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LA FORCE DE LATSÉDAKA

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TABLE DES MATIERES Chers lecteurs,Que se cache-t-il à l’endroit le plus profond de vous-

mêmes ?

Cette question a des réponses différentes à des moments différents de notre vie. Parfois, il s’y cache de la joie, parfois de la douleur, de l’amour, de l’amitié ou de l’étonnement. Souvent, on y trouve aussi de la peine, de la déception, de la peur, de la solitude, à cet endroit profond qu’on n’arrive pas toujours à écouter.

Et en ce point profond se trouve l’essence, la substance de notre personne. Il y a là la foi. Elle a toutes sortes d’enveloppes, toutes sortes d’emballages. Mais il est là, ce point profond. Il est là sans aucun doute.

Lorsque nous lisons ce bulletin de Koupat Ha’ir, ce point profond grandit, s’enflamme et emplit notre personne d’une chaleur réconfortante. Il se sent proche de D., lié à Lui.

Car qu’y lit-on, dans ces bulletins « La force de la tsédaka», sinon le lien qui nous unit à notre Père céleste ?

Lorsque des Juifs donnent leur cœur, D. le leur rend par des marques d’affection, par une révélation, par une lumière bienfaisante et non dissimulée.

Cela concerne chacun de nous. Cette révélation de la Présence divine se fait pour nous aussi. Cette affection nous entoure et nous enveloppe, nous aussi. Car nous aussi, nous appartenons à Koupat Ha’ir. Nous aussi, nous sommes des frères. Ces histoires sont un message direct pour nous : venez vous aussi, rapprochez-vous.

En cette époque de dangers de toutes sortes, nous espérons tous bénéficier d’un peu plus de proximité à D. Car tous les malheurs n’arrivent que lorsque nous sommes loin de Lui.

Voici la proximité, dans ce bulletin. Là voici.

Donnez votre cœur, donnez-Lui votre cœur. Car D. est proche si nous sommes proches. D. est là si nous sommes là, si notre cœur est là.

Des yéchouot grandes ou petites, des événements étonnants, inattendus ou impressionnants… Ressentez-les en les lisant, goûtez-les en faisant un don. Car vivre une proximité n’est pas comparable à la lire.

Levez les yeux et faites un don, et vous goûterez l’affection, le lien, la proximité…

Koupat Ha’ir

Koupat Ha’irLa principale Caisse de Tsédaka d’Israël

0800-525-523

p. 3

Les téfilines de Rabbénou Tam

p. 6

3,900 $ dans un porte-monnaie violet

p. 9

Cinq voyageuses… et aucune chance

p. 12

Un problème de tension…

p. 16

La tranquillité ou les souffrances…

p. 20

Une situation inextricable ?

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Le taxi roule rapidement en se frayant un chemin parmi les voitures. En cette fin de soirée, Jérusalem se prépare au sommeil. Les marchands lavent à grande eau leur stand au marché, les gens garent leur voiture sur le côté et rentrent chez eux. C’est la nuit.

« Il est arabe, ce chauffeur ». Cette pensée traverse rapidement l’esprit de Rav Yehouda Deitch, l’un des deux passagers. Il regarde au-dessus de la fenêtre, à l’endroit où une plaque porte généralement le nom du chauffeur. La plaque réglementaire est absente. Aucun drapeau sur le taxi, aucun signe identifica-teur. Le chauffeur bavarde sur son portable avec un accent guttural prononcé. Pas de doute.

Il était difficile de s’en rendre compte au premier coup d’œil. Ses cheveux blancs sont coupés très court, il est rasé de près…

Il ne dit rien. Rav Yitzhak Méir Sternbuch, qui en-seigne avec lui à la yéchiva Darkei Torah, discute du sujet brûlant qui les préoccupe. Une lourde respon-sabilité leur a été imposée et ils se rendent à pré-sent en taxi chez une autorité pour lui faire part de leurs doutes. Rav Yehouda, fils du Gaon Rabbi M. Deitch (Rav du quartier de Ramat Chlomo à Jéru-salem), se plonge dans la conversation. Il détourne son esprit du chauffeur arabe, de ce qui se passe chez lui, de ce qu’il a fait ce jour-là, et se concentre pleinement sur le sujet en question. Les deux Rabbanim ressen-tent bien la respon-sabilité qui pèse sur eux.

Ils se rendent chez le Gaon Rabbi Naftali Nussbaum pour discuter du sujet, pour demander son avis et, ils l’espèrent, pour résoudre la question. Ils savent qu’ils disposent de peu de temps. Plus le sujet est important et décisif, plus le temps dont on dispose est concentré…

« Attendez-nous jusqu’à ce que nous redescendions, et nous vous prendrons pour le retour, dit Rav Sternbuch au chauffeur. Nous en avons pour dix minutes, un quart d’heure. Laissez le compteur al-lumé ». Le chauffeur hoche la tête et gare son véhi-cule. Il sort une cannette de Coca-Cola de sa boite à gants et se cale confortablement sur son siège.

Les deux hommes montent. Rav Nussbaum les re-çoit aimablement. Malgré le peu de temps dont ils disposent, ils exposent le sujet en question, l’analy-sent de toutes part, expliquent les différentes pos-sibilités.

Ils n’entendent absolument pas le chauffeur qui klaxonne sans arrêt au bas de l’immeuble, jusqu’à ce qu’il perde patience.

Les téfilines de Rabbénou Tam

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Au bout d’une heure et quart, ils descendent le front plissé, les mains traçant des cercles en l’air. Les premiers signes de la joie qui accompagne la résolution des doutes apparaissent sur leur visage.

« Où est notre taxi ? » Rav Sternbuch regarde de tous côtés. La petite rue est vide, pas un taxi en vue. Ils se tournent à droite, à gauche. Non, pas de taxi. Un coup d’œil à leur montre leur en explique la raison.

« Comment allons-nous le payer ? Il va croire que nous avons fait exprès ! s’exclame Rav Sternbuch. Je ne me rappelle pas avoir vu sa plaque portant son nom.

– C’était un chauffeur arabe, répond Rav Deitch, alors qu’une pensée floue s’obstine à tenter de pas-ser le seuil de sa conscience. Il était arabe, c’est cer-tain. Et il n’y avait pas de nom sur le côté du taxi, ni de drapeau… »

Soudain, il se prend la tête entre les mains et laisse échap-

per un gémissement. « Mes téfilines ! Mes téfilines de Rabbénou Tam sont restés dans le taxi ! »

Que faire ???

« Tu te souviens d’un signe qui nous permettrait de reconnaître la voiture ?

– Non, aucun. »

Il n’y a rien à ajouter. Un chauffeur privé qui n’ap-partient pas à une compagnie de taxis, et qui est arabe... Aucun espoir de retrouver les téfilines.

« J’ai besoin de mes téfilines demain matin ! mur-mure Rav Deitch. Mes téfilines de Rabbénou Tam… Je les ai mises à la fin de la prière depuis le jour de mon mariage, sans manquer un jour. Ce n’est pas seulement l’argent qu’elles coûtent, ce n’est pas seu-lement ce qu’elles représentent pour moi. C’est de penser qu’un chauffeur arabe va les jeter n’importe où ! Oh lala ! »

Rav Sternbuch n’a pas de mots pour le consoler.

« Il est déjà onze heures et demie, soupire Rav Deitch dans l’obscurité. Les chances de retrouver le chauffeur sont nulles. Mais le Gardien d’Israël ne

dort pas… Le Créateur sait où se trouvent mes téfilines. Il sait comment me les rendre, si j’en ai le mérite. »

C’est vrai. Mais des miracles… a-t-on le droit de prier pour des miracles ?

« Je donne 180 chékels à Koupat Ha’ir. C’est le minimum d’effort per-

sonnel que je peux faire, et le seul pos-sible dans cette situation. D. verra

peut-être ma peine… »

Il s’engage à donner cette somme si

ses téfilines sont retrou-vées la nuit

même.

« Cette nuit ?

– Oui ! Y a-t-il quelque chose de trop difficile pour D. ? Cette

nuit ! Il faut que je les mette demain matin ! »

Ils se séparent tristement, sans entretenir trop

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d’espoir. Les miracles, cela fait très plaisir lorsqu’ils arrivent, mais il ne faut pas les attendre. Ah ! Que sont devenues les téfilines à présent ? Le chauffeur les a-t-il jetées n’importe où ? Cela leur fait mal au cœur d’y penser.

Deux heures plus tard…

Deux heures plus tard, le beau-frère de Rav Yehou-da Deitch sort de la synagogue « Or Hatsafoun » de Jérusalem pour rentrer chez lui. A une heure et de-mie du matin, il marche lentement, réfléchissant encore au passage qu’il venait d’étudier ce soir-là.

