Projet n° : GO3113
« Plaidoyer pour une action parlementaire en faveur d’une meilleure politiques des drogues au
Mali »
RAPPORT DE L’ETUDE DE BASE SUR LA
CONSOMMATION DE DROGUES DANS LA
VILLE DE SIKASSO AU MALI
Par le Dr Younoussa SIDIBE
Consultant indépendant
Quelques types de drogues (Canabis, poudre de Cocaine et tramadol contenant de la codéine)
Matériel d’injection qu’AKS met à disposition des injecteurs
Juillet 2017
SOMMAIRE
SOMMAIRE ...........................................................................................................................................2
RESUME .................................................................................................................................................4
INTRODUCTION ..................................................................................................................................6
I / PRESENTATION SOMMAIRE DU CONTEXTE DE LA VILLE DE SIKASSO.....................7
1.1 / Description générale du contexte. ...................................................................................................... 7
1.2 / Description du contexte lié à la problématique des drogues ....................................................... 7
II / METHODOLOGIE DE L’ETUDE ................................................................................................9
2.1 / Organisation préalable et mise en route de l’étude ....................................................................... 9
2.2/ La constitution de l’échantillon ........................................................................................................... 9
Répartition des usagers de drogues selon le sexe : ..............................................................................9
2.3/ Conception des outils de l’enquête et formation des deux enquêteurs recrutés .................... 10
2.4 / Recueil et exploitation des données sur le terrain ........................................................................ 10
2.5 / Difficultés rencontrées sur le terrain............................................................................................... 11
III / PRESENTATION DES RESULTATS DE L’ETUDE ..............................................................12
3.1/ Profils des consommateurs de drogues ............................................................................................ 12
3.1.2 / L’âge des usagers de drogues ...................................................................................................... 13
3.1.3 / Statut matrimonial des usagers de drogues .............................................................................. 13
3.1.4 / Situation professionnelle et revenus des usagers de drogues ................................................ 13
3.1.5 / Conditions de logement des usagers de drogues ...................................................................... 14
3.2 / La consommation de la drogue : typologie de drogues, modes de consommation,
conséquences. ................................................................................................................................................. 16
3.3 / Conséquences de la consommation de drogues ............................................................................ 18
3.3.1 / Sur le plan judiciaire : arrestation et détention pour consommation de drogues .................. 18
3.3.4 / Sur le plan de la stigmatisation et de la discrimination (regard des autres dans la
société) ............................................................................................................................................................. 19
IV / RECOMMANDATIONS OPERATIONNELLES.....................................................................21
ANNEXES ....................................................................................................... Erreur ! Signet non défini.
LISTE DES SIGLES
AKS : Association Kénédougou Solidarité
CMDT : Compagnie Malienne pour le Développement du Textile
IST : Infection Sexuellement Transmissible
OCS : Office Central des Stupéfiants
ODD : Objectifs pour le Développement Durable
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ORFED : Organisation pour la Réflexion, la Formation et l’Education à la Démocratie et au
Développement ;
OSIWA: Open Society Initiative for West Africa
VIH : Virus de l’Immunodéficience Humaine
SPSS : Statistical Package for the Social Sciences (logiciel pour analyse statistique)
RESUME
Le Mali, comme tous les autres pays de l’Afrique de l’ouest n’est plus seulement aujourd’hui
«une zone de transit mais aussi de consommation des drogues». (Rapport WACD, 2014). Dans
le rapport 2013 de l’ONUDC, le Mali est aussi cité parmi les principaux pays de transit de la
cocaïne en Afrique de l’Ouest.
L’ONG ORFED et OSIWA sont en partenariat pour la réalisation d’un projet qui se veut un
instrument de plaidoyer auprès des parlementaires du Mali pour des politiques plus équilibrées
en matière de drogue. C’est dans ce cadre que cette étude a été réalisée dans la ville de Sikasso
pour avoir des données précises sur les conséquences des politiques actuelles sur les pratiques
de consommation de la drogue au Mali. Sikasso a été choisie parce que qu’elle a une large
ouverture sur des pays frontaliers mais qui est aussi au centre d’un important flux migratoire.
La présente étude s’est déroulée pendant un mois et réalisée en 4 étapes comme suit :
organisation préalable et mise en route de l’étude, constitution de l’échantillon, conception des
outils de l’enquête et formation des deux enquêteurs recrutés, recueil et exploitation des
données sur le terrain. Nous avons pris un échantillon de 208 personnes dont 197 hommes et
11 femmes toutes âgées de 15 ans et plus. Les résultats de l’étude peuvent être résumés comme
suit :
En ce qui concerne le profil des consommateurs de drogues, l’étude décrit les personnes
rencontrées suivant les caractéristiques qui suivent :
- Niveau d’étude des usagers de drogues : 76% des consommateurs de drogues non pas été
scolarisés ou ont un niveau d’étude primaire.
- Age des consommateurs de drogue : la consommation de drogue est assez fréquente dans les
tranches d’âge 20-24 ans et 25-29 ans.
- Statut matrimonial des usagers de drogues : 71,20% des consommateurs sont des célibataires.
La consommation de drogue constitue un obstacle pour avoir une vie de couple.
- Situation professionnelle des usagers drogues : 72,60% des usagers de drogues de Sikasso
déclarent avoir un travail. Dans la majorité des cas il s’agit de travail informel avec ou sans
contrat avec l’employeur. Parmi ces personnes qui disent avoir du travail, il y’a beaucoup
d’apprentis chauffeurs, des rabatteurs appelés couramment(Coxeurs), des élèves et étudiants.
- Motifs de consommation de la drogue : la consommation de drogue est influencée dans 59,6%
des cas par les amis. Les problèmes de santé et autres occupent les 40, 4% des raisons de la
consommation à l’initial de la drogue.
- Durée dans la consommation : 64,90% des consommateurs de drogues enquêtés ont plus de 5
ans d’’expériences dans ce domaine. Seulement 08,7% ont débuté il y’a moins d’un an.
- Types de drogues consommées : cannabis, cocaïne, morphine, tramadol, rivotril, caféine,
valium, héroïne.
