SPÉCIFICITÉS
ET PRISE EN CHARGE
DE LA DOULEUR CANCÉREUSE
CHEZ L’ADULTE
Dr Cécile BESSET
Equipe Mobile de Soins Palliatifs
CHRU Besançon
23/01/2015
DÉFINITION, GÉNÉRALITÉS…
� « Expérience sensorielle et émotionnelle désagréable , liée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite en des termes évoquant une telle lésion »
� Fréquente en cancérologie : 30 à 45 % des patients au stade initial, >75% au stade avancé
� Souvent intense , d’autant plus que la pathologie évolue
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DOULEUR
Douleur en lien avec l’évolution du cancer (80% des douleurs cancéreuses)
� métastases osseuses
� envahissement d’un viscère creux ou de l’enveloppe viscérale (péritoine, plèvre, capsule de Glisson)
� Infiltration ou compression de structures nerveuses (plexus brachial, plexus coeliaque, paires craniennes, …)
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DOULEUR
Douleurs liées aux traitements(douleurs ponctuelles, ou chroniques, ou séquellaires)
o Chimiothérapie: mucite, neuropathie périphérique, myalgies, arthralgies…
o Radiothérapie: mucite, entérite, plexite, ostéoradionécrose…
o Chirurgie: post-op, douleur neurogène post-thoracotomie…
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DOULEUR
Les autres causes:
� Douleurs liées à des examens (PL, myelo, biopsie…), à des soins douloureux (pst…), à des transports
� Douleurs liées à des évènements intercurrents: infections, TVP, lymphoedème, escarre…
LES DIFFÉRENTS TYPES DE
DOULEUR
- Stimulation des nocicepteurs lors d’un processus lésionnel. Pas de dysfonction des voies de transmission de la douleur.
- Ex: en cancérologie,Rhumatologie, traumatologie, chirurgie, infectiologie.
- Douleur sourde, lourde,battante, déchirante, à type de coup de marteau, de broiement.
- Lésion des nerfs périphériques, des racines, de la moelle, du système nerveux central par section, compression ou altération.
- Ex: névralgie du V, douleur post-zostérienne, douleur du membre fantôme, compression médullaire, AVC, SEP, neuropathies périphériques, ...
- Douleur de topographie systématisée au territoire neurologique, en éclair, à type de brûlures, de fourmillements, de décharges électriques, ou en étau.
- Bilan négatif, mauvaise réponse au traitement, tableau atypique, signes du registre du psychique.
-Ex: fibromyalgie.
- Mode de relation particulier avec les soignants, douleur de topographie variable.
Douleur mixte
DIFFERENTS TYPES DE DOULEURS
Douleur nociceptive Douleur neurogène Douleur sine materia
DOULEURS NEUROGENES : EVALUATION
�Outil de dépistage et évaluation spécifique : le questionnaire DN4:
Positif si score > ou égal à 4/10
Sensibilité 82,9% ; spécificité 89,9%
DOULEURS NEUROGENES :TRAITEMENT
�Traitement médicamenteux spécifique:
-Antiépileptiques: prégabaline-lyrica , gabapentine-neurontin, carbamazépine-tégrétol
-antidépresseurs tricycliques (amitriptyline-laroxyl, clomipramine-anafranil) ou IRSNA (duloxétine-cymbalta)
-Versatis
DOULEUR NOCICEPTIVE : EVALUATION
�Privilégier Autoévaluation :
-Interrogatoire précis et fin
-EVA, EN, EVS
�Hétéro évaluation: -Observation des signes évocateurs de douleur
-Doloplus, algoplus
-Travail d’équipe, Importance des transmissions
DOULEUR NOCICEPTIVE : SON PROFIL…
Traitement de fond opioïde, prenant en charge la douleur de
fond
Accès douloureux , paroxystiques ou non
Niveau d’apparition des effets indésirables gênants
(1) D’après Coluzzi, 1998
DOULEUR NOCICEPTIVE : TRAITEMENT
SYMPTOMATIQUE MEDIC. : PALIER OMS
si échec
Opioïdes fortsDouleurs intenses
Morphine
Fentanyl
Oxycodone
Hydromorphone
Agonistes-antagonistes
Palier 3
+
+ P1+P2 P1+P3 :Association synergique
si échec
Opioïdes faiblesDouleurs modérées à sévères
Codéine
Tramadol
Acupan
Lamaline
Palier 2
Palier 1Non opioïdes
Douleurs légères à modérées
Salicylés
AINS
Paracétamol
LES OPIOIDES FORTS: INTRODUCTION D’UN TRAITEMENT
� Vérifier que la douleur est évaluée et qu’elle est morphino-sensible
� Antalgiques de palier II à dose maximale → 60 mg de sulfate de morphine par jour, environ 1mg / kg / j
� Ou titration : recherche de la poso efficace en utilisant une morphine à libération immédiate per-os ou injectable
� Penser au traitement de fond et au traitement de l’ accès douloureux . Interdose LI =1/6e à 1/10e de la DQ LP
LES OPIOÏDES FORTS: INTRODUCTION D’UN TRAITEMENT
� Sujet âgé, I. Rénale, I. Hépatocellulaire : commencer à des doses plus faibles
� + laxatifs systématiques
� + démarche éducative
� Pluridisciplinarité
LES OPIOÏDES FORTS: ADAPTATION DU TRAITEMENT
� Réévaluer régulièrement la tolérance et l’efficacité du traitement.
