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2 – 6 dĂ©cembre 2003 YAOUNDE

Rapport introductif de la session thématique

TRANSPORT ET MOBILITE URBAINE

Coordonné par la CODATU et la SITRASS

Xavier GODARD Conseiller scientifique Codatu, Sitrass, Cret-log

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Les dĂ©placements urbains sont une composante essentielle de la vie urbaine, nĂ©cessaire pour l’accĂšs aux diverses opportunitĂ©s qu’offre la ville : services urbains, emplois et Ă©changes sociaux, notamment pour la satisfaction des besoins essentiels que sont l’alimentation, l’éducation ou la santé  C’est la raison pour laquelle de plus en plus d’experts et de responsables considĂšrent que le transport urbain doit ĂȘtre intĂ©grĂ© dans les programmes de lutte contre la pauvretĂ©. Mais il convient de considĂ©rer tous les modes de dĂ©placement composant le systĂšme de transport urbain, sans se limiter au seul transport collectif mĂȘme si celui-ci doit jouer un rĂŽle essentiel. Il convient aussi de considĂ©rer tous les groupes sociaux. Les Etats Africains se sont surtout impliquĂ©s dans la mise en place de grandes sociĂ©tĂ©s d’autobus, en particulier dans les villes-capitales, mais la crise des annĂ©es 90 et les politiques d’ajustement ont accentuĂ© leur retrait, laissant la place au secteur artisanal. Le processus de dĂ©centralisation, appliquĂ© au secteur du transport Ă  un rythme et avec des modalitĂ©s variables selon les pays, conduit les villes Ă  s’impliquer davantage dans la gestion de la mobilitĂ© urbaine, ce qui pose la question des modalitĂ©s possibles d’intervention dans un contexte de faiblesse globale des ressources tant financiĂšres que humaines. Une nouvelle articulation doit ĂȘtre dessinĂ©e entre les villes et les Etats pour la conduite des politiques de mobilitĂ© urbaine. 1 Diagnostic sur la mobilitĂ© dans les villes sub-sahariennes Le diagnostic sur la mobilitĂ© urbaine est permis par une sĂ©rie d’enquĂȘtes et d’analyses menĂ©es dans certaines villes avec l’aide des bailleurs de fonds. Ces donnĂ©es sont souvent partielles, parfois fragiles, trop souvent anciennes alors que la situation Ă©volue rapidement avec le dĂ©veloppement urbain et la croissance soutenue des populations urbaines. Elles mĂ©ritent donc d’ĂȘtre renforcĂ©es et actualisĂ©es. Mais les donnĂ©es existantes ne sont pas nĂ©gligeables et sont trop souvent ignorĂ©es alors qu’elles permettent de cerner les conditions de mobilitĂ© des diffĂ©rents groupes sociaux. Les conditions de mobilitĂ© observĂ©es dans les villes africaines sont actuellement difficiles et coĂ»teuses Ă  la fois pour les usagers et pour la collectivitĂ©. La crise des conditions de circulation et de l’offre de transport collectif s’est amplifiĂ©e durant la derniĂšre dĂ©cennie. La faiblesse de la mobilitĂ© motorisĂ©e est alors compensĂ©e par un recours Ă©levĂ© Ă  la marche Ă  pied. La mobilitĂ© mĂ©canisĂ©e se caractĂ©rise par un niveau relativement faible, de l’ordre de 1 dĂ©placement par personne et par jour, parfois moins (0,8 Ă  Dakar selon la derniĂšre enquĂȘte-mĂ©nages en 2000). Ce niveau est plus Ă©levĂ© dans les villes dominĂ©es par les modes individuels Ă  base de deux roues, comme on l’observe en particulier Ă  Ouagadougou (de l’ordre de 2 dĂ©placements journaliers en moyenne) qui fait cependant figure d’exception. Mais cette mobilitĂ© motorisĂ©e est secondĂ©e par une forte mobilitĂ© Ă  pied dans la plupart des villes oĂč le recours Ă  un mode de transport est trop coĂ»teux pour le budget des mĂ©nages. La mobilitĂ© tend alors Ă  se centrer sur les seuls dĂ©placements de proximitĂ©, ce qui limite l’accĂšs Ă  la ville pour une proportion importante de la population. Lorsque la localisation des Ă©quipements permet une mobilitĂ© de proximitĂ© autour du quartier d’habitat, les temps de dĂ©placement demeurent modĂ©rĂ©s. Les dĂ©penses de transport reflĂštent cet arbitrage entre marche Ă  pied et mobilitĂ© motorisĂ©e. Elles se situent en moyenne autour de 10% des ressources des mĂ©nages dans les grandes villes d’aprĂšs diverses enquĂȘtes de budget-consommation, avec une variabilitĂ© de situations selon les villes et des prĂ©cautions Ă  prendre avec ces donnĂ©es en raison de biais possibles de ces

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estimations : les dĂ©penses de transport semblent nettement sous-estimĂ©es dans ces enquĂȘtes
 mais les ressources peut-ĂȘtre aussi.

Tableau 1 : Estimation des dépenses annuelles des ménages dans sept villes en 1996 (Unité : Fcfa) Ville Source

d’enquĂȘte DĂ©pense Totale milliards Fcfa

Taille ménage

Dépense Transport/ménage

DĂ©pense Transport /tĂȘte

% transport

Abidjan Uemoa 96 1,698 4,7 161 861 34 731 9,5 ENV 95 2,077 5,3 248 210 46 832 11,9 Bamako Uemoa 96 1,778 7,5 198 615 26 526 11,2 EBC 88-89 1,465 8,7 213 459 24 536 14,6 Cotonou Uemoa 96 1,297 4,9 126 906 26 095 9,8 ELAM 96 1,182 5,1 261 318 51 239 22,1 Dakar Uemoa 96 2,376 8,4 194 671 23 171 8,2 ESAM 94 2,310 9,2 153 196 16 652 6,6 LomĂ© Uemoa 96 0,943 4,0 78 686 19 916 8,3 EBC 87 1,004 5,0 104 558 20 912 10,4 Niamey Uemoa 96 1,350 6,3 159 897 25 517 11,8 EBC 89-90 1,181 7,8 171 203 21 949 14,5 Ouagadougou Uemoa 96 1,165 5,6 182 213 32 315 15,6 ESP 94 1,093 6,0 140 678 23 446 12,9 Source principale: Uemoa (1999) Note : les Ă©carts entre sources pour chaque ville viennent des diffĂ©rences de dĂ©finition des enquĂȘtes La mobilitĂ© urbaine arrive en seconde position derriĂšre l’alimentation dans certaines des villes, ou en troisiĂšme position aprĂšs les dĂ©penses de logement. C’est dire son importance potentielle dĂ©jĂ  enregistrĂ©e, malgrĂ© l’autorestriction d’une mobilitĂ© Ă©largie et le recours massif Ă  la marche Ă  pied. 2 Diagnostic sur l’offre de transport Le transport urbain dans les villes d’Afrique sub-saharienne est marquĂ© par la prĂ©dominance du secteur artisanal qui a supplantĂ© dans les annĂ©es 90 les entreprises structurĂ©es pour couvrir les besoins de mobilitĂ© motorisĂ©e. La question est posĂ©e depuis des annĂ©es de redĂ©finir un modĂšle d’entreprise mieux adaptĂ© au contexte des villes africaines. De nouvelles expĂ©riences vont dans ce sens. On observe une large domination du secteur privĂ©, sous ses diverses formes, avec cette distinction entre deux formes privĂ©es :

- les entreprises privées, soumises en principe aux rÚgles de gestion et de comptabilité sont peu présentes

- le secteur artisanal, plus souple par rapport aux normes de comptabilité, de paiement des impÎts ou de législation sociale, voire ne respectant pas du tout ces normes, est réellement dominant.