- Modes de consommation : fumer, avaler sniffer, injecter.
- Lieux de consommation : la consommation en famille et au niveau des grins représentent
l’essentiel des lieux. Mais il faut cependant noter que 18,3% des personnes rencontrées
consomment la drogue en cachette en ville ou même en forêt.
- Intention d’abandonner la drogue : presque la moitié des consommateurs rencontrés (103 sur
208), souhaitent abandonner leurs pratiques, mais les usagers animés d’une telle intention ne
savent pas à qui se confier pour des conseils et des appuis les aidant à concrétiser leur souhait.
Quant aux conséquences de la consommation de la drogue, l’étude révèle que :
Sur les 208 usagers de drogues, 69 ont connu des arrestations pour cause de consommation de
drogues.
- L’usage de la drogue est un facteur de perte d’emploi pour ce qui concerne 5,80 % des
usagers de drogues enquêtés.
- La perception des usagers de drogue est que la consommation contribue à améliorer leur état
de santé. Quand on consomme la drogue, on tombe moins malade selon la plupart des
consommateurs rencontrés. Cette attitude de mentalité ne facilite pas la reconversion des
usagers de drogues.
Les résultats de l’étude prouvent donc que la drogue est consommée à Sikasso et qu’elle touche
presque toutes les tranches d’âge. Les conséquences de l’usage des drogues ont diverses. Le
traitement par la voie judiciaire/répressive est plus utilisé dans la gestion des infractions liées à
des activités de drogues. Les consommateurs ne se sentent pas considérés dans la conception
des politiques de drogues au Mali. Certains déplorent les conditions de leur arrestation pour des
activités de drogues et la rigueur des textes qu’ils disent tous ignorer. L’impunité de certaines
personnes, comme les grands infracteurs à la loi et les porteurs d’uniformes usagers de drogues.
Pour prendre en compte les faiblesses des interventions visant la réduction du fléau de la drogue,
l’étude fait entre autres des recommandations dans le sens d’une large sensibilisation des
populations pour enfin ouvrir le débat sur les questions de drogues, limiter les effets de
stigmatisation des usagers ; de la promotion de l’emploi des jeunes ; de l’implication des
personnes influentes (leaders religieux et traditionnels, artistes…) et des membres des familles
de consommateurs de drogues dans les actions d’éducation et d’information de masse ; d’un
assouplissement de l’application de la loi N°01-78 du 18/07/2001 (titre 9) portant contrôle des
drogues et de leurs précurseurs au Mali qui frappe avec la même rigueur tous ceux qui sont
coupables d’infractions liées à la drogue, de la mise en place des centres d’addictologie et
d’écoute et de conseil pour les consommateurs de drogue au niveau de toutes les capitales
régionales du Mali et les districts de Bamako.
INTRODUCTION
L’ONG ORFED et OSIWA sont en partenariat pour la réalisation d’un projet de plaidoyer pour
une revue de la législation malienne sur les drogues. Pour la réussite de ce plaidoyer, des
informations de base convaincantes sur les questions liées à la drogue sont indispensables. C’est
pourquoi, la réalisation d’une étude base a été envisagée comme l’une des activités clé du projet.
En effet, le Mali, comme la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest, est confronté à un
phénomène grandissant du trafic de drogue qui associe plusieurs activités connexes qui
perturbent dangereusement la stabilité des institutions. Pendant longtemps, le désert malien a
été considéré à tort comme uniquement zone de passage de la drogue. Un rapport de la
commission Ouest Africaine des Drogues (WACD) montre qu’en plus d’être des zones de
passage, les pays de l’Afrique de l’Ouest sont devenus aussi des zones de consommation de
drogues.
La présente étude veut le prouver pour ce qui concerne le Mali. Et en le prouvant, elle veut
contribuer à stimuler l’engagement des parlementaires maliens pour une meilleure politique de
drogues.
Elle a été initiée dans la ville de Sikasso, la capitale de la troisième région du Mali, deuxième
ville la plus peuplée du pays après Bamako. Cette ville a été choisie entre autres, pour sa large
ouverture sur les pays voisins comme le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée Conakry.
Elle est au centre d’un important flux migratoire.
Ses résultats sont attendus pour :
- Informer et sensibiliser les députés sur les réalités liées à la consommation des drogues au
Mali (types de drogues consommées, profil des consommateurs, modes de consommation,
conséquences diverses de consommation).
- Soutenir la réflexion des députés Maliens pour des réformes législatives en matière de
politique de drogues au Mali.
L’étude s’est réalisée auprès de 208 usagers de la drogue de la ville de Sikasso. Cet échantillon
a été soumis à des questions préalablement formulées en tenant compte des différents centres
d’intérêt de la recherche.
Le présent rapport qui est le produit fini de l’étude, est organisé en trois parties.
Dans une première partie, le rapport présente la ville de Sikasso en mettant l’accent sur les
facteurs qui stimulent la consommation de la drogue.
La deuxième partie du rapport décrit de manière détaillée la méthodologie suivie dans l’étude
et les difficultés rencontrées en passant par une brève présentation de l’échantillon et des outils
de recueil de données.
La troisième partie du rapport traite des résultats obtenus. Dans cette partie, sont développés le
profil des usagers de drogues rencontrés, les drogues consommées (typologie, modes de
consommation, lieux de consommation…) et les conséquences diverses liées à l’usage des
drogues.
Enfin, dans la quatrième et dernière partie du rapport, des recommandations opérationnelles
sont faites en direction des usagers de drogues, de leurs familles, des forces de l’ordre, et des
décideurs pour une meilleure gestion des questions liées à la consommation des drogues.
En annexe du rapport se trouvent : les termes de référence de l’étude, le questionnaire utilisé
pour le recueil d’informations, et le questionnaire additionnel pour les détenus pour
consommation de drogues.
I / PRESENTATION SOMMAIRE DU CONTEXTE DE LA VILLE DE SIKASSO
1.1 / Description générale du contexte.