Un taxi s’arrête brusquement à côté de lui.

« Eh ! Vous là-bas ! Holà ! » Un visage en colère appa-rait à travers la fenêtre.

« Alors, vous m’avez dit d’attendre et vous êtes partis comme ça ! Attendez, je retrouverai votre copain-là! Il paiera la course jusqu’au dernier sou ! »

Il reste debout sur le trottoir, interdit.

« Qu’est-ce que vous dites ? Je n’ai pas pris de taxi ! répond-il.

– Si ! C’est vous ! C’est vous qui m’avez pris avec votre ami, et il ne m’a pas payé ! Qu’est-ce qu’il croit ? Je vais le retrouver, et il paiera tout ! Rappelez-vous de ce que je viens de dire ! Je vous ai attendus presque une heure comme un imbécile. Qu’est-ce que vous croyez ? Et vous, prenez ce truc-là ! Ma voiture, c’est pas un dépôt. »

Il jette en sa direction un paquet noir. Le beau-frère de Rav Deitch fait un bon en arrière et se sauve, per-suadé que l’Arabe au volant lui a lancé un objet pié-gé. Le taxi s’éloigne rapidement. Il reste à distance et observe l’objet par terre, attendant d’entendre l’explosion. Mais l’explosion ne se produit pas. Il s’ap-proche prudemment et reste pétrifié en voyant un sac de téfilines en velours bleu.

Il soulève le sac et l’embrasse. Il le prend avec lui et se dirige vers sa maison, interloqué par l’incident. Pour qui l’Arabe l’a-t-il pris ? Existe-t-il quelqu’un qui lui ressemble à ce point ? Peut-être que pour un Arabe, tous les Juifs se ressemblent, comme pour nous, tous les Chinois se ressemblent ? Alors, pour-quoi s’est-il arrêté justement à côté de lui ?

Arrivé chez lui, il examine à nouveau le sac pour

tenter de trouver un signe quelconque. Il remarque

les lettres brodées sur le tissu : youd, aleph, mem,

tsadik, daleth.

Comment ? Quelle chance y a-t-il pour qu’il existe

un autre homme dont le nom a précisément ces

initiales ?

Il a un beau-frère qui s’appelle : « Yehouda Aryé

Marim Tsvi Deitch ». Un homme ayant quatre pré-

noms, dont voici les initiales… Cela ne peut être

quelqu’un d’autre !

Comment l’Arabe a-t-il deviné leur lien de parenté ?

Ils sont beaux-frères par le mariage, pas par la filia-

tion. Son beau-frère Rabbi Yehouda est un homme

petit et maigre ; lui-même est haut de taille et large.

Ils ne se ressemblent absolument pas !

Il n’a pas le moindre doute et téléphone à son beau-

frère. Une voix triste lui répond. Son beau-frère

n’arrive pas à dormir, et ce n’est pas étonnant.

« Tu as perdu par hasard tes téfilines de Rabbénou

Tam ?

– Oui ! Comment le sais-tu ? Tu les as trouvées ?

– Un Arabe me les a jetées ! Il m’a accusé d’avoir

voyagé dans son taxi et d’être parti sans le payer…

Il m’a crié dessus dans la rue et m’a jeté les téfilines.

Et tes initiales, il est impossible de les oublier. »

Rav Yehouda n’attend pas le matin. Empli de re-

connaissance envers D., il se rend de suite chez son

beau-frère. Le don à Koupat Ha’ir a bouleversé l’es-

prit du chauffeur et l’a fait confondre entre lui et

nul autre que son beau-frère, qui connaît les ini-

tiales de son nom et lui rend son objet perdu cette

nuit même !

Cela vous paraît un peu trop extravagant ? Un

conte imaginaire ?

Voici les noms des protagonistes. Voici leur nu-

méro de portable. Ce sont des personnalités bien

connues à Jérusalem.

Rav Yehouda Deitch : 050-4102308

Rav Yitzhak Méir Sternbuch : 052-7663333

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« Moché, toi qui est tellement distrait… Donne-moi l’argent. Il vaut mieux que ce soit moi qui le garde. »

Naomi regarde autour d’elle et sent l’angoisse l’étouffer progressivement. Dans quelques minutes, ils doivent monter pour embarquer. Le décollage est prévu pour 1 heure du matin. Dans une heure, ils survoleront déjà la mer. Son cœur se serre. Ils seront absents du pays pendant une semaine, en tout et pour tout, mais le vol aller-retour, et le séjour dans un pays étranger, et les soins qu’elle doit subir… Elle aurait bien voulu être déjà de retour.

« Alors, Moché… donne-moi l’argent ! Tu te rappelles ce qui s’est passé avec le chèque que tu as reçu de Chlomo, et avec le porte-monnaie que tu as emporté à la mer. Et… »

Moché préférerait se boucher les oreilles.

Il sait très bien que rien n’est vraiment en sécurité dans les mains de Naomi. Il est peut-être distrait mais elle… Il n’a pas de mots pour définir cela… mais il sait que l’argent, il vaut mieux qu’il reste dans sa poche à lui que dans ses mains à elle.

« Moché ! »

Avec un soupir, il sort le porte-monnaie qui contient les quatre mille dollars qu’ils ont prévus pour ce voyage. Ils auront besoin d’argent là-bas, de beaucoup d’argent. Leur situation n’est pas… disons, pas très brillante, et pour lui, 4,000 $ représentent une fortune. Sans ajouter un mot, il lui tend le porte-monnaie avec un regard triste de séparation. A l’insu de sa femme, il a laissé un billet de 100 $ dans sa poche, au cas où…

La queue avance lentement. La fouille dans les sacs à main la met mal à l’aise. Quelques minutes plus tard, tout cela est terminé. Ils s’adossent sur les sièges et tentent de se détendre. Il sort un petit volume de Michnayot et se met à étudier à voix basse. Où qu’on soit, au-dessus des nuages ou au-dessous, D. est avec nous, les Michnayot sont avec nous. C’est cela qui est important.

Alors qu’il chantonne les mots de la souguiya, un cri se fait entendre à côté de lui.

« Moché ! L’argent ! »

L’argent a disparu...

Moché dissimule un profond soupir. Il avait senti que cela allait arriver ! Pourquoi s’est-il laissé aller à lui donner le porte-monnaie ? Pourquoi? Qu’allaient-ils faire à présent dans un pays étranger sans un sou en poche ?

Sa femme fouille dans ses bagages à main puis se baisse pour observer chaque centimètre du sol de l’avion. Pas la moindre trace de l’argent. Il tapote ses poches, bien qu’il se souvienne clairement en avoir sorti le porte-monnaie. Il secoue le siège, renverse la poubelle, rien ! Les passagers assis à côté d’eux se lèvent eux aussi pour chercher. Le malheureux couple ne sait pas ce qui est préférable : que tout le monde cherche et que celui qui trouve l’argent le glisse en cachette dans sa poche, ou qu’on ne trouve pas l’argent du tout…

« Mais il était sur nous lorsque nous sommes montés dans l’avion ! Comment a-t-il pu disparaître? Comment ? »

Comment…

3,900 $ dans un porte-monnaie

violet

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Entretemps, les passagers se préparent à l’atterrissage. Moché et Naomi attachent leur ceinture. L’avion atterrit, les passagers quittent les lieux sauf eux, qui restent sur place. Ils se mettent à quatre pattes, vont vérifier dans les toilettes et dans le coin réservé aux hôtesses de l’air. Rien.

« Nous n’avons pas de quoi nous rendre chez nos hôtes » dit Naomi en pleurant. Comme un magicien sort un lapin de son chapeau, il tire 100$ de sa poche.

« Je l’avais mis de côté chez moi au cas où l’argent se perdrait » dit-il en veillant à ce que sa voix ne trahisse pas un ton accusateur.

Ils arrivent à leur logement et, honteux, racontent à leurs hôtes ce qui est arrivé à leur argent. Ils reçoivent sur-le-champ un prêt généreux de 4,000 $, duquel ils rendent les premiers 100 $. Moché retient de force les mots qui vont s’échapper de ses lèvres. Son moral est au plus bas.

Leur semaine de séjour passe lentement. Toutes les choses que Naomie avait eu envie d’acheter ont perdu leur attrait. Acheter avec de l’argent emprunté, qu’on ne sait pas comment on va rembourser, ce n’est pas agréable. Pas agréable du tout. Les soins médicaux se passent comme prévu et avec une joie mêlée, ils rentrent en Israël. Les voilà revenus à l’aéroport de Lod.

« L’argent est peut-être tombé avant que nous soyons montés dans l’avion? demande soudain Naomi.