2-1 Le transport artisanal

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Le transport artisanal, souvent qualifiĂ© de transport informel (Ă  tort Ă  mon avis), se caractĂ©rise par une propriĂ©tĂ© atomisĂ©e et par un schĂ©ma dominant oĂč chaque propriĂ©taire confie son vĂ©hicule Ă  un Ă©quipage (chauffeur, receveur) qui doit rapporter chaque jour le montant d’une recette fixĂ©e Ă  l’avance. Les vĂ©hicules sont exploitĂ©s ensuite Ă  l’initiative des chauffeurs, avec une organisation plus ou moins dĂ©veloppĂ©e par ligne reposant le plus souvent sur des stations constituant le terminus de ligne, gĂ©rĂ©es par des syndicats de ligne. Le transport artisanal revĂȘt plusieurs formes si l’on considĂšre le cas des diffĂ©rentes villes ouest-africaines, selon la technologie et les modalitĂ©s d’exploitation utilisĂ©es. Ces formes peuvent parfois se cĂŽtoyer dans une mĂȘme ville :

- minibus, termes gĂ©nĂ©rique pour dĂ©signer ces vĂ©hicules de taille intermĂ©diaire dont la capacitĂ© est variable (de 15 Ă  40 places) : c’est le mode dominant dans la majoritĂ© des villes africaines, comme Bamako, Dakar Lagos, et dans une moindre mesure Ă  Abidjan ou Nairobi.

- taxis collectifs (capacité officielle de 4 places) : il joue un rÎle important dans des villes comme Abidjan, Dakar, Ouagadougou, ou Yaoundé.

- taxis-motos (un passager) : trÚs présent dans certaines villes comme Cotonou ou Lomé (il est alors le mode dominant), dans une moindre mesure à Douala, ou dans les villes nigérianes.

- taxi-vĂ©lo : on l’observe dans certaines villes (Ă  l’image du milieu rural) telles que Kampala, Kigali, Kisangani.

- modes Ă  traction animale : mode marginal peu prĂ©sent mais qui continue Ă  jouer un rĂŽle d’appoint Ă  la pĂ©riphĂ©rie d’une agglomĂ©ration comme Dakar

Tout en apportant une contribution essentielle Ă  la satisfaction des besoins de transport, le secteur artisanal occasionne selon les cas des coĂ»ts externes dĂ©noncĂ©s : pollution, congestion, accidents. De plus le faible niveau d’organisation conduit Ă  ce que les besoins ne soient pas bien satisfaits sur l’ensemble des agglomĂ©rations, et ils le sont parfois Ă  un coĂ»t Ă©levĂ© pour les usagers obligĂ©s d’utiliser deux voire trois modes pour un mĂȘme dĂ©placement, Ă©tant obligĂ©s de payer autant de fois le tarif. Cette activitĂ© du transport urbain dĂ©gage une rentabilitĂ© apprĂ©ciable pour les propriĂ©taires de vĂ©hicules pratiquant cette activitĂ© artisanale, et qui peuvent d’ailleurs ĂȘtre considĂ©rĂ©s plus comme des rentiers que comme des entrepreneurs. On observe Ă  Abidjan ou Bamako des durĂ©es de rĂ©cupĂ©ration du capital investi qui se situent entre un et deux ans. Une rentabilitĂ© plus faible serait observĂ©e Ă  Dakar, en raison d’un nombre moins Ă©levĂ© de rotations des vĂ©hicules. Cette rentabilitĂ© Ă  partir d’une mise de capital assez faible est permise par l’acquisition des vĂ©hicules d’occasion Ă  bas prix dopĂ©e par la libĂ©ralisation des Ă©changes. En contrepartie elle est cependant alĂ©atoire car soumise au risque de rupture (accidents, pannes) ou aux conflits avec l’équipage. 2-2 Les entreprises d’autobus, Ă©chec d’un modĂšle Les entreprises d’autobus ont connu une crise structurelle qui en a fait disparaĂźtre une grande partie, seules quelques entreprises ont survĂ©cu ou ont pu Ă©merger. Il en est ainsi des sociĂ©tĂ©s d’économie mixte qui ont disparu : Sotuc Ă  Douala et YaoundĂ© (1995), Sogetrag Ă  Conakry, Sotrac Ă  Dakar (1998).

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En Afrique de l’est l’entreprise publique UDA Ă  Dar Es Salam est moribonde depuis de nombreuses annĂ©es et on annonce sa privatisation. A Nairobi, l’entreprise publique Nbsc a Ă©tĂ© liquidĂ©e en 1997, sans avoir jamais pu jouer un rĂŽle important. Les causes d’échec sont multiples, combinant de nombreux facteurs dont l’importance varie selon les points de vue : trop de contraintes imposĂ©es par la tutelle, obligations de service public mal compensĂ©es, dĂ©faut de gestion, concurrence dĂ©loyale du secteur artisanal
 Au bout du compte c’est sans doute la rigiditĂ© d’une forme d’entreprise qui n’a pas su ou pas pu Ă©voluer lorsque son environnement Ă©voluait fortement. Cet Ă©chec a Ă©galement frappĂ© des entreprises privĂ©es, ce qui montre que le recours au secteur privĂ© n’est pas nĂ©cessairement une panacĂ©e : Tababus et Bamabus Ă  Bamako, Sotu Ă  Abidjan qui en fait n’a jamais dĂ©marrĂ© son activitĂ© faute d’autobus, Sotrao Ă  Ouagadougou. La majoritĂ© sinon la totalitĂ© des entreprises privĂ©es d’autobus a connu des Ă©checs dans la sous-rĂ©gion ouest-africaine. Ainsi dans le cas de Bamako, les deux entreprises d’autobus bĂ©nĂ©ficiant d’une concession n’ont pas pu maintenir leur activitĂ© au-delĂ  d’une pĂ©riode de 7 Ă  8 ans. CrĂ©Ă©e en 1992 la Sotraca dite Bamabus a connu d’emblĂ©e des difficultĂ©s de positionnement par rapport Ă  la concurrence pratiquant des tarifs plus faibles et plus adaptĂ©s au pouvoir d’achat. La dĂ©valuation du Fcfa a complĂ©tĂ© le dĂ©sĂ©quilibre financier de l’opĂ©ration. Des difficultĂ©s analogues sont rencontrĂ©es Ă  Ouagadougou avec l’arrĂȘt des activitĂ©s de la Sotrao dĂ©but 2002 avant la fin de son contrat de concession. Cette sociĂ©tĂ© avait Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 1996 Ă  partir du dĂ©mantĂšlement de l’ancienne entreprise publique. A Dakar c’est le projet de concession du rĂ©seau urbain avec appel d’offre international qui n’a finalement pas pu aboutir pour des questions de difficultĂ©s de partage des risques entre autoritĂ©s et concessionnaire, dans un contexte de maintien de concurrence avec le secteur artisanal sur les lignes concĂ©dĂ©es. On peut aussi se demander si les coĂ»ts de gestion des grands groupes internationaux de transport sollicitĂ©s ne sont pas un obstacle Ă  leur implication dans les villes africaines, dans la situation Ă©conomique actuelle. 2-3 Adaptation et tentatives pour de nouvelles entreprises De nouvelles tentatives sont en gestation pour provoquer un renouveau du transport collectif organisĂ© : c’est notamment la mission de la nouvelle Union Africaine des Transports Publics (UATP) qui vient de se crĂ©er. Face aux difficultĂ©s d’une privatisation totale on observe le maintien de certaines formes d’économie mixte oĂč l’Etat garde donc une part du capital (Sotra Ă  Abidjan), parfois Ă  titre transitoire (Dakar Dem Dik Ă  Dakar, projet de Sotraco Ă  Ouagadougou) : l’Etat marque ainsi sa volontĂ© d’appuyer l’existence de ces entreprises le temps que le secteur privĂ© puisse s’y impliquer totalement
 Reste Ă  savoir si cette perspective d’une privatisation totale est rĂ©aliste ou illusoire. La Sotra d’Abidjan a rĂ©ussi Ă  se maintenir avec un parc significatif de 500 bus environ, tout en enregistrant cependant une diminution significative de sa part de marchĂ©. Le projet de sa privatisation est affichĂ© depuis plusieurs annĂ©es mais l’échĂ©ance en est repoussĂ©e Ă  des temps