Cette étude de base prospective et traversable a été réalisée dans la commune urbaine de
Sikasso. Capitale de la 3e région administrative du Mali, Sikasso est une ville carrefour située
à 380 km de Bamako et 41 km de la frontière du Burkina Faso et à 100 km de celle de la côte
d’Ivoire. Deuxième ville du Mali de par sa population, elle compte selon le recensement
administratif de 2010 : 233 880 habitants répartis entre 15 quartiers officiels, 06 quartiers
spontanés et 28 villages rattachés. Sikasso est une ville cosmopolite où cohabitent
harmonieusement les populations : Sénoufo, Miniakas, Bobos, Dioulas, Peuhls, Dogons,
Sonrhaï, Samokos, Soninkés et d’autres groupes ethniques. Cette population hétérogène
pratique les religions suivantes : l’Islam, le Christianisme (Catholique et protestant) et
l’animisme dans un esprit de laïcité et de tolérance favorisé par les plaisanteries de cousinage.
Sikasso de par sa position géographique et économique est une ville d’immigration pour les
ressortissants de toutes les régions du Mali voire des pays voisins, ce qui favorise
l’accroissement rapide de la population.
Les principales activités sont :
- L’agriculture : elle est la principale activité des Sikassois de par le volume global de la
production des céréales (mil, maïs, sorgho, riz, etc..) et des tubercules (pommes de terres,
ignames, patates douce etc..). Nous avons une forte production de coton avec plusieurs usines
d’égrenage de la CMDT. Nous avons un espace de culture de Thé à Farako. La production de
pois sucrés est aussi importante. La mangue, la banane et les oranges sont aussi produites.
- L’élevage concerne les bovins, les caprins et les ovins. L’aviculture apporte beaucoup dans
l’économie locale. La pisciculture s’installe progressivement.
- Le commerce : Sikasso est une ville d’échange portant sur les produits agricoles et industriels.
La ville dispose de deux grands marchés aménagés pour favoriser les échanges. Le secteur
informel occupe la majeure partie du commerce. Nous avons le secteur du transport qui a un
poids considérable. Il y’a le transport des marchandises inter-urbain et inter-pays mais aussi le
transport des personnes. La ville dispose d’une grande gare routière aménagée et assez rentable
pour les occupants.
1.2 / Description du contexte lié à la problématique des drogues
Sikasso, capitale de la région du même nom est une ville carrefour marquée par un brassage des
populations venues d’horizons diverses. Les consommateurs de drogues sont des autochtones
mais aussi des étrangers venus des pays limitrophes à savoir la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso,
la Guinée Conakry mais aussi le Ghana et le Nigéria. La drogue transite par Sikasso provenant
du Ghana ou du Nigéria en passant par la Côte d’Ivoire ou le Burkina Faso. Mais à côté de
l’importation, il faut signaler aussi que le cannabis est produit au niveau de certaines localités
des cercles de Kadiolo, Yanfolila, Kolondièba et Bougouni est disséminé dans le marché local.
La consommation de drogue est aussi soutenue par la prolifération des sites d’orpaillage et qui
permettent aux orpailleurs de travailler au-delà de leurs capacités intrinsèques.
U regard de l’ampleur du phénomène, nous constatons l’insuffisance de débat sur les
problématiques de trafic et de consommation de drogue. Il y’a un tabou autour de la question
et la population majoritairement d’origine rurale ne mesure pas les méfaits des drogues pour la
santé individuelle et collective mais surtout pour développement. L’ampleur des conséquences
liées à la consommation de la drogue peut impacter négativement l’atteinte des ODD par notre
pays à l’horizon 2030.
Sur le plan de la gestion des questions de drogues, il existe une antenne régionale de l’OCS
dans la ville de Sikasso. Celle-ci couvre tous les cercles de la région. Elle est investie de
missions de police judiciaire en matière de lutte contre le trafic illicite de drogues et de sa
consommation. Comme toutes les autres antennes de l’OCS au Mali, elle a comme missions
essentielles :
d’opérer sur toute l’étendue de la région où elles sont établies, aux différents points
potentiels de passage des stupéfiants, notamment les aéroports, les postes frontières,
les gares et les ports fluviaux ;
de contrôler et rechercher les passagers suspects et leurs bagages en provenance ou à
destination des pays-cibles des trafiquants de stupéfiants au niveau des aéroports, dans
les gares, dans les terminaux à conteneurs et les ports fluviaux ;
de procéder à des contrôles sur toutes les plateformes aéroportuaires, tant en ce qui
concerne les personnes que les bagages, les frets, les aéronefs (parking, aviation
générale) et les courriers postaux en transit, à l’arrivée ou au départ des aéroports ;
de collecter et transmettre toutes les données statistiques relatives au trafic illicite des
stupéfiants à la Direction nationale de l’OCS.
Même si les actions de sensibilisation et d’éducation des consommateurs sont prévues, il y’a de
façon générale une mauvaise perception de ce service par les consommateurs qui ne voient que
l’angle répression de sa mission.
Depuis 2013, l’association Kénédougou Solidarité, dans le cadre de la lutte VIH auprès des
populations vulnérables, a identifié des personnes usagères de drogues et depuis 2014 mène des
interventions de prévention des IST et du VIH en leur profit. Des pairs éducateurs sont
mobilisés pour ce travail de proximité. Les campagnes de dépistages du VIH sont organisées et
les personnes dépistées séropositives bénéficient d’une prise en charge médicale et
psychosociale grâce aux soutiens technique et financier de Sidaction France. L’association met
à dispositions des outils de prévention comme les préservatifs masculins et féminins mais aussi
du matériel d’injections (seringues, stéribox….) avec des appuis ponctuels de Apothicom
France. Elle ne dispose pas pour le moment de programme d’addictologie.
II / METHODOLOGIE DE L’ETUDE
La présente étude s’est réalisée en 4 étapes comme suit :
2.1 / Organisation préalable et mise en route de l’étude
Au cours de cette séquence, nous avons pris contact avec le commanditaire de la mission pour
une meilleure compréhension des TDR et la finalisation de la planification de la mission. Tout
ce travail a été fait à distance, par mail et par téléphone. Nous avons noté la disponibilité des
deux parties pour la réussite de la mission.