� Adapter les posologies en fonction
-de l’antalgie: si douleur non contrôlée, ↑°de 30% de la DQ
-du nombre d’interdoses quotidiennes: si ≥ à 4, réintégration dans la DQ
-de la tolérance: si somnolence, baisser la posologie
� Pas de dose maximale théorique
� Pas de dépression respiratoire si respect des règles de bonnes pratiques
LES OPIOÏDES FORTS: ROTATION DES OPIOÏDES
� La rotation des opioïdes est définie comme la possibilité de passer d’un opioïde A à un autre opioïde B, puis éventuellement C, à doses équianalgésiques.
Elle a pour but d’éviter ou de limiter la survenue d’effets secondaires, et les phénomènes d’accoutumance.
LES OPIOÏDES FORTS: ROTATION DES OPIOÏDES INDICATIONS:
� Persistance d’effets secondaires imputables à l’opioïde utilisé et non contrôlés
� Effet antalgique insuffisant malgré la confirmation d’une nociception et la bonne observance.
� Phénomène de tolérance
LES OPIOÏDES FORTS: ROTATION DES OPIOÏDES
BASES PHARMACOLOGIQUES
� Hypothèse 1 : stimulation des différentes familles de récepteurs
(µ1 : morphine et hydromorphone ; µ 2 : fentanyl ; δ : méthadone ; antagonistes des récepteurs NMDA : méthadone) ; d’où l’idée d’une mise au repos de certains récepteurs et activation d’autres récepteurs lors du changement d’opioïdes
+ Degré d’affinité différent de chaque opioïde pour un type de récepteur.
LES OPIOÏDES FORTS: ROTATION DES OPIOÏDES
BASES PHARMACOLOGIQUES
� Hypothèse 2 :
accumulation des métabolites de la morphine (M6G, M3G, normorphine…) responsable des effets secondaires. Le M6G n’est pas un métabolite de l’hydromorphone ni de l’oxycodone ; les effets secondaires seraient donc moindres ; + d’où la moindre toxicité de ces produits en cas d’insuffisance rénale en particulier.
LES OPIOÏDES FORTS: ROTATION DES OPIOÏDES
� Pour un même opioïde ou lors d’un passage de l’un à l’autre, possibilité de changer de voie d’administration.
Pour la morphine, dose SC = dose orale / 2
dose IV = dose orale / 3
Pour oxycodone, dose SC = dose IV = 2/3 dose orale
TABLE D ’ EQUIANALGESIE DES OPIOÏDES FORTS
LES OPIOÏDES FORTS: LE FENTANYL TD EN PRATIQUE
� Délai d’action : 12 h ; Durée d’action : 72 h
� Appliquer sur peau saine, sèche, non irradiée, non irritée, non lésée et présentant une faible pilosité
� Changer de site d’application à chaque nouveau patch
� Renouveler le patch toutes les 72 heures
� Ne pas découper le dispositif transdermique
LES OPIOÏDES FORTS: LE FENTANYL TD EN PRATIQUE
� Décollement accidentel du patch (douche…) : Recouvrir le patch décollé par un pansement étanche
� Hyperthermie (fièvre 39-40°C) : l’hyperthermie majore le passage transdermique du fentanyl de 20 à 30 % → vigilance, +/- ablation patch et relais par opioïde PO ou IV
� Arrêt du patch et relais par un opioïde fort LP oral:
lors du retrait du patch, l’antalgie provoquée par le fentanyl se maintient pendant 12 h. La prise orale LP à dose équi-analgésique débutera 12 heures après le retrait du patch. Si besoin, forme LI.
