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SARAHMACLEAN

LAFAMILLEST.JOHN–3

L’amouren11scandales

Traduitdel’anglais(États-Unis)parCatherineBerthet

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SarahMacLean

L’amouren11scandales

LafamilleSt.John3

Collection:AventuresetpassionsMaisond’édition:J’ailu

Traduitdel’anglais(États-Unis)parCatherineBerthet

©SarahTrabucchi,2011Pourlatraductionfrançaise©ÉditionsJ’ailu,2016Dépôtlégal:septembre2016

ISBNnumérique:9782290133866ISBNdupdfweb:9782290133890

Lelivreaétéimprimésouslesréférences:ISBN:9782290133897

CompositionnumériqueréaliséeparFacompo

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Présentationdel’éditeur:Cela s’appelle tomber de Charybde en Scylla : afin d’échapper à un importun, Juliana Fiori commet l’erreur de se réfugier dans lavoiture de Simon Pearson. Et, une fois de plus, l’arrogant duc la traite en gamine effrontée. Impulsive et rebelle comme toutes lesItaliennes, elle incarne tout ce qu’il déteste chez une femme. Apprenant qu’il s’apprête à conclure un mariage de raison avec unedébutante irréprochable, Juliana semoque de lui et lui lance un défi : elle lui prouvera qu’il est incapable de résister à la passion !Amusé,Simonaccepteetluilaissequinzejourspoursecouvrirderidicule.Celaserviradeleçonàcettepetiteimpudente.Maisest-ilaussiinfailliblequ’illepense?

Biographiedel’auteur:SARAHMACLEANestl’auteurederomanceshistoriquestraduitesdansdenombreuxpays.ElleareçuleprixdelameilleureromancehistoriquedécernéparlesRITAAwards.

Couverture:©MalgorzataMaj/ArcangelImages

©SarahTrabucchi,2011

Pourlatraductionfrançaise©ÉditionsJ’ailu,2016

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SarahMacLean

Aprèsavoirobtenuundiplômedelettresettravaillédansuneagencelittéraire,elledécidedeselancerdansl’écriture.Elleestauteurderomances, ainsi que de livres pour jeunes adultes devenus des best-sellers. Son talent lui a permis d’être classée à de nombreusesreprisessurlalistedemeilleuresventesdel’USATodayetduNewYorkTimes.

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DumêmeauteurauxÉditionsJ’ailu

LECERCLEDESCANAILLES

1–Leflambeur

No104202–Lacuriositéestunvilaindéfaut

No107033–Leparia

No108734–Discrétionassurée

No11197

LAFAMILLEST.JOHN

1–L’amouren9défis

No115402–L’amouren10leçons

No11543

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PourCarrie,Avectoutmonamouretmagratitude.

Mercidem’avoirramenéeaucampdebase.

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Unmomentoconunadonnacappricciosavaleundiciannidivitanoiosa.

Unseulmomentavecunefemmefougueusevautonzeansd’unevieennuyeuse.

Proverbeitalien

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Sommaire

TitreCopyright

Biographiedel’auteur

SarahMacLean

DumêmeauteurauxÉditionsJ’ailu

Chapitre1

Chapitre2

Chapitre3

Chapitre4

Chapitre5

Chapitre6

Chapitre7

Chapitre8

Chapitre9

Chapitre10

Chapitre11

Chapitre12

Chapitre13

Chapitre14

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Chapitre15

Chapitre16

Chapitre17

Chapitre18

Chapitre19

Chapitre20

ÉpilogueMai1824

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1

Lesarbresnesontriend’autrequ’uneprotectionpourlescandale.Àlatombéedelanuit,lesdamesdistinguéesrestentchezelles.

Traitédesdamesraffinées

Nousapprenonsquelesfeuillesnesontpaslesseuleschosesquitombentdanslesjardins…

Journaldespotins,1823

Àlaréflexion,ilyaquatrechosesqueMlleJulianaFioriauraitdûs’abstenirdefairecesoir-là.Premièrement,elleauraitdûignorerl’impulsionquil’avaitpousséeàquitterlebald’automnede

sabelle-sœur,pours’égarerdans les jardinsdeRalstonHouse,certesplusaérésetparfumés,maisbeaucoupmoinséclairés.

Deuxièmement,elleauraitdûhésiter,quandcettemêmeimpulsionl’avaitdirigéeverslesalléesobscuresquifixaientleslimitesdelapropriétédesonfrère.

Troisièmement, elle aurait dû regagner la maison à l’instant où elle était tombée sur lordGrabeham,manifestementivre,chancelantetdébitantdesproposcontrairesàlabienséance.

Enrevanche,ellen’auraitjamaisdûlefrapper.Peuimportaitqu’ilaitvoululaprendredanssesbras,qu’illuiaitsouffléauvisagesonhaleine

chargée,qu’ilaitposéseslèvresfroidesethumidessursajoueensuggérantqu’elle«aimeraitcela,commesamère».

Unevraiedamenedonnaitpasdecoups.Dumoins,unedameanglaise.Elleregardaleprétendugentlemanhurlerdedouleuretsortirunmouchoirdesapochepourle

plaquersursonnez.Letissuimmaculéseteintaaussitôtderouge.Ellesefigea.Samainlabrûlait,etlapeurlasubmergea.

Cettehistoireallaitforcémentserépandre.Etdevenirun«problème».MêmesilordGrabehaml’avaitbienmérité.Qu’aurait-elle dû faire ? Lui permettre de la brutaliser en attendant qu’un sauveur

miraculeusementtombéducielvienneàsonsecours?Touthommesepromenantdanslesjardinsàcetteheurepenseraitmoinsàlasecourirqu’àl’agresser.

Quoiqu’ilensoit,ellevenaitdeprouverquelesragotsétaientfondés.Elleneseraitjamaisl’unedesleurs.

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Julianalevalesyeuxverslesfeuillagesépais.Uninstantplustôt,lebruissementdesfeuillesluiavait paru agréable après la touffeurde la salle.Àprésent cebruit lui rappelait les chuchotementsqu’elleentendaitsursonpassagedanstouteslessallesdeballondoniennes.

—Vousm’avezfrappé!crialegroshomme,outré.Levantsamainendolorie,ellecoinçaunemècheéchappéedesacoiffurederrièresonoreille.—Approchez-vousdenouveau,etjerecommencerai.Ilcontinuad’épongerlesangsursonneztuméfiéendardantsurelleunregardmauvais.Ellesavaitcequecelasignifiait.Carrantlesépaules,ellesepréparaàcequiallaitsuivre.—Vousleregretterez,articula-t-ilens’avançantd’unairmenaçant.Jediraiàtoutlemondeque

c’estvousquim’avezprovoqué.Icimême,danslejardindevotrefrère,tellelacatinquevousêtes.Unétauluiserralestempes,etellereculaensecouantlatête.—Ilsnevouscroirontpas,lança-t-elle.Malgrétousseseffortspoursedébarrasserdesonaccentitalien,celui-cirefaisaitsurfacechaque

foisqu’elleétaitbouleversée.Sesparolessonnaientfaux.Biensûrqu’ilslecroiraient.Commes’illisaitdanssespensées,l’hommeéclataderire.— Vous n’imaginez quand même pas qu’ils vont vous croire ! Une fille à peine légitime, et

toléréedanslabonnesociétéqueparcequesonfrèreestmarquis.Vousnepensezpasnonplusqu’ilvouscroira,j’espère.Aprèstout,vousêteslafilledevotremère.

La fille de votre mère. Elle avait beau faire, ces paroles étaient une insulte à laquelle elle nepourraitjamaiséchapper.

—Ilsnevouscroirontpas,s’entêta-t-elleen levant lementon,parcequ’ilsemblera impossiblequej’aievouludevous,porco!

IlfallutquelquessecondesàGrabehampourtraduirelemotitalien.Lemotporcflottauninstantentreeux,enanglaisetenitalien,puisGrabehamtenditsagrossemain.

Il était plus petit qu’elle, mais sa taille était compensée par une force brutale. Ses doigts serefermèrent sur son poignet et le serrèrent impitoyablement. Juliana essaya de se libérer, en vain.Alorselleselaissaguiderparsoninstinct,remerciantleCréateurquil’avaitfaitgrandiràVérone,surlesrivesdufleuveoùelleavaitapprisàsebattreaveclesgarçonsdesonâge.

Lecoupdegenoud’uneextrêmeprécisionqu’elleluidécochaarrachaunhurlementàGrabeham.Illalâchaavantdeseplierendeux.

Julianafitlapremièrechosequiluipassaparlatête.Ellesemitàcourir.Soulevantlajupedesarobevertechatoyante,elletraversalesjardinsenévitantlalumièrequise

déversaitparlesfenêtresdelasalledebal,carilauraitétéaussidangereuxd’êtrevuesurgissantdesmassifs obscurs que d’être rattrapée par l’odieux Grabeham. Ce dernier s’était ressaisi, et elleentendaitderrièreellesonpaspesantetsarespirationsifflante.

Accélérantl’allure,ellefranchitleportaillatéralquidonnaitsurleprélongeantRalstonHouse,où une longue file de voitures attendait de ramener les invités chez eux. Son pied heurta quelquechosededur,elle trébuchaets’affalasur lespavés,s’écorchant lesmains.Elleregrettaamèrementd’avoirôtésesgantsdechevreaudanslasalledebalsousprétextequ’elletranspirait.Lelourdportailde fer forgé se rabattit lourdement derrière elle, et elle hésita une seconde, persuadée que le bruitl’avait trahie.Auboutde l’allée,descochers jouaientauxdés. Ilsne luiprêtèrentaucuneattention.

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Jetantuncoupd’œilpar-dessussonépaule,ellevitGrabehams’approcherduportail teluntaureauchargeantunecaperouge.

Ellen’avaitquequelquessecondesd’avance.Lesvoituresreprésentaientsonseulespoir.Murmurantdesparolesapaisantesen italien, elle seglissa sous la têtededeuxgrandschevaux

noirs,puissefaufila le longde larangéedevoitures.Leportails’ouvritengrinçantetserefermaavecunclaquementsec.Leprédateurapprochait!

Lesangluirugissaitauxoreillestantelleavaitpeur.Leplusdoucementpossible,elleouvritlaportièred’undesvéhiculesetsehissaàl’intérieursans

l’aide d’un marchepied. Sa robe s’accrocha quelque part, et elle entendit le bruit du tissu qui sedéchirait.Lecœurserré,elletiral’étoffeàelle,puisrefermalaportière.

Lesatinvertpâleétaituncadeaudesonfrère–unefaçond’approuversonrefusdesrobessages,auxcouleursclaires,queportaientlesjeunesfillesdelabonnesociété.Etmaintenant,ilétaitfichu.

Assisesurleplancherducarrosse,elleramenalesgenouxcontresapoitrineettenditl’oreille.—Tego,tegis,tegit,tegimus,tegitis,tegunt,récita-t-elleàvoixbasse,lerythmedelaconjugaison

latinel’aidantànepaslaissersespenséesbattrelacampagne.Une ombre passa devant la fenêtre, obscurcissant l’habitacle. Juliana se pétrifia, avant de se

plaquerdansl’angle,sefaisantaussipetitequepossible–undéfivusahautetaille.Ledangerpassé,ellefermalesyeuxetpoussaunprofondsoupir.

—Jemecache,tutecaches,ilsecache…reprit-elle.Des voix masculines résonnèrent soudain, brisant le silence. Elle pria pour que ces hommes

passentleurchemin.Maisquandlecarrosseoscillasouslepoidsducochergrimpantsursonsiège,ellesutquesesprièresn’avaientpasétéentendues.

Ellelaissaéchapperunjuronenitalien–l’undespluscolorésqu’elleconnaisse–,puisconsidérales choix qui s’offraient à elle. Grabeham était peut-être juste devant, mais même la fille d’unmarchand italien habitant Londres depuis quelques mois savait qu’elle ne pouvait arriver devantl’entrée de la demeure de son frère dans une voiture appartenant à Dieu sait qui sans susciter unscandaleauxproportionsdésastreuses.

Unefoissadécisionprise,ellerassemblasoncourageetposalamainsurlapoignée.Elleallaitsauterdansl’alléeetsecacherdanslesmassifslesplusproches.

C’estalorsquel’attelages’ébranla.Plusquestiondes’enfuir.L’espace d’un instant, elle envisagea d’ouvrir la portière et de sauter. Sauf qu’elle n’était pas

imprudenteàcepoint.Ellenevoulaitpasmourir.Ellevoulaitjustequelaterres’ouvreetl’avale,etlavoitureavecelle.Était-cevraimenttropdemander?

Jetant un coup d’œil à l’habitacle, elle décida que lemieux était de rester assise sur le sol etd’attendre que la voiture s’arrête. Elle pourrait alors sortir par la porte opposée à la façade de lamaison,enespérantquepersonnenelaverrait.

Ilétaittoutdemêmepossiblequ’unechoseaumoinssepassebiencesoir.Elleauraitsûrementquelquessecondespours’échapperavantquelesaristocratesnedescendentlesmarchesduperron.

La voiture s’arrêta, Juliana inspira à fond… se redressa… posa la main sur la poignée,s’apprêtantàsauter.

Mais avant qu’elle ait pu sortir, l’autre portière s’ouvrit et une bourrasque s’engouffra àl’intérieur.Sesyeuxseposèrentsurl’imposantesilhouettequisedécoupaitdevantlaporte.

Oh,non!

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Les lumières de Ralston House laissaient le visage de l’homme dans l’ombre, mais il étaitimpossibledenepasreconnaîtrelesbouclesdoréesquiluifaisaientcommeunhalod’angerebellechasséduparadis.

Ileutunimperceptiblemouvementderecul,sesépaulesseraidirent,etellesutqu’ill’avaitvue.Elleauraitdû luiêtre reconnaissantequand il tira laportièrederrière luipourempêcher lesautresinvitésdelavoir.Pourtantcenefutpasdelagratitudequ’elleéprouvaenleregardantmonterdanslecarrosse.

Maisbienplutôtdelapanique.ElleauraitmieuxfaitdebraverGrabeham,futlaseulepenséequiluitraversal’esprit.Car il n’y avait personne au monde qu’elle redoutait plus d’affronter en cet instant que

l’insupportable,l’inébranlableducdeLeighton.Àcoupsûr,l’universentierconspiraitcontreelle.Laportièreserefermadansuncliquetis,etilsseretrouvèrentseuls.Désespérée,elleseprécipitaverslaportièrelaplusproche,cherchalapoignéeàtâtons.—Àvotreplace,jeneferaispascela.Lavoixcalmeetfroiderésonnadanslapénombre.Ilfutuntempsoùiln’étaitpasaussidistantavecelle.Juste avant qu’elle ait fait le vœu de ne plus jamais lui adresser la parole. Elle prit une brève

inspiration,refusantdeluilaisserl’avantage.—Jevousremercieduconseil,VotreGrâce,maisvousmepardonnerezdenepaslesuivre.Elleagrippa lapoignéeetpesade toutsonpoidspour l’abaisser.Vifcommel’éclair, leducse

penchaet,sanseffortapparent,maintintlaportefermée.—Cen’étaitpasunconseil.Ilfrappadeuxcoupssecsauplafond.Levéhiculesemitinstantanémentenroute,commemûpar

laseulevolontéduduc.Maudissantlecochertropzélé,Julianaselaissaretombercontrelesiège.Sonpied accrocha le volant de sa robe, déchirant un peu plus le satin. Le bruit lui arracha untressaillement;ellepassasapaumesouilléedeterresurl’étoffedélicate.

—Marobeestperdue,marmonna-t-elle, laissantvaguemententendrequ’ilyétaitpourquelquechose.

Leightonn’avaitpasbesoindesavoirquesa robedebalavaitétéabîméebienavantqu’elle seretrouvedanssavoiture.

—Oui.Ehbien,jepensequ’ilexistaitmillefaçonsd’éviterunetelletragédie,répliqua-t-ilsanslamoindretracedeculpabilité.

—Jen’avaispaslechoix.Elleregrettaaussitôtd’avoirprononcécesmotsàhautevoix.Surtoutdevantlui.Il tourna vivement la tête vers elle au moment précis où un réverbère projetait un rayon de

lumièredanslavoiture,soulignantsonprofil.Julianas’efforçadenepasfaireattentionàlui.Denepasremarqueràquelpointchaquecentimètrecarrédesapersonneclamaitsonascendancenoble,sonappartenance à l’aristocratie – le nez droit, la mâchoire carrée, les pommettes saillantes qui nefaisaientqu’ajouteràlabeautédesestraits.

Ellen’avaitjamaisrencontréd’hommeplusséduisant.—Oui,j’imaginequ’ilnedoitpasêtrefaciledefairehonneuràuneréputationtellequelavôtre,

observa-t-il.Ellen’avaitjamaisrencontrénonpluspareilcrétin.

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Elle se recroquevilla, bénissant la pénombre. Elle était habituée aux insultes, aux suppositionsqu’entraînait le fait qu’elle soit la fille d’unmarchand italien et d’unemarquise anglaise qui avaitabandonnémarietenfants…s’excluantainsidelahautesociétélondonienne.

CedernierpointétaitleseulquisuscitaitchezJulianaunsoupçond’admirationpoursamère.Elleauraitaimédireàcesaristocratescequ’ilspouvaientfairedeleurétiquette!ÀcommencerparleducdeLeighton,quiétaitdeloinlepiredetous.Cequ’iln’étaitpasaudébut.—Pourriez-vousfairearrêtercettevoitureetmelaisserdescendre?—Jesupposequeleschosesnesepassentpascommevousl’aviezprévu?—Commejel’avais…prévu?répéta-t-elle,éberluée.—Allons,mademoiselleFiori,vouscroyezque jenesaispasquelétait lebutdecepetit jeu?

Vous arranger pour être découverte dans ma voiture – l’endroit idéal pour un rendez-vousclandestin–,devantlesmarchesdelademeuredevotrefrère,aucoursd’unedesréceptionslesplusenvuedelasaison?

Julianaarronditlesyeux.—Vouscroyezqueje…— Non. Je sais que vous vouliez me piéger pour vous faire épouser. Et votre plan, dont je

supposequevotrefrère ignore tout tant ilest ridicule,auraitpufonctionneravecunautrehomme,portantuntitremoinsprestigieuxquelemien.Maisjevousassurequ’avecmoicelanemarcherapas.Je suis duc. Dans une confrontation, ma parole prévaudrait sur la vôtre. En fait, je vous auraisvolontiers laissée ruiner votre réputation devantRalstonHouse si je n’étais pas redevable à votrefrèreencemoment.Vousl’auriezbienméritépouravoirmontécettepetitefarce.

Savoixétaitcalme,posée.Commes’ilavaitdéjàeucetteconversationunnombreincalculabledefois auparavant etqu’iln’yvoyaitqu’un inconvénientmineur– l’équivalentd’unemouche tombéemalencontreusementdanssabisquedehomardtièdeetsanssaveur,outouteautresoupeconsomméeparcessnobsanglais.

Quelêtrepontifiant,arrogant…Uneboufféedecolèrelabalaya,l’obligeantàserrerlesdents.—Sij’avaissuquecetattelageétaitlevôtre,croyezbienquejel’auraisévité.—Étonnant,danscecas,quevousn’ayezpasreconnulesarmoiriesducalessurlaportière.—Eneffet!D’autantqu’ellesrivalisententailleavecvotrevanité.Jevousassure,VotreGrâce,

que,sijecherchaisunmari,j’enchoisiraisunmoinsgonflédesonimportance,etquiaitdavantagequ’untitredenoblesseàoffrir.

Savoixtremblait,pourtantelleétaitincapabledecontenirleflotdeparolesquis’échappaitdeseslèvres.

—Vousêtestellementimbudevous-mêmeetdevotrepositiondanslasociétéquejesuisétonnéequevousnefassiezpasbroderenlettred’argentlemotducsurtousvosgilets!Àlafaçondontvousvouscomportez,onpourraitcroirequevousavezaccompliquelqueexploitpourgagnerlerespectdecesstupidesAnglais,alorsquevousavezjusteétéengendré,toutàfaitparhasard,aubonmomentet par la bonne personne qui, j’imagine, s’y est pris comme n’importe quel autre homme. Sansfinesse.

Elle se tut, le cœur battant la chamade, tandis que ses paroles semblaient résonner dansl’obscurité.Senzafinessa.C’estalorsseulementqu’elleserenditcomptequ’àunmomentdesatiradeelleétaitpasséeàl’italien.

Elleespéraqu’ilnecomprenaitpascettelangue.

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Ilyeutuninterminablesilence,ungrandvidebéantmenaçantlasantémentaledeJuliana.Puislavoiture s’arrêta.Leduc semblait changéen statuedepierre.Aumomentoùelle sedemandait s’ilsallaientrester là jusqu’àlafindestemps,elleentenditunfroissementdetissuetLeightonouvrit laportière.

Elletressaillitlorsquesavoixgraverésonnatoutprèsd’elle.—Sortezdecettevoiture.Ilparlaitl’italien.Parfaitement.Elle déglutit. Bien. Pas question de lui présenter ses excuses. Pas après ce qu’il avait dit. S’il

voulaitlajeterdehors,soit.Ellerentreraitàpied.Latêtehaute.Quelqu’unluiindiqueraitpeut-êtreladirectionàprendre.Elleseredressa,sortitdelavoitureetseretourna,s’attendantquelaportièresereferme.Aulieu

dequoiellevitleducdescendreàsontour.L’ignorantostensiblement,ilgravitlesmarchesduperrond’unhôtelparticulier.Laportes’ouvritavantqu’ilaitatteintladernièremarche.

Commesilesportes,demêmequetoutlereste,sepliaientàsavolonté.Ilpénétradansunhallbrillammentéclairé.Unchienvintl’accueilliravecexubérance.Et dire qu’on prétendait que les animaux étaient capables de détecter le mal quand ils le

rencontraient.Juliana ricana tout bas à cette pensée, et le duc se retourna instantanément, comme s’il l’avait

entendue.—Entrezousortez,mademoiselleFiori.Vousmettezmapatienceàrudeépreuve.Elleouvritlabouchepourluirépondre,maisilavaitdéjàdisparu.Elledécidadoncd’opterpour

lasolutionlamoinsrisquée.Sachantquedemeurersuruntrottoirlondonien,seule,aubeaumilieudelanuit,détruiraitàcoupsûrsaréputation.

Ellelesuivitàl’intérieur.Laporteserabattitderrièreelle,etlevalets’empressaderejoindresonmaîtrelàoùlesmaîtreset

lesvaletsserendaient.Julianabalayaduregardlecarrelagedemarbreclairetlesmiroirsdorésquifaisaient paraître le hall encoreplusgrandqu’il n’était déjà. Il y avait aussi unedemi-douzainedeportes,etunlargecouloirquis’enfonçaitaucœurdelamaison.

Assisaupieddel’escalier,lechienl’observaitd’unairméfiant.Julianaserenditsoudaincompte,nonsansembarras,qu’ellesetrouvaitchezuncélibataire.

Sanschaperon.Àl’exceptiondecechien,quiavaitdéjàdonnélapreuvedesonmanquedejugement.Callieneseraitpascontente.Sabelle-sœur l’avaitmiseengarde, luiconseillantd’éviterà tout

prix ce genre de situation. Elle craignait que les hommes ne profitent de cette jeune Italienne quin’avaitpasuneparfaiteconnaissancedesrèglesenvigueurdanslabonnesociétébritannique.

—J’aifaitenvoyerunmessageàRalstonpourqu’ilviennevouschercher.Vouspouvezattendredans…

Ilse tutbrusquement,etelle leva lesyeux.Leducs’était rembruni.Siellene l’avaitpasmieuxconnu,elleauraitpucroirequ’ilétaitsoucieux.

Maiselleleconnaissait.—Dans?fit-elle,sedemandantpourquoiilsedirigeaitverselle.—Seigneur,quevousest-ilarrivé?

—Quelqu’unvousaattaquée.

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Ilssetrouvaientàprésentdanslebureau.Leightonversadeuxdoigtsdewhiskydansunverredecristal,ets’approchadugrosfauteuildecuirdanslequelelleétaitassise.Illuitenditleverre,qu’ellerefusa.

—Non,merci.—Vousaveztort.L’alcoolvouscalmerait.—Jen’ainulbesoind’êtrecalmée,VotreGrâce.Leducétrécitlesyeux.Grand,insupportablementbeau,extraordinairementsûrdelui–àcroire

quejamaispersonnen’avaitjamaisoséledéfier–,ilétaitl’incarnationdunobleanglais.Jamaisdéfiéjusqu’àmaintenant,rectifiaJulianamentalement.—Vousniezavoirétéagressée?Ellehaussanonchalammentuneépauleetgardalesilence.Querépondre?Quoiqu’elledise,cela

seretourneraitcontreelle.Ilsoulignerait,decetonimpérieuxetarrogantquiétaitlesien,quesielles’était comportée comme une vraie dame… si elle s’était souciée de sa réputation… si elle s’étaitconforméeà l’étiquettebritannique,au lieude suivre sa fantaisie italienne…toutcelane seraitpasarrivé.

Illatraiteraitcommelefaisaienttouslesautres.Commeillefaisaitdepuisqu’ilavaitdécouvertsonidentité.—Quelleimportance?Vousdéciderezquej’aiorganisétoutemasoiréedansl’espoirdeprendre

unhommedansmesfiletspourl’obligeràm’épouser.Ouvousinventerezuneautrethéorietoutaussiridicule.

Cesmotsétaientdestinésàleremettreàsaplace.Maisellemanquasonbut.Le duc la parcourut d’un regard froid, s’attardant sur ses bras et ses joues couverts

d’égratignures,sarobedéchiréeetmaculéedeterre,sespaumesensanglantées.Ilaffichaunemouequinepouvaitêtrequededégoût,sibienqu’elleneputrésisteràluilancer:

—Unefoisdeplus,jenemerévèlepasdigned’êtreenvotreprésence,n’est-cepas?Ilcroisasonregard.—Jen’aipasditcela.—Vousn’enavezpasbesoin.Quelqu’unfrappadoucementàlaporteentrouverte.Sanslaquitterdesyeux,leducdemanda:—Qu’est-cequec’est?—J’apportecequevousavezdemandé,VotreGrâce.Un valet pénétra dans le bureau avec un plateau sur lequel étaient posés une cuvette, des

pansementsetplusieurspetitesboîtes.Ildéposasonchargementsurunetable.—Ceseratout,ditleduc.Ledomestiques’inclinaetressortit.Leightons’approchaduplateau,s’emparad’uneserviettede

linetentrempauncoindanslacuvette.—Vousnel’avezpasremercié.— Je ne suis pas d’humeur à être reconnaissant ce soir, répliqua-t-il en lui lançant un regard

oblique.LetonétaitaccusateuretJulianaseraidit.Qu’importe.Elleaussipouvaitsemontrerdifficile.—Ilvousanéanmoinsrenduservice.Nepasleremercierfaitdevousunrustique.Unesecondepassa,puis:—Vousvoulezdireunrustre?—Rustre,rustique,commevousvoudrez.Unautrequevousl’auraitremercié.—Vousvoulezdireunhommemeilleurquemoi?

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Elleécarquillalesyeux,feignantl’innocence.—Pasdutout.Vousêtesduc,aprèstout.Ilnepeutyavoird’hommemeilleurquevous.C’étaitunepique,etamplementméritéeaprèscedontill’avaitaccuséedanslavoiture.—Uneautrequevousserendraitcomptequ’ellem’estredevable,etferaitattentionàsesparoles.—Vousvoulezdireunefemmemeilleurequemoi?Sansrépondre,ils’assitenfaced’elle.—Vosmains,fit-ilentendantlasienne.—Pourquoi?dit-elle,méfiante,enlespressantsursapoitrine.—Parcequ’ellessontmeurtriesetéraflées,etqu’ilfautlesnettoyer.Ellenevoulaitpasqu’illatouche.Ellenesefaisaitpasconfiance.—Mesmainsvonttrèsbien.Leduclâchaungrommellementagacé.—Cequ’onditdesItaliensestdoncvrai.—Quoi?Quenoussommessupérieursentout?—Non,qu’ilvousestimpossibled’admettrevotredéfaite.—UnecaractéristiquequiaététrèsutileàJulesCésar.—Ah,oui?Etcommentseportel’Empireromaincestemps-ci?Sontondétaché,vaguementsupérieur,luidonnaenviedehurler.Toutessortesd’insultes,etdans

salanguematernelle.Quelhommeimpossible!Ilssedévisagèrentpendantunelongueminute.Aucundesdeuxn’étaitprêtàcéder.Finalement,il

repritd’untonbrusque:—Votre frère sera làd’uneminuteà l’autre,mademoiselleFiori. Il sera suffisamment furieux

sansqu’enplusvousexhibiezcesdoigtsensanglantés.Julianaposalesyeuxsurlesmainsduduc,quidonnaientuneimpressiondeforce.Ilavaitraison,

biensûr.Ellen’avaitd’autrechoixquedecéder.—Celavafaireunpeumal.Sansautreavertissement, ilpalpasespaumes incrustéesde terreetdesangséché.Ellepritune

brèveinspiration.—Désolé,dit-ilavecunregardencoin.Juliananeréponditpasetfitmined’examinersesmains.Pasquestiondeluilaisserdevinerquece

n’était pas la douleur qui lui avait coupé le souffle. Elle s’y attendait, bien sûr.C’était toujours lamêmeréaction,chaquefoisqu’ellelevoyait,ouqu’ils’approchait.

C’étaitdumépris.Elleenétaitsûre.Ilétaitinenvisageablequecesoitautrechose.S’efforçantd’analyserlasituationavecobjectivité,elleregardaleursmains,presqueentrelacées.

Latempératureaugmentainstantanémentdanslapièce.Ilavaitdegrandesmains,etelleétaitfascinéeparseslongsdoigtsracés.

Ilfitcourirunindexlégersurlevilainhématomequiluibleuissaitlepoignet.—Jeveuxquevousmedisiezquivousafaitcela.Ilyavaitdanscesmotsunefroideassurance,commes’ilétaitcertainqu’elleallaitobtempéreret

qu’il prendrait alors la situation enmain.Mais Juliana n’était pas dupe.Cet homme n’était pas unchevalierenarmure,c’étaitundragon.Leplusgranddetous.

—Dites-moi,VotreGrâce,queleffetcelafait-ildepenserquel’onestsurterrepourêtreobéi?Leightonserembrunit,vivementirrité.

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—Ilfaudraquevousmeledisiez,mademoiselleFiori.—Non.Ellereportasonattentionsurleursmains.Juliananes’étaitpassouventsentiemenueoudélicate–

elledominaitde sahaute taille toutes les femmes, etunegrandepartiedeshommes, àLondres–,maisavecleduc,elleavaitl’impressiond’êtrepetite.Sonauriculaire,celuiquiportaitlachevalièreenoretenonyx,étaitplusgrandquesonpouceàelle.

Labagueétaitlapreuvedesontitre.Unrappeldesonstatut.EtdufaitqueJulianaétaittrèsendessousdeluisurl’échellesociale.À cette pensée, une bouffée de colère, de fierté et de chagrin l’envahit. Leighton choisit ce

momentpourtamponnerlapeauàvifdesamainavecletissuhumide.Ladouleurvintladistrairedesessombrespensées,etellejuraenitalien.

Toutenpoursuivantsessoins,leducremarquaavecdétachement:—J’ignoraisquecesdeuxanimauxpouvaientfaireunetellechose.—C’estgrossierd’écouter!Ilarquaunsourcil.—C’estdifficiledenepasentendrealorsquevousmecriezdanslesoreilles.—Lesdamesnecrientpas.— Apparemment, les Italiennes ne s’en privent pas. Surtout quand elles subissent des soins

médicaux.Julianaréprimaunsourire.Iln’étaitpasamusant.Ilpenchalatêteetseconcentrasursatâche,rinçaletissudanslacuvette.Elletressaillitlorsqu’il

reposalelingesursamain,etileutunebrèvehésitationavantdecontinuer.CelaintriguaJuliana.LeducdeLeightonn’étaitpasenclinàlacompassion.Enrevanche,ilétait

connupoursonindifférencearrogante,aussiétait-elleétonnéequ’ils’abaisseàaccomplirunetâcheaussiservilequelenettoyagedesesplaies.

—Pourquoifaites-vouscela?demanda-t-ellesansdétour.—Jevousl’aidit.Vousallezavoirassezdemalavecvotrefrère,sans,enplus,êtrecouvertede

sangquandilarrivera.Sanscompterquevousrisquezdesalirmesfauteuils.— Non. Je veux dire, pourquoi le faites-vous vous-même ? Vous n’avez pas un bataillon de

domestiquesàvotredispositionpouraccomplircegenredebesognedéplaisante?—Si.—Etalors?—Lesdomestiquesparlent,mademoiselleFiori. Jepréfèrequ’ilsne sachentpasquevousêtes

seuleici,àuneheureaussitardive.Donc,illavoyaitcommeunproblème.Riendeplus.Unlongsilences’ensuivit,puisilcroisasonregard.—Vousn’êtespasdecetavis?— Si, bien sûr, répondit-elle. Je suis juste stupéfaite qu’un homme aussi en vue ait des

domestiquesquicancanent.Onpourraitsupposerquevousleurenavezfaitpasserl’envie.Ilsecoualatête.—Jesuisentraindevousaider,etvouscherchezunmoyendem’offenser.—Pardonnez-moisijememéfiedevous,VotreGrâce,dit-elleavecgravité.Leslèvrespincées,ils’emparadesonautremainetessuyalesangséchéquisemêlaitàlaterre.

Lapeauainsirévéléeétaitàvifetmettraitsansdouteplusieursjoursàguérir.

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Sesmouvements étaient douxmais fermes, et le contact du lin sur sa peau irritée devint plussupportableunefoislesplaiesnettoyées.Endépitdelaboucledoréequiétaittombéesursonfront,Leightonaffichaituneexpressionaussisévèrequecelledesstatuesdemarbrequel’undesfrèresdeJulianachérissait.

Undésirfamilierl’envahit.L’enviedefêlercettefaçadeimperturbable.Celas’étaitdéjàproduit,àdeuxreprises.Puisilavaitdécouvertquielleétait.Lademi-sœuritalienned’undespluscélèbresdébauchésde

Londres. Fille d’une marquise qui s’était déshonorée en épousant un marchand. Élevée loin deLondres,desesmanières,desestraditions,desesrègles.

Lecontrairedetoutcequ’ilreprésentait.L’antithèsedetoutceàquoiilattachaitdel’importanceencebasmonde.—Toutcequejeveux,c’estquevousrentriezchezvousenbonétat,etqueseulvotrefrèresoit

aucourantdevotrepetitemésaventure.Iljetaletissudanslabassine,dontl’eauavaitviréaurose,etpritundespetitspotssurleplateau.

Quandill’ouvrit,ils’enéchappauneodeurdecitronetderomarin.Illuirepritlamain,etellenetentapasderésister.—Vousn’allezquandmêmepasmefairecroirequevousvoussouciezdemaréputation?Leightonplongealedoigtdanslepotetétalalebaumesurseségratignures.Leremèdesoulagea

aussitôtlesbrûlures,remplacéesparuneagréablefraîcheurlàoùsondoigtseposait.L’illusionquec’étaientsescaressesquiluiprocuraientcesoulagementbienvenuétaittotale.

Maiscen’étaitquecela:uneillusion.Elleréprimaunsoupir;ils’enaperçutetarquadenouveaulessourcils.Julianalibérasamain.Ilnefitpasminedelaretenir.—Non,mademoiselleFiori,jenemesouciepasdevotreréputation,maisdelamienne.Sous-entendrequelefaitd’êtresurprisavecelle,oud’avoirunlienquelconqueavecelle,pouvait

luinuireétaitblessant.Elles’apprêtaàentamerunenouvellebatailleverbaleaveclui,quandunevoixfurieuselança:—Sivousnevous écartezpasdema sœur sur-le-champ,Leighton,votreprécieuse réputation

deviendraledernierdevossoucis.

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2

Si les jupes sont longues et les lacets compliqués à défaire, il y a unebonneraison.Unedameraffinéenemontrepassespieds.Jamais.

Traitédesdamesraffinées

Pour les débauchés repentis, assurer leur devoir de frère représente undéfi…

Journaldespotins,octobre1823

IlétaitfortpossiblequelemarquisdeRalstondécidedeletuer.NonqueSimonsoitlemoinsdumonderesponsabledel’étatdanslequelsetrouvaitlajeunefille.Cen’étaitpassafautesielleavaitgrimpédanssavoitureaprèsavoirlivrébatailleavecunmassif

dehoux,lespavésdelacourdeRalston,etlesportièresdesavoiture.Ainsiqu’unhomme,apparemment.SimonPearson,onzièmeducdeLeighton,ignoralacolèrequesuscitaitenluil’hématomesurle

poignetde la jeune fille, et reporta sonattentionsur le frèrede ladite jeune fille,quiarpentait sonbureautelunanimalencage.

Lemarquissecampadevantsasœuretrecouvral’usagedesavoix.—Nomdenom,Juliana!Quediablet’est-ilarrivé?Celangageaurait fait rougirn’importequelleautrefemmedelabonnesociété.Maisellen’eut

mêmepasunbattementdecils.—Jesuistombée.—Tombée?—Oui.Entreautreschoses.Ralston leva les yeux au ciel, comme s’il implorait Dieu de lui donner de la patience. Simon

compatit.Ilavaitlui-mêmeunesœur,quiluiavaitapportésonlotdecontrariétés.Enoutre,lasœurdeRalstonétaitplusexaspérantequ’iln’étaitpermis.

Etplusbelle,aussi.Cettepenséeletroubla.Biensûrqu’elleétaitbelle.C’étaitunfait.Mêmeavecsarobesaleetdéchirée,elleauraitfaitde

l’ombreàtouteslesfemmesdeLondres.Elleoffraitunsaisissantmélangededélicatesseanglaiseetd’exotismeitalien.Sonteintdeporcelaine,sesyeuxd’unbleulimpide,sonnezparfait,sonmenton

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volontaire,formaientunsplendidecontrasteavecsachevelured’unnoirdejais,seslèvrespleinesetsescourbessensuelles.Ilauraitfalluêtremortpournepasremarquersessplendidesappâts.

Etiln’étaitpasmort,aprèstout.Iln’étaitsimplementpasintéressé.Unsouvenirsurgitenunéclair.Julianadanssesbras,sehissantsurlapointedespiedspourpresserleslèvrescontrelessiennes.Ilrepoussacetteimage.Juliana était aussi audacieuse, effrontée, impulsive. Elle attirait les ennuis comme un aimant.

C’étaitexactementlegenredefemmequ’ilnevoulaitpasapprocher.Aussi,naturellement,elleavaitatterridanssavoiture.Avecunsoupir,ilrajustalesmanchesdesaveste.—Etcommentt’es-tuéraflélesbrasetlevisage?Tuastraverséunmassifderosiers?—C’estpossible,admit-elleeninclinantlatêtedecôté.—Possible?Ralstonfitunpasverselle,et Julianase levapour lui faire face.Cen’étaitpasunedemoiselle

timide.Elle était d’une taille peu commune. Simon ne rencontrait pas tous les jours des femmes avec

lesquellesiln’étaitpasobligédesepencherpourparler.Lesommetdesatêtearrivaitàlahauteurdesonnez.—Ehbien,j’étaisassezoccupée,Gabriel.Elle prononça ces mots d’un ton si neutre et détaché, que Simon s’esclaffa, attirant aussitôt

l’attentionsurlui.—Jeneriraispastropàvotreplace,Leighton!rugitRalston.Jesuistentédevousprovoqueren

duelpourlerôlequevousavezjouédanslafarcedecesoir.— Me provoquer en duel, moi ? s’exclama Simon, incrédule. Je n’ai rien fait, si ce n’est

empêchervotresœurderuinersaréputation.—Alors vous pourrez peut-êtrem’expliquer pourquoi vous étiez seuls tous les deux dans ce

bureau,etpourquoivousluiteniezamoureusementlesmainsquandjesuisentré?Ilcompritimmédiatementoùlemarquisvoulaitenvenir.Etcelaneluiplaisaitpasdutout.—Qu’essayez-vousdedire,Ralston?—Qu’onadéjàdemandédesdispensesdebanspourmoinsquecela.Simonétrécitlesyeuxtandisqu’ilobservaitlemarquis.Unhommequ’iltoléraitàpeinedansses

bonsjours.—Jen’épouseraipascettejeunepersonne.—Iln’estpasquestionquejememarieaveclui!s’écriaJulianaaumêmeinstant.Ehbien,ilsétaientaumoinsd’accordsurunpoint.Quoique…Ellenevoulaitpassemarieraveclui?Pourtant,elleauraitpufairepire.Ilétaitduc,

bonsang!Etelleétaitunscandaleambulant.Ralstonreportasonattentionsursasœur.—Situcontinuesàteconduirecommetulefais,tuépouserasl’hommequej’auraichoisi!—Tum’avaispromis…—Oui,maisquandj’aifaitcettepromesse,tunetefaisaispasaccosterdanslesjardinsàtoutbout

dechamp,coupa-t-il,excédé.Quit’afaitcela?—Personne.

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Simonfutindigné.Pourquoinevoulait-ellepasrévélerlenomdeceluiquil’avaitimportunée?Qu’elleneveuillepasleluidire,illecomprenait.Maisellepouvaitaumoinsl’avoueràsonfrère.

Etfairepunircemalotru.—Jenesuispasidiot,Juliana.Pourquoirefuses-tudemeledire?—Toutcequetuasbesoindesavoir,c’estquejel’aimishorsd’étatdenuire.Lesdeuxhommessefigèrent.Simonneputrésisteràposerlaquestion:—Commentavez-vousfait?Ellehésita,sefrottalepoignet.—Jel’aifrappé.—Où?lâchasonfrère.—Danslesjardins.Lemarquislevalesyeuxauciel,etSimoneutpitiédelui.— Votre frère voulait savoir sur quelle partie de la personne de votre assaillant vous aviez

frappé?—Ah!Surlenez.Illeméritait!ajouta-t-elleaprèsunepause.—Sûrement.Àprésentdonne-moisonnom,quejefinisselabesogne.—Non.—Juliana.Unegifledefemmen’estpasunepunitionsuffisante.Ilt’aattaquée.—Oh,vraiment?Pourtant,ilyavaitbeaucoupdesang,Gabriel.—Vousl’avezfaitsaignerdunez?s’exclamaSimon.Julianaeutunsouriresuffisant.—Etcen’estpastout.—Jen’osepasvousdemander…commençaSimon.Elleregardalesdeuxhommes,touràtour.Enrougissant?—Qu’as-tufait?—Je…jel’aifrappé…ailleursaussi.—Où?—Dansle…euh…Ellecherchasesmots,renonça,etréponditenitalien:—Inguine.SiSimonn’avaitpascomprisl’italien,lemouvementcirculairedelajeunefemmedésignantune

partieducorpsdontilétaitrigoureusementinterditdeparlerdevantunedamel’auraitéclairé.—Seigneur!s’écriaRalston,sansqu’onpuissedeviners’ilpriaitous’ilblasphémait.—Ilm’a traitéedecatin.Jenecroispasquec’étaituncompliment,ajouta-t-elleenvoyantson

frèreserrerlespoings.—Non,eneffet,confirmaSimon.—Ehbien,alors,ilaeucequ’ilméritait,non?—Leighton,masœurpeut-ellenousattendrequelquepart,pendantquenousdiscutons?s’enquit

lemarquisd’unevoixsourde.UnealarmesedéclenchadanslatêtedeSimon.Ilseredressaens’efforçantdegardersoncalme.—Biensûr.—Vousallezparlerdemoi?s’écriaJuliana.—Oui.—J’aimeraisrester.—J’ensuissûr.

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—Gabriel…commença-t-elledecetonapaisantquel’onemploieavecleschevauxsauvages,oulespensionnairesd’unasiled’aliénés.

—Netirepastropsurlacorde,répliquasèchementsonfrère.Ellesetut,maisdetouteévidenceelleréfléchissaitàcequ’elleallaitfaireensuite.Sesyeuxbleus

lançantdeséclairs,ellesetournaversSimon.—VotreGrâce?Oùvoulez-vousm’entreposerpendantquevousdiscutezentrehommes?Sarésistanceétaitétonnante.Ellenecédaitjamais.Simonlafitpasserdanslehalletluiindiquauneporte.—Danslabibliothèque.Vousyserezàl’aise.—Mmm,fit-elle,sanscachersacontrariété.Retenantunsourire,ilneputrésisteràdécocherunedernièreflèche.—Permettez-moidedireque jesuisheureuxdeconstaterquevousconsentezàadmettrevotre

défaite.Ellepivotasursestalonsetfitunpasverslui.Sesseinsluieffleuraientpresqueletorse,etson

parfum sucré,mélange demûres et de basilic, l’enveloppa.Elle portait cemêmeparfumquelquesmoisplustôt,avantqu’ilnedécouvresonidentité.

Avantquetoutbascule.Il recula, s’interdisant formellementde lorgner sur sondécolleté.Cette fillen’avait aucunsens

desconvenances.—Jeveuxbienadmettrequej’aiperduunebataille,VotreGrâce.Maisjen’aipasencoreperdula

guerre.Simonlaregardatraverser lehall,entrerdans labibliothèqueetrefermer laporte. Ilsecouala

tête.JulianaFioriétaitundésastreambulant.C’étaitunmiraclequ’elleait survécupendantsixmois

danslahautesociété.Etunmiraclequelasociétéaitsurvécusixmoismalgrésonarrivée.—Elleluiaflanquéuncoupdegenoudansles…ditRalstonquandSimonrevintdanslebureau.—Ilsemblerait,oui.—Quediablevais-jefaired’elle?Simoncilla.Ralstonetluisedétestaientcordialement.Silefrèrejumeaudumarquisn’avaitété

unamiduduc,ilsneseseraientjamaisadressélaparole.Ralstonavaittoujoursétéuncrétin.Ilétaitimpossiblequ’illuidemandesonavis,n’est-cepas?

—Aunomduciel,Leighton,laquestionétaitpurementrhétorique.Jenesuispasassezidiotpourvousdemanderconseil.Surtouts’agissantdesœurs.

La flècheatteignit sonbut, etSimondit trèsprécisémentàRalstonoù ilpouvaitallerchercherconseils.Lemarquissemitàrire.

—Jepréfèrecela!Votrepolitessecommençaitàm’inquiéter.Ilallaversladesserteetversadeuxdoigtsdewhiskydansunverre.—Unwhisky?proposa-t-il.Devinantquelasoiréerisquaitd’êtrelongue,Simonpritplacedanssonfauteuil.—Quelleoffregénéreuse,commenta-t-il,pince-sans-rire.Ralstonvints’asseoir,etluitenditleverre.—Àprésent, expliquez-moicommentmasœur s’est retrouvéechezvousaubeaumilieude la

nuit.Simonavalaunegorgéed’alcool,puis:

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—Jevousl’aidit.Jel’aitrouvéedansmavoitureenquittantlebal.—Pourquoinem’avez-vouspasprévenuimmédiatement?Bonnequestion.Simonfittournerlewhiskydanssonverre.Pourquoin’était-ilpasalléchercher

Ralstonsur-le-champ?Cettefilleétaitordinaireetinsupportable.Ellereprésentaittoutcequ’ildétestaitchezunefemme.Maiselleétaitfascinante.Elle l’avait captivé dès leur première rencontre, dans cette satanée librairie où elle achetait un

livrepoursonfrère.Puisilss’étaientrevusàl’expositiondelaRoyalAcademyofArts.Etelleluiavaitfaitcroire…

—Peut-êtremedirez-vousvotrenom?avait-ildemandé,craignantdelaperdreunefoisdeplus.Lessemainesluiavaientparuinterminablesdepuisleurrencontreprécédente.Elleavaitesquissé

unemoue,etilavaitdevinéquelavictoireétaitproche.—Jecommence,avait-ilproposé.Jem’appelleSimon.—Simon.Ilavaitadoréentendreceprénom,qu’iln’utilisaitplusenpublicdepuisdesannées,surleslèvres

delabelleinconnue.—Etvous,milady?—Oh,ceneseraitpasdrôlesi jevousledisais!avait-ellerépondu,unsourire illuminantson

visage.Vousnecroyezpas,VotreGrâce?Ellesavaitdoncqu’ilétaitduc.C’estàcemoment-làqu’ilauraitdûsedouterquequelquechose

clochait.Maisilétaitenvoûté.Ilavaitavancélentement,elles’étaitdérobéeenreculantd’unpas,etcemanègel’avaitcaptivé.

—Allons,cen’estpasjuste.—C’estplusquejuste.Jesuissimplementunmeilleurdétectivequevous.— Il semblerait, avait-il reconnu, décontenancé. Peut-être devrais-je essayer de deviner votre

identité.—Riennevousenempêche,avait-elleconcédé.—Vousêtesuneprincesseitalienneetvousrendezvisiteauroiencompagniedevotrefrère.Elleavaitinclinélatêtedecôté,uneattitudeapparemmentfamilière.—Peut-être.—Oulafilled’uncomtedeVérone,quipasseleprintempsàLondrespourprofiterdelacélèbre

saisonlondonienne.Elleavaitlaissééchapperunrirecristallin.—Jesuisdéçuequevouspreniezmonpèrepouruncomte.Pourquoineserait-ilpasduc,comme

vous?—Unduc,avait-ilmurmuré.Voilàquiarrangeraittout.Elleluiavaitfaitcroirequ’elleétaitlafilled’unduc.Cequ’ellen’étaitpas,biensûr.Oui, ilauraitdûallerchercherRalstondèsqu’ilavaitvucettepetitesotte recroquevilléesur le

plancherdesavoiture,commesielleavaitpupasserinaperçue!—Sij’étaisvenuvouschercher,queseserait-ilpassé?—Elledormiraitdanssonlitencemomentmême.Simon chassa une vision de Juliana endormie, ses cheveux noirs répandus sur le lin blanc de

l’oreiller, sapeaucrémeusedévoiléepar ledécolletéde sachemisedenuit.Àsupposerqu’elleenporteune.

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Ilseraclalagorge.—Imaginezqu’elleaitbondidelavoituresouslesyeuxdevosinvités?Queserait-ilarrivé?Ralstonréfléchit.—Jesupposequesaréputationauraitétéruinée.Etquevousvousprépareriezàvousmarier.—Donc, il vautmieux pour tout lemonde que jeme sois conduit comme je l’ai fait, conclut

Simonavantd’avaleruneautregorgéedewhisky.Ralstonserembrunit.—Cen’estpaslapremièrefoisquevousrejetezl’idéed’épousermasœur,Leighton.Jevaisfinir

paryvoiruneoffensepersonnelle.—Votresœuretmoinesommespasfaitspournousentendre,Ralston.Vouslesavez.—Vousneseriezpascapabledelacontrôler.Simonpinçaleslèvres.Iln’yavaitpasunseulhommeàLondrescapabledecontrôlercettepetite

harpie.Ralstonnel’ignoraitpas,carilpoursuivit:—Personne ne voudra d’elle. Elle est trop vive, trop effrontée. L’inverse des gentilles petites

jeunesfillesanglaises.Ralstons’interrompitetSimonsedemandas’ilattendaitqu’il lecontredise. Iln’enavaitpasdu

toutl’intention.—Elleditcequiluipasseparlatête,sansaucuneconsidérationpoursonentourage.Etelledonne

descoupsdepoingsurlenezdepauvrestypessansméfiance,ajouta-t-ilavecunpetitrireincrédule.—Pourêtrejuste,ilsemblequeceluidecesoirl’avaitbiencherché.—C’estvrai,reconnutRalston.Ilnedevraitpasêtretrèsdifficiledeleretrouver.Ilnedoitpasy

avoirbeaucoupd’aristocratesquisepromènentdansLondresavecleneztuméfié.—Etencoremoinsquimarchentenboitillant,remarquaSimon,narquois.—Oùcroyez-vousqu’elleaitappriscettetactiquededéfense?Aveclesloupsparquielleavaitétéélevée.—Jen’oseledeviner.Lesilences’étiraentreeux,puisRalstonfinitparseleverensoupirant.—Jen’aimepasvousêtreredevable.—Considérezquenoussommesàégalité.Lemarquishochalatêteetsedirigeaverslaporte.—Unechance,n’est-cepas,qu’ilyaitunesessionspécialecetautomne?fit-ilenseretournant.

Pournousteniréloignésdenosdomainescampagnards?SimoncroisaleregardentendudeRalston.Lemarquiss’abstintdedirecequetousdeuxsavaient.

Leighton avait pesé de tout son poids – qui était considérable – pour faire passer en urgence auParlementuneloiquiauraitpuattendrelasessiondeprintemps.

—Lapréparationmilitaireestunproblèmesérieux,déclaraSimonavecuncalmedélibéré.—Eneffet,reconnutRalstonens’adossantaubattantdechêne.EtleParlementestunprétextefort

commodepours’éloignerdesessœurs,n’est-cepas?—Vousn’avezjamaisprisdegantsavecmoi,Ralston,inutiledecommenceraujourd’hui.Venez-

enaufait.—JesupposequejenepeuxpasvousdemandervotreaidepourJuliana?Simonsefigea.Réponds-luinon,toutsimplement.—Quelgenred’aide?Celaneveutpasdirenon,Leighton.

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— Je ne vous demande pas de l’épouser, Leighton, n’ayez crainte. Mais une deuxième paired’yeuxpourlasurveillerneseraitpasdetrop.Rendez-vouscompte,ellenepeutmêmepasallerfaireuntourdansnotreproprejardinsanssefaireattaquerparjenesaisqui.

Simontoisalemarquisavecfroideur.—Apparemment,l’universvouspunitenvousenvoyantunesœuraussidissipéequevousl’avez

été.— J’ai bien peur que vous n’ayez raison. Vous savez toutefois ce qui risque de lui arriver,

Leighton.Puisquevousl’avezvécu.S’ilneprononçapaslesmotsàhautevoix,Simonlesentendittoutdemême.Néanmoins,saréponseétaitnon.—Pardonnez-moi,maisjenesuispastrèsenclinàvousfaireunefaveur,Ralston.Voilà,c’étaitmieux.—VousferiezaussiunefaveuràSt.John,remarquaRalston,invoquantsonfrèrejumeau.Jevous

rappellequemafamilleadépensébeaucoupd’énergiepourveillersurvotresœur,Leighton.Etvoilà,onyétait.Lepoidsduscandale,assezpuissantpoursouleverlesmontagnes.Simonn’aimaitpasavoirune

faiblesseaussivisible.Etcelaneferaitqu’empirer.Pendantunlongmoment,ilneputserésoudreàparler.Puisilfinitparacquiescerd’unsignede

tête.—C’estéquitable.—Vous n’imaginez pas à quel point l’idée de vous demander de l’aideme déplaît, duc.Mais

pensezquevouspourrezmelerenvoyerenpleinefigure,toutevotrevie.—J’avouequej’espéraisnepasêtreobligédevoussupporteraussilongtemps.Ralstonsemitàrire.—Vousn’êtesqu’unsalaudsanscœur,rétorqua-t-ilenallantsecamperderrièrelefauteuilqu’il

venaitdequitter.Vousêtesprêt?Pourlemomentoùlanouvelleserépandra?Simon ne fit pas semblant de ne pas comprendre. Ralston et St. John étaient les deux seuls

hommesaumondeàconnaîtreleplussombredesessecrets.Celuiqui,s’ilétaitdécouvert,détruiraitsafamilleetsaréputation.

Ettôtoutard,ilfiniraitparêtrerévélé.Serait-ilunjourprêtàaffrontercedésastre?—Pasencore.Bientôtcependant.RalstonleconsidéradesonregardbleusisemblableàceluideJuliana.—Voussavezquenousseronsàvoscôtés.Leduceutunriresansjoie.—Pardonnez-moi,maisjen’accordepastropdepoidsausoutiendelafamilleRalston.— Nous sommes un groupe un peu hétéroclite, admit Ralston dans un sourire. Mais nous

compensonscedéfautpasnotreténacité.—Jen’endoutepas,ditSimonenpensantàlajeunefemmequiattendaitdanslabibliothèque.—Jesupposequevousallezvousmarier?Surlepointdeportersonverreàseslèvres,Simoninterrompitsongeste.—Commentlesavez-vous?

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—N’importequelproblèmepeutserésoudreavecunepetitevisiteauvicaire.Surtout levôtre.Quiestl’heureuseélue?

Simonenvisageabrièvementdementir.Deprétendrequ’iln’avaitpasencorechoisi.Cependant,lanouvelleseraitbientôtconnuedetous.

—LadyPénélopeMarbury.Ralstonpoussaunlongsifflement.— Fille de marquis. Réputation impeccable. Une lignée qui remonte à plusieurs générations.

L’union la plus parfaite qu’on puisse rêver. Et fortunée, par-dessus le marché. C’est un excellentchoix.

Simonavaitpenséàtoutcela,biensûr,toutefois,l’entendredelabouchedeRalstonlehérissa.—Jen’appréciepasquevousparliezdesméritesdema futureduchessecommes’il s’agissait

d’unchevaldeprix.— Désolé, j’avais l’impression que vous aviez sélectionné votre future duchesse comme s’il

s’agissaitd’unchevaldeprix,justement.CetteconversationmettaitSimonmalàl’aise.C’étaitvrai.Iln’épousaitladyPénélopequepour

sesoriginesirréprochables.—Aprèstout,cen’estpascommesilesgenss’attendaientquelegrand-ducdeLeightonfasseun

mariaged’amour.LesarcasmequiperçaitdanslavoixdeRalstonluidéplut.Cedernieravaittoujourssucomment

lefairesortirdesesgonds.Mêmequandilsétaientenfants.Simonseleva.—Jevaischerchervotresœur,Ralston.Ilesttempsdelarameneràlamaison.J’apprécieraisque

vousneveniezplusjouervosscènesdefamillechezmoi,àl’avenir.Letonétaitimpérieux,ils’enrenditcompte.Ralstonseredressa.Ilétaitpresqueaussigrandquelui.— Je m’y efforcerai. Après tout, vos propres histoires de famille menacent de venir s’étaler

devantvotreporte,n’est-cepas?Iln’yavaitdécidémentriendebonchezRalston.Simonavaitintérêtàs’ensouvenir.Ilrejoignitlabibliothèqueetouvritlaporteavecplusdeforcequenécessaire.Julianaétaitendormiedanssonfauteuil.Avecsonchien.Lesiègequ’elleavaitchoisiétaitsonpréféré,celuiquiavaitatteintleniveaudeconfortidéal.Le

majordomeluiavaitsuggéréunnombreincalculabledefoisdelefaireretapisser,carletissudélicatétaiteffiloché.IlcontemplalajoueégratignéedeJulianareposantsurlatramesoyeuse.

Elleavaitôtéseschaussuresetramenélespiedssouselle.Simonsecoualatête.ÀLondres,unevraiedamen’osaitmêmepasmarcherpiedsnusdanssaproprechambre.Etcelle-ciprenaitsesaisespourfaireunpetitsommedanslabibliothèqued’unduc!

Sonregards’attardasurellequelquessecondes.Cefauteuilsemblaitfaitpourelle.Plusgrandqueles autres, il avait été fabriqué tout exprès pour lui, quinze ans auparavant. Lassé des chaisesminuscules que sa mère adorait, il avait décidé qu’un duc avait le droit, de par sa naissance, dedépenserunefortunepourêtreconfortablementassis.Lesiègeétaitassezlargepourqu’ilpuisses’yasseoiretempileràcôtédeluilesdocumentsqu’ilvoulaitétudier.Oupourquelechienrecherchantunpeudechaleurpuisses’yinstalleraveclui.Commeencemoment.

Lechienenquestion,uncorniaudbrunquiétaitentréparhasarddanslachambredesasœur,àlacampagne,parunjourd’hiverglacial,nequittaitplusSimon.Samaisonétaitcelleoùsetrouvaitsonmaître. L’animal aimait particulièrement la bibliothèque, avec ses trois cheminées et sonmobilier

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confortable.Detouteévidence,Léopolds’étaitfaitunenouvelleamie.Ildormaitrouléenboule, latêtesurl’unedescuissesdeJuliana.

DescuissesauxquellesSimonn’auraitpasdûprêterattention.Latrahisondesonchienétaitunproblèmesurlequel ilsepencheraitplustard.Pourl’heure, il

devaits’occuperdelademoiselle.—Léopold,appela-t-ilensetapotantlacuisse.Ungestefamilierquiramenaitlechienàsespiedsdanslaseconde.Siseulementcelasuffisaitaveclajeunefemme.Non,s’ilavaitlechoix,ilnelaréveilleraitpasaussibrusquement.Ilcaresseraitlonguementses

jambesfuselées…ils’agenouilleraitprèsd’elle,enfouirait levisagedanssescheveuxde jaispourinhalersondélicieuxparfum.Puisilposeraitleslèvressursajoueetmurmureraitsonnom.

Etalors,ilfiniraitcequ’elleavaitcommencédesmoisplustôt.Etill’attireraitversluid’unefaçonentièrementdifférente.Ilserralespoingspourempêchersoncorpsderéagiràsonimaginationdélirante.Iln’imaginait

riendepirequed’entretenirledésirqu’iléprouvaitpourcettefemmeimpossible.Ildevaitjusteserappelerqu’ilétaitàlarecherchedeladuchesseparfaite.Etcen’étaitpasMlleJulianaFiori.Bienqu’elleparaissefaitepouroccupersonfauteuilpréféré.Allons,ilétaittempsdelaréveilleretdelarenvoyerchezelle.

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3

Lessalonssontdesfoyersd’imperfections.Lesdamesraffinéesnes’yattardentpoint.

Traitédesdamesraffinées

Iln’yapasdelieuplusintéressantàLondresquelagaleriedominantunesalledebal…

Journaldespotins,octobre1823

—Jecroyaisquevotresaisonétaitterminéeetquenousenavionsfiniaveclesbals!Julianaselaissatomberdansl’undescanapésdusalondesdamesdeWestonHouse.Avecunlong

soupir,ellemassasonpiedchaussédemuleslégères.—Cedevraitêtrelecas,reconnutsonamieMariana,duchessedeRivington,ensoulevantlebas

de sa robe bleue dont l’ourlet était décousu.Mais tant qu’il y aura des séances au Parlement, lessoiréesmondainescontinueront.Toutescesdamesveulentdonnerunbald’automne,plussomptueuxqueledernier.Celadit,c’estvotrefaute,ajoutaMariana,narquoise.

—Commentpouvais-jeprévoirqueCallieseraità l’origined’unerévolutionenenchaînant lesréceptionspourmoi?

Calpurnia,sœurdeMarianaetbelle-sœurdeJuliana,avaitétéchargéedefaciliterl’introductionde Julianadans la bonne société, lors de son arrivée àLondres auprintempsdernier.Audébut del’été,lamarquiseavaitpoursuivisonobjectif.Unesuccessiondebalsetd’activitésavaitcontribuéàplacerJulianasurledevantdelascène,obligeantlesautreshôtessesàresterenvillebienaprèsquelasaisonfutterminée.

LebutdeCallieétaitquesabelle-sœurfasseunbonmariage,celuideJuliana,desurvivreàcesmondanités.

Marianafitsigneàunedomestique.Puisellesortitdesonréticuledufilassortiàsarobe,et letenditàlajeunefemmequis’accroupissaitdéjàpourréparerlesdégâts.

—Vous avez eu beaucoup de chance d’échapper au FestivalOrange de ladyDavis la semainedernière,dit-elleencroisant le regardde Julianadans lemiroir.Sivousaviezvucela.C’étaituneexplosion de couleurs, et pas dumeilleur goût. Tout était orange. Les vêtements, les bouquets, lalivréedesdomestiques,etmêmelanourriture.

—Lanourriture?répétaJulianaenfronçantlenez.— C’était affreux. Tout était couleur carotte. Un vrai festin pour les lapins. Réjouissez-vous

d’avoirétésouffrante.

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Juliana se demanda ce qu’aurait pensé lady Davis, une doyenne de la bonne société à l’espritparticulièrement étriqué, si elle s’était présentée à la réception couverte d’égratignures après samésaventureaveclordGrabeham.Cettepenséeluiarrachaunsourire.

—Jepensaisque,maintenantquevousétiezduchesse,vouspouviezvousdispenserd’assisteràcegenred’événementmondain?

— Je le croyais aussi, mais Rivington n’est pas de cet avis. Ou plus exactement, la duchessedouairièrenel’estpas.Laprochainefoisquejecroiseraiunecorned’abondance,jeferaiundétour,conclut-elledansunsoupir.