2.2/ La constitution de l’échantillon
Les activités qui sont associées à cette phase ont été : l’identification de quatre leaders usagers
de drogues qui étaient tous des hommes en vue de la participation des personnes à enquêter.
Avec ces leaders, nous avons pu établir une liste de zones fréquentées par les consommateurs à
savoir : la gare routière de Sanoubougou I, la forêt « Thèque Tou » qui est à proximité de la
gare routière et qui constitue une zone de consommation mais également un abri pour le repos
des usagers de drogues et des brigands, le marché de Médine fréquenté par les ouvriers et
charretiers à traction manuelle, le « Ciporoco » un nouvel espace culturel et de divertissement
en périphérie de la ville de Sikasso au quartier Banconi, le bar Bavaria sur la route de Bobo-
Dioulasso. En plus de ces sites, certains domiciles ont été indiqués pour rencontrer des
consommateurs au niveau de leur domicile à Kaboila II, Bougoula ville et Fama. A partir de
ces leaders, l’accès aux autres usagers de drogues a été favorisé par le système de boule de
neige. En effet, une personne enrôlée dans l’étude oriente vers une autre et ainsi de suite. Le
choix de cette approche a été privilégié du fait que les usagers de drogues vivent en
communauté. Ils savent ceux qui consomment et cela permet aux enquêteurs qui sont des
personnes étrangères de pouvoir accéder aux vrais consommateurs. Deux catégories de critères
ont été retenues pour constituer l’échantillon :
Les critères d’inclusion à savoir:
- Etre un usager de drogue homme ou femme
- Etre âgé de 15 ans et plus. Les 15-17 ans seront des adolescents émancipés.
- Etre consentant pour participer à l’étude ;
- Etre résident dans la ville de Sikasso au moment de l’enquête.
Les critères de non inclusion qui étaient :
- Avoir moins de 15 ans,
- Etre non consentant,
- Avoir arrêté la consommation de drogue depuis plus de six mois
Au regard de la cible et du temps imparti, la taille de l’échantillon a été arrêté à 208
consommateurs de drogues.
Répartition des usagers de drogues selon le sexe :
Dans le cadre de cette enquête nous avons touché des hommes et des femmes.
La répartition des enquêtés est
présenté dans le tableau ci-dessous.
Effectifs Pourcentage
Masculin 197 94,7
Féminin 11 5,3
Total 208 100,0
Le sexe masculin était prédomminant
parmi les usagers de drogues enquêtés
soit 95%.
2.3/ Conception des outils de l’enquête et formation des deux enquêteurs recrutés
L’outil conçu pour cette étude était le questionnaire d’entretien qui comporte cinq volets à
avoir :
- Volet 1 : information pour l’obtention du consentement. A ce niveau, il s’agit d’expliquer à
l’usager de drogue le pourquoi de l’étude, la confidentialité des informations à recueillir,
l’utilité des résultats pour les consommateurs et pour changer positivement les lois répressives.
Cette première partie conditionne l’enrôlement de l’usager. En cas de désistement il est exclu
de l’étude.
- Volet 2 : comportant les informations sociodémographique et économique et le niveau
d’instruction.
- Volet 3 portant sur la consommation de drogue : typologie, durée dans la consommation, mode
de consommation, lieux de consommation, causes de la consommation.
- Volet 4 qui porte sur les conséquences de la consommation sur le plan social, économique,
sanitaire et judiciaire.
- Volet 5 relatif à la perception des usagers de la drogue sur la réglementation en matière de
drogues mais aussi les perspectives pour eux en matière de consommation (volonté d’arrêter ou
de poursuivre) avec les raisons possibles.
Nous avons conçu un questionnaire additionnel prévu pour l’entretien avec les personnes en
détention au niveau de la maison d’arrêt au moment de l’enquête et dont la consommation ou
la détention est le motif de leur incarcération.
Deux enquêteurs expérimentés ont été mis à disposition du consultant. Ils jouissent d’une bonne
connaissance de la ville de Sikasso et comprennent bien le français et la langue Bamanankan
qui est la plus parlée dans la zone de l’étude. Ils ont été formés pendant deux jours sur le
questionnaire et briefés sur la consommation de drogue dans la ville de Sikasso, les différents
types de drogues consommés et les voies d’administration possibles. Nous avons eu une séance
de travail avec les enquêteurs et les leaders usagers de drogue. Cette préparation a permis aux
enquêteurs de se familiariser avec le groupe cible mais surtout de dissiper la peur que l’on peut
avoir chaque fois qu’on doit être en contact avec une personne usagère de drogue.
A l’issue de la formation nous avons apporté quelques amendements au questionnaire
permettant ainsi de faciliter son administration par les enquêteurs pour une meilleure atteinte
des objectifs.
2.4 / Recueil et exploitation des données sur le terrain :
Le questionnaire final a été administré pendant 07 jours (de jour comme de nuit) en fonction de
la disponibilité des cibles. Nous avons tenu compte des lieux les plus fréquentés par les usagers
95%
5%
Repartition des enquêtés selon le sexe
Masculin Feminin
de drogues et cela sur conseil des leaders provenant de la cible. Les enquêteurs ont évolué
séparément chacun étant accompagné d’un pair éducateur pour le premier contact avec les
consommateurs. Compte tenu du nombre important des consommateurs au niveau de la gare
routière, les deux enquêteurs ont intervenu parallèlement et en alterné sur le site. Les
interventions ont été effectuées de jour mais aussi de nuit en fonction de la disponibilité des
personnes à enquêter. La saisie et l’analyse des données ont été faites sur le logiciel SPSS
version 20.
2.5 / Difficultés rencontrées sur le terrain
Il s’agit d’une première étude comportementale sur ce phénomène dans la région de Sikasso ce
qui limite l’opportunité de comparaison des résultats obtenus dans cette étude par rapport au
passé.