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plus stables. La premiĂšre condition est d’ailleurs l’assainissement financier de l’entreprise, Ă  quoi s’emploie la direction actuelle. KBS Ă  Nairobi a rĂ©ussi Ă  Ă©voluer sur des bases adaptatives. Elle appartenait Ă  un groupe international, Stage Coach, qui a cĂ©dĂ© ses parts Ă  des investisseurs nigĂ©rians en 1998. Ceux-ci ont procĂ©dĂ© Ă  une restructuration des activitĂ©s en confiant Ă  une nouvelle entreprise sous contrat, Bus Track, l’exploitation des lignes urbaines. Cette entreprise est formĂ©e d’anciens employĂ©s de KBS qui ont des modalitĂ©s de gestion plus dĂ©centralisĂ©es. Elle exploite de vieux vĂ©hicules reconditionnĂ©s (parc de prĂšs de 240 bus), sur des lignes reconcentrĂ©es, certaines des anciennes lignes de KBS ayant Ă©tĂ© abandonnĂ©es aux seuls minibus artisanaux matatus. Quant Ă  elle KBS a lancĂ© un nouveau service de minibus de haute qualitĂ© de service, avec un parc d’une trentaine de vĂ©hicules de 33 places assises. Dans ce contexte difficile pour toutes les entreprises, l’entreprise publique Anbessa Ă  Adis Abeba fait figure d’exception, avec une flotte de 415 vĂ©hicules dont une majoritĂ© de vĂ©hicules de fabrication rĂ©cente. Entreprise Ă©tatique Ă  l’origine, elle a Ă©tĂ© rĂ©cemment transfĂ©rĂ©e Ă  la MunicipalitĂ©. Sa fonction est de maintenir une offre accessible aux pauvres, de sorte qu’elle bĂ©nĂ©ficie de financements publics consĂ©quents. Le bilan reste Ă  faire de son efficacitĂ©. D’autres entreprises crĂ©Ă©es rĂ©cemment expriment la volontĂ© de redynamiser un secteur du transport public organisĂ©, mais elles peinent encore Ă  trouver leur place et Ă  jouer un rĂŽle majeur, Dakar Dem Dikk a dĂ©marrĂ© son activitĂ© en 2001 grĂące au portage de l’Etat, avec un parc de vĂ©hicules d’occasion (160 en 2003, mais la moitiĂ© environ exploitĂ©s effectivement), en desservant l’ensemble de l’agglomĂ©ration suite aux demandes politiques. Elle cherche avec difficultĂ© une recapitalisation pour pouvoir acquĂ©rir des vĂ©hicules neufs et pour pĂ©renniser son activitĂ©. A Douala, la nouvelle entreprise privĂ©e Socatur exploite en 2003 une soixantaine de bus tout en prĂ©voyant d’accroĂźtre son parc. Elle le fait dans des conditions difficiles, notamment du fait de la voirie trĂšs dĂ©gradĂ©e. Elle ne couvre qu’une part minoritaire des besoins de transport pour cette ville multimillionnaire. Elle est contrainte pour l’instant de s’écarter du cahier des charges qui avait Ă©tĂ© Ă©laborĂ© lors de l’appel d’offre de concession. L’une des difficultĂ©s institutionnelles est le positionnement d’une sorte de double tutelle pour cette entreprise. En fait la concession a Ă©tĂ© gĂ©rĂ©e au niveau Ă©tatique du MinistĂšre des Transports tandis que la CommunautĂ© Urbaine devrait s’impliquer logiquement sans en avoir le pouvoir formel. 2-4 Globalement un dĂ©ficit d’offre de transport ? Les villes africaines connaissent une variĂ©tĂ© de modes de transport collectif Ă  leur disposition pour assurer la mobilitĂ©. On a vu que l’exploitation artisanale a tendance Ă  monopoliser le secteur, avec des effets Ă  la fois positifs sur les facilitĂ©s de dĂ©placements et l’emploi et des effets externes nĂ©gatifs (pollution, congestion, accidents
) Rares sont en revanche les villes avec une entreprise d’autobus de taille suffisante, malgrĂ© diverses tentatives rĂ©centes, notamment municipales. Certaines villes tĂ©moignent Ă©galement d’une forte dynamique des deux-roues utilisĂ©s parfois pour le transport public.

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Tableau 2 : Offre de transport urbain motorisé

ABIDJAN 1996

COTONOU 1996

LOME 1996

OUAGA- DOUGOU

1996

DAKAR 1998

Milliers d’unitĂ©s Parc Total Parc Total Parc Total Parc Total Parc Total Modes individuels moto privĂ©e (2 places) voiture particuliĂšre (5 places) Sous-total modes individuels Modes accessibles au public moto-taxi (1 place) taxi individuel (4places) taxi collectif (4 places) microbus (9 Ă  14 places) minibus (15 Ă  50 places) autobus (plus 70 places) bateau-bus (100 places) train urbain (180places/voit.) Total places transport public Total Places tous modes

nd

110

0 6,8 3,1 2,8 0,6 0,7

0,02 0

nd

550

0 27,3 12,3 50,4 20,8 68,4 1,8 0

181 731

45,4 30,5

76

30,3 0

1,4 0,1 nd N 0 0

91

152

243

30,3 0

5,6 1,3 nd 4,6 0 0

41,8 285

93,3 16

109,3

11,4 0,6 1,7 2,4 0 0 0 0

186,6 80,5

277

11,4 2,6 6,8

21,6 0 0 0 0

42,4 320

224 16,3

240

0 N

0,9 0

0,01 N 0 0

448 81,8

530

0 0,1 3,7 0

1,4 2,5 0 0

7,7 538

nd

23,6

23,6

0 4,3 0,3

4 N N N

nd

118

118

0 17,2 1,4

120

6 0,5 7,6

153 271

Places offertes en transport public /1000 habitants

72 70 38 10 68

Places offertes en transport motorisé /1000 habitants

295

369

199

413

122

N : NĂ©gligeable Nd : non disponible DonnĂ©es tirĂ©es de Sitrass (2000), avec quelques ajustements Au bout du compte la question se pose d’un dĂ©ficit d’offre de transport, dans la mesure oĂč les besoins de dĂ©placements sont mal satisfaits. Les parcs d’autobus et de minibus sont sans doute assez faibles, mais ils sont quand mĂȘme consĂ©quents dans certaines villes, surtout si l’on tient compte des taux bas de mobilitĂ© qui rĂ©duisent la demande de dĂ©placements motorisĂ©s. Mais il faut se demander si ce dĂ©ficit d’offre ne vient pas davantage des conditions d’utilisation des vĂ©hicules (congestion, attente aux stations) que des parcs proprement dits qui pourraient ĂȘtre suffisants si les vĂ©hicules Ă©taient tous en bon Ă©tat de marche. 2-5 Des consĂ©quences nĂ©gatives non maĂźtrisĂ©es Le systĂšme de mobilitĂ© urbaine tel qu’il fonctionne actuellement et tel qu’il se dĂ©veloppe entraĂźne des coĂ»ts et nuisances importants pour la collectivitĂ©. Il importe d’en prendre conscience et de discerner en quoi les collectivitĂ©s territoriales peuvent s’impliquer dans cette maĂźtrise des coĂ»ts externes.