—Oui,cedoitêtretrèsdurd’êtrel’invitéelaplusrecherchéedelasaison,s’esclaffaJuliana.Noncontente d’être follement amoureuse d’un duc séduisant, vous avez en plus le Tout-Londres à vospieds!

Unelueurmalicieuses’allumadanslesyeuxdesonamie.—C’estunedureépreuve.Maisvousneperdezrienpourattendre.Unjour,vousenpasserezpar

là,vousaussi.Julianaendoutait.Surnommée l’Ange d’Allendale,Mariana avait rencontré et épousé le duc deRivington dès sa

première saison.ÀLondres, leur histoire était sur toutes les lèvres.Leur coup de foudre avait étésuivid’unmariagesomptueux,puisd’untourbillond’invitations.

Marianaétait legenredefemmequelesgensadoraient.Tout lemondevoulaitêtresonami,etellenemanquaitjamaisdecompagnie.ElleavaitétélapremièreamiedeJulianaquandcelle-ciétaitarrivéeàLondres.Leducetelletenaientàmontreràlahautesociétéqu’ilsl’acceptaientendépitdesesorigines.

Rivingtonétaittellementdifférentdel’autreducprésentaubaldecesoir.Leightonn’avaitmanifestéaucuneémotioncettenuit-là.Niquandleursregardss’étaientcroisés

dansl’immensesalle,niquandelleétaitpasséedevantluipourgagnerlebuffet,niquandilss’étaientretrouvésfaceàfacedemanièreinattenduedansunsalonàl’écart.

Cen’étaitpastoutàfaitexact.Ilavaitbienexpriméunsentiment,maispasceluiqu’elleespérait.Ilétaitfurieux.—Pourquoinem’avez-vouspasditquivousétiez?—Celaa-t-ilunequelconqueimportance?—Biensûr!—Qu’est-cequiestimportant?Quemamèresoitunemarquisedéchue?Monpère,unmarchand

quitravaillaitdurpourgagnersavie?Ouquejen’aiepasdetitredenoblesse?—Toutestimportant.On l’avaitmise en garde contre lui. Contre le DucDédaigneux, si conscient de la place qu’il

occupaitdanslasociété,etquines’intéressaitpasàceuxquin’étaientpasdesonrang.Ilétaitconnupoursonméprisetsafroideur.Onprétendaitqu’ilchoisissaitsesdomestiquespourleurdiscrétion,sesmaîtressespourleurabsencedesentimentalité,etsesamis…Enfait,l’amitiéétaitunechosetropcommunepourqu’ils’ensoucie.

Mais elle n’avait pasvoulu croire ces commérages, jusqu’à cequ’il découvrequi elle était.Etqu’elledeviennel’objetdesondédain.

Celui-cil’avaitblessée,bienplusquelejugementdetouslesautres.Etpuis,commeuneidiote,ellel’avaitembrassé.Unbaiserensorcelant.Etsoudain,leducl’avait

repousséeavecuneviolencedontlesouvenirlachoquaitencore.

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—Vousêtesundangerpourlesautres,etpourvous-même.VousdevriezretournerenItalie.Sivousrestezici,vosimpulsionsauronttôtfaitdevousdétruire.

—Cebaiservousaplu,avaitprotestéJuliana.Ilavaitalorsposésurelleunregardglacial.—Naturellement.Maisàmoinsquevousnedésiriezdevenirmamaîtresse–et je suis sûrque

vousseriezunemaîtresseremarquable–,vousferiezmieuxdevousrappelerquivousêtes.C’estàcemoment-làqu’elleavaitdécidéde resteràLondres.Pour luiprouver, à lui et à tous

ceuxetcellesquilajaugeaientetlatoisaientavecunefroideurhautaine,qu’ellevalaitmieuxquecequ’ilscroyaient.

Ellepassal’indexsurlagriffequiluimarquaitencorelatempe,derniervestigedelanuitoùelles’était retrouvéedans lavoituredeLeighton.LesouvenirdouloureuxdecespremièressemainesàLondresluirevintenmémoire.Elleétaitjeune,seule,etespéraitencoreentrerdanscecercleferméd’aristocrates.

Elleauraitdûsedouterqu’ilsnel’accepteraientjamais.Laservantefinitderéparerl’ourletdeMariana,quiselevaensecouantsesjupes,puistournoya

surelle-même.—Nousyallons?Julianafitminedes’affalerdanssonfauteuil.—Lefaut-ilvraiment?Laduchesses’esclaffa,etellesregagnèrentlesalonprincipal.—Ilparaîtqu’onl’avueavecunhommedanslesjardins,lesoirdubalchezlesRalston.JulianasefigeaenreconnaissantlavoixhautperchéedeladySparrow,l’unedespirescommères

delabonnesociété.—Danslejardindesonfrère?fitunevoixincrédule.Detouteévidence,c’étaitellelesujetdelaconversation.EllesetournaversMariana,quisemblaitsurlepointdefaireunéclat,posalamainsursonbras

pourlaretenirettenditl’oreille.—Cen’estqu’unedemi-sœur,rappelauneinvitée.—Etnoussavonstousd’oùvientl’autremoitié!Desriresponctuèrentcetteremarquecruelle.—Jesuisétonnéequ’ellesoitsisouventinvitée,poursuivituneautre.Cesoir,parexemple…Je

pensaisqueladyWestonavaitplusdediscernement.Julianalepensaitaussi.—C’est unpeudélicat d’inviter lord et ladyRalston, sans étendre l’invitation àMlleFiori, fit

observeruneautrepersonne.Unricanementsuivitcetteréflexion.—Ilsnevalentguèremieux…Lemarquisaunpasséscandaleuxetlamarquiseesttellement…

inintéressante.Jemedemandecequ’elleafaitpourleséduire.—SansparlerdelordNicholas,quiaépousécettecampagnarde.Imaginezunpeu!—Quandonconnaît l’effetdésastreuxdecesunionssur levrai sangbleu. Ilestclairque leur

mèrea…laissésamarque.Julianasentitlamoutardeluimonteraunez.Queceshorriblesharpiesl’insultent,passeencore,

maisqu’elless’enprennentàsafamille,c’étaituneautrehistoire!—RalstondevraitdonnerunedotàsasœuretlarenvoyertoutbonnementenItalie.

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Julianas’étaitaussidemandépourquoisonfrèrenes’étaitpasdébarrasséd’elleainsi.Elles’étaitattenduequecelaarrivedepuisqu’elleavaitdébarquéàl’improvistesurleperrondeRalstonHouse,orcettepenséesemblaitn’avoirjamaiseffleuréGabriel.

Elleneparvenaittoutefoispasàcroirequ’ilnevoulaitpasqu’elledisparaissedesavie.— Ne les écoutez pas, chuchota Mariana. Ce sont d’affreuses commères qui détestent tout le

monde.—Il suffirait qu’unepersonnedequalité la surprennedansune situation compromettantepour

qu’ellesoitdéfinitivementexcluedelabonnesociété.—Celanetarderapas.ToutlemondesaitquelesItalienssontdépourvusdemoralité.Julianaenavaitassezentendu.EllepassadevantMarianaetentradanslapetitepièceoùlestrois

femmesretouchaientleurmaquillagedevantunimmensemiroir.Elleleuradressaunlargesourireeteutlasatisfactiondelesvoirsepétrifier.IlyavaitlàlabelleetperfideladySparrow,quiavaitépouséunvicomtedeuxfoisplusvieuxqueCrésusettoutaussiriche.Troismoisplustard,cedernierétaitmort en lui léguant son immense fortune. La vicomtesse était en compagnie de lady Davis, quiapparemmentn’était toujourspassortiedesonfestivalorange,carelleportaitune robeatrocequiaccentuaitsatailleetluidonnaitl’allured’unegourde.

Une jeune femmeque Juliananeconnaissaitpas était avecelles.Petite, blonde,unvisage rondsansgrandebeautéetdesyeuxétonnés.Julianasedemandacommentelles’étaitretrouvéeaveccesdeuxvipères.

Nonpasqu’elles’ensouciât.—Mesdames, les salua-t-elle d’un ton léger. Des personnes plus avisées se seraient assurées

qu’ellesétaientseulesavantdeselancerdansuneconversationquiéviscèreautantdegens.LadyDavisouvritetrefermalaboucheàlafaçond’ungrospoissonavantdedétournerlatête.

Rougissante,ellejoignitlesmainsdevantelle.LadySparrown’étaitpasaussidésolée.—Nousétionspeut-êtreparfaitementconscientesd’êtreencompagnie,déclara-t-elleenricanant.

C’estjustequenousnecraignionspasd’offenserlespersonnesprésentes.Marianachoisitcetinstantpourpénétrerdanslapièce.Lestroisfemmesblêmirentendécouvrant

laduchessedeRivington.—C’est regrettable,déclaracelle-cidece tonhautainquiconvenaitàsonrang,car jemesens

offensée.Surce,elletournalestalons.Julianaravalaunsourireenvoyantlestroiscommèreséchangerdes

regardsconsternés.—Nevousinquiétezpas,mesdames,contrairementàmabelle-sœur,jenemesenspasoffensée.Marquant unepause, elle observa son reflet dans lemiroir, tourna la tête à gauche et à droite,

avantdereplacerunemèchedanssonchignon.Quandellefutcertained’avoircapté l’attentiondestroisfemmes,ellereprit:

—Vousm’avezlancéundéfi.Jelerelèveavecplaisir.Ellenerespiralibrementqu’unefoisqu’elleeutquittélapièce,étourdieparlacolère,l’irritation

etlapeine.Ellen’auraitpasdûêtreétonnéequecesfemmescancanentàsonsujet.Lescomméragess’étaient

déchaînéslejourdesonarrivéeàLondres.Elleavaitcruqu’ilsfiniraientparcesser.Cen’étaitpaslecas.Etçaneleseraitjamais,carilsfaisaientpartiedesavie.

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Lescandalequesamèreavaitsuscitéperduraitencoreaujourd’hui,vingt-cinqansaprèsqu’elleeut abandonné son époux, lemarquis deRalston, et ses fils jumeaux, fuyant sa brillante existenced’aristocratepourgagnerleContinent.EnItalie,elleavaitensorcelélepèredeJuliana,unmarchandquin’avaitjamaisdésiréunefemmeautantquecetteAnglaiseauxcheveuxnoirs,auxyeuxbrillantsetausourireravageur.

Ellel’avaitépousédansundecesmomentsd’égarementdontelleétaitcoutumière.UnecaractéristiquedontJulianacraignaitd’avoirhérité.Cettepenséelafitgrimacer.Quandelleagissait surune impulsion,c’étaitgénéralementpourseprotéger.Samèreétaitune

aristocratequiavaitunpenchantpuérilpourlessituationsthéâtrales.L’âgenel’avaitpasfaitmûrir.Julianasedisaitqu’elleauraitdûêtresoulagéequesamèrelesaitabandonnésaussi,sonpèreet

elle.Celui-ci l’avaitélevéedesonmieux.Il luiavaitapprisàfairedesnœudssolides,àrepérerunmauvaischargementdemarchandises,àdiscuterlesprixaveclesvendeurs…maisilneluiavaitpasrévéléleplusimportant.

Ilneluiavaitjamaisditqu’elleavaitunefamille.Ellen’avaitappris l’existencedesesdemi-frèresqu’après lamortdesonpère.Elleavaitalors

découvertquesafortuneétaitplacéechezunnotaireetqu’unmarquisanglaisqu’elleneconnaissaitpasallaitdevenirsontuteur.

Enquelquessemaines,savieentièreavaitbasculé.Elles’étaitretrouvéedevantlaportedeRalstonHouse,avecsaservanteettroismallescontenant

toutessespossessions.Toutcela,àcaused’unemèrequin’avaitpasdeuxsousd’instinctmaternel.Aprèscela,était-ilsurprenantquelesgensseposentdesquestionssursafille?Elle-mêmes’enposait.Maisnon,ellen’étaitpasdutoutcommesamère.Etellen’avaitjamaisdonnéderaisonsdecroirequ’elleluiressemblait.Dumoins,pasvolontairement.Cela semblait toutefois n’avoir aucune importance pour ces aristocrates qui ne vivaient

apparemmentquepour l’insulter et la regarderdehaut. Ils nevoyaient en elleque levisagede samère,lescandalequ’elleavaitprovoqué,saréputationdésastreuse.

Ils se moquaient de savoir qui était Juliana. Tout ce qu’ils voyaient, c’est qu’elle n’était pascommeeux.

Non,eneffet,ellen’étaitpascommecescréaturesinintéressantesetsanspassion.S’efforçantdesurmontersonémoi,elleinspiraprofondément, lesyeuxrivéssurlesportesqui

donnaientsur les jardins,del’autrecôtédelasalledebal.Elles’ydirigeatoutensedisantqu’ellen’auraitpasdû.Elleétaitcependantsubmergéeparunteltourbillond’émotionsqu’ellenesesouciaitplusdecequ’ilconvenaitdefaireoupas.

Surgissantdenullepart,Marianasematérialisaàcôtéd’elleetposaunemaingantéesursonbras.—Vousvoussentezbien?—Trèsbien,réponditJulianaenévitantleregarddesonamie.—Cesfemmessontépouvantables.—Ellesnefontquedirelavérité.Marianas’immobilisa,maisJulianacontinuad’avancerverslesportes-fenêtres.—Ellessetrompent!protestaladuchesseenlarattrapant.—Vouscroyez?Personnellement,j’endoute.Jenesuispascommevous,etjeneleseraijamais.— Dieu merci. Il y a suffisamment de gens banals. Je suis très heureuse d’avoir enfin une

personneuniquedansmavie.

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Julianamarquaunepauseetsetournaverssonamie.—Merci.«Mêmesicen’estpasvrai»,ajouta-t-elleàpartsoi.Marianasouritcommesitoutétaitarrangé.—Derien,dit-elledoucement.—Vousdevriezallerdanseravecvotreséduisantmari,oulesmauvaiseslanguesvontseposer

desquestionssurl’étatdevotremariage,conseillaJuliana.—Qu’elless’enposent,jem’enmoque!—Vousparlezcommeuneduchesse,remarquaJulianaavecunsourireencoin.—Êtreduchesseoffrequelquesavantages,c’estunfait.Maisvousêtessûrequecelava?—Certaine.J’aijusteenviedeprendrel’air.Voussavezquejesouffretoujoursdelachaleurdans

cessallesétouffantes.— Faites attention, recommanda Mariana en lançant un coup d’œil nerveux vers les portes

grandesouvertes.Vouspourriezvousperdre.—Vousvoulezquejesèmedespetits-foursderrièremoi?—Ceneseraitpasunemauvaiseidée.—Àtoutàl’heure,Mariana.Cettedernières’éloignaetdisparutpresqueinstantanément,commesielleavaitétéavaléeparla

foule. Juliana songea qu’elle ne serait pas absorbée comme elle, mais bien plutôt rejetée. Tel unnoyaud’olivecrachéduhautduPontePietra,lepontdepierredeVérone.

Elle resta à contempler les douzaines de couples qui virevoltaient au rythme d’une entraînantedanse campagnarde. Elle ne put résister à se comparer aux femmes au maintien impeccable quitourbillonnaient devant elle dans leurs jolies robes pastel. Elles étaient le résultat d’une parfaiteéducationanglaise,élevéesetcultivées telsdescepsdevignesélectionnéspourproduiredes fruitsidentiquesetdesvinssanssaveur.

Julianarepéralajeunefillequitenaitcompagnieauxdeuxcommèresdanslepetitsalon.Ellepritplace dans une rangée de danseurs, et ses joues s’illuminèrent d’un éclat qu’elles n’avaient pas unmoment plus tôt. Un sourire était plaqué sur ses lèvres, pas trop appuyé afin de ne pas paraîtreprovocateur,maisjusteassezpourmanifesteruncertainintérêt.Lajeunefilleévoquaitunraisinmûr,prêtàêtrecueillietversédanscefameuxcépageanglais.

Leraisinatteignitleboutdelarangéeetrejoignitsonpartenaire.LeducdeLeighton.Ensemble,ilss’avancèrentdanssadirection,lelongdelarangéededanseurs.Unepenséefrappa

Juliana.Ilsn’étaientpasassortis.Endehorsdeleurscheveuxblonds,ilsn’avaientrienencommun.Ellen’étaitpastrèsjolie,avec

sonvisagetroprond,sesyeuxd’unbleutroppâle,seslèvresdontlacourbeétaitloind’êtreparfaite.Quantàlui,ehbien…c’étaitLeighton.Ladifférencedetailleétaitnotable.Leducmesuraitplusd’unmètrequatre-vingts,tandisquesafrêlepartenaireluiarrivaitàpeineàl’épaule.

Julianalevalesyeuxauciel.Leightondevaitaimeravoirunepetitefemmequ’ilpouvaitdirigerd’unclaquementdedoigts.

Maislesdifférencesneselimitaientpasauphysique.Leraisinaimaitdanser,c’étaitévidentàlafaçondontsesyeuxpétillaient.Leducconnaissaitvisiblementlespas,maisnesouriaitpas.Celanel’amusait pas. De toute évidence, cet homme n’appréciait pas les danses campagnardes. Cela dit,prenait-iljamaisduplaisiràquoiquecesoit?

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Ilétaitd’ailleurssurprenantqu’ilaitdaignés’abaisseràpratiqueruneactivitéaussicommunequeladanse.

Le couple avait atteint le bout de la rangée de danseurs. Ils n’étaient qu’à deux pas de JulianaquandLeightoncroisasonregard.Celaneduraqu’unesecondeoudeux,toutefoisquandelleplongeales yeux dans ceux, couleur d’ambre, du duc une flèche parut la transpercer. Elle aurait dû y êtrehabituée,pourtantcettesensationlaprenaitinvariablementaudépourvu.

Elle espérait toujours qu’il ne lui ferait plus aucun effet. Qu’un jour, cesmoments de troubleintenseappartiendraientaupassé.

Pour l’heure,entoutcas, ilsneservaientqu’à luirappelerqu’ellen’étaitpasàsaplacedanslemondedesaristocrates.

Pivotant sur ses talons, elle fonça vers les grandes portes vitrées, les franchit et, sans hésiter,descenditsurlaterrassedallée.Ellesavaitpourtantqu’ellen’auraitpasdûquitterlasalle.Sonfrère–etleTout-Londresaveclui–désapprouveraitsaconduite.Lesterrassesn’étaientàleursyeuxquedeslieuxpropicesaupéché.

Cequiétaitridicule.Quelmalyavait-ilàpasserquelquesminutessurlaterrasse?Cequ’ilfallaitabsolumentéviter,c’étaitlejardin.

L’airétaitvif,nota-t-elle tandisqu’elle levait lesyeuxpourcontempler lesétoiles.Celles-ci,aumoins,étaientlesmêmesqu’enItalie.

—Vousnedevriezpasêtrelà.Juliananeseretournamêmepas.Leducl’avaitrejointe,cequinel’étonnaitpasvraiment.—Pourquoi?—Ilpourraitvousarrivern’importequoi.—Monpèredisaitquelesfemmesontdouzevies,rétorqua-t-elleenhaussantlesépaules.Comme

leschats.—Leschatsn’enontqueneuf.Elleluijetauncoupd’œiloblique.—Etlesfemmes?—Encoremoins.Cen’estpasraisonnablederesterseuleici.—Çal’étaitjusqu’àcequevousarriviez.—C’estpourcelaque…—C’estpourcelaquej’aitoujoursdesennuis?—Oui.— Alors, que faites-vous là, Votre Grâce ? Ne mettez-vous pas votre réputation en péril en

m’approchant?Elleseretournaet,voyantqu’ils’étaitécartédequelquespas,laissafuserunrire.—Ehbien,ilmesemblequ’àcettedistancevousnerisquezplusrien.—J’aipromisàvotrefrèredevousprotégerduscandale.—Quelleironie!Ilfutuntempsoùvousreprésentiezlaplusgrandemenacepourmaréputation.

Vousl’avezoublié,peut-être?Malgrélapénombre,ellevitsestraitssedurcir.—Cen’estnilelieunilemomentpourendiscuter.—Cen’estjamaislebonmoment,n’est-cepas?—Vousavezdelachancequecesoitmoiquivousaietrouvée.—Delachance?répéta-t-elle,cherchantdanssesyeuxlaflammequ’elleyavaitvuebrûlerun

jour.

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Envain.Commentpouvait-ilêtreaussidifférent?—Jecroisqu’ilvautmieuxquevouspartiez,lâcha-t-elle,sentantlacolèrepoindre.—Etilvaudraitmieuxpourvousquevousregagniezlasalledebal.—Pourquoi?Sijememetsàdanser,vouscroyezqu’ilsm’ouvrirontlesbrasetm’accepteront

parmieux?—Ilsnevousaccepterontjamaissivousn’essayezpas.—Etvouspensezquejeveuxl’être?questionna-t-elleensoutenantsonregard.—Vousdevriezlesouhaiter.Julianaredressalesépaules.— Pourquoi ? Vous formez un groupe rigide, sans passion, plus soucieux de la distance qui

séparedeuxpartenairesentraindedanserquedumondedanslequelvousvivez.Vouscroyezquevostraditions,vosmanières,etvosrèglesstupidesrendentvotreviedésirable?Vousvoustrompez.Vousn’êtesquedessnobs.

—Etvous,vousêtesuneenfantquiignoretoutdujeuauquelellejoue.Sesparoleslablessèrent,maisellen’enmontrarien.Elles’approchadelui.—Vouscroyezquejeconsidèretoutcelacommeunjeu?—Ilestimpossiblequ’ilensoitautrement.Regardez-vous.Toutelasociétéestàquelquespasde

vous,etvousrestezlà,àdeuxdoigtsdevoirsombrervotreréputation,articula-t-ild’unevoixfroideetcoupante.

—Jevousl’aidit,jememoquedecequ’ilspensent.— C’est faux. Si vous vous en moquiez vraiment, vous ne seriez pas encore là. Vous seriez

retournéeenItalie.Unlongsilences’ensuivit.Leightonsetrompait,ellesemoquaitbeletbiendecequepensaient

lesautres.Toutcequicomptait,c’étaitcequ’ilpensait,lui.Agacée, elle se tourna vers les jardins, et agrippa la rambarde en se demandant ce qu’il se

passeraitsiellecouraitsecacherdansl’obscurité.Onlaretrouveraitsansdoute.—J’espèrequevosmainsontguéri,reprit-ilpoliment.—Oui,merci.Voussemblezaimerdanser.Ilneréponditpastoutdesuite,commes’ilréfléchissait.—C’étaittolérable,lâcha-t-ilfinalement.—Votrepartenaireappréciaitvisiblementvotrecompagnie.—LadyPénélopedansetrèsbien.Leraisinavaitdoncunnom.—J’ai eu la chancede faire sa connaissanceunpeuplus tôt dans la soirée. Je peuxvousdire

qu’ellechoisittrèsmalsesamies.—Jenetoléreraipasquevousl’insultiez.—Vousn’êtespasenpositiondem’imposerquoiquecesoit.—Jesuissérieux.LadyPénélopevadevenirmafemme,etvousdevezlatraiteraveclerespect

quiluiestdû.Seigneur,ilallaitépousercettepetitecréatureordinaire?—Vousêtesfiancés?—Pasencore.Maiscen’estplusqu’uneformalité.

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Après tout, quoi deplus naturel pour lui quede choisir pour fiancéeune jeuneAnglaise aussiparfaite?Etpourtant,ilsétaientsimalassortis…

—J’avouequejen’avaisjamaisentenduquelqu’unparlermariageavecautantdefroideur.Leduccroisalesbras,lemouvementsoulignantlalargeurdesesépaules.—Quediredeplus?Nousallonsbienensemble.—Vousallezbienensemble?répéta-t-elleencillant.Quellepassiondanscesparoles!—Iln’yapasdeplacepourlapassiondansunbonmariageanglais.Cedevaitêtreuneplaisanterie.Forcément.—Voustrouveznormaldevivreuneviesanspassion?—Cesentimentesttrèssurestimé,observa-t-ilavecunreniflementhautain.Juliananeputréprimerunpetitriremoqueur.—Ehbien,c’estlaréflexionlaplusbritanniquequej’aiejamaisentendue!—Etc’estmald’êtrebritannique?—C’estvousquiledites.Nousavonstousbesoindepassion.Ilenfaut,danstouslesdomainesde

lavie.Leightonarqualessourcils.—C’est un conseil que vousme donnez ?Que les choses soient claires, reprit-il comme elle

acquiesçait.Vouspensezqu’ilfautdelapassiondansmavie.Unsentimentquivouspousseàcourirdanslesjardins,àgrimperdanslesvoituresd’inconnus,àvousaventurersurlesterrasses,etquimetvotreréputationendangeràtoutboutdechamp?

—Absolument,confirma-t-elleenlevantlementon.—C’estpeut-êtrevalablepourvous,mademoiselleFiori,maisjesuisdifférent.J’aiuntitre,une

famille, une réputation à protéger. Sans compter que je suis bien au-dessus de ces désirs vils et…communs.

Sonarroganceétaitinsupportable.—Vousêtesduc,répliqua-t-elle,sarcastique.—Précisément.Etvousêtes…—Bienmoinsquecela.—C’estvousquiledites,remarqua-t-ilàsontour.Julianaeut l’impressiond’avoirétésouffletée.Cethommeméritaitd’être remisàsaplace.Par

unefemme.—Vousn’êtesqu’un…asino.Ilpinçaleslèvres,etelleesquissauneprofonderévérence.—Jevousdemandepardond’avoirutiliséunlangageaussivil,VotreGrâce.Permettez-moide

répéterdanscettelanguesupérieurequ’estl’anglais:Vousn’êtesqu’unâne.—Relevez-vous,ordonna-t-ilentresesdents.Ravalant sa colère, elle obéit. Il lui saisit le bras, enfonçant les doigts dans sa chair, pour la

ramenerverslasalledebal.—Vouscroyezquevotrepassionvousplaceau-dessusdenous? luigrommela-t-ilà l’oreille.

Tout ce qu’elle prouve, c’est votre égoïsme.Votre famille s’évertue à vous faire accepter dans labonnesociété,etvousnepensezqu’àvousamuser.

—C’estfaux.Jelesaimeprofondément.Jeneferaisjamaisrienpour…Rien pour leur nuire.Vraiment ? Après tout, elle était là, sur une terrasse sombre, avec lui.

Leightonparutliredanssespensées.

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—Votre audace causera votre perte. Et probablement la leur. Si vous teniez à eux, vous vouscomporteriezcommeunedame,etnoncommeune…

Ilsetutavantd’avoirprononcéuneinsulte.Julianaentenditpourtantlemotquiluibrûlaitleslèvres.Elle voulait faire tomber à genoux cet homme prétentieux, arrogant. Puisqu’il la trouvait

audacieuse,elleleserait.Elleselibéra.—Vousvouscroyezau-dessusdelapassion?Selonvous,votremondeparfaitn’abesoinquede

règlesrigidesetd’expériencesdénuéesdesentiments?—Jenelecroispas,riposta-t-ilenreculant.J’ensuissûr.—Prouvez-le.Ilfronçalessourcils,intrigué,maisgardalesilence.—Jevousmontreraiquemêmeunducglacialnepeutpasvivresanslefeudelapassion.—Non.—Vousavezpeur?—Celanem’intéressepas.—J’endoute.—Vousnevoussouciezpasdelaréputation,n’est-cepas?Vousn’ypensezmêmepas.—Sivouscraignezpourvotreréputation,VotreGrâce,prenezunchaperon.—Etsijerésisteàvotrepassion?—Alors,vousépouserezlegrainderaisinettoutirabien.—Legrainderaisin?fit-il,interloqué.—LadyPénélope.Enrevanche,sivousnerésistezpas…Ellefitunpasverslui,attiréeparlachaleurquiémanaitdesoncorps.—Alors,quoi?—Alors,votreprécieuseréputationseraendanger,l’avertit-elleensouriant.Ilneditpasunmot,maisunmusclesemitàtressautersursajoue.Ellecrutqu’ilallaitlaplanter

là.—Jevousdonnedeuxsemaines,lâcha-t-il.Toutefois,ajouta-t-ilsansluilaisserletempsdecrier

victoire,laleçonserapourvous,mademoiselleFiori.—Quelleleçon?—Laréputationtriomphetoujours.

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4

Ilfautalleraupasouautrot.Lesdamesraffinéesnevontjamaisaugalop.

Traitédesdamesraffinées

LespromenadesdansHydeParksontdeplusenplusmatinales…

Journaldespotins,1823

Lelendemain,leducdeLeightonselevaàl’aube.Ilselava,revêtitsachemisedelinetsesculottesdedaim,enfilasesbottesdecavalier,nouasa

cravateetdemandasoncheval.Unquartd’heureplus tard, il traversa lehallde lamaison,prit lesgantset lacravacheque lui

tendaitBoggs,sonmajordome,etsortit.Inspirant l’air automnal, leduc sehissa en selle, comme il le faisait chaquematindepuisqu’il

avaithéritédutitre,quinzeansauparavant.Qu’il soit envilleouà lacampagne,qu’ilpleuve,qu’ilventeouque le soleilbrille, c’étaitun

rituelsacro-saint.Hyde Park était pratiquement désert à cette heure, les gens de la bonne société ne voyant pas

l’intérêtdesepromeners’iln’yavaitpersonnepourlesadmirer.Laplupartn’avaientdetoutefaçonpasenviedesortirde leur lit àuneheureaussimatinale.C’étaitprécisémentpourcette raisonqueLeightonaimaitcespromenades,durantlesquellesiln’entendaitquelebruitdessabotsdesonchevalse mêlant à son propre souffle. Il galopait ainsi le long des allées désertes, qui se rempliraientquelquesheuresplustarddenoblesdésœuvrésenquêtedesdernierspotins.

Labonnesociétésenourrissaitderagots,etparbeautemps,HydeParkétaitlelieuidéalpourenéchanger.

Dansquelquesheures,saproprefamilleseraitaucentredetouslescommérages.Leighton se pencha en avant et éperonna sa monture comme si cela pouvait lui permettre

d’échapperauxrumeurs.Quanddesbruitsfiltreraientausujetdesasœur,lesragotsserépandraientetlaréputationdesa

famille serait en danger. Les ducs de Leighton se succédaient depuis onze générations. Ils avaientcombattu au côté deGuillaume leConquérant.Tous ceux qui avaient porté ce titre et occupé cettepositionvénérableausommetdelasociétéavaientobéiàunerègleabsolue:Riennedevaitsouillerlenom.

Pendantonzegénérations,cetteloiavaitétérespectée.Jusqu’àmaintenant.

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Leighton avait fait son possible pour ne pas être atteint. Il avait renvoyé sa maîtresse, s’étaitimmergé dans son travail au Parlement, et avait assisté à d’innombrables réceptions au sein de lahautesociété.Ilavaitdansé.Prislethé.S’étaitmontréàl’Almack.Avaitrenduvisiteauxfamilleslesplusrespectéesdel’aristocratie.

Il en avait profité pour faire savoir que sa sœur passait l’été à la campagne. Puis l’automne.Bientôt,elleypasseraitl’hiver.Maiscelanesuffisaitpas.Riennesuffirait.

L’idéequ’ilnepourraitjamaisprotégersafamillemettaitàmalsatranquillité.Ilneluirestaitplusqu’unesolution.Prendreuneépouseirréprochable,quideviendraitlacoqueluchedelabonnesociété.Il avait rendez-vous le jourmêmeavec lepèrede ladyPénélope.LemarquisdeNeedhamand

Dolbyétaitvenuletrouverlaveillepourluisuggérerdeserencontrer,afinde«parlerdel’avenir».Leightonnevoyaitaucuneraisond’attendredavantage.Plusvite ilaurait l’accorddumarquis,plusviteilseraitenpositiond’affronterlesragots.

Unvaguesourireluiincurvaleslèvres.Cerendez-vousn’étaitqu’uneformalité.Dureste,c’étaittoutjustesilemarquisnel’avaitpaslui-mêmedemandéenmariagepoursafille!

Celan’auraitpasétélaseuledemandereçuedanslasoirée.Nilaplustentante.Simonseredressaettirasurlesrênespourralentirsamonture.Unevisionl’assaillit.Julianasur

laterrassedeWestonHouse,luilançantundéficommesicen’étaitqu’unjeu.Jevousmontreraiquemêmeunducglacialnepeutpasvivresanslefeudelapassion.Lesmotsteintésd’unfortaccentitalienrésonnèrentcommesielleétaitlàetlesluimurmuraità

l’oreille.Ilfermabrièvementlesyeuxpourchassercetteimpression,etrelâchadenouveaulesrênes.Ellel’avaitappâté.Etilavaitétésiirritéparsonarrogance,sonméprisdesvaleurssurlesquelles

il avait bâti sa vie, qu’il n’avait plus qu’une envie : lui démontrer qu’elle avait tort. Il voulait luiprouverquesonopinionétaitridicule,sondéfistupide.

Donc,illuiavaitaccordédeuxsemaines.Au bout de ce laps de temps, il lui montrerait que la réputation prévalait sur tout le reste. Il

enverrait l’annonce de sonmariage auTimes, et Juliana apprendrait que la passion était une voietentante,maispasépanouissante.

S’il n’avait pas relevé son défi ridicule, elle aurait trouvé quelqu’un d’autre. Un homme quin’étaitpasendetteenversRalston,etquin’avaitpasd’intérêtparticulieràlaprotégerduscandale.

Enréalité,illuiavaitfaitunefaveur.Unevisionluitraversal’esprit.Julianaententatrice,seslonguesjambesfuseléessedétachantsur

lesdrapsdelin,sescheveuxrépandussurl’oreiller,sesyeuxcouleursaphirluipromettantmontsetmerveilles,tandisqu’elleluitendaitlesbrasenmurmurantsonnom.

L’espace d’un instant il s’abandonna à ce fantasme, imagina qu’il s’allongeait sur son corpspulpeux,senoyaitdanssachaleuretdonnaitlibrecoursàlapassion.

Ceseraitleparadis.Ill’avaitdésiréeaupremierregard.Jeune,fraîche,etsidifférentedespoupéesdeporcelaineque

lesmatronesdelabonnesociétépoussaientdésespérémentdevantlui.Durantquelquetemps,ilavaitcru qu’il pourrait l’épouser. Tel un bijou exotique, elle aurait parfaitement convenu au duc deLeighton.

Puisilavaitdécouvertsavéritableidentité.Ellen’avaitpasdutoutlesoriginesrequisespourêtreduchesse.

Cequinel’avaitpasempêchéd’envisagerdelaposséder.Ralstonn’auraittoutefoispasappréciéquesasœurdeviennelamaîtressed’unduc.Encoremoinsd’unducqu’ildétestait.

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Lefildesesréflexionsfutinterrompuparunmartèlementdesabots.Leightonralentitl’allure;un cavalier traversait la prairie, se dirigeant vers lui au grand galop. Il s’arrêta pour le regarder,impressionnépar l’harmonieparfaiteentre l’hommeetde l’animal.Lecavalierétaitpenchésur samonture,luimurmurantsansdoutedesparolesd’encouragement.

Simonchercha le regardde l’inconnupour lui adresserunhochementde tête appréciateur.Decavalieràcavalier.Ilsefigea.

Lesyeuxqu’ilcroisaétaientd’unbleulimpide,brillantsdedéfietdesatisfaction.Avait-ilfaitsurgirunfantômeparlaseuleforcedesespensées?Il était absolument impossible que Juliana Fiori se trouve à Hyde Park, à l’aube, vêtue d’un

costumed’homme,chevauchantàbrideabattuecommesielleétaitàAscot.Simondemeuraclouésurplace, incapablededétacher lesyeuxde la jeunefemme, lafureur le

disputantàl’incrédulité.Julianalerejoignit,ets’arrêtasipromptementqu’ildevinaquecen’étaitpaslapremièrefoisqu’ellemontaitcechevaletlemenaitàunetelleallure.Ôtantungantdecuirnoir,elleflattal’encoluredesamontureenluimurmurantdesparolesdefélicitationsenitalien.

Puis,unefoislechevalamplementfélicité,elledaignaenfinsetournerverslui,commesicetterencontren’avaitriend’extraordinaire.

—Bonjour,VotreGrâce.—Êtes-vousfolle?articula-t-il,d’unevoixsidurequ’ilnelareconnutpaslui-même.— J’ai décidé que puisque tout Londres était convaincu, ainsi que vous-même, que mon

comportement était critiquable, il n’y avait aucune raison d’essayer de les persuader du contraire.Lucrezian’avaitpasencoreeudroitàunetellecoursedepuisnotrearrivée.Etelleadorecela,n’est-cepas,carina?

Ellesepenchadenouveau,chuchotantdesmotsdouxtandisquelajumentsoufflaitdeplaisir.Etillacomprenait…—Quefaites-vousici?Savez-vouscequirisqued’arriversionvousvoit?Pourquoiêtes-vous

habilléeainsi?Qu’est-cequ’ilvousaprisde…—Àlaquelledecesquestionsvoulez-vousquejerépondeenpremier?lecoupa-t-elle.—Nemepoussezpasàbout.—Jevous l’ai dit,Lucrezia avait besoinde courir unpeu.Vous savez aussi bienquemoique

nousavonstrèspeudechancesd’êtrevuesàuneheurepareille.Lesoleilvientàpeinedese lever.Quantàmesvêtements,vousnetrouvezpasquec’estunebonneidéedem’êtrehabilléecommeungentleman ?Ainsi, si par un improbable hasard quelqu’un nous apercevait, cela ne prêterait pas àconséquence.Cequineseraitpaslecassijeportaisunetenuedecavalière.Sanscompterquec’estbeaucoupmoinsdrôledemonterenamazone,commevousvousendoutez.

Ellefitglissersamainnuesursacuisse,désignantlaculottequiluimoulaitlesjambes.—Vouscomprenez,VotreGrâce?—Quoidonc?rétorqua-t-il,irritéparsonairsatisfait.—Vouscomprenezquec’estbeaucoupmoinsdrôledemonterenamazone?C’estsiraisonnable,

si…traditionnel.Ilperdità la foissoncalmeet la raison.Balayant laprairieduregard, ilconstataqu’ilsétaient

seuls.Dieumerci.—Quevousest-ilpasséparlatêtepourprendreuntelrisque?Unlentsourireincurvasabouchepulpeuse.—C’estjusteque…lessensationssontmerveilleuses.Riend’autre.—Vousnedevriezpasdiredeschosespareilles.

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—Pourquoi?—Cen’estpasconvenable.C’étaitune réponse stupide, il s’en rendit compteà l’instantoù lesmots franchirent ses lèvres.

Julianalaissaéchapperunprofondsoupir.—Nousavonsdépassécestade,non?Allons,VotreGrâce,vousn’êtespasvenuici,àcheval,au

pointdujour,justeparcequelapromenadeestagréable.Vousêteslàparcequecelavousprocuredessensationsmerveilleuses.

Leducpinçaleslèvres,etellelaissafuserunpetitrireentenduquilefitfrissonner.Elleremitsongantetilsuivitlemouvementdesyeux,fasciné.

—Vousaurezbeaunier,j’aitoutvu.—Vuquoi?—L’envie, dans votre regard, dit-elle enpointant undoigt insolent vers lui.Avant dem’avoir

reconnue, vous aviez envie d’être à ma place. Vous souhaitiez lâcher la bride à votre monture etchevaucheravec…passion.

D’un léger mouvement des rênes, elle orienta son cheval vers la vaste prairie. Elle vibraitd’énergie.Simondevinacequiallaitsuivre.

Ilétaitprêt.—LepremierarrivéàlaSerpentine!Àpeineeut-elleprononcécesmotsquesonchevals’élança.Elleledistançaenquelquessecondes.Sansréfléchir,illasuivit.Sonchevalétaitplusfortetplusrapidequelajument,pourtantilleretintsanslâcherJulianades

yeux.Ellemontait à laperfection, couchée sur le coude l’animal. Ilnepouvait l’entendre,mais ilsavait qu’elle lui parlait, l’encourageait, le félicitait, le récompensait en lui offrant la liberté degalopertoutsonsoûl.

À quelquesmètres derrière elle, il voyait son dos, les courbes sensuelles de ses hanches, sescuissesserréessurlesflancsdel’animal.

Uneflèchededésirletransperça.Illuttacontrelasensation.Cen’étaitpasàcaused’elle.C’étaitlasituation.

Puisellelançauncoupd’œilpar-dessussonépaule,etsesprunellesbleuesétincelèrentquandellel’aperçut.Elles’esclaffa,etleventmordanttransportasonrirejusqu’àlui.

Il lâcha alors la bride à son cheval. En quelques secondes il la dépassa, longea le bois quidescendaitjusqu’àlaSerpentine.

Elleavaitraison.C’étaitmerveilleux.Ilneputrésisteràlatentationdelachercherduregard.Elleavaitplusieurslongueursderetard

surlui.Puissoudainellequittal’alléesurlaquelleilsetrouvaitet,presquesansralentir,dirigeasajumentverslesbois,danslesquelsellesdisparurent.

Oùdiableallait-elle?Iltirasurlesrênes.Sonchevalsecabraetpivotadanslafoulée.Simonfonçadanslesboisàla

poursuite de la jeune femme. Le soleil n’avait pas encore traversé les branches, mais malgré lemanquedelumière,Simons’engageadansl’alléequin’étaitmêmepasvisibledelaprairie.Lagorgenouéeparuneémotionconfuse, il suivit l’allée sinueuse,apercevantde tempsàautre la jumentdeJuliana.

Il s’arrêta enfin à l’extrémité d’un long chemin ombragé. Loin devant lui, la jeune femmepoussaitsamontureversunarbreimmensetombéentraversdusentier.Enunefractiondeseconde,ilcompritqu’elleallaitfranchirl’obstacle.

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Simonl’appelad’unevoixdure,maiselleneralentitpas,neseretournapasnonplus.Naturellement.Lecœurbattant,ilvitlechevaletsacavalièredécollerdusol,passerau-dessusdutroncd’arbre

en décrivant un arc parfait. Un instant plus tard, ils disparaissaient dans un chemin de traverse.Furieux,Simonlâchaunjuronavantdeselanceràleurstrousses.

Ilfallaitvraimentquequelqu’unlareprenneenmain.Soncheval sauta l’obstacle à son tour, et il sedemanda combiende temps elle allait continuer

cettecourseeffrénée.Àsontour,iltournadanslesentierettirasurlesrênes.Lajumentsetenaitaubeaumilieuduchemin.Calme.Etseule.Avantmêmequesonchevalsesoitcomplètementarrêté,ilmitpiedàterreetl’appela.Puisilla

vitsurlecôté,adosséeàunarbre,lesmainssurlesgenoux,essayantdereprendresonsouffle.Sesjoues étaient rouges, ses yeux brillants d’excitation et… d’autre chose, qu’il n’avait pas envied’identifierpourlemoment.

—Vousêtesfolle!Vousauriezpuvoustuer!Nullementdémontée,ellesourit.—Jamaisdelavie.Lucreziaadéjàfranchidesobstaclesbienplushautsetplusdangereux.Ils’immobilisadevantelle,lespoingsserrés.—Cetanimalestundémon.Etvousbravezledanger!—Jenesuispasblessée,protesta-t-elleenécartantlesbras.—Jevois,grommela-t-il.Elle esquissa un sourire que certains auraient trouvé attendrissant, mais qui ne réussit qu’à

l’agacer.—Nonseulementjenesuispasblessée,maisjesuiseuphorique.Jevousavaisbienditquenous

avionsdouzevies.—Possible,toutefoisvousnesurvivrezpasàdouzescandales.N’importequiauraitpuvousvoir.Ildétestasontongrincheux.Juliana,elle,laissaéchapperunrireinsouciant,quirésonnadansle

bois.—Celan’aduréquedeuxminutes.—Sijenevousavaispassuivie,vousauriezpuêtreattaquéepardesvoleurs.—Àuneheureaussimatinale?—Poureux,ilesttard.—Iln’empêchequevousm’avezsuivie,fit-elleremarquerenfaisantunpasverslui.—Vousn’étiezpascertainequejeleferais.Elles’approchadavantage,avecprécaution,commeellel’auraitfaitavecunanimalsauvage.Ilsesentaitcommeunanimal.Incontrôlable.—Biensûrquesi.—Pourquoi?—Parcequevousenaviezenvie,répondit-elleavecunhaussementd’épaules.Elleétaitàprésentsiprèsqu’ilauraitpulatoucher.Sesdoigtssecrispèrentmalgrélui.—Vousvoustrompez.Jevousaisuiviepourvouséviterdenouveauxennuis.Votreimpulsivité

estundangerpourvousetpourlesautres.—Vouscroyez?—Oui.Jen’aipasletempsdejoueràvospetitsjeux,mademoiselleFiori.J’airendez-vousavec

lepèredeladyPénélopeaujourd’hui.Elledétournalesyeuxunefractiondeseconde.

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—Vousdevriezpartir,danscecas.Ilnefautpasmanquerunrendez-vousaussiimportant.«Pars!»s’ordonna-t-il.Illevoulait.Ilallaitpartirsur-le-champ.Unelonguemèchebrunes’étaitéchappéedesonchapeau,etiltenditspontanémentlamain.Une

foisqu’il tint laditemècheentre sesdoigts, il neput résister à l’enviede l’enrouler autourde sonpoing.Lescheveuxnoirssedétachaientsurledaimclairdesongant.Ilauraitaimésentirlamèchesoyeusesursapeau.

Le souffle de Juliana s’accéléra, et sa poitrine se souleva sous sa veste.Unevaguede désir letraversa.Ilneluifaudraitquequelquessecondespourfairesauterlesboutonsdesonhabit,repoussersa chemise, accéder à son corps… Ses yeux remontèrent jusqu’à son visage, et il lut dans sesprunellesundésiraumoinségalausien.

—J’aicruquevousvouliezquejevoussuive.—Je…Savoixsebrisa.Simonéprouvauneimpressiondetriomphe,telunchasseurrepérantsaproie.—Celam’étaitégal,reprit-elledansunmurmure.—Menteuse.Iltirasurlamèchebrune,l’obligeantàs’approcherdelui.Julianaentrouvritleslèvres,etilne

putrésister.Iln’essayamêmepas.Seslèvresavaientlegoûtduprintemps.Cettepenséeletraversalorsqu’ils’emparadesabouche.Ilencadrasonvisagedesesmainspour

l’orienterverslui.Ilaurait juréqu’elleavaitmurmurésonnom…Il l’attiradavantagecontreluietelleneluiopposaaucunerésistance.Commesiellesavaitavantluicequ’ilvoulait.

Ilfitcourirsalanguelelongdeseslèvres,s’introduisitdanslachaleurdesabouche.Alors,elleluirenditsonbaiser.Avecunelenteurexaspérante,ellefitremontersesmainssursesbras,sanuque,puisenfouitlesdoigtsdanssescheveuxenpoussantundouxgémissement.

Elleplaquasesseinsrondscontresontorse,etleplaisirjaillit,fulgurant.Simonapprofonditsonbaiser,posalesmainsaucreuxdesesreinspourlaserrercontrelui.Lecostumemasculinluioffraitunelibertédemouvementsqu’ellen’auraitpaseueavecunerobe.Ilagrippal’unedesescuisses,lasoulevaetsepressacontresaféminité.

Ilinterrompitleurbaiseravecungrognement,etellesefrottacontrelui.Sesreinss’embrasèrentdeplusbelle.

—Vousêtesunesorcière.S’ilavaitpu,ilauraitaimélatenirnuedanssesbras,icimême,danscetteallée,aucœurdeHyde

Park.Ilneseseraitmêmepassouciéd’êtrevu.Saisissantlelobedesonoreilleentresesdents,illemordilladélicatement,luiarrachantuncride

protestation.—Simon!Il retombabrutalementsur terreenentendantsonprénomrésonnerdans lesilencede l’aube. Il

recula,lesoufflecourt,lalâchacommes’ils’étaitbrûlé.Julianachancelaetiltenditlamainpourlasoutenir.Elles’ensaisit.

Dès qu’elle eut recouvré son équilibre, elle s’écarta. Son regard se ferma, le tourbillond’émotionsdisparut.Ileutenviedel’embrasserdenouveaupourfairerenaîtresondésir.

Maisavantqu’ilaitpuesquisserungeste,elleluitournaledosetsedirigeaverssajumentquiattendaitpaisiblementsurlechemin.Ellesehissaenselleavecunefacilitédéconcertante,etletoisa.Aussidigneetsûred’ellequ’unereine.

Ilauraitdûluidemanderpardon.

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Ill’avaitcaresséeaubeaumilieudeHydePark.Siquelqu’unlesavaitvus…— Il semblerait que vous ne soyez pas aussi immunisé contre la passion que vous le pensiez,

VotreGrâce.Uneimperceptibletorsiondupoignet,etlajumentpartitaugalop.Simonlasuivitdesyeuxjusqu’àcequ’elledisparaisseaudétourdusentier.Ilentenditlebruitdes

sabotsquandl’animalfranchitdenouveaul’obstacle.Lesilenceretomba,maisl’échodelavoixdeJulianarésonnaittoujoursdanssatête.

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Onnesaitjamaisoùsecachentlesbrigands.Lesdamesraffinéesnesortentpasseulesdechezelles.

Traitédesdamesraffinées

Ilarrivequedesdécisionsremarquablessoientprisesalorsquelecanondupistoletestencorefumant.

Journaldespotins,1823

LemarquisdeNeedhamandDolbyvisasoigneusementunlagopèdedessaules,etappuyasurladétente.Ladétonationbrisalesilence.

—Diable!Jel’aimanqué.Simons’abstintdefaire remarqueraumarquisqu’ilavaitmanqué lescinqcréaturesqu’ilavait

viséesdepuisqu’illuiavaitsuggéréd’allerbavarderdehors«entrehommes».Le corpulent aristocrate visa et tira une fois encore, et le bruit fit frémir Simon. Personne ne

chassaitl’après-midi.Encoremoinslesmauvaistireurs.—Bigre!Encore raté. Simon commençait à craindre pour sa sécurité. Si le marquis voulait réduire en

poussière les jardins de son vaste domaine sur les berges de la Tamise, loin de lui l’idée de l’endissuader.Ilregrettaittoutefoissaproximitéaveccemaladroit.

Apparemment,lemarquislui-mêmeavaitatteintseslimites.Marmottantunjuron,ilpassalefusilàunvalet,puis,lesmainsnouéesderrièreledos,ils’engageadansunelonguealléesinueuse.

—Bien,Leighton,venons-enaufait.Vousvoulezépousermafilleaînée.S’ilétaitmauvaistireur,lemarquisétaitloind’êtreidiot.—Jepensequecetteunionprofiteraitànosdeuxfamilles,déclaraSimonenluiemboîtantlepas.—Sansdoute,sansdoute.Ilscheminèrentunmomentensilence,puislemarquisreprit:—Pénélope ferait unemagnifique duchesse. Elle n’est pas laide, et elle connaît sa place. Elle

n’aurapasd’exigencesridicules.CesmotsplurentàSimon.Ilsconfirmaientqu’ilavaitfaitlebonchoix.Alors,pourquoilemettaient-ilsmalàl’aise?—C’estunefilleraisonnable,disposéeàaccomplirsondevoir,poursuivitlemarquis.Debonnes

originesanglaises,ellenedevraitavoiraucunproblèmepourvousdonnerdebeauxenfants.Ellen’apasd’illusionssurlemariage,pasderêvescommecertainesécervelées.

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Pasdepassion.LevisagedeJulianasurgitdevantsesyeux,etilcrutl’entendre.Mêmeunducaussifroidquevous

nepeutvivresanspassion.Balivernes.Lapassionn’avaitpassaplacedansunbonmariageanglais.LadyPénélopeseraitde

sonavis.Cequifaisaitd’ellelacandidateidéale.Celledontilavaitbesoin.Nousavonstousbesoindepassion.IlcrutentendreJulianachuchotercesmotsd’untonmoqueur,avecsonaccentitalien.Ilserrales

dents.Elleignoraitcedontilavaitbesoin.—Jesuisheureuxdesavoirquevousapprouvezcemariage,dit-ilàvoixhaute.— Naturellement. Deux grandes lignées de l’aristocratie britannique. Les mêmes origines, la

mêmeréputation,répliqualemarquisenôtantsongantpourtendrelamainàSimon.Ce dernier serra la main de son futur beau-père. Le marquis serait-il toujours du même avis

quandlessecretsdeLeightonHouseseraientdévoilés?LaréputationdesLeightonneseraitplusaussiimpeccable.Simonespéraquecemariageprestigieuxleurpermettraitdesurvivreauscandale.Ils regagnèrentDolbyHouse, et ilpoussaunprofondsoupir. Ilne lui restaitplusqu’à faire sa

demandeàlajeunefemme.Lemarquisluicoulaunregarddebiais.—Pénélopeestàlamaison.Vouspouvezluiparler,sivouslesouhaitez.Detouteévidence, lemarquisvoulaitquelemariagesoitannoncéofficiellement.Cen’étaitpas

tous les jours qu’un duc cherchait une épouse. Simon considéra la suggestion deNeedham. Il n’yavaitaucuneraisonderepousserl’inévitable.

Deuxsemaines.IlavaitaccordédeuxsemainesàJuliana.C’étaituneidéeridicule,alorsqu’ilauraitpuoccupercesdeuxsemainesàpréparersonmariage.

Etl’unionauraitpuêtrescelléeavantmêmequecelapsdetempssoitécoulés’ilavaitinsisté.Aulieudequoi,ilavaitoffertcesquinzejoursàJuliana,pourjoueràsesjeuxstupides.Comme

s’ilavaitdutempsàconsacreràsesfantaisiesetà…Sesétreintesirrésistibles.Non.Cematin, il avait commisune erreur qu’il ne devrait pas répéter.Quelle que soit l’envie

qu’ilenavait.Ilsecoualatête.—Vousn’êtespasd’accord?Tirédesarêverie,Simonseraclalagorge.—Sivouslepermettez,j’aimeraiscourtiserladyPénélopecommeilconvient.—Voussavezbienquec’estinutile.Aprèstout,cen’estpasunmariaged’amour.Cetteidéesemblaamuserlemarquis,quiritàgorgedéployée,tandisqueSimonfaisaituneffort

considérablepournepaslaisservoirsonirritation.— Tout le monde sait que vous n’êtes pas un sentimental. Pénélope ne s’attend pas à être

courtisée.—Toutdemême,réponditSimoneninclinantlatêtedecôté.—Pourmoi,celanefaitaucunedifférence,Leighton.Sij’aiunconseilàvousdonner,c’estdene

pasluioffrirunefausseimagedevous.Lesépousessontbienplusfacilesàdirigerquandellessaventàquois’attendre.

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La marquise de Needham and Dolby avait décidément beaucoup de chance, songea Simon,narquois.

—Jesuivraiceconseil.—Quediriez-vousd’uncognac?proposalemarquis.Afindecélébrercetteexcellenteunion?Simon n’avait nulle envie de passer davantage de temps avec son futur beau-père. Il n’était

cependantpasassezfoupourdéclinersonoffre.Ilnepouvaitplussepermettrederesterau-dessusdelamêlée.

—Volontiers,répondit-il.

Deuxheuresplustard,installédanssonfauteuilpréféréavecsonchiencouchéàsespieds,Simonsedécouvraitbeaucoupmoins triomphantqueprévu.Lerendez-vousn’auraitpourtantpumieuxsedérouler.Ilallaits’allieràunefamillerespectée,dontlaréputationétaitsanstache.Iln’avaitpasvuladyPénélope,etpourêtrefranciln’enavaitpaseuenvie.Maistoutsepassaitbien,et ilnerestaitplusqu’àobtenirsonaccordpourquelesfiançaillesdeviennentofficielles.

—Jesupposequetavisites’estconcluedemanièresatisfaisante.Ilseraidit,tournalatêteetrencontraleregardfroiddesamère,qu’iln’avaitpasentendueentrer.

Ilseleva.—Trèssatisfaisante.—Lemarquisadonnésonconsentement?—Oui,réponditSimonensedirigeantversladesserte.—Ilestunpeutôtpourboire,Leighton.—Considérezquejecélèbrel’événement.Samèreneditrien,maisellenelequittapasdesyeux.Ilsedemandacequ’ellepensait.Nonqu’il

eûtjamaissucequisecachaitsousl’apparenceglacialedelafemmequil’avaitmisaumonde.—Vousserezbientôtbelle-mèreetduchessedouairière,ajouta-t-il.Ellenemorditpasàl’hameçon.D’aussiloinqu’ils’ensouvienne,ellenel’avaitjamaisfait.Elle

secontentadehocherbrièvementlatête,commesitoutétaitréglé.Commesic’étaitsimple.—Quandenvisages-tudeteprocurerunedispensedebans?Deuxsemaines.Simonfermalesyeuxpourgardercettepenséeàdistanceetavalaunegorgéedescotch,histoire

dedissimulersonhésitation.—Vousnecroyezpasquejedevraisd’abordparleràladyPénélope?Laduchesserenifla,hautaine,commesilaquestionlaheurtait.—Lesducsenâgedesemariernecourentpaslesrues,Leighton.Elleestsurlepointdefairele

meilleurmariagedeladécennie.Netraînepas.Ildéceladanscestroismotsl’exigencehabituelle.L’assurancequ’unhommecommeluiferaitce

qu’ilfallaitpourpréserverl’honneurdeleurnom.Simonregagnasonfauteuilets’yaffala,feignantunesuprêmenonchalance.Unexploit,vuson

agacement.L’imperceptiblehaut-le-corpsdesamèreluiprocurauneinfimesatisfaction.—Je n’ai pas àme comporter commeunebrute,mère. Je vais courtiser cette jeune fille.Elle

méritequ’onmanifestequelquessentiments,vousnecroyezpas?Laduchessenebronchapas,etsonregarddemeuraimpénétrable.Simonserenditcomptequ’elle

ne lui avait jamais fait le moindre compliment. En était-elle seulement capable ? se demanda-t-il

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fugitivement.Probablement pas.Les aristocrates nemanifestaient jamais leurs émotions, et encoremoinsavecleursenfants.

Lessentiments,c’étaitbonpourlepeuple.Iln’avaitjamaisvusamèreexprimerunsentiment.Ellen’étaitjamaisheureuse,triste,encolère,

amusée.Unefois,ill’avaitentenduedéclarerquelesamusementsétaientdestinésauxgensd’unranginférieur. Quand Georgiana était enfant, elle était toujours d’humeur joyeuse et aimait rire. Laduchesselatoléraitdifficilement.

—Nesoispasaussiordinaire,monenfant,disait-elleavecunemoueàlalimitedudégoût.TonpèreestleducdeLeighton.

Georgianacessaitaussitôtdesourire,etpeuàpeusajoiedevivreavaitdisparu.Riend’étonnantque sa sœur se soit enfuie quand elle avait découvert son état, songea Simon. Leur mère n’avaitjamaisfaitmontredumoindreamourmaternel.

Ilnevalaitguèremieux.—TueslasœurduducdeLeighton!—Simon…c’étaituneerreur.—LesPearsonnecommettentpasd’erreur!Etill’avaitabandonnéelà,dansleYorkshire.Seule.Quandilavaitinformésamèreduscandalequilesmenaçait,ellen’avaitpasbougé,lerythmede

sarespirationn’avaitpaschangé.Elleavaitdardésurluisonregardgris,etdéclaré:—Ilfauttemarier.Ilsn’avaientjamaisreparlédeGeorgiana.Uneboufféederegretl’assaillit.Ill’ignora.—Leplusvitepossible,Leighton.Avant.Quelqu’unquineconnaissaitpasladuchesseauraitpucroirequ’ellen’avaitpasréussiàterminer

saphrase.Simonsavaitàquois’entenir.Samèreéconomisaitsesparoles.Etilsavaitparfaitementcequ’ellevoulaitdire.

Elle n’attendit pas sa réponse, car elle était certaine qu’il tiendrait compte de sa demande.Tournantlestalons,ellequittalapièce,sûrequesonfilsferaitcequ’ilfallait.

Avant.Avantqueleursecretsoitdécouvertetleurnomtraînédanslaboue.Avantqueleurréputationsoit

souillée.Sionluiavaitditquatremoisplustôtqu’ilsemarieraitpoursauverl’honneurdelafamille, il

auraitriaunezdel’insolentosantfairecetteprédiction,etl’auraitenvoyépromener.Biensûr,quatremoisplustôttoutétaitdifférent.Simonétaitencorelemeilleurpartid’Angleterre,etcelanesemblaitpasdevoirchanger.Quatremoisplustôt,riennepouvaitl’atteindre.Marmonnant un juron, il renversa la tête contre le dossier de son fauteuil. La porte de la

bibliothèques’ouvritdenouveau,maisilgardalesyeuxfermés.Ilnevoulaitpaslavoir.Untoussotementpoli,puisunevoixfamilière:—VotreGrâce?—Oui,Boggs?réponditSimonenseredressant.Lemajordomes’avançaetluiprésentaunplateaud’argent.—Pardonnez-moi,unmessageurgentvientd’arriver.Simon s’emparade l’épaisse enveloppeécrue, et la retourna.Envoyant le sceaudeRalston, il

éprouvauneviveappréhension.Ilnepouvaityavoirqu’uneseuleraisonpourqueRalstonluienvoieunmessageenurgence.

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Georgiana.—Vouspouvezdisposer.Lemajordome se retira. Dès la porte refermée, Simon glissa le doigt sous le cachet de cire.

Résigné,ildéplialefeuilletetlutlesdeuxlignesqu’ilcontenait.Respirant de nouveau – il avait manifestement retenu son souffle –, il froissa le papier avec

colère.

17heures,prèsdelaSerpentine.Cettefoisjeseraihabilléeconvenablement.

—Expecto,Expectas,Expectat…Julianamurmura lesmots latins tout en faisant des ricochets à la surface de la Serpentine. Le

soleilcommençaitàsombreràl’horizon.Ellen’auraitpasdûenvoyercemessage.—Expectamus,Expectatis,Expectant…Ilétaitplusde17heures.S’ilavaitdécidédevenir,ilseraitdéjàlà.Assiseàquelquespassurune

couverturedelaine,Carla,saservante,poussaunsoupird’impatience.—J’attends,tuattends,elleattend…S’il montrait la lettre à Ralston, elle ne pourrait plus jamais mettre le nez dehors sans être

accompagnéed’unbataillondeservantesetdechaperons.EtsansdoutedeRalstonlui-même.—Nousattendons,vousattendez,ellesattendent…Ellefitunnouvelessai,ratasonricochet,etregardalapierredisparaîtresouslasurface.—Ilneviendrapas,lançaCarlaenitalien.Juliana se retourna et croisa le regard sombre et impassible de la servante. Celle-ci serrait

étroitementsonchâlepourseprotégerdelabiseautomnale.—Tudiscelaparcequetuasenviederentrer.Carlahaussalesépaules.—N’empêchequec’estvrai.—Tun’espasobligéederester,rétorquaJulianaenserembrunissant.—Enfait,si.Jesuisobligée.Etcelanemedérangeraitpass’ilnefaisaitpasaussifroiddansce

pays.Pasétonnantquevotreducaitbesoind’unpeudechaleur.Commepourponctuercesparoles,leventrepritdelaforceetmanquad’emporterlechapeaude

Juliana.Elleleretint,grimaçantquandlesrubansluifouettèrentlevisage.Puisleventretomba,etelleserisquaàrelâcherlesbordsduchapeau.

—Cen’estpasmonduc.—Ah,non?Alorspourquoil’attendons-nousici,dansceventglacial?Julianaregardalajeunefemmeenfronçantlessourcils.—Tusais,onm’aditque les femmesdechambreanglaisesétaientbeaucoupplusobéissantes.

J’envisaged’enchanger.—Jevouslerecommande.Jepourraienfinretourneràlacivilisation.Etretrouverlachaleur.—Encoredixminutes,décrétaJulianaensepenchantpourramasserunepierre.Carlasoupirabruyamment,etJulianasouritmalgréelle.SicontrarianteetrétivequesoitCarla,

saprésencelaréconfortait.C’étaitunpersonnagefamilierdanscemondeétrangeetinconnu.Un monde bizarre, plein de frères, de sœurs, de règles immuables, de bals, de chapeaux, et

d’hommesincroyablementirritants.

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Des hommes auxquels on n’envoyait pas d’invitations au milieu de la journée, écrites sur lepapieràlettresdesonfrère.Ellefermalesyeux,enproieàunegênesoudaine.

Ç’avait été la pire des idées. Ce matin, elle avait regagné sa chambre avant que les autresoccupantsdeRalstonHousesoientlevés,portéeparl’excitationdesarencontreavecLeighton,griséeàl’idéed’avoirtroublécethommeenapparenceinébranlable.

