’enseignant et
qu’ils sont autorisés par lui à les prendre. Décisions à différer également lorsqu’elles
demandent à être discutées, validées, partagées… Avant tout, ils se posent des ques-
tions là où d’autres élèves, en cours uniques notamment, posent des questions. La
différence notable réside dans l’attente de la réponse. D’un côté, les élèves entrent
dans un cheminement de la pensée individuelle et collective; de l’autre, les élèves
sont dans une certitude d’obtenir une réponse immédiate de la part du professeur,
réponse dont ils ne perçoivent pas toujours l’élaboration, le cheminement, la justifi-
cation. Dans les deux cas, si la question existe, le rapport au temps est différent : du
temps pour comprendre, chercher, réfléchir seul ou à plusieurs ou du temps réduit à
la réponse immédiate, qui offre à l’élève un modèle consistant à supposer que la
réponse appartient toujours à l’autre, à l’adulte le plus souvent, au maître plus parti-
culièrement. Cela constitue de notre point de vue des connaissances transversales
solides et valides lorsqu’il s’agit d’en acquérir d’autres beaucoup plus académiques
(Briquet-Duhazé, 2003).
Rôle de l’enseignantL’enseignant, pour mettre en place une pédagogie de l’autonomie, mène une
réflexion sur son propre rôle (devenir médiateur), sur sa place dans la classe
(accepter de s’effacer) et propose des situations authentiques sous forme de projets,
de contrats, de séances… Dans la classe à plusieurs niveaux, la situation authentique
est produite par la structure même de la classe; celle-ci donnant tout son sens à la
pédagogie de l’autonomie qui devient alors une condition nécessaire à la gestion du
groupe. Ce travail en autonomie dans une classe à plusieurs cours produit des chan-
gements de points de vue sur ce qu’est la connaissance au sens large, sur les conte-
nus, les apprentissages dans les autres niveaux que celui auquel appartient l’élève. Il
se construit des représentations sur des connaissances apprises dans un autre niveau
que le sien (niveaux supérieurs), en revoit d’autres (niveaux inférieurs). Ces appren-
tissages regardés sont une spécificité de la classe unique notamment où l’élève, plus
que dans tout autre univers scolaire, a l’opportunité d’observer l’enseignant faire
classe à un groupe dont il ne fait pas partie. Les recherches sur les représentations
(Barré-de-Miniac, 1995) font état de différences, dans des milieux sociaux contrastés,
entre l’écriture et/ou la lecture qui seraient perçues soit comme des activités pure-
ment scolaires facilitant pour l’élève le passage d’une classe à une autre, soit comme
des activités à usage social, personnel et donc avec une finalité clairement élaborée.
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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux
Ce travail enautonomie dans une
classe à plusieurs coursproduit des change-
ments de points de vuesur ce qu’est la connais-
sance au sens large, sur les contenus, les
apprentissages dans lesautres niveaux que celui
auquel appartientl’élève.
Nous avons poursuivi nos recherches à partir de ce cadre théorique de référence
et l’évolution de la préscolarisation française. Depuis une quinzaine d’années, elle
tend vers 3 ans pour tous les élèves (voire 4 pour 25 % d’entre eux). Si cette avancée
est notable pour la fréquentation de l’école maternelle, on remarque également une
modification de la préscolarisation en milieu rural où il n’est plus rare qu’un élève
effectue deux années dans une classe maternelle avant d’effectuer sa grande section
dans une classe primaire à plusieurs niveaux. Nous avons supposé que le regroupe-
ment dans un même lieu d’élèves d’âges très différents, pouvait conduire chacun
d’eux, et notamment les plus jeunes, à comprendre l’enjeu, l’usage, la nécessité d’ac-
quérir telle compétence ou tel savoir en constatant le réinvestissement qui en était
fait dans les niveaux supérieurs.
Les interactions en classe unique entre les élèves nonlecteurs et lecteurs : évolution de la notion d’écoute furtive
Point de départ et méthodologieDeux éléments fortement imbriqués ont favorisé l’émergence d’une seconde
recherche qui se veut être dans la continuité de la précédente. Ces deux éléments que
nous présentons ici en constituent le projet pilote.