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La congestion est enregistrĂ©e dans toutes les villes Ă  des degrĂ©s divers. Elle est due Ă  une combinaison de facteurs liĂ©s Ă  la capacitĂ© de la voirie, Ă  son mauvais entretien, au dĂ©bordement d’activitĂ©s Ă©conomiques sur les trottoirs et sur la voirie-mĂȘme dans les zones denses, au comportement des chauffeurs, notamment ceux du transport artisanal qui s’arrĂȘtent en bloquant une file pour charger ou dĂ©charger leur clients. Les communes doivent alors intervenir sur la gestion de la voirie pour amĂ©liorer la fluiditĂ© de trafic. La sĂ©curitĂ© routiĂšre relĂšve essentiellement de la mission de l’Etat, qui doit faire un effort particulier en milieu urbain en raison de l’importance des flux de vĂ©hicules qui s’y produisent et des accidents que l’on y enregistre, en particulier pour les piĂ©tons. Les statistiques sont souvent dĂ©faillantes, mais ce sont plusieurs centaines de morts qu’il faut compter dans les grandes agglomĂ©rations africaines. Les communes doivent ĂȘtre associĂ©es aux efforts que peut dĂ©ployer l’Etat Ă  cette fin. Elles seules peuvent procĂ©der aux amĂ©nagements appropriĂ©s de voirie et aux mesures de gestion de la circulation, mais cela suppose naturellement une concertation pour la voirie nationale qui dessert les villes. La pollution atmosphĂ©rique, dont l’enjeu est essentiel pour la santĂ© en milieu urbain mais dont le chiffrage du coĂ»t est controversĂ©, dĂ©pend en premier lieu des types de vĂ©hicules en exploitation, dont le contrĂŽle relĂšve de l’Etat, et de leurs conditions d’exploitation, sur lesquelles les communes doivent s’impliquer Ă  travers la gestion de la circulation. On sait que la pollution dĂ©pend aussi de l’équilibre entre les modes qui assurent la mobilitĂ© urbaine, de sorte qu’il faut agir aussi de façon globale. Mais l’action est complexe dĂšs lors que l’on touche aux activitĂ©s Ă©conomiques et Ă  l’emploi, comme c’est le cas avec les taxi-motos. 3 ComplĂ©ment sur la situation dans le Nord de l’Afrique Un certain nombre d’élĂ©ments relevĂ©s dans les villes subsahariennes se retrouvent dans les villes du nord de l’Afrique, oĂč l’Etat est historiquement trĂšs fort mais oĂč l’on rencontre des situations trĂšs variables selon les villes. En particulier la Tunisie fait figure d’exception par le poids qu’elle a continuĂ© de donner Ă  ses entreprises publiques. On relĂšvera simplement quelques grands traits.

- Crise des entreprises de transport public, qui touche Ă  la fois les entreprises publiques (liquidation annoncĂ©e de la RĂ©gie publique Ratc de Casablanca aprĂšs des annĂ©es de crise structurelle, Ă©tat dĂ©gradĂ© de l’Etusa Ă  Alger devant bĂ©nĂ©ficier de nouveaux plans de refinancement par l’Etat) et certaines entreprises privĂ©es (les sociĂ©tĂ©s privĂ©es marocaines qui peinent Ă  assurer les dessertes prĂ©vues dans les contrats de concession Ă  Casablanca ou Ă  Rabat)

- Importance du secteur artisanal, dominant Ă  Alger (minibus, fourgonnettes) Ă  Casablanca (grands taxis collectifs) ou au Caire (shared taxis, en fait des minibus), ou prĂ©sent dans d’autres villes algĂ©riennes (sous la forme de taxis ou de transport clandestin tolĂ©rĂ©)

- Processus lent de dĂ©centralisation, avec des projets d’autoritĂ© organisatrice qui n’ont pas pu aboutir.

- Crise globale des transports collectifs qui perdent peu Ă  peu leur poids par rapport Ă  la voiture particuliĂšre dont la possession et l’usage se dĂ©veloppent rapidement.

4 Le dilemme toujours renouvelé des tarifs accessibles et des coûts du transport

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Les dĂ©penses de transport reprĂ©sentent en moyenne, comme on l’a vu, autour de 10% des dĂ©penses de consommation des mĂ©nages, avec des situations variables entre villes, entre groupes sociaux. L’usage rĂ©gulier de modes motorisĂ©s implique des taux de dĂ©penses qui deviennent insupportables pour la majoritĂ© des mĂ©nages, qu’ils soient pauvres ou proches du seuil de pauvretĂ©. La diminution ou la maĂźtrise des coĂ»ts de transport paraĂźt alors une nĂ©cessitĂ© passant par des gains de productivitĂ© et d’organisation du secteur. 4-1 Les interrogations sur le lien entre pauvretĂ© et mobilitĂ© urbaine La mobilitĂ© urbaine pour tous oblige Ă  se prĂ©occuper d’abord des conditions de mobilitĂ© des plus dĂ©munis, dont le pouvoir d’achat trop faible exclut l’usage rĂ©gulier des modes de transport motorisĂ©s, ceux que l’on appelle les pauvres urbains et qui constituent une part importante des populations urbaines du monde en dĂ©veloppement. La rĂ©duction de la pauvretĂ© est prĂ©sentĂ©e par de nombreuses agences de dĂ©veloppement comme le but principal des politiques de dĂ©veloppement. La Banque mondiale qui joue un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans la production de doctrine dans ce domaine en a fait son but principal, et c’est bien ce thĂšme qui structure son document de politique sectorielle de transport urbain conçu en 2000 et finalisĂ© en 2002. Cette prĂ©occupation n’est pas nouvelle sur le plan international mais l’une des difficultĂ©s qui demeure est Ă©videmment la dĂ©finition correcte de la pauvretĂ© et du pauvre urbain. On est passĂ© d’une vue restrictive reposant sur le revenu par tĂȘte (combien de personnes n’ont pas plus d’un dollar par jour pour vivre ?) Ă  une vision plus complexe de la pauvretĂ© intĂ©grant plusieurs dimensions telles que : - DĂ©veloppement humain (scolaritĂ©, santé ) - AccĂšs aux services et opportunitĂ©s essentiels, tels que Ă©ducation, emploi etc. - RĂ©seau de relations sociales ou capital social - CapacitĂ© Ă  s’exprimer collectivement Cela montre bien l’importance d’une approche transport qui se rĂ©fĂšre Ă  l’accessibilitĂ© Ă  la ville, et aux conditions d’accĂšs aux services urbains dans une approche globale des conditions de subsistance en milieu urbain et pĂ©ri-urbain. Si l’on s’en tient la dimension monĂ©taire, les Ă©carts de situation entre les groupes sociaux, reprĂ©sentĂ©s par les quintiles allant du plus pauvre au plus riche, sont trĂšs rĂ©vĂ©lateurs des diffĂ©rences de pratiques de mobilitĂ©. Le tableau suivant illustre deux cas de villes, l’une Dakar reposant surtout sur du transport public, l’autre, Ouagadougou, reposant sur transport individuel en deux roues.