Ill’avaitembrassée.Rienàvoiraveclesbaisershésitantsdesgarçonsqu’elleavaitconnusenItalie.Desbaisersvolés,

alorsqu’ilsl’aidaientàdescendredunaviremarchanddesonpèreetladéposaientsurlequai.Noncebaiser-là…c’étaitceluid’unhomme.

Unhommequi savait ce qu’il voulait, et qui n’avait jamais eu besoin de demander. Ses lèvresavaientlemêmegoûtquequelquessemainesauparavant.Legoûtdelaforce,dupouvoir,etd’autrechosed’absolumentirrésistible.

Lapassion.Ellel’avaitmisaudéfidedécouvrircesentiment,maisnes’étaitpaspréparéeàl’éprouverelle-

même.Elleavaitdûfaireappelàtoutesonénergiepourremonteràchevaletlelaisserlà,seul,danslalumièredoucedupetitmatin.

En rentrant chez elle, enivrée par le succès de leur rencontre, aux anges à l’idée de l’avoirdéstabilisé,ellen’avaitpaspurésisteràlatentationd’allerencoreplusloin.Elles’étaitglisséedanslebureaudeRalstonalorsquecelui-cidormaitencore,etavaitécritunmessagepourLeighton.

Unebrusquerafaledeventbalayalaprairie,etlasurfacedel’eauondula.Julianaseplaçadosauvent,agrippantlesreversdesacape,tandisqueCarlaronchonnaitenitalien.

Ellen’auraitpasdûenvoyercemessage.Ellelançauncailloudansl’eau.C’étaitunetrèsmauvaiseidée.Puisunautre.Commentavait-ellepucroirequ’ilviendrait?Iln’étaitpasidiot.Pourquoin’était-ilpasvenu?—Celasuffit,idiota.Ilnevientpasparcequ’iladelajugeote.Contrairementàtoi,marmonna-t-

elle.Elleétaitlassed’attendre.Lefroidlatransperçait,lanuittombait,elleallaitrentrer.Toutdesuite.Elle réfléchirait demain à la suite à donner aux événements. Pas question de renoncer. Elle

disposait encore d’une semaine et cinq jours pour faire plier cet arrogant. Qu’il l’ait ignoréeaujourd’huinefaisaitquerenforcersadétermination.

Ayantpriscettedécision,Julianaregagnal’arbresouslequelétaitassisesadomestique.—Andiamo.Rentrons.—Ah, finalmente, commenta la servante en se levant. J’ai bien cru que vous n’abandonneriez

jamais.Abandonner ? Il n’en était pas question. Elle rassemblait juste ses forces pour la prochaine

bataille.Justeàcemoment,unenouvellebourrasqueemportasonchapeau.Poussantuncri,elleleregarda

s’envolerettomberenrebondissantàlasurfacedulactelleslespierresqu’elleavaitlancéesunpeuplustôt.Ilfinitpars’accrocheràunegrossebranchequiflottaitlelongdelaberge,leslongsrubanss’agitantau-dessusdel’eaucommepourlanarguer.

Carlaricana,etJulianaluijetaunregardfurieux.—Tuasdelachancequejenet’envoiepaslechercher.

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—Jetrouvecettesuggestionamusante,rétorquaCarlaenarquantunsourcil.Ignorant sa remarque impertinente, Juliana reporta son attention sur le chapeau. Elle n’allait

quandmêmepaslaisseruncouvre-chefavoirledessus!Ilfallaitqu’ellegagnelapartiedetempsentemps.

Quandbienmêmeelledevraitentrerdansl’eaujusqu’àlataille.Aprèsavoirôtésacape,Julianaposaavecprécautionunpiedsurletroncd’arbrequidépassaità

lasurface,lesbrasécartéspourgarderl’équilibre.—Stateattenta,recommandaCarla.Julianaignoraleconseiletseconcentrasurlechapeau.Leventsoulevalagarniturededentelle

bleue,etellesefigea,craignantqu’ilnel’emportedenouveau.Leventretomba.Lechapeaurestaàsaplace.Bien.Julianacontinuad’avanceravantquelechapeaunesoitsacrifiéauxdieuxdelaSerpentine.Encorequelquespas.Elleyétaitpresque.Ellesepenchaprudemment,lamaintendue.Sesdoigtseffleurèrentunboutdesatin.Etsoudain,uncoupdeventagitalecouvre-chef.Agacée,Julianaenoubliasonéquilibreprécaire

etselançaenavantpourleretenir.L’eaudelaSerpentineétaitencoreplusfroideetplusprofondequ’ellenel’imaginait.Elle remonta à la surface en crachotant et en jurant commeundocker, tandis queCarla riait à

gorgedéployée.Instinctivement,ellesetournaverslarive.Maissesjuponss’enroulèrentautourdesesjambes,l’entraînantverslefonddelarivière.

Décontenancée,elledonnauncoupdepied,remontabrièvementàlasurfaceetinspiraunegouléed’air.Queluiarrivait-il?

Quelque chose clochait. Elle était une excellente nageuse, pourquoi ne parvenait-elle pas à semainteniràlasurface?

Elledonnaunnouveaucoupdepied,etcompritquesesjupesgorgéesd’eaul’entraînaientverslebas.

Lapaniquelagagna.Elle tendit lesbras,battit des jambesdésespérément.Envain.Sespoumonsétaient en feu, l’air

commençaitàluimanquer.Jevaismenoyer.Cesmotsluitraversèrentl’espritetellecessadelutter.Puisquelquechoseluiagrippalamain,latiraverslehaut.Et…elleputrespirer.Dieusoitloué.Elleseconcentrasursarespirationtandisqu’onlahissaitsursespiedsquitouchèrentunesurface

solide.Maissesjambessedérobèrentsouselle.Elles’effondracontresonsauveteur,plongédansl’eaujusqu’àlapoitrine,noualesbrasautour

desoncou,s’accrochantàluicommeàunrocher.Il lui fallut un certain temps pour revenir à la réalité, pour entendre Carla gémir comme une

grand-mère sicilienne, pour sentir la morsure du vent sur son visage et ses épaules, et prendreconsciencedesmouvementsdel’hommequilasoutenaittandisqu’elletremblaitdepeuretdefroid.

L’hommeluimurmuraitdesparolesapaisantes.Enitalien.—Respirez…jevoustiens…toutvabien.Ellesentitsontorsesesoulevercommeilinspiraitprofondément.

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—Vousêtesensécurité,répéta-t-il.Petitesotte…jevoustiens.Sesmainsglissèrentlelongdesesbras,sursondos.—Quediablefaisiez-vousdanslelac?Etsijen’avaispasétélà?Chut…Jevoustiens.Seial

sicura.Vousn’avezrienàcraindre.Julianamitunmomentavantdereconnaîtrelavoix.Puiselleleregarda.Simon.Décoiffé, trempé, ses cheveux blonds que l’eau assombrissait lui retombant sur le visage, il

n’avaitplusriendecommunavecleducdigneethautainqu’elleconnaissait.Etilétaitmerveilleux.Julianaditlapremièrechosequiluipassaparlatête.—Vousêtesvenu.Etilluiavaitsauvélavie.—Justeàtemps,apparemment,répondit-ilenitalien.Unequintedetouxlasecouaetellesecramponnaàlui.Quandelleeutrecouvrésonsouffle,elle

croisasonregard.Sespupillesavaientlacouleurducognac.Illuiavaitsauvélavie.Ellefrissonnaàcettepensée.—Vousavezfroid.Illasoulevaetl’emportasurlaberge,oùCarlaétaitauborddelacrisedenerfs.—Madonna!J’aicruquevousétiezmorte!s’exclamalaservanteenitalien.Noyée!J’aihurlé

pourappeleràl’aide!Jenesaispasnager,expliqua-t-elleàSimon.Siseulementj’avaisapprisquandj’étaisplusjeune!MiJulianina!Sij’avaissu…jen’auraispasdûvouslaissermarchersurcetroncd’arbre!GrâceàDieu,vousétiezlà,monsieur!Vousêtesvenu…unpeutard,ajouta-t-elleavecunzestedemépris.

SiJulianan’avaitpaseuaussifroid,ledédaindeCarlal’auraitfaitrire.Eneffet,ilétaitenretard.Maisilétaitvenu.Elleluiglissaunregardencoin.LaréflexiondeCarlan’étaitpaspasséeinaperçue.Ils’étaitfigé,sestraitssemblaientsculptésdanslemarbre,commeceuxd’unestatueromaine.

Il n’avait pas pris le temps d’enlever sa veste avant d’entrer dans l’eau. Curieusement, sesvêtementstrempéslefaisaientparaîtreplusgrand,plusdangereux,plusintraitable.Unegoutteroulasursonfront,etellefuttentéedel’essuyerduboutdesdoigts.

Oudeseslèvres.Ellechassacettepensée,certainementdueàsarencontreaveclamort,etreportasonattentionsur

labouchefermeduduc.Elleeutaussitôtenviedel’embrasser.Unnerftressautasursamâchoire,trahissantsacolère.Peut-êtremêmesafureur.Julianafrissonnaetessayadesepersuaderquec’étaitàcausedufroidetduvent.Croisantlesbras

sursapoitrine,elleremerciaCarlaquiluidrapasacapesurlesépaules.Celanelaréchauffapas,etellefrissonnadenouveausousleregardglacialdeLeighton.

DetousleshommesquivivaientàLondres,pourquoifallait-ilquecesoitluiquisesoitportéàsonsecours?

Quelquespersonness’étaientregroupéesautourd’euxetlesobservaient.Elleétaitcertainequ’ilssavaientparfaitementquielleétait.

Dèslelendemain,toutLondresseraitaucourantdecettehistoire.L’émotionlasubmergea.Unmélanged’épuisement,depeur,degratitudeetdegêne.Sonestomac

se contracta et elle craignit de vomir sur les bottes du duc que ce séjour dans l’eau avaitdéfinitivementruinées.

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Toutcequ’ellevoulait,àprésent,c’étaitêtreseule.—Mer…ci…Votre…Grâce…balbutia-t-elle.Ellevenaitdefrôlerlamort,maiselleparvenaittoutdemêmeàsemontrerpolie.Etenanglais,

qui plus est ! Soutenue par Carla, elle prononça les mots qu’elle aurait voulu ne jamais avoir àarticuler:

—Jevoussuisredevable.Ellecommençaitàpivotersursestalons,presséederentrerchezellepourprendreunbainchaud,

lorsquelavoixduducl’arrêtadanssonélan.—Nemeremerciezpas,dit-ildansunitalienparfait.Jen’aijamaisétéaussifurieuxdemavie.

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L’eausertàselaver,jamaisàs’amuser.Lesdamesraffinéesnes’éclaboussentpasdansleurbain.

Traitédesdamesraffinées

Nous apprenons qu’il se fait des découvertes extraordinaires dans notrevieilleSerpentine…

Journaldespotins,octobre1823

Simonavaitdumalàcontenirsacolère.Cettefilleavaitfaillisetueretellecroyaitpouvoirenresterlà?De toute évidence elle était épuisée, frigorifiée et sous le choc. Mais elle était encore plus

écervelée qu’il ne le pensait si elle croyait qu’il allait la laisser rentrer chez elle sans un motd’explicationsursaconduiteahurissante.Lapeuretledésespoirsemêlaientdanssonregard.Bien.Elleyréfléchiraitsansdouteàdeuxfoisavantderecommencer.

—Vousn’allezpasledireàRalston,n’est-cepas?—Biensûrquesi.Ellefitunpasversluietpassaàl’anglais.—Maispourquoi?Celaneserviraqu’àl’inquiéterinutilement.— Inutilement ?Aucontraire,mademoiselleFiori. Il faut quevotre frère sachequevous avez

besoind’unchaperonpourvousempêcherdevouscomporteravecimprudence.—Jen’étaispasimprudente,sedéfendit-elle.—Ahnon?Commentexpliquez-vouscequis’estpassé?Ilyeutunsilence,pendantlequelJulianaréfléchitmanifestement.Ellesemordillalalèvre,etil

neputs’empêcherd’enêtretroublé.Ledésirletransperça,violent,brutal,etilseraidit.Ilnevoulaitpascettefemme.Elleétaitfolle.

Unefolledivinementbelle.—Moncomportementétaittoutàfaitraisonnable,déclara-t-ellefinalement.—Vousavezgrimpésuruntroncd’arbre!—Ilmeparaissaitsolide.—Vousêtestombéedansunlac,luirappela-t-ild’unevoixgrondante.—Jenepensaispasqu’ilétaitaussiprofond.Celacneressembleàaucunautre.—Parcequecen’estpasunvrailac.Ilestartificiel,creuséparlamaindel’homme.—Pourquoi?s’exclama-t-elleenécarquillantlesyeux.

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—Commejen’étaispasencorenéàl’époque,jenesauraishasarderuneréponse.— Il faut être anglais pour avoir l’idée farfelue de fabriquer un lac, lança-t-elle à Carla, qui

pouffa.—Etitaliennepourtomberdedans!rétorquaSimon.—J’essayaisderécupérermonchapeau!—Ah…voilàquirendvotrecomportementpluslogique!Savez-vousseulementnager?—Nager? répéta-t-elle,outrée. Jesuisnéesur lesbergesde l’Adige !Et sachezquec’estune

vraierivière.—Impressionnant,dit-ilavecflegme.Etvousavezdéjànagédanscetterivière?—Biensûr!Maisjeneportaispastouscesjupons!—Pourquoi?—Parcequ’onnepeutpasnageravecdesjupons.Onsenoierait.—Ah!fit-ilensebalançantsursestalons.Vousavezaumoinsapprisunechoseaujourd’hui!Elleétrécit lesyeux,et ileut lanette impressionqu’elleavaitenviedeluidécocheruncoupde

pied.Tantmieux.Qu’ellesoitfurieusel’aidaitàrecouvrersonsang-froid.Seigneur,elleavaitfaillisenoyer!Iln’avaitjamaiseuaussipeurdesavie.Ilétaitarrivéauborddulac,sereprochantd’avoirlaissé

cetteItaliennedéciderdelafaçondontilallaitpasserl’après-midi.N’aurait-ilpasétémieuxchezlui,àmenersaviehabituelleetbienrangée?Etsoudain,ilavaitétéconfrontéàcethorribletableau.Laservantequihurlaitenappelantà l’aide, lesremousà lasurfacede l’eau,et les tourbillonsdesoiebleueàl’endroitoùJulianaétaitentraindesuffoquer.

Arrivait-iltroptard?—Jevousl’aidit,j’avaisunetrèsbonneraisond’allerauborddulac,reprit-elle,letirantdeses

réflexions.Sansceventetcesmauditsvêtements,toutseseraittrèsbienpassé.Commepoursoulignercettedéclaration,leventpritdelaforce,etellesemitàclaquerdesdents.

Elle croisa les bras pour se protéger du froid, et tout à coup elle eut l’air… petite. Et fragile. Àl’opposédel’imagequ’ilavaitd’elle,audacieuseetindestructible.Sacolères’évanouitetiln’eutplusqu’uneenvie:l’envelopperdesesbraspourlaréchauffer.

Cequi,bienentendu,étaitimpossible.Ilyavaitdumondeautourd’eux–etlesbavardagesseraientsuffisammentconséquentssansqu’il

aitbesoindelesalimenter.Iljuraàmi-voixtandisqu’ilfranchissaitladistancequilesséparait.Ilsetournademanièreàla

protégerduvent.Siseulementilpouvaitseprotégerd’elle!—Pourquoifaut-iltoujoursquevousmemettiezàl’épreuve?lança-t-ild’untonhargneux.—Parcequevousvousattendeztoujoursàmeprendreendéfaut.Quejememontreimprudente,

quejeruinemaréputation.—Prouvez-moiquej’aitort.—C’estcequejefais!Puisquejechoisisdélibérémentd’êtreaudacieuse.—Vousêtesgelée,dit-il,agacé.—Pas…pasvous?murmura-t-elle,leslèvrestremblantesdefroid.Froid,lui?Ilétaitenfeu.LesvêtementsdeJulianaétaienttrempés,sescheveuxdéfaits,elleaurait

dûparaîtrepitoyable.Orelleétaitsplendide.Seshabitsmoulaientsoncorpspulpeux,etl’eaumettaitenvaleurses traitsmagnifiques–pommetteshautes,yeuxd’unbleupursoulignéspard’immenses

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cilsnoirs,teintdeporcelaine.Ilsuivitdesyeuxunegouttequiroulaitdanssoncou,etéprouvauneenviefolledel’arrêterduboutdelalangue.

Elleétaitvivante.Etilladésirait.Dieumerci,ellefrémitdenouveau,cequiluipermitdeseressaisir.Ilfallaitqu’illaramènechezelleavantqu’ellen’attrapeunepneumonie.Etavantqu’ilnedeviennecomplètementfou.—Vousêtesvenuesenvoiture?demanda-t-ilàlaservanteenitalien.—Non,VotreGrâce.— Je vais ramener votre maîtresse dans mon cabriolet. Retrouvez-nous à Ralston House,

ordonna-t-ilenprenantJulianaparlecoudepourl’entraînerdanslechemin.—Vous…vouscroyezqu’ellevavousobéir?questionnacettedernière,commesielletrouvait

cettepossibilitéridicule.Ignorantsaremarque,SimongardalesyeuxfixéssurCarla.—Oui,VotreGrâce,ditlaservante,quis’inclinaavantdes’éloigner.IlbaissalesyeuxsurJuliana,quileconsidéraitavecirritation.Celaravivasaproprecolère.La

veille et ce matin, elle avait mis sa réputation en danger. Cet après-midi, elle avait risqué sa vie.C’étaitintolérable.

Ilsfirentquelquespasensilence,puis:—Vousauriezpumourir.Elleeutl’ombred’unehésitation,etilcrutqu’elleallaitencoreluidemanderpardon.—Maisjenesuispasmorte,répliqua-t-elleenesquissantunemoue.J’aidouzevies,vousavez

oublié?S’iln’avaitpasétéaussifurieux,ilauraitpeut-êtreadmirésaténacité.Pourl’heure,ilavaitjuste

enviedelasecouer.Ilrésistaàlatentation.Àpeine.Ilsatteignirentsoncabriolet,etillahissatoutefrissonnantedanslevéhicule,avantdegrimperà

sescôtés.—Jevaisabîmervossièges.Laremarqueétaitsifutile,auregarddecequis’étaitpassé,qu’ilsetournaverselle,stupéfait.— Je m’étonne que vous vous inquiétiez pour mes fauteuils, quand vous accordez si peu

d’importanceàvotreproprevie.Comme pour ponctuer ces paroles, elle éternua. Simon jura entre ses dents et attrapa une

couverturedevoyagederrièrelui.—Etmaintenant,vousalleztombermalade.Prenezcela.—Merci,dit-elled’unevoixferme,avantdedétournerlesyeux.Sans doute aurait-il dû se montrer plus courtois, songea-t-il.Mais il n’était pas d’humeur. Ils

sortirentdeHydePark.Lessabotsdeschevauxclaquaientsurlespavésetc’estàpeines’ill’entenditdéclarer:

—Vousn’êtespasobligédemeparlercommesij’étaisunedemeurée.Jen’avaispasl’intentiondemenoyer.

Simon éprouva un pincement au cœur. Il n’aurait pas dû être aussi dur avec elle. Mais il nepouvaits’enempêcher.

—Quoiqu’ilensoit,sijen’étaispasarrivé,vousvousserieznoyée.—Vousêtesvenu,dit-ellesimplement.Ilavaitessayéderésister.

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Il avait jeté sa lettre dans la corbeille à papier de son bureau. Puis il avait fait semblant del’oublierpendantqu’ildépouillaitsoncourrier.Etaussipendantqu’ildiscutaitavecsonsecrétaire.

Ensuite, il avaitouvert lepaquetquesamère luiavait envoyémoinsd’uneheureaprès l’avoirquitté.LecoliscontenaitlesaphirdesLeighton,labaguedefiançaillesportéepardesgénérationsdeduchessesdeLeighton.

Ilavaitposélabaguebienenvuesursonbureau.Pourtantlafeuillefroisséesemblaitlenarguerdanslacorbeille,commesiJulianaavaitseméledésordredanssamaisonsibienrangée.Oùqu’ilposâtlesyeux,ilcroyaitvoirlamissive.Queferait-elles’ilnerépondaitpas?

Ellen’hésiteraitpasàutiliseruneméthodeplusscandaleuse,devinait-il.Ilimaginaitsesbouclesnoires,sesyeuxbleuslançantdeséclairs…

Puisilavaitdemandésoncabriolet,etl’avaitlancéàuneallureunpeutropvivepourunhommedéterminéàévitercettefriponne.

Ilavaitétéàdeuxdoigtsd’arrivertroptard.Àcettepensée,sesmainssecrispèrentsurlesrênes,etleschevauxs’agitèrent,décontenancés.Il

s’obligeaàsecalmer.—Vousavezeude lachance, car j’ai faillinepasvenir.M’envoyercemessageétait à la fois

déraisonnableetpuéril.Etquellemouchevousapiquéedeplongerdanscelac?—Jen’aipasplongé,jesuistombée.C’étaitunaccident.Jesupposequevousnefaitesjamaisce

genred’erreurs.—Non,passiellespeuventmecoûterlavie.—Bien.Toutlemondenepeutpasêtreaussiparfaitquevous.—Vousn’avezpasréponduàmaquestion,s’entêta-t-il.—Vousvouliezsavoirquelquechose?J’aicruquevousprononciezunjugement.—Lelac,reprit-ilenluilançantunregardencoin.Quefaisiez-vousdanslelac?—Jevousl’aidit,j’aisuivimonchapeau.—Votrechapeau?—C’estundemespréférés,jenevoulaispasleperdre.—Votrefrèrevousenauraitachetéunautre.Jevousenauraisoffertunedouzaine,sicelaavait

pumedispenserde…Ils’interrompit.Devousvoirvousnoyersousmesyeux.—Jevoulaiscelui-ci,déclara-t-ellesanssedépartirdesoncalme.Jesuisdésoléedevousavoir

obligé à me sauver… Vous allez devoir faire retapisser les sièges de votre cabriolet, acheter denouvellesbottes…ettoutlereste.

—Jen’aipasdit…—Non,parcequevousêtestroppoli.Vousm’offririezunedouzainedechapeaux,sicelaavaitpu

vousdispenserdevoleràmonsecours?Unefoisdeplus?Elleéternuadenouveau.Elleauraitméritéd’êtrepuniepourl’avoir tenté…et l’avoir terrifié.Ilneditcependantrien.Il

parvintàmaîtrisersacolèreetàarrêterlecabrioletdevantRalstonHousesanss’êtreemporté.—Noussommesarrivés.Vousallezpouvoirdéléguerlerôledeprotecteuràquelqu’und’autre,

dit-elled’untonmaussade.Il lâcha les rênes et sauta à terre, semordant la langue pour ne pas répliquer. Il refusait de se

laisserentraînerdanslemaelströmd’émotionsquecettefemmefaisaitnaîtredanssonsillage.Laveille,elleluiavaitreprochésonabsencedesentiments.C’étaitrisible.

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Il contourna la voiture pour l’aider à descendre, mais elle s’était débrouillée sans lui et sedirigeaitdéjàverslaporte.

Surladernièremarcheduperron,elleseretournaetlefixaavecl’aplombd’unereineendépitdesesvêtementstrempésetdesescheveuxquiluicollaientauxépaules.

— Je suis désolée de vous avoir causé tant de dérangement, alors que votre journée était sansdouteparfaitementorganisée.Jem’efforceraidenepasrecommenceràl’avenir.

Ellecroyaitl’avoirdérangé?Lemotétaitfaiblepourdécriretouslessentimentsparlesquelsilétaitpasséaucoursdel’après-

midi.Ilavaitétéfurieux,terrifié,complètementdéstabilisé.Ilavaiteuenviedecasserquelquechose.Etlaconversationqu’ilallaitavoiraveclefrèredeJuliananeferaitrienpourlecalmer.Maisqu’ilsoitmaudits’illuilaissaitvoiràquelpointelleletroublait!—S’ilvousplaît,répliqua-t-ildesontonleplushautain.Ilétaittentédel’abandonnerlà,surlepasdelaporte,etdes’enallersansdemandersonreste.Il

s’enabstintetdécidadelaraccompagner.Ensuiteseulement,ils’enirait.—Commejevousledisaishier,jen’aipasdetempsàperdreavecvospetitsjeux,ajouta-t-il.

Simonétaitlà.Danslamaison.Avecsonfrère.Aumoinsdepuistroisquartsd’heure.Etilsnel’avaientpasencorefaitappeler.Julianafitletourdelabibliothèque,sesjupestournoyantautourdeseschevilles.Ellen’arrivaitpasàcroirequ’aucundesdeuxhommesn’aitseulementsongéqu’elleaimeraitse

joindreàeuxpourdiscuterdesesaventuresdelajournée.Avecunreniflementagacé,elleallaàlafenêtrequidonnaitsurParkLane.LessilhouettessombresdesarbresdeHydeParksedétachaientauloin.

Bien sûr qu’ils ne l’avaient pas fait appeler ! Il ne devait pas exister homme plus autoritaire,irritant,exaspérantdanstoutel’Europe.

Une énorme voiture était garée devant la maison, toutes lanternes allumées. Les armoiries deLeighton, représentant un faucon, étaient gravées sur les portières. Un faucon ! Cela lui allait àmerveille.Unrapacefroidetsolitaire.

Toutencalculsetdénuédepassion.Ill’avaitsauvéeetramenéechezelle,sansmêmes’émouvoiràl’idéequ’elleavaitfaillimourir.Enfin,cen’étaitpastoutàfaitvrai.Àunmoment,dansleparc,ilavaitparus’inquiéterdesasanté.Justeunmoment.Puis tout à coup, il n’avait plus pensé qu’à se débarrasser d’elle. Et de tous les soucis qu’elle

créait.Ill’avaitdéposéesansplusdecérémoniedanslehalldeRalstonHouse,lalaissantaffronterseule

sonfrère.—DitesàRalstonquejereviendraicesoir.Allezvoussécher.Ilavait tenuparole,biensûr.Elleauraitpariéqu’ilsétaiententraindesemoquerd’elletouten

buvantuncognac,ouunscotch,ouquelqueautreboissondeprédilectiondecesmauditsaristocrates.Elleauraitaiméleurverserlecontenudeleurverresurlatête!

Avecunemouedégoûtée,ellecontemplasarobe.Ellel’avaitchoisietoutspécialementpourlui,parcequelevioletluiallaitbien.Ellevoulaitqu’illaremarque.

Etpasseulementàcausedeleurpari.

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Non,cettefois,ellevoulaitluifaireregrettersesparoles.Jen’aipasdetempsàperdreavecvospetitsjeux.Audébut ç’avait étéun jeu– la lettre, l’invitationàvenir la retrouver…–,mais lorsqu’il était

venuàsonsecours,lejeuavaitsombrécorpsetâmeaufonddelaSerpentine.Commesonchapeau.Etlorsqu’ill’avaittenuedanssesbrasenluimurmurantdesparolesapaisantesenitalien…rien

neluiavaitjamaisparuplussérieux.Maisill’avaitaussiréprimandée,commesicettemésaventureluiavaitfaitperdresontempsetsonénergie.

Commesiellen’étaitriend’autrequ’unesourced’ennuis.Etellen’avaitpluseuenviedejouer.Biensûr,ellene le luiavouerait jamais.Celaneserviraità riensinon luidonner l’occasionde

plaquer sur ses lèvres cet insupportable sourire supérieur, et de reprendre la main – commed’habitude.Etdecela,iln’étaitpasquestion.

Elleattendaitdoncpatiemmentdanslabibliothèque,résistantàl’enviedeseruerdanslebureaude son frère pour savoir ce que Leighton lui avait raconté, et dans quel pétrin elle se trouvait àprésent.

Delafenêtre,ellevit lecocherdescendredesonsiègeetallerouvrirlaportière.Julianasavaitqu’elle aurait dû s’écarter de la fenêtre, mais Leighton apparut. Ses cheveux blonds brillèrent uninstantàlalueurdeslanternesavantqu’ilcoiffesonchapeau.

Ils’arrêtadevantlaportièreouverte,etelleneputdétournerlesyeux.Iladressaquelquesmotsaucochertandisqueleventfaisaittournoyerlesfeuillesmortesetsoulevaitlespansdesonpardessus.Confrontéàunebourrasqueaussiviolente,n’importequelautrehommeaurait réagi.Pas legrand-ducdeLeighton.Lanatureelle-mêmenepouvaitledétournerdesonobjectif.

Elle se demanda ce qu’il disait, quelle adresse il donnait au cocher. Elle se pencha, son fronttouchantpresquelavitre,commesicelapouvaitluipermettredel’entendre.

Lecocherhochalatêteetreculapourtenirlaportière.Ilpartait.Le duc n’avait pas besoin demarchepied pourmonter dans sa voiture. Il posa lamain sur la

poignée. Elle aurait aimé que, pour une fois, il trébuche, qu’il ait l’air un peumoins parfait qued’ordinaire.

Ilmarquaunepause,etelleretintsonsouffle.C’estalorsqu’iltournalatêteetlaregarda.Étouffantunpetitcri,elles’écartavivementdelafenêtre,lesjouesenfeu.Puisl’irritationpritle

dessussurl’embarras.C’étaitluiquiauraitdûêtregêné.C’était luiqui l’avait insultéecetaprès-midi,quiétaitvenuvoirsonfrèrecesoir,etquin’avait

mêmepasdemandéàluiparler.Aprèstout,elleauraitpuavoirattrapéfroid,êtremalade.Ilnesesouciaitdoncpasdesasanté?Apparemmentnon.Elle ne se laisserait pas intimider. Elle était chez elle et elle avait le droit de regarder par la

fenêtre.Cequiétaitgrossier,c’étaitderegarderàl’intérieurdelamaison.Enoutre,elleavaitunpariàgagner.Inspirantlentement,ellerepritsaplacederrièrelavitre.Simonn’avaitpasbougé.Leursregardssecroisèrentetilarquaunsourcilimpérieux,commepourrevendiquerlavictoire

danscettebataillesilencieuse.Non,ellenelelaisseraitpasgagner.

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Ellecroisalesbrasdansuneattitudetrèsinconvenantepourunedameethaussaunsourcilàsontour.Elles’attendaitqu’ilsoitsurpris.Elleavait tort.Une lueurvaguementamuséevacilladanssesprunelles,puisilsedétournaetgrimpadanslavoiture.

Lecocherrefermalaportière,etJulianaéclataderire,espérantqu’illavoyaitparlafenêtreduvéhicule.

C’étaitellequiavaitgagné.Etc’étaitmerveilleux.—Juliana?Puis-jeentrer?Levisagedesabelle-sœurapparutdansl’entrebâillementdelaporte.Julianapivotavivementet

s’assitsurlabanquettedevantlafenêtreenarcdecercle.—Biensûr.Je…jenefaisaisriend’important.Qu’ya-t-il?Calliepénétradanslapièce,lesourireauxlèvres.— Je venais prendre de tes nouvelles etm’assurer que tu étais remise de ton aventure. Je suis

tellementheureusequetoutsesoitbienterminé.Jen’aurais jamais imaginédirecelaunjourmais,Dieumerci,leducdeLeightonétaitlà.

—Vousnel’aimezpas?—Leduc?Jeneleconnaispas.Pasvraiment.—Mais…?Callieréfléchit,l’airdecherchersesmots,puis:—Jediraisquesamèreetluionttoujoursétéarrogants,autoritairesetintraitables.Aupointde

paraîtreinsensibles.Ilnes’intéressequ’àunechose,saréputation.Jen’aijamaisaimélesgensaussirigides.Disonsplutôtquejenel’aimaispas,jusqu’àaujourd’hui.Maintenantqu’ilvousasauvéedelanoyade,jevaisdevoirrévisermonopinionàsonsujet.

Lecœurbattant,Julianaréfléchitauxparolesdesabelle-sœur.Ilnes’intéressequ’àunechose,saréputation.

—Jecroisquejevaisorganiserungranddîner,décrétaCallie.CommeJulianagardaitlesilence,ellereprit:—Vousnevoulezpassavoirpourquoi?—NoussommesàLondres,etnousavonsunegrandesalleàmanger.Ilyauneautreraison?—Jecroisquenousdevonsremercierleduc,réponditCallieavecunsourireindulgent.Etnous

pourrionsétendrelalisted’invitésàquelquespartisintéressants…—Oh,Callie,jevousenprie!marmonnaJuliana.C’esttrèsembarrassant.—Allonsdonc!Pendantquenousparlons,l’histoiredevotresauvetageserépandprobablement

danstoutLondres.Ilestdenotredevoird’empêcherlesexagérationsennouschargeantd’imposerlavérité.Enoutre,jepensequ’ilestimportantdetémoignerauducunminimumdegratitude,vousnecroyezpas?

—Faut-illefairedevantlamoitiédeLondres?—Paslamoitié,rectifiaCallieenriant.Toutauplusunedouzained’invités.Julianaconnaissaitsuffisammentsabelle-sœurpoursavoirqu’ilétaitinutiledediscuter.—Et cela ne nous fera pas demal d’avoir le duc de notre côté. Son amitié vous rendra plus

intéressanteauxyeuxdesautresmessieurs.—Etsijen’aipasenviedeplaireauxautresmessieurs?Calliesourit.—Êtes-vousentraindedirequevousvoulezplaireuniquementauduc?Callielataquinait,maisJulianasesentittoutdemêmerougir.—Non,dit-elled’unairaccablé,enespérantquesabelle-sœurneremarqueraitrien.

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— Juliana, nous ne vous obligeons pas à vous marier, toutefois ce serait bien que vousrencontriezunhommeoudeux.Quivousvoudrez.Desgensdebonnecompagnie.

—Celafaitdesmoisquevousmeprésentezdeshommes.Sanssuccès.—Unjouroul’autrevousfinirezparrencontrerquelqu’unquivousplaira.—Possible.Maisjeneluiplairaivraisemblablementpas.Ilmetrouveratropdifficile.—Quelleidée!Vousêtesbelle,amusante,merveilleuse.JevaisinviteraussiBenedick.Lecomted’AllendaleétaitlefrèreaînédeCallie.Juliananecachapassasurprise.—Pourquoidites-vouscelasurceton?—Sansraisonparticulière.Vousnel’aimezpas?— Si, mais… Callie, je vous en supplie, ne jouez pas les marieuses. Je ne conviens pas aux

hommesdanslegenredeBenedick.Niauxautres,d’ailleurs.—Jenejouepaslamarieuse,protestaCallieunpeutropfort.Jemedisaisjustequevousseriez

heureusedevoirunoudeuxvisagesfamiliers.—Oui,jesupposequeceseraitbien.—Juliana,est-cequequelqu’unaétégrossieravecvous?—Non.Toutlemondeestextrêmementpoli.Ilssonttrèscourtois,trèsanglais.Maisilestclair

quejenecorrespondspasà…cequ’ilsrecherchent.Chezunecompagne.—Uneépouse,corrigeaCallie.C’esttrèsdifférent.ToutLondres,endehorsbiensûrdesafamille,voyaitenelleunecompagne.Elleétaitbientrop

scandaleusepourdeveniruneépouse.Detoutefaçon,cemotneplaisaitpasàJuliana.—Callie,j’aiditdèsledébut…dèsmonarrivéeenAngleterre…quelemariagen’étaitpaspour

moi.—Fadaises!déclaraCallie.Pourquoipensez-vousunechosepareille?ParcequelafilledelamarquisedeRalstonn’estpasexactementl’épouserêvée.Bienentendu,ellenepouvaitdirecela.Parchance,laportedelabibliothèques’ouvrit,cequila

dispensaderépondre.Ralstonentra,sonexpressions’adoucitlorsqu’ilvitsafemme,qu’ildévoraduregard.

Juliananeniaitpasqu’êtreaiméeainsidevaitêtremerveilleux.Maisàquoibonperdresontempsàespérer?

Sonfrèrelesrejoignit,pritlamaindeCallieetlaportaàseslèvres.—Jevouscherchais,dit-il.Touteslesdeux.—Ditesàvotresœurqu’elleestbelle.Ralstoneutl’airsurpris.—Naturellement,qu’elleestbelle!Sielleétaituntoutpetitpeuplusgrande,elleseraitparfaite.LaplaisanteriefitrireJuliana.Elleétaitplusgrandequelaplupartdeshommes,àLondres.—Gabriel,jesuissérieuse!Elleestpersuadéequ’ellenepeutpastrouverunmari.—Pourquoi?interrogeaRalstonenfronçantlessourcils.—Jenesaispas!Peut-êtreparcequevousêtesunefamilled’entêtés?—C’estpossible.Jenepensepasnonpluspouvoirtrouverdemari.—Parcequetuestropgrand,déclaraJuliana.—Sansdoute.—Oh, vous êtes impossibles, tous les deux ! s’exclamaCallie. Il faut que j’aille superviser le

dîner.Essayezdefaireentendreraisonàvotresœur.DèsquelaportesefutreferméederrièreCallie,RalstonsetournaversJuliana.

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—Elle ne renoncera pas. Soit tu trouves une excellente raison pour expliquer ton refus de temarier,soittutepréparesàavoircegenredeconversationavecelletoutetavie.

—J’aiunebonneraison.—Jenedoutepasquetuensoispersuadée.Tuserasheureused’apprendrequej’aidécidédene

past’enfermeraugrenierpourlerestantdetesjoursafind’éviterdenouvellesaventuresloufoques.Maistun’espascomplètementàl’abri.Soisprudente,Juliana.Ilsetrouvequej’aimebienavoirunesœur.

—Jeneveuxpascauserdeproblèmes,souffla-t-elle,réconfortéeparlesparolesdesonfrère.Ce dernier alla se servir un scotch, puis alla s’asseoir devant la cheminée. Il lui fit signe de

prendrelefauteuilfaceàlui.—Non,mais tubouleverses labonne société. Inutiledenier, Juliana.Tucroisque tout ceque

nousavonsencommun,cesontnosyeuxbleusetnoscheveuxnoirs?Tucroisquej’ignorecequec’estqued’êtreépiépar lescommères?Desavoirqu’ellesattendentque tuprouvesque tuesbiencommeelleslecroient?

—C’estdifférentpourtoi.Ellesnesedisaientpasquetuallaisêtrecomme«elle».Ralstonnefitpasminedenepascomprendre.—Tun’espasdutoutcommeelle.Commentpouvait-illesavoir?Ilsepenchaenavant,posalescoudessursesgenoux.— Je le sais. Je sais comment elle était. Indifférente. Insensible. Elle trompait sonmari, elle a

abandonnésesenfants…deuxfois.Tun’espascommecela.Julianavoulaitlecroire.—Elleétaitaussiscandaleuse,dit-elle.— Cela n’a rien à voir ! Tu es imprévisible, charmante, désarmante. Certes. Volontaire, et

diablementirritantequandtut’ymets.Maistun’espasscandaleuse.Pourtant,elle l’avaitétécematin,àHydePark.Et laveillesur la terrasse.SiRalstonapprenait

qu’elleavaitfaitunpariavecleduc,ilauraitunecrisedenerfs.Si,elleétaitbeletbienscandaleuse.Saufquesonfrèrenelesavaitpas.—JesuistombéedanslaSerpentineaujourd’hui.— Oui, bon, cela arrive rarement aux dames de Londres. Cela dit, ce n’est pas vraiment un

scandale.Etsitucessaisdemettretavieendanger…Lesmotsmoururentsurseslèvres.—Elleétaitunscandaleambulant,reprit-ilaprèsunsilence.Legenredontunefamillenepeutpas

seremettre.Tun’espascommeelle.Pasdutout.—Leightonlepense.LeregarddeRalstons’assombrit.—Leightont’acomparéeànotremère?—Pas ouvertement.Mais il croit que je représente un danger pour la réputation des gens qui

m’entourent.Ralstonbalayacetargumentd’ungestedelamain.—Pour commencer,Leighton est un crétin. Il l’est depuis l’époqueoùnous étions en culottes

courtes.Juliananeputréprimerungloussementamusé,cequifitsouriresonfrère.

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—Ensuite,ilesttropconformiste.Etenfin,ajoutaRalstonavecunsourirenarquois,mapropreréputationaétémiseàmalplussouventqu’àsontour.Etpourtantnoussommestoujoursinvitésdanslesréceptionsmondaines,non?

—Ilsattendentpeut-êtrequenousnousdonnionsenspectacle?—C’estpossible,admit-ilensecalantdanssonfauteuil.—Pourquoiest-ilaussiprudent?La question franchit ses lèvres presquemalgré elle, et elle la regretta aussitôt. Elle ne voulait

surtoutpasqueRalstondevinequ’elles’intéressaitauduc.Aprèstout,cen’étaitqu’unintérêtpassager.Riendeplus.MaisRalstonneremarquarien,apparemment.—Ilatoujoursétéainsi.Àl’école,ilnepouvaitpasouvrirlabouchesansrappelerqu’unjouril

serait duc. Toujours guindé, convenable. Seul son titre comptait. Je trouvais son comportementridicule. Pourquoi assumer les multiples responsabilités d’un titre si tu ne peux pas profiter desavantages?

Il soutint le regard de Juliana, l’air profondément déconcerté, et elle ne put s’empêcher desourire.Undébauchévivaitdanslecœurdesonfrère.Undébauchérepenti,surtoutdepuisqu’ilétaitmarié,maisundébauchéquandmême.

Unsilencesuivit,etJulianadutsefaireviolencepournepaspressersonfrèredequestions.—Callieveutl’inviteràdînerafindeleremercier.Publiquement.—Celameparaîtlogique.—Elleveutaussiinviterunedemi-douzained’autrescélibataires.Ralstonluioffritunregardcompatissant.—Tunet’attendsquandmêmepasquejelafassechangerd’avis?—Non,jesupposequenon.Ellepensequel’amitiéduducprotégeramaréputation.—Elleasansdouteraison.Jenepeuxpasdirequej’aimecethomme,maisjereconnaisqu’ila

une certaine influence sur la bonne société. Ce qui n’est pas mon cas, ajouta-t-il avec une mouenarquoise.

Chacunseperditdanssespensées,puisRalstonreprit:—Jen’iraipasjusqu’àprétendrequeleuropinionnecomptepas,Juliana.Toutefoisjet’assure

quetun’asriendecommunavecelle.Julianafermalesyeux.—Jevoudraistecroire.—Tulescrois,eux.Ellearronditlesyeux,déroutée.Commentlesavait-il?—Tuoubliesquej’aiétéàtaplace,petitesœur,sourit-il.J’aivoululeurmontrerquej’étaisau-

dessusd’eux,toutencraignantd’êtreexactementceluiqu’ilspensaientquej’étais.C’étaittoutàfaitcequ’elleressentait.—Pourtoi,c’estdifférent,répondit-elled’untonboudeur.—Eneffet.Çal’estmaintenant.Parcequ’ilétaitmarquis.Parcequ’ilétaitanglais.Parcequ’ilétaitunhomme.—Parcequetuesdevenul’und’entreeux.—Quelleinsulte!Retirecesmotsimmédiatement.Juliananetrouvapascelaamusant.Bienaucontraire.

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—Juliana,reprit-ilensoupirant,c’estdifférentparcequemaintenantjesaiscequec’estd’avoirquelqu’unquicroitenmoi.Etjeveuxêtremieuxquecequejesuis.

—TuparlesdeCallie?Ilacquiesçad’unsignedetête.—Jenemesoucieplusqued’elle,etpasdecequepensentlesautres.—LemarquisdeRalston,libertininvétéré,transforméparl’amour,commentaJuliana,quineput

s’empêcherdesourire.—Jenedispasque tudois temarier, Juliana.Loinde là.Si tupréfèresêtre libre, tudisposes

d’unefortunesuffisantepourvivreàtaguise.Maisilfautquetutedemandesquellevietusouhaites.Elle ouvrit la bouche pour répondre, et se rendit compte qu’elle n’avait pas de réponse. Elle

n’avaitjamaisréfléchiàlaquestion.Dumoinspasdepuisquesonpèreétaitmortetquesavieavaitbasculé.EnItalie, lemariageetlafamilleétaientdesperspectivessi lointainesqu’ellen’yavaitpasvraimentpensé.Enrevancheici,enAngleterre…

Quivoudraitd’elle?Ralstonseleva,mettantfinàlaconversation.—Jen’auraisjamaiscrudirecelaunjour,maisl’amourn’estpasuneaussimauvaisechoseque

jelepensais.Situdevaislerencontrer,j’espèrequetunelerepousseraspas.—J’espèrequecelanem’arriverapas,répliqua-t-elle.—J’aidéjàentenducela,figure-toi.Dansmaproprebouche…EtdanscelledeNick.Alorsfais

attention.VisiblementlesSt.Johnneparviennentpasàl’éviter.MaisjenesuispasuneSt.John.Pasvraiment.Elles’abstintdeprononcercesmotsàvoixhaute.Ellepréféraitgardersesillusions.

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7

L’amusements’exprimeparunsouriredélicat.Lerireesttropgrossierpourunedameraffinée.

Traitédesdamesraffinées

Nous tenons enfin la réponse à une question vieille comme le monde :Danslabataille,lemarbrel’emportesurl’or.

Journaldespotins,octobre1823

Installéedans la logeduducdeRivington,auThéâtreRoyal, Julianaconsidéra l’abondancedesoie et de satin qui s’étalait dans les fauteuils d’orchestre. La moitié de la ville assistait à cettereprésentation exceptionnelle deLaDame de Livourne, tandis que l’autremoitié se lamentait sansdoutedenepasavoirpuobtenirdebillet.

—Ciel!s’exclamaMarianaencontemplantletableaucoloréforméparlessomptueusestoilettes.Jecroyaisquel’automneétaitréservéauxpartiesdechasseàlacampagne.

—Oui,ehbien,lapersonnequil’adécidéaapparemmentoubliéd’eninformerlabonnesociétélondonienne.

—VoilàlerésultatquandilyadessessionsspécialesauParlement.MonDieu,qu’est-cequeladyDavisamisdanssescheveux?

Marianaportasesjumellesdethéâtreàsesyeuxpourinspecterl’infortunéecoiffure,etsecoualatête.Puisellebalayachaquelogeduregardavantquelespectaclecommenceetqu’ellesoitobligéedefeindredes’intéresseraujeudesacteurs.

—Densmoreestavecunefemmequejen’aijamaisvue.ProbablementuneMarie-couche-toi-là.—Mariana!s’exclamaJuliana,choquée.Elle avait beau ne pas vivre à Londres depuis longtemps, elle savait qu’on ne parlait pas des

courtisanesenpublic.—Ehbien,c’estlavérité,sedéfenditMariana,leregardmalicieux.—Qu’est-cequiestlavérité?s’enquitleducdeRivington,quivenaitderegagnersaloge.IlfitcourirleboutdesondoigtsurlebrasdeMariana.Julianaéprouvaunpincementd’envieen

levoyantaccomplircegesteaffectueuxpresquemachinalement.Marianaluisourit.—JedisaisqueDensmoreestavecunecompagned’unsoir,sansdouteunecourtisane,carjene

l’aijamaisvue.Rivingtonétaithabituéaufranc-parlerdesonépouse.Aulieudelaréprimander, ilcherchades

yeuxlalogedeDensmore,etexaminalafemmequil’accompagnait.

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—Jepensequevousavezraison,madouce.—Vousvoyez?serengorgeaMariana.Jesuisunexcellentjugedecaractère.—Ouuneexcellentecommère,hasardaJuliana,pince-sans-rire.Rivingtonéclatad’unriresonore.—Ladeuxièmehypothèseestplusvraisemblable!MademoiselleFiori,jecrainsdedevoirvous

enleverMariana unmoment.Mariana, enchaîna-t-il, cela ne vous ennuie pas de venir saluer ladyAllen?J’aibesoinquevousl’occupiezpendantquejediscuted’uneaffaireavecsonmari.

Marianalevalesyeuxauciel,puistenditsesjumellesàJuliana.— Essayez de découvrir des choses intéressantes pendant mon absence. Je veux un rapport

completàmonretour.Sur ce, elle disparut dans la foule pour faire son devoir d’épouse d’un des hommes les plus

respectés du royaume. Juliana la regarda s’approcher de lady Allen, qui sourit, visiblement ravied’êtreensacompagnie.

LesgensparlaientbeaucoupdeMariana,carelleavaiteulachancedefaireunmariaged’amour,cequiétaitfortrare.Ilétaitcependantindéniablequeleurcoupleétaitégalementfondésurunesortedepartenariat.Marianaétaituneduchesseidéale.Lefaitqueleducsoitabsolumentfoud’ellen’étaitqu’uneheureusecoïncidence.

Juliananecroyaitpasàl’amouréternel.Elle-mêmeétaitlerésultatd’undescoupsdefoudredesamère.D’aprèscequ’elleavaitcompris,celle-ciavaitensorcelésonpère,puis,s’étantlasséedelaviedefamille,lesavaitabandonnéstouslesdeux.LepèredeJuliananes’étaitpasremariébienqu’ilenait eu l’occasion à plusieurs reprises. Il avait fait le bon choix, selon elle. Après tout, pourquoiprendrelerisqued’aimerdenouveauquandonsavaitd’expériencequecelapouvaitnevousvaloirquechagrinetrancœur?

Cesderniersmois,Julianaavaittoutefoispuconstaterquel’amourn’étaitpasunmythe,puisquesesdeuxdemi-frèresl’avaientdécouvert.ÀsonarrivéeenAngleterre,ilvenaitjustedenaîtreentreGabrieletCallie,etceux-cis’efforçaient,futilement,d’yrésister.Quandenfinilsavaientsuccombé,toutLondresavaitétésurpris.Julianaavaitjusteespéréqueleuramourneseterminepastristement.Quelques mois plus tard, Nick avait rencontré Isabel, et ils étaient de toute évidence terriblementattachésl’unàl’autre.

Maistoutesleshistoiresd’amourcommençaientdemanièresimilaire.Quesepassait-ilquandlaflammefaiblissaitetquel’attachementdevenaitpesant?

Àl’autreboutdelaloge,Calliesepenchapourmurmurerquelquechoseàl’oreilledeRalston.Sonfrèresourit,posalamainaucreuxdesreinsdesonépouseetluiréponditàmi-voix.ÀenjugerparlarougeurquienvahitlesjouesdeCallie,sesproposn’étaientpasdeceuxqu’ontientauthéâtre.

CequeJulianaressentitàcetinstantressemblaitàdel’envie.Maispourquoienvierleuramour?Cen’étaitqu’uneémotionéphémère.Dansquelquesmois,quelquesannéess’ilsavaientdelachance,iln’enresteraitrien.

Non,ellenevoulaitpasconnaîtrel’amour.Lapassion,enrevanche…ellen’étaitpascontre.Elle se revit deux jours plus tôt, àHydePark, quand le duc deLeighton était descendude son

cheval,lesyeuxétincelantsdecolère,etqu’ill’avaitembrassée.Passionnément.Ellevoulaitconnaîtrecequ’illuiavaitlaisséentrevoir.Ledésir.Lasensualité.Etmêmeleconflit.Maispaslui.Lui,ellenevoulaitpasledésirer.

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Prenantlesjumelles,elleexaminalethéâtre,cherchantàsedistrairedesespensées.LevicomtedeDensmorelorgnaitsurledécolletévertigineuxdesacompagne.Apparemment,Marianaavaitvujusteàsonsujet.Unpeuplusloin,ladyDavisetladySparrowsepenchaientpar-dessuslarambardedeleurloge,aurisquedebasculerdanslevide,puissecachaientderrièreleuréventailpouréchangerleursodieuxcommérages. Julianadétestaitceshorribles femmes, toutefois, sachantqu’ellesétaientexpertesencolportagederagots,ellesuivitladirectiondeleursregardsdansl’espoirdetrouverunedistractionbienvenue.

Quandellevitcequiavaitretenuleurattention,ellesepromitdeneplusjamaiss’intéresserauxmédisances.

Cardanslalogesituéejusteenfaced’ellesetrouvaitleducdeLeighton,engrandeconversationavec…leraisin.Auvuetausudetoutlegratinlondonien.

Àquelquespasdececoupleparfaitquisymbolisaitlesummumdelafélicitéaristocratique,ellerepéraladuchessedeLeighton,encompagnied’unedamerondeletteetd’ungentlemancorpulentquinepouvaientêtrequelesparentsduraisin.

LadyPénélope.Ilvalaitmieuxl’appelerparsonnom,ladyPénélope.Pourquoi?Puisque,souspeu,elledeviendraitladuchessedeLeighton.Àcettepensée,unevaguededégoûtsubmergeaJuliana;elleparvintàl’ignorer.Leightonpouvait

bienépouserquiilvoulait,elles’enmoquait.Quelle importance, qu’il ait arrêté son choix sur une femmequi était tout le contraire d’elle ?

Assurée,paslemoindresouci,aucunscandale.Celaneluifaisaitabsolumentrien.Alorspourquoineposait-ellepascessatanéesjumelles?D’ailleurs,elleallaitlesreposerimmédiatement.Leduclevalesyeuxetlaregarda.Ellebaissavivementlesjumellescommesiellesluiavaientbrûlélesdoigts.Celles-ciheurtèrent

labalustradedemarbreavecunbruitsecettombèrentsurletapis.Le silence se fit soudain dans la loge et tout le monde se tourna vers Juliana qui demeura

interdite,lapoignéeàlamain.Terriblementgênée,elles’agenouillapourrécupérerlesjumelles,quiavaientdûglissersousun

fauteuilcarellesn’étaientnullepartvisibles.Illuifallutunmomentpourserendrecomptequ’ellen’arrangeaitabsolumentpaslasituationen

rampantàquatrepattesdanslalogeduducdeRivington.C’étaitsûrementellequeladyDavisetladySparrow épiaient à présent, attendant de voir comment elle allait se tirer de cette situationaffreusementembarrassante.

Etellen’osaitmêmepasimaginercequ’ilpensait,lui.Il avait certainement tout vu. Il devait arquer les sourcils, avec cette expression exaspérée, qui

signifiait:«Dieumerci,c’estRalstonquidoits’occuperd’elle,pasmoi.»Julianajuratoutbas,décidantquequelquesmotsbienchoisisenitaliennepouvaientaggraverla

situation.Sesdoigtseffleurèrentunobjet froidet lisse,etelleagrippa les fameuses jumelles.Quandelle

relevalatête,ellevitlesmolletsducomted’Allendale,lefrèredeCallie,quis’étaitsansdouteavancépourl’aideràserelever.

Ellen’étaitpasencoreprêteàaffronterlesregards.Ildutledeviner,carils’accroupitàcôtéd’elle.

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—Jevaisfairesemblantdevousaiderjusqu’àcequevoustrouviezlecouragedevousredresser,chuchota-t-il.

Sontonamusél’aidaàseressaisir.Ellecroisasonregardclair,sisemblableàceluideCallie,etdemanda:

—Vouscroyezquejepeuxresterlà?—Combiendetemps?—L’éternité.—Ehbien,entantquegentleman,jemesentiraisobligéderesteràcôtédevous…orj’avaistrès

enviedevoirlespectacle.Julianasourit,etilluioffritsamain,ainsiqu’unconseiljudicieux:—Souriez.Sivousleurmontrezquevousêtesgênée,vousleregretterez.Elle inspiraà fond,puis se releva.Descentainesde regardsétaientbraqués surelle,qu’elle se

forçaàignorer.Etellerefusadevérifiersil’undecesregardsappartenaitauducarrogant.—Jemesuisdonnéeenspectacle,n’est-cepas?murmura-t-elleavecunsourirecontraint.—Oui.Maisnoussommesauthéâtre.Sicelapeutvousconsoler,vousn’êtespaslapremièreàle

fairedanscettesalle.—Normalement,lespectacleestsurscène.Ilsepenchaetluiconfiaàmi-voix:—Necroyezpascela.Unjour,unevicomtesseaperdusaperruqueensepenchantpar-dessusla

rambarde.C’étaithorrible,ajouta-t-ilenfeignantdefrissonner.Julianasemitàrire,soulagéeetamuséeàlafois.Benedickétaitbeau,charmant,ettellementplus

gentilque…Personne.—D’abordlaSerpentine,etmaintenantceci.—Ilsemblequevoussoyezuneaventurière.Aumoinscesoir,vousnecourezaucundanger.—Vraiment?Pourquoicelameparaît-ilencoreplusterrifiant?—Voulez-voussaluerlepublic?suggéraBenedick.EllesongeaàlatêtequeferaitLeighton,etsouritdeboncœurcettefois.—Jecroisque j’enaiassez faitpourcesoir,déclara-t-elleavantdese tournervers lesautres

occupantsdelalogeetdeproclamer,triomphante:Jelesairetrouvées!Mariana s’esclaffa et applaudit. Ralston esquissa unemoue. Son irritation était atténuée par la

fiertéquesasœuraitsuréagiravecà-propos.Ilneportaitpaslabonnesociétédanssoncœur,etcelajouaitenfaveurdeJuliana.

Quantauxinvités,ilsessayaientsansdoutedeserappelercequel’étiquetterecommandaitdefairequandlasœurd’unmarquisréapparaissaitaprèsavoirpasséplusieurssecondesàquatrepattesdansunelogedethéâtreàchercherdesjumelles.Maisàcemoment,leslumièresdiminuèrent,indiquantquelevraispectacleétaitsurlepointdecommencer.

Dieusoitloué!Julianas’assitàcôtédeMariana,etlascènes’illumina.Elleeutunmalfouàseconcentrersurla

pièce. C’était une comédie, excellente à en juger par les rires des spectateurs. Toutefois ses nerfsétaient encore à vif, et elle était partagée entre le désir de fuir le théâtre et l’envie irrésistible deregarderducôtédelalogeduducdeLeighton.

Ellefinitparcéderàlatentationetrisquauncoupd’œildanssadirection.Ilétaitfascinéparlespectacle.

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LesdoigtsdeJulianasecrispèrentsur lesélégantes jumellesdorées.Qui luipermettaientde levoirclairement.

Ilsemblaitparfaitementraisonnabledevérifierl’étatdecesjumelles.Silapoignéeétaitcassée,ilserait tragiqueque les verres se soient brisés.Unevéritable amiedevrait les remplacer, si elle lesavaitcassées.

Donc,ilfallaitqu’ellelesessaie.C’étaitindispensable.Ellelevalesjumellesetétudialascène.Lesverresétaientintacts.Ellevoyaitlesdétailsdelarobe

rouge de la comédienne et distinguait presque les poils de la moustache postiche du comédienprincipal.

Lesjumellesétaientenparfaitétat.Néanmoins, il était possible qu’elles aient été endommagées autrement. Il valaitmieux qu’elle

s’assurequecen’étaitpaslecas.Elleorientalesjumellesdepartetd’autredelascène,nes’arrêtantquelorsqu’ellerencontrales

cheveuxblondsdeLeighton.Quelquechose,surlascène,fitrirelepublic.Leducneritpas…ilnesouritmêmepas.Leraisinsetournaverslui,commepours’assurerquetoutallaitbien.Ileutalorsun sourire crispé et se pencha pour lui parler à l’oreille. Le sourire de la jeune femme s’élargit,devintplusnaturel,ettoutàcoupelleressemblamoinsàungrainderaisin.

Elleétaitmêmejolie.Julianasesentitmal.—Vousvoyezquelquechosed’intéressant?Elletressaillitetfaillitlâcherlesjumellesunefoisdeplus.EllesetournaversMariana.—Je…j’essayaissimplementlesjumelles,pourm’assurerqu’ellesfonctionnaientencore.—Ah.J’auraisjuréquevousregardiezleducdeLeighton.— Pourquoi le regarderais-je ? répliqua Juliana d’une voix aiguë. Tenez. Elles ne sont pas

cassées,dit-elleendéposantlesjumellessurlesgenouxdesonamie.Marianas’enemparaetnecherchamêmepasàcacherqu’elleregardaitleducdeLeighton.—Jemedemandecequ’ilfaitavecPénélopeMarbury?—Ilval’épouser,marmonnaJuliana.—Vraiment?Ehbien.Ellevafairelemariagedusiècle.LepoissonqueJulianaavaitmangéàmidinedevaitpasêtrefrais.Raisonpourlaquelleellese

sentaitsoudain…nauséeuse.—Calliem’aditquevousaviezeuplusieursprisesdebecaveclui?—Jenevoispasdequoi elleveutparler, chuchota Juliana.Nous sommes tombésnez ànez à

Hyde Park,mais j’ignorais que Callie était au courant…Qu’est-ce que c’est que cette histoire debecs?

Ellesetutens’apercevantqueMarianaladévisageait,l’airahuri.—Jecroisquej’aimalcompris,balbutia-t-elle.—Eneffet.Vousnemaîtrisezpasencoretoutàfaitnotrelangue.—Mariana,vousnedevezpasrépétercequejevousaidit!supplia-t-elleenprenantlamainde

sonamie.— D’accord, mais à une condition. Vous devez tout me raconter. Comment vous êtes-vous

retrouvés«nezànez»?Juliana ne répondit pas et reporta son attention sur la scène, s’efforçant de suivre la pièce.

L’intrigue, où il était question de deux amoureux essayant de garder leur histoire secrète, avaitcependant quelque chose d’un peu trop familier. Elle croyait se retrouver dans sa comédie

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personnelle,avecdesjumellesdethéâtrebrisées,desrencontresclandestines,desamiesquiperçaientlessecretsàjour.

Etcen’étaitpasamusant.—Ilvousregarde,chuchotaMariana.Juliananeputs’empêcherdetournerlatête.Non,ilnelaregardaitpas.Elleparvintàneplusleregarderpendanttoutlepremieracte.Lesamoureuxdelapièceentraient

etsortaient,etlesspectateursriaientàgorgedéployée.Elleneleregardapasnonplusquandlerideautombaetqueleslumièress’allumèrentdanslethéâtre.NilorsquelesvisiteursaffluèrentdanslalogedesRivington,alorsmêmequ’elleauraiteulapossibilitédelefaireentoutediscrétion.

Ellecontinuad’ignorer leducpendant l’entracte, tandisquelecomted’Allendalediscutaitavecelle.Marianaluisuggéradel’accompagnerdanslesvestiairespourserefaireunebeauté,uneruseàpeinedéguiséepour l’attirerà l’écartet la faireparler.Julianadéclinasonoffre,etMarianadutserendreseuledanslesvestiaires.

Juliana ne s’autorisa pas un seul regard en direction de Leighton jusqu’à ce que les lumièress’éteignentdenouveau,signalantledébutdudeuxièmeacte.

Etelleleregrettaaussitôt.Leightonramenaitlegrainderaisinàsonfauteuil,etsamainglissadesoncoudesursonbrastandisqu’ils’asseyaitàcôtéd’elle.

Juliananepouvaitdétacherlesyeuxducouplequ’ilsformaient.La caresse s’acheva prestement – quand bien même Juliana la trouva interminable – et lady

Pénélope,nullementtroublée,setournaverslascèneetfutaussitôtabsorbéeparlespectacle.Leighton, lui, regardaJulianadroitdans lesyeux.Elles’enrenditcomptemalgré ladistanceet

l’obscurité.Dumoinslefrissonquilaparcourutleluiconfirma-t-il.Ilsavaitqu’elleavaitvusongeste.Ilvoulaitqu’ellelevoie.Tout à coup, elle manqua d’air. Elle se leva brusquement. Ralston lui lança un coup d’œil

interrogateur.—J’aimalàlatête,luimurmura-t-elleàl’oreille.Jevaisdanslehallrespirerunpeu.—Veux-tuquejeteramèneàlamaison?—Non,non.J’aijustebesoinderespirer.Jereviensdansdeuxminutes.Ralstonhésita.Devait-ill’autoriseràsortir?—Nevapastroploin.Jen’aipasenviedetesavoirentraindedéambulerdanslethéâtre.—Net’inquiètepas.—Jesuissérieux,petitesœur,dit-ilenlaretenantparlepoignetcommeellesedétournait.Jene

connaisquetroplesdangersquiteguettentdansunthéâtrependantunspectacle.Julianahaussaunsourcil,uneexpressionquileurétaitcommuneàtouslesdeux.—J’espèrequetum’endirasdavantagederetouràlamaison.—TudemanderasàCallie,chuchota-t-il.—Jen’ymanqueraipas.Lehallétaitdésertàl’exceptiondequelquesvalets.Del’airfraiss’engouffraitdanslecorridor

parunegrandefenêtresituéeaufondduthéâtre,apparemmentau-dessusdelascène.Unfauteuilsouslafenêtresemblaitluitendrelesbras.Sonfrèreauraitsansdoutetrouvéqu’ilétaittropéloignédelaloge,maisilétaitbienenvue.