– C’est possible. Viens, essayons d’interroger la police de sécurité. »

Ils s’approchent de l’agent.

« Est-ce que quelqu’un a trouvé ici 4,000$ il y a six jours ? »

Il les regarde de côté. Qui sont ces deux personnes-là qui perdent 4,000 $ et ne viennent pas poser cette question élémentaire pendant six jours ? En le voyant hésiter, ils sont pris d’espoir. Peut-être… Peut-être ?

« Non, on ne m’a pas remis une somme pareille » répond-il sèchement.

Après avoir retenu leur

respiration, la frustration est encore plus grande. Une minute plus tôt, ils ne pensaient pas qu’il y avait la moindre chance et à présent, ils sentent qu’on vient de leur donner un coup.

« On a peut-être remis cette somme à votre supérieur ? »

Il hausse les épaules. Ils attendent sa réponse sans oser se regarder. Ils savent bien que la réponse sera négative.

Effectivement, elle est négative.

« Ce n’est plus la peine d’essayer, déclare Naomi. Il faut lever les bras. Il n’y a plus rien à faire selon les voies naturelles. 400 $ à Koupat Ha’ir ! Si les pauvres ont besoin d’argent, peut-être que le Ciel aura pitié d’eux… et nous en obtiendrons le bénéfice. »

Moché accepte. Il a l’intention de continuer à chercher à l’aéroport, de regarder à droite à gauche, de demander aux employés. C’est lui qui devra rendre l’argent, lui ! Mais Naomi a décidé de cesser le combat.

« Il ne sert à rien de chercher. Je rentre à la maison» dit-elle. « Nous avons fait ce qu’il fallait. Si le Créateur veut nous rendre cet argent, Il sait où nous trouver. »

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Elle lui dit au-revoir et disparaît. Dix minutes après son départ, la lumière se fait dans l’esprit de Moché.

« Dis-moi, Naomi, crie-t-il dans son portable. Où es-tu allée faire des achats avant notre embarquement ? »

Sans s’emballer, elle donne le nom du magasin et ajoute : « Et l’argent n’est pas resté là-bas, tu peux en être sûr. »

Il peut en être sûr ? Il n’est même plus sûr qu’il s’appelle Moché ! Il est sur le point de perdre la tête et de ne plus savoir le nom de personne, pas même le sien. Il cherche le magasin et le trouve.

Un vendeur souriant est debout, le dos face à la caisse. « Dites-moi, s’il vous plaît » dit Moché d’une voix d’outre-tombe. « Vous n’avez pas trouvé ici un porte-monnaie violet contenant 4000$ il y a quelques jours ? »

Le visage du vendeur change d’expression, ses yeux roulent dans leurs orbites et il ouvre la bouche. Il regarde à droite et à gauche, puis pousse Moché dehors.

« Oui, j’ai trouvé l’argent, murmure-t-il une fois qu’ils ont trouvé un coin tranquille. Mais dans ce magasin, tout le monde vole. C’est une bande de voleurs. Je ne les supporte pas, eux et leurs vols… Je suis honnête moi, je n’ai jamais pris un sou qui n’était pas à moi. Dans l’argent volé, il y a la

malédiction, je vous le dis ».

Moché ne s’intéresse pas aux croyances et aux idées du

vendeur.

« J’ai trouvé cet argent et je l’ai caché… Je vais vous montrer tout de suite où. Il n’y manque pas un seul dollar. »

Une pierre immense est enlevée du cœur du pauvre Moché.

« Mais dites-moi ! ajoute le vendeur en regardant Moché droit dans les yeux. Comment cela se fait-il que vous vous soyez adressé justement à moi ? Qui vous a dit que je serais là aujourd’hui ? »

Moché hausse les épaules. Personne ne lui a rien dit. Le vendeur a du mal à le croire.

« Ecoutez-moi, mon ami. Cela fait dix ans que je travaille ici. Je travaille de minuit à cinq heures et demie du matin. Depuis dix ans, je n’ai pas mis les pieds ici à d’autres heures que celles-là… Aujourd’hui, pour la première fois, je suis venu hors de mes heures de travail. Je suis venu pour prendre un papier à envoyer aux impôts. Je n’avais pas même l’intention de rester dix minutes. Comment êtes-vous tombé ici justement maintenant ? »

Moché ne le sait pas. Comment le saurait-il ? Voilà cinq minutes, il ne savait même pas que ce magasin existait, ni que ce vendeur existait.

Le vendeur marche devant lui et entre d’un pas naturel au magasin, suivi de Moché. Dans un immense pot de fleurs posé près du comptoir, parmi les pierres, apparaît un porte-monnaie violet que Moché connaît bien. Moché le tire discrètement, le met dans sa poche, et ressort du magasin. Le vendeur sort derrière lui.

Moché compte les billets. 4000 $ moins 100.

Le vendeur le regarde et ses yeux brillent de larmes.

« D. vous aime, je vois, dit-il simplement. Il n’y a pas d’autre explication. Si vous étiez arrivé dix

minutes plus tôt, ou dix minutes plus tard, personne n’aurait rien su. Et si quelqu’un avait

su, vous auriez pu dire au-revoir à votre argent. C’est la première fois depuis dix ans que je suis

là à cette heure-ci. Allez leur demander si vous n’y croyez pas. »

« J’y crois ». Moché tape sur l’épaule du vendeur en signe de reconnaissance. « Je crois en D., et je crois en la force de la tsédaka à Koupat Ha’ir. »

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Cinq voyageuses… et aucune chanceDes paquets, des sacs de voyage, des port emonnaies et des valises… Autobus et éclats de rire, pas de course et bavardages… et les cinq amies arrivent enfin au nouvel aéroport. Cela fait plusieurs années qu’elles étudient ensemble, font le voyage aller-retour jusqu’à leur ville d’origine, mais elles n’étaient jamais venues là. En général, elles utilisaient les services d’une autre compagnie d’aviation mais les billets étaient si chers cette fois… Elles ont donc décidé d’un commun accord, avec l’approbation de leurs parents de loin, d’essayer un nouveau trajet. Elles ont un long passé de voyages derrière elles, parlent parfaitement la langue, et sont débrouillardes. Ce ne sera pas un mal de connaître une nouvelle compagnie. Pour ne pas être pressées, elles arrivent tôt, libres de profiter du paysage, curieuses de remarquer les différences. Des jeunes filles pleines de gaieté et bavardes comme seules des jeunes filles peuvent l’être…

Mais les premières minutes leur ôtent une bonne partie de leur enthousiasme. L’hôtesse au comptoir est énervée et ses ordres ressemblent plus à des glapissements qu’aux douces recommandations d’une hôtesse de l’air. Elle ne laisse entendre que des séries d’injonctions qui rappellent des coups de canon : « Allez ! Venez par là ! Ouvrez donc ! Vous n’avez pas encore ouvert? Quelle maladresse ! Poussez-vous ! Pourquoi restez-vous debout ici ?... »

Les jeunes filles s’avancent avec la queue en hésitant de plus en plus.

« Vous avez plus que vingt kilos ! rugit l’hôtesse. Plus de vingt kilos !!! Qu’est-ce que vous croyez ? » Le malheureux passager baisse la tête. Quel crime envers l’humanité d’avoir apporté un sac de 22

kilos au lieu de 20 ! Mais personne n’aime être attaqué en public, serait-ce pour une raison aussi bête !

« Enlevez deux kilos de ce sac, ou bien vous resterez ici jusqu’à demain ! »

L’hôtesse agressive ne mâche pas ses mots. L’homme se penche et sort une bouteille d’eau minérale, une boite de conserve et deux paquets qui ont l’air de jouets. La balance indique 20,7 kilos.

« Combien de temps allons-nous vous attendre ici? Dépêchez-vous, enfin ! »

Humilié et offensé, l’homme jette les trois produits à la poubelle, sort encore quelque chose de son sac et le jette lui aussi. Il reçoit le tampon tant attendu et quitte les lieux le visage rouge de honte.

Son départ constitue le signal du début de la prochaine scène.

« Vingt-huit kilos ! » crie-t-elle comme si elle venait de trouver 28 kg de cocaïne. Quel drame ! Cette fois, le voyageur n’attend pas d’être attaqué comme son prédécesseur. Il transfère deux ou trois objets dans son bagage à main et en jette quelques-uns à la poubelle. C’est ainsi qu’il parvient – ô miracle – à 19,2 kg. Les hurlements cessent pendant quelques secondes, pour reprendre de plus belle contre le prochain passager.

« J’ai plus que vingt kilos » murmure Myriam en tremblant. Elle regarde ses amies en espérant qu’elles pourront l’aider.