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Tableau 3 : DĂ©penses en transport par quintile Ă  Dakar et Ouagadougou

1er Quintile 2e Quintile 3e Quintile 4e Quintile 5e Quintile Ensemble % du transport

Dakar 5,3 4,5 4,5 5,7 10,7 8,2 Ouagadougou 5,9 9,7 11,9 13,7 21,8 15,6

FCFA/mois*

Dakar 3 000 5 000 7 300 14 800 61 200 16 200 Ouagadougou 2 100 6 100 9 900 14 700 43 400 15 200

1er Quintile = base 1 Dakar 1 1,7 2,4 4,9 20,4 5,4 Ouagadougou 1 2,9 4,7 7,0 20,7 7,2

* 100 FCFA=1 FF, 100 FCFA ~ 0,20 US$ Source : EnquĂȘtes UEMOA 1996

L’importance de la marche explique alors que les dĂ©penses effectives de transport soient maĂźtrisĂ©es Ă  un niveau supportable en moyenne. Mais le recours Ă  une mobilitĂ© motorisĂ©e, au moins partiellement, apparaĂźt une nĂ©cessitĂ© pour sortir du cercle vicieux de la pauvretĂ©. 4-2 Tarifs et coĂ»ts de production du transport urbain Les tarifs du transport urbain se situent gĂ©nĂ©ralement dans la fourchette de 100 Ă  200 Fcfa, soit 0,15 Ă  0,30 Euros. On sait que ce niveau de tarif rend le transport inaccessible aux personnes dont le revenu est au niveau du salaire minimum, autour de 30 000 Ă  40 000 Fcfa, avec lequel il faut faire vivre une famille. L’amĂ©lioration de cette situation passe alors notamment par une pression Ă  la baisse sur les tarifs et donc sur les coĂ»ts de production. Les analyses de coĂ»t sont complexes en raison du partage des recettes entre divers intervenants. Les gains de productivitĂ© pourraient sans doute ĂȘtre obtenus sur certains postes de dĂ©penses :

- limitation des péages policiers - maßtrise des dépenses de carburant (réglage des moteurs) - limitation ou modulation du coût de « location » des véhicules (recette journaliÚre du

propriĂ©taire) liĂ©e au financement de l’achat du vĂ©hicule - 


Ils pourraient ĂȘtre obtenus Ă©galement par une meilleure exploitation des vĂ©hicules :

- accroissement de la vitesse commerciale, avec des mesures de circulation adaptĂ©es - rĂ©duction du temps d’attente aux stations, avec des mesures de rĂ©gulation diffĂ©rentes - plus grande discipline du chargement des passagers aux seules stations et arrĂȘts - limitation du taux d’immobilisation par une maintenance appropriĂ©e et un

rajeunissement des parcs En fait la pression pour des coĂ»ts rĂ©duits de production du transport conduit les opĂ©rateurs Ă  recourir presque exclusivement Ă  des vĂ©hicules d’occasion. Cette pratique a Ă©tĂ© enregistrĂ©e depuis de nombreuses annĂ©es par les opĂ©rateurs artisanaux, elle a Ă©tĂ© Ă©tendue par les entreprises au milieu de la dĂ©cennie 90 lorsque la crise qui les frappait s’est accentuĂ©e. Les coĂ»ts d’achat sont fortement diminuĂ©s, ce qui permet finalement une rentabilitĂ© intĂ©ressante si l’on accepte des durĂ©es de vie rĂ©duites des vĂ©hicules. Cette pratique d’achat massif de

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vĂ©hicules d’occasion venant d’Europe est fortement controversĂ©e, parfois sur le plan Ă©conomique (coĂ»ts d’exploitation et d’entretien plus Ă©levĂ©s) et surtout sur le plan de la sĂ©curitĂ© (mauvais Ă©tat des vĂ©hicules) et de l’environnement (vĂ©hicules polluants). Mais on peut se demander s’il ne conviendrait pas alors, plutĂŽt que d’interdire ces importations, de trouver des modalitĂ©s de contrĂŽle efficaces de l’état des vĂ©hicules, ce qui est du ressort de l’Etat, les villes ne pouvant guĂšre intervenir Ă  ce niveau. 5 La mobilisation des villes dans la gestion de la mobilitĂ© urbaine Le processus de dĂ©centralisation est en cours dans les villes africaines, mais il en est Ă  des stades diffĂ©rents selon les pays et les villes capitales. Certains pays ont engagĂ© un tel processus depuis plus d’une dizaine d’annĂ©es, il s’agit par exemple de la CĂŽte d’Ivoire et du SĂ©nĂ©gal. D’autres pays connaissent un processus plus rĂ©cent tels que notamment le BĂ©nin, le Mali et le Burkina Faso. Selon l’étude exploratoire menĂ©e par Sitrass, les collectivitĂ©s locales africaines Ă©taient jusqu’alors pour la plupart peu impliquĂ©es dans la gestion de la mobilitĂ© urbaine, intervenant en partie sur les rĂ©seaux de voirie mais ayant tendance Ă  laisser Ă  l’Etat son rĂŽle historique de tutelle du transport urbain. Cette situation Ă©volue Ă  la faveur du processus de dĂ©centralisation, du dĂ©sengagement Ă©tatique du secteur, et de la prise de conscience de l’enjeu essentiel d’un systĂšme de dĂ©placements efficace. 5-1 La premiĂšre composante d’intervention des municipalitĂ©s : la voirie La premiĂšre prioritĂ© des collectivitĂ©s dans le champ de la mobilitĂ© urbaine concerne le rĂ©seau de voirie, et Ă©ventuellement les mesures de circulation, avant que les collectivitĂ©s locales puissent s’intĂ©resser Ă  la maĂźtrise de l’offre de transports collectifs. Les collectivitĂ©s gĂšrent la voirie communale, et assurent dans plusieurs cas l’entretien de la voirie nationale sur la partie urbaine. Les opĂ©rations de voirie, investissement, entretien, amĂ©nagement, impliquent le plus souvent la Ville, l’Etat et les bailleurs de fonds de sorte que la question de la maĂźtrise d’Ɠuvre est posĂ©e avec des schĂ©mas de partage des responsabilitĂ©s qui restent Ă  amĂ©liorer. L’expĂ©rience de la Ville de Cotonou tĂ©moigne d’une montĂ©e en puissance de son implication dans les projets de voirie urbaine, financĂ©s par les bailleurs de fonds mais aussi parfois sur son propre budget. Au-delĂ  de la construction et l’entretien de la voirie, la question de la gestion de cette voirie est posĂ©e aux municipalitĂ©s, qui s’engagent dans des mesures de circulation. Le premier stade est la mise en place de feux de signalisation aux carrefours, et la gestion de leur entretien. Mais les stades suivants concernent la hiĂ©rarchisation de la voirie et son traitement diffĂ©renciĂ© selon les modes de transport, l’organisation du stationnement. En complĂ©ment Ă  ces mesures, certaines villes ont pu se doter d’une police municipale tandis que d’autres ont des accords spĂ©cifiques avec la Police nationale pour les interventions de contrĂŽle liĂ©es au transport et Ă  la circulation dans la ville. 5-2 Une approche du transport qui demeure rĂ©duite