Julianaallas’yasseoirets’accoudaàl’appuidelafenêtrepourcontemplerlestoitsdeLondres.Desbougiesclignotaientderrièrelesvitresdesbâtiments.Ellerepéraunejeunefemmequicousait,quelquesétagesplusbas,etsedemandasielleétaitdéjàalléeauthéâtre…sielleenavaitseulementrêvé.

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Julianan’avaitjamaisimaginés’yrendreunjour.Dumoins,pasdanslescirconstancesprésentes,avecunefamilled’aristocratesdontelleignoraitl’existenceunanplustôt.Pasavecdesbijoux,desrobesdesoieetdesatin,desmarquis,descomteset…desducs.

Unducenparticulier,quilamettaithorsd’elle,occupaittoutessespenséesetl’embrassaitcommesielleétaitladernièrefemmesurterre.

Ellesoupira.Lespâlesrayonsdelunesereflétaientsurlestoitsd’ardoisemouillésparuneondée.Elleavaitcommencéquelquechosequ’ellenepourraitfinir.Elleavaitvoulul’envoûterparsapassion,lepunirdesonarroganceenlemettantàgenoux.Mais

aprèssachutelamentabledanslaSerpentine,illuiavaitbienfaitcomprendrequ’elleneletentaitpasdutout.

Selonlestermesdeleurcontrat,illuirestaitdixjours.Or,ilcourtisaitladyPénélopeetprojetaitdepassersavieaveccettefemme,quiavaitétéélevéepourdevenirduchesse.

Julianaavaitlanetteimpressionqu’elleallaitperdrelapartie.—Pourquoin’êtes-vouspasàvotreplace?Elletressaillit.Ill’avaitsuivie.Ellen’auraitpasdûyattacherd’importance.Ellesetournaverslui,s’efforçantdeparaîtrecalme.—Etvous,pourquoin’yêtes-vouspas?—Jevousaivuesortirdelalogesansescorte.—Monfrèresaitoùjesuis.—Votrefrèren’ajamaisassumélamoindreresponsabilitédanssavie.Ilpourraitvousarriver

n’importequoi,ici.Julianabalayaduregardlehalldésertetsilencieux.—Eneffet.Ledangerrôde.—Quelqu’undevraitveillersurvotreréputation.Vouspourriezêtreaccostée.—Parqui?—N’importequi!Uncomédien,unvalet!—Ouunduc?Leightonmarquaunepauseetserembrunit.—Jesupposequejel’aimérité.Julianaseretournaverslafenêtre.—Jenevousaipasdemandédemesuivre.Ilyeutunlongsilence.Julianacrutqu’ilallaitrepartir,maisilditdoucement:—Non,eneffet.—Alorsquefaites-vousici?répliqua-t-elleentournantvivementlatête.Leightonsepassa lamaindans lescheveux–ungestequi lui ressemblaitsipeuet trahissaitsa

nervosité.—C’étaituneerreur.Julianas’efforçadenepaslaisservoirsadéception.—Uneerreurfacileàcorriger,VotreGrâce.Ilmesemblequevotrelogesetrouvedel’autrecôté

duthéâtre.Voulez-vousquejedemandeàunvaletdevousraccompagner?Ilpinçaleslèvres.— Je ne parlais pas seulement demaintenant.Mais de toutes nos rencontres.Le pari, les deux

semaines,lapromenadematinaleàHydePark…—L’après-midiàHydePark,ajouta-t-elledansunmurmure.

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—J’auraispréférénepasdonnerdegrainàmoudreauxcommères.Bienentendu,jeneregrettepasdevousavoirsauvélavie.

Quelquechosedanssavoixsemêlaità l’irritation.UnsentimentqueJuliananeparvenaitpasàidentifier.Etquiavaitdisparulorsqu’ilreprit:

—Le restenepeutpascontinuer. Jen’aurais jamaisdûaccepter,pourcommencer.C’étaitcelal’erreur. Je commence à me rendre compte que vous êtes totalement incapable de respecter labienséance.Jen’auraisjamaisdûvousfaireplaisir.

Luifaireplaisir?Qu’essayait-ildedireenréalité?Qu’ellen’étaitpasassezbienpourlui.Ellenel’avaitjamaisété.Etelleneseraitjamaisassezbienpourlemondedanslequelilvivait.Elles’étaitpromisdelefairechangerd’avissurelle.Deluiprouverqu’ilavaittort.Maislafaçon

dontilluiparlaitlafitréfléchir.Pas question de se laisser rabaisser, cela lui donnerait trop de pouvoir sur elle.D’autres ne la

regardaientpasdehautjusteparcequ’elleétaitnéeenItalie,parcequ’ellen’avaitpasgrandidansunefamilled’aristocrates,ouparcequelesrèglesquirégissaientleurmondeluiétaientinconnues.

Non,elleneselaisseraitpashumilier.Ellesemettraitencolère.Aumoinslacolèreétait-elleunsentimentqu’ellepouvaitmaîtriser.Ettantqu’elleseraitencolère,leducnegagneraitpaslapartie.

— Me faire plaisir ? répéta-t-elle en se levant. Vous avez peut-être l’habitude que les autresacceptent votre point de vue sans discuter, Votre Grâce, mais je ne suis pas un de vos laquais enadorationdevantvous.

Ilcrispalesmâchoires,etelleenchaîna:—Vous nem’avez pas donné l’impression de vouloir justeme faire plaisir quand vous avez

accepté ces deux semaines de délai. Ni quand nous nous sommes vus àHyde Park à l’aube.Vousm’avezaccordédeuxsemaines.Sijecomptebien,ilmeresteencoredixjours.

Elles’approchadeluipresqueàletoucher,etlesentitsetendre.—Etj’ail’intentiondelesutiliser,articula-t-elle,conscientedetenterlesort.D’unseulmot,ilpouvaitmettreuntermeàleuraccord.L’instantparuts’étirerindéfiniment.Incapabledesoutenirpluslongtempssonregard,ellereporta

sonattentionsurseslèvres.Uneerreur.Endépitdelafenêtreouverte,l’atmosphèreluiparutsoudainoppressante.Danslapénombredu

hall,lesouvenirdesesbaisersresurgitavecforce…ledésirlasubmergea.Elle leva les yeux, croisa les prunelles d’ambre qui s’étaient dangereusement assombries. Il la

désiraitaussi.Cettepenséeluiarrachaunfrisson.Leightonfitunpasenavant.Ilssetouchaientàprésent,sontorsepuissanteffleuraitsesseins.Elle

eneutlesoufflecoupé.—Vousn’avezpasbesoindemoipourvouscomporterdemanière scandaleuse.Vousavezun

comtequivousmangedanslamain.—Uncomte?—JevousaivuerireavecAllendale.Voussembliez…intimes,rétorqua-t-ild’unevoixrauque.—Allendale?répéta-t-elle,éberluée.Oh,vousvoulezdireBenedick!Unelueurinquiétantes’allumadanssesyeux.—Vousnedevriezpasparlerdeluiavecunetellefamiliarité.

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Juliana éprouvaun frissond’excitation.Leduc était en colère.Non… il était furibond. Il avaitl’airjaloux.

Son expression changea avant qu’elle ait eu le temps de la savourer, et le regard impassibleréapparut.Elles’autorisanéanmoinsunpetitsouriretaquin.

—Jenedevraispasl’appelerparsonprénom?—Non,pasparcelui-là.—Vousnem’avezpassoumiseàdesrèglesaussistrictesquandnousnoussommesrencontrés…

Simon.Ilinspirabrièvement.—J’auraisdû.—Maisvousvouliezquejevousprennepourcequevousn’étiezpas.—Nousavonstousdeuxdissimulénotrevéritableidentité.—Jenevousairiencaché,rétorqua-t-elleavecunmélangedetristesseetderancœur.—Non?Alorspourquoiai-jecruquevousétiez…D’unrangplusélevé.S’ilneprononçapaslesmots,ellelesentendittoutdemême.—Vousaviezl’airdemetrouveràvotreconvenance,pourtant,dit-elleenlevantlementon.Elle croyait voir le désir irradier de sa personne. Il avait beau vouloir ne pas la désirer, il ne

pouvaits’enempêcher. Ilsepencha,etelleretintsonsouffle,attendantdésespérément lecontactdeceslèvresfermes.

Lemondes’effaça.Ilsétaientseulsdanslapénombresilencieuse.LabouchedeLeightonhésita,ellesentitsonsoufflesursapeauetfaillitlaisseréchapperuncrid’impatience.

—Vousêtesunscandaleenpuissance,luiassena-t-il.Surcesmots,ilrecula,lalaissantdésemparée.—Unscandalequejenepeuxmepermettre,ajouta-t-il.—Vousmedésirez!Ledésespoirdanssavoixlafittressaillir,etelleregrettaaussitôtsesparoles.Leightondemeura

demarbre.—Naturellement.Ilfaudraitquejesoismortpournepasvousdésirer.Vousêtesbelle,brillante,

etvousvouscomportezdetellesortequejen’aiqu’uneenvie:vousfaireplieràmavolonté.Maislesactesontdesconséquences,mademoiselleFiori.Vousferiezbiend’ypenseravantdevouslancertêtebaisséedansvosjeuxpuérils.

—Jenesuispasuneenfant,luirappela-t-elle,lesyeuxétrécis.—Non ? Pourtant vous n’avez aucune idée de ce que vous faites. Que se passerait-il si vous

deviezexprimeravecmoivotreprécieusepassion,Juliana?Qu’yaurait-il,ensuite?Laquestionlapritaudépourvu,ellenesutquerépondre.—Vous n’avez jamais, de votre vie, songé à l’avenir, n’est-ce pas ?Vous ne vous êtes jamais

demandécequisepasseraitaprèscequevousvivez icietmaintenant?Sicelanerévèlepasvotrepuérilité,riennelefera.

Àcet instant, Juliana ledétesta.Elledétestaitqu’ilconnaissesesdéfautset ses faiblessesmieuxqu’elle-même.

—Jerenonceàceparistupidequejen’auraisjamaisdûaccepter.Vousêtesundangerpourvous-même,poursuivit-il.Etpourmoi.Et jenepeuxm’offrir le luxedevousdonner la leçonquevousméritez.

Elle était conscientequ’elledevait accepter.Les libérer tous lesdeuxde cet accord stupidequimenaçaitleurréputation,leurssentiments,leurraison.

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Elleétaittoutefoistellementencolèrequ’ellenepouvaitlelaissergagner.—Vousmanquezàvotreparole,lâcha-t-elle.UnnerftressautasurlajouedeLeighton.—JedevraistoutavoueràRalston.—Vouscroyezquecelaaideravotrecause?répliqua-t-elleenhaussantlessourcils.Ilssefaisaientfacedanslecorridormaléclairé,etJulianapercevaitlafureurquiirradiaitdelui.

Elleneputrésisteràlatentationdeleprovoquerdavantage.—Courage.Ilnemefaudrapassilongtempspourvousmettreàgenoux.Sonregards’assombrit,etellecompritqu’elleétaitalléetroploin.Conscientedelacolèrequ’il

contenaitàpeine,ellecrutqu’ilallaitlasecouer.— J’ai surmonté des menaces plus dangereuses pour ma réputation, mademoiselle Fiori.

N’imaginez pas une seconde que vous l’emporterez. La tentation n’est pas de taille face à laréputation.Vousvoulezvosdixjours?Gardez-les.Faitesdevotremieux.

—J’enaibienl’intention.—Necroyezpasquejevousfaciliteraileschoses,articula-t-ilavantdetournerlestalons.Juliana aurait dû être ravie d’avoir fait tomber son masque d’impassibilité. Mais alors qu’il

regagnait sa loge et l’épouse parfaite qu’il s’était choisie, elle n’éprouva aucune sensation detriomphe.

Justequelquechosequiressemblaitdemanièresuspecteàdelanostalgie.

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8

L’impolitesseestletestultimedelaperfection.Unevraiedamesaittenirsalangue.

Traitédesdamesraffinées

Chezlamodiste,lestrouvailleslesplusexcitantesnesontpaslesbrinsdesoie,maislesbribesdescandales…

Journaldespotins,octobre1823

—Les Anglaises passent plus de temps à acheter des vêtements que toutes les autres femmesd’Europe.

Julianas’adossaaucanapédusalond’essayage.Elleavaitpasséplusd’heuresqu’ellenevoulaitl’admettredanscefauteuiltapissédebrocartécarlate,justeassezluxueuxpourflatterlavanitédelapropriétairedelaboutique.

—Vousnedevezpasconnaîtrelesboutiquesfrançaises,répliquaMmeHebertavecflegmetoutenajustantlatailledelacharmanterobedesergérosequeCallieessayait.

Mariana,quiexaminaitunveloursvert,éclataderire.—NousnepouvonspaslaisserlesFrançaisesavoirledessusdansuneactivitéaussiimportante,

n’est-cepas?Aprèstout,nousleuravonsdéjàenlevéleurmeilleurecouturière.Julianasourit.Sonamievenaitd’éviterdejustesseunincidentdiplomatique.—En outre, continuaMariana, Callie a été trop longtempsmal fagotée, elle doit se rattraper.

Nousnesommeslàquepourlaconseiller…Etpeut-êtrechoisirunmanteaud’hiverdansceveloursvert?

—Celavousiraitàlaperfection,VotreGrâce,confirmaHebertsansleverlesyeux.Puis-jevoussuggérerunerobeendoupiondesoiepouralleravec?Vousserezlareinedubal.

Leregardpétillant,MarianaexaminalasoiechatoyantequeValériedérouladevantelle.—Oh,oui!Excellentesuggestion.—Etnousvoilàrepartiespouruneheure,commentaJulianaenriant,tandisqueMarianapassait

derrièreunparavent.— Pas trop serré, dit doucement Callie à la couturière, avant de se tourner vers Juliana. Si

l’automnesepoursuitcomme ilacommencé, jemedemandecequesera l’hiver.Vousaussi,vousallez avoir besoin de nouvelles robes, vous savez.Au fait, nous n’avonspas parlé de ce quevousalliezporterpourvotredîner.

—Cen’estpasmondîner.Etjesuissûred’avoirlatenuequiconviendradansmagarde-robe.

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—Callieafaituneexcellentesélectiondegentlemen,Juliana,lançaMariana,derrièreleparavent.LesmeilleurspartisdeLondres.

—C’estcequej’aicrucomprendre.Callieinspectasatailledanslemiroir.—ÀpartLeighton,ilsonttousacceptél’invitation,dit-elleencroisantleregarddesabelle-sœur

danslemiroir.Benedickinclus.Julianaignoral’allusionaucomted’Allendale.—Leightonneviendrapas?—Cen’estpasclair.Enfait,iln’apasrépondu.Julianan’insistapas.S’ilnedésiraitpasassisteraudîner,grandbienluifasse.— J’essaye de lui trouver de bons côtés,mais ce n’est pas facile, avouaCallie.Cela dit, nous

passeronsunetrèsbonnesoiréesanslui.—Voulez-vousqueValérievousmontrequelquestissus,mademoiselleFiori?suggéraHebert,

quiétaitaussiuneexcellentefemmed’affaires.—Non,j’aidéjàbeaucoupderobes.Jenevoudraispasquemonfrèrefassefailliteaujourd’hui.—Necroispasque jene connaispasvospetits secrets, àGabriel et à toi, remarquaCallie. Il

adoret’acheterdesvêtementsettoutcequitefaitenvie.Etjesaisd’oùviennentsesnouveauxlivresetsespartitionsdemusique.

Julianasourit.ElleétaitarrivéeenAngleterreconvaincuequesesdemi-frèresallaientladétester,car elle leur rappelait la mère qui les avait abandonnés quand ils étaient petits. Et qu’elle l’aitabandonnéeelleaussiimportaitpeu,croyait-elle.

À tort. Gabriel et Nick l’avaient acceptée sans poser de questions. Et Juliana apprenait ce quec’étaitd’êtreunepetite sœur.Son frèreaînéetelleavaiententaméunesortede jeuquiconsistaitàéchangerdepetitscadeaux.

—Pasdecadeauaujourd’hui,dit-elleàsabelle-sœur.J’espèreencorequelasaisonsetermineraavantquej’aiebesoind’unegarde-robecomplètepourl’hiver.

—Neditespascela!s’écriaMariana.Jeveuxavoirl’occasiondeportercetterobe!Les jeunes femmes s’esclaffèrent, et Juliana regardaMmeHerbert draper la soie autour de la

tailledeCallie.—C’estparfait,ditcelle-cienobservantsonrefletdanslemiroir.L’effetétaitréussi,etCallieétaitadorable.Gabrielnelaquitteraitpasdesyeux,songeaJuliana.—Pastropserré.C’étaitladeuxièmefoisqueCalliedisaitcela.Lalumièresefitdansl’espritdeJuliana.—Callie?Ellesseregardèrentdanslemiroir,etCallieréponditd’ungrandsourireàlaquestionsilencieuse

deJuliana.Elleattendaitunenfant.—Meraviglioso !s’exclamaJulianaenbondissantsursespiedspourallerserrersabelle-sœur

danssesbras.Voilàpourquoinousacheterautantdenouvellesrobes!Leursriresattirèrentl’attentiondeMariana,quitenditlecousurlecôtéduparavent.—Qu’est-cequiestmaraviglioso?s’enquit-elle.Pourquoiriez-vous?Callie,pourquoipleures-

tu?Elledisparutuneseconde,puissortitentenantdevantelleunmétragedesoievertequelapauvre

Valérietentaitenvaind’épingler.—J’aimanquéquelquechose?Jeratetoujourstout!

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—Callie,vousallezdevoirluidire.—Medirequoi?LesjouesdeCallieétaientenfeu.Elleauraitcertainementpréféréêtreailleursquedansunsalon

d’essayage, à deux pas de la plus célèbre couturière de Londres. Ce fut Juliana qui répondit à saplace:

—Apparemment,monfrèreaaccomplisondevoir.—Juliana!chuchotaCallie,scandalisée.—Quoi?C’estlavérité,répliquaJulianaavecunhaussementd’épaulesdésinvolte.—Vousêtesbiencommelui,voussavez.Marianan’avaittoujourspascompris.—Ilafaitson…Oh?Oh,monDieu!Oh,Callie!Elle se mit à sautiller sur place, et la pauvre Valérie dut courir chercher un mouchoir pour

protégerlasoiedeslarmesdeladuchesse.Hebertquittalapièce,nesouhaitantsansdoutepasêtreprisedanscetourbillond’émotions,tandis

quelesdeuxsœurss’étreignaientenpleurantetenriant.Julianalescontemplaensouriant,quandbienmêmeelleserendaitcomptequ’iln’yavaitpasde

placepourelledanscemomentdecélébration.Elle se glissa dans la boutique, où elle retrouvaMmeHebert.La couturière se tenait devant la

ported’unepetiteantichambre,masquantà lavueuneautrecliente. Julianasedirigeadoncvers lecomptoiroùétaientexposéslesrubansetlesdentelles.Songeuse,elleeffleuraduboutdesdoigtslestissussoyeuxetlesboutonsdenacre.

Auprintemps,lafamillecompteraitdeuxnouveauxmembrespuisqueIsabel,lafemmedeNick,attendaitaussiunenfant.

Sesfrèresavaientsurmontéleurpasséetleurcraintedereproduirelespéchésdeleursparents,ets’étaientmariésparamour.Désormais,ilsavaientunefamille,etleursenfantsgrandiraientheureuxetentourés.

Vousn’avezjamais,devotrevie,songéàl’avenir,n’est-cepas?LesmotsdeLeightonluirevinrentenmémoire.Julianasentitsagorgesenouer.Ellenepouvaitsepermettredepenseràl’avenir.Sonpèreétait

mort,etelleavaitétéexpédiéeenAngleterre,dansunefamillequ’elleneconnaissaitpas,uneculturequiluiétaitétrangère,parmidesgensquinel’acceptaientpas.Iln’yavaitpasd’avenirpourelledanscepays.Etilétaitplusfacile,moinsdouloureux,denepasessayerd’enimaginerun.

Mais quand elle voyait Mariana et Callie contemplant leur futur idyllique rempli d’amour,d’enfantsetd’amis,ellenepouvaits’empêcherdelesenvier.

Ellesavaientcequ’ellen’auraitjamais.Cequ’onneluioffriraitpas.Parce que leur vie était ici, dans cemonde aristocratique, où l’argent, le titre, les origines et

l’éducationcomptaientplusquetout.Ellepritunelongueplumedansunvase.Elleavaitdûêtreteintée,carellen’avait jamaisvude

plumeaussigrande,d’unnoiraussiuniforme.Queloiseaupouvaitavoiruntelplumage?Maisquandellelacaressa,laplumescintillasouslesoleilquipénétraitdanslaboutique,etellevitd’embléequelacouleurétaitnaturelle.Enfait,ellen’étaitpasnoire,c’étaitunmélangedebleusetdepourpressisombresqu’ilsdonnaientl’illusiond’unnoirdejais.

—Aigrette.LavoixdelacouturièretiraJulianadesacontemplation.—Jevousdemandepardon?

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—Laplumequevoustenezestuneaigrette.—Lescouleurssontsomptueuses.— La beauté est une chose rare, répondit Hebert en soulevant un panneau de bois chargé de

dentelles.Pardonnez-moi.Ilyalàuneduchessequidésireinspectermesdentelles.Julianafutdéconcertéeparlapointedeméprisqu’elleperçutdanslavoixdelacouturière.Cette

femmen’oseraitsûrementpasparlerainsideMarianadevantelle…—SilesFrançaisavaientétéplusrapides,Napoléonauraitpeut-êtregagnélaguerre,lançaune

voixdédaigneuse.Julianaseretourna.LaduchessedeLeightonsetenaitàquelquespas.Il était difficile d’imaginer que cette petite femme au teint pâle avait engendré le géant blond

qu’étaitLeighton.Julianacherchauneressemblanceentrelamèreetlefils.Laduchesseavaitlapeaufine,presquetranslucide,etdesyeuxgris,couleurdel’océanenhiver.

Desyeuxquisemblaienttoutvoir.Julianaretintsonsouffletandisqueladuchesselaparcouraitdelatêteauxpieds.Etsoudain,ellevit lessimilitudesentreleducetelle.Lementonvolontaire, laposturehautaine,leregardglacial,lacapacitéàfairefrémirlapersonnequ’elletoisait.

Elleétaitbiensamère–danscequ’ilavaitdepire.Maisellen’avaitpassachaleur.Juliana ne décelait en elle qu’un stoïcisme inébranlable, trahissant une vie entièrement dénuée

d’émotionetdesentiment.Qu’est-cequiavaitputransformercettefemmeenstatuedemarbre?Pasétonnantquesonfilsnecroiepasàlapassion.LaduchesseattendaitqueJulianadétournelesyeux.Commesonfils,ellevoulaitprouverqueson

nometsestraitsaristocratiquesfaisaientd’elleunêtresupérieurauxautres.EtcertainementsupérieuràJuliana.

Ignorantsesnerfsàvif,Julianademeuraimpassible.—VotreGrâce,intervintMmeHebert,quin’avaitriensentidelabataillesilencieusequiselivrait

dans sa boutique, pardonnez-moi de vous avoir fait attendre.Voulez-vous examiner les dentelles àprésent?

LaduchessenequittapasJulianadesyeux.—Nousn’avonspasétéprésentées,dit-ellesèchement.Lesmotsétaientdestinésàsoulignerl’impertinencedeJuliana.Àlaremettreàsaplace.Lajeune

femmeneréponditpas,nebougeapasetrefusadebaisserlesyeux.—VotreGrâce?ditMmeHebert,dontleregardpassadel’uneàl’autre.Puis-jevousprésenter

MlleFiori?Ilyeutunlongsilence.—Non, répondit enfin la duchesse. Je ne peux tolérer qu’unminimum de surprises à la fois,

Hebert.Ilfutuntempsoùvotreclientèleétaitmoins…ordinaire.Ordinaire.SiJulianan’avaitétéaussibouleversée,elleauraitadmiréladuchessequiavaitsuchoisirlemot

parfaitpourtraduiresessentiments.Lemotleplusbrefetleplusviolent.Lapireinsulte,venantd’unepersonnedesonrang.Lemotrésonnadanssatête.Maiscen’étaitplusladuchessedeLeightonqu’elleentendait.C’était

sonfils.Elleneputs’empêcherderépondre.—Etmoi,j’aitoujourscruquelaclientèledeMmeHebertétaitpluscivilisée.

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Lesmotsluiavaientéchappépresquemalgréelle.Laduchesseseraiditdavantage,siunetellechoseétaitpossible.— Ce que l’on dit est donc vrai, lâcha-t-elle d’un air de profond ennui. Bon sang ne saurait

mentir.Sur cesmots, la duchesse deLeightonquitta la boutique.La clochette de la porte tinta comme

poursoulignerironiquementsasortie.—Cettefemmeestunemégère.Julianaseretourna.Mariana,quiarboraituneexpressionfurieuse,setenaitsurleseuildelaporte

donnantdansl’atelier.— Il semblerait que les duchesses aient le droit de se conduire comme elles veulent, observa

Julianaensecouantlatête.—Ellepourraitêtrelareine,jem’enmoque.Ellen’apasledroitdevousparlerainsi.—Sielleétait la reine, ellepourraitvraimentmeparler commeelle leveut,murmura Juliana

d’unevoixtremblante.Pourquoidiableavait-elleprovoquéladuchesse?Leproblème,c’étaitqu’ellen’avaitpaspenséàladuchesse,maisàquelqu’und’autre.Unhomme

intraitableauxyeuxd’ambreetauxcheveuxblonds,qu’ellevoulaitabsolumentfaireplier.Etelleavaitditlapremièrechosequiluiétaitpasséeparlatête.—Jen’auraispasdûluiparlercommejel’aifait.Sicelasesait…celaferaunscandale.Maisje

nepeuxpasm’empêcherdepenserqu’elleleméritait.C’estmal?—Pasdutout!s’exclamaMariana.Elleleméritait,etbienplusencore.Jeméprisecettefemme.

PasétonnantqueLeightonsoitaussi rigide.Vous imaginezcequecedoitêtred’êtreélevéparunemèrepareille?

Julianatrouvacesparolesrevigorantes.LaduchessedeLeightonsecroyaitpeut-êtresupérieureaurestedumonde,maisellene l’étaitpas.Le luiprouverétaitsansgrand intérêt,enrevancheellepouvaitmontrerauducàcôtédequoiilpassaitenvivantdanssatourd’ivoire.

—Juliana?fitMariana.Toutvabien?Julianas’ébrouaetsetournaverslacouturière,quiavaitassistéàlascèneaveceffroi.—Jesuisdésolée,madameHebert.Jevousaisansdoutefaitperdreuneclienteimportante.Juliana savait que Mme Hebert n’avait pas le choix. Elle devrait tout faire pour regagner sa

cliente,quisetrouvaitêtrel’unedesfemmeslesplusinfluentesdelacapitale.Lesconséquencesdecettealtercationdanssaboutiquepouvaientêtredramatiquespourelle.

— La duchesse, reprit Juliana en désignantMariana, et la marquise de Ralston pourront sansdouteaideràréparerletortquejevousaicausé.

—Commesij’allaism’abaisseràparleràcette…commençaMariana.Elles’interrompit,serappelantsoudainlesbonnesmanières,puisrepritd’unevoixdouce:—Maisbiensûr,madameHebert,jeserairaviedevousaider.—Iln’yaaucuntortàréparer,déclaralaFrançaise.J’aibeaucoupdetravail,et jenedemande

pasàladuchessedesupportermaclientèle.LaduchessedeRivingtonsetrouvedansmonatelierencemoment,ainsique l’épouseet lasœurdumarquisdeRalston.Jepeuxmepasserdecettevieilledame.Ellen’enapluspourlongtemps,aprèstout,poursuivit-elled’untondeconspirateur.Quelquesannéessansellenemeruinerontpas.

Lesmotsfurentprononcésavectantdenaturelquelesjeunesfemmesmirentquelquessecondesàcomprendre.Puiselleséclatèrentderire.

—Vousai-jeditquej’adoraislesFrançais?s’écriaJuliana.

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Lacouturièreluiadressaunclind’œilcomplice.—Entreétrangères,ilfautseserrerlescoudes,non?—Certes!—Bon.Etpourleduc?—Leduc?répétaJuliana,feignantdenepascomprendre.—Celuiquivousasauvélavie,mademoiselle.Cethommeestundéfi,non?Juliana fit tourner l’aigretteentre sesdoigts, enadmirant lescouleurschangeantes, avantde se

décideràcroiserleregarddeMmeHebert.—Si.Quoiquepasdanslesensoùvouslepensez.Jeveuxsimplementle…Letroublerprofondément.Impossiblededirecela.MmeHebertluipritlaplumedesmains,s’approchadumuroùétaientexposéslestissus,ettira

desmètresdesoiechatoyante.—Vousdevriezlaisservotrefrèrevousoffrirunenouvellerobe,conseilla-t-elleàJuliana.Elledéposal’aigrettesurlesatin.Lerésultatétaitéblouissant.Marianagloussa.—Oh,c’estparfait!Celalemettraitàgenoux.—Combiendetempsvousfaut-ilpourconfectionnerunerobe?—Quandvouslafaut-il?—Ilvientdînerdansdeuxjours.—MaisCallieaditqu’iln’avaitpasacceptél’invitation,luirappelaMariana.Julianacroisaleregarddesabelle-sœur.Elleétaitplusquejamaissûred’êtresurlabonnevoie.—Ilviendra.

—Jenedispasquenotrearméenedoitpasêtrecorrectementapprovisionnée,Leighton.Jefaissimplementremarquerquecedébatauraitpuattendrejusqu’àlaprochainesession.J’aiunerécolteàsuperviser.

Simon jetaunecartesur la tableet lançaunregardnonchalantàsonadversaire,quimordillaitsoncigarecommeunhommequisesaitsurlepointdeperdre.

—Jepensequecequevouscraignezdemanquer,Fallon,c’estmoinslarécoltequelachasseaurenard.

—Celaaussi,jeneleniepas.J’aimieuxàfairequedepasserl’automneàLondres.Etjenevoispaspourquoivousvoulezrester,ajoutalecomtedeFallonavecirritation.

—Leproblème,cen’estpascequejeveux.C’étaitunmensonge.Cequ’ilvoulaitétaitbeletbienaucœurduproblème.Ilauraitprovoquéune

sessionspécialeauParlementpourdiscuterdesloissurlacartographiesicelaavaitpermisd’éviterquedesvisiteursdébarquentdanssonmanoirdecampagneetentrevoientsessecrets.

Ildécouvritsescartesetlesétalasurlatable.—Vousferiezmieuxderéfléchiràvotrejeuaulieudechercherdesmoyensd’échapperàvotre

devoirdepairduroyaume.Simonrécoltasesgains,seleva,etquittalapetitesalledejeuenignorantlejuronquelâchale

comte.Ilavaitlechoixentredesinvitationsauthéâtreetunedemi-douzainedebalspourpasserlasoirée.

Ilauraitdûrentrerchezlui,prendreunbain,s’habilleretsortir.Chaquesoiroùilseraitvucomme

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l’incarnationdelanoblesseetdelabienséanceseraitunsoirquil’aideraitàconsoliderlaréputationdesLeighton.

Etpeuimportaitqu’ilcommenceàselasserdesrituelsdelabonnesociété.C’étaitainsiqu’ildevaitagir.—Leighton.LemarquisdeNeedhamandDolbygravissaitensoufflantlemajestueuxescalierduclub.Ilétait

horsd’haleinelorsqu’ilatteignitladernièremarche.Lamainsurlarampedechêne,ilrejetalatêteenarrière et bomba le torse pour respirer. Les boutons de son gilet jaune semblaient sur le point decraquer.Simonsedemandasilevieilhommeallaitavoirbesoind’unmédecin.

—Vousêtesprécisémentl’hommequejecherchais!déclaralemarquisquandileutrecouvrésonsouffle.Dites-moi,quandallez-vousvousdécideràparleràmafille?

Simon se figea.Le club n’était pas le lieu idéal pour avoir ce genre de conversation. Il auraitpréféréplusdediscrétion.

—Voulez-vousm’accompagnerdansunsalonprivé,Needham?Lemarquisnesaisitpasl’allusion.—Àquoibon?Nousn’allonspastenircemariagesecret.—Jenesuispasdevotreavis,ripostaSimon,dontlesmâchoiressecontractèrentdecontrariété.

Tantqueladamen’apasaccepté…—Balivernes!coupalemarquis.— Je vous assure,Needham, que peu de gens considèrentmes paroles commedes balivernes.

J’aimeraisquenousrestionsdiscrets,tantquejen’aipaseul’occasiondem’entretenirentêteàtêteavecladyPénélope.

Needhamétrécitlesyeux.—Danscecas,vousferiezmieuxdevousdécider,Leighton.Simonserralesdents.Iln’aimaitpasrecevoirdesordres.Surtoutdelapartdecetimbécile,qui

étaitdesurcroîtuntireurlamentable.Maisiln’avaitpasvraimentlechoix.Aussiinclina-t-ilbrièvementlatête.—Sur-le-champ.—C’estbien,c’estbien.Fallon!crialemarquis,alorsquel’adversairemalheureuxdeLeighton

sortait de la salle de jeu.Vous n’irez pas plus loin,mon vieux ! J’ai l’intention de vous vider lespoches.

Laportedelasalledejeuserefermasurlemarquis,etSimonespérapourFallonquel’hommeétaitaussimauvaisauxcartesqu’à lachasseà lagrouse. Iln’yavaitaucune raisonque lemarquispasseunbonaprès-midialorsqu’ilvenaitdeluigâcherlesien.

Simons’immobilisadevantl’immensefenêtreenarcdecerclequidonnaitsurlarueetobservalesvoituresquipassaientencahotantsurlespavés.Quefaire?

SerendredirectementàDolbyHouseetparleràladyPénélope.Chaquejourquipassaitlerapprochaitdel’inévitable.Cen’étaitpascommes’iln’avaitjamaissongéàsemarier.Aprèstout,c’étaitlecoursnatureldes

choses.Unmoyendeparveniràsesfins.Illuifallaitdeshéritiers.Uneépouse.Maisiln’avaitpasenviedesemariermaintenant.Nipourcetteraison.Unéclair coloréde l’autre côtéde la rue accrocha son regard.Du rouge,qui tranchait sur les

couleurs ternesdontétaientvêtus lesautrespiétonsdeSt. James’sStreet.Lacouleurétait tellement

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déplacéequeSimons’approchadelafenêtrepours’assurerqu’ilavaitbienvu.Unmanteauécarlateavecunchapeauassorti.Unefemmedansunmonded’hommes.Dansunerued’hommes.

Danssarue.Devantsonclub.Quellefemmeporteraitunmanteaurougevifenpleinjour,dansSt.James’sStreet?Iln’yavaitqu’uneseuleréponsepossible,etelleluifutconfirméelorsquelafoules’éclaircit,lui

permettantdevoirsonvisage.Etquandelle leva lesyeuxvers la fenêtre–ellenepouvaitpourtantpas levoir, encoremoins

savoirqu’ilétaitlà–,ilendemeuraincrédule.Laveilleencorenel’avait-ilpasmiseengardecontreuncomportementaussitéméraire?Nelui

avait-il pas fait la leçon, en soulignant sa puérilité ? N’avait-il pas fait amplement allusion auxconséquencesdesoninsouciance?

Certes,ilavaitfaittoutcela.Justeavantdeluidiredefairedesonmieuxpourgagnerleurpari.Etvoilàlerésultat.Ilneparvenaitpasàlecroire.Cettefemmeméritaitunebonnecorrection.Etc’étaitluiquiallaits’encharger!Aussitôt, il dévala l’escalier. Ignorant les saluts des autres membres du club, il demanda son

manteau,sonchapeauetsesgants.Puisilseprécipitaverslaporteafindelarattraper.Sauf qu’elle était toujours là.Elle attendait patiemment, de l’autre côté de la rue, en bavardant

avec sa petite servante italienne, comme si la situation était tout à fait normale.Comme si elle necontrevenaitpasàtouteslesrèglesdel’étiquette.SimonsepromitderenvoyersadamedecompagnieenItalieparlepremierbateau.

Etilfonçadroitsurellesanssavoirtrèsbiencequ’ilallaitfaire.Julianaseretournaaumomentoùillesrejoignait.

—Vousdevriezêtreplusprudententraversantlarue,VotreGrâce.Unaccidentestsivitearrivé.Elleparlaitaveccalmeetaplomb,commes’ilssetrouvaientdansunsalon,etnondanslaruequi

abritaittouslesclubsmasculinsdelahautesociété.—Quefaites-vouslà?Ils’attendaitàunmensonge.Elleallaitdirequ’ellefaisaitdescoursesets’étaitégarée.Ouqu’elle

avaitenviedevoirSt.James’sPalace.Ouencorequ’ellecherchaitunfiacre.—Jevousattendais,naturellement.—Moi?fit-il,décontenancé.Cen’étaitpaspossible.Quelqu’unauclubavaitdûledroguer.Cecinepouvaitpasréellementse

produire.—Oui,vous.— Est-ce que vous vous rendez compte que ce que vous faites est totalement inconvenant ?

M’attendreici?Danslarue?Elleinclinalatête,unelueurespiègledansleregard.—Aurait-ilétémoinsinconvenantquejefrappeàlaporteduWhitepourdemanderàvousvoir?

Ouplus?Ellesemoquaitdelui.Forcément.—Plus,répondit-ilnéanmoins.Bienentendu.—Donc,vouspréférezquejevousattendeici.—Jenepréfèrerien!s’écria-t-il,sortantdesesgonds.Puis, se rappelantqu’ilsétaient toujoursdans la rue,en facedesonclub, il luiprit lecoudeet

l’orientadansladirectiondeRalstonHouse.—Marchez,ordonna-t-il.

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—Pourquoi?—Nousnepouvonspasresterlà.Celanesefaitpas.—Ilfautvraimentêtreanglais,pourinterdireauxgensderesterdanslarue,commenta-t-elleen

soupirant.SimonrésistaDieusaitcommentàl’enviedel’étrangler.—Commentsaviez-vousquej’étaislà?—Lesaristocratesn’ontpasgrand-chosed’autreàfairequedepasserdutempsà leurclub.Je

voudraisdiscuterdequelquechoseavecvous,VotreGrâce.—Vousnepouvezpasdéciderdemeparleretvenirmechercher,répliqua-t-il,furieux.—Pourquoi?—Celanesefaitpas!—Jememoquedesconvenances,jecroyaisquec’étaitunfaitétabli.D’autrepart,sivousavez

quelquechoseàmedire,jevousautorisequantàmoiàvenirmevoirquandvousvoulez.—Biensûrquejepeuxvenirquandjeveux.—Parcequevousêtesduc?—Non.Parcequejesuisunhomme.—Ah!C’estunebienmeilleureraison.Était-cedusarcasmequ’ilpercevaitdanssonton?Peut-être,maisils’enmoquait.Ilvoulaitjustelaramenerchezelle.—Detoutefaçon,vousn’aviezpasprévudemerendrevisite,reprit-elle.—Non,eneffet.—Ilfallaitdoncbienquejeprenneleschosesdansmamain.Non,ilneselaisseraitpasattendrirparsescharmanteserreursdelangage.—Enmain,corrigea-t-il.Cette femme était un scandale ambulant, et par un curieux hasard il était devenu son

accompagnateur. Il n’avait vraiment pas besoinde cela.Enmoinsde tempsqu’il n’en faut pour ledire,ilstraversèrentlarueetseretrouvèrentsurlechemindeRalstonHouse.

—J’aimieuxàfaireaujourd’huiquedejoueràlanounou,Juliana.Quevoulez-vous?Ellesefigea,etsesparolesrestèrentsuspenduesentreeux.—MademoiselleFiori,rectifia-t-iltroptard.Ellesourit,etsesbeauxyeuxbleuss’illuminèrent.—Non,VotreGrâce.Unefoisquelesmotsontétéprononcés,onnepeutpluslesreprendre.Savoix,presqueunchuchotement,contenaitunepromesse.Lesmotsl’atteignirentenpleincœur,

etundésirvifet intense le transperça. Il rabattit leborddesonchapeauet seplaça faceauvent. Ilaurait aimé que les feuilles mortes qui tourbillonnaient autour d’eux emportent l’instant et ledispersentdanslevent.

—Quevoulez-vous?—Qu’avez-vousàfaire?—Celanevousregardepas.—Non,maisjesuiscurieuse.Qu’est-cequ’unaristocratepeutbienavoiràfairedesiurgentqu’il

nepuissemêmepasmeraccompagnerchezmoi?—Vousessayezdemepousseràbout?—Peut-être.Elleétaitbelle.Exaspérante,etbelle.—Alors?s’entêta-t-elle.Qu’avez-vousàfaireaujourd’hui?

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Quelquechose l’empêchad’avouerqu’il avaitprévude rendrevisite à ladyPénélope.Pour luidemandersamain.

—Riend’important,répondit-ild’untonmorose.Ellelaissafuserunrirequil’enveloppadesachaleur.Iln’allaitpasvoirladyPénélopeaujourd’hui.Ilsmarchèrent en silence unmoment. Quand ils arrivèrent devant RalstonHouse, il se tourna

enfinverselle.Elleétaitvibranteetbelle,avecsesjouescolorées,sesyeuxpétillants,sesvêtementsrougevif, tellementdifférentsdecequeportaient lesdamesde labonnesociété.Elleavaitpréféréaffronterl’airglacéd’octobreplutôtquederesteraucoindufeuavecsonouvrageetunetassedethé.

CequefaisaitsansdoutePénélopeencemomentmême.Juliana,elle,étaitdifférentedetouteslesfemmesqu’ilavaitconnues.Elleétaitlecontrairedece

qu’ilavaittoujoursvoulu.Sans doute était-elle un danger pour elle-même… mais elle l’était surtout pour lui. Un beau

dangertentateurqu’iltrouvaitdeplusenplusirrésistible.—Quevoulez-vous?demanda-t-ild’unevoixplusdoucequ’ilnel’auraitsouhaité.—Jeveuxgagnernotrepari.C’étaitlaseulechosequ’ilnepouvaitsepermettredeluiaccorder.—Celan’arriverapas.—Peut-êtrepas,admit-elleenhaussantuneépaule.Surtoutsinousnenousvoyonspas.—Jevousavaisprévenuequejenevousfaciliteraispaslatâche.—Certes,maisjenem’attendaispasquevousmefuyiez.—Vousfuir?Moi?s’exclama-t-il,sidéré.—Vousavezreçuuneinvitationàdîner.Vousêtesleseulànepasavoirrépondu.Pourquoi?—Certainementpasparcequejevousfuis.—Alors,pourquoinepasrépondre?—Savez-vouscombiend’invitationsjereçoischaquejour?Jenepeuxpastouteslesaccepter.—Donc,vousdéclinez?répliqua-t-elleavecunsouriredontilseméfiainstantanément.Non.—Jen’aipasencoredécidé.—Ledîneralieuaprès-demain.Jen’auraisjamaiscruquevousétiezaussidésinvolteavecvotre

correspondancevul’importancequevousattachezàvotreréputation.Vousêtessûrquevousnemefuyezpas?

—Puisquejevousledis.—Vousnecraignezpasquejegagnenotrepari,enfindecompte?—Pasdutout.—Donc,vousviendrez?—Biensûr.Non!—Parfait.J’avertirailadyRalston.Ellemontalesmarchesduperron,l’abandonnantdanslalumièredéclinante.Simonregardalaporteserefermersurelle.Conscientqu’ilvenaitdesefairemoucherparune

insupportablesirèneitalienne.

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9

L’heuredel’invitationdoitêtrerespectée.Unedameraffinéen’estjamaisenretard.

Traitédesdamesraffinées

Aucun repas n’est plus somptueux que celui servi dans le but de scelleruneunion…

Journaldespotins,octobre1823

Simonarrivaledernier.Àdessein.QuandilgravitlesmarchesdeRalstonHouse,Simonétaitconscientdefaireunegraveentorseà

l’étiquette.Mais comme Juliana l’avaitmanipulé pour l’obliger à assister à ce dîner, il prenait unplaisir pervers à être en retard. Il présenterait ses excuses, naturellement. Juliana comprendraitcependantqu’ilneselaissaitpasdirigerparunefemme.

IlétaitleducdeLeighton.Elleferaitbiendenepasl’oublier.Unevaguede triomphe le submergeaquand la porte s’ouvrit, révélant le vaste hall deRalston

House,complètementdésert.Commeprévu,ilsavaientcommencéledînersanslui.Après avoir tendu sonchapeau, sonmanteauet sesgants àunvalet, il s’engageadans le large

escalierquimenaitàlasalleàmanger,audeuxièmeétage.Lesbruitsdeconversations’amplifiaientàmesurequ’ilapprochait.Ilentradanslavastepièceoùlesinvitésbavardaientenattendantquelerepassoitservi.

Ilsavaientretardél’heuredudîneràcausedelui.Ilsesentitcomplètementidiot.Personnenesemblaitparticulièrementagacéd’avoirdûattendre.Enfait,touslesinvitéspassaient

unmomentagréable.Surtoutlesmessieursquiétaientsinombreuxàs’agglutinerautourdeJulianaqu’ilneputdistinguerd’ellequelesbouclesd’unnoirdejaisdesonchignon.

Simoncompritd’embléelaraisondecetteréception.LadyRalstonvoulaitmariersabelle-sœur.Àcet instant tout legroupe s’esclaffa, et ildistingua le rirede la jeune femme,délicieusement

cristallin comparé à ceux, plus graves, des hommes autour d’elle. Il se sentit aussitôt à cran. Il nes’attendaitpasàcela.

—Contentquevousayezdécidédevenir,Leighton.Lesparoles sarcastiquesdeRalstonarrachèrentSimonà ses réflexions. Ignorant lemarquis, il

s’adressaàladyRalston.

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—Jevouspriedem’excuser,milady.—Jevousenprie,VotreGrâce,réponditaimablementlamarquise.Enfait,cesquelquesminutes

nousontpermisdebavarder.SimonreportasonattentionsurlesgentlemenquientouraientJuliana.Illesexaminalesunsaprès

lesautrestandisquelegroupesedéfaisait.Ilnerestaplusquelecomted’Allendale,aubrasduquelsetrouvaitJuliana.

VêtuedelaplusbellerobequeSimonaitjamaisvue.Pasétonnantqu’ellelesaittousenvoûtés.La robe était un scandale en soi. L’étoffe couleur de nuit chatoyait à la lueur des chandelles,

donnant l’illusion qu’elle était enveloppée d’un ciel d’orage. Le tissu était unmélange de rougessombres, de bleus et de violets, qui se fondaient en une couleur somptueuse et indéfinissable. Lecorsage, profondément décolleté, dévoilait une large portion de peau laiteuse, qu’il fut tenté detoucher.

Elleportaitcetterobeavecuneassurancequ’aucuneautrefemmeàLondresn’auraitpuafficher.Elle savaitque la soienoireprovoqueraitunscandale…et lamétamorphoserait endéesse.Les

hommes,luiinclus,n’auraientplusqu’uneidéeentête:luiôtercetterobesplendideetlaposséder.Simonrepoussacettepenséeinconvenante.Iléprouvalebesoinirrépressibled’ôtersavesteetde

laposersursesépaulespourlaprotégerdesregardsdesautreshommes.Ralstondevaitbiensavoirquecette robeétait indécente.Quesasœurencourageait lesplusbas

instinctsdeshommesprésents.Iljetaunregardaumarquis,quisemblaitnepass’enapercevoir.PuisJulianapassaprèsdeluidansunfroissementdesoie,escortéeparlecomted’Allendale.Elle

pritplaceaumilieudelalonguetable,souriantauxmessieursquiconcentrèrentimmédiatementleurattentionsurelle.

Il aurait aimé les provoquer les uns après les autres en combat singulier, histoire de leurapprendrelesbonnesmanières.Ilauraitdûdéclinercetteinvitation.Chaquefoisqu’ilsetrouvaitenprésencedecettefemme,sonsang-froidledésertait.

Etcelaneluiplaisaitpasdutout.Ils’assitàcôtédelamarquisedeRalston,laplaced’honneurluiétantréservéeentantqueduc.Il

passaledébutdurepasàfairepolimentlaconversationavecladyRalston,Rivington,etlasœurdecelui-ci,ladyMargaretTalbott.Ils’efforçad’ignorerl’activitéquirégnaitaucentredelatable,oùlesmessieurs,enplusgrandnombrequelesdames,rivalisaientpourattirerl’attentiondeJuliana.

Il lui était néanmoins impossible d’ignorer la jeune femme, qui riait et plaisantait avec sessoupirants, les gratifiant de grands sourires et de regards aguicheurs. Tout en participant à laconversationavecsesvoisinsdetable,Simonsuivaitchacundesesmouvements.EllesepenchaitversLongwood,BrearleyetWest assis faceà elle.Tous trois sans titre et ayant acquis leur fortunepareux-mêmes.

West,l’éditeurdelaGazette,luiracontaituneanecdotestupidesurunjournalisteetuncarnavalderues.

—Jediraique,aumoins,ilarendulechapeau!—Lechapeaudureporter?s’enquitLongwood.—Non,celuidel’ours!Julianaéclataderire,demêmequelesimbécilesquil’entouraient.Simonbaissalesyeuxsursonassiette.Ils n’étaient donc pas capables de trouver des aristocrates dignes d’elle ? Elle n’allait tout de

mêmepass’abaisseràépouserunroturier?

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Quandlequatrièmeplatfutservi,l’attentiondeJulianaétaitmonopoliséeparlordStanhope.Cedernier, connupour sonamourdu jeuetdes femmes, feraitunmari lamentable.Pourêtre juste, ilgagnait toujours aux cartes. Mais Ralston ne pouvait pas vouloir marier sa sœur à un pareildébauché?

Jetant un regard en coin aumarquis, qui paraissait trouver les propos de Stanhope amusants,Simon comprit où le bât blessait dans son raisonnement. Les débauchés aimaient la compagnied’autresdébauchés.

Simonfitsonpossiblepourseconcentrersurleplatdeveauquisuivit,feignantdenepasvoirlelongcougracieuxdeJuliana.Ignorantsondésirdeposerleslèvresaucreuxdesonépaule.

Iln’auraitpasdûlaregarder.Maistelleunesirène,elleluifaisaittournerlatête.S’ilnefaisaitpastrèsattention,ilsenoieraitenelle.Unéclatderireleramenaaumomentprésent.Laconversationétaitpasséedelasaisond’automne

àlapolitique,puisàl’artetàlamusique.LesgentlemenétaientsuspendusauxlèvresdeJuliana.Lecomted’Allendale,poursapart,régalaitlesinvitésd’anecdotessurlesfiançaillesdelordetdeladyRalston.

Captivée, Juliana ne le quittait pas des yeux.Simon éprouvaune intense contrariété.Quel effetcelafaisait-ildeprovoquerunetelleréactionchezunefemme?Unetelleapprobation?

— Je n’avais jamais vu deux personnes à ce point faites l’une pour l’autre, déclaraAllendale,dontleregards’attardaunpeutroplongtempssurJuliana.

Celle-cieutunsouriremalicieux.—Dommagequemonfrèreaitmisaussilongtempsàs’enrendrecompte.Lecomtesourit,ilyeutdesriresjoyeuxautourd’eux.C’étaitladeuxièmefoisqueSimonvoyait

Allendale s’intéresser à Juliana.Et le sujetde conversation était assez romantiquepour susciter detendressentiments.

Ilserenversacontreledossierdesachaise.Allendale n’était pas du tout l’homme qu’il lui fallait. Trop indulgent. Trop gentil. Elle le

piétineraitavantqu’ilaiteuletempsdes’enrendrecompte.Iln’étaitpasassezvirilpourelle.SimonregardaRalston,espérantque lemarquisavait remarqué l’échangeentre sasœuret son

beau-frère.MaisRalstonn’avaitd’yeuxquepoursafemme.Simon détourna les yeux. L’affection évidente entre lemarquis et son épouse lemettaitmal à

l’aise.SonattentionseconcentradenouveausurJulianadontl’expressions’étaitadouciequandelleavaitsurprisleregarddesonfrère.

Saplacen’étaitpasici.Pasavecelle,niavecsa famille. Ilsétaient tousparfaitementdétendus,parlaient librementbien

queledînersoitprotocolaire,mettantleursinvitésàl’aise.Tellementdifférentsdesaproprefamille.Sifascinants.Cen’étaitpaspourlui.Lesjouesenflammées,lamarquiselevasonverre.—Puisquenousportonsun toast, jepensequenousdevrions féliciter leducpouravoir sauvé

notreJulianadelanoyade.N’est-cepas,Ralston?Simonfutprisdecourtparcettedéclaration.Avantsonmariage, ladyCalpurniaHeartwellétait

unejeunefilletimideeteffacée.Elleavaitbienchangé.Ralstonlevasonverre.—Excellenteidée,machère.ÀLeighton.Avectoutemareconnaissance.

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Lesmessieurs levèrent leur verre comme un seul homme pour boire à la santé de Simon.Cedernier était partagé entre le respect que suscitait en lui la façon dont cette famille manipulait lasociété – en rendant leurs remerciements publics, en reconnaissant l’aventure malencontreuse deJuliana,ilscoupaientl’herbesouslepieddescommères–etl’irritationàlapenséed’avoirétéutilisé.

LaduchessedeRivingtonsepenchaau-dessusdelatable,interrompantlefildesespensées.—Vousêtesprévenu,VotreGrâce.Maintenantquevousavezsauvél’uned’entrenous,vousne

pourrezplusvouséchapper!Toutlemonderit,àl’exceptiondeSimonquisecontentad’unsourirepolienprenantsonverre.—JesuisdésoléepourSaGrâce,repritJulianad’untonléger.Ildevaitespérerquesonhéroïsme

luirapporteraitplusquenotrecompagnie!Cetteconversationluiplaisaitdemoinsenmoins.Affectantunairdeprofondennui,ildéclara:—Jen’airienfaitd’héroïque.—Votremodestienousfaithonte,Leighton,déclaraStanhoped’untonjovial.N’importelequel

d’entrenousseraitincroyablementheureuxd’accepterlagratituded’unedameaussiresplendissantedebeauté.

Uneassiettefutposéedevantluiàcemoment-là.IgnorantStanhope,Simonentrepritdedécoupersatranched’agneau.

—Racontez-nouscettehistoire!intervintWest.— Je préférerais ne pas avoir à la ressasser, monsieurWest, dit-il avec un sourire contraint.

Surtoutàunjournaliste.Cettedéclarationnefutpasapprouvéeparlerestedel’assemblée,quiréclamaunrécitdétaillé.Simonneréponditpas.—Jesuisdel’avisduduc.LesilencesefitautourdelatableetSimon,surpris,croisaleregarddeJuliana.—Ilm’asauvélavie,etiln’yapasgrand-chosedeplusàraconter.Etsanslui…Ellemarquaunepause.Simonn’avaitpasenviequ’elleachèvesaphrase.—Ehbien,disonsque jesuisheureusequevoussoyezvenuauparcce jour-là.Etencoreplus

heureusequeleducsachenager,ajouta-t-elleàl’adressedesautresinvités.Ces paroles suscitèrent des rires qu’il entendit à peine.Car à cet instant précis, il aurait donné

n’importequoipourêtreseulavecelle.—Oyez,oyez!fitAllendaleenlevantsonverre.AuducdeLeighton.Tout autour de la table, les verres se levèrent. Simon évita le regard de Juliana, de crainte de

trahirsespensées.— Je vais être obligé de réviser mon opinion sur vous, Leighton, déclara Ralston, ironique.

Merci.—Etmaintenant,nonseulementvousavezétéobligéd’accepternotreinvitation,maisvousdevez

supporternotregratitude,observaJuliana.Lesrirescontrebalancèrentlagravitédumoment.SeuleJuliana,quiavaitbaissélesyeuxsurson

assiette,neritpas.Simonsongeaàleurpassé,auxchosesqu’ilss’étaientdites,àlafaçondontilss’étaientaffrontés.

Ilserappelasesparoles,letoncassantqu’ilavaitemployéavecelle.Ellel’avaitaffrontéfièrement,avecpanache.Soudain,ileutenviedeluidirequ’ilnelatrouvaitniordinairenipuérile.Enfait,c’étaitunefemmeremarquable

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Il voulait tout recommencer depuis le début.Ne serait-ce que parce qu’elle neméritait pas lescritiquesqu’ilavaitformuléesàsonencontre.

Maisilyavaitpeut-êtreplusquecela.Siseulementc’étaitsisimple.La porte de la salle à manger s’ouvrit. Un vieux serviteur entra, s’approcha discrètement de

Ralston et lui chuchota quelques mots à l’oreille. Ce dernier se pétrifia, et reposa sa fourchettebruyamment.

Lesconversationscessèrent.Quelles que soient les nouvelles qu’apportait le valet, elles n’étaient, de toute évidence, pas

bonnes.Lemarquisétaitblême.LadyRalstonse leva instantanémentet rejoignitsonépouxsanssesoucierdeses invitésoudu

scandale.—Quesepasse-t-il?C’estNick?demandaJuliana,inquiète.—Gabriel?Touteslestêtessetournèrentverslaporte,verslafemmequivenaitdeprononcerleprénomde

Ralston.—Dio,soufflaJuliana.—Quiest-ce?Simonn’auraitsudirequiavaitposélaquestion.IlétaitconcentrésurlevisagedeJuliana,oùse

lisaitàlafoislapeur,lacolèreetl’incrédulité.—C’estnotremère,répondit-elleenitalien.

Ellen’avaitpaschangé.Grande,souple,aussiinaccessiblequeladernièrefoisqueJulianal’avaitvue.Instantanément, elle eut de nouveau dix ans. Couverte de chocolat après avoir assisté au

déchargementdesmarchandisessurlequai,courantaprèssonchatdansledédalederuelles,entrantdans la cour de la maison baignée de soleil en appelant son père. Une porte s’ouvrait, sa mèreapparaissaitsurlebalcondupremierétage,leportraitmêmedel’indifférence.

—Silenzio,Juliana!Unedamenecriepas.—Jesuisdésolée,mama.LouisaFiorisepenchapar-dessuslarambarde.— J’espère bien, répliqua-t-elle.Tu es sale. J’ai l’impression d’avoir un garçon, pas une fille.

Retournetelaveràlarivièreavantd’entrerdanslamaison.Louisatournalestalonsetdisparutentrelesportesàdoublebattant.CefutladernièrefoisqueJulianavitsamère.—Gabriel?répétacelle-ci.Ellepénétradans la salled’unedémarcheassurée,commesivingt-cinqannéesne s’étaientpas

écouléesdepuisl’époqueoùelleorganisaitdesdînersàcettemêmetable.Commesitouslesinvitésn’avaientpaslesyeuxbraquéssurelle.

Cela dit elle avait toujours adoré attirer l’attention. Plus il y avait de scandale, plus elle étaitheureuse.

Et le scandale serait considérable. Dès le lendemain, l’aventure de Juliana dans la Serpentineseraitoubliée.

—Gabriel,répéta-t-elled’untonsatisfait.Seigneur,quelhommetuesdevenu!Lemarquis!

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Elle se tenait à présent derrière Juliana,mais ne s’était probablement pas rendu compte de saprésence.Julianafermalesyeux.Biensûr,samèrenel’avaitpasremarquée.Ellenes’attendaitpasàlatrouverici.

Sinon,ellel’auraitcherchéeduregard,elleauraitditquelquechose.N’est-cepas?—Oh ! J’ai interrompu ledîner. J’auraisdûattendredemainmatin,mais jene supportaisplus

d’êtreloindechezmoi.Chezmoi?Julianatressaillit.Tousleshommesselevèrent,courtois,bienqu’avecuntempsderetard.—Jevousenprie,nevouslevezpaspourmoi!s’écriaLouisa,etsouslapolitessetrèsanglaise

desontonperçaitunesortedefourberieféminine.JevaismeretirerdansunsalonenattendantqueGabrielaitunpeudetempsàmeconsacrer.

Juliana jeta un coupd’œil à son frère. Il avait lesmâchoires serrées et le regard glacial.À sagauche,Callieserraitlespoings,l’airfurieux.SiJulianan’avaitpasétésurlepointdesortirdesesgonds,elleauraitétéamuséedevoirsabelle-sœurprêteàterrasserdesdragonspourdéfendresonépoux.

Silesdragonsexistaient,leurmèreenétaitun.Unsilenceassourdissants’étaitabattusurlasalle.—Bennett, dit enfin Callie avec un calme olympien, voulez-vous accompagner signora Fiori

danslesalonvert?Lemarquislarejoindradansuneminute.Levieuxmajordomefinitparcomprendrequ’ilavaitétél’annonciateurduplusgrandscandalede

Londres depuis… eh bien, justement depuis la dernière apparition de Louisa Hathbourne St. JohnFiori.Ils’empressad’obéirauxordresdesamaîtresse.

—SignoraFiori,répétaLouisadansunéclatderire.Personnenem’aappeléeainsidepuismondépartd’Italie.JesuistoujourslamarquisedeRalston,ilmesemble,non?

—Non,vousnel’êtesplus,déclaraRalston,sansdissimulersacolère.—Tuesmarié?C’estmerveilleux!Jemecontenteraidoncd’êtremarquisedouairière.Juliana avait du mal à respirer. En quelques mots, sa mère venait de balayer dix années de

mariage,sonépoux,savieenItalie.Ainsiquesaproprefille.Tout cela devant unedouzained’invités qui se feraient unplaisir de raconter dès le lendemain

cettehistoiresavoureuse.Julianafermalespaupièresens’exhortantaucalme.Enquelquesmots,cettefemmequ’elleavait

presqueoubliéevenaitderemettreencausesalégitimité.Quandellerouvritlesyeux,ellecroisaleseulregardqu’ellesouhaitaitéviterpar-dessustout.Le duc de Leighton ne regardait pas sa mère, mais elle, Juliana. Et ce qu’elle lut dans ses

prunellesambreluifithorreur.Delapitié.Sesjouess’empourprèrent,lanauséeluisouleval’estomac.Pasquestionderesterdanscettepièce

uneminutedeplus.Ilfallaitqu’ellesorteavantdefairequelquechosed’inacceptable.Elleseleva,repoussasachaise,brisantainsitouteslesrèglesridiculesdel’étiquettedecepays

ridicule.Etelles’enfuit.

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Les invitéssedispersèrent toutdesuiteaprès l’arrivéede lamarquisedouairière,aliassignora

Fiori, afin de laisser à la famille le temps et l’espace nécessaires pour faire face à cette arrivéedésastreuse.Maisaussi,etsurtout,parcequ’ilsespéraientêtrelespremiersàrépandrelanouvelle.

Simon ne pensait qu’à Juliana. Son visage tandis qu’elle écoutait le caquetage de samère, sesyeuxquandcelle-ciavaitdéclaréqu’ellen’étaitpasuneFiorimaisuneSt.John,etenfinlafaçondontelleavaitquittélasalle,latêtehaute,avecunedignitéremarquable.

Toutenregardant lesautresvoituress’éloignerdanslarue, ilécoutaitd’uneoreilledistraite leducetladuchessedeRivingtonsedemanders’ilsdevaientresteroulaisserleurfamilleréglercetteaffaireenpaix.

— Ne devrions-nous pas au moins prendre des nouvelles de Juliana ? risqua la duchesse enmontantdanslavoiture.

—Laissons-latranquillepourcesoir,machérie.CefutlaréponseidiotequeRivingtondonnaàsafemmeavantderefermerlaportière.Simonserralesdents.IlsauraientdûsoutenirJuliana,biensûr.Quelqu’undevaits’assurerqu’elle

nefuiraitpaspourl’Italieaubeaumilieudelanuit.Paslui,naturellement,songea-t-ilengrimpantdanssaproprevoiture.Julianan’étaitpassoussaresponsabilité.Ilnepouvaitsepermettreunscandale.Julianaallaitbien,ildevaitsesoucierdesaproprefamille.Etsiellen’allaitpasbien?Ravalantunjuron,ilfrappaauplafondetordonnaaucocherdefairedemi-tour.Ilsavaitqu’illatrouveraitdansl’écurie.Lesquelquespalefreniersquiflânaientdanslacoursemirentaugarde-à-vousenvoyantleducde

Leighton.Cedernierlescongédiad’ungesteetpénétradanslebâtiment.Il parcourut la longue rangée de stalles, se guidant aux chuchotements en italien et au doux

froissementdesoiedesesvêtements.Parvenudevantlebox,ils’immobilisa,fasciné.Ledostourné,Julianabrossaitsamontureavecdesgestesfermesetprécis.Detempsàautre,la

jumentsepenchaitetl’effleuraitdesesnaseauxpourattirersonattention.Simonnepouvaitenvouloiràl’animal,quiserengorgeaitsouslescaresses.—Ellenesavaitmêmepasquej’étaislà,chuchota-t-elleenitalien.Etsijen’avaispasétélàpour

debon,elleauraitfaitcommesijen’avaisjamaisexisté.Ilyeutunsilence.Iln’entendaitquelebruissementdesarobe,quiaccompagnaitleglissementde

labrossesurlepelagedel’animal.Soncœurseserra.Êtreabandonnéeparsamère,c’étaitunechose,maisquecettemèrerejettelesannéespasséesensembledevaitêtreunchocinsupportable.