« Moi aussi, j’en suis sûre » répond Hanna en pâlissant. C’est bientôt leur tour. Cinq jeunes filles sans défense. Séquestration ? Prison ? Il est impensable que dans un pays émancipé, on

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crie de cette façon sur un client et qu’on l’humilie aux yeux de tous à cause de quelques grammes superflus dans sa valise ! Et voilà que cela arrive ici sans que personne ne bronche. Elles se regardent, impuissantes. Chaque fois qu’elles ont pris l’avion jusqu’à présent, si elles avaient du poids en trop dans leurs bagages, personne n’en avait fait grand cas. De plus, elles avaient un certificat de séjour de longue durée et une demande de poids supplémentaire. On ne leur avait jamais fait de problème pour cela !

L’homme debout devant elles fait un compromis et paie pour l’excédent de poids. Elles le regardent, inquiètes. Si cette hôtesse insupportable parvient à obtenir de l’argent pour les kilos supplémentaires, elles n’ont aucune chance… Elles l’entendent annoncer le tarif et leur inquiétude grandit. Elles n’ont pas l’intention de dépenser tant d’argent et de toute façon, elles n’ont pas de liquide sur elles. Voilà, il passe lui aussi. Maintenant, c’est leur tour…

« Vingt quatre ! »

On dirait que cette bombe lancée fait le tour de la salle pour revenir les frapper sur la tête.

« Vingt quatre kilos ! Et vous ? »

L’hôtesse a compris que ces cinq jeunes filles voyagent ensemble, cinq brebis innocentes prêtes à être emmenées à l’abattoir.

« Vingt-sept !!! Vingt et un, vingt deux et demi ! » Une seule avait moins que vingt kilos mais le plus petit objet de ses camarades a vite rétabli le poids. « Qu’est-ce que vous allez faire ? Idiotes ! Nous n’allons pas arrêter l’aéroport entier à cause de vous ! Vous voulez payer ? »

Non, elles ne veulent pas payer. Elles n’ont pas de quoi payer. Elles essaient de ranger dans leur bagage à main les objets qui font dépasser le poids permis, mais elles n’ont droit qu’à un bagage à main. A présent, elles en auront davantage qu’un sac par personne et les valises seront pesées une nouvelle fois… Elles se mettent de côté pour ne pas encombrer les lieux et obstruer la file. Elles se penchent par terre, ouvrent leurs valises, font passer des paquets de l’une à l’autre et d’une valise à l’autre. Elles créent un désordre non négligeable. Les gens les regardent, irrités, alors que l’hôtesse leur jette des regards furibonds qui les transpercent de part en part. Cinq jeunes filles apeurées dans un aéroport inconnu. Elles se sentent si mal à l’aise, si

malheureuses ! Elles ne peuvent pas jeter d’affaires indispensables ; des objets superflus, ou des provisions, elles n’en ont pas. Que vont-elles faire ? Que vont-elles faire ?

En fin de compte, tout est emballé à nouveau. Plusieurs valises passent l’examen et sur une autre, l’hôtesse écrit sans pitié : « Peser à nouveau avant l’embarquement ». Elles savent bien ce que veut dire cette ligne et, encore plus, ce que veut dire l’absence de tampon. Honteuses et embarrassées, elles s’avancent vers la salle d’embarquement. Il est encore très tôt et elles marchent lentement, tentant d’effacer les traces que cette mauvaise expérience a laissées sur elles.

Elles doivent se rendre à la porte numéro 85. Elles ont suffisamment de temps. Pour l’instant, elles se trouvent devant le numéro 48 et avancent tranquillement. Il leur reste quinze minutes jusqu’à l’heure d’embarquement. Quelques mètres plus loin, elles sont ébahies de voir tout d’un coup que les portes s’arrêtent. Qu’est-ce que cela veut dire ? Où sont les autres portes d’embarquement ? Après quelques questions aux passants, elles sont affolées d’apprendre que la porte 85 se trouve à l’autre bout de l’aéroport. Si c’est ainsi, il est déjà tard ! Elles se croyaient presque arrivées. Elles courent aussi vite que leurs jambes peuvent les porter jusqu’au bon endroit et montent rapidement, juste pour apprendre que…

Il est trop tard !

Incrédules, elles regardent leur montre et la grande montre suspendue sur le mur. Elles ont encore deux minutes et demie ! Comment est-ce possible? Pourquoi ne les a-t-on pas appelées au haut-parleur? Comment ont-ils pu sortir avant l’heure prévue la voiture qui conduit à l’avion ? Pas de réponse…

« Sortez vos valises du tapis roulant ! leur demande sèchement une employée. Vous n’étiez pas là à temps, c’est trop tard. Vous pouvez acheter des billets pour le vol de ce soir, si vous voulez. »

Non, elles ne le veulent pas ! Ces billets sont beaucoup plus chers et il leur faudrait payer un supplément très important. Elles ne peuvent pas demander cela à leurs parents. Et de toute façon, de toute façon… recommencer à présent tout le processus de pesage des valises avec cette hôtesse épouvantable ? Elles n’en ont pas le courage.

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« Je n’arrive pas à croire que cela nous arrive » dit Rahel, les larmes aux yeux. Quelle déception ! Et c’est tellement injuste ! Il n’y a même personne chez qui se plaindre. « Vraiment ! Un avion de dix-huit personnes, et ils ne pouvaient pas attendre cinq passagers ? Ils ne pouvaient pas nous appeler au haut-parleur ? C’est ce qu’on fait toujours ! Sans cela, ils n’avaient pas le droit de sortir nos valises ! »

Myriam s’effondre sur la chaise la plus proche, les jambes tremblantes.

Deux camarades essaient de trouver une dernière possibilité. Mais rien à faire. La voiture a déjà quitté les lieux. Elles parlent gentiment à l’employée et lui expliquent la situation. Elle les comprend et se montre désolée, mais elle ne peut rien faire une fois la voiture partie. De plus, à présent, le retard est réellement important. L’employée espère que leur prochaine expérience avec leur compagnie sera meilleure. Des paroles, des promesses, mais rien de concret.

« Je fais un don à Koupat Ha’ir ! » dit Myriam en essayant de cacher ses larmes. C’est bête de pleurer pour une chose pareille, mais elle est si contrariée !

« Moi aussi, je fais un don » ajoute Rahel. « De toute façon, cela ne fera pas de mal. Ils nous enverront peut-être un avion privé… »

Quelques minutes passent pendant lesquelles elles se rappellent et se racontent quelques histoires de Koupat Ha’ir et essaient de reprendre courage. Peut-être trouveront-elles un trésor justement parce qu’elles n’ont pas réussi à monter dans l’avion ? Peut-être qu’une rencontre incroyable les attend ? Qui sait ? Elles se dirigent lentement vers les ascenseurs. Avant tout, elles doivent reprendre leurs valises. L’ascenseur n’arrive pas. Elles appuient plusieurs fois sur le bouton, entrent, et les portes se ferment.

De l’intérieur de l’ascenseur, elles entendent la voix d’un employé qui leur demande de revenir ! Elles arrêtent l’ascenseur presque de force et se mettent à courir.

« Il est peut-être encore possible d’arrêter l’avion ! leur dit-il. Attendez ici une minute. Ne partez pas. »

L’horloge suspendue montre que l’avion se trouve dans les airs depuis un bon moment. Dommage pour l’espoir qu’il a fait naître en elles…

Mais non.

« Où sont vos passeports ? Vous montez tout de suite ! Nous avons fait revenir la voiture ». Il prend les passeports et les tamponne. Il ne jette même pas un coup d’œil aux valises, et ne voit pas la demande de pesée supplémentaire.

« Rentrez vos valises à nouveau et montez ! »

Tremblantes d’émotion et de joie, les cinq camarades montent.

Elles ont écrit ensemble leur histoire, ces cinq amies qui ont vu de leurs yeux ce qu’un don à Koupat Ha’ir peut faire. Il n’est jamais trop tard. Si l’on a pu ramener pour elles la voiture à l’avion, retarder le vol et tout bouleverser, après la réception désagréable à laquelle elles ont été confrontées une demi-heure plus tôt, alors tout est possible. Tout est possible si l’on se souvient de faire un don à Koupat Ha’ir au bon moment, et si ce don est accepté avec agrément et amour au Ciel.

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Un problème de tension…

Au mois d’Août, la ville de Tsfat (Safed) accueille à bras ouverts les milliers de touristes qui affluent pour respirer son air frais et son atmosphère de sainteté. Ses étroites ruelles pavées sont encombrées par des vacanciers venus de tout le pays. Pour la famille F., Tsfat n’est pas une ville de villégiature mais une ville de supermarché, de station d’autobus et d’école. Ils y habitent toute l’année. Pourtant, comme la moitié des familles du pays, eux aussi font leurs valises et déménagent vers la vieille ville de Tsfat. Pour eux, la vieille ville est un style d’habitation un peu différent, c’est tout. Le départ n’est pas accompagné d’émotion et d’impatience. On déménage parce qu’il le faut.