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Le domaine du transport est encore peu couvert par les Villes, qui ont donnĂ© la prioritĂ© de leur action Ă  d’autres domaines prioritaires de la gestion urbaine : planification urbaine, habitat, services urbains du type ramassage des ordures mĂ©nagĂšres, Ă©clairage public... L’intervention des Villes sur le transport s’exerce souvent sur un domaine particulier et sensible : les gares routiĂšres, qui assurent le plus souvent l’interface entre transport urbain et interurbain. Elle s’exerce Ă©galement par rapport Ă  l’activitĂ© de taxi (taxi-compteur, taxis collectifs, taxi-motos) surtout Ă  travers la dĂ©livrance des autorisations et la perception des taxes liĂ©es Ă  cette activitĂ©. Le montant des taxes perçues peut d’ailleurs ĂȘtre une source de recettes non nĂ©gligeables pour le budget communal. Mais le secteur transport est alors vu comme un pourvoyeur de recettes plus que comme un secteur Ă  organiser au bĂ©nĂ©ficie de la mobilitĂ© de la population. Il est rare que les collectivitĂ©s aient les moyens d’orienter une organisation plus poussĂ©e du secteur, qui relĂšve de l’intervention de l’Etat. 5-3 Des tentatives pour susciter l’émergence d’entreprises d’autobus Enfin les villes commencent Ă  dĂ©velopper des actions pour susciter ou encadrer l’émergence d’entreprises d’autobus lorsque l’offre de transport leur paraĂźt insuffisante. Parmi les cas de villes « secondaires », on peut citer Ă  titre d’exemple l’initiative de la Ville de BouakĂ©, avant que la crise politique gĂšle ce projet en 2002. Ces actions semblent nĂ©cessairement rĂ©alisĂ©es avec le concours de l’Etat, directement ou indirectement, lorsqu’il s’agit des villes-capitales : c’est une clef de leur succĂšs potentiel mais cela peut aussi constituer une difficultĂ© dans le partage des responsabilitĂ©s. On enregistre par exemple l’implication de la Ville de Ouagadougou dans le projet de la nouvelle entreprise d’autobus en cours de crĂ©ation en 2003 avec l’aide de l’Etat ou celle de la Ville de LomĂ© pour un tel projet qui n’arrive cependant pas Ă  Ă©merger. Les communes de l’agglomĂ©ration de Dakar sont Ă©galement appelĂ©es Ă  entrer au capital de Dakar Dem Dik mais leur manque de ressources est un obstacle pas encore rĂ©solu. Il s’agit lĂ  d’un nouveau rĂŽle pour lequel les villes ne sont pas encore bien armĂ©es, mais qui devrait se renforcer avec la crĂ©ation de services circulation et transport au sein des services communaux. 5-4 La coopĂ©ration dĂ©centralisĂ©e, une ouverture pour les villes qui reste Ă  cadrer Avec l’implication progressive des villes dans la gestion de la mobilitĂ© urbaine, on enregistre des signes de coopĂ©ration dĂ©centralisĂ©e qui peuvent concerner la voirie et la circulation mais aussi les transports collectifs, complĂ©tant des actions plus traditionnelles sur des secteurs tels que la gestion des dĂ©chets et le ramassage d’ordures mĂ©nagĂšres. Au premier degrĂ© de la coopĂ©ration dĂ©centralisĂ©e on enregistre des dons de quelques autobus souvent dans des conditions de pĂ©rennitĂ© douteuses si les structures d’exploitation adaptĂ©es ne sont pas mises en place prĂ©alablement : les villes fourmillent d’exemples d’échecs de ces dons d’autobus. C’est pourquoi par exemple le Sytral de Lyon s’engage dans une approche visant aussi Ă  la formation de personnel et Ă  la mise en place d’entreprises viables. D’autres opĂ©rations de coopĂ©ration dĂ©centralisĂ©e peuvent concerner l’assistance Ă  la conception de nouveaux systĂšmes. Si l’on observe surtout de la coopĂ©ration nord-sud, il y a lieu de

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dĂ©velopper davantage la coopĂ©ration dĂ©centralisĂ©e sud-sud. Des structures relais sont en Ă©mergence comme l’association des RĂ©gions Francophones, aux cĂŽtĂ©s de nombreuses autres structures. A cĂŽtĂ© de rĂ©elles opĂ©rations de coopĂ©ration dĂ©centralisĂ©e directe on trouve aussi des actions de coopĂ©ration bĂ©nĂ©ficiant aux villes mais passant par une coopĂ©ration bilatĂ©rale classique. On peut en fait trouver des schĂ©mas intermĂ©diaires impliquant ces divers niveaux, de sorte qu’il y aurait lieu de recommander que toutes ces actions soient bien coordonnĂ©es. L’une des limites de la coopĂ©ration dĂ©centralisĂ©e (comme pour la coopĂ©ration bilatĂ©rale interĂ©tatique d’ailleurs) est en effet le cloisonnement souvent volontaire des initiatives qui sont alors menĂ©es avec un certain secret, ce qui peut aboutir Ă  des effets contreproductifs Ă©vidents. 5-5 Les moyens des collectivitĂ©s, une question rĂ©currente L’affirmation progressive des compĂ©tences municipales doit s’accompagner des moyens adĂ©quats, en termes de moyens humains, financiers et de capacitĂ© de gestion.

Les moyens nécessaires concernent des tùches multiples liées à - La gestion de la voirie : nouveaux investissements, entretien, gestion de circulation

dont les feux ; - La planification des opérations de voirie - Le respect de la réglementation au niveau municipale, avec une police municipale - La gestion du secteur des transports publics : gestion administrative des autorisations,

perception des taxes, convention de concession des entreprises, gestion des Ă©ventuelles compensations financiĂšres

- La planification et l’organisation d’un schĂ©ma d’ensemble pour les transports publics, - La mise Ă  jour des donnĂ©es Ă  travers un tableau de bord

Il y a sans doute lieu de mettre en place au moins deux services distincts, chacun dotĂ© de moyens suffisants, l’un pour la voirie, l’autre pour assurer la gestion du transport public. Mais le dĂ©veloppement de moyens humains importants au sein des services techniques des villes ne doit pas se faire au dĂ©triment de la concertation interne sur les dossiers. 6 Identification de moyens d’action, des pistes pour des stratĂ©gies possibles Sur la base de ce diagnostic, l’atelier examinera et dĂ©battra les mesures dont disposent les municipalitĂ©s pour faciliter la mobilitĂ©, notamment celle des groupes les plus vulnĂ©rables : amĂ©nagements de voirie en faveur des modes doux de proximitĂ©, dynamique d’offre de transport collectifs qui elle-mĂȘme appelle des mĂ©canismes de financement adaptĂ©s avec un appel au secteur privĂ© dans un cadre maĂźtrisĂ© par la puissance publique, l’Etat et les collectivitĂ©s territoriales devant agir de façon concertĂ©e. Le renouveau du transport collectif organisĂ© passe par diverses mesures notamment au plan institutionnel, rĂ©glementaire et financier. Il fait largement appel au secteur privĂ© tout en s’inscrivant dans un contexte de service public/service d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral qui ne peut ĂȘtre rĂ©gi par la seule logique du marchĂ© et peut donc inclure des mĂ©canismes de compensation financiĂšre ou de pĂ©rĂ©quation au profit des usagers les plus vulnĂ©rables. Mais les modalitĂ©s adaptĂ©es d’intervention des pouvoirs publics, Etat et collectivitĂ©s territoriales sont soumises Ă  la contrainte des ressources disponibles et aux arbitrages intersectoriels.

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6-1 Des moyens d’action des pouvoirs publics Ă  redistribuer entre Etat et Villes Les pouvoirs publics disposent de multiples moyens pour aider Ă  un meilleur fonctionnement du marchĂ© des transports. Ils peuvent Ă©dicter des rĂ©glementations touchant tous les aspects de la production et de la consommation du transport (Codatu/Uitp, 2002) :

- dĂ©veloppement des infrastructures de transport et conditions d’utilisation par les diffĂ©rents modes (mĂ©canisĂ©s ou non),

- crĂ©ation et modalitĂ©s d’usage d’équipements (arrĂȘts, terminaux, gares d’échange, information par exemple),

- caractĂ©ristiques techniques et conditions d’emploi des matĂ©riels roulants, - aptitude des opĂ©rateurs (conduite des vĂ©hicules et autorisations d’exploiter des

services), - rĂ©glementation dans les domaines de la sĂ©curitĂ©, du respect de l’environnement, de la

tarification, obligations comptables, contraintes fiscales, etc. Si l’on s’en tient aux conditions d’exploitation des services de transport public, les choix sans doute les plus importants sont ceux relatifs :

- Ă  la rĂ©partition des droits d’usage de la voirie entre ses diffĂ©rents utilisateurs pour la circulation et pour le stationnement (piĂ©tons, transports publics sous leurs diffĂ©rentes formes, cyclistes, deux roues motorisĂ©s, voitures particuliĂšres
),

- au contenu des droits d’exploitations des services de transport public (qui se fait toujours en contrepartie du respect par l’opĂ©rateur d’un certain nombre de rĂšgles) : simple autorisation d’exploiter sur un territoire donnĂ©, ou droits assortis ou non d’une exclusivitĂ© dans la fourniture de services plus ou moins spĂ©cifiĂ©s,

- aux exigences en matiĂšre de coordination des services de transport imposĂ©es aux diffĂ©rents opĂ©rateurs. La coordination la plus Ă©vidente rĂ©side dans les dessertes, mais le domaine de coordination ou d’intĂ©gration le plus difficile Ă  traiter est celui de la tarification : comment Ă©viter Ă  l’usager le paiement d’un nouveau titre de transport Ă  chaque fois qu’il change de vĂ©hicule au cours d’un mĂȘme dĂ©placement ?