—Nonpasquejem’ensoucie.C’étaitunmensonge,biensûr.Oppressé,ilavaitdumalàrespirersoudain.—Nousallonspeut-êtrepouvoirretournerenItalie,Lucrezia,dit-elleenappuyantlefrontcontre

l’encoluredelajument.Gabrielvabienvoirquecen’étaitpasunebonneidéedemegarderchezlui.IlyavaitdanscesparolesuntelchagrinetdetelsregretsqueSimoneneutlecœurbrisé.Depuis

ledébut,ilavaitcruqu’elleaimaitcréerduscandalepartoutoùelleallait.Àprésent,tandisqu’illaregardait brosser l’immense cheval tout en cherchant désespérément comment échapper auxévénementsdésastreuxdelasoirée,ilcompritunechosecapitale.

Julianan’avaitpaschoisilescandale.C’étaitunfardeauqu’onl’obligeaitàporter.Ses propos audacieux et son attitude provocante n’étaient que des leurres. Elle cherchait

uniquementàseprotéger.Toutcommelui,elleétaitvictimedescirconstances.

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Maiscelanechangeaitrien.—Àvotreplace,jenem’attendraispastropquevotrefrèrevouslaissepartir,dit-ilenitalien.Julianafitvolte-face.L’espaced’uninstant,sesyeuxbleustrahirentlapeuretlanervosité,avant

delaisserplaceàl’irritation.—Depuisquandêtes-vouslà?demanda-t-elleenanglais.Ellereculad’unpas,sepressantcontreleflancducheval,quis’agitaenhennissantdoucement.Simonsefigeadecraintequ’ellenes’enfuie.—Assezlongtemps,admit-il.Ellebalayaleboxduregard,commesiellecherchaituneissue.Commes’illaterrifiait.Puiselle

semblaserappelerqu’ellen’avaitpeurderien.—Écouterauxportesestunevilainehabitude,déclara-t-elle.Simons’adossaauchambranle.—Vouspouvezl’ajouteràlalistedemesdéfauts.—Iln’yaurajamaisassezdepapierenAngleterrepourenécrirelaliste.—Vousm’offensez,dit-ilenhaussantunsourcil.— Si seulement c’était vrai, rétorqua-t-elle en se retournant vers l’animal. Vous n’avez rien

d’autreàfaire?Donc,ellenevoulaitpasparlerdesévénementsdelasoirée.Illaregardapasserlabrossesurles

flancsdesajument.—J’étaisinvitéàdîner,maislaréceptions’estterminéeplustôtqueprévu.— Ce devait être une soirée très ennuyeuse. Ne devriez-vous pas être à votre club ? Afin de

raconter à vos amis aristocrates le coup dévastateur qui vient d’être porté à la réputation de mafamille,toutceladansunnuagedefuméedecigaresetenbuvantduwhiskyvolédansleNord?

—Queconnaissez-vousdelafuméedecigares?—EnItalie,lesrèglesnesontpasaussistrictesqu’ici.—Vraiment?Jenel’avaispasremarqué,rétorqua-t-ilsèchement.— Je suis sérieuse.Vous avez certainementmieux à faire que de rester dansmon écurie àme

regarderbrossermoncheval.—Enrobedesoirée.Larobelaplusextravagantequ’ileûtjamaisvue.—Nemeditespasqu’ilexisteaussidesrèglespourcelaaussi.—Pasvraiment,non.—Tantmieux,riposta-t-elle.—Celadit,jen’avaisencorejamaisvuunedameaussibienhabilléepansersoncheval.—Vousn’enaveztoujourspasvu.—Jevousdemandepardon?—Aprèscequis’estpassécesoir,ilestclairquejenesuispasunedame,vousnecroyezpas?Ellesepenchapourexaminerl’undessabotsdelajument.—Jen’aipaslesascendantsrequispouraccéderàcetitre.Etcetteseulephrasefitchangerletondelaconversation,l’airparuts’alourdir.Julianapivotasur

sestalonsetleregardaavecgravité.—Pourquoim’avez-voussuiviejusqu’ici?Dudiables’illesavait.—Vousavezpenséque,puisquemamèreétaitrevenue,vouspouviezmerejoindredansl’écurie,

etquejemecomporteraiscommeellel’atoujoursfait?

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Lesmotsdemeurèrentsuspendusentreeux.Simoneutenviedelaprendreparlesépaulesetdelasecouerpourlesavoirprononcés.Pouravoirlaisséentendrequ’ellenevalaitpasmieuxquesamère.

—Oupeut-être n’avez-vouspu résister à l’envie d’énumérermesdiversmanquements aubongoût,enchaîna-t-elle.Jevousassurequ’iln’yarienquevouspuissiezdiresansquej’yaied’abordpensémoi-même.

Croyait-ellevraimentqu’ilsauteraitsurl’occasionpourlaséduire?Cesoir?—Juliana,je…Ilfitunpasverselle,maisellel’arrêtad’ungeste.—Nemeditespasquecelaatoutchangé,Leighton.Elle ne l’avait jamais appelé ainsi. Juste Votre Grâce, de ce ton moqueur qui le hérissait, ou

Simon.Celaledéstabilisa.Ellelaissaéchapperunrirefroid,agacé,quineluiressemblaitpas.—Cetévénementn’arienchangé.Ilajustesoulignécequevoussaviezdepuisledébut,àsavoir

quejesuisun«scandaleambulant»,commevousdites.Cettefemme,danslasalleàmanger,enestlapreuve,non?

Ilyeutunlongsilence,puisellemurmuraenitalien:—Elleatoutgâché.Unefoisdeplus.—Ellen’estpasvous,répondit-ilenitalien.—Sciochezze!Sottises!Sesyeuxétaientbrillantsdelarmesdecolère.Horsd’elle,elleluitournaledos,etc’est

àpeines’ilentenditlasuite.—Jeviensd’elle.Donc,jedeviendraicommeelle.N’est-cepaslecoursnormaldeschoses?Iltenditlamain,lasaisitparl’épauleetlafitpivoter.—Pourquoidites-vouscela?Vouslepensez?—Etjenesuispaslaseule!répliqua-t-elleavecunriredur.N’est-cepascequevouscroyez?Ce

quecroienttouslesaristocrates?Allons,VotreGrâce.J’airencontrévotremère.Bonsangnesauraitmentir,n’est-cepas?

Simonsepétrifia.Ilavaitentenducesmotsdesmilliersdefois.C’étaitl’expressionfavoritedesamère.

—Ellevousaditcela?—Nemel’avez-vouspasditvous-même?—Non.— Pas exactement en ces termes. Il n’empêche qu’il y a une part de vérité selon vous. Vous

regardezdehautlespauvrescréaturesquivousentourent.Bonsangnesauraitmentir…ladeviseduDucDédaigneux.

LeDucDédaigneux.Ilconnaissaitcesobriquet,naturellement,maisn’yavaitjamaisaccordébeaucoupd’attention.Il

nes’étaitjamaisrenducompteàquelpointilétaitjuste.Lessentiments,c’étaitbonpourlepeuple.Ilavaittoujoursétéplusfaciled’êtreleDucDédaigneuxquedeleurlaisservoirlereste.Lapartie

deluiquin’étaitpassidédaigneusequecela.Il était contrarié que Juliana connaisse ce surnom, qu’elle le voie sous ce jour. Il pouvait

supportersacolèreetsaméfiance.Passatristesse.Commesielleavaitludanssespensées,sesyeuxlancèrentdeséclairs.

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—Assez!Jeneveuxpasdevotrepitié,articula-t-elleens’efforçantdeselibérer.Jepréfèrevotreindifférence.

—Monindifférence?—C’estbiencequevouséprouvez?Ouest-cesimplementdel’ennui?—Vouspensezquevousmelaissezindifférent?Quevousm’ennuyez?—Jemetrompe?fit-elleenreculantd’unpas.—Oui.Elleouvritlabouche,lareferma,nesachantquedire.—Dieusaitquevousêtesexaspérante…etimpulsive,dit-ilens’avançantd’unpas.Ellerecula,etpoussaunpetitcrienseretrouvantledosaumur.—Etagaçante…etabsolumentenivrante…LeslèvresdélicatesdeJulianas’entrouvrirent.—Maiscertainementpasennuyeuse.

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10

Lefoinetleschevauxfontuneeaudetoilettedéplaisante.Lesécuriesnesontpasunlieuconvenablepourunedameraffinée.

Traitédesdamesraffinées

Partoutdansnotregrandenation, lesprêtresécriventdessermonssur lefilsprodigue…

Journaldespotins,octobre1823

Fascinée,JulianaregardaSimon,quil’avaitacculéecontrelacloisonavantdeplaquerlesmainsdepart et d’autrede ses épaules jusqu’à la toucher– ellene s’était pas renducomptequ’elle avaitbesoindececontact.Savoixgraveetveloutéeluiavaitfaitoublierpourquoiellesetrouvaitlà,danscettestallesombre.

Ildemeura immobile, ladominantde sahaute taille. Il attendait.Et semblaitprêt à attendredesheuresetmêmedesjoursqu’elleréfléchisseàcequ’ellevoulaitfaire.

Ilneluifallutpasdesheurespourprendreunedécision,non.Àpeinequelquessecondes.Elleignoraitcequisepasseraitplustardcesoir-là,lelendemainoulasemained’après.Ellene

savait pas ce qu’elle voulait hormis ceci : elle le voulait, lui. Elle voulait vivre cemoment, dansl’écurieobscure.Uninstantdepassionquil’aideraitàaffrontercequil’attendaitdanslefutur.

Ses larges épaules lui cachaient la lumière des lanternes, sa silhouette se détachant en ombrechinoise.Ellenevoyaitpassesyeux,maiselledevinaitqu’uneflammepassionnéebrûlaitaufonddesesprunellesd’ambre.

Ellefitremontersesmainssursontorse,sentitsesmusclessoussaveste,etneputs’empêcherderegretterqu’ilyaittantdevêtementsentreeux.Sesdoigtsatteignirentsoncou,sapeautiède.Ellelesplongeadanslessouplesmèchesblondesetilpenchalatête,commes’iln’avaitpluslaforcedeluirésister.

CetteidéeplutàJuliana.Seslèvresétaienttoutcontresonoreilleàprésentetelleperçutsarespirationsaccadée.—Vousn’avezpasl’airdemetrouverennuyeuse,fit-elleremarquer.Ils’esclaffa,etchuchota:—Sij’avaiscentansdevantmoipourdécrirecequej’éprouveencemoment,l’ennuineserait

pasmentionnéuneseulefois.—Attention,Simon,jevaisfinirparvoustrouvercharmant,etalorsoùirons-nous?

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Ilneréponditpas.Elleattenditqu’ilréduiseencoreladistancequilesséparait.Iln’enfitrien,etelleneputquereconnaître,émerveillée,quecethommesemaîtrisaitremarquablement.

Surceplan,ellenepouvaitrivaliseraveclui,songea-t-elleavantdepresserseslèvrescontrelessiennes.

À l’instant où leurs lèvres se touchèrent, Simon bougea. Il inspira profondément, l’enlaça,l’enveloppadesachaleuretdesonparfum,unmélanged’agrumesetdetabac.

Ill’attiracontreluidesesmainspuissantes,etelles’enflamma.CebaiserétaitdifférentdeceluideHydePark,quiétaitempreintdefrustration,decolèreetdecrainte.

Lebaiserd’aujourd’huiétaitunedouceexploration.Il cherchait et trouvait, poursuivait et capturait. Il suggérait qu’ils avaient l’éternité pour

apprendreàseconnaître.EtquandSimonluicaressaleslèvresdelalangue,faisantnaîtreuntroubleenivrant,elleespéraqu’ilsavaientbeletbienl’éternitédevanteux.Illuifaudraitaumoinscelapourqu’elle s’en lasse. Elle laissa fuser un petit cri étouffé en sentant son corps si puissant, si viril seplaquercontrelesien.Ilreleva.

—Est-cequec’est…—C’estparfait,souffla-t-elleencrispantlesdoigtsdanssescheveuxpourlerameneràelle.Avecungrondementdesatisfaction,illuiencadralevisagedesesmainsetrepritpossessionde

seslèvresavecunefouguequiluicoupalesouffle.Ellesentitsesjambessedérobersouselle,maisillaretintetlasoulevacommesiellenepesait

rien.Elleauraitvouluenroulerlesjambesautourdelui,hélas,elleétaitprisonnièredesesjupes.—Ilyavraimenttropdetissudanscessatanéesrobes,grommela-t-elle.Simonlareposasurlesoletfitglissersamaindanssoncou,puissursesépaulesrondes.—Demaviejen’aivuderobeplussomptueuse,murmura-t-il.Incapablederésister,elleseplaquacontrelui.Elleétaitparfaitementconscientedesecomporter

commeunedévergondée.—Jel’aicommandéeenpensantàvous,avoua-t-elleavantdeluimordiller la lèvreinférieure.

J’étaissûrequ’ellevousplairaitetquevousnepourriezpasrésister.—Vousaviezraison.Maisjevoiscequevousvoulezdire,ilyabeletbientropdetissu.Surce,iltirasursoncorsage,révélantlapointedurcied’unsein.—Sibelle,souffla-t-ilentraçantdepetitscerclesduboutdel’indexautourdel’aréole.Puissondoigtquittasonseinpourseglissersoussonmenton,qu’illuifitlever.—Ouiounon?La question était impérieuse.Comme s’il lui offrait un bref instant pour décider de ce qu’elle

voulait avant de reprendre la direction des opérations et qu’elle bascule tête la première dans lemondedontilétaitlemaître.

—Oui,chuchota-t-elle.Oui,Simon.Uneétincelles’allumadanslesyeuxassombrisparlapassion,puisils’emparadeseslèvres,la

gratifiantd’unbaisertorrideavantquesaboucheglissedanssoncouetsurlapeaupâledesonsein.Julianacrispalesdoigtstoujoursenfouisdanssescheveux.

Oui.Simon.Ilcontrôlaitlasituation.Plusjamaisellenepourraitapparteniràunautre.Etcelaluiétaitégal.Duboutde la langue, ilcaressa lapointedesonsein,etellesecambraensemordant la lèvre.

Offerte.—Juliana?

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C’étaitlavoixdesonfrère.Ellen’auraitpasétépluschoquéesil’écuries’étaitsoudainembrasée,Simonseraidit,etremitsoncorsageenplace.Lissantsesjupes,elleseprécipitaversl’entréedu

box.—Je…jesuislà,Gabriel,lança-t-elleenramassantlabrosse.Lucreziaadorequejelabrosse.—Jet’aicherchéepartout.Quefais-tu,seuledansl’écurieaumilieudela…Ralstons’immobilisaàl’entréedubox.Sesyeuxseposèrentd’abordsurSimon,puissurJuliana.

Ilneluifallutpaslongtempspourcomprendre.Vifcommel’éclair, ilpassadevantsasœur,agrippalesreversdelavestedeSimon,quis’était

adosséàlacloisondansunepiètretentativepourapparaîtrenonchalant.Faisantpivoterleducsurlui-même,Ralstonleprojetadansl’allée.Simonheurtalemur,ettousleschevaux,affolés,semirentàhennir.

—Gabriel!criaJuliana.EllevitsonfrèreagripperlacravatedeSimond’unemain,etluidécocherunformidablecoupde

poingàlamâchoiredel’autre.—Voilàvingtansquej’avaisenviedefairecela,espèredesalaudarrogant,gronda-t-il.PourquoiSimonnesedéfendait-ilpas?—Gabriel,arrête!—Debout,ordonnaRalstonsansprêterattentionàsasœur.Simonse levaen frottant sa jouequicommençaitdéjààbleuir.Lesépaules rigides, lespoings

levés,Ralstonétaitprêtàcontinuer.Iln’arrêteraitpastantquel’und’eux–oulesdeux–neseraitpasà terre, inconscient. À en juger par la lueur dans le regard de Simon, ce serait les deux, devinaJuliana.

Ralston lança le poing. Leighton l’arrêta et cueillit le marquis au menton, envoyant sa têtebasculerenarrière.

—Non,arrêtez!hurlaJulianaenseglissantentreeux,mainslevéestelunarbitredansunmatchdeboxe.

—Juliana,écartez-vous,ordonnaLeighton.—Parlez-luiencoreunefoisaveccettefamiliarité,et jevousattendraià l’aubedanslepré.En

fait,donnez-moiuneseuleraisondenepasvousprovoquerenduelsur-le-champ.—Gabriel,nousavonseuassezdescandalepourlasoirée,murmuraJuliana.Tunecroispas?D’uncoup,Ralstonperditsonhumeurcombative.—Ilnes’estrienpassé,ditJulianalorsqu’ilbaissalespoings.GabriellaissaéchapperunpetitriresansjoieetcroisaleregarddeLeighton.—Tuoubliesquejen’aipastoujoursétéunhommemarié,petitesœur.Jesaisquandilnes’est

rien passé. Les dames n’ont pas cette expression lorsque rien ne leur est arrivé. Et les hommescommeLeightonn’acceptentpasderecevoirdescoupsdepoingpourrien.

Julianasentitsesjouess’enflammer,maisnedésarmapas.—Tutetrompes.Ilnes’estvraimentrienpassé.« Sauf qu’il s’est passé quelque chose, souffla une petite voix dans sa tête. Quelque chose de

merveilleux.»—Dites-lui,VotreGrâce.Comme il demeurait silencieux, elle lui lança un coup d’œil par-dessus son épaule. Il se

comportaitcommesiellen’étaitpaslà,soutenantsansbroncherleregarddesonfrère.—Etsic’étaitvotresœur,Leighton?articulalentementcedernier.Ceneseraitrien?

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UnéclairpassadanslesyeuxdeSimon.Delacolère.Non,del’exaspération.Non,autrechose,depluscompliqué.

Ellecomprit,unesecondeavantqu’ilneparle,cequ’ilallaitfaire.Ilfallaitl’enempêcher.—Non!Ne…Troptard.—Jel’épouserai,déclaraLeighton.Ellelutlesmotssurseslèvres,plusqu’ellenelesentendit,carlesangluirugissaitauxoreilles.

Ellesetournavivementverssonfrère.—Non.Ilnem’épouserapas.Unlongsilencesuivit.Incertaine,elleregardadenouveauSimon.Sonvisageétaitfroid,figé,son

regardrivésurRalston,commes’ilattendaitunecondamnationàmort.Cequiétaitlecas.Ilnevoulaitpasl’épouser.Ellen’étaitpassaparfaitepetiteépouseanglaise,àl’abriduscandale.

Toutefoisilleferaitparcequecelasefaisait.Parcequec’étaitlegenred’hommeàfairesansdiscutercequel’onattendaitdelui.Sanssebattre.

Ill’épouserait,nonpasparcequ’illavoulait…maisparcequec’étaitsondevoir.Nonqu’elleeûtsouhaitéqu’illadésire…Menteuse.Ralstonnelaregardapas,ilnedétournapassonattentionduduc.—Écoute-moi,Gabriel.Jenel’épouseraipas.Ilnes’estrienpassé,répéta-t-elle.—Non,Juliana,tunel’épouseraspas.Leducsembleavoiroubliéqu’ilestdéjàfiancé.—Quoi?s’exclama-t-elle,déconcertée.— Allez, Leighton. Dites-lui que c’est vrai. Dites-lui que vous n’êtes pas si parfait que cela

finalement.—Jen’aipasdemandélamaindecettedame.—Non,seulementàsonpère,rétorquaRalstonavecsuffisance.JulianaauraitaiméqueSimonnie,maisellelutlavéritédanssonregard.Ilétaitfiancé.Ilétaitfiancéetill’avaitembrassée.Dansl’écurie.Commesiellen’étaitqu’unecatin.Commesiellenevalaitpasmieuxquesamère.Ellefixasurluiunregardaccusateur.—Juliana…—Non.Iln’yarienàdire.Ellelevitdéglutir,pensaque,peut-être,ilcherchaitlesmotsadéquats.Saufqu’iln’yavaitpasde

motsadéquats.Cefutsonfrèrequibrisalesilencelepremier.—Sivousapprochezencoreàmoinsdetroispasdemasœur,Leighton, ilvaudraitmieuxque

vousayezdéjàchoisivostémoins.Encoreunlongsilence,puis:—Gardermes distances ne sera pas difficile. Cela ne l’aurait pas été si vous surveilliez plus

étroitementceuxquivoussontconfiés.Surcesparolesméprisantes,leDucDédaigneuxtournalestalons.

Samèreétaitrevenue.—Redeo,Redis,Redit…

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Dieuseulconnaissaitlaraisondesonretour.—Redimus,Reditis,Redeunt…Samèreétaitrevenue,etJulianaavaitfailliruinersaréputationdansl’écurie.—Jereviens,tureviens,ellerevient…ElleavaitfaillisuccomberdanslesbrasduducdeLeighton.Etcelaluiavaitplu.Elleavaittrouvécela…magnifique.Saufqu’ilétaitfiancé.Qu’illuiavaittournéledosetétaitsortidesavie.Lalaissantaffronterseuleleretourdesamère.Julianasoupira,essuyantsesmainsmoitessurlecouvre-litdebrocart.Riend’étonnantqu’ellen’arrivepasàdormir.Lasoiréen’avaitpasétédesplusfaciles.Ilétaitparti.Maisd’abord,ill’avaitdemandéeenmariage.Alorsqu’ilavaitdemandélamaind’uneautrefemme.Quelquechoseenellesenoua.Ellen’eutaucunmalàidentifiercequ’elleressentait.Leightonluimanquait.Ellenecomprenaitmêmepaspourquoi.C’étaitunhommeépouvantable.

Fier,arrogant,froid,insensible.Saufquandilnel’étaitpas.Saufquandilsemontraitdrôle,charmantetpassionné.

Julianafermalesyeux,essayantd’ignorerlaflècheacéréequiluitransperçaitlapoitrine.Ilavaitéveillésondésir.Etill’avaitquittée.—Jepars,tupars…Lesconjugaisonsnel’aidaientpas.Frustrée, elle bondit de son lit. Après avoir enfilé sa robe de chambre, elle traversa la pièce,

ouvritlaported’ungestebrusqueets’engageadanslelargecorridorenfaisantcourirsesdoigtslelongdumur.Elleatteignitl’escaliercentraletdescendit.Delalumièrefiltraitsouslaportedubureaudesonfrère.

Ellenepritpaslapeinedefrapper.Campédevantl’immensefenêtre,Ralstontenaitdanssamainleglobedecristalqu’elleluiavait

offert quelquesmoisplus tôt, et contemplait l’abîme sombre en son centre.Ses cheveux étaient enbataille,ilavaitenlevésaveste,songiletetsacravate.

Julianagrimaçaenvoyantl’hématomesursamâchoire.Elleneluiavaitcauséquedessoucisdepuissonarrivée,etnecomprenaitpasqu’ilnel’aitpas

encorejetéedehors.Illuijetauncoupd’œilenl’entendantentrer,maisnelafusillapasduregardpournepasavoir

frappé.Elleallas’asseoirprèsdubureau,ramenasespiedsnussoussarobedechambre.Lesilencequis’étiraentreeuxn’avaitriend’inconfortable.—J’aimeraistirerleschosesaupropre,attaqua-t-elle.—Auclair,corrigea-t-ilavecunsourireencoin.Elleétrécitlesyeux.—Jeviensteprésenterdesexcuses,ettutemoquesdemoi?—Vas-y,dit-ilgentiment.—Merci.Jesuisdésolée.—Dequoi?fit-il,visiblementétonné.—Ilyabeaucoupdechoses,non?Pourcommencer,jesuisdésoléequetoutteretombedessus.

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Gabrielneréponditpas.—Oùest-elle?Ilfitroulerleglobedecristalentresesdoigts.—Partie.Julianamarquaunepause,submergéeparuneémotionindéfinissablequ’ellen’étaitpascertaine

devouloiranalyser.—Pourtoujours?Sonfrèreinclinalatête,etellecrutl’entendrerire.—Non.Siseulementc’étaitaussifacile.Jenevoulaispasd’elledanscettemaison.Julianacontemplasonfrère,fortetsolide,quisemblaitporterlepoidsdumondesurlesépaules.—Oùl’as-tuenvoyée?—Elleignoraitquetuétaislà,tusais,dit-ilensetournantcomplètementpourluifaireface.C’est

pourcelaqu’ellenet’apascherchéeautourdelatable.Julianahochalatête.—Sait-ellequejesuislà,àprésent?—Jeleluiaidit,avoua-t-ilavecdouceur.Lesilenceretomba.Gabrielallas’asseoiràsonbureau.—Tuesmasœur.Tuaslapriorité.—Queveut-elle?Ilposalescoudessurlebureau.—Elleditqu’elleneveutrien.—Endehorsdelapositiondemarquisedouairière,commentaJuliana,sarcastique.—Ellenel’obtiendrajamais.C’était impossible.Lahautesociéténe l’admettraitpas.Lescommèresallaientprospérersurce

scandalependantdesannées.QuandJulianaétait arrivéeàLondres, sixmoisplus tôt, ellesavaientfondusurelletelleunenuéedeguêpes.L’histoiresordidedesamèreavaitétéexhuméedufonddelarivièreoùs’écoulaientlesdramesetlestragédiesdelasociété.Mêmemaintenant,alorsqu’elleétaitalliéeauxfamilles lespluspuissantesdeLondres, Julianademeuraitenmargede labonnesociété.Acceptéeàregret,parcequ’ellefaisaitpartiedecesfamillesetnonpoursesméritespersonnels.

Toutallaitrecommencer,etceseraitencorepirequ’avant.—Tunelecroispas,n’est-cepas?Tunecroispasqu’elleneveutrien?—Non.—Alors?—L’argent,lafamille…—Lepardon?Ilréfléchit,puishaussauneépauleensigned’ignorance.—Quisait?—Ilnefautpasluipardonner!s’exclamaJulianaensecouantlatête.Cen’estpaspossible…pas

aprèscequ’ellevousafaitàNicketàtoi.Àvotrepèreetaumien…—Àtoi,ajouta-t-il.Àmoi.Ilfitpasserleglobed’unemainàl’autre.—Jen’auraisjamaiscruqu’ellereviendrait,avoua-t-il.—Lapeurduscandaleauraitdûlateniràl’écart.SaremarquefitrireGabriel.

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—Tuoubliesquec’estnotremère.Unefemmequia toujoursvécucommesi lescandaleétaitpourlesautres.Et,defait,ç’atoujoursétélecas.

Notremère.JulianaseremémorasaconversationavecSimondansl’écurie.Quelstraitspartageait-elleavec

samère?Louisaluiavait-elletransmissadésinvolture,sonmépristotaldesautres?—Tun’espascommeelle.Elletressaillit,croisaleregardbleudesonfrère.Leslarmesluivinrentauxyeux.—Commentlesais-tu?—Jelesais.Unjour,tulesaurasaussi.Comment pouvait-il être aussi certain qu’elle n’était pas comme Louisa ? Qu’elle n’avait pas

héritédesonindifférence,enmêmetempsquedesataille,desescheveux,desesyeuxclairs?Bonsangnesauraitmentir.—Lescandale…quandilssauront…qu’elleestderetour…—Ilseraénorme.D’aprèsmoi,nousn’avonsquedeuxchoixpossibles:soitnousplionsbagage

etpartonsàlacampagneavecelleenespérantquelesragotsfinirontpars’éteindre…—Soit?questionna-t-elleenfronçantlenez.—Soitnousredressonslatêteetnousaffrontonslatempête.Julianaesquissaunsourire.—IlneserapasditqueRalstonHouseprivelescommèreslondoniennesdeleuractivitéfavorite.Ilyeutuncourtsilence,puisGabrielsemitàrire.Julianal’imita.Rirepournepaspleurer.Quandilssefurentcalmés,Ralstonserenversadanssonfauteuiletétudialeplafond.—IlfautavertirNick.Bien sûr. Leur frère et sa jeune épouse vivaient dans leYorkshire,mais il fallait lemettre au

courantleplusvitepossible.—Viendra-t-il?Gabrielhaussalessourcils,commesicetteéventualiténel’avaitpaseffleuré.—Jenesaispas…Nicketelle…Ils’interrompitetchacundemeuraperdudanssespensées.Elleétaitrevenue.Etavecelleréapparaissaientdesquestionsenfouiesdepuisdesdizainesd’années.—Etsiellereste,Gabriel?chuchotaJuliana.Sonfrèreinspiraprofondément,commes’ils’efforçaitdemettredel’ordredanssespensées.—N’imaginepasunesecondequ’elleestlàdéfinitivement,Juliana.Sijesaisunechosesurcette

femme,c’estqu’elle ignore laconstance.Elleveutquelquechose.Etquandelle l’obtient,ellepart.Ellepartira,répéta-t-ilenposantlabouledecristalsurlebureau.Ettoutredeviendracommeavant.

Ensixmois,Julianaavaitsouventeul’occasiondevoirl’hommequisecachaitderrièrelafaçadeinsouciantedumarquisdeRalston.Ellesavaitqu’ilnecroyaitpasunmotdecequ’ildisait.

Dire que le retour de leurmère changeait tout était un euphémisme.Elle avait fait resurgir unscandale vieux de vingt-cinq ans. Elle semblait ne pas se soucier de l’impact qu’elle avait sur lasociétéetn’éprouveraucun remords.Elleétait entréedansRalstonHousecommesiellen’enétaitjamaispartie.

Maismêmesitoutcelapouvaitêtreeffacé,siGabriell’obligeaitàembarquerpourlesHébridesextérieuressansespoirderetour,rienneseraitplusjamaiscommeavant.

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Car,avantcesoir,ilspouvaientprétendrequ’elleétaitpartiepourdebon.Biensûr,Julianas’étaittoujoursdemandésisamèreétaitvivante,oùelleétait,cequ’ellefaisait,avecqui.Maisaufonddesoncœur,elleétaitpersuadéequ’elleétaitpartiepourtoujours.

Elles’étaitrésignéeàcetteidéeàsonarrivéeàLondres,lorsqu’elleavaitfaitlaconnaissancedeses frères, qu’elle avait eu la perspective d’une vie nouvelle.Le fantômede samère continuait derôder,maisilétaitmoinsprésentqu’auparavant.

C’étaitterminé.—Necroispascela,dit-elle.Ilyeutunautresilence,puisRalstondit:—Elleveutteparler.— Cela ne m’étonne pas, murmura-t-elle en chassant un grain de poussière invisible de sa

manche.Quepenses-tuquejedevraisfaire?—C’estàtoideprendreladécision.Elleposalestalonssurlesiègedecuiretramenalesgenouxsoussonmenton.—Jen’aipasenviedeluiparler.Pasencore.Unjour,peut-être.Maispasmaintenant.—Àtaguise.Ilmitdel’ordredanssoncourrier.Elleremarqual’hématomesursonvisage.—Celatefaitmal?Ilsepalpalajoueduboutdesdoigts.—Leightonatoujourssusebagarrer.Ilal’avantagedelataille.Juliananotaquesonfrèren’avaitpasréponduàsaquestion.Cedevaitêtretrèsdouloureux.—Jesuisdésoléepourcelaaussi.—Jenesaispascombiendetempsvousêtes…—Nous…Illafittaired’ungeste.—Etjepréfèrenepassavoir.Net’approcheplusdelui,Juliana.Quandnoust’avonsditquenous

voulionstetrouverunbonparti,cen’estpasàLeightonquenouspensions.Mêmesonfrèretrouvaitqueleducétaittropbienpourelle.—Parcequ’ilestduc?—Quoi?Non,réponditRalston,déconcertéparsaréaction.Parcequec’estunimbécile.Juliananeputs’empêcherdesourire.—Pourquoidis-tucela?— Disons que le duc et moi avons eu pas mal d’altercations. Il est arrogant, méprisant et

insupportable.Ilprendsonnomtropausérieux,etsontitreencoreplus.Franchement,jenepeuxpaslesouffrir.J’auraisdûm’ensouvenir,maisilsemblaitsisoucieuxdetaréputationquej’aimismespréjugésdecôté.J’aieutort.

—Tun’espasleseulàt’êtrelaisséberner.— Le bon côté, répondit Gabriel en se levant, c’est que cela faisait vingt ans que j’attendais

d’avoir une bonne raison de le frapper. Il y a donc au moins une chose positive à tirer de cettejournée.Tucroisqu’ilaunhématomeaussimochequelemien?ajouta-t-ilenpliantlesdoigts.

—Ilestpire,j’ensuissûre!dit-elleenselevantàsontour.Etbienplusdouloureux.Sonfrèrecontournalebureauetluipinçalajoue.—Bonneréponse.—J’apprendsvite.

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—Bien.Tuveuxmefaireplaisir?—Oui.—Net’approcheplusdecetype.Ladouleurlancinanteressurgitdanssapoitrine.Ellel’ignora.—Jeneveuxplusavoiraffaireàcethomme.—Parfait.Sonfrèrelacroyait.Ellen’avaitplusqu’àseconvaincreelle-même.

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11

Mêmeaubal,ilfautseméfierduvulgaire.Unedameéléganteévitelescoinssombres

Traitédesdamesraffinées

Récemment,lesmoineauxmédisantsonteucequ’ilsméritaient…

Journaldespotins,octobre1823

LesmarchesmenantauperrondeDolbyHouseétaientcouvertesdelégumes.Lamarquise de Needham andDolby avait pris au pied de la lettre la dénomination « bal des

moissons».Ledevantdelamaisonétaitjonchéd’oignons,depommesdeterre,dediversesvariétésdeblé,etdecourgesdetoutesformesetdetoutescouleurs.Uncheminavaitététracépourlesinvités,unsentiersinueuxentreleslégumesentassés.

Julianadescenditdelavoitureetconsidéraavecperplexitélecheminquipassaitentrelescourgesetlesbrasséesdeblé.Calliedescenditàsontouretlaissaéchapperunpetitrire.

Ralstonpritlebrasdesafemme.—C’estvotrefaute,voussavez,luimurmura-t-ilàl’oreille.J’espèrequevousêtescontente.—Jen’avaisjamaiseul’occasiondedéambulerdansuncarrédelégumes,milord,répondit-elle.

Aussi,oui,jesuistrèscontente.Ralstonlevalesyeuxauciel.— Pas question de traîner. Finissons-en au plus vite. Petite sœur ? ajouta-t-il en indiquant

l’escalieràJulianaPlaquantunsouriresurseslèvres,ellevintseplaceràsescôtés.—N’arrêtepasdesourire,chuchota-t-il.Ilsnesaurontpascommentréagir.Vingt-quatreheuresaprèsleretourdeleurmère,l’extraordinairenouvelledevaitfairelesdélices

de la bonne société. Ils avaient eu une brève discussion dans l’après-midi pour décider s’ilsassisteraientounonaubaldonnéchezladyPénélope,lafutureduchessedeLeighton.Callieavaitfaitremarquer que, s’ils devaient affronter l’orage qui se préparait, il leur fallait accepter toutes lesinvitations.QueLeightonsoitprésentounon.Parlasuite,lessollicitationsseferaientdeplusenplusrares.

Pourl’heure,lesévénementsdelaveilleàRalstonHousen’auraientpasencoreétérapportésdefaçontrèsprécise.

Souriantdeplusbelle,Julianaavançadansl’allée,entrelesnavets,lescourgesetlespotirons.

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Une fois débarrassée de son manteau, elle carra les épaules pour affronter les vipères quil’attendaientdanslasalledebal.

D’abord,ilyeutlesregards.Lasallesetrouvaitaubasd’unlargeescalier,sansdoutepourquelesinvitésfassentuneentréeremarquée.Julianasentitlesregardssebraquersurellecommeautantdeflèches.Touslessignesdescomméragesétaientlà.Lestêtespenchées,leséventailsquis’agitaient,lesregardsbrillants,auxaguets.

Calliesetournaverselle,arborantlemêmesourireartificielqu’elle.—Vousvousensorteztrèsbien.Unefoisdanslafoule,ceseraplusfacile.Juliana aurait aimé la croire. Elle scruta ladite foule comme si quelque chose avait capté son

attention.Etsoudain,cefutlecas.Simon.Lessouvenirsdéferlèrent,luicoupantlesouffle.Ilsetenaitàl’autreextrémitédelasalle.Grand,beau,élégant,unecravatedelinblancautombé

parfait.Unedesesjouesétaitrougeetcontusionnée,maiscelanefaisaitquelerendreplusséduisant.Plusensorcelant.

Plusdésirable.Il ne l’avait pas repérée et elle résista à la tentation de tourner les talons. Elle descendit les

marchesetildisparutàsavue.Si elle ne le voyait pas, elle pourrait peut-être cesser de penser à lui, à ses baisers, à ses bras

puissants,àseslèvressursapeaunue.Aufaitqu’ilavaitdemandélamaindeladyPénélopeavantdelarejoindredansl’écurie.LadyPénélope,chezquielleétaitàprésentinvitée.Sonfrèrelarejoignitetsepenchapourluimurmurer:—N’oubliepascequenousavonsdit.—Jeserailareinedubal,répondit-elleenhochantlatête.—Commed’habitude.Elleeutunricanementfortpeuélégant.—Évitecegenrederéaction,sipossible,commenta-t-il.—Jenevisquepourvousobéir,milord.—Siseulementc’étaitvrai!Sérieusement,amuse-toietdanseleplussouventpossible.Àconditionqu’onviennel’inviter.—MademoiselleFiori?fitunevoixderrièreelle.ElleseretournaetsetrouvafaceaufrèredeCallie,lecomted’Allendale.Unsourireaimableaux

lèvres,illuitenditlamain.—Meferez-vousl’honneur?Toutavaitétépréparé,biensûr. Il fallaitquequelqu’un l’inviteàdanserdèssonentréedans la

salle.Uncomte,depréférence.Elle accepta et ils se lancèrent dans un quadrille entraînant. Après quoi, en parfait gentleman,

Benedickluioffritsonbrasetilsdéambulèrentautourdelasalleendiscutant.—Vousn’avezpasbesoind’êtreaussiattentif,voussavez,finit-elleparluidire.Jenerisquepas

grand-chosedansunbal.—Détrompez-vous.D’autrepart,jen’airiendemieuxàfaire.Ilss’arrêtèrentsurlecôtédelasallepourcontemplerlesdanseurs.—Vousn’avezpasdedameàcourtiser?

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—Pasuneseule,déclara-t-ilenfeignantd’êtretriste.Cesoir,jesuisrelevédemesfonctionsdecomtecélibataire.

—Ah!DonclesproblèmesdeRalstonHouseontaussidescôtéspositifs.—Dumoinspourmoi.Toutvas’arranger,ajouta-t-ilaprèsunbrefsilence.Elleévitadeleregarder,craignantdeperdresonapparentesérénité.—Jenesaispas,maisjevousremerciedemeledire.— Ralston fera ce qu’il faudra. Avec le soutien de Rivington, le mien, et celui de douzaines

d’autres.MaispasceluideLeighton…Sedécidantàcroiserleregardchaleureuxducomte,ellesedemandapourquoicen’étaitpaslui

quilafaisaitvibrerdepassion.—Jenecomprendspaspourquoivouspreneztouscesrisques.— Quels risques ? Il n’y a pas de risque pour nous. Nous sommes de jeunes et séduisants

aristocratesnantisdedomainesetdefortunes.Oùestlerisque?SacandeurétonnaJuliana.—Toutlemondeneprendpasàlalégèrecequereprésentepourvotreréputationuneassociation

avecnotrefamille.—JevousrappellequeRivingtonetmoin’avonspasvraimentlechoixpuisquenousfaisonsdéjà

partiedelafamille.JesupposequevousfaitesallusionàLeighton?Ellesecrispamalgréelle.—Entreautres,admit-elle.—J’aivucomment ilvousregardaithiersoir.Leightonse rangeradevotrecôtéplusviteque

vousnel’imaginez.—Vousvoustrompez,assura-t-elleensecouantlatête.Ce que Benedick avait pris pour de la sollicitude dans l’attitude de Leighton était en fait de

l’agacement,del’irritation,peut-êtredudésir.Simonallaitsemarier.Lesmotsluitraversèrentl’esprit.Parunecurieusecoïncidence,Julianavitleraisintraverserla

foulepourgagnerlesalondereposdesdames.Elleneputrésister.—Jereviens,souffla-t-elleenlâchantlebrasdeBenedick.Elle n’aurait pas dû suivre lady Pénélope. Toute conversation avec elle serait forcément

douloureuse.Maisc’étaitplusfortqu’elle.Leraisinavaitréussi làoùelle-mêmeavaitéchoué.ElleavaitattrapéSimondanssesfilets.EtJulianavoulaitsavoirquiétaitcettefemmeparfaite.

Qu’avait-elledeparticulierpourque l’intraitableducdeLeighton l’aitchoisiepouren fairesaduchesse?

Ilétaitencoretôtetlesalonétaitvideàl’exceptiondequelquesdomestiques.Julianatraversalapièce et entra dans le petit cabinet de toilette. Pénélope avait versé de l’eau dans une bassine et ytrempaitlesmainseninspirantprofondément.

Apparemment,elleétaitmalade.—Vousn’allezpasrejetervoscomptes,n’est-cepas?Pénélopetournaverselleunregardempreintdeconfusion.—Rejetermescomptes?—Ilestpossiblequejen’aiepasemployélabonneexpression.Enitalien,nousdisonsvomitare.Lajeunefemmeouvritdesyeuxcommedessoucoupes,etsesjouess’empourprèrent.

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—Jevoisquevouscomprenez.—Oui.Non,jenevaispasvomir.Dumoins,jenecroispas.—Bene.Puis-jem’asseoir?s’enquitJulianaendésignantunfauteuilprèsdelatabledetoilette.Le raisin fronça les sourcils.À l’évidence, ellen’avait pas cegenred’échanges tous les jours.

Maiselleétaittroppoliepourrefuser.—Jevousenprie.—Vousn’êtespasobligéed’arrêter,ditJulianaenagitantlamain.Quefaisiez-vous,enfait?—Quelquechosequejefaisparfoispourmecalmer.—Vousvouslavezlesmains?Pénélopeeutunpetitsourirededérision.—C’estidiot,jesais.—Moi,jeconjuguedesverbes.—Enitalien?—Non,enlatin.Etenanglais.—Etcelavouscalme?—Laplupartdutemps.SaufavecLeighton.—Ilfaudraquej’essaye.—Pourquoiavez-vousbesoindevouscalmer?Pénélopes’emparad’uneserviettedelinpours’essuyerlesdoigts.—Iln’yapasderaisonparticulière.LemensongefitrireJuliana.—Sansvouloirvousoffenser,ladyPénélope,vousnecachezpastrèsbienvossentiments.—Vousditestoujourstoutcequevouspensez,n’est-cepas?Julianahaussalesépaules.—Quandonauneréputationcommelamienne,onn’apasbesoindemâchersesmots.C’estle

balquivousrendnerveuse?Pénélopesedétournaetobservasonrefletdanslemiroir.—Entreautres.— Je vous comprends.C’est horrible, ces bals. Je ne sais pas pourquoi les gens adorent cela.

Tousceschuchotements,etcesdansesidiotes.Pénélopecroisasonregarddanslemiroir.—Celuidecesoirseralebaldusiècle.—Àcausedescomméragessurmamère?—Non,parcequemesfiançaillesvontêtreannoncées.Celan’étaitpasunesurprise.CependantlesmotsfirentàJulianal’effetd’unegifle.—Vosfiançaillesavecqui?Ellen’auraitpasdûposerlaquestion,maisneputs’enempêcher.Defaçonassezperverse,elle

avaitbesoind’entendrelesmotsdelabouchedecettejeunefemme…lafutureépousedeSimon.—LeducdeLeighton.—VousallezépouserleducdeLeighton?Ilvousademandévotremain?L’air lointain, Pénélope hocha la tête. Ses boucles blondes tressautèrent comme celles d’une

poupée.—Cematin.

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LagorgedeJulianasenoua.IlavaitquittéRalstonHouselaveilleausoirrésoluàconclurecetteunion.Venantd’échapperàunmauvaismariageavecelle,ilavaitaussitôtscelléunexcellentaccordavec…

Uneautre.Etparuntourmalencontreuxdudestin,Julianaassistaitaubaldefiançailles.Alorsmêmequela

réputationdesaproprefamilleétaitencharpie.— Comme… comme vous devez être heureuse ! s’exclama-t-elle, retrouvant un peu tard ses

bonnesmanières.Pénélopeavaitl’airtoutsaufheureuse.Enfait,ellesemblaitauborddeslarmes.Soudain,Juliana

futdésoléepourelle.PourcettefemmequiallaitépouserSimon.—Vousnesouhaitezpasl’épouser.Il y eut un long silence. Pénélope donnait l’impression de tenter de se ressaisir.Les larmes se

résorbèrent,sespupillesredevinrentd’unbleudeporcelaine,etunsourireluiincurvaleslèvres.—LeducdeLeightonestunhommebien.C’estunbonmariage.Juliananotaqu’ellen’avaitpasréponduàsaquestion.—Vousparlezcommeeux.—Eux?répétaPénélope,intriguée.Julianaeutungestedelamainendirectiondelasalle.—LesAnglais.—C’estnormal,jesuisanglaise.—Oui,sansdoute.Elleétudialonguementlajeunefemme,etrépétasesmots:—C’estunhommebien.—Ilferaunbonmari,ajoutaPénélope.Julianalevalesyeuxauciel.— Je n’irai pas jusque-là. Il est arrogant, autoritaire, et il voudra que tout marche selon sa

volonté.Elledevaitarrêteràprésent.SimonallaitépouserladyPénélopeetellen’avaitpasàs’enmêler.Ilyeutdenouveauunlongsilence,etellecommençaderegretterd’avoirparlé.Elles’apprêtaità

s’excuserlorsquePénélopedéclara,résignée:—C’estleprincipedumariage.Excédée,Julianaseleva.Ilfallaitqu’ellebouge.—Qu’avez-vousdonctous,enAngleterre?Vousparlezdumariagecommes’ils’agissaitd’un

contratd’affaires.—Parcequec’enestun,répliquaPénélopeavecsimplicité.—Etl’amour?—Jesuissûrequ’avecletemps…nouséprouveronsuncertain…attachementl’unpourl’autre.Juliananeputréprimerunrire.—J’aiuncertainattachementpour les tartesauxpommes,mais jen’aipasenvied’enépouser

une!SacomparaisonnefitpassourirePénélope.—Etlapassion?insista-t-elle.—Lapassionn’apassaplacedansunbonmariageanglais.Julianasefigea.—C’estcequ’ilvousadit?

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—Non,mais…c’estainsiqueleschosessepassent.La pièce lui parut soudain petite, étouffante. Elle avait besoin d’air. Pénélope était une épouse

parfaitepourSimon.Elleneleprovoqueraitpas,luidonneraitdebeauxenfantsblondsetorganiseraitdesdînersmondains. Ilsmèneraient une existence tranquille, exemptede tout scandale.À l’abri detoutepassion.

Ellen’avaitjamaiseulamoindrechanceaveclui.Et soudain, alors que cela lui apparaissait commeune évidence, elle se rendait compte qu’elle

avaitespéréenavoirune.Lapassionn’apassaplacedansunbonmariageanglais.Ellesedirigeaverslaporte.—Aumoinsvousêtesuncouplebienassorti.Alorsqu’elleallaitpasserdanslesalonderepos,leraisinrecouvralaparole.—Cen’estpas facile,vous savez.Vouscroyezque les jeunes fillesanglaisesnepensentpasà

l’amour?Biensûrquesi.Maisnousnesommespasélevéespourcela.Nousdevonsnoussoucierdelaréputation,delaloyauté.Tournerledosàlapassion,choisirlavoiedelasécurité.Est-cequecelanousplaît?Peuimporte.C’estnotredevoir.

LesmotstournoyèrentdanslatêtedeJuliana.Devoir.Réputation.Sécurité.Ellenecomprendraitjamais cemonde, cette culture.Ellen’appartiendrait jamais à ce cercle.Elle serait toujoursmise àl’écart.Dignedeleurscommérages.Maisjamaisdignedelui.

ToutlecontrairedecettejeuneAnglaise.Pénélopeluisouritgentiment.—Nouslaissonsl’amourauxItaliens,conclut-elle.—Jenesuispassûrequenousenvoulions.Toutesmesfélicitations,ladyPénélope.Surcesmots,Julianatraversalapiècecontiguë.Elleignoradélibérémentlesfemmesquis’étaient

rassembléeslàpouréchangerdesragots.—Ilparaîtqu’elleestrevenue.Etqu’ellejuren’avoirjamaismislespiedsenItalie.Ces paroles avaient été prononcées d’une voix assez forte pour que Juliana les entende. Pour

qu’ellesoitblessée.Elleseretourna.LadySparrow,quisetenaitaumilieudesacour,grimaçatelleunevipèresurle

pointdemordre,puisajouta:—Cequisignifiequequelqu’unn’estpascellequ’elleprétendêtre.Uneexclamationdestupeuraccueillitcette remarque.Suggérerqu’unepersonneétaitunenfant

illégitimeétaitlapiredesinsultes.Etlefairedevantlapersonneenquestion…Pasdescandalecesoir.Lafamillen’avaitpasbesoindecela.Sparrow1auraitdûs’appelerVautour.Elleavaittoutdurapacequivientderepéreruneproie.— Je ne serais pas étonnée qu’elle ait pensé qu’il y avait de l’argent et une position sociale à

gagnerdanscetteaffaire,enchaîna-t-elle.Aprèstout,nousnesavonsriend’elle.Ellen’estpeut-êtremêmepasitalienne.

Juliana eut enviedeprouver à cette femmeàquel point elle était italienne.Avecdeuxou troismotsbiensentis.

Maisqu’est-cequecelachangerait?Elle n’y gagnerait rien. Cette soirée ne serait pas plus facile, et les suivantes non plus. Cela

n’effaceraitpaslescandaleetnelarendraitpasplusdigneàleursyeux.NiàceuxdeLeighton.

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N’était-il pas l’un d’entre eux ? Ne l’avait-il pas jugée comme le faisaient ces harpies ? Nes’attendait-ilpasqu’unscandalesurgissepartoutoùellepassait?

Neluiavait-ellepasprouvéqu’ilavaitraison?—Maisquoi,alors?UneBohémienne?—UneEspagnole?Siellen’avaitpasétésifurieuse,Julianaauraitéclatéderire.Qu’avaient-ellesdoncàreprocher

auxEspagnols?Ellesprononçaientcemotcommesiellesl’avaienttraitéedesorcière.—Nouspouvonsnousposerlaquestion.Legroupetournaverselledesvisagesgrimaçants.Celanecesseraitjamais,désormais.C’étaitcela,êtreenvironnéeparlescandale.C’étaitcelaquifaisaitpeurauduc.Àvraidire,quandellevoyaitleurssouriresméchants,ellenepouvaitleblâmer.Àsaplace,elle

aussipréféreraitépouserleraisin.Elle était furieuse, soudain, avait envie de hurler et de leur envoyer des objets à la tête.Ayant

passésixmoisàLondres,ellesavaitquecertaineschosesfaisaientplusmalquelescoups.Ellepivotapourobserversonrefletdanslemiroir,replaçasoigneusementuneboucledansson

chignon,avantderegarderlesfemmesprésentesenaffichantunairdeprofondennui.—Voussaveztrèsbien,ladySparrow,quejesuiscequevousetvos…harpiesavezenviequeje

sois.Italienne,espagnole,bohémienne,oumêmeunelfe.J’acceptetoutcequevousvoulez,tantquevousnemetraitezpasd’anglaise.

Lesautreslaconsidérèrentavecstupeur.—Cariln’existeriendepireàmesyeuxqued’êtrecommevous.

Ilavaitfaitsemblantdenepaslavoirarriver.Puisilavaitjouélesindifférentsquandelleavaitrietdanséaveclecomted’Allendale.Etiln’avaitpascomptélesminutesqu’elleavaitpasséesdanslesalondereposdesdames.En revanche, il avait feint un grand intérêt pour les conversations autour de lui, répondant

aimablement auxmessieurs qui l’interrogeaient sur la loi des dépensesmilitaires dans l’espoir degagnersonrespectetsonsoutien.

Maisquandillavitquitterlasallepours’engagerdanslelongcouloirsombreàl’arrièredelamaison–oùDieuseulsavaitquiellerisquaitderencontrer–,ilneputfairesemblantpluslongtemps.

Il traversa la salle de bal, s’excusant poliment auprès de ceux qui tentaient de l’arrêter pourdiscuter,etsuivitJulianadanslesprofondeursdelademeureappartenantàsafiancée.

Lasecondefemmeàquiilavaitproposélemariageaucoursdesdernièresvingt-quatreheures.Laseulequiaitacceptésademande.

Julianal’avaitrepoussé.Ilneparvenait toujourspasàaccepterce fait ridicule.Elle s’était simplement tournéevers son

frère, suggérant de ce ton qu’on réserve d’ordinaire aux enfants et aux domestiques, que SimonPearson,onzièmeducdeLeighton,nesavaitpascequ’ildisait.

Commes’ilproposaitlemariageàtouteslesfemmesqu’ilcroisait.Ilauraitdûêtreenchantédutourprisparlesévénements.Désormais,toutfonctionnaitselonses

plans. Il allait épouser lady Pénélope.Après quoi, il préparerait sa défense contre le scandale quin’allaitpasmanquerd’éclater.

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Il passa devant plusieurs portes fermées avant d’atteindre l’endroit où le couloir bifurquait àdroite.Ils’arrêta,attenditquesesyeuxs’habituentàlapénombre,plusdenseàpartird’ici.Unefoisqu’ilparvintàdistinguerlesportesquilongeaientlehall,ilseremitenmarche.

Bon sang, il avait évité de justesse unmariage avec Juliana Fiori ! Il aurait dû se considérercomme l’homme lepluschanceuxdumonde, tomberàgenouxet remercier leCréateurde l’avoirépargné.

Aulieudequoi,ilsuivaitlajeunefemmedansl’obscurité.Cettefemmeétaitunesorcière.Elleluiavaitparusifragiledanscebox,alorsqu’ellebrossaitsonchevaltoutenseparlantàelle-

même.Quelhommeauraitrésisté?Ralstonavaitpupenserquec’étaitlui,Leighton,l’hommeplusâgédequelquesannées,quiavait

tirépartidelanaïvetéd’unejeunefilledevingtans.Ilavaitcertesendossécerôle…acceptélescoupsdepoingetlesaccusations.Etill’avaitdemandéeenmariage.

Ilavaitbeauessayerdeseconvaincrequec’étaitsonsensinnédudevoirquil’yavaitpoussé,lavérité était tout autre. Sur le moment, il l’avait fait parce qu’il la désirait. Il voulait la posséder,terminercequ’ilsavaientcommencé.

Leurbaiserneressemblaitàriendecequ’ilavaitconnu.Ladouceurdesapeau,sesdoigtsdanssescheveux,sespetitssoupirs…Sesreinss’embrasaientlorsqu’ilsesouvenaitdelafaçondontelleavaitprononcésonnom,lesuppliantdegoûteràses…

Il ouvrit une porte qui donnait dans une chambre. Elle n’était pas là. Il referma en lâchant unjuron.Iln’avaitjamaiséprouvécela.N’avaitjamaisétéconsuméparunteldésir,unetelle…

Passion.Ilsefigeatandisquelemotrésonnaitdanssatête.Quediablefaisait-il?SesfiançaillesavecladyPénélopeallaientêtreannoncéesd’uninstantàl’autre.Touteslesportes

se fermeraient alors hormis celle derrière laquelle se trouvait son avenir, aux côtés de la futureduchesse.Etilpoursuivaituneautrefemmedansuncouloir.

Ilétaittempsqu’ilserappellequiilétait.Pénélopeferaituneexcellenteépouse.Etuneduchesseparfaite.Unevisions’imposaàlui.Cen’étaitpasPénélope.Desbouclesnoires,desyeuxdelacouleurde

lamerÉgée.Deslèvrespleines,quimurmuraientsonnomcommeuneprière.Unrireportépar levent,tandisqueJulianas’enfuyaitdansHydePark,ouqu’ellesemoquaitdeluipendantledîner,danslesruesdeLondres,danslesécuries.

Ellevivaitavecpassion.Elleaimeraitdelamêmefaçon.Ilpréféraignorercettepensée.Cettefemmen’étaitpaspourlui.Ilpivotasursestalonsavecdétermination.Aperçutlalumièreauloin,quiindiquaitlecheminde

la salle de bal. Et se dirigea vers elle d’un pas résolu au moment précis où une voix sortit del’ombre:

—Simon?Sonprénom,prononcéaveccelégeraccentitalien,étaitcommelechantd’unesirène.—Quefaites-vous…Il lui agrippa l’épaule, l’entraîna dans la pièce la plus proche et referma vivement la porte

derrièreeux.

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Juliana recula en direction de la grande fenêtre en arc de cercle qui laissait passer les rayonsargentésdelalune…etheurtaunvioloncelle.Ellejuraenitalien,rattrapal’instrumentavantqu’ilnetombesurlesolavecfracas.

S’iln’avaitpasétéaussifurieuxcontreelle,Simonauraitéclatéderire.Maisilétaitterroriséàl’idéequeRalstonlesdécouvredanscettesituationcompromettante.Carcelui-ciseferaitunplaisirdel’étriper.Ilauraitbeauluiexpliquerquelarencontreétaitfortuite,ilnelecroiraitpas.

Cettefemmeétaitimpossible.Etilétaittransportéparsaprésence.Cequiétaitunvraiproblème.—Pourquoim’avez-voussuiviedanscecorridor?siffla-t-elle.—Etvous,quefaisiez-vousdanscecouloirsombre?—J’essayaisdetrouverlapaix!Marmonnantenitalien,ellesedirigeaverslafenêtre.—Existe-t-ilunseullieudanscettevilleoùonnem’imposepasdecompagnie?Simon ne bougea pas. Il éprouvait un plaisir pervers à la voir s’agiter. Après tout, pourquoi

serait-illeseulàêtretourmenté?—C’estvousquin’avezrienàfaireici,rétorqua-t-il.Pasmoi.—Pourquoi?Voushéritezdelamaisonavecl’épouse?lança-t-elleenitalien,avantderevenirà

l’anglaispourdemander:Commentsefait-ilquevousparliezcourammentl’italien?—Jeconsidèrequelorsqu’onfaitunechose,ondoitlafairebien.—Forcément.Jenesuispasétonnée,répliqua-t-elle,l’airaccablé.Unlongsilencesuivit,puisildit:—Dante.—Quoi,Dante?—J’aimelirelesœuvresdeDante.Donc,j’aiapprisl’italien.Quandellesetournaverslui,laluneaccrochadesrefletsargentésdanssescheveux.Soncouétait

d’uneblancheurd’albâtre.—Vousavezapprisl’italienàcausedeDante?—Oui.Ellecontempladenouveaulesjardinsparlafenêtre.—Jenedevraispasêtreétonnée.Parfois,jemedisquelahautesociétélondoniennereprésente

l’undescerclesdel’enfer.Simonneputs’empêcherderire.Elleétaitmerveilleuse…quandellenelemettaitpashorsdelui.—Vousnedevriezpasêtrelà,dehors,aulieudebouderdansl’obscurité?reprit-elle.—Jepensequevousvoulezdirerôder.Excédée,elles’approchadupianoetpritplacesurlebanc.—Quefaites-vous?s’enquit-il.—Jevoulaisêtreseule.—Pourquoi?—C’estsansimportance.Simondemeuracampélà,conscientqu’ilnedevaitpass’approcherd’elle.—Lescommères,devina-t-il.Biensûr,c’étaitàcausedescommérages.Elleeutunpetitrireetluifitdelaplaceàcôtéd’elle.Le

gesteapparaissaitspontané,commesiellel’avaitfaitsansypenser.CommesilaplacedeSimonétaitlà.

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Illarejoignit.C’étaitunemauvaiseidée.Ilnepouvaitriensortirdebond’unetelleproximité.—Apparemment, jeneseraispas la filledemamère,maisuneBohémienneruséequi faitdes

embrouilloupes.— Des entourloupes, rectifia-t-il, fasciné par ses yeux tristes, qui paraissaient noirs dans la

pénombre.Elleinclinalatêtedecôté,cequiluipermitd’admirersoncoudecygne.—J’aiconfondu.—Jesais.—Jeneseraijamaisl’uned’entrevous,soupira-t-elle.—Parcequevousinventezdesmots?—Entreautres,admit-elledansunsourire.Leursregardssecroisèrentetilluttacontrel’enviedelatoucher.Decaressersapeausoyeuse,de

l’attirerà lui,dereprendre làoù ilss’étaientarrêtés laveille.Elleduts’enrendrecompte,carelles’écarta.

—Ainsi,vousêtesfiancé?Iln’avaitpasenvied’enparler.Ilauraitaiméquecenesoitpasvrai.—Oui.—Etlesfiançaillesserontannoncéescesoir.—Eneffet.—Vousallezdoncavoirvotreparfaitmariageanglais.Ilallongeaseslonguesjambesdevantlui.—Vousêtesétonnée?Ellelevauneépauledélicate.—Jenepouvaispasgagneràcejeu-là.—Vousadmettezvotredéfaite?s’étonna-t-il.—Jesuppose.Etjevouslibèredenotreaccord.C’étaitprécisémentcequ’ilavaitsouhaitéqu’ellefasse.—Celaneressemblepasàlaguerrièrequejeconnais.—Jenesuisplusuneguerrière,avoua-t-elleavecunpetitsourire.—Pourquoi?—Je…Simonauraitdonnésafortunepourconnaîtrelafindesaphrase.—Vous?l’encouragea-t-il.—Jemesouciaistropdel’issueducombat.Ilseraidit.Elleavalasasalive,trituranerveusementl’étoffedesarobe.—Quevoulez-vousdire?—Rien,fit-elleenévitantsonregard.Jesuisdésoléequevousvoussoyezsentiobligédeveiller

surmoi. Et queGabriel vous ait frappé. Je suis désolée de représenter quelque chose que vous…regrettez.

Sielle luiavait inspiréquantitédesentimentscesderniersmois…lesregretsn’enfaisaientpaspartie.

—Juliana…Iltenditlamain,conscientque,unefoisqu’ill’auraittouchée,ilnelalâcheraitplus.Maisellese

leva.—Siquelqu’unarrive,nousrisquonsd’avoirdegrosproblèmes.Jedoispartir.

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—Juliana,attendez.Elles’écartad’unpas,seplaçanthorsdeportée.—Nousnedevonspasnousvoir,ninousparler,luirappela-t-elle,dressantunrempartinvisible

entreeux.Ilselevaàsontour,fitunpasverselle.Ellereculadenouveau.—Ralstondoitmechercher.—Ilattendra.—Vousdevezvousoccuperdevotrefiancée.—Elleattendraaussi.—Non,ellenepeutpas.Iln’avaitpasenviedeparlerdePénélope.—Expliquez-vous,chuchota-t-il.—Je…Ellebaissa la tête. Il rêvaitd’enfouirsonvisagedanssachevelure,derespirersonodeur.Mais

d’abord,elledevaits’expliquer.Elle garda le silence si longtemps qu’il crut qu’elle ne répondrait pas. Puis elle inspira

profondément,etsejetaàl’eau:—Jevousavaisditqu’ilvalaitmieuxquejenevousaimepas.—Vousm’aimez?Illuicaressalajouedudosdelamain.—Oui,avoua-t-elleenfermantlesyeux.Jenesaispaspourquoi.Vousêtesunhommehorrible,

arrogant,irritant,etvousavezmauvaiscaractère.—Uniquementquandjesuisavecvous,reconnut-ilenluisoulevantlementon.—Vousvousprenezpour l’hommeleplus importantd’Angleterre.Vouspensezavoir toujours

raison.Vouscroyeztoutsavoir…Elleavaitlapeausidouce…Il aurait dû sortir.Rester là, avec elle, était une énorme erreur. Si quelqu’un les surprenait, sa

réputationseraitdétruite,etilnepourraitrienfairepourelle.Ilétaitfiancédepuisquelquesheuresàpeine.