Il n’a pas été aisé de trouver des femmes pour la constitution de l’échantillon ce qui explique la
faible proportion de leur nombre par rapport à celle des hommes. Nous avons eu assez de
difficultés pour accéder aux usagers de drogues les plus nantis. Les usagers de drogues étaient
assez pressés compte tenu de la veille de la fête de ramadan et il a fallu beaucoup communiquer
afin que les participants puissent donner de leur temps pour répondre aux questionnaires. Nous
avons aussi noté la réclamation de contrepartie financière de la part des participants mais
l’explication du contexte de la réalisation de l’enquête a permis de surmonter cette difficulté.
III / PRESENTATION DES RESULTATS DE L’ETUDE
Les résultats de l’étude sont présentés à trois niveaux : le niveau identitaire des usagers
(profils), le niveau des produits consommés (typologie des drogues consommées) et le niveau
des effets de la consommation (conséquences).
3.1/ Profils des consommateurs de drogues
3.1.1 / Niveau d’études et capacité de lecture et d’écriture
Tableau n° 1 : répartition des usagers de drogues selon le niveau d’études :
Nous notons que 76% des consommateurs de drogues non pas été scolarisé ou ont un niveau
d’étude primaire. L’analphabétisme reste alors un facteur associé à la consommation de drogue
dans la ville de Sikasso.
Tableau n°2 : répartition des usagers de drogues selon la capacité de lecture et d’écrire dans une langue
Langues Effectifs Pourcentage
Français 98 47,1
Anglais 2 1,0
Bamanankan 1 0,5
Senoufo 2 1,0
Autre 14 6,7
Français/anglais 18 8,7
Non 67 32,21
français/anglais/bamanankan 5 2,4
Français/bamanankan 1 0,5
Total 208 100,0
Le Français est la langue principale d’écriture et de lecture des usagers de drogue suivi de
l’anglais et l’arabe.
Tableau n° 3 : répartition des usagers de drogues selon leurs capacités à lire et écrire
Capacité de lecture et écriture Effectifs Pourcentage
Facilement 106 51,0
Avec difficulté 35 16,8
Pas du tout 67 32,2
Total 208 100,0
51 % des usagers de drogue déclarent pouvoir lire et écrire facilement. Il faut noter 32,20% ne
peuvent pas du tout lire. Cela s’explique par le fait que la plupart des usagers n’ont pas été
scolarisé ou ont abandonné l’école au niveau du primaire.
Effectifs
Niveau d’étude Effectifs Pourcentage
Primaire 100 48,1
Secondaire 45 21,6
Supérieur 5 2,4
Non Scolarisé 58 27,9
Total 208 100,0
3.1.2 / L’âge des usagers de drogues
Conformément aux critères d’inclusion dans l’enquête, nous avons pris en compte les usagers
de drogues âgés de 15 ans et plus. La répartition des enquêtés par tranche d’âge est présentée
dans le tableau ci-dessous :
Tableau n 4: répartition des usagers de drogues par tranches d’âge
Effectifs
Tranches d’âge Effectifs Pourcentage
15-19 ans 32 15,4
20-24 ans 47 22,6
25-29 ans 46 22,1
30-34 ans 31 14,9
35-39 ans 20 9,6
40-44 ans 18 8,7
45 ans et plus 14 6,7
Total 208 100,0
La consommation de drogues est assez fréquente dans les tranches d’âge 20-24 ans et 25-29
ans. Le jeune consommateur dans notre étude à 15 ans est une fille et le plus âgé est un homme
de 72 ans. 93,30% des consommateurs de drogues ont moins de 45 ans.
3.1.3 / Statut matrimonial des usagers de drogues
Tableau n°5 : statut matrimonial Effectifs Pourcentage
Célibataire 148 71,2
Mariée 55 26,4
Divorcée/Séparée 4 1,9
Veuf (ve) 1 ,5
Total 208 100,0
71,20% des consommateurs sont des célibataires. La consommation de drogue constitue un
obstacle pour avoir une vie stable et prétendre se marier. Seulement 26,40% sont dans un
mariage et les autres sont veufs (ves) ou divorcées/séparées.
S’agissant du nombre d’enfants, sur les 208 usagers de drogues 112 se déclarent avoir des
enfants dans une situation de mariage ou non, soit 53,8% de l’échantillon. 96 usagers n’ont pas
encore accédé au statu de papa (46,2%).
3.1.4 / Situation professionnelle et revenus des usagers de drogues
Tableau n° 6 : statut professionnel et revenus
Existence de travail Effectifs Pourcentage
Oui 151 72,6
Non 57 27,4
Total 208 100,0
72,60% des usagers de drogues de Sikasso enquêtés déclaraient avoir un travail. Dans la
majorité des cas il s’agit de travail informel avec ou sans contrat avec l’employeur. Dans ce lot
il y’a beaucoup d’apprentis chauffeurs, des rabatteurs appelés couramment(Coxeurs) des élèves
et étudiants.
En ce qui concerne les revenus des usagers, la mission s’est intéressée aux revenus mensuels.
Il ressort que, presque le 1/3 des usagers de drogues (31,3 %) n’a aucun revenu par mois. Ceux
qui ont un revenu allant à 50 000 f cfa par mois représentent 27,4 % de l’échantillon, soit 57
personnes. 27,9%, soit 58 personnes gagnent entre 50 000 à 100 000 f cfa par mois. Ceux qui
ont au-delà de 100 000 f cfa par mois sont seulement au nombre de 28 personnes, soit 13,5 %
de l’échantillon.
Les consommateurs de drogues vivent dans la précarité pour la plus part. En effet, au total,
58,70% d’entre eux, soit 122 personnes sur 208 au total ont une rémunération inférieure à
50 000 FCFA.
3.1.5 / Conditions de logement des usagers de drogues
Nous avons cherché à comprendre si les enquêtés sont en location ou non et s’ils ont des co-
concessionnaires. Le tableau qui suit renseigne sur ce centre d’intérêt de l’étude.
Tableau n° 7 : situation de logement
Location Effectifs Pourcentage
Oui 67 32,2
Non 141 67,8
Total 208 100,0
Les informations données dans le tableau ci-dessus montrent bien qu’une très grande majorité
des usagers de drogues sont chez eux, dont n’ont pas un problème de logement. En effet, ils
vivent dans la maison familiale. L’enquête a permis aussi de relever que 63,5% des usagers de
drogues ne vivent pas seuls. Ils partagent la concession familiale avec d’autres membres de la
famille ou des locataires. Seulement, 36,5 % vivent seuls, c'est-à-dire ne partagent pas la
concession avec d’autres personnes.