6-2 La recherche de schĂ©mas de financement Plusieurs sources de financement sont mobilisables pour le dĂ©veloppement des transports collectifs, la majoritĂ© dĂ©pendant du niveau de l’Etat (contribution du fonds routier, subvention, compensation financiĂšre de rĂ©duction de tarifs pour ses agents, caisse de pĂ©rĂ©quation, crĂ©dit bonifiĂ© Ă  l’achat de vĂ©hicules, dĂ©taxation Ă  l’importation des vĂ©hicules et piĂšces dĂ©tachĂ©es
). Ces financements peuvent ĂȘtre orientĂ©s au niveau des MunicipalitĂ©s vers les solutions les plus adaptĂ©es Ă  leurs besoins et Ă  leurs objectifs sociaux, avec une tendance recommandĂ©e Ă  l’aide ciblĂ©e sur certains groupes d’usagers plus qu’une aide directe sous forme de subvention ou contribution aux opĂ©rateurs. Mais une part des financements mobilisables doit couvrir les besoins d’organisation du secteur et les amĂ©nagements de voirie visant Ă  en rendre le fonctionnement plus efficace. C’est dire que les besoins sont importants et de nature diffĂ©rente. C’est dire aussi qu’une concertation importante et accrue est indispensable sur cette question du financement entre les Villes et les Etats.

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Un financement public de services de transport public, qu’ils soient exploitĂ©s par des opĂ©rateurs publics ou par des opĂ©rateurs privĂ©s, trouve sa justification thĂ©orique, particuliĂšrement en site urbain dense, mais est trĂšs difficile Ă  mettre en place dans les villes en dĂ©veloppement aux ressources insuffisantes pour faire face aux besoins en diffĂ©rents services d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Les choix Ă  faire dans le domaine du financement des transports publics portent sur les rĂ©ponses Ă  privilĂ©gier (Codatu/Uitp, 2002) : - Aide au financement de l’investissement : infrastructures en lignes, stations et gares

d’échange, Ă©quipements, matĂ©riel roulant ? - Aide au financement de l’exploitation pour les services ciblĂ©s en faveur de certaines

catégories sociales (compensations de bas tarifs pour les scolaires et étudiants, personnes ùgées
), ou de certains secteurs géographiques, ou de certaines périodes horaires ?

- Aide au financement des coĂ»ts d’organisation collective (information, tarification
) ? Le besoin de financement public peut aussi ĂȘtre liĂ© aux objectifs de restructuration du secteur, il faut alors financer la transformation d’un milieu professionnel, y compris la formation ou la reconversion. Par delĂ  l’identification des domaines prioritaires, les solutions Ă  trouver pour aider Ă  leur financement sont sans doute trĂšs dĂ©pendantes du contexte local. 6-3 L’articulation entreprise/artisanat, L’existence d’entreprises de transports en commun semble aujourd’hui subordonnĂ©e Ă  l’acceptation d’une coexistence entre deux catĂ©gories d’opĂ©rateurs, entreprises et artisans, compte tenu des rapports de force sur le terrain. Au-delĂ  de cette rĂ©alitĂ©, la recherche d’une complĂ©mentaritĂ© entre les deux formes d’exploitation est une ligne d’action qui semble incontournable dans son principe, mĂȘme si sa justification n’a pas encore Ă©tĂ© vraiment thĂ©orisĂ©e. En revanche, les formes de cette complĂ©mentaritĂ© dĂ©pendent du degrĂ© possible et souhaitĂ© de concurrence entre entreprise et artisanat. Plusieurs types de questions se posent de façon rĂ©currente (Codatu/Uitp) : - Est-il possible de faire cohabiter sur un mĂȘme itinĂ©raire des opĂ©rateurs de nature juridique

diffĂ©rente (entreprises et artisans) dont les droits d’exploitation sont eux aussi diffĂ©rents sans aboutir Ă  la disparition des entreprises liĂ©es par un contrat ?

- Dans quelle mesure le modĂšle d’exploitation est-il dĂ©pendant d’un mode de transport dĂ©fini par une gamme de capacitĂ© (moins de 9 places, 10 Ă  35 places, plus de 35 places par exemple1) ?

- Une concurrence « en ligne » doit-elle s’analyser comme une concurrence entre entreprises et artisans, ou comme une concurrence entre des modes offrant des services diffĂ©rents ? Autrement dit :

- Une concurrence « en ligne » est-elle concevable entre modes de capacitĂ© diffĂ©rente (modes pouvant aussi diffĂ©rer par leur conditions d’exploitation, leur confort et leur tarif), moyennant certaines rĂšgles qui devraient s’appliquer au secteur artisanal ?

- Une concurrence « en ligne » entre modes de capacité similaire mais de confort et de prix différents est-elle une solution applicable et durable ?

1 Les dénominations « minibus », « taxi collectif », « microbus », « midibus », « bus standard » et leur traduction en langue locale ne sont pas normalisées.

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- Peut-on promouvoir et garantir un partage territorial de zones de desserte affectĂ©es Ă  chacune des formes de transport, avec d’éventuelles zones mixtes de concurrence ?

- Peut-on accorder une prioritĂ© ou une exclusivitĂ© totale aux services d’entreprises de transport sur les itinĂ©raires « les plus chargĂ©s » ?2 A quelles conditions : transport « de masse » ?

- Peut-on garantir cette exclusivitĂ© et comment ? Certaines rĂ©ponses aux questions sur l’articulation entreprise/artisanat peuvent ĂȘtre Ă©clairĂ©es par l’expĂ©rience rĂ©cente de villes brĂ©siliennes (travaux prĂ©sentĂ©s Ă  Codatu X, in Godard 2002). Le modĂšle brĂ©silien des transports collectifs est dominĂ© depuis plusieurs dĂ©cennies par des entreprises d’autobus qui opĂšrent dans un schĂ©ma de concession par zones sous la tutelle des collectivitĂ©s territoriales, MunicipalitĂ©s et Etats. Ce schĂ©ma se heurte cependant Ă  des limites qui ont Ă©tĂ© exprimĂ©es depuis une dĂ©cennie par la rĂ©apparition ou le dĂ©veloppement des transports informels, selon des modalitĂ©s variables selon la taille des agglomĂ©rations. Certaines initiatives de villes brĂ©siliennes se situent dans un cadre de complĂ©mentaritĂ© entre ces formes opposĂ©es, permettant la rĂ©intĂ©gration du transport artisanal dans un cadre rĂ©glementaire organisant l’ensemble. En fait on voit apparaĂźtre des schĂ©mas oĂč les minibus artisanaux (les vans), qui Ă©taient parfois clandestins, sont affrĂ©tĂ©s par l’entreprise d’autobus ou par l’autoritĂ© concĂ©dante pour faire du rabattement sur le rĂ©seau d’autobus, moyennant une rĂ©munĂ©ration forfaitaire des opĂ©rateurs au kilomĂštre roulĂ©. C’est le cas Ă  Ribeiro Preto, ou Ă  Uberlandia, villes de l’ordre de 500 000 habitants. 6-4 Des infrastructures rĂ©servĂ©es aux bus, comment transposer les acquis de Bogota ? Des solutions innovantes et rapidement exĂ©cutables peuvent ĂȘtre trouvĂ©es, selon le contexte des villes, dans des sites propres pour bus, comme le suggĂšre l’expĂ©rience de Bogota. Il s’agit d’un site propre intĂ©gral permettant l’exploitation de deux voies pour bus dans chaque sens, avec un amĂ©nagement particulier de stations fermĂ©es. Cet ensemble, gĂ©rĂ© par plusieurs sociĂ©tĂ©s sous contrat, permet d’atteindre un niveau trĂšs Ă©levĂ© de flux de passagers (de l’ordre de 30 000 Ă  35 000 passagers Ă  l’heure par sens) pour un coĂ»t trĂšs raisonnable. La transposition de cette expĂ©rience dans les villes africaines n’est sans doute pas possible pour des raisons d’emprise de voirie, de capacitĂ© de financement et d’autoritĂ© quant Ă  l’organisation du secteur. Mais des solutions dĂ©rivĂ©es et plus progressives devraient pouvoir ĂȘtre envisagĂ©es pour assurer un transport de masse. Les Maires des villes africaines pourraient se mobiliser sur ce type de projet, Ă  condition qu’ils perçoivent au dĂ©part le besoin de technicitĂ© nĂ©cessaire Ă  leur rĂ©alisation, qui suppose la mobilisation d’une Ă©quipe compĂ©tente pour assurer le dĂ©veloppement puis la gestion du projet. Des tentatives sont en cours de dĂ©finition dans plusieurs villes africaines, Ă  l’initiative de l’Itdp : Accra, Capetown, Dar es Salam et Dakar... La mise en place de telles innovations portant sur le partage de la voirie pourrait constituer un levier pour l’organisation du secteur du transport public. 2 En leur accordant un droit d’usage d’infrastructures spĂ©cialisĂ©es rĂ©servĂ©es au transport public : voies rĂ©servĂ©es/sites propres pour bus/mĂ©tro lĂ©ger, stations d’échanges (exemple le plus achevĂ© : celui de Curitiba).