Toutcelan’allaitpas.Ildevaitquittercettepièce.Unvraigentlemanseraitdéjàsortidepuislongtemps.Ilpressaleslèvressursoncou.—Je…jepensaisquejedevaisvousdonnercesexplications,murmura-t-elle.—Mmm.Vousavezraison.Continuez.Elleinspiratandisqu’illaissaitseslèvresglisserlelongdesoncou.—Dequoiparlions-nous?—Vousénumérieztouteslesraisonspourlesquellesvousnepouviezpasm’aimer,chuchota-t-il.—Oh…Oui…cesontlesraisonsprincipales.—Etpourtant,vousm’aimezquandmême.Ildéposaunesériedebaiserssursondécolleté,etsapoitrinesesoulevaàunrythmeprécipité.

Elleneréponditpas,etilglissal’indexsouslasoie,trouvalapointetenduedesonsein.—Juliana?—Oui,jevousaime.Iltirasursoncorsage,dénudantsesseins.

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—Ilyaquelquechosequevousdevezsavoir,articula-t-ild’unevoixsourde.—Oui?Ilsoufflasursapeaunue,regardalespointesdesesseinssedresserdavantage.Cesoir,ilygoûterait.Justeunefois.Avantderetourneràsonexistencepaisibleetrespectable.Uneseulefois.Sesreinss’embrasèrent.—Simon,gémit-elle,vousmemettezàlatorture.Ilpritl’undesglobespâlesaucreuxdesamainetlecaressa.—Qu’est-cequejedoissavoir?souffla-t-elle.Ilsourit,etplongeaunregardardentdanslesgrandsyeuxdeJuliana.Encoreunbaiser.Undernier.—Jevousaimeaussi.

1.Moineau,enanglais.(N.d.T.)

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12

Lamusiqueplaîtauxdieux.Lesdamesraffinéesjouentdupianoàlaperfection.

Traitédesdamesraffinées

Soyezassurésquelemariagedelasaisonaurabienlieu…

Journaldespotins,octobre1823

Simonlasoulevadanssesbras,pivotaetlaramenasurlebancdevantlepiano.Quandill’eutfaitasseoir,ils’agenouilladevantelle,pritsonvisageentresesmainsetcapturaseslèvres.

Puissesdoigtsglissèrentsursesseins,entaquinèrentlespointes.Ellemurmurasonnomlorsque,s’arrachantàsabouche,ilaspiraunmamelonentreseslèvres.Ellefrémitenréponseetenfouitlesdoigtsdanssescheveuxpourlemaintenircontreelleetprolongerceplaisirinouï.

Ellesavaitqu’ellen’auraitpasdûlelaisserfaire.Lesrisquesétaienténormes,lesconséquences,sansnom.

Maiselles’enmoquait.Tantqu’iln’arrêtaitpas.Ill’attiraàlui,l’étreignitavecforcecommes’ilsnefaisaientplusqu’un.—Simon…Illevaverselleunregardqu’elledevinabrûlantdepassion.—MonDieu,Juliana…Il lui caressa la joue, et elle tourna la tête pour lui embrasser le creux de la main. Avec un

grondement,Simonrepritses lèvres.Quandil interrompit leurbaiser, tousdeuxétaienthaletantsetlesmainsdeJulianas’étaientglisséessoussavestepourcaressersontorsepuissant.

—Jeveux…Elles’interrompitabruptementcommeilhappaitdenouveaulapointed’unseindanssabouche.Il

lataquinadelalangueetellecrutperdrelatête.Lorsqu’il s’écartaet lui sourit,elledessina lecontourdesaboucheduboutdesdoigtscomme

pourgardertracedecesourire.—Quevoulez-vous,monange?chuchota-t-il.Lemottendredemeurasuspenduentreeuxetelleéprouvaunefrustrationprochedelatristesse.

Ellevoulaitcethomme.Passeulementpourquelquesminutes,encachette…Passeulementpourdeuxsemaines…

Ellevoulaitqu’illadésire.Qu’illachoisisse.

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—Venezplusprès,souffla-t-elle.Elle écarta les jambes, sachant que c’était une attitude de dévergondée. Sachant que si on les

surprenait,saréputationseraitdétruiteàjamais,etqueSimonl’abandonneraitpourallerrejoindresafuture épouse.Mais cela lui était égal. Elle voulait le sentir contre elle.Même s’il y avait trop devêtementsentreeux.Mêmes’ilsnepourraientjamaisêtreaussiprochesqu’ellelesouhaitait.

Ilfermabrièvementlesyeux,etellecrutuninstantqu’ilallaitrefuser.Ellesetrompait.—Vousêtesmasirène,murmura-t-ilensepressantcontreelletandisquesesmainsglissaientsur

ses cuisses, puis sur sesmollets.Ma tentatrice…ma sorcière… J’ai beau essayer, je ne peux pasrésister.Vousmefaitesperdrelatête.

Sesdoigtsluienserrèrentleschevilles,etelletressaillitdeplaisir.—Simon,jene…—Chut,souffla-t-il.Ellesentitsesmainsremonterlentementàl’intérieurdesesjambes,sesdoigtsatteignirentlebord

dedentelledesesbas,etJulianarefermabrusquementlescuisses,luiemprisonnantlesmains.Ellenepouvaitpas.Ilnedevraitpas.Simonsepenchaverselle.—Juliana,laissez-moivoustoucher.Commentaurait-ellepurésisteràunetelletentation?Ellesedétenditetdesserralesjambes.Telleladévergondéequ’elleétaitdécidément.Maiscelalui

étaitégal.LesmainsdeLeightons’aventurèrentdeplusenplushaut.—Vousneportezpasdesous-vêtements?—Jen’aimepascela,répondit-elleensecouantlatête.Nousn’enavonspas…enItalie.Illagratifiad’unbaiserardent.—Vousai-jedéjàditquej’adoraislesItaliens?Cettedéclarationétaittellementencontradictionavecleursdiscussionsprécédentes,qu’elleneput

s’empêcherderire.Puissesdoigtsdénichèrentsaféminité,enécartèrentdoucementlesreplissecrets.Cequ’elleressentitfutuntelchocquesonriresetransformaengémissement.

Illuimurmuradesparolescoquinesàl’oreillesanscesserdelafouailler.Etsoudain,iltrouvacequ’ilcherchait.

—Simon…articula-t-elle,éperdue.Il introduisit un doigt en elle, et elle ferma les yeux en se renversant contre le piano dont les

touchessoupirèrent.—Oui,murmura-t-elle,toutàlafoisgênéeethardie.Un autre doigt rejoignit le premier, tandis que, du pouce, il faisait surgir une infinité de

sensationsmerveilleuses.—Arrêtez!s’écria-t-elleensemordantlalèvre.Non…Ilsourit.—J’arrêteoupas?Elleluiagrippalebrastandisqu’ilapprofondissaitsacaresse.—Non,n’arrêtezpas…—Jenepourraispasmêmesijelevoulais,avoua-t-il.Soutenant son regard, il adapta sa caresse au rythme des ondulations de ses hanches. Et tout

s’effaçahormissonbrasmusclésoussamain,lasensationdélicieusequesesdoigtsfaisaientnaître

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enelleetquilapoussaitversquelquechosequ’ellenecomprenaitpas,qu’ellecraignaitpresque.Elleseraiditsoudainetleplaisirdéferla,latraversadelatêteauxpieds.—Non.Simon…—Laissez-vousaller…Elle cria de bonheur, et il reprit ses lèvres, et elle se cramponna à lui, consciente de perdre

complètementpiedetd’envouloirdavantageencore.Aprèsqu’ill’eutemportéetoutenhautdelavagueetqueleplaisircommençaàrefluer,ildéposa

unbaisersursa tempe, lui rajustases jupes,puis l’attiraà lui. Il lagardadanssesbraspendantdelonguesminutes.Cinq.Peut-êtreplus.

Puiselleserappelaoùilsétaient.Etpourquoi.Ellelerepoussa.—Jedoisretournerdanslasalledebal.Elleseleva.Combiendetempspourrait-ellesupportercetteinterminablesoirée?sedemanda-t-

elle.Carlepireétaitàvenir.—Juliana,murmura-t-ild’unevoixsuppliante.Elleattenditqu’ildisequelquechosequiarrangeraitleschoses.Maisilgardalesilence.—Vousallezvousmarier,luirappela-t-elle.Simonlevalesmains,puisleslaissaretomber,visiblementcontrarié.—Jesuisdésolé.Jen’auraispasdû…j’auraisdû…—Nevousexcusezpas,lecoupa-t-elleensedirigeantverslaporte.Elleavaitdéjàlamainsurlapoignéequandilreprit:—Juliana.Jenepeuxpas…JevaisépouserladyPénélope.Jen’aipaslechoix.Ilavaitretrouvésontonhabituel.Froidetautoritaire.Elleappuyalefrontcontrelebattantd’acajou,etinhalal’odeurpuissanteduboisciré.—Vousnepouvezpascomprendre,poursuivit-il.Jeledois.Elleposalapaumeàplatsurlebattant,luttantpournepasallersejeteràsespiedsets’offriràlui.Non.Elleavaitunminimumdefierté.Iln’yavaitqu’uneseulefaçondesurvivreàcequivenait

d’avoirlieu.Engardantsadignité.—Biensûr,vousledevez,murmura-t-elle.—Vousnecomprenezpas.—C’estvrai.Maiscelan’apasd’importance.Mercipourlaleçon.—Laleçon?Illuirestaitunechanced’avoirlederniermot.D’avoirl’impressionqu’elleavaitgagné.—Lapassionn’estpastout,n’est-cepas?Elle fut très fière de son ton léger, de la façondont elle lui avait lancé cesmots, comme s’ils

n’avaientaucuneimportance.Commes’ilnevenaitpasdemettresonuniverssensdessusdessous.Unefoisdeplus.En revanche, ellen’osapas le regarder.Elle aurait euplusdemalà jouer son rôle.Alorselle

ouvritlaporteetseglissadanslecouloirenn’ayantpasdutoutl’impressiond’avoirgagnélapartie.Elleavaitperdufinalement.Carelleavaitbrisélaplusimportantedesrèglesqu’elles’étaitfixées.Elleavaitdésirécequ’ellenepouvaitobtenir.NonseulementelleavaitvouluSimon…maiselleavaitsouhaitéqu’ilveuilled’elle.Aunomd’unsentimentplusfortquelatradition,quelaréputation,qu’untitredenoblesse.

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Ellehésita sur le seuil de la salle debal, regarda les robesde soie chatoyer, la façondont leshommesmarchaient, dansaient, parlaient, conscients d’être à leur place, de tenir leur rang, et cesfemmesquisavaientsansl’ombred’undoutequ’ellesappartenaientàcemonde.

Ici,riennevenaittroublerlasaintetrinitéforméeparlatradition,laréputationetletitre.Pour quelqu’un comme elle, qui était étrangère à cet univers, un homme comme lui, qui

représentaitcettepartiedelasociété,étaittotalementhorsdeportée.Elleavaiteutortdeprétendrequ’ellepouvaitl’atteindre.Ellenepourraitjamaisl’avoir.—Ah, enfin, vous voilà ! Il faut que nous parlions, chuchotaMariana, qui s’étaitmatérialisée

commeparmiracleàsescôtés.Apparemment,notrehistoiren’estpaslaseuleàalimenterlesragots,aujourd’hui.

—Notrehistoire?répétaJulianaencillant.—Vraiment,Juliana,ilfautquevouscessiezdepenserquevousêtesseuleàporterlefardeaudes

problèmes familiaux !Nous formonsune famille,nous sommes tousconcernés.Apparemment,unévénementmajeurestprévucesoir.Celanevapasvousplaire.Leightondoit…

—Jesais.—Commentlesavez-vous?—Ilmel’adit.Marianafronçalessourcils.—Quand?Julianahaussalesépaulesdansl’espoirquelasœurdeCalliesecontenteraitdecetteréponse.À

tort.—JulianaFiori,quandvousena-t-ilparlé?Elle aurait dû lui dire qu’elle le savait parRalston.Ou qu’elle en avait entendu parler dans le

salondesdames.D’ordinaire,elleavaitl’espritplusvif.D’ordinaire,ellen’avaitpaslecœurbrisé.Soncœurétaitdoncbrisé?C’étaitbienl’impressionqu’elleavait…—Unpeuplustôt.—Quand?—Plustôtdanslasoirée.Marianalaissaéchapperuneespècedecouinement.Julianagrimaça.Elleauraitdûprétendreque

c’étaitlaveille.—Pourquoivoustrouviez-vousavecLeightonunpeuplustôtdanslasoirée?Pour aucune raisonenparticulier.Saufqu’elle avait failli perdre sa réputationdans la sallede

musiquedelafutureduchessedeLeighton.Elleneréponditpas.—Juliana,voussavezquevousêtesimpossible?—Peut-être.Marianalaregarda.Laregardavraiment.EtJulianasesentitinstantanémentnerveuse.—Oh,Juliana!murmuraladuchesse.Vousn’êtespasbien,n’est-cepas?Cesmots,cetonempreintsdesollicitudeluifurentfatals.Soudain,Julianaeutdumalàrespirer,à

avaler.Elledutfaireappelàtoutesavolontépournepass’effondrer,enlarmes,danslesbrasdesonamie.

—Jedoispartir.—Jeviensavecvous.

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—Non!s’écriaJuliana,affolée.Non,jesuis…ilfautquevousrestiez.Marianan’aimaitpasqu’onluidisecequ’elledevaitfaire.Julianalavithésiteret lasuppliaen

silencedenepasrefuser.—Trèsbien,dit-ellefinalement.Maisvouspreneznotrevoiture.—Je…Oui,d’accord,jeprendsvotrevoiture.Mariana,ilfautquejepartetoutdesuite.Avant…Avantqu’onannoncelesfiançailles.—Oui,biensûr.Jevaisvousaccompagneràlavoiture.Vousavezlamigraine,detouteévidence.Julianaauraitrisielleenavaitétécapable.Marianasefrayaunchemindanslasalle,Julianadanssonsillage.Ellesavaientfaitàpeineune

douzaine de pas quand l’orchestre cessa de jouer. Les conversations se turent, et le marquis deNeedhamandDolby,unhommecorpulentquinedevaitpasdédaignerlabouteille,lançad’unevoixsonore:

—Votreattention,s’ilvousplaît!Juliana commit l’erreur de regarder du côté de l’estrade où se trouvait l’orchestre. Simon se

tenaitlà,àcôtédelui.Grandetinsupportablementséduisant.Leducparfait.Lemariparfait.—Plusvite,souffla-t-elleenpressantlamaindeMariana.—Impossible…Toutlemondevanousvoir.Lapaniquelasubmergeaetlasallesemitàtanguer.Ellesnepouvaientpaspartir,biensûr.Cela

ne ferait qu’attiser les bavardages.Deplus, l’annoncedes fiançailles allait détourner l’attentiondeleurproprefamille.

Commentallait-ellesurvivreàcela?Marianaluipritlamain,laserraavecforce.Laduchesseétaitunrocdanscetourbillondepeur.Julianaécoutaleseulhommequ’elleaitjamaisdésirédanssaviesefiancerofficiellementavec

uneautrefemme.Dieumerci,cefutrapide.Desvaletspassèrentensuiteparmilesinvitésavecdesplateauxchargés

decoupesdechampagne.Toutlemondelevasonverrepourporteruntoastauxfiancés.PersonneneremarquaqueMarianaetJulianarefusaientpolimentlescoupesqu’onleuroffrait.AumomentoùleducdeLeightonportaitlamaindesafiancéeàseslèvres,lesdeuxfemmess’éclipsèrentdiscrètement.

Julianaeutl’impressiondemettreuntempsinfiniàgravirl’escalier.Arrivéeenhaut,ellecommitl’imprudencederegarderpar-dessussonépaule.

Simonavaitlesyeuxfixéssurelle.Elle laissa son regard s’attarder sur lui – ses cheveux blonds, samâchoire bien dessinée, ses

lèvressensuelles,etsonregardd’ambrequiluidonnaitl’impressiond’êtrelaseulefemmeaumonde.Cequ’ellen’étaitpaspuisquesafutureépousesetenaitàsescôtés.Elle tourna les talonsets’enfuit,craignantd’êtremaladesielle restaituneminutedeplusdans

cette maison. Un valet ouvrait déjà la porte vers laquelle elle se précipita, les yeux brouillés delarmes.

Ensentantl’airvifsursonvisage,elleremercialeciel.Elleétaitsauvée.Dumoins,ellel’auraitété.S’iln’yavaiteuleslégumes.Troptard,elleserappelaquelesmarchesétaientjonchéesdeproduitsdelarécolte.Emportéepar

sonélan,elleposalepiedsurunpotiron,ettoutelapyramides’effondra.Mariana poussa un cri en la voyant tomber, entraînant dans sa chute une vague de citrouilles,

d’oignonsetdecourges,quidévalèrentlesmarchesetseretrouvèrentavecelleaubasdesmarches.Quandelleouvritlesyeux,elleétaitentouréedelégumes,dontlapluparts’étaientécrasésouavaientéclaté,répandantleurchairsurlespavés.

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Unnavet rouladevantelleetvints’échouercontre la roued’unevoiture– tel lederniersoldattombéauchampd’honneur.

—Oh,monDieu!Perchéeenhautduperron,Marianaavait lesyeuxécarquilléset lamainplaquéesur labouche.

Deuxvaletsattendaientderrièreelle,s’interrogeantvisiblementsurlaconduiteàtenir.Julianacommençaàrire.Un rire inextinguible, impossible à maîtriser. Un rire dans lequel elle laissa libre cours à sa

tristesse,àsafrustration,àsacolère.Essuyantunelarmeaucoindesesyeux,elleconstataqueMarianariaitaussi…ainsiquelesdeux

valets.Julianarepoussaleslégumes,quiallèrentrejoindrelesautres.L’undesdomestiquesvintl’aiderà

serelever,etelledécouvritalorsl’étenduedesdégâts.Ledécorétaitruiné,etilfaudraitnettoyerlesmarchesavantquelesinvitésquittentlebal.Sajolie

robedesoieroseétaitcouvertedegrainesetdepulpeécrasée.Marianacontinuaitderire,àlafoisamuséeethorrifiée.—Vousenavez…partout!s’exclama-t-elleavecungrandgestedelamain.—Jesupposequeceseraittropdemanderquel’unedecesvoituressoitlavôtre?Marianabalayalafileduregard.—Pasdutout.C’estcelle-ci,répondit-elleenindiquantl’undesvéhicules.—Enfin,quelquechosequitombebien!Marianaouvritsonréticuleetensortitunepoignéedepiècesd’or.—Sivouspouviezoublierqui,exactement,adétruitledécordevotremaîtresse…suggéra-t-elle

englissantlespiècesauxvaletsavantderejoindreJulianaquigrimpaitdéjàdanslavoiture.—Vouscroyezqu’ilssetairont?s’enquitcettedernière.—J’ail’espoirqu’ilsaientpitiédevous.Julianasecarrasurlabanquetteensoupirant.Alorsquelevéhicules’ébranlait,ellelâcha:—Ilfauttoutdemêmemereconnaîtreunmérite.—Lequel?—Jenesuispasdugenreàm’évanouirdiscrètementdanslanuit.

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13

Ilfautlaisserlatristesseàcellesquimanquentdeculture.Unedameraffinéeaffrontetouslesobstaclesavecgrâce.

Traitédesdamesraffinées

Lesrécoltessontétonnammentpeuabondantescetteannée…

Journaldespotins,octobre1823

Sonhorriblesoiréen’étaitpasterminée.Bennett, levieuxmajordomequiétaitauservicedesRalstondepuistoujours,n’étaitpasencore

couché quand elle rentra à la maison. Le fait était singulier, car Bennett était âgé, et le marquisemployaitunearméedejeunesvaletstoutàfaitcapablesd’attendreleretourdumaîtredemaisonàsaplace.

Bennettavait tropd’expériencepourmanifester lamoindresurpriseenvoyant Julianapénétrerdanslehallsanssacape,qu’elleavaitoubliéedanssafuite,etlarobemaculée,entreautres,depulpedecitrouille.

Illuiadressaunpetitsalutguindé,pourlequelellel’auraitvolontierstaquinésiellen’avaitpasétéexténuée.

—Bennett, faites-moipréparerunbain, jevousprie.Commevouspouvez leconstater, j’enaigrandbesoin,dit-elleensedirigeantverslemonumentalescalierdemarbre.

—MademoiselleFiori,veuillezm’excuser,maisvousavezdelavisite.Elles’immobilisa,lesoufflecourt.SapremièrepenséefutqueSimonvoulaitlavoir.Non,bien

sûr…Ilétaitimpossiblequ’ilsoitarrivéavantelleàRalstonHouse.Ilauraitfalluqu’ilquittelasalledebaltoutdesuiteaprèsl’annoncedesesfiançailles.Sicettehypothèsen’étaitpaspourluidéplaire,ellen’étaitpasnaïveàcepoint.Simonneferaitjamaisunechoseaussiscandaleuse.

Quand bienmême, un peu plus tôt dans la soirée, ils s’étaient offert un interlude terriblementchoquant.

—Delavisite?Pourmoi?Levisagedumajordomes’assombrit,trahissantuneémotionquiinquiétaJuliana.—Oui,mademoiselle.Votremère.Lesangdelajeunefemmeseglaça.Ellesecoualatête.—Non.Jesuistropfatiguéepourlavoircesoir.ElleattendraleretourdeGabriel.—C’estvousqu’elleestvenuevoir,a-t-elledit.—Ehbien,jenereçoispas.Ilfaudraqu’ellerevienne.

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—Jesuisimpressionnée.Tuesdevenueunejeunedametrèsvolontaire,ditunevoixféminineenitalien.

Julianasepétrifia.EllecroisaleregarddésolédeBennettetlecongédiaavecunsourirerassurantavantdeseretournerpouraffrontersamère.

Àquiellen’avaitpasparlédepuisunedizained’années.Louisalaparcourutduregard,remarquasescheveuxdéfaits,sarobetachée,lespaquetsdeboue

accrochés aux volants de dentelle. Juliana se rappela aussitôt ce que c’était que d’être la fille deLouisaHathbourne.Quandcelle-cinevousmanifestaitpasunefroideindifférence,ellevousécrasaitde sonmépris.Pendantdesannées, elle s’était efforcéed’êtredignede l’amourdeLouisa…de safierté…sansjamaisyparvenir.

—N’imaginezpasunesecondequej’aihéritédevotrepersonnalité.—Celanem’ajamaiseffleurée,Juli.Julianasehérissaenentendantcediminutif–celuiquesonpèrepréférait.—Nem’appelezpasainsi.Samèresedirigeaverslaportedusalonenluitendantlamain.—Tuviens?J’aimeraisteparler.J’aiattenduassezlongtemps.—Quel effet cela fait-il d’attendre le retour de quelqu’un ? Ce doit être nouveau pour vous,

j’imagine.Louisaeutunpetitsourire.—Jel’aibienméritée,celle-là.—Etvousméritezbienpireencore,jevousassure.Elleenvisagead’ignorerlarequêtedesamère.Deregagnersachambreenlalaissantrongerson

freindanslesalon.Ellefiniraitbienparselasserets’enaller.Maisquelquepart toutaufondd’elle-même,Julianaétaitencorecettepetitefillededixansqui

obéissaitàsamèredansl’espoirquecelle-cilatrouveraitdignedesonattention.Furieusecontreelle-même,ellesuivitLouisadanslesalonets’assitenfaced’elle.Attendantque

cettefemmequiluiavaitdéjàtellementprisluiprennedavantageencore.Dontcetempsqu’ellenevoulaitpasluiconsacrer.—JesuisdésoléepourSergio.J’ignoraisqu’ilétaitmort.Juliana eut envie de hurler en entendant le nom de son père dans la bouche de cette vipère.

Cependant,résolueàgardersoncalme,ellesecontentaderépondre:—Commentauriez-vouspulesavoir,vousn’avezjamaisjetéunregardenarrière.Louisahochalatête,accusantlecoup.—Tuasraison,biensûr.Ellesrestèrentunlongmomentsansmotdire,etJulianaeutenviedesortir.SiLouisas’attendait

qu’elle alimente la conversation, elle se trompait.Elle était sur lepoint de se leverquand samèredéclara:

—JesuisheureusequetuaiestrouvéNicketGabriel.—Moiaussi.—Ah,tuvois,m’avoirpourmèren’apasétésansavantagepourtoi!commenta-t-elled’unair

satisfait.Louisa ne s’était jamais privée de souligner ce qu’il y avait de bon chez elle. Peut-être parce

qu’elleavaitsipeudequalitésàmettreenavant.—Suis-jecenséevousdireque jevoussuis reconnaissantedem’avoirabandonnée?Etde les

avoirabandonnés,euxaussi?

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Laquestionparutladéstabiliser.—Qu’aimerais-tuquejetedise,Juli?—Pourcommencer,j’aimeraisquevouscessiezdem’appelerainsi.—Pourquoi?J’aichoisitonnom,moiaussi.Noust’appelionstouslesdeuxJuli.—Luiseulenavaitledroit.—Fadaises,rétorquasamèred’unairdeprofondennui.Jet’aimiseaumonde.Celamedonnele

droitdet’appelercommejeveux.Maistrèsbien,Juliana,répondsàmaquestion.Qu’aimerais-tuquejetedise?répéta-t-elle,enanglais,cettefois.

Jeveuxquevousm’expliquiezpourquoivousêtespartie.Pourquoivousnousavezabandonnés.Etpourquoivousrevenezmaintenant.

Julianaeutunpetitriresansjoie.—Leseulfaitquevousmeledemandiezestridicule.—Tuveuxquejeteprésentedesexcuses?—Ceseraitunbondébut.LeregardbleudeLouisaparutlatranspercer.—Danscecas,nousrisquonsderestericitrèslongtemps.—Parfait,déclaraJulianaenhaussantlesépaules.L’entrevueestdoncterminée.Surcesmots,elleseleva.—Tonpèreaussihaussait lesépaules.Jesuisétonnéeque lesAnglaisne t’aientpasfaitpasser

cettehabitude.Cen’estpasd’uneextrêmecourtoisie.—L’Angleterren’aaucuneinfluencesurmoi.Toutàcoup,celaneluiparutplusaussivrai.—Non ? Tu parles pourtant fort bien l’anglais pour quelqu’un qui ne s’intéresse pas à cette

culture. Jevais êtrehonnête : j’ai été très étonnéequandGabrielm’a annoncéque tuvivais ici. Jepensequecelan’apasdûêtrefacilepourtoidesurvivreparmieux.

Juliananeréponditpas.Ellenevoulaitpasluifaireleplaisird’admettrequ’elleavaitvujuste.—Cedoitêtreaussidifficilepourtoiquepourmoi,insistaLouisa.Car,vois-tu,mafille,nousne

sommespastrèsdifférentes.Nousnesommespastrèsdifférentes.Lesparolesqu’elleredoutait.—Nousnenousressemblonspasdutout.—Répètecelaautantquetuvoudras,celan’ychangerarien,ripostaLouisaens’adossantàson

fauteuil. Regarde-toi. Tu reviens d’un bal probablement, mais tout indique que tu n’as pas eu uncomportementdesplusconvenables.Qu’as-tufait?

Julianajetauncoupd’œilàsarobeetseretintd’arracherunmorceaudepulpecolléàlasoie.—Celanevousregardepas.—Peuimporte.Cequejeveuxdire,c’estquetuesincapablederésisteràl’aventure.Tulaissesla

porteouverteauplaisirquipeutsurgirettetenteràn’importequelmoment.Dèstonpremiersouffle,tuaseuentoimongoûtpourleplaisir.Tupeuxrésister,jen’endemeureraipasmoinstamère.Plustôttucesserasdeluttercontretanature,plusvitetutrouveraslebonheur.

Non.Cen’étaitpasvrai.Dixannéesavaientpassédepuisqu’elless’étaientvuespourladernièrefois.Duranttoutcetemps,

Julianaavaiteul’occasiondegrandir,dechanger,derésisterauxtendanceshéritéesdesamère.Ellenerecherchaitpasl’aventure,lescandale,laruine.Non…

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Des images surgirent de samémoire. Une course effrénée dans un jardin obscur, une voitureinconnue,une chevauchéedansHydeParkvêtued’habitsmasculins.Elle sevit en équilibre suruntronc d’arbre pour tenter d’attraper un chapeau, dégringolant une volée de marches et faisants’effondrerunepiledelégumes…AttendantSimondevantsonclub,embrassantSimondanslesalondemusiquedesafiancée.

EmbrassantSimon…Elle avait fait son possible pour créer un scandale durant la semaine écoulée. Et depuis son

arrivée à Londres, elle n’avait peut-être pas cherché l’aventure, mais elle n’avait rien fait pourl’éviterquandcelle-cis’étaitprésentée.

Seigneur.Ellecroisaleregardbleudesamère.Ceregardquidétenaitunsavoirqu’elleredoutaitetqu’elle

détestait.Louisaavaitraison.—Qu’attendez-vousdenous?Samèreneréponditpastoutdesuite.ElledévisagealonguementJuliana.Quifinitparselasseret

seleva.—J’aipassétropdetempsàvousattendre.Jevaismecoucher.—Jeveuxretrouvermavie.Sesparolesn’exprimaientnichagrinniregret.Samèren’éprouvaitpascegenred’émotions.Les

regretsétaientfaitspourceuxquiavaientdessentiments.Abasourdie,Julianaserassitauborddufauteuil.Elleétudialafemmequiluiavaitdonnélavie.

Sa beauté, dont elle avait fait don à ses trois enfants, commençait à se flétrir. Des fils d’argentparsemaient ses cheveux blonds, ses yeux avaient perdu de leur éclat. Son visage et son coucommençaientàsemarquerderidesetelleavaitunetachebrunesurla tempe.Ungraindebeauté,justeau-dessusdesessourcilsàl’arcparfait,avaitperdudesanetteté.

Les années avaient été douces pour Louisa Hathbourne, mais en vieillissant la plus belle desfemmescroyaittoutperdre.

NonpasqueLouisadonnâtcetteimpression.—Ilfautquevoussachiez…quelepassénes’effacepas,déclaraJuliana.—Jelesais,biensûr,répliquasamèreavecunepointed’irritation.Jenesuispasrevenuepour

récupérermontitre.Nipourlamaison.NipourGabrieletNicholas.«Etcertainementpaspourmoi»,ajoutaJulianaàpartsoi.—Maisilarriveunmomentoùiln’estplusfaciledevivrelegenredeviequej’aivécu.—EtvousespérezqueGabrielvousaideraàavoiruneviedifférente?—Ilaétééduquépourdevenirmarquis.Pourprotégersafamilleàn’importequelprix.Pourquoi

crois-tuquej’aieditàtonpèredet’envoyericis’illuiarrivaitquelquechose?—Vousl’avezabandonné.—Oui,réponditLouisa.Unefoisdeplus,Julianafutfrappéeparsonabsencederegrets.—Ilnevousentretiendrajamais…—Nousverrons.Unelueurs’allumadanssonregard…Etsoudain,toutdevintclair.C’étaitcela, labonnesociété.Laréputationétait lacartemaîtresse…mêmepour lemarquisde

Ralston.Surtoutpour lenouveaumarquisdeRalston,quiavaitune femme,unesœur,etbientôtunenfantàprotéger.

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— Vous saviez que vous provoqueriez un scandale. Et vous saviez qu’il ferait tout pour enatténuerlaportée.Nonpassurvous,maissurnous.Vouspensezqu’ilvousaccorderaunepension.Suffisantepourquevouspuissiezvivrecommevousenavezl’habitude.

Samèreesquissaundemi-sourire,etchassaungraindepoussière imaginairesursarobe–unmodèlequidataitdequelquesannées.

— Tu n’as pas mis longtemps pour percer à jour ma stratégie. Comme je le disais, nous nesommespastrèsdifférentes,toietmoi.

—Jen’ensuispassicertain,mère,lançaRalston,depuisleseuildusalon.Julianaseretourna,etCalliesehâtaverselle.—Qu’est-cequevousn’avezpas comprisquand jevous ai dit deneplus remettre lespieds à

RalstonHouse?Louisasouritsanssedémonter.—JenesuispasrevenueenAngleterredepuispresquevingtans,monchéri.Jeconfondsparfois

lesensdesmots.Vousdevezêtrelamarquise,ajouta-t-elleàl’adressedeCallie.Jesuisdésolée.Onm’a expédiée si vite hors de la salle àmanger hier soir, que nous n’avons pas eu le temps d’êtreprésentées.

—Non,vousn’avezpasétéprésentées,ditRalston.—Tusaispourquoielleest là? intervintJuliana, indignée,ense levant.Tusaisqu’elleveut te

demanderdel’argent?— Oui, répondit Gabriel, nullement troublé. Seigneur, que t’est-il arrivé ? ajouta-t-il en

découvrantl’étatdelarobedeJuliana.—Jecroisquelemomentestmalchoisipourdiscuterdecela,Gabriel,murmuraCallie.—Tunevaspasluiendonner,n’est-cepas?continuaJulianasursalancée.—Jen’aiencoreriendécidé.—Gabriel!Sonfrèrel’ignora.—Jevoudraisquevouspartiez,mère.Sivousavezbesoindenous,vouspourreznousenvoyer

unmessage.LepersonneldeNicksaitcommentnousjoindre.—EllehabitechezNick?s’exclamaJuliana.Ilserafurieuxquandill’apprendra!—Balivernes.Nickestceluidemesenfantsquim’aimaitleplus,déclaratranquillementLouisa

enselevant.J’espèrequeBennettn’apasjetémacapedanslefeu.Cethommem’atoujoursdétestée.—Jelesoupçonned’avoirunjugementtrèssûr,neputs’empêcherdelancerJuliana.—Tut-tut,Juliana,c’estàcroirequ’onnet’ajamaisenseignélesbonnesmanières.—Ilm’amanquéuneinfluencefémininedansmajeunesse.—Mmm,fitLouisa,eninspectantsarobe.Dis-moi…tucroisquesij’étaisrestéeenItalietune

seraispascouvertedegrainesetdepulpedelégumescesoir?Louisapivotasursestalonsetsortit.Julianademeuraclouéesurplace,regrettantd’avoirmanqué

derepartie.Setournantverseux,Calliedéclara:—C’estincroyablequ’avecunemèrepareillevoussoyezaussinormauxtouslesdeux.—Jenesuispassinormalquecela,princesse.EtJuliananonplus,jelecrains.Callieconsidérasabelle-sœuravecunsourirenarquois.— En tout cas, le grand mystère de la soirée est résolu. C’est vous qui avez renversé la

compositionlégumièredeladyNeedham?—Seigneur!s’exclamaGabriel.Ettut’esenfuiecommeunenfantdesrues?—Quevoulais-tuquejefasse?J’auraisgâchélasoiréesij’étaisrestée.

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Ensoupirant,ilallaseservirunwhisky.—Une fois, une seule fois, Juliana, j’aimerais que tu t’abstiennes de causer un scandale. Pas

chaquesoir.Justeunefois.—Gabriel,leréprimandadoucementCallie.—Ehbien,c’estvrai!Qu’avions-nousdécidéavantdepartirpourlebal?Detousnousconduire

impeccablementafindefaireoublierlatornadequereprésentenotremère.—Jen’aipasfaitexprès,Gabriel.Je…—Biensûr.Commetun’aspasfaitexprèsdetomberdanslaSerpentine,detefaireagresserdans

notrejardin,oudemanquerd’êtrecompromiseparLeighton,jesuppose.—Gabriel!s’exclamaCallie,avecmoinsdedouceurcettefois.Julianarougitviolemment.—Non,jenel’aipasfaitexprès.Maisjevoisbienquetunemecroispas.—Reconnaisqueturendsleschosescompliquées,petitesœur.Gabriel était en colère. Il se sentait piégé par sa mère, ses exigences, la menace qu’elle

représentaitpourlaréputationdelafamille.Julianasavaitqu’ellen’auraitpasdûêtretouchéeparsescritiques.Ils’enprenaitàelleparcequ’illepouvait.

Elleenavaitcependantassezqu’onnecessedesoulignersesdéfauts.Surtoutlorsquec’étaitlavérité.—Lasoiréen’apasétédesplusfacilespourmoi.Enplusdetomberdansunescalierj’aieuma

premièreconversationavecmamèredepuisdixans,jemesuisdisputéeavectoi,j’aisalimarobe,jemesuisenfuied’unbal,j’aivu…

J’aivuSimonsefianceravecuneautre.—Tuasvu?l’encourageasonfrère.Elle se sentit soudain très fatiguée. Fatiguée de la journée, de la semaine. Des six mois qui

venaientdes’écouler.FatiguéedeLondres.—Rien,répondit-elleensecouantlatête.IlyeutunlongsilencetandisqueGabriellascrutait.Elleévitadélibérémentsonregard.—J’enaieuassezpourlajournée,moiaussi,finit-ilpardéclareravantdequitterlesalon.Callielaissaéchapperunsoupir.—Ilnepensaitpascequ’iladit,voussavez.C’est justeque…cen’estpasfacilepour luinon

plus.—Jesais.Maisiln’apascomplètementtort.Lesdeuxjeunesfemmesdemeurèrentsilencieuses,puis,n’ytenantplus,Julianalâcha:—Leightonvasemarier.—LadyPénélopefaitunbeaumariage.—Ellenel’aimepas.—Non,jenepensepas,confirmaCallie.Lesilenceseprolongea.Finalement,lesyeuxrivéssursesmainsjointes,Julianademanda:—Quandvont-ilssemarier?Ilsl’ontdit?—Finnovembresij’aibiencompris.Dansunmois.Julianahochalatête,leslèvrespincées.C’étaitfini.Illuiavaitéchappé.—JecroisquejevaisquitterLondres.—Pourtoujours?s’exclamaCallie.

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—Aumoinspourquelquetemps.

Simonavaitgrandbesoind’unverre.Deplusieurs,même.Iltenditsonchapeauetsesgantsauvalet,lecongédia,etentradanslabibliothèqueenpoussantle

battantsiviolemmentqu’ilheurtalacloison.Apparemment,ilfutleseulàêtreimpressionnéparsonentréefracassante.Léopoldlevalatête,

renifla,etdécidaquel’événementnevalaitpaslapeinequ’ilsedérange.Simonalladroitàladesserte,seservitunwhiskyetl’avalad’untrait.Ilétaitfiancé.Ilseservitunautreverre.Ilétaitfiancéet,cesoir,ilavaitfaillicompromettreunefemmequin’étaitpassafutureépouse.Ilfixauninstantlacarafeduregard,puisl’empoignaetallas’installerdanssonfauteuil.—Descends,ordonna-t-ilauchiend’untonimpérieux.Lemauditanimalbâillalonguement,puisdescenditens’étirant,commesiladécisiondebouger

n’appartenaitqu’àlui.Voilàcequ’ilétaitdevenu.Unducincapabledesefaireobéirdesonproprechien!Ils’assitenignorantl’animalquis’allongeaconfortablementdevantlacheminée.Alors seulement, il laissa échapper le soupir qu’il retenait depuis des heures. Très exactement

depuis lemomentoù, lemarquis deNeedhamandDolby ayant annoncéd’unevoix tonitruante lesfiançaillesdesafille,Simonavaitprislamaindecelle-cipourlaporteràseslèvres.

C’est alors qu’il l’avait senti, le fardeau qui pesait sur ses épaules. Maintenant, il n’était plusseulementresponsabledesamère,desasœuretduduché.IlétaitaussiresponsabledeladyPénélope.Et cependant, ce n’était pas sonmariage imminent, ni même la réputation perdue de sa sœur quioccupaientsespensées.

C’étaitJuliana.Iln’avaitpaspunepasremarquersondépartprécipité.Ducoindel’œil,ill’avaitvuesefrayerun

chemindans la foule en compagnie de la duchessedeRivington, et atteindre la porte.Elle couraitpresque.

Ilnepouvaitguèreleluireprocher.En fait, il aurait aimé fuir cette salle de bal, lui aussi. D’ailleurs, il était parti aussi vite que

possibleaprèsl’annonce.Avantdesortir,elles’étaitretournéeetl’avaitregardé.Cequ’ilavaitvudanssesyeuxl’avaitterrifié,accabléettenté.Celaluiavaitcoupélesouffle,etilavaiteuenviedes’élancerderrièreelle.Il avala une nouvelle gorgée de whisky, ferma les yeux dans l’espoir de garder à distance le

souvenirdecettesoirée.Celaneservitqu’àfaireresurgirl’imagedelajeunefemme.Sescheveux,sesyeux,sapeau,lafaçondontellefrémissaitcontrelui.

Iln’avaitpaseul’intentiondelatoucher,nideruinerunpeuplussaréputation.Pourl’amourduciel, iln’étaitpasainsi!Ilétait loind’êtreunlibertin.Certes,ilavaiteuquelquesmaîtressesetsoncompted’aventuresd’unsoir,maisiln’avaitjamaisdéshonoréunejeunefille.

Ilavaittoujoursmisunpointd’honneuràsecomporterengentleman.Puisilavaitrencontrécettefemme,quiluiavaitdonnéenvied’envoyeraudiablelabienséance,

del’allongersurlesoletdelaposséder.

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Justeavantd’annoncersesfiançaillesavecuneautrefemme.Quelgenred’hommeétait-ildevenu?Elleavaiteuraisonderefusersademande,laveille.Ralstonaussi.Mais,bonsang,illadésiraittellement.À une autre époque, s’il n’avait pas eu ce titre, il n’aurait pas hésité à la prendre comme

maîtresse…etplusquecela.Commeépouse.Illâchaunjuronsisonorequelechienlevalatête.—Désolé,monvieux,jet’airéveillé?Léopoldpoussaunlongsoupiraccablé,avantdeserendormir.Simonseservitencoreunverre.—Tun’aspasbesoindecela.Il laissa échapperun riredurqui se répercutadans lavastepièce.Samère l’avait suivi jusque

chezlui.Cettehorriblesoiréenefiniraitdoncjamais?—Ilest2heuresdumatin.—Tuasquittélebaltrèstôt,observa-t-ellesansrelever.—Vousnetrouvezpasqu’ilestunpeutardpourlesvisitesdecourtoisie?—Jesuisvenuetedirequetuavaisagicommeilfallait.«Jesuiscontentquevouslepensiez,maisjenesuispasdevotreavis»,faillit-ilrétorquer.—Celanepouvaitpasattendreuneheureraisonnable?—Non,dit-elleenallants’asseoirsurlebordd’unfauteuil,enfacedelui.Tonfauteuilpréféréa

besoind’êtreretapissé,commenta-t-elled’unairréprobateur.—Jetiendraicomptedevotreconseil.Ignorantleregardsévèredesamère,ilavalaunegorgéed’alcool.Combiendetempsdevrait-il

resterlàavantqu’ellenesedécideàpartir?—Leighton…—Vousnem’appelezjamaisparmonprénom.Elle fronça imperceptiblement lessourcilset iléprouvaunplaisirperversà l’idéede luiavoir

faitperdrelefildesesréflexions.—Jetedemandepardon?—Vousnem’appelezjamaisSimon.—Pourquoit’appellerais-jeainsi?—Parcequec’estmonprénom.—Tuasuntitre.Desresponsabilités.Ontedoitlerespect.—Vousnem’appeliezpasSimonquandj’étaisenfantnonplus.—Parcequetuportaisdéjàuntitre.TuétaismarquisdeHastings,dit-ellecommes’ilétaitidiot.

Oùveux-tuenvenir,Leighton?—Àrien.—Bien.Lamarquiseasuggéréquenouscommencions lespréparatifsdumariagedèsdemain.

Naturellement,tudevrasescorterladyPénélopeleplussouventpossibleaucoursdumoisàvenir.Etplusd’invitationsàRalstonHouse, s’il teplaît. Jenesaispascequi t’apris.Tune fréquentaispasces…gens,auparavant,etmaintenantquetonnomdoitêtreirréprochable,tut’affichesavecRalstonetcette…familleaurabais.

—L’épousedeRalstonestlasœurducomted’AllendaleetdeladuchessedeRivington.Samèrebalayacetargumentd’ungeste.

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—Riendetoutcelanecomptemaintenantquelamèreestrevenue.Etlasœur…c’estunehonte,ajouta-t-elleenpinçantleslèvresd’unairméprisant.

Ces paroles dédaigneuses firent surgir en lui une puissante vague de colère. Il se raidit. Il n’yavaitriendehonteuxchezJuliana.Elleétaitbelleetbrillante,peut-êtretrophardie,parfois,maiselleétaitmerveilleuse.Ilauraitvolontiersmissamèreàlaportepouravoirditlecontraire.

Sesdoigtssecrispèrentautourduverreaupointdeblanchir.—Jenetoléreraipasquevousparliezdecettedamesurceton.—J’ignorais que tu tenaisMlleFiori en si haute estime.Nemedis pasque cette fille te plaît,

ajouta-t-elleaprèsunbrefsilence.Simonneréponditpas,refusadelaregarder.— J’ai vu juste, apparemment, lâcha-t-elle. Elle n’est rien, Leighton. Elle n’a pas de nom, pas

d’éducation,rienquipuissejouerensafaveur,exceptélelienténuquilarelieàRalston.Ralstonquiestlui-mêmeàpeinerespectablemaintenantqueleurmèreestderetour.Seigneur,nousnesommesmêmepascertainsqu’ellesoitvraimentcequ’elleprétendêtre!Lesrumeurslaissententendrequ’elleestuneenfantillégitime.Plusriennesauveralaréputationdecettefamilleàprésent,mêmepasleursliensavecAllendaleetRivington.Cettefilleestd’unrangtellementinférieurqu’elleseraittoutjustedignededevenirtamaîtresse.

UnflotderagetraversaSimon.Oui,àuneépoque,ilavaitpenséqueJulianaferaituneparfaitemaîtresse.Maisc’étaitavant,bienavantqu’ilaitcomprisàquelpointelleétait…remarquable.

Laduchessecontinuad’unairlas:—Cherchequelqu’und’autreàmettredanstonlit,Leighton.Tupeuxtrouvermieux.Illaissalesmotshaineuxglissersurlui.IlnetrouveraitjamaisunefemmecommeJuliana.S’ilne

pouvaitl’avoir,bonsang,ilnetoléreraitpasqu’ondisedumald’elle.—Sortez.Laduchesseaffichauneexpressionoutrée.—Jetedemandepardon?—Vousm’avezbienentendu.—Leighton.Vraiment!Depuisquandes-tudevenuaussicommun?— Je vous ai assez vue pour ce soir, mère. Vous avez eu ce que vous vouliez. J’épouse lady

Pénélope,dontlaréputationestirréprochableetleprestigeimmense.Pourl’heure,jen’aiplusenviedemeplieràvosexigences.

Laduchesseseleva,seredressadetoutesahauteur.—N’oubliepasquejesuistamère,Leighton,etquetumedoislerespect.—Et n’oubliez pas que je suis duc,mère. Le temps est loin où j’obéissais à vos ordres sans

rechigner.Rentrezchezvousavantquejenedisequelquechosequejerisquederegretter.Ilss’affrontèrentduregard,aucundesdeuxn’acceptantdebaisserlesyeuxlepremier.C’estalors

qu’onfrappadiscrètementàlaporte.Cettenuitnefiniraitdoncjamais?—Bonsang!s’exclamaLeighton.Qu’ya-t-ilencore?Boggsentra,visiblementdanstoussesétats.—VotreGrâce,pardonnez-moi.Unmessageurgentvientd’arriverduYorkshirepourleduc.LesangdeSimonseglaça.Ilpritlamissive,etcongédialemajordome.C’étaitlemessagequ’il

redoutait,celuiquichangeraittout.Ildéplialalettre,enpritrapidementconnaissance,puislafourradanssapoche.Ilattendaitdepuis

des semaines, sepréparait à apprendre lanouvelle et à éprouver toutes sortesd’émotions : colère,

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peur,nervosité,irritation.Orilsesentaitextrêmementcalme.Ilselevaetsedirigeaverslaporte.—Leighton!Lamainsurlapoignée,ilseretourna.Était-ceunchevrotementqu’ilavaitperçudanslavoixde

sa mère ? Il examina sa peau parcheminée, ses yeux gris enfoncés dans leurs orbites, ses jouescreuses.

Ellesemblaitépuisée.Etrésignée.—Tuasdesnouvelles?demanda-t-elle.Lesnouvellesqu’ilsattendaient.—Vousêtesgrand-mère.

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Lesrumeursvontsecacheràlacampagne.Lesdamesraffinéeshabitentenville.

Traitédesdamesraffinées

Quelletragédie!NotreélémentpréféréduContinentadisparu…

JournaldesPotins,novembre1823

Après avoir passé cinq jours à voyager sur les routes hostiles et défoncées de la campagneanglaise,JulianaéprouvaunejoiesansnomenapercevantenfinTownsendPark.

Illuitardaitd’yêtre.Lavoitureavaitétéarrêtéedèsqu’elleavaitquitté laroutepours’engagerdans la longueallée

quimenait aumanoir imposantdominant lavaste landeduYorkshire.Quandelle eut expliqué auxdeux gardes imposants postés au bout de l’allée que son frère était lemaître demaison et qu’ellevenait lui rendrevisite,undeshommesenfourchaunchevalet filavers lamaison–probablementpourannoncersonarrivée.

Auboutd’unquartd’heure,Julianaétaitdescenduedelavoiturepoursedégourdirlesjambesenattendantd’êtreautoriséeàentrerdansleparc.

Onprenaitlasécuritétrèsausérieuxdanscecoinretiréd’Angleterre.Officiellement, Townsend Park était la résidence principale du comte de Reddich, occupée et

géréeparledemi-frèredeJulianaetjumeaudeRalston,lordNicholasSt.John,etsonépouseIsabel,lasœurducomte.Mais lemanoirétaitaussiconnusous lenomdeMinervaHouse,unendroit sûrpourdejeunesAnglaisesdansdessituationsdifficilesquiavaientbesoind’unsanctuaire.AvantqueNick découvre Isabel et le manoir, quelques mois plus tôt, la sécurité de ses occupantes étaitconstammentmenacée.

«C’estlepassé»,songeaJulianaenjetantuncoupd’œilaugardeavecquielleétaitrestée.Ceshommessemblaientcapablesd’arrêtern’importequelvisiteurmalintentionné.

Il y avait quelque chose d’indéniablement réconfortant dans l’idée qu’une fois à l’intérieur deTownsendParkelleseraitàl’abridumonde.

Elledonnaunpetitcoupdepieddansuncaillou, leregardadisparaîtredans les joncsdorésaubordduchemin.

Peut-êtrenerepartirait-ellejamais.Est-cequequelqu’uns’enrendraitcompte?Simons’enapercevrait-il?

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Elleavaitmieuxàfairequedepenseràlui.Etàladernièrefoisoùellel’avaitvu,unesemaineplustôt,avecsafiancée.Maisellenepouvaits’enempêcher.Pendantlescinqjoursqu’avaitdurélevoyage,ellen’avait rieneud’autreà fairedans lavoiturequede jouerauxcartesavecCarlaetdepenseràlui.Àlafaçondontill’avaittouchée…dontilprononçaitsonnom…àsonregardbrûlantposésurelle…àsesyeuxd’ambrequiprenaientlacouleurdumiel…

Iln’étaitpaspourelle.Ilétaittempsqu’elles’enrendecompteettournelapage.QuandellerentreraitàLondres, ilseraitmarié.Ellen’auraitd’autrechoixquedefairecomme

s’ils n’avaient jamais eu de rendez-vous clandestin, comme s’ils n’étaient que de vaguesconnaissances.

Commesielleignoraitlafaçondontsavoixdevenaitaussidoucequeduveloursjusteavantqu’ill’embrasse.

Avec un soupir, elle reporta son attention sur lamaison. Son frère venait dans sa direction augalop.Elleluifitdegrandssignesdelamainetcria:

—Leplusbeaudemesfrères!Ildescenditdesonchevalavantmêmequecelui-cisesoitarrêté,etlaserradanssesbras.—JelerépéteraiàGabriel!—Commes’ilnelesavaitpas!Jenesuispassûrequevoussoyezvraimentjumeaux,ilfaitpâle

figureàcôtédetoi.GabrieletNickétaientabsolumentidentiques,àundétailprès:laterriblecicatricequibarraitle

visage de Nick, passant tout près de son œil. Une marque qui n’enlevait rien à son pouvoir deséduction,bienaucontraire.Elleluiconféraitunje-ne-sais-quoidemystérieuxquiattiraitlesfemmescommelaflammeattirelesphalènes.

Ilremercialegardeetdésignasonvéhicule.—Turemontesenvoiture?Julianarefusaenfronçantlenez.—Jemesensprisonnièreàl’intérieur.Jepréfèremarcher.Nickpritlesrênesdesoncheval,etilsparcoururentàpiedlescinqcentsmètresquilesséparaient

delamaison.Alorsqu’ill’interrogeaitsursonvoyage,ellel’interrompit:—Jesupposequetuconnaislanouvelle?Ilacquiesça,levisagesoudainfermé.—Gabrielm’aenvoyéunmessage.Commentest-elle?—Toujourslamême.—Ettoi,commentvas-tu?Julianabaissalesyeuxsursesbottines,quidépassaientdesajupedevoyagerougesombre.—Je suis… je suisheureused’être ici, répondit-elle enparcourantdu regard lesbruyèresqui

s’étendaientautourdumanoir.Nicksouritet luioffrit lebras. Ilavait toujoursété leplus faciledesesdeuxfrères.Alorsque

Gabriel s’emportait facilement,Nick semontrait patient et compréhensif. Il ne la presserait pas dequestions,maisill’écouteraitavecattentionquandelleseraitprêteàparler.

Cequin’étaitpaslecas.— Comment cela se passe, ici ? demanda-t-elle, changeant de sujet. Tu écris si rarement que

j’oublieparfoisquej’aiunautrefrère.Ilrittoutbas.

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—Toutvabien.Nousavonsreçutroisnouvellesfilleslemoisdernier…quatreencomptantlebébéquiestarrivéilyadixjours.

—Lebébé?—Unedesfilles…Iln’allapasplusloin.C’étaitunehistoirevieillecommelemonde.Unedesfillesavaitcommis

uneerreurets’étaitretrouvéeenceinte,sansmari.Unmoisplustôt,Julianaauraitpeut-êtrejugécecomportement naïf ou irresponsable. Désormais, elle ne savait que trop combien les hommespouvaientêtretentants.

—Quoiqu’ilensoit,Isabeltravailletrop,déclaraNick,interrompantlefildesespensées.—Isabeltravailletoujourstrop.—Oui,maismaintenant qu’elle attend notre enfant, je préfère la voir allongée dans son lit à

mangerdesbiscuits.Tupourraspeut-êtrelapousserdanscettedirection.Julianas’esclaffa.Isabelétaitaussiinébranlablequ’unestatuedemarbre.—Jevoisquetunetrouvespasmarequêteraisonnable.—Pasdutout.C’estjustequetouteactionencesensdemapartrisquederestersanseffet.Alorsqu’iléclataitderire,Isabelapparutsurleperron.Julianaluifitsignedelamain,etsabelle-

sœurvintau-devantd’eux.Lesdeuxfemmess’embrassèrentaffectueusement.—Commentpouvez-vousêtre aussi jolie aprèscinq joursdevoyage? s’exclama Isabel.C’est

toutjustesijesuiscapablededescendrel’escalierlematinsansabîmermarobe!Elleétaitenceintedecinqmoisetirradiaitdebonheur.—Vous êtes superbe ! Et j’ai beaucoup de chance, car j’aurai bientôt deux adorables nièces à

cajoler.—Desnièces?répétaNick.—Tuespèresavoirunfils?ripostaJuliana.Danscettemaison?—Onpeuttoujoursrêver.IsabelpritJulianaparlebrasettoutesdeuxsedirigèrentverslemanoir.—Jesuissiheureusequevoussoyezlà.VousêtesarrivéejusteàtempspourlaNuitdesfeuxde

joie!—Desfeux?Dois-jem’inquiéter?—Unpeu,admitNick.Descatholiquessontbrûléseneffigie.—Nick!s’écriaIsabel.Nelataquinezpas.Ellen’apasencoreconfiancedanslepeupleanglais.—Etapparemment,j’airaison,commentaJuliana.Jen’auraispasdûveniràlacampagne,c’est

troprisqué.—Leseulrisquequevouscourez,c’estdevousennuyer.Lavieestterriblementmornecomparée

àLondres.—JecroyaisquevousdétestiezLondres,s’étonnaNick.—Plusmaintenant,répliquasafemme.Juliana,nevousinquiétezpaspourlesfeux.Toutirabien.

Àprésentracontez-moicequisepasseàLondres.Jen’aiquedesnouvellesvieillesdedeuxoutroissemainesgrâceàPerlesetPelisses.

Nick poussa un grognement à lamention dumagazine qui avait autrefois lancé à ses troussestouteslesjeunesfillesàmarierdelacapitale.

—Jenesaispaspourquoinouscontinuonsd’achetercesatanémagazine.— Les filles l’aiment bien, répondit Isabel, faisant allusion aux autres occupantes deMinerva

House.

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—Ah,lesfilles!s’exclamaJuliana.Jepensequeleprochainnuméroleurplairabeaucoup.Grâceànotremère,noussommesunenouvelle foisaucentredescommérages.Dumoins,nous l’étions,avantqueleducdeLeightonannoncesesfiançailles.

NicketIsabeléchangèrentunregardstupéfait.—Leightonsemarie?— Il a annoncé ses fiançailles avec lady Pénélope Marbury la semaine dernière. Vous êtes

surpris?Lesducssontcenséssemarier,Nick.Elleétaittrèsfièred’avoirréussiàdébitersonpetitdiscoursd’unevoixquinetremblaitpas.Son

frèreparutréfléchiràlaquestion.—Oui,biensûr,reconnut-il.Jesuisjusteétonnéqu’ilnenousaitriendit.—J’ignoraisquevousétiezintimesaupointqu’ilt’écrivepourt’annoncersonmariage.—Cen’estpaslecas,ditIsabel.Maislesujetauraitpuêtreévoquédanslaconversation.Julianasecrispa.Elleavaitpeut-êtremalcompris.Sonanglaisétaitloind’êtreparfait.—Laconversation?—Oui.Leightonestici.—Ici?Pourquoiest-ilici?Il ne pouvait pas être ici. Pas maintenant. Alors qu’elle avait tout fait pour être le plus loin

possibledelui!—Jesupposequetulesaurasdetoutefaçon…réponditNick.Ilestvenudèslanaissancedubébé.Lapaniquelasubmergea.Ilavaitunenfant?Elleéprouvaunchoc,puisunegrandetristesse,etunebonnedosedejalousie.Uneautrefemme

avaiteuunenfantdelui.Unefemmeàlaquelleilavaitappartenupendantuncertaintemps.Alorsqu’ilnepourraitjamaisluiapparteniràelle.Lanouvelleétaitdévastatrice.Elleentenditauloinlavoixdesabelle-sœur.—Juliana?Vousêtestoutepâle.Vousvoussentezmal?—Leighton…estlà?Encemoment?—Oui.Juliana…quelquechosenevapas? insistaIsabel.Leducs’est-ilmontrégrossieravec

vous?Setournantverssonmari,elleajouta:—Jesuisétonnéequ’envingtanscethommen’aitjamaisétéremisàsaplace.Illemériterait.Visiblement, Isabel ne portait pas Simon dans son cœur. Personne dans la famille ne semblait

aimercethomme,quiavaitemmenéunefemmedansleYorkshirepourqu’elleydonnenaissanceàleurenfantalorsqu’aumêmemomentilsefiançaitavecuneautre.

Etqu’ilfaisaitdeschosesmerveilleusesetinterditesàunetroisièmedansunsalondemusique.—Gabriell’acorrigéilyaquelquetemps.—Vraiment?C’estbien!déclaraIsabel.—Quand?voulutsavoirNick.—Lasemainedernière.—Pourquoi?—Sansraisonparticulière.Dumoins,Nickn’avaitpasbesoindeconnaîtrecetteraison.— Voilà qui m’étonnerait beaucoup, dit-il en haussant les sourcils. Ainsi donc, tu connais

Leighton.

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—Vaguement.NicketIsabeléchangèrentuncoupd’œil.Julianasesentitmal.—Celanemeparaîtpasvaguedutout.Tuleconnaisassezpourêtreperturbéeàl’idéequ’ilse

trouveici.—Pasdutout.Elle avait fui dans le Yorkshire pour découvrir que l’homme à qui elle voulait échapper s’y

trouvaitdéjà.Etqu’ilavaitunenfantcaché.Cen’étaitpaslapremièrechosequ’illuicachait.Maissûrementlaplusimportante.—Etcetenfant,ilcomptelereconnaître?Elleavaittentéd’adopteruntondégagé,pourtantsavoixs’étrangla.Ellecommençaitàregretter

que sa voiture n’ait pas été attaquée par des bandits de grand chemin.Oui, elle aurait préféré êtreenlevéepardescriminelsquedeseretrouverdanscettesituation.

—Cen’estpasclair,ditNick.Ilyauncertainnombredechosesàprendreenconsidération…Julianasentitlamoutardeluimonteraunez.—Quelgenredechoses?Tufaisallusionàsafuturefemme?—Entreautres,réponditNick,l’airunpeuperplexe.—Tunecroispasqu’elledevraitsavoir?Etvous,Isabel,qu’enpensez-vous?Vousn’auriezpas

aiméêtreaucourantavantd’épouserNick?Isabelréfléchitavantderépondre:—Peut-être.Julianaouvritdesyeuxronds.Est-cequetoutlemondedanscettefamilleavaitperdulatête?Juliana n’arrivait pas à croire que son frère puisse envisager sans ciller que Simon ne

reconnaissepasl’enfant.Leschosessepassaientpeut-êtreainsidansl’aristocratiebritannique–danscemondepervers où les gens étaientmoins enclins à accepter un enfant illégitimequ’unpère quireconnaissaitseserreurs.

Seserreurs.Leducparfait,quiconsidéraitavecarrogancelesfaiblessesdesautres,avaitcommislapiredes

fautes.Ellen’auraitjamaisimaginéqu’ilétaitlegenred’hommeàabandonnersonenfant.Maiscelanelaconcernaitpas.Ellen’avaitrienàvoiraveclui,ilétaitfiancéàladyPénélope.Qu’est-cequecelachangeaitqu’il

aitunenfantillégitime?Tout.Celachangeaittout.Danscecas,ilneseraitpasleSimonqu’elleconnaissait.Legenred’hommequ’ellevoulaitqu’il

soit.—Oùest-il?Jeveuxluiparler.Nickhésita.—Juliana,cen’estpassisimple.Ilestduc.Ettrèsrespecté,desurcroît.Iladeschoixàfaire,il

doitpenseràsafamille.—Ilauraitdûypenseravantd’expédierlamèreetl’enfantdansleYorkshire!Isabel semblait ahurie, et Juliana se rendit compte qu’elle avait presque hurlé. Elle eut un

reniflementindigné.L’arrogancedecethommeétaitinsupportable.—Juliana,ditNickd’untonposé.

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—Tunemeferaspaschangerd’avis,Nick.L’illégitimitéestunsujetdouloureuxpourmoi.Àcausedenotremère,mesoriginessontremisesenquestion,jefaisl’objetderagots.Jenelaisseraipas cet… homme abandonner sa chair et son sang et refuser de reconnaître son enfant. C’estinadmissible.Situn’aspaslecouragedeleluidire,jeleferai.

EllecroisaleregarddeNicketylutdelacontrariété.—Jenevoulaispasdirequetueslâche…—C’estexactementcequetuvoulaisdire.Ettuasdelachanced’avoiraffaireauplusgentildes

jumeaux.Situytiens,vaparleràLeighton.Tuleverrasaudîner.Ilsétaientarrivésaupieddelalargevoléedemarchesquimenaità l’entréedumanoir.Juliana

considéralaportemassive,grandeouverte.Elledécidadenepasattendrejusqu’audîner.Elle finitpar ledénicherdansune longuesalle,campédevantune fenêtre, ledos tourné.Alors

qu’elle pénétrait dans la pièce, elle fut frappée par sa haute taille, ses larges épaules, son corpsathlétique.Endépitdesacolère,elleétaitencoreterriblementattiréeparcethomme.Elleeutenviedelerejoindreencourant,desecramponneràluienlesuppliantd’êtrel’hommequ’ellepensaitqu’ilétait.