Penina voudrait emporter toute la maison mais son mari Chlomo l’en empêche. « L’appartement de mon père est si petit qu’il n’y aura pas la place pour des cartons ! Ou si tu veux, les caisses dormiront dans l’appartement et nous, dehors ! » Penina remet à contre cœur une partie des affaires dans l’armoire. Bientôt, des locataires occuperont leur appartement pour quelques semaines de vacances alors qu’eux-mêmes iront habiter dans le minuscule appartement vétuste de son beau-père défunt. On ne peut pas dire qu’elle est enthousiaste, mais que ne fait-on pas pour une rentrée d’argent supplémentaire dont ils ont tant besoin. Chlomo essaie de détendre l’atmosphère et lorsqu’ils arrivent à la petite maison inoccupée depuis des années, il retrousse ses manches et commence à nettoyer.

Alors qu’il frotte, il sent un courant électrique passer dans l’eau. Au début, il est certain qu’il se fait des idées mais le courant passe de nouveau, et il recule.

« Au secours ! C’est dangereux ! s’écrie-t-il. Il y a de

l’électricité dans l’eau ! Je l’ai sentie deux fois ! »

Penina sort de la petite cuisine où elle préparait les repas de chabbat.

« Il y a de l’électricité dans l’eau ! C’est très dangereux! C’est vendredi, qu’est-ce qu’on va faire ?

– Peut-être qu’elle vient du chauffe-eau ? Si le problème est là seulement, nous trouverons peut-être une solution. »

Ils essaient un robinet après l’autre et se rendent compte que l’électricité passe partout. Chlomo téléphone à la compagnie d’électricité et sent que sa force intérieure est sur le point de l’abandonner. Louer leur appartement, emballer toutes leurs affaires, déménager jusqu’ici… Que va-t-il faire à présent ? Où peut-il amener sa famille ? Dans la rue? Un hôtel pour un chabbat avec toute sa famille lui coûtera presque autant que tout l’argent qu’il reçoit pour la location de trois semaines. Et encore, faut-il qu’il trouve de la place. Tsfat est bondée de touristes ce mois-ci…

« Baissez le fusible principal, celui de tout l’appartement » lui répond l’employé au téléphone. N’utilisez ni l’électricité ni l’eau. L’électricité vive, c’est un très grand danger ! Je vous envoie tout de suite une équipe d’urgence. »

Penina continue à sortir leurs affaires des valises et à organiser leur minuscule appartement. Il y avait à peine de la place pour bouger. Le vieux réfrigérateur, acheté au moins cinquante ans plus tôt, contenait moins que le quart de ce qu’une famille nombreuse comme la sienne a besoin mais de toute façon, un réfrigérateur sans électricité… On peut mettre les choses dans l’armoire à la place, cela revient au même.

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Des coups frappés à la porte les font sursauter. Un électricien en vêtement de travail jaune passe la tête par l’embrasure.

« C’est vous qui avez de l’électricité dans l’eau ? On m’a dit qu’il y avait de jeunes enfants ! C’est vendredi! On m’a fait marcher, on dirait ! »

Comme si on les avait appelés, tous les enfants se mettent en ligne.

« Nous avons assez d’enfants, Monsieur ? demande le petit Chemouel d’un air espiègle. Cela vous suffit ou vous en voulez encore ? »

Les yeux de l’électricien s’arrondissent d’étonnement et toute la famille éclate de rire. L’électricien remonte le bouton central et s’approche du robinet. Il propose aux enfants d’aller jouer dehors en attendant mais pas un seul ne bouge.

« Il y a bien de l’électricité, vous avez raison. »

Il vérifie d’un côté et de l’autre, enfonce ses outils dans plusieurs trous, observe, écoute, se concentre. Chlomo et Penina le regardent travailler et reprennent espoir. La montre avance sans arrêt. L’électricien se redresse. « Cette maison n’a pas de problème. Le problème se trouve dans un autre appartement de l’immeuble… Je vais tout de suite voir où. Je vais sortir, fermer l’arrivée d’eau et couper le courant. Quand le problème sera réglé, je rebrancherai.

– Vous allez le faire aujourd’hui ?

– J’espère. Vous devriez prier. »

L’électricien rassemble ses outils et sort en les laissant dans un appartement sombre, sale, privé d’eau et d’électricité.

« Je dois dire que tout cela correspond bien à cet endroit, souligne Léa, la fille aînée. L’eau courante et l’électricité conviennent à l’ère moderne…. Cet appartement appartient au Moyen-âge ».

Des bruits de dispute dans l’escalier les font se précipiter à la porte.

« J’ouvre pas ! J’ouvre pas ! C’est ma maison. Je connais pas vous ! Je sais pas quoi voulez ! »

Le vieux Russe qui habite l’appartement du dessus

se tient au seuil de sa porte et en refuse l’entrée. Sa voix résonne dans les escaliers, suivie d’un claquement de porte. L’électricien reste perplexe devant la porte. Il essaie de frapper une nouvelle fois mais le vieil homme n’ouvre qu’un interstice. L’entrée est protégée par une chaîne de sécurité.

« Partez ! Partez, ou j’appelle police ! Personne entrer dans maison de moi ! »

L’électricien regarde tour à tour le vieil homme et les parents F.

« Le problème vient de chez lui. Il ne me laisse pas entrer. »

Chlomo essaie de monter et de convaincre le vieil homme mais celui-ci est méfiant et refuse de collaborer. La porte restera fermée, un point c’est tout. Un voisin de l’immeuble explique que le vieux Russe n’a aucun contact avec qui que ce soit. Il ne sort de chez lui qu’une fois par semaine pour acheter quelques provisions.

« La police, c’est une bonne idée, dit l’électricien. Il se trouve en danger : le courant électrique passe dans l’eau chez lui aussi. La police le forcera à ouvrir, c’est son rôle. »

Personne n’a envie de recourir à la force. Le chabbat approche. Penina a terminé de cuisiner

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(heureusement qu’il y a du gaz… rien n’est plus évident à présent !) à l’aide d’eau minérale que Léa est allée acheter à l’épicerie. Mais personne ne sait comment passer le chabbat sans eau et sans électricité. Dans cet appartement vétuste et minuscule, cela semble un cauchemar.

Quelques heures passent et la seule chose qui bouge dans l’immeuble est la présence d’une voiture de police garée au bord du trottoir. Le policier décide d’attendre avant d’entrer de force dans l’appartement du locataire entêté. Penina est au bord des larmes.

« Chabbat commence dans une heure. La police est là, les électriciens aussi. Sans eau et sans électricité, qu’allons-nous devenir ? »

Chlomo se tait. Que peut-il dire ? Ses regards nerveux vers la montre n’ont aucun effet.

« Ce vieil homme, cela lui est égal de rester sans électricité et sans eau ? Peut-être qu’on les lui a coupés à lui aussi ? » Chlomo se parle à lui-même et sent la colère monter en lui.

« En Russie, il s’en est probablement passé toute sa vie, répond Léa. « Cela ne lui fait rien. Il a dit au policier qu’il ne réussira à entrer qu’en passant sur son cadavre. Au lieu qu’il ait peur du policier, c’est le policier qui a peur de lui ».

La famille est désespérée.

Chlomo descend parler à l’électricien. Dans une demi-heure, il faut allumer les bougies.

« Je ne pars pas, lui dit l’homme en tenue jaune citron. Je n’ai pas le droit de quitter une maison dans une situation pareille. C’est un danger de mort. Je reste là jusqu’à ce que le problème soit réparé. »

Chlomo voit la montre et décide : « Cent quatre-vingts chékels à Koupat Ha’ir. Je T’en prie, mon D. ! Fais que ce problème s’arrange ! »

Les mots émanent de sa bouche en cascade.

« Je ne sais même pas quoi Te demander. Bientôt chabbat ! Je ne veux pas qu’on transgresse chabbat pour nous. Je ne veux pas d’un chabbat sombre et déprimant comme celui-là. Mais j’accepte ce que Tu décideras pour nous. Je suis persuadé que tout est dans Tes mains, Tu peux tout faire. Peut-être qu’un don à la charité ouvrira devant nous les Portes du Ciel ? »

C’était un moment fort pour Chlomo, un moment de lien avec D. Quoi qu’il arrive, il est dans les mains de D. Tout est prévu d’avance ; rien n’est accidentel. C’est peut-être une épreuve qu’il fera de son mieux pour surmonter. Il se sent plus fort, plus détendu. La bulle de tension nerveuse éclate et il reprend le dessus.

