La crise identitaire des horlogers Ou les paradoxes de l’industrie haut-de-gamme
Hervé Munz, anthropologue
Département de géographie, Université de Genève
Introduction
Publication d’un livre sur l’industrie horlogère
Pas question de révolution 4.0 en tant que tel mais d’industrialisation générale de l’activité horlogère
Fruit d’enquêtes sur la transmission du savoir-faire et sur la profession d’horloger en Suisse (7 ans)
Objectifs et plan de la présentation
Créer un espace de dialogue avec vous sur la base des résultats de mon enquête
Comprendre le paradoxe apparent que vivent actuellement de nombreux horlogers et travailleurs de la branche
Plan de l’intervention:
-Présentation des 4 résultats principaux de l’enquête
-Brève réflexion sur l’histoire récente de la branche (1975-2017)
Contexte de la recherche
Intérêt pour le métier d’horloger à partir de deux questions:
-En quoi consiste-il?
-Comment se transmet-il?
Terrains d’enquête:
Ateliers, usines, écoles techniques, salons professionnels, visites d’entreprises, grands prix.
En complément: 300 entretiens avec des personnes de la branche (dont 150 avec des gens de métier).
Etude sur l’identité professionnelle des horlogers
Un paradoxe apparent
-crise identitaire des horlogers alors qu’il n’a jamais autant été question d’eux
-Une valorisation médiatique sans précédents
Horloger, une profession en crise?
-« Plus il y a d’horlogerie, moins il y a d’horlogers! »: comment comprendre cela?
-4 résultats principaux
1er résultat de l’enquête
Horloger est une profession en mal de reconnaissance
Un curieux constat?
Industrialisation et déqualification
Les compétences horlogères d’ajustement et de retouche rendues en partie caducs par l’industrialisation du luxe horloger
2ème résultat de l’enquête
Beaucoup de jeunes horlogers sont déçus ou insatisfaits une fois arrivés dans le monde professionnel
Réalité de pratique contrastée entre formation très artisanale et production très automatisée
La dévalorisation du CFC
Pascal, ingénieur, 50 ans: « On a besoin d’ingénieurs à un bout de la chaîne de production et d’opérateur à l’autre mais de moins en moins d’ouvriers de type CFC! »
3ème résultat de l’enquête
Les horlogers ont le sentiment de perdre ce qui fait le cœur de leur métier
Politique exclusive des groupes et problème d’approvisionnement en composants
Verticalisation des groupes : la question des sous-traitants
L’usage de nouveaux matériaux (ex. silicium)
L’enjeu du rhabillage
4ème résultat de l’enquête
La transmission du métier pose problème
Tension entre les milieux de la formation horlogère et le milieu de la production en industrie
Les formateurs en colère:
-Les entreprises forment peu
-Lorsqu’elles forment, elles ont tendance à soutenir des formations écourtées
-L’impression d’ avoir le cul entre deux chaises
L’exemple du projet « Naissance d’une montre »
Brève rétrospective (1975-2017)
Sortie de la crise des années 1970 en se repositionnant progressivement dans le luxe
Capitalisation sur le patrimoine et l’image authentique des horlogers
Succès colossal au nom du patrimoine et relance de l’horlogerie mécanique
Dès 1995, nouvelle vague d’industrialisation du luxe et nouveau sentiment de perte du savoir-faire
Conclusion
Les horlogers sont-ils devenus le « luxe » de l’industrie?
Industrialisation du luxe ne doit pas être diabolisée:
- Elle est la source du succès économique des 15 dernières années
- Elle a contribué à favoriser l’emploi
Effets ambivalents de l’industrialisation sur l’identité professionnelle des horlogers et sur les formations horlogères