EFFETS SECONDAIRES DES
OPIOÏDES
�Constipation : A prévenir systématiquement�Nausées, vomissements ( présents dans 30%
des cas; disparaissent en 5-7 j; les traiter)�Somnolence (disparaît en qqs j; si permanente:
surdosage?)�Troubles neuro -psychiques�Prurit (rare)�Dysurie ou RAU
SIGNES CLINIQUES DE SURDOSAGE
EN MORPHINIQUES
�Somnolence permanente�Myoclonies, sursauts�Diminution de la fréquence respiratoire�Hallucinations, confusion
EVALUER UN SURDOSAGE
� Échelle de sédation
0 : pas de sédation
1 : patient endormi mais facilement éveillable par une
stimulation orale.
2 : patient endormi éveillable par une stimulation tactile (traction sur le lobe de l’oreille)
3 : patient très endormi, non éveillable.
� Surveillance respiratoire
R0 FR>10 et respiration régulière
R1 FR>10 respiration irrégulière, ronflements
R2 FR <10 et/ou respiration irrégulière, obstruction, tirage
R3 FR<10 et/ou pauses respiratoires
CAT EN CAS DE SURDOSAGE EN
MORPHINIQUES
� Evaluer la gravité du surdosage :
échelle de sédation + fréquence respiratoire
En fonction:� Baisser l’opioïde fort
� Si FR< 10 et/ou sédation majeure:
- arrêter l’opioïde fort
- Oxygénothérapie
- Prévenir le médecin
- Protocole Narcan
SURDOSAGE: PROTOCOLE NALOXONE
� Naloxone Narcan® 0,4 mg/ 1 ml
� 1 amp naloxone dans 9 ml sérum physiologique
� Si FR < 10 et/ou score sédation >2 :
� injecter 2 ml naloxone en IVD puis 1 ml toutes les 2 min jusqu’à FR > 10/min
� Discuter dose d’entretien avec : dose de titration de naloxone dans 250 ml sur 3 à 4 h
� Oxygénothérapie
� Se préparer à la réapparition des douleurs après le traitement du surdosage…
LES ACCÈS DOULOUREUX
PAROXYSTIQUES ADP
�Exacerbation transitoire et de courte durée de la douleur, d'intensité modérée à sévère, qui survient sur une douleur de fond contrôlée par un traitement opioïde fort efficace et stabilisé.
�Survenue rapide, pic d’intensité en moins de 3 min, courte durée, survenue plusieurs fois dans la journée.
LES ACCÈS DOULOUREUX
PAROXYSTIQUES ADP : TTT
� Le fentanyl par voie transmuqueuse est le traitement efficace des ADP chez les patients présentant une douleur cancéreuse déjà sous traitement de fond optimal par opioïdes, depuis au moins une semaine.
� Abstral® (100, 200, 300, 400, 600 ou 800 µg) cp sublingual
� Recivit(67,133,267,400,533,800µg) cp sublingual
� Actiq® (200, 400, 600, 800, 1 200 ou 1 600 µg) glossette avec applicateur buccal.
� Effentora® (100, 200, 400, 600 ou 800 µg) cp gingival
� Instanyl® (50, 100 ou 200 µg/dose) pulv°nasale
� Pecfent® (100 ou 400 µg/dose) pulv°nasale
� Breakyl ® (200,400,600,800,1200 µg/dose) film orodispersible
TRAITEMENT DES ADP
TECHNIQUES ANTALGIQUES
� Radiothérapie antalgique
� Radiologie cimentoplastie
radiofréquence
infiltration, alcoolisation
� Anesthésie Morphine intrathécale
Bloc périnerveux
� Neurochirurgie Neurostimulation
Morphine intra ventriculaire
…….
REMARQUE…
�Penser à inscrire la prise en charge de la douleur cancéreuse de l’adulte
au sein d’une approche singulière et plus large de la personne malade et de ses difficultés….
BIBLIOGRAPHIE
� Krakowski I et al. Recommandations pour une bonne pratique dans la prise en charge de la douleur du cancer chez l’adulte et l’enfant. Bull Cancer, 1996; 83 (suppl.1): 9s-19s
� Rossi GC, Brown GP, Leventhal L, Yang K, Pasternak GW. Novel receptors mechanics for heroin and morphine-6-glucuronide analgesia. Neuroscience Letters 1996;(216):1-4
� Opioid rotation for toxicity reduction in terminal cancer patients. N.D. De Stoutz, E. Bruera, M. Suarez-Almazor. Journal of Pain and Symptom Management, Vol. 10, N°5 juillet 1995; 378-384
� Opioid substitution to reduce adverse effects in cancer pain management. M.A. Ashby, P. Martin, K.A. Jackson, Healtcare : Vol. 170 ; 18 janvier 1999 : 68-71
� Bases cliniques et pharmacologiques de la rotation des opioides. L. Brasseur, F. Chast, JM. Lassaunières, P. Poulain, A. Serrie, R. Trèves ; Douleurs, N°2, septembre 2000.