Il voit l’électricien téléphoner de son portable. Une brève conversation, quelques minutes d’attente,

et une voiture apparaît au bout de la rue. Un technicien plus haut placé, en

vêtements de ville, est venu hors de ses heures de travail.

L’électricien lui raconte plus tard : « En réalité, d’après les règles, je n’avais pas le droit de l’appeler après ses heures de

travail. Mais quand j’ai vu votre angoisse, j’ai pris mon courage à

deux mains et je lui ai téléphoné.»

Le technicien haut placé écoute l’histoire en quelques mots, jette un coup d’œil au policier qui lit

son journal dans sa voiture et un autre au troisième étage où, à la

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fenêtre, le Russe est debout, le visage sévère. Il ouvre sa boite d’outils, touche à droite à gauche, et réfléchit profondément.

« Peut-être, oui peut-être, dit-il. Venez, on va essayer. »

Il sort plusieurs fils de l’armoire électrique, monte et descend quelques boutons, tourne de ci de là. Après quelques minutes de travail, il se redresse.

« J’ai coupé le troisième étage. L’électricité pour les autres appartements de l’immeuble est sûre pour l’instant. Si cet homme décide qu’il languit l’électricité, qu’il nous appelle et nous le rebrancherons.

– Vous méritez une médaille pour cette idée de génie ! s’exclame l’électricien. Comment avez-vous pensé à cela ?

– Je ne sais pas. Il est vrai que ce n’est pas une procédure habituelle. »

Il est en train de ramasser ses outils. En une minute, l’électricité et l’eau reviennent à l’appartement des F. Penina et Léa s’affairent aux derniers préparatifs. La voiture de police s’éloigne, suivie de la voiture blanche de la compagnie d’électricité. Seul le vieil homme reste à la fenêtre, à la lumière du soleil couchant.

« Comment ont-ils réussi à régler le problème ? » demande Penina qui n’a pas eu le temps de suivre les événements. Après l’allumage des bougies, elle pose la question qui pique sa curiosité.

« Cent quatre-vingt chékels à Koupat Ha’ir, et le problème a été réglé en dix minutes ! répond Chlomo, encore ému. Il y a des choses auxquelles on ne croit pas avant de les avoir vues. L’électricien a travaillé ici depuis dix heures du matin et le problème s’est arrangé dix minutes après que j’aie fait ce don. Tu comprends cela, toi ? Moi, non ! »

Non, et oui. Il a eu le mérite de s’associer au bulletin de Koupat Ha’ir, comme beaucoup d’autres qui n’y croyaient pas. Aujourd’hui, il y croit. Ceux qui y croient n’ont pas besoin de passer ce cauchemar:

ils font un don depuis le début.

« Soudain », l’électricien trouve le courage de téléphoner.

« Par hasard », l’électricien haut placé était disponible.

« Par un élan de générosité » il a accepté de venir.

« Avec une idée de génie » il a débranché le troisième étage seulement.

Nous, nous donnons un seul nom à tout cela : « la tsédaka à Koupat Ha’ir ».

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La tranquillité ou les

souffrances…Le médecin les mesure de son regard : un jeune père, une femme plus jeune encore, un bébé. Et à un moment si difficile…

« Il faudrait mieux que vous disiez à votre femme de rentrer chez elle pour s’occuper du bébé. Y a-t-il quelqu’un d’autre qui pourrait vous accompagner ?

Le jeune homme le regarde, affolé. Le visage du médecin ne révèle rien, mais ses mots en disent long.

– Pourquoi pensez-vous que quelqu’un doit m’accompagner ?

– Parce que vous devez aller de suite à l’hôpital, et que j’imagine que d’ici une heure ou deux, vous serez déjà dans la salle d’opération. »

Ils le regardent, les yeux écarquillés.

« C’est une question de vie ou de mort, madame. Vous comprenez ? Il doit absolument aller à l’hôpital, en urgence. Vous ne voyez pas ses douleurs ? Il arrive à peine à les supporter. »

C’était vrai. Après douze heures de douleurs terribles, presque intolérables, Mordekhaï pouvait à peine respirer. Il serrait les dents pour ne pas pousser de cris. Mais une opération ? Comment cette chose leur tombait tout d’un coup sur la tête ? Dans quelques heures, Yom Kippour allait commencer, et qu’allaient-ils devenir ? Hier, des douleurs incompréhensibles ont commencé et ils espéraient qu’elles partiraient aussi brusquement qu’ils étaient arrivés. Et maintenant, le médecin parlait d’opération !

Entretemps, le docteur tape le nécessaire à l’ordinateur et son imprimante projette toute une série de feuilles. « Quel hôpital préférez-vous ? demande-t-il ». Le jeune couple se regarde. A vingt-deux, vingt-trois ans, ils ne savent pas répondre à des questions importantes telles que l’hôpital à choisir.

« Bon, vous déciderez plus tard. Je vous donne les documents adressés aux deux hôpitaux qui entrent en ligne de compte. Si vous voulez y aller en taxi et pas en ambulance, n’attendez pas trop longtemps. Décidez et allez-y. Encore une chose : il ne faut rien manger, ni solide ni liquide, pour pouvoir entrer tout de suite en salle d’opération ».

Il n’est pas même capable de penser à boire ou à manger. Qui peut manger alors qu’il se tord de douleur ?

Paniquée, Esther téléphone à sa mère et sa sœur vient en courant chercher le bébé. Rav Hanania Tchollak, le célèbre conseiller médical qui aide bénévolement des milliers de malades, leur répond dès la première sonnerie du téléphone. Il écoute leur compte-rendu de la situation et leur dit à quel hôpital se rendre. Mordekhaï entre avec difficulté dans un taxi et se rend avec sa femme à l’hôpital.

Le temps passe… Dans la plupart des foyers, les gens prennent déjà le dernier repas avant le jeûne tandis qu’eux sont en route vers l’hôpital… Une hospitalisation pendant Yom Kippour, une opération pendant Yom Kippour : ils n’arrivent pas à avaler la pilule. Mordekhaï baisse la tête et laisse

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ses larmes couler. Les douleurs, l’effort pour se contrôler, la crainte qui lui serre le cœur, l’impuissance… tout cela ensemble l’inonde par vagues salées… Sa femme se mord les lèvres et fait un effort surhumain pour ne pas se mettre à pleurer elle aussi.

« Je pourrais vous emprunter votre portable une seconde ? » demande Mordekhaï au chauffeur. Ce dernier lui tend l’appareil sans un mot. Ce n’est pas tous les jours qu’il prend dans son véhicule un jeune couple dont le mari pleure sans arrêt. Qui sait quel malheur s’est abattu sur eux? Mordekhaï compose le numéro de Koupat Ha’ir. Sa femme l’entend citer son numéro de carte bancaire et se demande comment il réussit à se rappeler de tous ces chiffres.

« S’il vous plaît, je voudrais qu’on transmette mon nom à Rabbi ‘Haïm Kaniewsky, dit-il en pleurant. Qu’il prie pour moi tout de suite. N’attendez pas les prières pour tous les donateurs, plus tard dans l’après-midi ».

Il rend le portable au chauffeur sans ajouter un mot.

« Gmar ‘hatima tova, dit le chauffeur en regardant avec pitié le jeune homme en larmes. D. peut tout faire ! D. est grand, n’oubliez pas ! »

Secoué par les sanglots, Mordekhaï ne peut pas répondre. Sa femme compte les pièces et paie la course.

La salle des urgences est pleine de monde. Tant de gens attendent ! Quelle foule ! Il n’y a aucune chance de passer avant la fête. Impossible !

« De toute façon, il faut une opération… dit

Mordekhaï qui lit ses pensées. Tu as entendu ce que notre médecin a dit. C’est un très bon docteur.»

Dès que son mari parvient à prendre place sur un fauteuil, elle s’effondre sur une chaise. Ses gémissements ne lui échappent pas. Qu’est-ce que cette douleur ? Comment un homme en bonne santé peut-il être soudain pris de douleurs aussi fortes ? La queue avance lentement alors que les aiguilles de la montre filent sans s’arrêter. Mordekhaï n’a pas le droit de manger ; sa femme est incapable d’avaler quoi que ce soit. Mais bientôt, le jeûne va commencer. Que vont-ils devenir ? Leurs parents sont fous d’inquiétude mais ne peuvent rien faire de loin. Et qui peut quitter son domicile à un moment pareil ?

Un docteur d’un certain âge qui passe par là leur indique le chemin vers le service. « Il y a tellement de monde ici… Allez là-bas. Il y a un médecin. Cela ira plus vite. Vous êtes religieux, c’est dommage d’attendre. »

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Ils boitent jusqu’à l’endroit qu’il leur a indiqué.