3.1.6 / Motifs ou causes de consommation de drogues
Tableau n°8 : causes de la consommation Effectif Pourcentage
Les amis 124 59,6
Les problèmes 24 11,5
Autres raison 55 26,4
amis/problèmes 04 1,9
amis/maladies 01 0,5
Total 208 100,0
Dans cette étude la consommation de drogue est influencée dans 59,6% des cas par les amis.
Les problèmes de santé et autres occupent les 40, 4% des raisons de la consommation à l’initial
de la drogue.
3.1.7 / Durée dans la consommation de drogues
Tableau n° 9 : durée dans la consommation Effectifs Pourcentage
moins de 1 an 17 8,7
2-5 ans 55 26,4
6-10 ans 46 22,1
plus de 10 ans 89 42,8
Total 208 100,0
64,90% des consommateurs de drogues enquêtés ont plus de 5 ans d’’expériences dans ce
domaine. Seulement 08,7% ont débuté il y’a moins d’un an. La consommation prend de
l’ampleur. Nous avons régulièrement de nouvelles personnes qui s’engagent et les anciens sont
de plus en plus dépendants.
3.2 / La consommation de la drogue : typologie de drogues, modes de consommation,
conséquences.
3.2.1 / Type de drogues consommées
Tableau n°11 : typologie des drogues Effectifs Pourcentages
Cannabis 125 60,1
Cannabis/Cocaine/Heroine 3 1,4
Cannabis/Cocaine/Heroine/Morphine 11 5,3
Cannabis/Cocaine/Heroine/Valium/
Morphine/Codeine 4 1,9
Cannabis/Heroine 4 1,9
Cocaine/Heroine 1 0,5
Cannabis/Codeine 35 16,8
Cannabis/Cocaine/Valium 4 1,9
Cannabis/Heroine/Valium/Rivotril 6 2,9
Cannabis/Rivotril/Codeine 1 0,5
Cocaine/Valium/Codeine 1 0,5
Cocaïne 1 0,5
Cannabis/Heroine/Codeine 2 1,0
Cannabis/Cafeine 3 1,4
Codeïne 4 1,9
Autres 3 1,4
Total 208 100,0
L’analyse du tableau qui précède permis de noter que :
- Les drogues consommées dans la ville de Sikasso sont diverses et variées. Nous notons
également que la plupart des usagers de drogues en consomment différent types et cela en
fonction de l’opportunité. Dans le cadre de cette étude 133 soit 63,94% des personnes enquêtées
consomment une seule drogue les 75 soit 36,06% consomment au moins deux types de drogues.
- Parmi les participants hommes 65,48% sont des mono consommateurs et pour les femmes
cette proportion est de 36,36%.
- Chez les mono consommateurs, les hommes représentent 96,99% contre 03,01% de femmes.
- La consommation de drogues diminue en fonction du niveau d’étude et cela que l’on soit
mono consommateurs ou consommateurs de combinaison.
- Les tranches d’âge 20-24 ans et 25-29 ans enregistrent le maximum de consommateurs de
drogue qu’il s’agisse de mono consommateurs ou de poly consommateurs.
- Par ailleurs le revenu ne semble être un obstacle par rapport à la mono ou poly consommation
et cela pourrait s’expliquer par la solidarité car il s’agit le plus groupe de groupe d’amis. Parmi
les 75 poly consommateurs 1/3 déclarent n’avoir aucun revenu.
3.2.2 / Modes de consommation des drogues :
Les participants ont été invités à répondre à la question Comment consommez-vous la drogue ?
Le tableau ci-dessous fait le point les modes de consommation dans la ville de Sikasso.
Tableau n°12 : modes de consommation
Modes de consommation de la drogue Effectifs Pourcentage
Fumez 131 63,0
fumez/injectez/sniffez 02 1,0
Avalez 08 3,8
injectez/avalez 01 0,5
fumez/injectez/sniffez/avalez 01 0,5
Injectez 01 0,5
fumez/injectez 17 8,2
fumez/injectez/avalez 05 2,4
fumez/avalez 42 20,2
Total 208 100,0
Nous notons que le maximum des participants à cette étude fument, avalent ou injectent de la
drogue. 95% des usagers de drogues fument, 27% avalent et 13% s’injectent. Les autres voies
sont très faibles. Nous notons que 67% des usagers ont un seule mode de consommation et 33%
utilisent au moins deux voies de consommation. L’étude s’est intéressée à l’usage du matériel
d’injection. Il ressort de l’analyse des données que 13,5% des consommateurs utilisent du
matériel d’injection, soit 28 personnes sur un total de 208 personnes enquêtées.
Le tableau qui suit, indique les conditions d’utilisation de ce matériel d’injection.
Tableau n°13 : conditions d’utilisation du matériel d’injection.
Conditions usages des seringues Effectifs Pourcentage
Usage unique 27 96,43
Déjà utilisé 01 03,57
Total 28 100,0
Dans 96,43% des cas il y’a un usage unique du matériel d’injection. Un cas déclare avoir utilisé
du matériel déjà souillé. Cela constitue un risque d’exposition au VIH et d’autre pathogènes
comme les virus des hépatites B et C.
Dans le cadre des interventions de l’Association Kénédougou Solidarité, du matériel de
consommation est mis à disposition par l’équipe d’encadrement. Ainsi 27 personnes bénéficient
du programme de l’association grâce au soutien de ses partenaires.
3.2.3 / Fréquence de consommation de drogues
Tableau n°13 : fréquence de la consommation
Fréquence de consommation Effectifs Pourcentage
< 4 fois 170 81,73
5-10 fois 35 16,83
Plus de 10 fois par jour 03 01,44
Total 208 100,0
La consommation de drogue dans la ville est inférieure à 04 fois par jour pour la très grande
majorité des usagers. Les extrêmes de consommation vont de 01 à 20 fois. Certaines personnes
affirment consommer à tout moment. Cela reste inquiétant en termes de risques d’overdose.