Saufqu’iln’étaitpaspourelle.Ellenedevaitpasl’oublier.Presséedeluiparler,deluidiresansdétourcequ’ellepensaitdesadernièredécisionducale,elle

traversalesalonaupasdecharge.—Jevouscroyaisdifférent,lança-t-ellesanspréambule.Il tourna la tête, et elle ne distingua ses traits que vaguement, dans la lumière déclinante de

l’après-midi.Commeilnefaisaitpasminederépondre,ellepoursuivit,laissantsacolèreenfler:—Jevousprenaispourungentleman.Pourunhommedeparolequisesouciaitdefairelebien

encebasmonde.Jemetrompais.Vousnevoussoucieznidel’honneurnidelajustice.Uniquementdevotreréputation.

Elleeutunrireméprisantetenchaînad’unevoixfrémissanted’indignation:—Alors quevousvousmoquiezdemoi, quevous critiquiezma façond’être,ma témérité, je

croyaisque…que…Quevousaviezchangé.Quejevousavaisfaitchanger.Ellen’avaitpasledroitdedirecela.Il se tourna complètement vers elle, et elle découvrit qu’il avait un nouveau-né dans les bras.

Alors seulement,elle regardaautourd’elle. Ils se trouvaientnonpasdansunsalon,maisdansunenursery.

Lagorgenouée,elles’approcha,contemplalepetitvisageronddubébé.Etlacolèrel’abandonna.Ellen’avaitplusenviedecrier,delesecouer.Ellesesentaitjuste…perdue.

Dans un autremonde, un autre temps, ils auraient pu se trouver dans une nursery semblable àcelle-ci.Vivreunmomentplusheureux.

—Jesaiscequec’estquedegrandirensachantqu’onnevoulaitpasdevous,Simon,reprit-elled’une voix étranglée. C’est dévastateur. Que vous ayez quatre ans, dix ou… vingt. Vous devez lareconnaître,Simon.Illefaut.Lescandalequis’ensuivra,vousserezassezfortpourl’affronter.Je…Nousvoussoutiendrons.

Leslarmesroulèrentsursesjoues,toutefoisellepoursuivit:

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—Vousêtesvenu icipourelle,Simon.Pour lavoir.Cela signifiecertainementquelquechose.Vouspouvezl’aimer.

Sontonétaitsuppliant,ellesavaitqu’elleneparlaitpasseulementpourcetenfant.Elleauraitdûêtregênée,maisn’enavaitpasl’énergie.

—Simon,chuchota-t-elle,enproieàuneémotioninfinie.Ellesedétestadeledésirerautantalorsqu’elleauraitdûlemépriser.Ilfitunpasverselle,etelle

recula.—Juliana,jevousprésentemanièce.—Votrenièce?—Caroline.Julianalaissaéchapperunlongsoupir.—Vousêtessononcle.—Vouspensiezquej’étaissonpère?dit-ilavecuneombredesourire.Ellehochalatête.—Etvousnevousêtespasrenseignéeavantdeformulerunetelleaccusation?—J’auraisdû,admit-elleenrougissant.Ils formaient un tableau attendrissant. Cet homme immense, qui incarnait la bienséance et

l’arrogancearistocratique,etsatoutepetitenièce.—Caroline,chuchota-t-il.C’estleportraitdeGeorgiana.—Votresœur.C’estdoncelle,votresecret?Cellequevousvouliezprotéger?—Jen’avaispaslechoix.Ilfallaitquejeprotègemafamilleetmasœur.—Quelâgea-t-elle?—Dix-septans.Ellen’avaitdoncmêmepasfaitsonentréedanslemonde.—Ellen’estpasmariée?demandaJulianabieninutilement.Ilsecoualatête,caressalamainminusculedeCaroline.Cebébéexpliquaittout…Sacolèrefaceà

ladésinvolturedeJuliana…l’importancequ’ilaccordaitàsaréputation…àsonmariage.—Envenantici,jecroyaisqueceseraitsimple.Qu’ilseraitfaciledelesenvoyerauloin,toutes

lesdeux.Etpuisj’aifaitlaconnaissancedeCaroline.L’enfant lui agrippa le doigt dans son sommeil, et il sourit. L’émerveillement et la tristesse se

peignirent sur ses traits où se lisaient si rarement ses émotions. Il prit une profonde inspiration,commeécraséparlepoidsdesesresponsabilités.

LeslarmespiquèrentlesyeuxdeJuliana.Quandlescandaleéclaterait,ilseraitinsupportable.Espérait-ilvraimentpouvoirgardercesecret

indéfiniment?—Vousavezenvoyévotresœuricipour…quesasituationnes’ébruitepas?—Non.Elles’estenfuie.Ellenepensaitpasquejelasoutiendrais.Etelleavaitraison,reconnut-il

nonsansamertume.Iltraversalasallepourallerdéposerl’enfantdanssonberceau.Soudain, Juliana prit conscience de ce que ce moment avait d’unique. Dans l’aristocratie, les

hommes ne s’attardaient pas dans la nursery. Ils ne prenaient pas les enfants dans leurs bras.MaisSimonétaitvenu,ils’étaitoccupédubébéavectendresse.

—Ellevouspardonnera,dit-elle.—Vousn’ensavezrien.—Si,jelesais.Vousêtesvenujusqu’icipourlesvoir.

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—Jenesuispasunhéros,Juliana.Jel’airetrouvée,j’aivudansquellesituationelleétait…ellen’a pas voulu me dire qui était le père… J’étais furieux, et je l’ai laissée ici. Je ne voulais plusentendreparlerd’elle.

—Non…cen’estpasvrai.Vousêteslà,àprésent.Simonluitournaledosetretournaseplanterdevantlafenêtre.— Pour combien de temps ? dit-il finalement. Je ne suis venu que pour décider comment

organiserlasuite.Pourqu’ellemerévèlelenomdecethomme.Pourtrouverlemoyendecachercetenfant.Etdecachermasœur.Vousmepreneztoujourspourunhéros?

—Vouscompteztoujoursfairetoutcela?demanda-t-elle,lessourcilsfroncés.—Jenesaispas.Peut-être.C’estentoutcascequej’avaisprévuquandj’aiprislaroute…Mais

maintenant…—Maintenant?—Jenesaispas!s’écria-t-ilensepassantlesmainsdanslescheveux.Mesplansbienordonnés

meparaissentcomplètementdéraisonnables.Masœurneveutpasmeparler.Etmaintenant…j’aitenucetenfantdansmesbras!

IlrevintversJuliana,luicaressalajouedudosdelamain.Legesteétaitsidouxqu’ellefermalesyeux.

—Vousaveztoutrendupluscompliqué,souffla-t-il.—Quevoulez-vousdire?—Quandvousêtesprèsdemoi,j’oublietout.Jen’aienviequedececi.Il s’empara de ses lèvres en un baiser à la fois doux et désespéré. Et lorsqu’il lui caressa les

lèvresdelalangue,ellel’accueillitdanslachaleurdesabouche.Cebaiseravait legoûtduregret,maiselleneputluirésister.Nouantlesbrasautourducoude

Simon, elle le lui rendit avec ferveur, comme s’il était possible de le persuader que les chosespouvaientêtredifférentes,qu’ellespouvaientchanger.

Etelleschangèrent.Brusquement.Il s’écarta en poussant un juron. Juliana sentit son sang se glacer. Le souffle haché, ils

demeurèrentàquelquespasl’undel’autre,danslapénombre.Simonsepassaledosdelamainsurleslèvrescommepourchasserlesouvenirdesonbaiser,et

elletressaillit.—Jedoisprotégermafamille,Juliana.Protégernotrenometmasœur.—Jecomprends.—Non,jenepensepas.Ilnepeutriensepasserentrenous.Jesuisduc.Jedoisfairemondevoir.—Vousparlezcommesijevousavaisdemandéd’yrenoncer.—Vousnel’avezpasfait,jesais,etc’estpourtantcequevousmedonnezenviedefaire.Vousme

poussezàcroirequetoutpourraitêtredifférent.Mais…Maiscelanesefaitpas.Ilneditpaslesmots,c’étaitinutile.Elleeutenviedeprotester,decrier,deluirappelerquec’était

ensonpouvoirdefaireensortequeleschosessoientdifférentes.Qu’ilétaitduc,etquelecercledesaristocrates serait indulgent, qu’ils lui pardonneraient presque tout – et qui se souciait de ce quepensaientcesimbéciles!

Elles’enabstint.Toutcela,elleleluiavaitdéjàditàmaintesreprises.Envain.—Jenesuispaslibred’agiràmaguise.Jenepeuxpassimplementtournerledosaumondedans

lequelnousvivons.

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—Danslequelvousvivez,Simon,corrigea-t-elle.Etsi,jepensequevousêteslibred’agiràvotreguise.Vousn’êtespasundieu,niunroi.Justeunhommedechairetdesang,commelesautres.Ilnes’agitpasdevotresœur,devotrenièce,maisdevous.Devospeurs.Vousn’êtespasprisonnierdelasociété,maisdevous-même.

Ilseraidit,etleducdeLeighton,hautainetdistant,réapparutinstantanément.—Vousnesavezpasdequoivousparlez.Si elle s’attendait à cette réponse, ellen’en fut pasmoinsblessée.Elle s’éloignade lui, alla se

penchersurleberceau.Ellecaressadoucementlajouedubébé.—Certaineschosessontpluspuissantesquelescandale,Simon.Ilneditpasunmottandisqu’ellegagnaitlaporte.—J’espèrequevousenprendrezconscienceavantqu’ilnesoittroptardpourelles,lança-t-elle

surleseuil.Puisellesortit, la têtehaute.Toutefois, laporteàpeinerefermée,elles’adossaaubattantetses

épauless’affaissèrent.Ellel’aimait.Celanechangeaitrien.Ilétaittoujoursfiancéàuneautre,toujoursobsédéparlabienséanceetsa

réputation.LeDucDédaigneux.Elle ferait bien de ne pas l’oublier. Cela l’aiderait peut-être à l’aimer moins. Tous ceux qui

chantaientleslouangesdel’amour,quiprétendaientquec’étaitunsentimentmagnifique,étaientdesmenteurs.

Iln’yavaitriendebeaudansl’amour.C’étaithorrible.UnebataillefaisaitrageenLeighton,entrelabienséanceetlapassion.Etc’étaitcettebatailleen

luiqu’elleaimaitleplus.Maisilluifaisaitdumal,àprésent.Etellenepouvaitletolérer.Ellenesupportaitpasl’idéeden’êtrepasassezbienpourlui.Ellefitdonclaseulechosepossible.Elles’enalla.

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15

Ilnefautpasdedomestiquestropfamiliers.Lesdamesraffinéesnetolèrentpaslescomméragesdanslescuisines.

Traitédesdamesraffinées

Enfin,lacampagnesembleavoirretrouvésesattraits…

Journaldespotins,novembre1823

Simonauraitvolontiersflanquéuncoupdepoingdanslemur.Il était parti pour le Yorkshire à l’instant où il avait appris la naissance. Il était venu pour

Georgiana,poursanièce,etpourfaireensortequeleursecretnes’éventepas.EtpouréchapperàJuliana.Il aurait pourtant dû se douter qu’une fois ici, dans cette maison remplie de femmes, il ne

penserait qu’à elle.Quand il buvait unverre dewhisky avecNick, il voyait les yeuxde Juliana, ilentendaitsonrire.

Maisilpensaitaussiàellequandilétaitavecsaproprefamille.Avecsamère,quiavaitquittélamaisonsansunmot,avecsasœur,quiavait refuséde levoiràsonarrivéeàTownsendPark,puisquandilavaittenusaniècedanslesbras.Chaquefois,ilavaitpenséàJuliana.

Ilauraitvoulu l’avoirprèsde lui.Sentirsa force.Savolontéd’abattre l’ennemiquelqu’ilsoit.Sondévouementpourceuxqu’elleaimait.

QuandelleétaitentréedanslanurserypourprendreladéfensedeCaroline,ilavaitéprouvéduréconfortpourlapremièrefoisdepuissonarrivéedansleYorkshire.

Pourtant,personneneluiavaitjamaistenutêtecommeellelefaisait.Elleétaittoutcequ’iln’avaitjamais été : l’émotion, la passion, l’enthousiasme, le désir. Elle se moquait de son titre ou de saréputation.

Toutcequil’intéressait,c’estl’hommequ’ilétait.Ilavaitenviededevenirceluiqu’ellesouhaitait.Cequiétaitbiensûrimpossible.IlavaitdemandélamaindePénélopeencroyantqu’ellepouvait lessauverduscandale.Etilse

rendaitcomptemaintenantqu’ilavaittoutgâché.Lemieuxseraitdeseteniràl’écartdeJuliana.Illuidevaitaumoinscela.Elleneméritaitpasque

saréputationsoitdétruiteparsafaute.Unflotderemordslesubmergeaquandilsongeaàcequ’ilavaitfait,etàcequ’ilneferaitjamais.

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Des vagissements s’élevèrent du berceau, Caroline était réveillée. En une seconde il fut prèsd’elle, remerciant le ciel que les domestiques soient si rares à Townsend Park. Dans toute autremaison,lanièced’unducauraitétéentouréed’unearméedenourrices.Ici,enrevanche,ellerestaitseuledetempsàautre,cequipermettaitàsononcledelavoirentêteàtête.

Illapritdanssesbrasdansl’espoirdelacalmer,maissescrisnefirentqu’augmenter.— Ne pleure pas, ma jolie, murmura-t-il. Je vais être obligé d’appeler une servante… ou ta

maman.Jem’ysuismalprisavecelleaussi.Sanspitiél’enfants’agitadeplusbelle.—Tun’espasheureuseavecmoi,n’est-cepas?Biensûr,iln’yapasderaisondepenserqueje

puisserendreheureuseslesdamesdemonentourage.—Tupourraisessayerdetedonnerunpeuplusdemal.Simonpivotasurlui-même.Sasœursedirigeaitverslui,lesbrastendus.Àpeineeut-ellerepris

safille,quelespleurss’apaisèrent.—Elleteconnaît.— Nous avons eu quelques mois pour faire connaissance, répondit Georgiana avec un petit

sourire,sansquittersonbébédesyeux.Quelquesmoisdurantlesquelsilavaitétéabsent.Quelcrétin.—Ilparaîtquetuvastemarier?—Lesnouvellesvontvitedanscettemaison.—Quecroyais-tu,quel’informationresteraitsecrète?Dois-jeteféliciter?—LadyPénélopeferaunebonneépouse.Safamilleesthonorable,saréputationimmaculée.—Commelanôtreautrefois?—Celan’apaschangé.Il n’avait pas enviedeparlerdePénélopeoude leur réputation. Il voulait parler avec sa sœur.

Repartirdezéro.Quandbienmêmec’étaitimpossible.—Georgiana…Elleluitournaledos,s’approchad’unetablehautesurlaquelleelledéposaCaroline.—Tun’aspasenviederesterpourlasuite,j’imagine,dit-elle.—Pourquellesuite?Ils’avança,curieux,etjetauncoupd’œilpar-dessusl’épauledesasœur.—Oh!Euh…Non.Sonéducationdeducnecomprenaitpasdechapitreconcernantlessoinsàapporterauxnouveau-

nés.—Iln’yapasquelqu’unqui…quipeutfairecelaàtaplace?Ilcrutentendreunpetitriremoqueur.—Lesenfantsneviennentpasaumondeavecunenourrice,Simon.—Jesais.Biensûr.Maistues…Ils’interrompit,nesachantcommentterminersaphrase.Fillededuc…masœur…àpeinesortietoi-mêmedelanursery…—Jesuisunemère.Ellepivotapourluifaireface,Carolinedanslesbras.Sasœur,qu’ilavaittoujourscruefragile,

étaitcalmeetforte.

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—Peuimportecequetuallaisdire,ajouta-t-elled’unevoixcoupante.Jesuissamère.Ellepasseavanttout.Riendecequetupourrasdirenemeferachangerd’avis.

Il n’avait plus devant lui une délicate jeune fille, mais bien plutôt une incarnation de Junonprotégeantsonenfant.

Laprotégeantdelui.Alorsquec’étaitàluidelesprotéger,bonsang!—Jeneveuxpastefairechangerd’avis.—Non?dit-elleenbattantdespaupières.Tumelaisseraslagarder?Tunem’obligeraspasàme

battrecontretoi?Ces six derniers mois, il avait été convaincu que le mieux serait d’éloigner l’enfant. Même

pendant le voyage, il avait joué avec cette idée, envisageant des destinations potentielles, gardantencorel’espoirquetoutrevienneàlanormale.

Ilcomprenaitàprésentquecetteidéeétaitridicule.IlnesupporteraitpasdechasserCarolinedelamaison.

Jesaiscequec’estquedegrandirensachantqu’onnevoulaitpasdevous,Simon.Ilavaitvusatristesse dans les yeux de Juliana tandis qu’elle articulait ces mots. Il ne voulait pas que sa nièceéprouveunjourunetellesouffrance.

—TugarderasCaroline,naturellement.—Merci,Simon.Maisalorsmêmequesasœurtenaitsafillecontresoncœur,ilsongeaaupréjudicequ’allaitsubir

leurfamille.Lescandaleéclaterait.Ilsferaientface.Ils’yétaitpréparé.—Dansunmois,jeseraimarié.Celadétourneralescomméragesdetasituation.Georgianaéclataderire.—Simon,mêmeunmariageroyalnesuffiraitpasàdétournerl’intérêtdescommèrespourma

situation.Ignorantcesparoles,Simongagnalaporte.—Tun’espasobligédelefaire,tusais,repritsasœur.Iln’estécritnullepartquetudoisporter

seullefardeaudenotreréputation.Tun’espasobligédel’épouser.Biensûrquesi.Il était le ducdeLeighton, l’undes hommes les plus puissants d’Angleterre, népour porter le

poidsd’undestitreslesplusvénérablesdel’aristocratie.Ilavaitpassésavieentièreàseprépareràcemomentoùl’honneuretledevoirpasseraientavanttoutlereste.

Sa conduite avec Juliana avait-elle été honorable ? Dans l’écurie ? Dans le parc ? Dans cettepièce?

Lahontelesubmergea.—Laquestionneseposepas.J’épouserailadyPénélope.Ilferaitcequidevaitêtrefait.

SimontrouvaSt.JohndanslebureauducomtedeReddich.La porte était ouverte. Il frappa une seule fois au chambranle et attendit que St. John lui fasse

signed’entrer,avantdeprendreplacedansunfauteuildecuirfaceaubureaud’acajou.—J’aimeraisteparlerdemasœur.—Etmoi,j’aimeraisteparlerdelamienne.Simonsefigea,etSt.Johnétrécitlesyeux.

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—Isabelpensequ’ilyaquelquechoseentrevous.Etelleatoujoursraison.Cequiestvraimentexaspérant.

—Iln’yarienentrenous.—Non?—Non,affirma-t-ild’untonqu’ilespéraemphatique.—Mmm.Nickôtaseslunettesetlesposasurlebureau.—Bien.Donc,parlonsdeladyGeorgiana.—Jesuiscontentquequelqu’undanscettemaisonserappellequelestsonrang,déclaraSimon,

irrité.—Àtaplace,jeferaisattentionàcequejedis,Leighton.Simonjuraàmi-voixetserralespoings.—Essaye,lançaNick.NicholasSt.JohnétaitprobablementleplusvieilamideSimon.Àsupposerquecelui-cienaiteu

d’autres.Tousdeux,ainsiqueRalston,s’étaientretrouvésàEtonlamêmeannée.Simon,encoretrèsjeuneetfierdesontitre,avaitpassésontempsàrappelerauxdeuxfrèresetaurestedelaclassequelesoriginesdesfilsdelaMaisondeRalstonétaientassezdouteuses.Unjour,alorsqu’ilavaitpoussélebouchonunpeutroploin,Nickluiavaitécrasélenezd’uncoupdepoing;ç’avaitétéledébutdeleuramitié.

Celle-cis’étaitdéfaiteaucoursdesannées,aprèsleurdépartdel’école.SimonétaitdevenuducdeLeighton, etNick était parti pour leContinent, où laguerre faisait rage.Puis l’argent deLeightonavaitserviàfinancerlesactivitésdeNick,maisSimonetluines’étaientpasrapprochéspourautant.

QuandJulianaavaitdébarquéàLondres,Simonn’avait rienfaitpoursoutenir laMaisondeSt.John. Et pourtant, lorsque Georgiana avait frappé à la porte de Townsend Park, Nick et Isabell’avaientaccueillieetprotégéecommesielleétaitdesleurs.EtalorsqueSimons’emportaitcontreeux,menaçant leurmaison, leur nom, etmême leur vie,Nick était resté imperturbable, protégeantGeorgianaenversetcontretout.

Unami.Peut-êtreleseulqu’ileût.Simonluidevaitplusqu’ilnepourraitjamaisluirendre.Etilallaitdemanderencoreplus.—Elleveutresterici.Avecl’enfant.Nickserenversadanssonfauteuil.—Etqueveux-tu?Cequ’ilvoulait?Quetoutredeviennecommeavant.QueGeorgianadormedanssonlit,dansleur

domaine à la campagne, qu’elle prépare les récoltes d’automne et les fêtes deNoël. Il voulait êtrelibérédufardeauquipesaitsursesépaulesdepuisqu’ilavaithéritédutitre…etmêmeavant.

IlvoulaitJuliana.Ilnepourraitjamaisl’avoir.Alors,ildemandacequ’ilpouvaitobtenir.—JeveuxqueGeorgianasoitensécurité,avecCaroline.—Ellesn’ontrienàcraindre,ici.—Dis-moicombieniltefaut.—Non,Leighton.Tunousassuffisammentdonnépendantsixmois.Plusqu’iln’étaitnécessaire.—Plusquetunet’yattendais.

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—Ehbien, tu dois admettre…quevu la façondont tu as réagi en apprenant la situationde tasœur,ilétaitdifficiled’imaginerquetudeviendraisunbienfaiteurdeMinervaHouse.

Ilavaitagiainsiparcequ’ilsesentaitcoupable.Georgianaétaitterrifiéeàl’idéedeluiavouerqu’elleattendaitunenfantetquel’identitédupère

devaitrestersecrète.Enlarmes,ellel’avaitsuppliédeluipardonner.Delaprotéger.Etilétaitreparti,furieuxetbouleversé.Ilavaitdoncfaitlaseulechosepossible.Ilavaitenvoyédel’argent.Beaucoupd’argent.—Ellessontsousmaresponsabilité.Jecontinueraidesubveniràleursbesoins.Nickledévisagealonguement,etSimonsoutintsonregard.—Tumepréviendrassi…sielleabesoindequoiquecesoit.—Certainement.—Tuesunvéritableami.C’étaitlapremièrefoisqu’ilprononçaitcesmots.Lapremièrefoisqu’uneamitiéneselimitait

pas pour lui à prendre un verre au club ou à disputer unmatch d’escrime. Il s’étonnait lui-mêmed’éprouvercesentiment.

—Tuferaislamêmechosepourmoi,réponditNick.Oui,illeferait.Maintenant.Toutefois,encorerécemment,saréactionauraitpuêtredifférente.Qu’est-cequiavaitchangé?Laréponseétaitévidente.Maisilnepouvaitl’avouer.Niàlui-mêmeniàNick.—Bien.Ceciétantréglé,déclaraNickenattrapantlacarafedewhiskypourremplirdeuxverres,

revenons-enàJuliana.Simons’emparaduverrequ’illuitendaitens’efforçantdenepastrahirsespensées.—Iln’yapasgrand-choseàdire.Nickavalaunegorgée,pritletempsdelasavourer.—Allons,Leighton,tuoubliesàquitut’adresses.Pourquoinepasm’avouerlavéritécettefois?

Jesaisquemonfrèret’afrappé.Etquemasœurestentréedansunecolèrefollequandelleacruquetuétaislàpourvoirtonenfant.Tuveuxvraimentquej’entiremespropresconclusions?

Simongardalesilence.Nicks’adossaàsonsiège,affichantuncalmeolympien.—Trèsbien,reprit-il.Jevaistedirecequejepense.Jecroisquetuesbouleverséparcequiest

arrivéàtasœur.TuasdemandélamaindeladyPénélopeencroyantquetonmariageferaitoublierlescandalequecauseraitlasituationdeGeorgiana.Selonmoi,tutemariespourdemauvaisesraisons,etmasœurestentraindeteleprouver.

Simoneutenvied’écrasersonpoingsurlenezdeNick.Cederniers’enaperçuteteutunsourirenarquois.

—Tupeuxmefrappersituveux,celanechangerarien.Cequej’aiditn’endemeurerapasmoinsvrai.

IlauraitdûêtreimpressionnéparlafinessedeNick,quoique,toutbienréfléchi,celan’étaitpastrèsdifficileàdeviner. Juliana le rendait foudedésir.MaisNickn’avaitpasbesoinde le savoir. Ilconsidéradoncsonamiensilenceetbutsonwhiskysansprononcerunmot.

—Tuterendscomptequetunepourraspasyéchapper,repritNickavecunsourireencoin.—Échapperàquoi?—Àcequ’elletefaitressentir.—Etquiditqu’ellemefaitéprouverautrechosequedel’irritation?Nicks’esclaffa.

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—Le fait que tu saches précisément de qui je parlais ! Tu découvriras que dans cette famillel’irritationestunprécurseuràdessentimentsautrementplusdangereux.

—J’aidéjàdécouvertbeaucoup tropdechoses survotre famille,déclaraSimonde son ton leplushautain.

—TupeuxjouerauDucDédaigneuxautantque tuveux,Leighton,celaneferapas lamoindredifférence.

Nickseleva,contournasonbureauetsedirigeaverslaporte.—Jesupposequec’esttroptedemanderdenepasl’approcher?lança-t-ildepuisleseuil.Oui.L’idéederesterloindeJulianaétaitincompréhensible.Cependant,ildevaitlefaire.—Pasdutout.Nickeutunpetitricanementéloquent.—Tunemecroispas?—Non,Leighton,jenetecroispas.— Si tu estimes que je représente un danger pour elle – pour sa réputation –, pourquoi

m’autorises-tuàrester?Nicksoutintsonregard,etSimondécouvritquelquechosedanssesyeux,aussibleusqueceuxde

Juliana.Delacompassion.—Tun’espasundangerpourelle.Tuestropprudent,Leighton.Juliananefaitpaspartiedeta

vie parfaite. Elle est éclaboussée par le scandale, comme toute notre famille. Non que cela nousinquiètebeaucoup.Enrevanche,celat’empêchedel’approcherdetropprès.

Simon eut envie de nier. Sa sœur était la preuve vivante de ce qui arrivait quand les hommesperdaientlecontrôled’eux-mêmes.Quandilscommettaientdeserreurs.

Maisavantqu’ilaitletempsd’ouvrirlabouche,Nickajouta:—Ne la prive pas du bonheur, Simon. Tu sais qu’elle lemérite, et qu’elle peut faire un beau

mariage.Avecunautre.Àcettepensée,unehaineviscéraletorditlesentraillesdeSimon.—Tuparlescommesiquelqu’unétaitprêtàluifairesademande?Nickperçutledédaindanssonton,etsesyeuxétincelèrent.—Jedevraistedonnerlacorrectionquetuméritespouravoirditcela.Tucroisqueparcequetu

neveuxpassalirtaprécieuseréputationavecquelqu’uncommeJuliana,iln’yapasd’autreshommesprêtsàtenterleurchanceavecelle?

Biensûr,lesadmirateursnedevaientpasmanquer.Elleétaitvive,intelligente,charmante,d’unebeautérenversante.

MaisNicksortitetrefermadoucementlaportederrièreluiavantqu’ilaitpuleluidire.

Redoutantderesterseule,Julianacherchaduréconfortdans le lieu leplusanimédeTownsendHouse.

Lescuisines.LescuisinesdeMinervaHouseétaienttellesqu’ellelesaimait.Bruyantes,désordonnées,pleines

derires,d’odeurs,degens.Ellesconstituaientlecœurdufoyerquecettemaisonétaitdevenuepourlesfemmesquivivaientici.C’est-à-direquelescuisinesdeMinervaHouseneressemblaientenrienàcellesdesautresmanoirsanglais.

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Cequiétaittrèsbien,carjustementJulianaétaitlassedetoutecetteéléganceanglaise.Lassedelabienséance,del’arrogancedelanoblesse,desducsanglais.

Ellevoulaitquelquechosedevraietd’honnête.Quandellefranchitlaporte,lesfemmesrassembléesautourdel’énormetabledechênelevèrentà

peinelatête.Gwen,lacuisinière,luijetauncoupd’œil,puislamitautravail.—VoiciJuliana,dit-elle,tandisquelesautresfemmessepoussaientpourluifairedelaplace.La

sœurdelordNicholas.Celasuffitpourlafaireaccepter.Gwensaupoudralatabledefarineetposadevantelleungros

morceaudepâteàpain.—Pétrissez,ordonna-t-elle.Ilneseraitvenuàl’idéedepersonnededésobéir.Ellesétaientunedemi-douzaineautourdelatable,chacuneayantunetâchepréciseàaccomplir.

Couper,hacher,mélanger,broyer.Unvéritablebataillond’apprentiescuisinièresquinecessaientdebavarder.

Juliana puisa du réconfort dans cette atmosphère chaleureuse. Tout en aplatissant la pâte, elleécoutalesproposqu’onéchangeaitautourd’elle.C’étaitexactementlegenrededistractiondontelleavaitbesoin.Iciaumoins,ellepourraitnepaspenseràSimon.

—Jediraisquec’estundesplusbeauxvisiteursquenousayonseus.—Leplusbeau,rectifiaGwen.Unmurmured’approbationaccueillitsaremarque.—Ilal’aird’unange.—Unangedéchu.Vousavezvulafaçonqu’ilaeued’exigerdevoirGeorgianadèssonarrivée?Julianasepétrifia.EllesparlaientdeSimon.Ilsembleraitqu’ellenepuisseluiéchapper.—C’estaussileplusgrand,ajoutaunejeunefemmemince.—Jemedemandes’ilestaussigrandpartout,lâchauneautre.Lesjeunesfemmesfurentprisesd’unfourirecollectif.—C’est un invité, leur rappelaGwen en flanquant un coupde torchon à celle qui avait fait la

remarquecoquine.Celadit,jemesuismoi-mêmeposélaquestion,avoua-t-elledansunsourire.—Parpitié,dites-moiquevousneparlezpasdeceluiauqueljepense.Juliana leva vivement la tête. Les autres s’écartèrent en riant, afin de faire de la place pour la

nouvellevenue.LadyGeorgiana.Cenepouvaitêtrequ’elle.Elleavaitlesmêmescheveuxblondsquesonfrèreetsesyeuxd’ambre.

Elleétaitcependantpetiteetdélicate,aveclesjoliesrondeursd’unefemmequivientd’enfanter.Maiselleparaissaitplusquesesdix-septans.Ellesemblaitsimûre.

—Sivouspensezquenousparlionsdevotrefrère,vousavezraison,déclaraGwen.Vousvoussentezd’humeuràpelerdespommes?

Sansattendresaréponse,elledéposaunpanierdepommesdevantGeorgiana,quis’emparad’unpetitcouteaudecuisineetsemitautravail.Julianaéprouvaunchocdevantcettescène.Lasœurd’unducpelantdespommesdanslacuisinedeMinervaHouse!

—Ilfautadmettrequ’ilestbeau,reconnutGeorgianad’untonenjoué.Juliettafitminedenepasavoirentendu.—MaisilaassezdefemmesquisejettentàsoncouàLondres.Neluifaitespasleplaisirdeles

imiter.Julianaseconcentrasursapâte.

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—Non,leshommescommeleducsonttropfroids,déclaralafemmemince.Regardezcequ’ilafait!IlvousaexpédiéeiciavecCarolinepouréviterlescandale.

—Cen’estpastoutàfaitexact.—Peuimporte.Vousétieziciavecnous,etpasaveclui.Moi,j’aimeleshommesquiontducœur.—Iladucœur.Juliananeserenditcomptequ’elleavaitparléàvoixhautequelorsquelesilencesefitautourde

latable.Ellelevalesyeux,lesjouesenfeu,etcroisaleregarddeGeorgiana.—MlleFioriestlasœurdelordNicholas,expliquaGwen.—Appelez-moiJuliana.—Etquesavez-vousducœurdemonfrère,Juliana?—Je…jesupposequ’ilenaun,non?Enfait,jenesaispas.Elleseremitàpétrirlapâteetàl’aplatiravecénergie.—Juliana,est-cequevous…aimezbienmonfrère?Elle n’aurait pas dû. Il représentait tout ce qu’elle détestait. Tout ce qu’elleméprisait chez les

Anglais,lesaristocratesetleshommesengénéral.Julianaplaqualamainsurlapâteetl’étalasurlatable.—Votrefrèrenem’aimepasbeaucoup.Unlongsilencesuivit.Quandelleserisquaàlaregarder,ellevitqueGeorgianasouriait.—Cen’estpascequejevousaidemandé.—Non!explosa-t-elle.Iln’yarienqu’onpuisseaimerchezcethomme.Georgianademeurabouchebéetandisqu’ellecontinuait:—Toutcequicomptepourlui,c’estsontitreetsaprécieuseréputation.Elle donna un coup de poing sur la pâte, la retourna et répéta l’opération, avant de se rendre

comptequ’ellevenaitd’insulterlefrèredeGeorgiana.—Etvous,biensûr,milady,ajouta-t-ellepourserattraper.—Maisilestbeau,fitremarquerGwend’untonléger.—Peuimportequ’ilsoitgrandoubeau,jenel’aimepas,répliquaJuliana.Unsilenceconsternés’abattitdanslacuisine.Julianarepoussaunemèched’unemaincouvertede

farine.—Non,biensûr,ditGeorgianaprudemment.—Jesuisdésolée,murmuraJuliana,soudainconscientedesedonnerenspectacle.—Jevousenprie.Simonn’estpasunhommetrèsaimable,observaGeorgiana.Cen’estpasmoi

quivousdirailecontraire.GwenpritlapâtedesmainsdeJuliana,ladéposadansunbol.—Iln’estpassibeauquecelanonplus,renchéritlafemmemince.—J’enaiconnudeplusbeaux,ajoutauneautre.—Moiaussi,renchéritGwenentendantunbiscuitquisortaitdufouràJuliana.Elleengrignotaunmorceau,étonnéequeces femmes,qu’elleneconnaissaitpas, ignorentson

comportementexcentriqueetretournenttranquillementàleurtravail.Julianaselevasiabruptementqu’ellefaillitrenversersontabouret.Ellejuratoutbasenitalien.

Lesfemmeséchangèrentdesregardsperplexes,maisellenepritpaslapeinedetraduire.—Jedoisyaller,souffla-t-elle.—Juliana,restez,jevousenprie,protestaGeorgiana.

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Julianas’immobilisadevantlaporte,enproieàunmélangedehonte,detristesse,defrustration.Elleauraitaimédisparaîtredansuntroudesouris.

—Jesuisdésolée,jenepeuxpas.Elleouvritlaporteetseruaversl’escalier.Siseulementellepouvaitrejoindrelegrandescalier

centraletremonterdanssachambre,toutiraitmieux.—Juliana!Elle pivota sur ses talons. Dieu qu’elle aurait voulu pouvoir effacer les dernières minutes, la

dernièreheure,cevoyagedansleYorkshire!Georgianaluisourit,etunefossetteluicreusalajoue.—Aimeriez-vousvouspromenerunpeuavecmoi?Lesjardinssonttrèsbeaux.—Je…— Je vous en prie. Onm’a conseillé de prendre l’air après la naissance du bébé. Un peu de

compagniemeferaitplaisir.Juliananesevoyaitpasrefuser.Ellestraversèrentunsalon,franchirentuneporteetdescendirent

unpetitescalierdepierresquiaboutissaitdanslejardinpotager,surlecôtédelamaison.Ellesmarchèrentunmomententrelesrangéesdelégumes,puis,n’ytenantplus,Julianadéclara:—Jesuisdésoléepourcequej’aiditdanslacuisine.Jenevoulaispascritiquervotrefrère.Georgiana sourit et fit glisser samain surunbuissonde romarinavantde laporter à sonnez

pourenhumerleparfumpuissant.—C’estdommage.J’étaisplutôtraviequevousosiezlecritiquer.Peudegenss’yrisquent.Julianaouvritlabouche,hésita,puislareferma.—Ilestinsupportable,n’est-cepas?LesyeuxdeJulianas’arrondirentdesurprise,etelleacquiesça.—Excessivement.—Jecroisquejevousaimebien.—J’ensuisheureuse,assuraJuliana.Maisjenevousaipasfélicitée.Pourlanaissancedevotre

fille.—Merci. Elle s’appelle Caroline. Je suppose que vous savez quema situation est absolument

scandaleuse.Julianasourit.—Dans ce cas, nous allons être amies. Car beaucoupme considèrent comme un scandale en

puissance.—Vraiment?Julianaconfirmad’unsignedetête,cueillitunebranchedethymetl’agitasoussesnarines.—Vraiment.Jesuissûrequevousavezentenduparlerdemamère.C’estunelégende.—Eneffet.—ElleestrevenueenAngleterrelasemainedernière.—Non?s’exclamaGeorgianaenarrondissantlesyeux.—Si.Votre frère était invité à dîner chez lemien lorsqu’elle a fait son entrée.Tout lemonde

pensequenoussommestailléesdanslemêmearbre.Georgianainclinalatêtedecôté,l’airdenepassaisir.Julianaformulasaphraseautrement.—Ilspensentquejesuiscommeelle.—Ah!Vousêtesfaitesdumêmebois.—Oui.—Etc’estvrai?

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—Votrefrèreenestpersuadé.—Cen’étaitpasmaquestion.Julianaréfléchit.Onne luiavait jamaisdemandésielleétaitcommesamère.Personnenes’en

souciait.Lescommèresdelabonnesociétél’avaientcondamnéed’emblée.QuantàGabriel,Nicketlerestedelafamille,ilsavaientsimplementrejetél’idéed’uneressemblanceentreelles.

EtvoilàqueGeorgianaluiposaitlaquestion.—J’espèrequenon,réponditJulianaavecsincérité.Et cela suffit à Georgiana. Elle glissa son bras sous celui de Juliana, et elles rebroussèrent

chemin.—Necraignezrien,Juliana.Quandlanouvelledecequim’estarrivéseraconnue,lescommères

oublieronttoutcequ’ellesontditsurvousetvotremère.Lesangesdéchusdonnentlieuàd’excellentsragots.

—Maisvousêteslafilled’unduc.Simonsemariepourvousprotéger.Georgianasecouatristementlatête.—Maréputationestbeletbiendétruite.C’estirrémédiable.Peut-êtrepourra-t-ilnousprotéger,

fairetairelesbavardages,maisilsnecesserontjamaiscomplètement.—Jesuisdésolée.Georgianaluipressalamainetsourit.— Je l’ai été aussi, pendant quelque temps. Je sais désormais que je pourrai rester ici aussi

longtempsqueNicketIsabelvoudrontdemoi.Carolineestenbonnesanté,etcenesontpasquelquescommèresquivontmegâcherlavie.

Commentfaisait-elle?Depuisqu’elleétaitenAngleterreetqu’ellesubissaitproposméprisantsetregardsdédaigneux,Julianan’étaitjamaisparvenueànepass’ensoucier.

CequeSimonpensaitd’elleneluiétaitpaségal.Elle envia cette jeune femme d’avoir assez de force pour envisager l’avenir avec une telle

confiance.—Cen’estpeut-êtrepasconvenabledeledire,maisceuxquivousrejettentsontdesimbéciles.

Lessallesdeballondoniennesgagneraientàêtrefréquentéespardesfemmesayantautantdecouragequevous.

LesyeuxdeGeorgianabrillèrentd’unéclatmalicieux.—Cen’estpasdutoutconvenabledeledire,eneffet.Maisnoussavonstoutesdeuxquelahaute

sociétélondoniennenesupportepaslesfemmescourageuses.Queferait-elleavecdeuxfemmestellesquenoussurlesbras?

Julianaéclataderire.—Quand vous déciderez de revenir, nous serons les deux plus scandaleuses.Ma famille a un

faiblepour lesenfantsauxoriginesdouteuses,voyez-vous…Oh, jesuisdésolée, jenevoulaispasdirecela!s’empressa-t-elled’ajouter,consciented’êtrealléetroploin.

—Cen’estrien,assuraGeorgianaavecungestedelamain.Carolineabeletbiendesoriginesdouteuses.Jesuisdoncenchantéedesavoirqu’ilyauraaumoinsunsalondanslequelnousseronsreçues.

—Puis-jevousdemandercequivousestarrivé…Georgianalaconsidérad’unairadmiratif.—Vous vousmoquez des convenances, n’est-ce pas,mademoiselle Fiori ? Eh bien, c’est une

vieillehistoire,ennuyeuseettristementbanale.Jecroyaisqu’ilm’aimait,etpeut-êtreétait-celecas.Maisparfois,l’amournesuffitpas.

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Juliana ne décela dans sa voix ni tristesse ni regret. Elle ne vit dans ses yeux qu’une parfaitehonnêteté.

Parfoisl’amournesuffitpas.Tandisqu’ellesregagnaientlamaisonensilence,cesmotsrésonnèrentdanslatêtedeJuliana.Desmotsqu’elleavaitintérêtànepasoublier.

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16

Douceurettéméritésontlepréludeàunelongueviedecouple.Lesdamesraffinéesneparlentpaslibrementaveclesgentlemen.

Traitédesdamesraffinées

Guy Fawkes n’est pas le seul à avoir un tempérament explosif cetautomne…

Journaldespotins,novembre1823

Pendantlaplusgrandepartiedel’année,levillagedeDunscroftétaitcalme.Lecoursdecetteviecampagnardeidylliqueétaitparfoisinterrompuparuntaureauéchappédesonenclosouunchariotdéviantdelaroute,maisd’unefaçongénérale,ilnesepassaitrienderemarquabledanslevillage.

ExceptépourlaNuitdesfeuxdejoie.Apparemment,toutDunscroftétaitsortipourassisteràlafête,quiavaitlieujusteaprèslecoucher

dusoleil.Dansleprécommunal,desdizainesdelanternesprojetaientunebellelumièredoréesurlesstandsalignésautourduchamp.

DèsqueJulianadescenditdelavoiture,ellefutaccueillieparlesodeursetlesbruitsducarnaval.Descentainesdegensavaientenvahi lapelouse.Desenfants avecdesmasquesdepapier couraiententre les jambes des adultes, regardaient des spectacles demarionnettes, ou se régalaient avec lespommesd’amourdistribuéespardesjeunesfillessouriantes.

Unpeuplusloin,deshommesfaisaientrôtiruncochon.D’autres,plusjeunes,tentaientdefairerireunestatuevivantequidemeuraitimperturbabledevantleurspitreries.

Juliananeputs’empêcherdes’esclaffer.—Vousvoyez, jevousavaisbienditquevousn’aviezpasderaisonsdevous inquiéter, luidit

Isabel.—Jenesaispas.Jenevoistoujourspaslesfeuxdejoiequevousm’aviezpromis.Unbûcheravaitétédresséaucentredelaplaceduvillage:unénormetasdeboissurlequelon

avaitaccrochéunbonhommedepaille,dontlatêtepenchaitdangereusementsurlecôté.Lesenfantscouraientautourdubûcherenchantant.

—Celanemeparaîtpastrèseffrayant,admitJuliana.—Certes.Maisattendezquelebrasiersoitallumé.Laplupartdesfillesdoiventêtredéjàlà,ajouta

Isabelenscrutantlafouledesyeux.IlnerestaitplusqueNicketLeightonquandnousavonsquittélamaison.

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Julianasecrispa.ElleavaitpenséàSimon toute la journée,etavaitpassé lamatinéeà inventerdiversprétextespouralleretvenirdanslamaisondansl’espoirdelecroiser.

Sanssuccès.Ilavaitdisparu.Elleauraitdûseréjouirqu’ilgardesesdistances.Ilnefallaitpastenterledestin.Simonavaitfait

sonchoix,etilrentreraitàLondresdansquelquesjourspoursemarier.Etpourtant,au lieude l’oublier,elleavait revêtusaplusbelle robeetse tenaitaumilieud’une

fouled’étrangersenpriantpourqu’ilvienne.Ensedemandantpourquoiiln’étaittoujourspasarrivé.Ilfallaitqu’elleparte…—Oh!s’exclamaIsabelenlevantlenez.Voussentezcetteodeurdetarteauxpommes?LaquestiontiraJulianadesespensées.ToutleYorkshirefêtaitlecarnaval,etilfallaitvivredans

leprésent.Ellesepréoccuperaitdel’avenirdemain.—Nousnousenoffronsune?proposa-t-elleàsabelle-sœur.Elles longèrent les stands, repérèrent les tartes convoitées et en achetèrent deux parts. Pendant

qu’Isabeldiscutaitavecunejeunefemmedel’uniformedesdomestiquesdeTownsendPark,Julianas’aventura entre les tables. Le pré était maintenant plongé dans l’obscurité, et les seules lumièresprovenaient des bougies que les gens tenaient à la main en attendant que les feux de joie soientallumés.

L’airétait chargéd’odeursautomnales, levent soulevait les feuillesmortesausolet les faisaittournoyer. Il n’y avait aucune inquiétude, aucune tristesse.La vie était censée être plus simple à lacampagne:feuxdejoie,comptinesettartesauxpommes.Julianaétaitvenuepourcela.

Elle s’arrêtadevantun stand sur lequel s’entassaientdes fleursetdesherbes sèches.La femmecorpulentequisetenaitderrièrelevalesyeuxdusachetqu’elleétaitentraindefermer.

—Qu’est-cequivousferaitplaisir,milady?Desenfants?Del’argent?Dubonheur?—Lesplantespeuventmedonnertoutcela?—Vousendoutez?—Oui!Lafemmel’étudiauninstant,puisdéclara:—Jevoiscequevousvoulez.Ellevoulaitunesoiréedesimplicité.—L’amour,repritlafemme.C’estcela,quevousvoulez.Ellefitcourirsesmainsau-dessusdesplantes,attrapanticiunbrindelavande,làduromarin,puis

duthym,delacoriandre,etd’autresplantesqueJuliananeconnaissaitpas.Ellelesglissadansunpetitsachetdetoilequ’ellenouasolidementavecunmorceaudeficelle.

—Mettezçasousvotreoreiller,recommanda-t-elleàJuliana.—Et?Lafemmesourit,révélantuneboucheédentée.—Etilviendra.L’amourquevousattendez.C’estundemi-pennypourlamagie,madame,ajouta-

t-elleentendantlamain.Julianaglissalesachetdanssonréticuleetcherchaunepièce.—Vousêtessûrequecelamarchera?—Oh,queoui!Julianaluidonnasapièce,seretourna…etsefigea.Là,appuyéàl’undesmontantsdustand,setenaitSimon,lesbrascroisés.Ilportaitunpantalonde

daimetdehautesbottesdecuir,unechemisede linblancetunmanteauvert.Sesvêtementsétaient

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simples,discrets.Ilavaitremplacésonchapeauparunecasquetteetrenoncéàlacanne,obligatoireenvillepourlesgentlemen.

Àlacampagne,leschosesétaientplussimples.Peut-êtreréussirait-elleàl’enconvaincre.Cettepenséelatiradesastupeur,etelles’approchadelui.—Vousachetezdespotionsmagiques?—Oui,admit-elleavantdejeteruncoupd’œilàlafemmepar-dessussonépaule.—Vousvoyezqueçamarche,milady!lançacelle-ci.—Eneffet.Merci.—Quevousa-t-ellevendu?s’enquitSimon.Julianaleregarda.C’étaitmaintenantoujamais.—Sijevousdisaisqu’ellem’avenduunesoirée?—Unesoiréedequoi?—Desimplicité.Depaix.Ilesquissaunsourire.—Jevousconseilleraisd’enacheterunedosequiduretoutelavie.—Nousnepouvonspasavoirtoutelavie.Justeunesoirée.Cettesoirée.Pourquoinepasvivre,

cesoir?Allait-il accepter son offre ? Ce soir, dans cette petite ville de la campagne anglaise, sans

commérages,sansscandale.Desfeuxdejoie,unefête,quelquesheuresdetranquillité.Demain,lasemaineprochaine,toutseraithorrible.Maiselleauraiteucemomentaveclui.Surlepointderépondre,ilhésita.Allait-illarepousser?Lecœurbattantàtoutrompre,ellevit

unnerftressautersursajoue.Toutefois,avantqu’ilaitpurépondre,lesclochesdel’églisesemirentàsonner.Lebruitétaitassourdissant.Uneclameurs’élevadanslepré.

—Quesepasse-t-il?s’inquiéta-t-elle.Unesecondepassa,commes’iln’avaitpasentendusaquestion.Puisilluioffritsonbras.—C’estlesignal.Lesfeuxdejoievontêtreallumés.Unesoirée,songeaSimonencontemplantlefeudejoie.Unmomentquin’appartiendraitqu’àeux,ici,àlacampagne.Sansresponsabilité,niinquiétude.

LaNuitdesfeuxdejoie,etriend’autre.Ets’ilvoulaitplus?Ilnepourraitl’obtenir.Une foisdeplus, Juliana lui lançaitundéfi.Mais s’il acceptait, il craignaitdenepas survivre,

cettefois.Ilsetournalégèrementpourcontemplersonprofil.Elleavaitlesyeuxfixéssurlefeudejoie.Ses

cheveuxdejaisbrillaientàlalueurdesflammes,sesjouesétaientunpeuempourprées.Sentantsonregardsurelle,elletournalatête.LeursregardssecroisèrentetSimoneutlesoufflecoupé.

Elleétaitmagnifique.Ilvoulaitcettenuit.Ilsepencha,résistaàlatentationdel’embrasser,etchuchota:—J’aimeraisgoûteràvotrepotionmagique.—Vousêtessûr?Ilhochalatêteetluioffritsonbras.—Unsoir,dit-elle.

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Celaneluisuffiraitpas.Pourtant,ilfaudraitqu’ils’encontente.Sanspenseraulendemain.—Unsoir.Elleposalamainsursonbras,etilss’éloignèrent.— L’épouvantail sur le bûcher, c’est lui votre Guy Fawkes qui a voulu faire exploser le

Parlement?Iln’apasl’airtrèsdangereux,fit-elleremarquer.Ilsemitàrire.—J’aimevousentendrerire,VotreGrâce.—PasdeVotreGrâce.Cesoir,jeneveuxpasêtreduc.Cesoir,jesuisjusteSimonPearson.Sans

titre.—Vouscroyezquelesgensneverrontpasquevousêtesunnoble?—C’estunepotionmagique,ouiounon?Elleluiréponditd’unsourire.—Vousavezfaim?s’enquit-ilcommeilspassaientdevantunstanddenourriture.Ellehochalatête,etilachetadestourtesetduvin.—M.Pearsonaimeraitfaireunpique-niqueimprovisé.Ilss’installèrentsurunbancà l’écartetmangèrentenregardant lesgenss’amuser.Desenfants

passèrentencourantetenriant.—Quand j’étaispetite, j’adorais ces soirées, avoua-t-elledansun soupir.Pendant les festivals,

nousn’étionspasobligésd’observertouteslesrègleshabituelles.—J’auraisaimévousconnaîtreàcetteépoque,murmura-t-ilenitalien.—Vousauriezétéchoqué.J’étaistoujourssale,jemefaisaisgronderparcequejecriaisdansla

couretquejevolaisdestartinesdanslacuisine.—Jenesuispasétonné,figurez-vous.Etplustard,engrandissant?Avez-vousbrisébeaucoupde

cœursdurantcessoiréesdefête?Iln’auraitpasdûposerunetellequestion,cen’étaitpasconvenable.Maisaudiablelesrègles.Ce

soir,toutétaitplusfacile,touteslesquestionsétaientautorisées.Elleluicoulaunregardmalicieux.—Ah!fit-ilenallongeantlesjambesdevantlui.Jedevinequejenesuispastombéloin.—Ilyaeuungarçon.Vincenzo.—Racontez-moi.—TouslesansàVérone,aumoisd’avril,alieulafêtedeSanZeno.Lavillelapréparependant

dessemaines,c’estaussiimportantqueNoël.Uneannée…Elles’interrompit.—Ahnon,vousnepouvezpasarrêtermaintenant!Quelâgeaviez-vous?—Dix-septans.—EtVincenzo?—Pasbeaucoupplus.Dix-huit,peut-être?Simonse revitàdix-huitans, se rappelacomment ilpensaitaux femmesàcetteépoque…àce

qu’ilavaitenviedefaireavecelles.Etileuttrèsenviedefrappercegarçonitalieninconnu.—J’apportaisdesplateauxdegâteauxà l’église.EtVincenzoétait là aussi, pour aider. J’avais

gardélepluslourdpourlafin.J’aiprisunraccourcipouralleràl’église,etlorsquejesuisarrivée,Vincenzom’attendait,seul,adosséaumur.J’aicruqu’ilallaitm’aideràporterleplateau.Maisquandjeleluiaitendu,ilenaprofitépourm’embrasser.

—J’espèrequevousluiavezdonnéunboncoupdepieddanslesinguine.

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—MonsieurPearson!s’exclama-t-elleenécarquillantlesyeux,avantd’ajouter:Disonsquej’aisu contrôler la situation.Les femmesne sont pas aussi faibles et désemparéesquevous le croyez,voussavez.

— J’ai toujours pensé que vous aviez la force d’un gladiateur, déclara-t-il en lui tendant ungobeletdevin.

Elleenavalaunelonguegorgée.Fasciné,illaregardarécupérerduboutdelalangueunegoutteégaréeaucoindeseslèvres.Seigneur,elleétaitsibelle,sisensuelle…unhommepourraitpassersavieàlacontempler.Ilauraitaimésetrouvern’importeoùplutôtqu’ici,danscepré,entouréparlamoitiédeshabitantsduYorkshire.

Ilselevaetluitenditlamain.Ettandisqu’elleselevaitàsontour,ilrespirasonétrangeparfum,mélange demûres et de basilic. Il lut l’émotion dans son regard, et sut que s’il s’emparait de seslèvresicietmaintenantellenelerepousseraitpas.

Latentationétaitpresqueirrésistible.S’il l’embrassait, tout basculerait en un instant. L’honneur exigerait qu’ils se marient, et le

scandaledeGeorgianapasseraitausecondplanparcequeleducdeLeightonauraitrenoncéàlafilled’unmarquispourépousercelled’unmarchanditalien.

MaisJulianaseraitàlui,etcelaluisuffirait.Toutcequ’ilavaitàfaire,c’étaitd’approcherseslèvresdessiennes.—Nousmarchonsencoreunpeu?suggéra-t-elle.Simonseraclalagorgeets’efforçadeseressaisir.—Biensûr.Ellepassadevantlui,leprécédantverslesrangéesdestands.— Je crois que je pourrais aimer la campagne, déclara-t-elle après avoir pris une longue

inspiration.—JecroisplutôtquevotreplaceestàLondres.—Plusmaintenant. Je vais rester dans leYorkshire. J’aime les occupantes deMinervaHouse,

Lucreziaadoregalopersurlalande,etjesuislassedelasaisonlondonienne.Simondétestaitl’idéederetourneràLondressanselle.Qu’ellegâchesavibranteénergieici.Elle

étaitfaitepourchevaucheràHydeParkdanslabrumematinale.Pourvalserdanslessalons,vêtuedesoieetdesatin.Aveclui…

Ill’imaginaàsonbras,danslabonnesociété.Impossible.Elles’arrêtadevantunstand,effleuraduboutdesdoigtsladentelled’unbonnet.Simonimagina

cesdoigtssursapeau,danssoncou,sursesépaules…sursontorse…Sonsexedurcitinstantanémentetilbénitlapénombre.Ilnecessapaspourautantdelaregarder

caresserletissu.Finalement,nepouvantensupporterdavantage,ilsortituneboursedesapoche.—Jevoudraisachetercechapeaupourladame,dit-ilauvendeur.—Vousnepouvezpasfairecela!protesta-t-elle.Maisl’hommederrièrelestandavaitdéjàprislapièce.—Celanesefaitpas,Simon.Vousnepouvezpasm’acheterunvêtement.—Jecroyaisquenousavionsbuunepotionmagiquecesoir?riposta-t-ilenluitendantlebonnet.Ellehésitalonguement,puisfinitpars’ensaisir.—Enoutre,jevousavaispromisderemplacerceluiquevousavezperdudanslaSerpentine.— Si ma mémoire est bonne, monsieur Pearson, vous aviez promis de m’en acheter une

douzaine.Ilhochalatêteetsetournaverslevendeur.

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—Avez-vousonzeautreschapeauxcommecelui-ci?Peut-êtredansd’autrescouleurs?L’hommearronditlesyeux,etJulianaéclataderire.—Ilplaisante!dit-elleentirantSimonparlamanche.Excusez-nous.—C’est laNuitdesfeuxde joie,mademoiselle!s’exclamalevendeur.Nousdevenons tousun

peufousenfaisantbrûlerlevieuxGuy.Lorsqu’ilssefurentéloignés,ellebaissalesyeuxsurlechapeauqu’elletenaitàlamain.—Merci,souffla-t-elleenluicoulantunregarddebiais.—C’étaitunplaisir.Ilauraitaiméluiacheterunecentainedechapeaux.Etaussidescapes,desrobes,deschevaux,des

selles,despianos,ettoutcequ’elledésirait.Ilvoulaitqu’elleaitenabondancetoutcequilarendaitheureuse.

—Jesuisdésolée.—Pourquoi?Ellehaussauneépaule.Quelleadorablemanie,songea-t-il.— Pour tout. Pour être si compliquée. Pour vous avoir provoqué, envoyé des messages

inconvenants,pourvousavoirmisencolère,etavoirrendutoutcelasi…difficile.Jenesavaispas,Simon…J’ignoraisquevousaviezunebonne raisondevous soucierdes convenances etdevotreréputation.Sij’avaissu…sij’avaissu,jen’auraisjamaisfaitcepariridicule.Jenevousauraispaspoussésiloin.

Elleparlaitd’unevoixsibasseque,sileventavaitsoufflédansuneautredirection,ilnel’auraitpasentendue.

Ilsétaientarrivésauboutdupré.Sanshésiter,Simonl’attiradansunbosquetderrièreledernierstand.

—Jecroyaisquecesoirnousavionschoisilasimplicité,cesoir,dit-ilàmi-voix.Les arbres les protégeaient. Les bruits et les lumières de la fête paraissaient suffisamment

lointains pour qu’ils aient l’impression de vivre un rêve. Comme s’ils avaient bel et bien bu unepotionmagique.

Commesi,cesoir,toutétaitdifférent.—Maiscen’estpaslaréalité,n’est-cepas?Vousêtestoujoursduc,et je…etjesuiscequeje

suis.—Non,Juliana,chuchota-t-ilenluisoulevantlementon.Non,pascesoir.Ilfaisaittropsombrepourqu’ilpuissedistinguersonexpression,etilleregretta.—Si,mêmecesoir,dit-elle.Lamagienepeutriencontrecela.Jeveuxjustequevoussachiez…

quejecomprends.Jevoudraispouvoirreveniràcettepremièrenuitetannulernotrepari.Choisiruneautrevoiturepourmecacher…

Unejalousieirrationnelles’emparadeluiàl’idéequ’unautreladécouvredanssavoiture.Elleluiappartenait.Cetteréactionsipossessiveledéstabilisa,ils’écartapourtenterdesereprendre.Seméprenantsur

songeste,Julianarecula.—Celafaitdeuxsemainesaujourd’hui,voussavez?Iln’yavaitpluspensédepuissondépartpourleYorkshire.—Deuxsemainescesoir,oui.—Etjenevousaipasmisàgenoux.Elleavaitfaitbienpire.Elleluiavaitarrachélecœur.

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—Monplanaéchoué,poursuivit-elle.Aulieudevousfairedécouvrirquelapassionesttout,j’aidécouvertquelapassionn’estriensansamour.

Iltenditlamain,luieffleuralebras.Maisellesedéroba.—Quevoulez-vousdire?Juliana?ajouta-t-ilcommeellelaissaitéchapperunpetitriresansjoie.Ildistinguaitàpeinesasilhouettedanslapénombre.—Vousnevoyezpas,Simon?fit-elled’unevoixtremblante.Jevousaime.Cefutseulementquandelleprononçalesmots,avecsonaccentadorable,qu’ilserenditcompteà

quel point il avait espéré les entendre. Elle l’aimait. Cette pensée le submergea, plaisir et chagrinmêlés,etilpensaqu’ilallaitmourirs’ilnelaprenaitpasdanssesbras.

Ellel’aimait.Il fit un pas vers elle en prononçant son nom, certain que, ce soir au moins, elle était à lui.

Pourtant,lorsqu’ill’attiradanssesbras,ellesedébattit.—Non.Laissez-moi.Jen’auraispasdûdirecela.Ilsourit,l’enlaçafermement,samainglissantlelongdesoncoudélicat,jusqu’àsonvisagequ’il

soulevadoucement.—Redites-le.—Non.Ilcapturasaboucheavecforce,etelles’abandonnainstantanémentcontrelui.—Redites-le,masirène.Avecdusentiment.Elle hésita, et il crut qu’elle allait s’écarter. Puis elle posa lesmains sur sa nuque, enfouit les

doigtsdanssescheveux,etmurmurad’unevoixdouce:—Tiamo.Et dans cesmots chuchotés dans sa langue natale, il entendit cette vérité, à savoir qu’il aurait

donnén’importequoipourelle…pourqu’ellenecessepasdel’aimer.—Embrassez-moiencore,souffla-t-elle.Mais ses lèvres étaient déjà sur les siennes. Ils s’embrassèrent avec une enivrante sensualité,

commes’ilsavaientl’éternitédevanteux.Elleétaitparfaite.Ilsétaientfaitsl’unpourl’autre.—Juliana…Dieuquevousêtesbelle.—Ilfaitnuit.Vousnemevoyezpas,dit-elleenriantSesmainsdescendirentsursoncorpsauxcourbesharmonieuses,et il laplaquacontre lui, leur

arrachantuntressaillementdeplaisir.—Maisjevoussens,murmura-t-ilavantdereprendresabouche.Elle interrompit leur baiser, lui caressa doucement la lèvre inférieure de la langue. Avec un

grondementsourd,ilrefermalamainsurunseinrondetentaquinalapetitepointedurciedupouce.Julianalaissaéchapperungémissement.

Seigneur,ilvoulaitl’allongersurlesoletluifairel’amourjusqu’àenperdrelatête.Non.Ilsétaientdansunparcpublic.Elleméritaitmieux.—Attendez,fit-il,lesoufflecourt.Nousdevonsarrêter.Auprixd’uneffortsurhumain,illalâchaetrecula.—Pourquoi?protesta-t-elle.Laquestion,toutesimple,ledésarma.Seigneur,commeilladésirait!

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Maisildevenaitimpossiblededemeurerprèsd’ellesansmenacersaréputation.—Simon…reprit-elledoucement,c’esttoutcequenousaurons.Unesoirée.Toutavaitparusisimple,uneheureplustôt,quandilsriaientetsetaquinaient,etfeignaientl’unet

l’autred’êtrequelqu’und’autre.Maisàprésent,ilnevoulaitplusjouer.Ilvoulaitêtrelui-même.Etqu’ellesoitelle-même.Etque

celasuffise.Saufquecen’étaitpaspossible.Ilnepouvaitl’approchersansprendrecequ’ildésiraitplusquetout.Sansladéshonorer.Or,ilrefusaitdeladéshonorer.Alors,remerciantl’obscuritéquiempêchaitJulianadeliredanssonregardcequ’ilressentait,il

déclarad’untonbref:—Lasoiréeestterminée.Julianasepétrifia,etilsedétesta.Etsedétestadavantageencorequandellepivotasursestalonsets’enfuitencourant.

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17

Lespartiesdecampagnesontdeslieuxdetentations.Unedameraffinéefermesaporteàclé.

Traitédesdamesraffinées

Nous tenons l’épidémie demariages d’amour pour responsables du peuderupturesdefiançaillescettesaison…

Journaldespotins,novembre1823

Plusieursheuresplustard,alorsqueTownsendParkétaitendormi,Julianaarpentaitsachambre.Elle était furieuse d’avoir avoué ses sentiments à Simon. Et encore plus furieuse qu’il l’ait

repoussée.Elles’arrêtaaupieddesonlitetfermalesyeux,mortifiée.Àquoidiableavait-ellepensé?S’asseyantauborddulit,ellesoupiraetenfouitlevisageentresesmains.Peuàpeu,l’humiliation

sedissipa,laissantlaplaceàlatristesse.Ellel’aimait.Elleleluiavaitdit.Etl’avaitaussitôtregretté.Avantcesoir,elleavaitaiméleSimonarrogant,insensible,froidetdistant.Maisce soir, elleétait tombéeamoureuseduSimonsecret,moqueuret souriant,qui secachait

souslafaçadeconventionnelleduducdeLeighton.Etellevoulaitcethomme.Saufqu’iln’étaitpaspourelle.Ellepossédaitunecollectiondedéfauts

que sa culture britannique ne pouvait accepter chez une épouse. Elle était la fille, italienne etcatholique,d’unemarquisedéchue,quicontinuaitdesusciterlescandale.Leurunionétaitimpossible.