Sérieux et attentif, le médecin du service procède à une série d’examens. Ils ont l’impression d’être en de bonnes mains, D. merci. Un docteur vif d’esprit, rapide, qui connaît bien son métier.

« Non ! Pas d’opération ! affirme-t-il. C’est une infection très forte et c’est pour cela que les douleurs sont si violentes, mais ce n’est pas plus que cela. Un bon antibiotique, par voie orale, pourquoi pas. Pas besoin d’intraveineuse. Il me semble que vous pouvez rentrer chez vous. »

Le médecin se lève et prépare lui-même un lit à Mordekhaï, pour qu’il puisse se reposer en attendant que ses papiers de sortie soient prêts. A cette heure tardive avant Yom Kippour, pas une infirmière en vue. Le couple se sent mieux dès qu’il a entendu qu’il pouvait rentrer chez lui. Il n’a pas saisi qu’un problème sérieux se dresse encore devant eux.

Les papiers en main, ils avancent lentement vers la sortie. Il ne reste que quarante minutes avant l’allumage des lumières. Les rues sont vides. La station de taxi est déserte. Mordekhaï peut à peine marcher. Comment pourrait-il rentrer chez lui à pied ?

« Nous avons fait un don à Koupat Ha’ir, grogne-t-il. On dirait que Rabbi ‘Haïm Kaniewsky a déjà prié pour moi. Tu vois que nous sommes sortis de l’hôpital par miracle. C’était vraiment imprévu. D. nous a aidés jusqu’à présent et Il nous aidera certainement encore.

– Fais encore un don à Koupat Ha’ir, dit sa femme.

– Qui sait si le bureau est encore ouvert ? répond Mordekhaï.

Il compose le numéro… et ils répondent ! Les téléphonistes restent sur place jusqu’à quelques minutes avant l’allumage.

« Je donne encore 180 chékels pour que nous puissions rentrer rapidement à Bnei Brak. »

Les mots sont encore dans sa bouche qu’une ambulance privée s’arrête près d’eux.

« Vous pouvez nous amener chez nous ? demande Mordekhaï, plein d’espoir.

Le chauffeur hoche la tête.

« Combien cela coûtera ?

– Le prix d’une ambulance, 560 chékels (environ 110

euros). Je ne suis pas un taxi ! »

Ils sont pris de court : le prix est très élevé. Ils n’ont

pas cette somme sur eux, ni chez eux. Que faire?

Aller frapper aux portes de leurs voisins pour

demander un prêt quelques minutes avant Yom

Kippour ? Et comment rendre une telle somme

ensuite ? D’un autre côté, transgresser le jour

saint? Que doivent-ils faire, que doivent-ils choisir?

Soudain, un homme non religieux s’approche

d’eux, l’air fâché.

« J’ai entendu ce que ce chauffeur d’ambulance

vous a répondu. Comment ? Il ne peut pas prendre

des passagers pour une fois sans leur faire payer

le prix exorbitant d’une ambulance ? Vous n’avez

pas besoin de tous ses appareils ! Venez avec moi,

je vais vous emmener gratuitement. Mais faites

vite, c’est bientôt Yom Kippour. »

Ils le regardent interloqués. Qui est-il ? D’où vient-

il? Comment a-t-il entendu leur conversation avec

le chauffeur ?

Mordekhaï se traîne jusque dans la voiture et sa

femme monte à l’arrière. « J’habite à Ramat-Gan,

c’est juste un petit détour » dit l’homme en voyant

leur soupir de soulagement. Ce n’est vraiment rien

pour moi. Je n’ai pas pu supporter la rapacité de ce

chauffeur ! »

Ils arrivent chez eux quelques minutes avant

l’allumage, mais ont le temps de vite manger

quelque chose avant le jeûne. Pleurer, ils ont

déjà pleuré autant qu’ils le pouvaient. Aller à la

synagogue, Mordekhaï n’en est pas capable de

toute façon.

A l’issue de Yom Kippour, lorsqu’ils sont un peu

remis de leurs émotions, ils se mettent à penser à

cet inconnu qui a surgi soudain de nulle part.

Rav ‘Haïm Kaniewsky a semble-t-il bien prié pour

eux… Et la force de la tsédaka a fait monter sa

prière tout en haut. Sinon, comment comprendre

une chose pareille ?

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Les bénévoles de Koupat Ha’ir réjouissent les enfants malades à l’hôpital Schneider, Pétah Tikva.

Koupat Ha’ir, c’est cette année:

670

7,000

700,000

opérations médicales.

familles secourues.

bons d’achat alimentaires.

350,000

200

3,500

vêtements distribués.

veuves et orphelins pris en charge.

soins dentaires gratuit.

125,000

180

maisons renovées.

colis alimentaires.

mariages offerts.

90

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En y repensant, ils n’arrivent pas à comprendre comment ils ont pu agir ainsi.

C’est vrai, c’était la veille de Souccot, la saison de la vente des loulavim et des étroguim. C’est pour lui une période de pointe grâce à laquelle il gagne sa vie pour toute l’année. Chaque client était important pour lui. Chaque homme qui s’arrêtait devant son stand et examinait sa marchandise, c’était un bénéfice potentiel. Chaque feuille de saule vendue, c’était du pain pour ses enfants. Quand la fête de Souccot commence, la porte des opportunités se ferme pour lui pendant une année entière.

C’est vrai, sa femme lui a téléphoné sans arrêt. Au début, elle lui a dit qu’il était tard, ensuite elle s’est énervée qu’il ne soit pas encore rentré. Quelques minutes plus tard, elle l’a supplié de revenir et a crié que c’était bientôt l’heure du début de la fête. Cinq minutes plus tard, elle lui a annoncé que dans une minute, elle et les enfants allaient ouvrir les valises et commencer à cuisiner, en renonçant à passer la fête chez ses parents comme ils l’avaient prévu. Deux minutes plus tard, elle s’est lamentée que même s’il arrivait maintenant, ils ne prendraient pas la route. Il lui a répondu chaque fois : « Oui, oui, j’arrive » et : « Descendez dans la rue avec les valises », puis : « Voilà, je suis au bout de la rue ». En fin de compte, c’est seulement après s’être précipité dans sa voiture en direction de sa maison, avoir fait monter tout le monde et avoir pris l’autoroute à la sortie de la ville qu’il a enfin jeté un coup d’œil à sa montre…

Ce qu’il a vu l’a glacé.

On est presque à l’heure de l’allumage des bougies… Beaucoup trop près de l’heure de l’allumage. Bientôt, ils effleureront la terrible interdiction de rouler en voiture le jour de la fête !

Il roule à toute vitesse et appuie de toutes ses forces

sur l’accélérateur. Sa femme tremble, ses enfants sont muets de peur. Il contrôle le volant avec une pleine concentration, sachant qu’il ne peut se permettre une seconde d’inattention qui mettrait sa famille en danger. Les routes sont relativement vides. Ils avancent très vite, le cœur battant, et pâlissent au fur et à mesure que le temps passe.

Dans le meilleur de cas, le trajet de Bnei Brak à Rehovot prend vingt-deux à vingt-cinq minutes. S’il n’y a pas d’incident, ils réussiront à arriver à temps, à la dernière minute avant l’allumage des bougies.

« Récitez des Téhillim ! » lance-t-il, désespéré, vers la banquette arrière. Ses yeux passent de la route face à lui au rétroviseur à une vitesse affolante (qu’il n’y ait pas de voiture de police maintenant, surtout !). Il se fait intérieurement des reproches acerbes pour ce retard qu’il aurait pu éviter, pour son insouciance stupide qui l’a poussé à prendre la route à une heure pareille, pour ne pas avoir fait demi-tour et être rentré à Bnei Brak depuis le début. A présent, la distance est presque la même dans les deux sens. Il poursuit sa route.

« Après la fête, nous devrons prendre une bonne résolution » parvient-il à penser. « Quelque chose qui remplacerait un sacrifice pour expier ma faute. Ce voyage est une faute, une faute terrible. Même si tout se termine bien, il était interdit de prendre la route à cette heure-là. »

Il prend un tournant – et un bouchon se profile devant lui.

Un bouchon, justement maintenant !

Impossible de décrire l’impuissance et le désespoir qui s’emparent de lui. Un bouchon, cela veut dire un retard et tout retard, même d’une minute, est critique. S’ils ne peuvent arriver à temps, ils devront

Une situation inextricable ?

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rester en bordure de la route !

Les voitures avancent lentement mais sûrement. L’idée futée de faire demi-tour et de se rendre au village le plus proche arrive, comme d’habitude, trop tard. Une longue file de voitures le suit si bien qu’il est impossible de faire marche-arrière.