3.2.4 / Lieux de consommation des drogues
Tableau n°14 : lieux de consommation
Lieux de consommation Effectifs Pourcentage
En famille 29 13,9
Au niveau du grin de copains/amis 59 28,4
En famille/ au grin 82 39,4
Autres 38 18,3
Total 208 100,0
La consommation de drogue est beaucoup plus pratiquée au niveau des grins (groupes d’amis)
soit 28,4%. La consommation en famille et au niveau des grins représentent l’essentiel des
lieux. Mais il faut cependant noter 18,3% des personnes qui disent consommer en cachette en
ville ou même en forêt.
3.2.5 / Intension d’abandon de la consommation de drogues
Tableau 15 : souhait d’abandon
Arrêt de la drogue
Durée de consommation
Souhaitez-vous arrêter la
consommation de drogue ? Total
Oui Non
Consommez-vous de la drogue
depuis combien d’année ?
moins de 1 an 16 2 18
2-5 ans 25 30 55
6-10 ans 21 25 46
plus de 10 ans 41 48 89
Total 103 105 208
Nous constatons que l’envie d’arrêter prédomine pour les consommateurs de moins de 1 an.
Au-delà de 2 ans, la tendance est de poursuivre la consommation. Presque la moitié des
consommateurs rencontrés (103 sur 208), souhaitent abandonner leurs pratiques, mais les
usagers animés d’une telle intention ne savent pas à qui se confier pour des conseils et des
appuis les aidant à concrétiser leurs souhaits. Ce constat pousse à une réflexion pour des
mesures d’accompagnement des usagers de drogue pour leur retour à une vie normale.
3.3 / Conséquences de la consommation de drogues
3.3.1 / Sur le plan judiciaire : arrestation et détention pour consommation de drogues
Sur les 208 usagers de drogues, 69 ont connu des arrestations pour cause de consommation de
drogues. La grande majorité (139 personnes) dit ne l’avoir jamais été. Les arrestations ont été
faites par les services de police de la ville. Quant à la détention en prison, 45 usagers affirment
avoir séjourné dans la maison d’arrêt de Sikasso., soit 21,6 %. Les causes de détention sont :
consommation (39 cas), bagarre (02 cas) vol (04 cas). Des sources bien autorisées indiquent
que les usagers de drogues détenus représentent 75% des arrestations opérées par la police.
Certaines personnes sont relâchées quand aucune infraction n’a été constatée après échanges et
fouilles corporelles. Quant aux conditions de détention, 26 usagers de drogues interrogés (soit
57,8%) les trouvent communes à celles des autres détenus en prison. Autrement dit, les détenus
de drogues se trouvent dans les mêmes conditions que les autres en prison. Les 42,2% ont
expliqué que leurs conditions de détentions sont particulièrement sévères.
L’étude s’est aussi intéressée à l’appréciation que les usagers ont de la législation sur les
drogues au Mali. Il ressort des entretiens qu’aucun des usagers ne connaît la législation sur les
stupéfiants au Mali. Nonobstant cette méconnaissance, ils ont en grande majorité émis des
appréciations sur les textes. 72,12 % les jugent « pas bien », contre 23,07 qui ont une
appréciation positive. 4,81% sont neutre sur la question.
Les entretiens ont émis des plaintes allant dans le sens de l’impunité des gros vendeurs de
drogues qu’ils soupçonnent d’avoir des liens avec les forces de l’ordre. Ils sont aussi critiques
par rapport aux porteurs d’uniformes usagers de drogues qui ne sont pas concernés par la
répression. Il en découle que les petits consommateurs, sans pouvoir et sans moyens de défense
sont les plus pénalisés dans l’affaire.
S’agissant de la prise en compte des avis des usagers de drogues dans la conception de la
législation, les personnes interrogées dans leur ensemble ne se rappellent pas avoir été écoutées
pour des mesures liées aux activités de drogues. Mais, partant de ce qu’ils vivent, une grande
majorité pense que, si les usagers étaient consultés sur la répression des infractions liées à la
drogue, ils auraient proposé un traitement moins sévère et orienté à les aider à sortir de leurs
habitudes de consommation.
3.3.2 / Sur le plan familial (niveau d’acceptation ou de rejet des usagers de drogues)
Tableau n°16 : conséquences familiales Effectifs Pourcentage
Rejet par l’épouse 02 0,96
Rejet par la mère ou le père 11 5,29
Rejet par l’épouse, l’enfant ou mère 01 0,48
Pas de rejet 194 93,27
Total 208 100,0
Les usagers de drogues sont moins abandonnés par leurs familles. Les cas d’abandon
concernent essentiellement les parents directs pour dissuader le plus souvent le consommateur
à arrêter. Le fait que la grande majorité des consommateurs de drogues soient encore acceptée
par les parents est un aspect positif qui peut être exploité pour l’accompagnement vers la sortie
de ce fléau.
3.3.3 / Sur le plan professionnel (perte d’emplois pour consommation de drogue)
Tableau n°17 : conséquences
professionnelles Effectifs Pourcentage
Perte d’emploi 12 5,8
Pas de perte d’emploi 196 94,2
Total 208 100,0
L’usage de la drogue est un facteur de perte d’emploi pour ce qui concerne les 5,80 % des
usagers de drogues.
3.3.4 / Sur le plan de la stigmatisation et de la discrimination (regard des autres dans la
société)
Tableau n°18 : stigmatisation et
discrimination Effectifs Pourcentage
Victime de discrimination 16 7,7
Victime de stigmatisation 18 8,7
Victime de discrimination et de
stigmatisation 9 4,3
Pas victime de stigmatisation et de
discrimination. 165 79,3
Total 208 100,0
Les 20,68% des consommateurs de drogues ont été victimes de discrimination, de
stigmatisation ou des deux.