Le premier a été de chercher à montrer l’existence ou non d’une « écoute
furtive » par d’autres moyens que la présence d’interactions comportementales lors
de leçons réalisées à un autre niveau que celui du préscolaire observé et d’en dégager
les incidences sur les apprentissages, celui de la lecture en l’occurrence.
Le second a été de neutraliser la variable temps de préscolarisation, précédem-
ment différenciatrice afin d’évaluer l’incidence de la forme, et non plus de la durée
de préscolarisation, sur cet apprentissage et ses représentations par les élèves.
Notre méthodologie repose sur des entretiens et l’observation des élèves de
grande section ayant déjà été préscolarisés auparavant de deux années dans une
maternelle. Cependant, afin d’évaluer le plus objectivement possible les représenta-
tions du « savoir lire » plus que du « comment apprendre à lire », nous avons porté
notre choix sur une classe unique à la particularité relativement exceptionnelle (pour
une année scolaire); celle de ne pas scolariser d’élèves au C.P., le village ne comptant
pas d’enfants nés en 1997 durant cette année scolaire. Les grandes sections ont donc
vécu un changement d’école comme leurs camarades de maternelle s’inscrivant au
cours préparatoire, mais un an plus tôt; ce changement ne coïncidant plus avec le
début de l’apprentissage de la lecture. De plus, ces élèves sont scolarisés avec un
groupe réunissant tous les niveaux de l’élémentaire, du C.E.1 jusqu’au C.M.2 (7 à
10 ans). Ces derniers maîtrisent différemment la lecture, mais sont tous lecteurs. Le
maître n’a donc pas de méthode d’apprentissage de la lecture engagée pour des
lecteurs débutants que les élèves de grande section pourraient avoir intégré au cours
de leurs interactions et de leur écoute furtive.
Dans un premier temps, nous avons réalisé des entretiens auprès des élèves de
grande section, quelques semaines après la rentrée scolaire, donc très peu de temps
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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux
après leur inscription dans cette classe unique. L’analyse de ces enregistrements
révèle que quatre élèves sur cinq avaient des représentations très élaborées du savoir
lire. Ils s’appuient sur le travail scolaire de leurs camarades plus âgés pour décrire
l’apprentissage de la lecture (qu’ils ne réduisent donc pas au C.P. inexistant), ses
modalités, ses outils et l’usage qui peut être fait de cette compétence dont ils évo-
quent surtout l’inégalité de la maîtrise. C’est donc dire qu’ils ont déjà pris conscience,
depuis le début de l’année, que tous les autres élèves lisaient différemment. Ils évo-
quent notamment la lecture à haute voix, les questions posées par le maître et donc
la compréhension et l’explication de l’écrit ainsi que des différences liées à l’intona-
tion, la rapidité, les difficultés liées au déchiffrement… et ce, alors que les entretiens
étaient individuels.
Nous avions réalisé la même démarche auprès d’élèves de maternelle, en fin de
grande section, afin de recueillir les mêmes représentations sur la lecture quelques
temps avant leur passage au C.P., à la « grande école ». Ces élèves projetaient forte-
ment, dans ces représentations, le passage de classe (savoir lire permet de changer de
classe : ce que ne peuvent évoquer les élèves de classe unique sauf à changer de sec-
tion) ou les devoirs réalisés à la maison. En d’autres mots, ils visualisent le rôle de la
lecture et parfois son apprentissage en déplaçant le lieu, les personnes et le temps
dans un contexte reconstitué, celui du milieu familial, sachant que la vision des
devoirs par les plus petits est soit l’image d’un temps consacré par les parents, tous
les jours, à l’un de leurs enfants (temps privilège) ou bien un temps de dur labeur
lorsque le frère ou la sœur vit ce moment post-scolaire dans une certaine souffrance
liée aux difficultés scolaires, de mémorisation, de concentration, de relation avec les
parents ou bien d’isolement lorsque l’aide n’est pas présente…
Les élèves de classe unique ne semblent pas projeter l’apprentissage de la lecture
et les représentations qui y sont attachées en dehors de la classe. C’est le deuxième
versant de notre concept du « temps long » servant à la construction des savoirs.