« Les enfants, il faut prier ! » crie-t-il.

Sa femme ne dit pas un mot. « Personne ne croira quels moments terribles nous avons passé ici », pense-t-elle, recroquevillée sur elle-même. « Nous les méritons bien, d’ailleurs. En tous cas, la moitié de la punition, nous l’avons déjà reçue. »

Un mètre de plus, deux… La montre file alors qu’ils avancent comme des fourmis. Comment passe-t-on le jour de la fête en pleine brousse ? Que feront-ils sans soucca ? Les quatre espèces, ils les ont, mais une soucca ? Ils n’ont pas de bougies, pas de vin, rien. Ils dormiront dans la voiture, prieront sur le bas-côté... Leurs enfants sont si petits ! Que faire ?

« Promettons une somme à Koupat Ha’ir » murmure-t-elle.

« Un don pour quoi faire ? Pour que le soleil s’arrête ? Nous n’atteindrons pas le niveau de Yehochoua bin Noun même si nous faisons un don à Koupat Ha’ir !

– Un don pour arriver à un bon endroit avant la fête, un endroit où nous pourrons passer la journée de façon cachère.

– D’accord. »

Ils sont encore en train de traîner sur la route, un mètre en avant, un arrêt, un mètre en avant. Elle ne renonce pas et annonce une somme pour la charité, qu’il confirme. Ah ! Si seulement nous pouvions arriver à temps ! Si seulement la voiture avait des ailes, si seulement le temps s’arrêtait jusqu’à leur arrivée à Rehovot….

Il a emporté avec lui dans la voiture tout ce qu’il a gagné de la vente des loulavim et étroguim. Il s’agit d’une somme qui lui permettra de vivre pendant un an. Ils ne peuvent pas laisser une telle somme dans la voiture abandonnée et faire le chemin à pied ! Il faut absolument qu’ils arrivent à un lieu sûr pour la déposer en sécurité.

Plongé dans ses réflexions, il manque le tournant fatal vers Rehovot. A présent, il est sur l’autoroute et,

jusqu’à ce qu’il trouve une bretelle pour faire demi-tour, cela prendra un bon moment.

Un coup d’œil à sa montre. C’est tout. Plus aucune chance.

Ils arrivent devant l’étendue des dunes proche d’Achdod. Du sable à perte de vue. Cela lui rappelle l’histoire de Rav Ariel qui a dû passer un chabbat seul dans le désert. Un jour de fête derrière les dunes, sans même un arbre pour s’abriter. Du sable partout, à droite, à gauche ; des voitures devant et derrière eux…

« Combien tu as donné à Koupat Ha’ir ? » soupire-t-il du plus profond de son cœur. C’est lui le chef de famille, il est responsable de sa femme et de ses enfants. C’est lui qui les a mis dans cette situation. Elle s’abstient de lui rappeler les dizaines de coups de téléphone au cours desquels elle l’a supplié de rentrer. Il souffre déjà suffisamment.

N’a-t-elle pas réussi à ouvrir les Portes de la Miséricorde ?

Les enfants ne disent pas un mot. Ils ne se plaignent même pas de ne pas passer la fête avec leurs grands-parents. Ils sentent la tension qui règne dans la voiture et baissent la tête comme des moutons.

Soudain, voilà une intersection. La flèche indique « Bnei Darom » à droite et un centre d’études de Torah groupées avec un entraînement militaire (yéchivat hesder) à gauche.

« Nous allons à droite, à Bnei Darom. La yéchivat hesder est probablement vide ; les garçons sont rentrés chez eux pour la fête. Nous allons tourner à droite. Nous trouverons peut-être une famille qui pourra nous recevoir. »

Il met son clignotant à droite et attend que les voitures lui laissent la voie libre pour tourner vers Bnei Darom, vers une maison portant une mézouza, vers une famille religieuse, peut-être. Qui sont les

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La boutique de charité au cœur de Paris

à la mémoire de Méir ben Avraham Allouche ז״ל

habitants de Bnei Darom ? Il ne le sait pas. Peu importe. L’essentiel, c’est qu’il y a des Juifs.

Il est si affolé qu’au lieu de tourner à droite, il prend à gauche. Quand il se rend compte de ce qu’il a fait, il est atterré. A gauche se trouve la yéchivat hesder où il n’y aura sûrement personne avant la fête. Ils n’ont même plus le temps de faire demi-tour et de quitter les lieux. Que va-t-il encore leur arriver maintenant? Où aller ? Dans la cour des bâtiments vides pour y passer le jour de fête ? Ils roulent à toute allure sans prêter attention au grincement des roues sur l’asphalte. Les pneus vont s’abîmer ? Peu importe. On les remplacera après chabbat. A présent, il faut arriver, et vite.

« Où est ton don ? marmonne-t-il. Les choses se passent de mal en pis. »

Ils arrivent à la yéchivat hesder qui est supposée être fermée.

« Ah ! Bienvenue ! Bienvenue ! Venez, vite, vite, c’est l’heure d’allumer ! Vous nous raconterez plus tard. Descendez donc et prenez ce dont vous avez besoin pour la fête ! »

Une dame sort de la maison pour les aider, et ses filles emportent les valises et les enfants. La passagère court allumer les bougies déjà prêtes dans des bougeoirs. Leurs hôtes couchent le bébé dans un berceau aux draps propres. Est-il possible qu’ils étaient attendus ?

Une fois les bougies allumées, ils sont invités à s’assoir dans une magnifique soucca. Leurs aimables hôtes leur racontent que les invités qui devaient arriver chez eux pour la fête se sont décommandés à la dernière minute.

« Nous voulions tellement avoir des invités ! Une fête sans invités, ce n’est pas une fête pour nous. D. a entendu notre prière !

– Vous avez peut-être fait un don à Koupat Ha’ir pour que D. nous fasse arriver ici ? demande le vendeur d’étroguim. Il n’y avait aucune raison logique que nous venions justement ici !

– Où pensiez-vous aller ?

– Nous avions prévu d’aller à Rehovot mais nous sommes partis trop tard et j’ai manqué la bretelle de l’autoroute. Bnei Darom était le village le plus proche

mais je me suis trompé et j’ai tourné à gauche au lieu de tourner à droite.

– A Bnei Darom, vous auriez trouvé un peu plus de familles que celles qui passent la fête ici, dit l’homme en observant le chapeau de fourrure traditionnel de son invité. Mais… Mais je ne pense pas qu’il y a une famille chez laquelle vous vous seriez sentis à l’aise. Il n’est pas sûr que vous auriez trouvé des gens qui mangent la même cacherout que vous et qui ont une soucca parfaitement conforme à la halakha. Ici, au moins, vous pouvez prendre les repas de fête sans rien changer à vos coutumes. Chez nous, nous veillons à utiliser des aliments portant les meilleurs tampons de cacherout. Quel miracle que vous soyez arrivés ici!»

Quel miracle…

Ils s’apprêtaient à tourner à droite. Quel sentiment désagréable que d’arriver chez une famille qui n’avait pas prévu d’invités, que de ne pas manger ce qu’elle a préparé ou que de manger des choses qu’ils ne mangent jamais, faute de choix ! Et voici qu’ils étaient arrivés comme envoyés par le Ciel chez ces personnes qui espéraient tant avoir des invités, et qui avaient les mêmes habitudes qu’eux en matière de cacherout !

« Cela valait quand même la peine de faire un don ! dit l’invité en souriant à sa femme. Dis à Koupat Ha’ir que même si on est dans une situation inextricable, cela vaut la peine de faire un don. Même s’il est trop tard pour éviter la situation, un don peu toujours, avec l’aide de D., amortir le choc et aplanir les difficultés. »

Note :

Bien que nos protagonistes aient passé une fête extraordinaire en compagnie de leurs nouveaux amis, le marchand d’étroguim et son épouse ne prendront plus jamais la route s’ils sont en retard. Une fois leur a suffi pour toute la vie. Avec cette histoire qu’ils racontent sur les recommandations de leur Rav, ils ajoutent cette note…

Avec ou sans don, il est interdit de compter sur un miracle. Il est bon d’apprendre des erreurs qu’ont commise les autres pour ne pas connaître soi-même des expériences semblables, qui risquent de se terminer très différemment, physiquement comme spirituellement.

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Nouveau !!Nouveau !!La boutique de charité

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Les vêtements peuvent être déposés

Du Dimanche au Jeudi de 10h00 à 20h00 à l’adresse suivante :

16 Rue le Marois 75016 Paris

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Pour obtenir les autres bulletins déjà parus, vous pouvez téléphoner au :0800-525-523

ou consulter le site de Koupat Ha'ir:www.koupathair.com