Ilétaitdestinéàuneautre.Soudain,ellesutavecuneabsoluecertitudecequiallaitadvenir.Elleseleva.Ellepartageraitcettenuitaveclui.Etdemain,ellepenseraitàlasuite–Londres,l’Italie,unevie

sansSimon.Elleenfilaunpeignoirdesoie,serralaceintureetsortitdelachambresansselaisserletempsde

revenirsursadécision.Dans le long corridor sombre, elle laissa samain frôler lemur en comptant les portes. À la

quatrième,elles’immobilisa,lamainplaquéesurlebattantd’acajou,lecœurbattantàtoutrompre.Sielleallaitplusloin,elleseraitdignedelaréputationqueluifaisaientlescommères.Etellele

paieraitprobablementtrèscher.Maiselleneleregretteraitpas.

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Inspirantprofondément,elleouvritlaporte.Lachambren’étaitéclairéequeparlefeudanslacheminée.Unverreàlamain,Simonsetenait

devantl’âtreenpantalon,bottesetchemisedelin.Il pivota en entendant la porte se refermer. Au choc initial qu’il ressentit visiblement en la

découvrantdanssachambre,succédauneexpressionméfiante.—Quefaites-vouslà?—Lasoiréen’estpasfinie,Simon.Vousmedevezlesheuresquirestent.Ilfermalesyeuxcommes’ilpuisaitdanssesdernièresréservesdepatience.—Dites-moiquevousn’êtespasdanscettechambreavecmoi,vêtueseulementd’unpeignoiret

d’unechemisedenuit.C’étaitmaintenantoujamais.D’ungesteaussivifquedéterminé,elledénoualaceinturedeson

peignoir.—Jeneportepasdechemisedenuit,Simon.Lepeignoirglissaausol,formantuneflaquedesoiecouleursaphir.

Tandis que Simon contemplait son corps nu d’une éblouissante perfection, il sut que jamais iln’oublieraitcemoment.

Cemomentoùilavaitcomprisqu’elleallaitluiappartenir.Elleétaitlà,nue.Etellel’aimait.Iln’avaitni laforceni lavolontéde lachasser. Il ladésirait tropfollement.Aucunhommesur

terren’auraitpuluirésister,etilnevoulaitmêmepasessayer.Toutallaitchanger.Cesmotsluitraversèrentl’esprit.Iln’auraitsudiresic’étaitunepromesseouunemenace,mais

peuluiimportait.Sapeaulaiteusescintillaitdanslalumièrevacillante,etlesflammesjetaientdesombresdansantes

sursoncorps.Sasplendidechevelureétait répanduesur sesépaules, les longuesbouclesnoires sedéroulantsursesseinscommedansuntableau.

Elleavaitgardé lesmains le longducorps, lesdoigtsàdemi fléchiscommesiellese retenaitpournepascouvrirletrianglemousseuxaucreuxdesescuisses.

Ellelaissaéchapperunlongsoupir,etilremarquaqu’elletremblait,quesonsouffleétaitunpeuhaché.

Simonlâchasonverreetlarejoignitendeuxenjambées.Quandil lasoulevadanssesbras,ellesecramponnaàsoncouetnoualesjambesautourdesa

taille. Déjà leurs bouches se cherchaient, leurs langues se mêlaient en un baiser torride qui leurarrachaungémissementdeplaisir.

Elleluiappartenait.—Sivousrestez…vousvousdonnezàmoi,dit-iltoutcontresabouche.Ilfallaitqu’ellelecomprenne.Qu’elleprenneelle-mêmeladécision.—Oui.Jevousappartiens.—Sivousavezlemoindredoute,partezmaintenant.Danslesilencequisuivit,ledésirirrépressibledelaposséderquiletraversafutsiviolentqu’il

enfrémitdelatêteauxpieds.Puisellelefixadesesgrandsyeuxlimpides.— Je n’ai pas de doute, Simon. Montrez-moi tout, ajouta-t-elle en approchant ses lèvres des

siennes.

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Il perdit pied. Un désir primitif le balaya, et il l’embrassa avec une ardeur qui le consuma,l’empoignantauxhanchespourlaplaquercontrelui.

—Tuesàmoi,souffla-t-il.Àmoi.—Oui,jet’appartiens.Illarécompensad’unautrebaiser.Ilaimaittoutchezelle.Ilaimaitl’embrasser.Ilaimaitlegoûtdesabouche,saferveur,lafaçon

dontellel’enflammait.—Jesuisàtoi,répéta-t-elleenluimordillantleslèvres.Elleétaitsasirène.Depuistoujours.Envolé,leducquil’avaitrepousséedanslesquare,legentlemanquil’avaitrenvoyéeàsafamille.

Nerestaitplusqu’unhommedechairetdesang.Etaffamé.Elleétaitsonfestin.Ill’emportaverslelit,conscientquesavieentièreétaitsurlepointdebasculer.Ill’allongeasur

lesdraps,lacouvritdesoncorps,saviriliténichéeentresescuissesmagnifiques,etchuchotaentredeuxbaisers:

—Masirène…carina…sidouce…sibelle…chebella…chebellissima.Ellesetortillaitsousluitoutentirantsursachemisepourlasortirdesonpantalon.Sesmainsse

glissèrent sous l’étoffe, ses doigts tracèrent des sillons brûlants le long de son dos. Comme il sesoulevaitlégèrement,sonérectionsepressaaucreuxdescuissesdeJulianaetilcrutmourirdedésir.

Lorsqu’elle lui caressa le torse, effleurant un mamelon du bout des doigts, il étouffa uneexclamation.Ellerépétasacaresse.

—Tumetues,marmonna-t-il.—Enlèvetachemise.Jeveuxsentirtapeaunuecontrelamienne.En un instant, la chemise disparut. Il reprit ses lèvres, la gratifia d’un baiser aussi brûlant que

profondavantderoulersurlecôté.Elleprotesta,voulutleretenir,maisilluiattrapalesmains,lesramenaau-dessusdesatêteetlesymaintintsolidement.

—Non.Tu es àmoi, dit-il en lui caressant les seins de samain libre.Tu es venue àmoi,masirène.Pourquoi?

—Je…Iltaquinalapointed’unsein.—Pourquoi?répéta-t-il.—Jevoulaiscettenuit…—Pourquoi?—Je…Ildéposaunesériedebaiserssursapoitrine,serapprochantdumamelondressé.—Simon…Jet’enprie…Ilsouffladoucementsurlapointequidurcitencoredavantage.—Pourquoies-tuvenue?—Jet’aime.Ilfrissonnaenentendantlesmots.Sisimples,sisincères.Puisilsaisitlapointed’unseindanssa

bouche et la suça longuement. Juliana ondulait contre lui en laissant échapper de délicieux petitsgémissementsquileravissaient.

Quandilrelevalatête,leurrespirationétaithachée.—Dis-leencore.—Jet’aime.

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Illuilâchalesmains,déposaunepluiedebaiserssursesseins,sonventre,lehautdesescuisses,savourantl’odeurenivrantedesoncorps.

Il adorait sa douceur, sa façon de se cambrer pour venir à sa rencontre. Jamais, de sa vie, iln’avaitéprouvéundésiraussiimpérieux.

Julianaétaitlà,offerte.Elleluiappartenait.Ilselaissaglissersurlesol,s’agenouilla.Elleseredressaaussitôt.Etpoussaunpetitcriquandil

l’attiraversleborddulit.—Simon!Que…quefais-tu?s’écria-t-ellecommeilluiécartaitlesjambes.Ils’inclinaentresescuisses,etellecachadesesmainslapartiedesoncorpsqu’ilconvoitait.—Rallonge-toi,masirène.—Non,jenepeuxpas!Tunepeuxpas…—Tum’asdemandédetemontrertout,dit-il,sesmainsremontantlentementàl’intérieurdeses

cuisses.Celaenfaitpartie.—Jen’aijamaisentenduparlerdecela,dit-elle,sceptique.—Tut’esdonnéeàmoi…Etc’estcequejeveux.Illuicaressadoucementlesmains.—Jecroisquetuleveuxaussi,chuchota-t-il.Ellepoussaunlongsoupirtremblant,etlesexedeSimondurcitjusqu’àêtredouloureux.Ilserra

lesdents.Non.Cettenuitétaitpourelle.Iltrouveraitsonplaisirdansceluiqu’illuidonnerait.—Simon,jet’enprie…—Allonge-toi.Leslèvresrivéesauxsiennes,illarenversasurlelit.Puisdéposaunetraînéedebaiserssurson

buste, son ventre, jusqu’à ses mains toujours croisées à la naissance de ses cuisses pour lui eninterdirel’accès.

—Laisse-moifaire.Elleécartalesmainsd’ungestehésitant,révélantlespétalesdélicatsdesonsexe.Doucement,il

écartalesreplistièdes,etellecreusaspontanémentlesreinsenréponse.Elleétaitdéjàtoutehumide,découvrit-il.Prêteàl’accueillirenelle.

Illacaressalentement,frotta,taquina,insinuaundoigtdanssaféminitétoutenfaisantroulersoussonpoucelapetitecrêted’oùnaissaitsonplaisir.Sescrisétouffésetsessoupirsl’émerveillaient,demême que son visage empourpré auréolé de cette somptueuse chevelure de jais, ses yeux couleursaphirauxpaupièresalourdiesparledésir,seslèvresentrouvertes.

Il se pencha, souffla sur sa chair enfiévrée, lui arrachant un cri. Toute timidité envolée, ellemurmura:

—Embrasse-moi.Ilnesefitpasprier.Lorsquesalanguepritlerelaisdesonpouce,Julianaarqualedosetplongea

lesdoigtsdanssescheveuxpourlemaintenircontreelle.Elleétaitlasourceàlaquelleils’abreuvaitet s’enivrait, et il voulait la rendre folle deplaisir.Mais déjà elle ondulait en rythme, gravissant àtoute allure les degrés qui menaient à la jouissance, et lorsque le plaisir la balaya, il ne puts’empêcherd’éprouverunesatisfactiontoutemasculine.

Ils’allongeaprèsd’elleetl’enlaçatendrementtandisqu’elleredescendait lentementsurterre.Ill’embrassadans le cou, lui tirant dedoux soupirs. Il aurait pu rester ainsi, à la caresser, touteuneéternité.Ilrepritsaboucheenunvoluptueuxbaiser,glissadenouveaulamainentresescuisses,quis’écartèrentspontanément.

—Simon,souffla-t-elle,ôtecepantalon.

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Ilenrêvait,maisdemandapourtant:—Tuessûre?Ilsavaitqu’unefoisnuavecelle,iln’yauraitpasderetourenarrièrepossible.—Certaine,répondit-elle,lesyeuxassombrisparlapassion.Ill’embrassa,puismurmura:—Jenepeuxrienterefuser.C’étaitlavérité.Elleétaittoutcequ’ilavaittoujoursvouluavoiretriend’autrenecomptait.Ilseleva,sedébarrassaenhâtedesesbottesetdesonpantalonavantdelarejoindresurlelit.Ilse

positionnaentresescuisses,impatientqu’ilétaitd’êtreenfinenelle.—Attends…jeveuxteregarder,murmura-t-elleententantdelerepousser.—Pasmaintenant.Laprochainefois.Illuireplialesjambesetpressasonsexeduràl’oréedesonintimité.—Mais…nousn’avonsqu’unenuit.C’estlaseuleoccasionquej’auraidetevoir.Il lui encadra le visage de ses mains et plongea son regard dans le sien. Il y lut une infinie

tristesse,dudésespoiretdelapassion.Iln’yauraitpasqu’unenuit.Ilfallaitqu’ellelesache.Toutavaitchangé,ilnelalaisseraitpaspartir.—Juliana,nem’obligepasàarrêter.—Non,non…net’arrêtepas.Ils’insinualentementdanslefourreauétroitdesaféminité,puiss’immobilisa–nonsansmal,car

soncorpsentierlepoussaitàs’enfouirenellejusqu’àlagarde.—Çava?s’enquit-il.Ellehochalatête.—Jeneveuxpastefairemal.—Tunemeferaspasmal.—Si,unpetitpeu.Maisceseralapremièreetladernièrefois,jetelepromets.Regarde-moi.Lesyeuxrivésauxsiens, il lapénétra lentement,s’efforçantd’être leplusdouxpossible tandis

queleplaisirledisputaitàladouleurdanssonregard.Ellel’accueillaitenelledesonmieux,ondulaitavecprécaution,tentaitdes’adapteràsesmouvements.

—Tuaslesplusbeauxyeuxquej’aiejamaisvus,chuchota-t-elle.Unfrissoninattendudéferlaenlui.—Impossible,murmura-t-ilenseretirantavecprécaution.Cesontlestienslesplusbeaux.Il avait désespérément besoin d’accélérer l’allure, d’offrir à son corps l’assouvissement qu’il

avaitréclamétoutelasoirée.PourtantildéposaunbaisersurleslèvresdeJulianaetdemanda:—Tuasmal,masirène?—Non,c’est…Simon,jetesensenmoi…Viens,dit-elleenplaquantlesmainssursesreins.Ellecreusalesreins,etilperditlatête.Ilcommençaàalleretvenirenelle,lentementd’abord,

puisdeplusenplusvite,s’enfonçantjusqu’àlagardeavantdeseretirer.Sescoupsdereinssefirentplus puissants, leur arrachant à l’unisson des cris de plaisir. Ils s’accordaient à la perfection,bougeaientaumêmerythme.Enéquilibreauborddel’abîme,Simonmurmurad’untonpressant:

—Regarde-moi,monange.Elleobéit,etilsbasculèrentensembledansl’extase.Pantelant, ils’affalasurelleetdemeuraainsiunlongmoment.Puis ilroulasur lecôtépourla

délesterdesonpoidsetl’attirasurlui.Tandisquesapoitrinesesoulevaitàunrythmerapidecontresontorse,ileutdenouveauenvied’elle.

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Ignorantsondésir,ilfitcourirsesdoigtssursesépaulesnues.Ilnevoulaitpaspenseràl’avenir.Justesavourerl’instant.Profiterdumomentprésent.

C’étaituneerreur.Alorsmêmequ’ellesedélectaitducontactdesoncorpspuissantsouslesien,ellesutqueceserait

encorepire,désormais.Simonluiavaitdonnétoutcedontellerêvait.Ellenes’étaitjamaissentieaussiproched’unautre

êtrehumain,aussidésirée.Ellen’imaginaitpasqu’ellel’aimeraitaussiintensément.Demainilssequitteraient,etilépouseraituneautrefemme.Etellevivraitensachantquel’homme

qu’elleaimaitneluiappartiendraitjamais.Cettepenséelafitfrémir.—Tuasfroid?demanda-t-ilavantdel’embrassersurlefront.Non.Maisilétaitplusfacilederépondreouiqued’avouerlavérité.Ellehochatête.Illafitglissersurlelit,puisselevapourallerattiserlefeudanslacheminée.Soudain consciente de sa nudité, et se sentant tropvulnérable, Juliana s’empressa de récupérer

sonpeignoir.Aprèsl’avoirenfilé,ellenoualaceintureetsetournaversSimon,accroupidevantlefeu,lesmusclesdesondossaillantmagnifiquement.

Ilseleva,fronçalessourcilsendécouvrantlelitvide.Puisil lavitdanslapénombre,et luifitsigned’approcher.Elleneputrésister.

Lasoulevantalorsdanssesbras,ils’assitdanslefauteuilquifaisaitfaceàlacheminée.Glissantlamainentrelespansdesonpeignoir,ilmurmura:

—Jetepréfèrenue.ElledécouvraitunnouveauSimon,tendreetmoqueur.—Moiaussi.Quandjet’aivudevantlefeu,tum’asfaitpenseraudieuHéphaïstos.—CelafaitdetoiAphrodite,cequitevatrèsbien,remarqua-t-il.Saufqu’AphroditeetHéphaïstosétaientmariés,luisoufflaunepetitevoix.—Desirène,jesuisdoncdevenuedéesse?Ilrit,luipritlamainetlaportaàseslèvres.—Apparemment.—Tuvois?Jenesuispasqu’unscandaleambulant.Elleregrettaaussitôtsesparoles.—Simon,tusaisque…quejeneparleraijamaisàquiquecesoitdecequis’estpassé.Tun’as

pasàt’inquiéter…personnenelesaura.—Moi,jelesaurai,dit-ilenrepoussantunemèchebrunedesonfront.—Oui,biensûr,noussaurons.Maisjenetedemanderaijamaisrien.Cen’étaitqu’unenuit.—Nousaurionsdûnousdouterqu’uneseulenuitnesuffiraitpas.Julianasepétrifia.Ilvoulaitdavantage.Etelleaussi.—Jepourraisêtretamaîtresse.LesdoigtsdeSimonsecrispèrentsursacuisse.—Nedispasunmotdeplus.—Pourquoi?Tum’asditunjourquejeferaisunemaîtresseagréable.—Juliana.Tais-toi.—Pourquoi?

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—Parcequetuméritesmieux!s’écria-t-ilenselevant.Ellefaillittomberetilluiagrippalebraspourlaretenir.— Je ne veux pas que tu soismamaîtresse. J’ai envie deme gifler d’avoir osé suggérer une

chosepareille!Viensaulit,continua-t-il.Jeveuxdormirentetenantdansmesbras.Turetournerasdanstachambreplustard,avantquelamaisonseréveille.

La tentation était irrésistible. Il n’y avait rien qu’elle désirait plus que de dormir avec lui enécoutantlesbattementsdesoncœur.

—Non,jedoispartir,Simon.—Pastoutdesuite.Resteencoreunpeu,dit-ilenluitendantlamain.Ellereculaensecouantlatête.—Jenepeuxpasprendrecerisque.Simonl’observaavecattention,etelleespéraqu’ilnelisaitpasdanssonregardqu’ellelequittait

«pourdebon»,commedisaientlesAnglais.—Tuasraison,acquiesça-t-ilfinalement.JeparleraiàNickdemain.—Dequoi?—Denotremariage.—Notremariage?répéta-t-elle,effarée.Il ne pouvait pas l’épouser. Elle était italienne. Catholique. Ses origines étaient douteuses. Sa

mère,undésastre.Sonpèren’étaitqu’unsimplemarchand.Labonnesociétélatoléraitàpeine.Etilétaitdéjàfiancéàunejeunefilleàlaréputationimmaculée.Etmalgrétoutcela,l’ombred’unespoirsurgitenelle.Était-cepossible?Pouvait-illachoisir?

L’épouser?Pouvait-elleavoircethommequ’elleaimaitfollement?Fileravecluileparfaitamour,commecescouplesqu’ellevoyaitroucoulerautourd’elle?

—Nesoispassitriste.Tuvasl’avoir,tonscandale,finalement.Sonscandale.C’étaitcequ’elleétaitpourlui.UneItaliennescandaleuse,qu’ilépousaitaprèsavoirpassélanuit

avec elle. Et un jour, lorsque tout le monde aurait oublié le faux pas de Georgiana, qu’on semoqueraitdesesenfantsparceque leurmèreétaitordinaire,quand ilverrait ladyPénélopedanseravecsonépouxparfait,ilregretteraitsadécision.

Elle n’était rien d’autre qu’une distraction scandaleuse. Elle ne serait jamais son égale, jamaisassezbienpourlui.

Ellel’aimait.Maisparfoisl’amournesuffisaitpas.—Jenepeuxpast’épouser,Simon.—Pardon?—Jenepeuxpast’épouser.—Pourquoi?s’exclama-t-il,incrédule.—Tuesfiancéàuneautre.—Jeromprai,dit-ilsimplement,commesic’étaitlachoselaplusraisonnabledumonde.—EtladyPénélope?Saréputation?Quefais-tudetesplanspourprotégertafamille,tasœur?

Detondevoir?—Juliana,jet’aicompromise,etnousallonsnousmarier.—Parcequetudoisréparer?—Entreautres,oui.— Je ne suis pas l’épouse que tu souhaites, tu l’as dit toi-même. Je suis trop audacieuse, trop

impulsive,tropscandaleuse.Avantcettenuit,tun’avaisjamaisenvisagédem’épouser.

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—Jet’aidemandétamainlasemainedernière!—UniquementparcequeGabrielnousasurprisdansl’écurie.Pardevoir.Commetoutcequetu

fais.Tum’auraisépousée,maisjenesuispasdetonrang.—Nedispascela.— Pourquoi ? C’est vrai. Je ne serai jamais assez bien pour toi. Jamais assez respectable et

convenable.Quediraientlesgens?Quediraittamère?—Qu’ilsaillentsefairependre,tousautantqu’ilssont.Surtoutmamère.Julianas’approcha,luicaressalajoue.Leslarmesluimontèrentauxyeuxàl’idéequec’étaitla

dernièrefoisqu’ilsétaientainsiensemble.—Un jour, tum’as reprochédene jamaispenser aux conséquencesdemes actes.Àcequi se

passeensuite.—Cequivasepasser,c’estquenousallonsnousmarier.—Àprésent,c’esttoiquinepensespasauxconséquences.Jeseraitoujourslescandaleincarné,

Simon.Jamaisdignedetoi.—C’estridicule.Biensûrquetuesdignedemoi!—Non,jeneleseraipas.Pasàtesyeux.Or,jeméritemieux.—Tu peux difficilement avoirmieux quemoi. Je suis duc,martela-t-il, la voix tremblante de

colère.—C’estpeut-êtrevrai,Simon.Maiscelan’arienàvoiraveclefaitquetusoisduc.Ilsgardèrentlesilenceunmoment,puisellegagnalaporte.—Cen’estpasfini,Juliana.—Si,çal’est,répliqua-t-elleavecforce.Uneforcequ’ellen’étaitpascertainedeposséder.

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18

Leshistoiresdecœursontbeletbienundéfi.Unedameraffinéelaissel’initiativeaugentleman.

TraitédesDamesraffinées

À la lumière du jour, le souvenir des visites nocturnes apparaît plusexcitant…

Journaldespotins,novembre1823

Ellel’avaitquitté.Cen’étaitpaspossible.Dèssonréveil,SimonétaitallésellerleschevauxpouremmenerJulianaenpromenade.Ilvoulait

l’éloigner de cette maison afin de lui faire entendre raison. Mais en arrivant à l’écurie, il avaitdécouvertqueLucrezianes’ytrouvaitplus.

UneenquêterapideavaitrévéléqueJulianaétaitpartieavantleleverdujour.Lâchement.Commentosait-ellelequitter?Il n’était pas quelque freluquet prêt à tout accepter. Il était le duc de Leighton ! La moitié de

Londress’empressaitd’exécutersesordres,etilneparvenaitpasàsefaireobéird’unemalheureusepetiteItalienne?

Ileutenviedehurlerderage,decasserquelquechose.Puisdel’enfermerdansunechambre,etdel’embrasseràperdrehaleine.Jusqu’àcequ’ellecède.

Celafaisaitdeuxfoisqu’ellerefusaitsademandeenmariage.Etmaintenant,ellelequittait!Sondésirenétaitdécuplé.Ilvoulaitlatoucher,luifairel’amourjusqu’àl’épuisement.Ilvoulait

senoyerdanssesbouclesd’ébène,danssesyeux,danssoninfiniedouceur.Il fit une entrée fracassante dans la salle du petit déjeuner, faisant sursauter les jeunes femmes

rassemblées autourde la table, et fondit tel un rapace surSt. John, qui beurrait tranquillementunetartine.

—Oùest-elle?Nickavalaunelonguegorgéedethéavantderépondre:—Oùestqui?—Juliana.—Partiecematinàl’aube.Assieds-toi,etprendsdubacon.—Jeneveuxpasdetonfichubacon.Jeveuxquetuamènestasœurici,immédiatement.

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Aveccesmots, il capta enfin l’attentiondeSt. John.Ainsiquede lademi-douzainede femmesprésentes.Nickluidécochaunregardnoir,repoussasachaiseetseleva.

—Peut-êtresouhaites-tut’excuserauprèsdecesdamesavantdemesuivredansmonbureau?Simons’inclinaavecraideur.—Mesdames,jevouspriedemepardonner,dit-ilavantdetournerlestalonsetdesuivreNick.—Pourcommencer,cebaconestexcellent,déclaraNickune fois laportedubureau refermée

derrièreeux.Etjenesuispasravid’avoirdûinterrompremondéjeuner.—Jen’aipasletempsdejouer…—Deuxièmement,qu’est-cequiteprenddemeparlerdemasœurdecettemanière?—Jevaisl’épouser.Nickcilla.—Vraiment?JesuispourtantcertainqueniRalstonnimoinet’avonsautoriséàlacourtiser…et

encoremoinsàl’épouser.—Jen’aipasbesoindevotreautorisation.Elleestàmoi.—Puis-jetesuggérerdereformulercela,duc?Simon inspira en s’exhortant au calme, alors que sa seule envie était de flanquer unevoléede

coupsdepoingàNick.—J’aimeraiscourtisertasœur.—C’estbeaucoupmieux.—Parfait.Oùest-elle?—Jen’aipasencoreaccordémapermission.Simonsentitlamoutardeluimonteraunez.Iln’avaitjamaisétéviolent,maislesfrèresdeJuliana

suscitaientenluidesréactionsexceptionnelles.—Vas-tumel’accorder?—Jenecroispas,non.—Etpourquoi?tonna-t-il,exaspéré.—Pourungrandnombrederaisons.Tuveuxquejelesénumère?—Jedoutedepouvoirt’enempêcher,maisj’enaiassez.SielleestretournéeàLondres,jepeux

encorelarattraper.Avecmoncheval,jeseraiplusrapidequesavoiture,déclara-t-ilensedirigeantverslaporte.

—Tunequitteraspascettemaison,Leighton.Pasdansuntelétatd’énervement.—Tucroisquejepourraisluifairedumal?—Non,maiselleseraitbouleversée,etelleneméritepascela.—Tupensespouvoirm’arrêter?— Je le peux, oui. Je n’ai pas besoin de te rappeler que le parc bénéficie d’une sécurité

exceptionnelle.Simonsemitàarpenterlebureau.—Jesuisduc!Cetitrem’ouvretouteslesportesdanslemondeexceptédansvotrefamille!—Nous sommes d’une nature perverse, commentaNick en souriant. Ton titre est la première

raisonpourlaquellel’idéedetevoirépouserJulianamedéplaît.—Oui.Êtreduchesseestvraimentdifficile.—Celeseraitpourelle.Labonnesociéténeluipardonneraitjamaisd’avoirenfreintsesrègles,

ettaprécieuseréputationensouffrirait.Simons’enmoquait.Ilétaitprêtàtuerlesdragonsdelabonnesociétépourelle.Vusonhumeur,

ilétaitmêmeprêtàlefaireàmainsnues.

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— Et même si Juliana se comportait selon les règles de la bienséance, ce qui m’étonneraitbeaucoup,ellen’échapperajamaisàlaréputationdenotremère.Lahautesociétélajugeratoujoursselonsesorigines.Ettufiniraisparluienvouloiràcausedecela.

—Cen’estpasvrai.Mais c’était encore vrai récemment.Avant de connaître Juliana, il réagissait ainsi.Dieumerci,

elleluiavaitapprisqu’ilyavaitdeschosesinfinimentplusimportantesquelaréputation.—Ahbon?répliquaNick,incrédule.Leighton,tut’estoujoursfixécommemissiond’éviterle

scandale.Tuasétéélevépourcela.Tuesfroid,insensible,etturespectesàlalettrelesconventions.Simonnesesentaitnifroidniinsensible.Julianal’avaittransforméenprofondeur.Etellel’avaitquitté.—Toute tavie, tuasréussiàgarder ta réputation intacte.Pour l’amourduciel !Tuaspréféré

laissertasœuriciplutôtqued’admettrequ’ellen’avaitpassuivitonexemple.Ettuvoudraisquejetedonnemasœur?

Nick avait raison. Simon avait passé sa vie à juger les autres.À jurer qu’il était au-dessus duscandale… et de l’amour. Jusqu’à Juliana.Avec ses idées audacieuses, ses sourires trop francs, sanaturescandaleuse.Illavoulaitdanssavie.Prèsdelui.Ilvoulaitqu’ellesoitsaduchesse.

Ill’aimait.Ilseraitfierdel’avoiràsonbras.Del’épouser,deluifairedesenfants,devivreavecelle.Etau

diablelescommérages!—Julianaaassezsouffert,poursuivitNick.Elleneméritepastacharité.Simon se jeta surNick, agrippa les revers de sa veste et le poussa brutalement contre lemur,

faisanttremblerlestableaux.—Neredisjamaisquecequej’éprouvepourtasœurn’estquedelacharité!Julianaestbelleet

brillante et hardie.C’est nous, qui ne sommespasdignesd’elle.Et si tuosesdire encoreune foisqu’elleestscandaleuse,jeprendraiunplaisirviscéralàtedétruire!

Simonsetut,lesoufflecourt.—Ehbien,jenem’attendaispasàcela,déclaraNickcalmement.Aprèsavoirinspiréàfond,Simonlerelâcha,etreculad’unpas.—Jevaispartiràsapoursuite.Essayedem’enempêchersituveux.—Mais,Leighton…tuesfiancé.Àuneautre.Simonjuraentresesdents.IlavaitoubliéPénélope.

—J’aicommisuneerreur.L’airfaussementchoqué,GeorgianapritCarolinedanssonberceauetcroisaleregarddeSimon.— Certainement pas. Les Pearson ne font jamais d’erreur. Regarde-moi. Je suis parfaite. Un

modèledebonneconduite.—Julianaestpartie.—C’estcequej’aiappris,eneffet.—J’aiétéidiot.Lajeunefemmepritplacedanslerocking-chairàcôtéduberceau.—Raconte.Ilne savaitpasparoùcommencer. Il se laissa tomberdans le fauteuil faceà sa sœur,posa les

coudessursesgenouxetditlaseulechosequiluivintàl’esprit.—Jel’aime.

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—Juliana?Ilhochalatêteetfourrageadanssescheveux.—Pourquoiépouses-tuuneautrefemme?C’étaitlaseulequestionimportante,etiln’avaitpasderéponse.Quandilavaitéchafaudéceplan,

ilavaitd’excellentesraisons.Àprésent,ellesluiparaissaientdérisoires.—Jel’ignore.—Tunel’aimespas.—J’aifaituneerreur,répéta-t-il.IlnepouvaitpasrompresansruinerlaréputationdePénélope,quineméritaitpasd’êtretraitée

ainsi.MaisilaimaitJuliana.—Simon, reprit sa sœurd’unevoixdouce, tupeux l’épouser.Aucundevousn’estmarié.Des

fiançaillesserompentaisément.Simonsecoualatête.—LaréputationdePénélopeseraitdétruite.—LadyPénélopeestlafilled’unmarquisdontledomaineestaussigrandqueWindsor.Tucrois

qu’elle ne pourra pas trouver un autre époux ?Quelqu’un qui éprouvera pour elle des sentimentssincères?Quineserapasamoureuxd’uneautre?

— Elle trouvera sans doute quelqu’un d’autre. Mais je ne peux pas lui imposer une pareilleépreuve.

—C’est ridicule !Tupeux trouver lebonheuravecJuliana.Crois-moi,Simon,onnepeutêtreheureuseenépousantunhommequienaimeuneautre.

—JememoqueduscandaleetdeladyPénélope.MaissijedétruislaréputationdePénélope,quepenseraJuliana?Commentpourrait-ellem’estimersijemecomporteainsi?

—Laisse aumoins le choix à Pénélope, Simon. Elle lemérite. EtDieu sait que Juliana et toiméritezd’êtreheureux.

—TucroisquePénélopeaccepteraitdemerendremaliberté?Georgianasouritd’unairentendu.—Jelecrois,oui.Danslesilencequisuivit,SimoncontemplalapetiteCaroline,endormiesurl’épauledesamère.

Ilimaginaunautreenfant,avecdescheveuxnoirsetdesyeuxbleus,blottidanslesbrasd’uneautrefemme.

Ilfermalespaupières.Ilvoulaitcetenfant,cettefamille.Maisd’abord,ildevaitdesexcusesàsasœur.

—Avectoiaussi,j’aicommisuneerreur.—Uneseule?Àlaquellefais-turéférence?—Jen’auraispasdût’abandonnerici,dansleYorkshire.J’auraisdûmesoucierdavantagedetoi

etmoinsduscandale.Ilselevaetallaàlafenêtre.—Jenepeuxpasrevenirenarrière,enchaîna-t-ilenparcourantlalandeduregard,maisjesuis

désolé.—Merci.—J’auraisvouluquetumedisesquia…—Ilestparti.Tunepourraspasleretrouver.

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—Admettons.Maistuestoutdemêmefillededuc.Nouspourrionstetrouverunmari.UnbonpèrepourCaroline.

—Arrête,dit-elleencaressantledosdesonbébécommepourlaprotéger.—Tupenses pouvoir passer le reste de ta vie dans ce coin d’Angleterre ?Que se passera-t-il

quandCarolinegrandira?Querépondras-tu lorsqu’elle t’interrogera?Jenepourraipas tecacherindéfiniment,Georgiana.

—Jenet’aijamaisdemandédenouscacher.Enfait,jepréféreraisnepasl’être.Maréputationestdétruite,Simon.Tupeuxfairetoutcequetuveux,lesdéssontjetés.

—Tumérites…— Jemérite d’être unemère. D’élever une enfant qui est forte, en bonne santé, et qui se sait

aimée.Nousn’enavonspaseuautant.—Jeveuxquetusoisheureuse.—Etjeleserai,unjour,dit-elleensouriant.Quoiquepascommetul’avaisprévu.Quelle ironie. Georgiana était la sœur d’un des hommes les plus puissants du royaume, et

pourtant, il ne pouvait rien faire pour changer le cours de sa vie. Impossible de restaurer saréputation, ni de faire taire les ragots.En revanche, il pouvait lui offrir son soutien et son amourinconditionnels.

—Georgiana…quoiquetudécides,jeseraitoujourslàpourvousdeux.Ilallaembrassersasœuretsanièce.—Jedoispartir,àprésent.Ilfautquejelaretrouve.—Mèreserafurieuse,commentaGeorgianad’untonironique.Simonarqualessourcils.—Mèreferauneparfaiteduchessedouairière,riposta-t-ilengagnantlaporte.—Simon?Ilseretourna,presséd’allerretrouversonamour.Decommencersavie.—ToncadeaudefiançaillesestdéjàenroutepourLondres.Transmetsmessalutationsàmère.

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19

Laréputationestlebienleplusprécieux.Unedameraffinéelaprotègeàtoutprix.

Traitédesdamesraffinées

Parfois,noussommesnous-mêmessurprisparlasourceduscandale.

Journaldespotins,novembre1823

Julianaalladirectementrendrevisiteàsamère.Ilétaittard,l’heuredesvisitesdecourtoisieétaitpasséedepuislongtemps.Deboutdanslesuperbe

salondeNicketIsabel,décorédestatuesdemarbre,Julianaattendaitsamère.Une statue d’Aphrodite portant Eros dans ses bras trônait dans un angle de la pièce. L’enfant

essayait d’attraper quelque chosederrière son épaule.Tous sesmuscles étaient tendus, et sa jambepotelée essayait de se libérer de l’étreinte maternelle. Parfois, les dieux eux-mêmes ne pouvaientobtenircequ’ilsvoulaient,etlesmortelsétaientstupidesdecroirequ’ilenallaitautrementpoureux.

Levoyagederetouravaitététerrible.Julianan’avaitpunimangernisereposertantlapenséedeSimonlatourmentait.

La fuite n’était pas la plus respectable des réactions, mais elle ne pouvait pas rester dans leYorkshire.Pastantqu’iltenteraitdel’attirerdanssesbras,danssonlit,danssavie.

Ellenepourraitjamaisluidonnerceàquoiilaspiraitpar-dessustout.Unelignéeimpeccable,uneréputationsanstache,larespectabilité.

Ellen’avaitquesonamour,etparfois,l’amournesuffisaitpas.En soupirant, elle passa le doigt sur le petit pied parfait d’Eros. Elle n’aurait pas dû être là.

Surtoutpasàcetteheure.Elle était là à cause du scandale. Parce que les actes de sa mère l’obligeaient à se poser des

questionssursonproprecomportement,sesmotivations,sesdésirs.Il fallait qu’elle sache, une bonne fois pour toutes, que bon sang pouvaitmentir. Qu’elle était

différente.Meilleure.Elleavaitvécutroplongtempsdansl’ombredesamère,ilétait tempsqu’ellesorteausoleil.

—Drôled’heurepourunevisite,déclaraLouisaenpénétrantdanslesalon.Elleportaitunerobedechambrequiflottaitgracieusementautourd’elle.Commetoujours,elle

étaittrèsbelle.Elle darda sur Juliana un regard acéré. Sa robe était froissée et poussiéreuse, ses bottines

couvertesdeboueetsescheveuxnetenaientpassoussonchapeau.

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—Tuesépouvantable.Juliananeréponditpas.Elleregardasamèreseservirunverredesherry,sansluienproposer.—Tuesvenueme rendrevisitedansmaprison?Avec toutesces statues, j’ai l’impressionde

vivredansunmusée.—PersonnenevousobligeàresteràLondres.—Certes.Mais je n’ai nulle part où aller,ma chérie. Je supposequeGabriel n’a toujours pas

décidécequ’ilallaitfairedemoi?—Jenecroispas.— J’espère qu’il ne va pas tarder. J’aimerais partir d’ici avant d’être grand-mère. Je n’ai pas

besoinqu’onmerappellequejevieillis.—JenepensepasqueGabriels’intéressebeaucoupàvotreemploidutemps.Louisalevalesyeuxauciel.—Jesuisheureusepourlui.Safemmeetluisemblentbiens’entendre.Maislesenfants,lescris,

lespleurs,lesdemandesincessantes…Cen’estpaspourmoi.—Jenel’avaispasremarqué.—Tuaslalanguebienpendue,commetonpère,luiassenaLouisa.—Jen’aipaseud’autreexemplequelui.— Eh bien, si tu n’es pas là pour m’apporter des nouvelles de mon sort futur, qu’est-ce qui

t’amèneici,aumilieudelanuit?Julianan’yallapasparquatrechemins.—Est-cequevousregrettez?lâcha-t-elle.Samèrenefeignitpasdenepascomprendre.—Dans l’ensemble,non.Jene regrettepasd’avoirétémarquise,ou femmed’unmarchandde

vin. Bien que ton père ait étémoins riche qu’il neme l’avait fait croire. Les choses n’étaient pastoujoursfaciles…

—Jevousrassure,ellesnesontpasdevenuesplusfacilesquandvousnousavezabandonnés.—Abandonnés?Tudramatises.—Quelmotpréférez-vousemployer?—Juliana…c’étaitmavie.Jevoulaisvivre.Tupeuxlecomprendre,machérie.Tuesainsi,toi

aussi,c’estévident.—Quevoulez-vousdire?—Quel’onapprendbeaucoupdechosesquandonestenferméedansunemaisonavecpourseule

distraction des journauxmondains vieux de six mois. Tu es aussi scandaleuse quemoi. Tous cesrendez-vousdansdes jardins, chutesdans laSerpentine,décorsde légumesqui s’écroulent…Dieuqueceladevaitêtredrôle!s’exclamaLouisaavecunrirehautperché.

—C’étaitterrifiant,j’aifaillimenoyer.—Jesuissûrequetuexagères.Etpuis,tuasétésecourueparunsuperbeduc!C’estlegenrede

chosesqui auraitpum’arriver si jen’avaispasétémariée trop jeune. Jevais tedireunechose, sic’étaitàrefaire,jeseraisencoreplusscandaleuse.C’estcertain.

—Vousavezcrééunscandaleconsidérable,mère,jevousassure.—Oui,mais dans lamesure où je n’étais pas là pour le voir, c’est comme s’il ne s’était rien

passé.Toi,enrevanche,tuvispleinementlescandale.C’étaitfaux.Ellesubissaitlaréputationhéritéedecettefemme,quinesemblaitpassesoucierdu

fardeauqu’elleavaitfaitporteràsesenfants.

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—Tut’esbiendébrouilléesansmoi,machérie,continua-t-elled’untonléger.Tuasretrouvétesfrères,etilsveillentsurtoi.Oui…j’aifaitmontravail.

Louisa était indéniablement très contente d’elle. Juliana ne put s’empêcher de rire. Commentdétesterquelqu’unquiétaitaussicoupédelaréalité?

—Jesaisquetuvoudraisunemeilleureexplication,Juliana.Uneréponsequitepermettraitdemepardonner.Maisiln’yenapas.J’aifaitdeschoixdifficiles,etsijedevaisrecommencer,jenesuispassûrequejelesreferais.

Julianalaissaéchapperunsoupir.Grâceàsamère,quiétaitpartiesansunregardenarrière,elleavait enfin une famille. Bientôt la maison de son frère serait pleine de rires d’enfants quil’empêcheraientdepenseràl’époqueoùelleavaitcrutrouverl’amour.

Un temps viendrait où Simon n’occuperait plus toutes ses pensées. Où elle ne l’aimerait plusautant.

C’étaittoutcequ’ellepouvaitespérer.

Simonétaitdanssonbureau,épuiséetcouvertdeboue.Ilétaitarrivéchezluiaumilieudelanuitpourdécouvrirqu’ensonabsencel’enfers’étaitdéchaîné.

Boggsavaitprissonmanteauetsonchapeau,etluiavaittendulaGazetted’unairsombre.Simonlisaitetrelisaitl’articlecommesicelui-cirisquaitdedisparaîtreoudesetransformer.LeducdeLeighton…sasœur,quin’amêmepasfaitsonentréedanslemonde…unefillenéeilya

quelquesjours…Il allait tuer Georgiana. Elle savait qu’il ne révélerait jamais le scandale lui-même. Qu’il ne

mettraitjamaissaréputation,oucelledeCaroline,enpéril.Donc,elleavaitprisleschosesenmain.Pourquoi?La réponse était évidente.Comment avait-il punepasprévoir la suite ? Il alla à sonbureau et

soulevalapiledelettresquil’yattendaient.Iltrouvatrèsvitecellequ’ilcherchait,glissal’indexsouslecachetdecireets’autorisaencoreunvagueespoir.Puisillutl’uniquephrase,soulignéedeuxfois.

Lesfiançaillessontrompues.–Needham

C’étaitdonccela, le«cadeaudefiançailles»deGeorgiana!Elles’étaitsacrifiéepourassurersonbonheuràlui.

Ilneluirestaitplusqu’àtendrelamainpours’enemparer.

Lebald’automnedesNorthumberlandétaitledernierévénementmondaindelasaison.QuandlasessionspécialeduParlementseraitachevée,labonnesociétéplieraitbagageets’eniraitpasserlesfêtesdefind’annéeàlacampagne.

L’escalier et le grand hall de lamaison étaient encombrés d’une foule d’invités qui confiaientleursmanteauxauxvalets.

Toutelabonnesociétélondonienneavaitbravélapluieglacialepourassisteraubaldeclôturedelasaison.Etsi lesplansdeSimonfonctionnaientcommeprévu,onparleraitdecetteréceptionnonseulementcetteannéemaisaussiaucoursdecellesàvenir.Malheureusement,iln’avaitpasétéinvité,semblait-il.

—Jesuisdésolé,VotreGrâce,maisleducetladuchessenereçoiventpas.

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LemajordomeàquiavaitétéconfiéelatâchedélicatededemanderàSimondepartir,annonçalanouvelled’unevoixchevrotante.

—Jevousdemandepardon?—Ilsne…reçoiventpas.Simonregardaleflotd’invitésenhabitdesoirée.—Etdonc,cesgens…—Fontpartiedelafamille,complétalevalet.Simonauraitdûavoirpitiédupauvrehomme,quin’avaitencore jamaismisunducà laporte,

maisilétaittropirritépourcela.—Etlamusiquefaitpartiedelaréuniondefamille?Levalets’éclaircitlavoix.—Hum…Oui?On refusait d’accueillir Simon àNorthumberlandHouse parce que sa sœur avait eu un enfant.

Horsmariage.LenomdeLeightonétaitdésormaissynonymedescandale.Celan’avaitprisqu’unejournée. Toutes les invitations qu’il avait reçues pour les semaines à venir avaient été annuléespoliment.Uneépidémied’annulationss’étaitrépanduedansLondres.

Unautrejour,pourunautrebal,ilseraitsansdoutepartisansfaired’histoire.MaisJulianaétaitdéjàdanslasalle.Etilavaitimaginéunplanpourlaconquérir.

— Eh bien, nous avons de la chance, Northumberland est un cousin éloigné, déclara-t-il enpassantdevantlevaletetenmontantlesmarchesdeuxàdeux.

L’hommelesuivit.—VotreGrâce,vousnepouvezpas!—Etcommentcomptez-vousm’arrêter?—VotreGrâce…Levaletavaitl’intentiondefaireappelàsonbonsens.MaisilignoraitquelebonsensdeSimon

étaitentièrementdévoluàsonobjectifdelasoirée,àsavoir,trouverJuliana.Il se faufila à travers un groupe d’invités, pénétra dans la salle de bal, la repéra presque

instantanémentetsedirigeaverselleteluninsecteattiréparlaflamme.Enproieàunplaisirintense.Vêtued’unerobedesoierosepâle,JulianavalsaitavecAllendale.L’espaced’uninstant,Simon

futétonnédelavoirporterunecouleuraussifadeetbanale–sisemblableàcelledetouteslesautresjeunesfillesàmarier.Puisellepivotasurlapiste,ilvitsonvisage,etiloublialarobe.

Sonregardétaittriste.Illuimanquait.Dieumerci!Iln’auraitpassupportéqu’elleappartienneàunautre.Tandisqu’iltraversaitlasalle,Simonsentitlesinvitésledévisager,puisluitournerdélibérément

ledos.Uncomportementquileblessait–lenierauraitétéunmensonge–,maisétaitcompenséparlefaitqu’ilsfacilitaientsaprogression.

Défiant les conventions, il se dirigea droit vers le centre de la salle, obligeant les danseurs às’arrêter.

Allendalelevitarriver.Sonsouriresefigea,remplacéparuneexpressionstupéfaite.Ilralentitlemouvementjusqu’às’immobiliser.

—Qu’ya-t-il?demandaJuliana.Elleseretourna,lesyeuxécarquillés,etdemeurabouchebée.Lasalledisparutetiln’yeutplus

qu’elle.Eux.Icietmaintenant.—VotreGrâce?—Allendale,jevousenlèvevotrecavalière,annonça-t-ild’untonimpérieux.

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Benedickouvritetrefermalabouche,àcourtdemots.Simontenditlamainàlajeunefemme.—Juliana?J’aimeraisbeaucoupcauserunscandale.Elleregardasamain,puiscroisasonregardetsecoualatête.—Non.Jeneseraipasvotrescandale.Pascettefois.Puis,lesyeuxbrillantsdelarmes,elleseruaverslaporte.IlfallutunmomentàSimonpourcomprendrecequisepassait.Lesangluibattaitauxtempes.—Commentpouvez-vousluifairecela?articulaAllendale,furieux.Etsansattendrederéponse,ilselançaauxtroussesdeJuliana.Simonlessuivitduregard,etfitla

premièrechosequiluipassaparlatête.—Juliana!appela-t-il.Unmurmureconsternéparcourutlasalle,maisSimonn’enavaitcure.Ilselançaàsontouràla

poursuitedelajeunefemme.Unbrasluibarralaroute.CeluideRalston.—Juliana!cria-t-il.Elleseretournaenfin,etilditlaseulechosequicomptait:—Jevousaime.Sonvisagesecrispa,leslarmesqu’elles’efforçaitderetenirjaillirent,etelles’enfuit,Allendale

sursestalons.SimonrepoussaRalstonetleuremboîtalepas.L’orchestre se remit à jouer et il se retrouva piégé aumilieu des danseurs.Quand il eut enfin

réussiàrejoindrel’escalier,qu’ildévala,etàatteindrelaported’entrée,elleavaitdisparu.Scrutant le brouillard épais, il se remémora les événements qui venaient de se succéder. Un

sentimentnouveaus’emparadelui,qu’ilreconnutaussitôt.Lapeur.Lapeurd’avoirperdulaseulechosequ’ilaitvraimentdésiréedanssavie.

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20

Lasociéténepardonnepasuneconduitescandaleuse.Cettemaximedoitêtreretenueparlesjeunesfillesraffinées.

Traitédesdamesraffinées

Cette année, avec le spectacle que nous offre le beau monde, aller authéâtreneparaîtpasnécessaire…

Journaldespotins,novembre1823

Dansl’heurequisuivit,toutelafamillefutderetouràRalstonHouse.Ilsseréunirentdanslabibliothèque.BenedicketRivingtonprirentplacedansdesbergèresdevant

l’énormecheminée,tandisqueRalstonfaisaitlescentpas.Julianas’assitavecMarianaetCallie.Amo,amas,amat.J’aime,tuaimes,ilaime.Ilm’aime.Callieseleva.—Jevaisdemanderduthé,annonça-t-elle.—Jecroisquenousavonsbesoindequelquechosedeplusfort,déclaraRalstonens’approchant

delaconsoleoùsetrouvaitlacarafedewhisky.Ilremplittroisverrespourleshommes,puis,aprèsréflexion,enremplitunquatrièmequ’iltendit

àJuliana.—Bois,celateferadubien.—Gabriel!s’exclamaCallie.—Ehbien,quoi,c’estvrai.Julianaavalaunegorgéed’alcool.— Tu peux peut-être m’expliquer comment Leighton en est arrivé à te faire une déclaration

d’amourdansunesalledebalbondée?—IlétaitdansleYorkshire,murmura-t-elle.—C’estlàqu’ilaperdul’esprit?—Gabriel,attention,intervintCallied’untond’avertissement.— Est-ce qu’il t’a touchée ? Ne réponds pas, c’est inutile. Aucun homme normal ne se

comporteraitainsisans…—Ralston!s’exclamaBenedick.Celasuffit.—Ilveutm’épouser.

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—Aprèscequis’estpassécesoir, jenesuispascertainqu’il feraunbonépoux,répliquasonfrère,narquois.

Les larmes montèrent de nouveau aux yeux de Juliana, qui avala une gorgée de whisky dansl’espoirderéussiràlesravaler.

Elles’étaitdonnétellementdemal…Elleavaitchoisiunerobed’unecouleurconvenable,danséavec le plus irréprochable des gentlemen, s’était convaincue qu’elle était capable de respecterl’étiquette,lesconventions.

Maisunefoisdeplus,lescandaleavaitsurgi.Quandilluiavaitavouésonamourdevanttoutelabonnesociétéréunie,lafacelaplusobscurede

sapersonnalitéavaitvibrédebonheur.—S’ilt’aséduite,j’ailedroitdel’écarteler…—Assez!décrétaCallieenselevant.Sorsd’ici.—Tunepeuxpasmechasserdemaproprebibliothèque,Calpurnia.—Jelepeux,etjeleferai.Jelefais,dureste.Dehors!—Jen’irainullepart.Juliana,veux-tuépouserLeighton?Oui.Maiscen’étaitpassisimple.Elleseleva,chancelante.—J’aibesoinde…unomomento…Perfavore.Elleavaitatteintlaportequandsonfrèrelança:—Juliana!Réfléchisbienàcequetuveux.Quoiquecesoit,tupeuxl’obtenir.Ellesortit,refermalaportederrièreelle.EllevoulaitSimon.Sonamour,maisaussisonrespectetsonadmiration.Elle se remémora les événements de la soirée. Leighton avait brisé toutes les règles. Il avait

ignoréleprotocole,assistéàunévénementauqueliln’étaitpasinvité,interrompuunbal,attirantsurluilescandale.

Toutcelapourelle.Etellel’avaitrepoussé.Laportedelabibliothèques’ouvrit,etBenedicklarejoignit,lesourireauxlèvres.Elleentendit

deséclatsdevoixavantquelaportesereferme.—Ilssedisputentàcausedemoi?—Non.IlssedemandentsiCalliepeutmonteràchevalbienqu’ellesoitenceinte.—Jesupposequ’ellegagnera.—Jen’ensuispassisûr.Ilyaquelquechosedontj’aimeraisvousparler.—Sic’estausujetduduc,jenepréfèrepas.—Non,pasexactement.Juliana,sivousvoulezbien,j’aimeraisvousépouser.—Benedick…—Écoutez-moi.Noussommesamis,etjepensequenousserionsheureuxensemble.Vousn’êtes

pasobligéedemerépondretoutdesuite,maissi…vousaviezbesoind’unmari…—Non, répondit-elle avant de s’incliner pour l’embrasser sur la joue.Merci, Benedick,mais

vousméritezmieuxqu’unefemmequiabesoind’unmari.Lecomtehochalatête,etreprit:—JecroisqueLeightonvousaimevraiment.—Jelecroisaussi.—Alorspourquoinepasm’épouser?

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Juliana tressaillit et se retourna en reconnaissant cette voix. Simon était en haut de l’escalier,trempéjusqu’auxos,levisagecreuséparlafatigue.Ilavaitenlevésonchapeau,etsescheveuxétaientplaquéssursonfront.

Ilétaitmagnifique.—Comment…commentêtes-vousentré?—Cen’estpaslapremièremaisondanslaquellejesuisentrédeforcecesoir.Allendale,jevous

pardonned’avoirdemandésamainà la femmeque j’aime.Enéchange,croyez-vouspouvoirnouslaisserunmoment?

—Jen’ensuispascertain.—Jenevaispaslaséduiredanscecouloir.BenedicksetournaversJuliana,etcelle-cihochalatête.—Cinqminutes,concédalecomteensoutenantleregarddeSimon.Il retournadans labibliothèque,etSimonfitunpasversJulianaensepassant lamaindans les

cheveux.—Jenesaispasquoifaire.Nicommentvousconquérir.Elleétaitdéjàconquise.Perduepourtouslesautreshommes.—Jevousdiraidoncsimplementlavérité,poursuivit-il.J’aipassémavieàmerésigneràune

existencesanspassion.Etpuisvousêtesarrivée.Etvousm’avezmontréque toutceque jecroyaisvrai était faux.Désormais, jeveuxvivre laviequevousm’avez fait entrevoir.Vive, désordonnée,pleinedesentimentsdivers,debonheur.Maisjenepeuxl’avoirsansvous.Jevousaime,Juliana.Jenepensepaspouvoirvivresansvous.

Julianaretintsonsoufflecommeleducs’agenouillait.—Vousm’avezditunjourquevousmemettriezàgenoux…—Simon!Amore…non,jevousenprie.— Je suis là. À genoux. Par amour, dit-il en lui prenant les mains. Juliana, je vous en prie,

devenezmafemme.Jepasserai lerestedemesjoursàvousprouverquejesuisdignedevous.Devotreamour.

AlorsJulianas’agenouillaàsontouretnoualesbrasautourdesoncou.—Oui,souffla-t-elle.Oui,Simon,oui.Jevousaime.Ils demeurèrent de longues minutes ainsi, chuchotant des mots d’amour, échangeant des

promesses,descaresses.C’estainsiqueRalstonlesdécouvrit.Quandilouvrit laportedelabibliothèque,lalueurdeschandellesserépanditdanslecorridor,

illuminantlesamoureux.—Vousavezintérêtàvousprocurerd’urgenceunedispensedebans,Leighton!Simonsereleva,lesourireauxlèvres.—C’estdéjàfait.—Parfait,rétorquaRalston.Jevouslaissedeuxminutespourvousressaisiravantdedescendre

discuterdetoutcelaavecmoi.Toi,masœur,tun’espasinvitée.Laportesereferma,etlemarquisn’entenditpaslesriresdeSimonetdeJuliana.

Une heure plus tard, Simon quittait Ralston House après avoir conclu les arrangementsnécessairesavecsonfuturbeau-frère.Iln’étaitquejuste,finalement,qu’ilseretrouveattachéàcette

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famille scandaleuse, la seule, dans toute l’Angleterre, qui se moquait de son titre. À présent, toutLondresallaittournerledosauxLeightondecrainted’êtreatteintparlescandale.

Etcelaluiétaitcomplètementégal.Il aurait aimé voir Juliana avant de partir, mais il ne l’avait trouvée nulle part, et Ralston ne

semblaitpasdisposéàlelaisserlachercherdanslesétages.Ilgrimpadanssavoiture–làoùtoutavaitcommencé,quelquessemainesplustôt–,s’installasur

labanquetteetdonnauncoupauplafondpourquelecocherdémarre.C’estseulementàcemoment-làqu’ils’aperçutqu’iln’étaitpasseul.—Jen’allaistoutdemêmepasvouslaisserpartirsansvousdireaurevoir,murmuraJuliana,le

sourireauxlèvres.—Nousallonsdevoirdiscuterdecettehabitudequevousavezdevouscacherdanslesvoitures,

déclara-t-ildesontonleplushautain.—Dansunevoitureenparticulier,VotreGrâce.Lavôtre.Cettefois,j’aibienvérifiélesarmoiries

avantdemeglisseràl’intérieur.Quecomptez-vousfairedemoi,maintenantquejesuislà?—Jevaisvousaimer,masirène,dit-ilenl’attirantsursesgenoux.Jevousaime,Juliana.Ildéposaunbaiseraucreuxdesoncou.—Dites-leencore,ordonna-t-elledansunsoupir.Ilchuchotalesmotstoutcontreseslèvres,quis’entrouvrirentpourl’accueillir.—EtPénélope?demanda-t-ellesoudainens’écartant.—Faut-ilvraimentquenousayonscettediscussionmaintenant?Ilrefermalamainsurunsein,etellelaissaéchapperunpetitgémissement.—Non,décida-t-elleenallants’asseoirenfacedelui.Ils’agenouilladevantelleetexpliqua:—LepèredeladyPénélopeamisfinànosfiançailles.Julianan’aurait sudire si c’était dû à cettenouvelleou à sesmainsqu’elle sentait remonter le

longdesesjambes,maisellefutprisedevertige.—J’auraisrompu,s’ilnel’avaitpasfait,Juliana.Jen’auraispaspumemarieravecelle,jevous

aimetrop.—IlafaitcelaàcauseduscandalecauséparGeorgiana?—Oui.Illuiretroussasajupe,etsepenchapourluiembrasserdoucementl’intérieurdugenou.—Simon…Ils’immobilisa,croisasonregarddanslalumièrevacillante,puisl’embrassasurleslèvres.—Masœura envoyéune lettre à laGazette,pour révéler sa situation.Elle l’a fait pour nous,

c’étaitsoncadeaudemariage.—Desfiançaillesrompues?—Échangéescontreunmariagesurprise,répliqua-t-ilententantdereprendreseslèvres.—Simon,quevadirevotremère?—Cen’estpasunsujetquej’aienvied’aborderencemoment,monamour.—Mais…elleserafurieuse!—Jem’enmoque.Etsiellel’est,ceneserapasàcausevous.Vousêtessonseulespoird’avoir

despetits-enfantsrespectables.C’estmoiquiaiuneterribleréputation!—Deséducteurdejeunesfillesinnocentes!s’exclama-t-elleenriant.Ilremontasajupeplushaut,déposaunesériedebaisersàl’intérieurdesescuisses.—Jen’aiséduitqu’uneseuleinnocente.

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—Simon,dit-elleenprenantsonvisageentresesmains,jevousaiaiméaupremierregard.Etjevousaimerai…aussilongtempsquevousvoudrezdemoi.

À court demots, et parce qu’ils n’étaient de toute façon plus nécessaires, elle se pencha pours’emparerdeseslèvresenunlongetvoluptueuxbaiser.

—Queleffetcelavousfait-ild’avoirdétruitvotreréputation?s’enquit-ellelorsqu’ilsreprirentleursouffle.Vousavezdesregrets?

—Paslemoindre!Lescandaleallaitdurer.Onenparleraitàmi-voixdanslessallesdebal,dansBondStreet,dans

lescouloirsduParlement.Desannéesplustard,JulianaetSimonraconteraientàleurspetits-enfantsl’histoireduducdeLeightonterrasséparl’amour.

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Épilogue

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Mai1824SaGrâce,laduchessedeLeighton,étaitperchéesuruneéchelledanslabibliothèquequandson

épouxentradanslapièceenl’appelant,unelettreàlamain.—Oui?—Nousavonsreçudesnouvellesde…Lesmotsmoururentsurseslèvres.—Juliana?—Oui?—Quefais-tulà-haut?Ellefitminedenepasavoirremarquéqu’ils’étaitplacésousl’échelledemanièreàlarattrapersi

ellebasculait.—Jechercheunlivre.—Celat’ennuieraitbeaucoupderejoindrelaterreferme?Parchance,lelivresetrouvaitjustedevantelle.Ellelepritetredescendittranquillement.—Quellemouchet’apiquéedegrimperlà-dessusdanstonétat?—Jenesuispasuneinvalide,Simon.—Tuauraisputomber!—Maiscelan’estpasarrivé.Ellesetournaversluienquémandantunbaiserqu’illuidonnabienvolontiers,lamainposéesur

sonventre.—Tudoisfaireattention,luirappela-t-il.—Nousallonsbien,monsieurmonépoux,répondit-elleenselovantcontrelui.Etpuis,n’oublie

pasquej’aidouzevies.—Ilmesemblequetulesasdéjàtoutesutilisées.Dumoins,tuaseutesdouzescandales.—Oh,non,cen’estpaspossible!Il lasoulevadanssesbraset l’emporta jusqu’àsonfauteuil,dont ilchassaLéopold,quiallase

rallongerdevantlacheminée.—LachutedanslaSerpentine…lacavalcadedansHydePark…,puislafoisoùtum’asattendue

devantmonclub…—Cen’étaitpasunvraiscandale!protesta-t-elle.Maisilyaeul’arrivéedemamère.—Non,cescandale-làn’estpasdetonfait.—Certes,maiselleestàl’originedetouslesautres.— C’est vrai. Il faudra que je la remercie, un de ces jours. Donc, la chute dans la récolte

d’automnedeladyNeedham…

Page 187: SARAH MACLEAN L’amour en 11 scandales - ekladata.comekladata.com/...Sarah_Mclean-_la_famille_st_john_tome_3_l_am.pdf · Sarah MacLean L’amour en 11 scandales La famille St. John

— Vraiment, quelle idée de décorer un escalier avec des légumes ! Mais parlons plutôt desscandalesdanslesquelstuasjouéunrôle.Tum’asembrasséedanslesécuriesdemonfrère,séduitelorsdetonbaldefiançailles…etn’oublionspas…laNuitdesfeuxdejoie.Celafaitcombien?

—Huit.—Tuvois,jetel’avaisbiendit!Jesuisunmodèledebienséance!Ah,non…neuf.—Neuf?—J’aiinsultétamèrechezlacouturière.—J’auraisaimévoircela.—C’étaithorrible.Jen’arrivetoujourspasàlaregarderdanslesyeux.—Ilyaeudeuxautresscandaleslepremiersoir,aucoursdubaldeRalstonHouse.—Eneffet.Grabehamdanslesjardins.Ettavoiture.—Etenfin,ledouzième.LebaldesNorthumberland.—Ah,non!Cesoir-là,c’esttoiquiasforcélaportepourdéclencherunscandale.Jen’airienà

voirlà-dedans.—Jetel’accorde.—Celadit,c’étaitlemeilleurdetous,concéda-t-elleensouriant.—Quandonfaitquelquechose,ilfautlefairebien.Ill’embrassa,etquandils’écarta,elleluifitremarquer:—Tuavaisdesnouvellesàm’annoncer.Quandtuesentré.Simonsortitunelettredesapoche.—Nousavonsunneveu.LefuturmarquisdeRalston.Julianaouvritdesyeuxcommedessoucoupes,etluipritlalettredesmains.—Ungarçon!Ils’appelleHenry!Celafaittrois!Elizabeth,lafilledeNick,étaitnéedeuxsemainesplustôtetpartageaitlanurseryavecCaroline.Simonétreignitsafemme.—Etàl’automne,nousajouteronsunquatrièmeàlapetitebande.Juliana éprouva une joie immense en songeant à cette famille qui allait s’épanouissant – une

famillemerveilleusequ’ellen’auraitjamaisoséimaginer.—Tuesbienconscientqu’ilsvontnouscréeruntasdesoucis?Plongeantsonmagnifiqueregardd’ambredanslesien,ilrépliquaavecungrandsourire:—Lesplusbeauxsoucisdumonde.