Dans un deuxième temps, les élèves de G.S. ont été filmés durant des séances de
lecture dispensées aux élèves de C.E.1. Ces observations ont eu lieu tous les deux
mois environ et ont duré toute la matinée; le temps passé en classe étant supérieur
au temps réel d’une séance de lecture.
L’analyse des observations recueillies lors des premières leçons confirme la
présence de comportements interactifs et par conséquent « l’écoute furtive » des
élèves. Mais nous mesurons là encore toute la prudence nécessaire dont il faut faire
preuve eu égard au petit effectif concerné.
Présentation d’une séance observéeLa leçon présentée ci-après révèle celle-ci en dehors de tout comportement
interactif visuellement repérable, montrant ainsi un système parallèle d’apprentis-
sage reposant sur l’écoute de la parole en situation d’enseignement indirect puisqu’il
s’agit de plusieurs sections au sein de la même classe.
A la fin du mois de novembre, le maître fait une leçon de lecture aux C.E.1, la
section la plus nombreuse de sa classe unique qui compte au total 18 élèves répartis
de la manière suivante : 5 G.S. (des garçons); 8 C.E.1 (filles, garçons); 2 C.E.2 (une fille,
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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux
Les élèves de classeunique ne semblent pasprojeter l’apprentissage
de la lecture et lesreprésentations qui y
sont attachées endehors de la classe.
un garçon); 1 C.M.1 (une fille); 2 C.M.2 (une fille, un garçon). Les 8 C.E.1, tous très
bons lecteurs, assistent à une séance de lecture-vocabulaire. Il leur demande de s’in-
staller devant le tableau afin de lire, silencieusement puis à voix haute, un texte rela-
tivement long. Des jeux avec des étiquettes permettent ensuite d’aborder le thème
des suffixes et des préfixes à partir des mots du texte. Tous les autres élèves ont un tra-
vail en autonomie à réaliser, commun à chaque niveau. Les élèves de G.S. doivent
colorier selon un codage précis leur demandant le réinvestissement de la lecture de
mots se rapportant à quatre couleurs. Cet exercice exige beaucoup de concentration.
Nous filmons la séance de lecture et plus précisément les G.S. qui sont à leurs
bureaux, mais dans le même angle de vue que les C.E.1. A l’observation directe,
aucun comportement interactif visible chez les G.S. ne permet de supposer qu’ils
écoutent la leçon de lecture. Ils sont très appliqués et impliqués dans leur coloriage,
font très attention de ne pas se tromper de couleur, échangent oralement sur leurs
stratégies, car ils ne commencent pas tous par la même et émettent surtout des hypo-
thèses sur le dessin qui se découvre au fur et à mesure (un père Noël). Ils ne parlent
ni tout bas, ni très fort et semblent avoir oublié les C.E.1 qui, pourtant très nombreux,
déclament leur texte en y mettant le ton (il s’agit d’une sorcière qui parle).
Le maître avait volontairement choisi deux séances simultanées demandant de
part et d’autre une attention très importante et une forte motivation, de manière à ce
que nous puissions valider ou non la présence d’une « écoute furtive » en fonction
des critères particuliers de celle-ci. Les indicateurs interactionnels observables ne
pouvant suffire dans ce cadre précis, sauf à conclure qu’il n’en existait pas, nous
avons fait verbaliser les élèves de G.S. (codés ER, MI, CE, EM, MA) quelques instants
après la fin de la leçon de lecture des C.E. 1 à partir de questions précises.
« Qu’ont fait les C.E.1 avec le maître (Philippe) pendant que vous faisiez votre
coloriage? »
ER : Ils lisaient le livre de la petite fille et un petit garçon qui voulaient aller dans une
décapotable pas ordinaire.
MI : Rouge.
CE : Ils travaillaient.
EM : Philippe sur des papiers il collait les mots sur le tableau et les C.E.1 essayaient
de faire des mots. Ils étaient mélangés, les lettres, les mots?
CE : J’en sais rien.