3.3.5 / Sur le plan de la santé
Tableau n° 19 : état de santé des usagers Effectif Pourcentage
Bon état de santé 201 96,6
Mauvais état de santé 07 03,4
Total 208 100,0
La perception des usagers de drogue est que la consommation contribue à améliorer leur état
de santé. Quand on consomme la drogue, on tombe moins malade selon la plupart des
consommateurs rencontrés. Près de 97% considèrent leur état de santé bon. Il convient de
prendre ce dernier indicateur avec réserve. En effet, peut-être pour montrer que la
consommation de drogues ne nuit pas à leur santé, les consommateurs affirment presque tous
qu’ils n’ont pas d’ennuis sur ce plan. Ceux qui connaissent des problèmes de santé affirment
avoir accès aux soins de santé. Cela peut s’expliquer par l’acceptation des usagers de drogues
par leurs familles. La nature du traitement suivi en cas de maladie est déclinée dans le tableau
qui suit :
Tableau n° 20 : nature du traitement médical Effectifs Pourcentage
Traitement traditionnel 46 22,1
Traitement conventionnel 54 26,0
Traitement traditionnel et conventionnel 92 44,2
Non recours à un traitement 16 7,7
Total 208 100,0
Les 7,7% des usagers de drogues n’ont aucun recours car disent ne jamais tomber malade en
raison de la prise de la drogue. « Super man ». Le traitement mixte (traditionnel et
conventionnel) reste la pratique mais avec le premier recourt vers la médecine traditionnelle.
L’utilisation des médicaments conventionnels est dominée par l’automédication à travers « la
pharmacie par terre ».
L’étude a aussi pris en compte le niveau de connaissance des usagers de drogues en ce qui
concerne les risques d’exposition aux IST et VIH. Le tableau qui suit indique leur niveau de
connaissance quant aux modes de transmission du VIH.
Tableau n° 21 : connaissance des modes
de transmission du VIH Effectif Pourcentage
Voie sexuelle 57 27,4
Voie sexuelle/sanguine/mère-enfant 45 21,6
Aucune des voies 6 2,9
Voie sexuelle/sanguine 100 48,1
Total 208 100,0
Les 93% des usagers de drogues interviewés connaissent au moins une voie de transmission du
VIH. Près de 03% des usagers ne connaissent aucune mode de transmission du VIH. Ce taux
fort par rapport à la connaissance des modes de transmission du VIH est dû en grande partie au
fait que les pairs éducateurs de Kénédougou Solidarité mènent quotidiennement des séances de
sensibilisation ciblées auprès des consommateurs de drogue de Sikasso. Ce bon niveau de
connaissance des modes de transmission du VIH est à stimuler à travers l’accompagnement des
usagers de drogues. Par ailleurs, l’étude montre que les usagers de drogues jouissent aussi d’une
bonne connaissance des moyens de prévention du VIH. Les 89% des personnes rencontrées
sont bien imprégnés des méthodes de prévention, contre 11% qui se montrent complètement
ignorant de ces méthodes.
IV / RECOMMANDATIONS OPERATIONNELLES
Au terme de cette étude, nous formulons les recommandations suivantes afin que la
problématique de la drogue soit prise en compte de façon transversale et que chacun à son
niveau puisse jouer sa partition.
Au niveau de la société
1 / Développer la création d’emploi pour les jeunes qui le plus souvent travaillent dans le secteur
informel sans avoir une stabilité de vie,
2 / Développer des curricula pour la sensibilisation au niveau scolaire sur la problématique de
la drogue (second cycle de l’enseignement fondamentale et secondaire),
3 / Impliquer les leaders religieux et traditionnels dans la sensibilisation sur la problématique
de la consommation de la drogue au Mali,
Au niveau des usagers (traitement, centre d’écoute ….) :
4 / Mettre en place des centres d’addictologie au niveau de toutes les capitales régionales du
Mali et les districts de Bamako,
5 / Mettre en place des centres d’écoute et de conseil pour les personnes usagères de drogues
mais aussi pour les jeunes.
Au niveau des familles :
6 / Renforcer la sensibilisation des familles sur la problématique de la drogue,
7 / Favoriser l’insertion socio-économique des consommateurs de la drogue
8 / Lutter contre toutes formes de stigmatisation et de discrimination envers les personnes
usagères de drogues,
Au niveau des forces de l’ordre et des décideurs
9 / Faire un allègement de la loi N°01-78 du 18/07/2001 au niveau de son titre 9 portant contrôle
des drogues et de leurs précurseurs au Mali qui met dans le même chapeau les consommateurs
de drogues et les barons de la drogue.
10 / Renforcer le plaidoyer auprès des forces de l’ordre et sécurité pour l’humanisation de la
lutte contre la drogue,
CONCLUSION
Au terme de cette étude, il convient de dire que la drogue est assez consommée dans la ville de
Sikasso. Le régisseur de la prison centrale de Sikasso indique que le 1/3 des détenus sur un total
de d’environ 300 prisonniers est incarcéré pour des activités liées aux drogues. Le sexe
masculin reste très dominant parmi les usagers de drogue de la ville. Sur le plan professionnel,
les consommateurs sont pour la plupart tirent leurs revenus du secteur informel. Les modes de
consommations sont de plusieurs types et les drogues consommées sont multiples, mais fumer
est la voie la plus pratiquée. Le cannabis reste la drogue la plus consommée à Sikasso. A
Sikasso, les usagers de drogues sont aussi des multi consommateurs et les modes de
consommation sont le plus souvent mixtes.
L’opinion des consommateurs de drogues est plutôt négative en ce qui concerne la
réglementation. Les consommateurs ne connaissent pas les lois sur les stupéfiants, mais leurs
démêlés avec les forces de l’ordre et leurs conditions de séjour en prison les rendent assez
critiques par rapport aux textes en vigueur.
Le contexte est triste et alarmant mais des espoirs sont permis et des opportunités existent
(souhaits d’abandon de la drogue, acceptation des usagers par les familles, existence
d’organisation de la société civile pour accompagner les usagers de drogues). Il faut saisir ces
opportunités pour ne pas jeter l’eau du bain avec le bébé. Une synergie d’action et des approches
nouvelles de traitement des usagers de drogues sont à stimuler.