MA : Faut les remettre dans l’ordre sur le tableau. Il faut un peu…le maître les aide un
p’tit peu.
ER : Nous, on est plus petits en grande section maternelle alors il explique.
« Quels mots ont lu les C.E.1? »
EM : Plante
ER : Portable
EM : Table
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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux
MA : Etaler comme table.
EM : Aussi on faisait not’e travail alors on n’a pas vu mais on a entendu. Parfois on
r’garde un p’tit peu.
MI : Moi jamais.
ER et MA : Nous on regarde.
CE : Je ne regarde pas, car il faut faire son travail sinon on sait pu où on en est.
« Est-ce qu’il y a des moments où on peut écouter le maître? »
ER : Des fois on peut regarder parce qu’on a arrêté le travail. Quand on fait des p’tits
jeux d’la ferme, du bonhomme, on peut écouter.
MI : Des fois oui, c’est que quand on a fini.
CE : Non tu dis n’importe quoi, j’écoute pas.
EM : Oui quand on a fini le travail et parfois on va sur le tapis et on l’écoute quand on
va jouer.
MA : Quand je fais un travail très facile pour apprendre à faire des traits avec la règle.
« Mais qu’est-ce qu’ils ont fait le maître et les C.E.1 avec les étiquettes? »
MA : Il a découpé les étiquettes en p’tits morceaux qu’ils posent sur leurs tables.
Constance doit remettre les étiquettes dans l’ordre et le maître l’aide.
Deux élèves se lèvent et vont chercher le paquet d’étiquettes qu’ils posent sur
leurs tables. Les cinq enfants trient naturellement les étiquettes par couleur :
Noir Rouge Vert Bleu
eur in er port
able re ation port
er re ation port
im ition
ex
sup
La couleur de l’outil scripteur utilisé par l’enseignant a, bien sûr, permis
d’obtenir un tri exact. Cependant, quatre enfants sur cinq ont dit spontanément,
concernant les étiquettes bleues « Là c’est écrit port ». Un élève propose, en prenant
deux étiquettes : « Avec ça, on peut écrire portable » et utilise les étiquettes port in.
D’autres forment port able et port ation. Un autre s’exclame « C’est les mots de la
même famille. J’avais bien vu qu’il y avait du bleu et du rouge et j’avais vu les écritures
rouges que Philippe a mis en haut ».
Nous étions bien en présence d’une parole entendue, écoutée sans que le moindre
comportement interactif observable dans l’instant et analysable au visionnement du
film puisse en laisser paraître l’existence et l’importance.
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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux
Conclusion
Si les travaux sur les interactions verbales entre élèves sont relativement nom-
breux (cf. la revue de question de Nonnon, 1999), il nous semble important de les
étudier en considérant les caractéristiques propres aux classes à plusieurs niveaux,
soit une préscolarisation qui tendant vers une durée égale à celle de l’école mater-
nelle (3-4 ans) ne s’accompagne pas d’un changement d’établissement au moment
de l’apprentissage de la lecture, mais aussi une multiplicité des niveaux au sein d’un
même lieu. S’agissant d’un passage annuel de section et non de classe dans une
classe unique, ces éléments nous ont permis d’analyser la liaison entre interactions
verbales, non verbales, particulièrement « l’écoute furtive » et les représentations et
l’incidence de cet étayage sur l’apprentissage de la lecture particulièrement. Les
classes à plusieurs niveaux favorisant les interactions entre élèves, il semblait perti-
nent de les analyser conjointement.
La poursuite de nos travaux exploratoires nous aidera à comprendre la nais-
sance et l’évolution de ces représentations chez les élèves d’âge préscolaire dans les
différentes classes à plusieurs niveaux et, particulièrement, comprendre de quelles
manières ils inscrivent et réinvestissent la notion de temps pour apprendre à lire et
l’influence de cette représentation dans la dédramatisation, a priori pour certains, de
cet apprentissage. Mais il nous faudra surtout mesurer l’influence de cette « écoute
furtive » dans la maîtrise du langage écrit au cœur de ces classes multiniveaux dans
la mesure où elle semble connaître une origine structurelle bien plus importante
qu’un apprentissage programmé.
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