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6-5 Facilitation de la mobilitĂ© de proximitĂ© : marche Ă  pied et bicyclette En complĂ©ment aux actions visant l’amĂ©lioration de l’offre de transport collectif, il est essentiel de dĂ©velopper des actions favorisant la mobilitĂ© de proximitĂ© Ă  travers les modes doux : marche Ă  pied et selon les possibilitĂ©s bicyclette. On sait que la marche est le moyen de dĂ©placement majoritaire dans les villes africaines et qu’elle s’effectue souvent dans des conditions difficiles. Ces conditions peuvent ĂȘtre sensiblement amĂ©liorĂ©es, avec des amĂ©nagements peu coĂ»teux et efficaces si on les conçoit Ă  partir d’un processus de concertation avec les populations des quartiers concernĂ©s. Des mesures simples et peu coĂ»teuses peuvent ĂȘtre mises en place : refuges piĂ©tons pour la traversĂ©e de grands axes routiers, trottoirs le long des axes, cheminements piĂ©tonniers non occupĂ©s par des activitĂ©s diverses, Ă©coulement des eaux et nettoyage pĂ©riodique
 Ces mesures nĂ©cessitent cependant professionnalisme, continuitĂ© dans le temps et cohĂ©rence dans les actions menĂ©es. Elles nĂ©cessitent surtout une prise de conscience et une volontĂ© de la part des autoritĂ©s municipales qui fait souvent dĂ©faut. Cette approche doit ĂȘtre relayĂ©e Ă  un niveau trĂšs dĂ©centralisĂ© par diverses structures associatives impliquant les communautĂ©s de base, mais avec une cohĂ©rence qui doit ĂȘtre assurĂ©e Ă  l’échelon municipal. 7 Les municipalitĂ©s dans le jeu institutionnel : expĂ©rience des autoritĂ©s organisatrices de transport Les autoritĂ©s organisatrices sont conçues pour unifier la coordination intercommunale ainsi que celle des multiples ministĂšres concernĂ©s par une politique de transport urbain. Les expĂ©riences dĂ©jĂ  engagĂ©es montrent l’intĂ©rĂȘt et les difficultĂ©s de mise en oeuvre de ces autoritĂ©s, dont la forme diffĂšre nĂ©cessairement selon la taille des villes et leur Ă©ventuel statut de capitale. L’expĂ©rience du Cetud Ă  Dakar montre l’intĂ©rĂȘt d’une approche de concertation pour la mise en Ɠuvre d’un programme coordonnĂ© d’action portant sur l’ensemble des composantes de la mobilitĂ© urbaine. Mais elle montre aussi que la rĂ©forme institutionnelle, pour ĂȘtre acceptĂ©e, nĂ©cessite du temps avant que l’AutoritĂ© accĂšde rĂ©ellement Ă  un pouvoir d’organisation ou de rĂ©gulation. Face Ă  une institution Ă©manant de l’Etat, les collectivitĂ©s territoriales ont encore des difficultĂ©s Ă  se mobiliser dans le secteur du transport urbain, ce qui indique les efforts de dĂ©centralisation qui restent Ă  rĂ©aliser. Devant les difficultĂ©s de coordination de l’action publique pour appliquer une politique cohĂ©rente de transport urbain, plusieurs villes ont Ă©tĂ© dotĂ©es d’une autoritĂ© organisatrice ou rĂ©gulatrice chargĂ©e de l’organisation et parfois de la gestion du secteur. Ces expĂ©riences sont encore trĂšs rĂ©centes, Ă  l’exception de celle du CETUD Ă  Dakar dont la crĂ©ation date de 1997. Elles se heurtent Ă  divers types de difficultĂ©s inĂ©vitables, dont le dĂ©sĂ©quilibre de pouvoir entre Etat et communes est une question qui prend de l’ampleur. Parmi ces autoritĂ©s il faut citer :

- CETUD (Conseil ExĂ©cutif des Transports Urbains de Dakar) (1997): cet Ă©tablissement public Ă  caractĂšre professionnel est un organisme d’étude et de concertation, il a un pouvoir d’organisation des transports urbains dĂ©lĂ©guĂ© par l’Etat, sans ĂȘtre toutefois autoritĂ© concĂ©dante. Il bĂ©nĂ©ficie des ressources d’un Fonds de DĂ©veloppement des Transports Urbains (FDTU), dont la mise en place ne devrait se faire qu’en 2003. Un certain Ă©quilibre a Ă©tĂ© trouvĂ© au sein de l’AssemblĂ©e PlĂ©niĂšre entre reprĂ©sentants de l’Etat (6) et ceux des communes de la RĂ©gion urbaine (5) mais il n’en demeure pas

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moins que le Cetud est contrĂŽlĂ© par l’Etat, en cohĂ©rence avec le fait que la dĂ©centralisation n’a pas couvert pour l’instant le champ transport.

- AGETU (Agence des Transports Urbains) à Abidjan (2001) : autorité régulatrice, elle

a le statut d’une sociĂ©tĂ© d’Etat. Cette agence gĂšre les autorisations de transport et les recettes affĂ©rentes. Elle reverse aux communes une partie de ces recettes tirĂ©es des autorisations pour les taxis. Elle assure la coordination et la planification du systĂšme, ainsi que les amĂ©nagements pour en amĂ©liorer le fonctionnement. Elle a connu des difficultĂ©s de dĂ©marrage liĂ©es aux conflits d’influence politique et au transfert de recettes communales de sorte que la pĂ©rennitĂ© de cette Agence n’est pas assurĂ©e. Elle semble perçue par les communes comme trop contrĂŽlĂ©e par l’Etat.

- LAMATA (LAgos Metropolitan Area Transport Authority) (2002) : autorité

rĂ©gulatrice, elle a en charge Ă  la fois la rĂ©gulation des transports publics, l’entretien du rĂ©seau de voirie et la gestion de la circulation. Ses ressources viennent essentiellement des redevances des autorisations de transport dĂ©livrĂ©es aux opĂ©rateurs et de diverses taxes routiĂšres. Cette agence est en cours de mise en place effective. Elle est placĂ©e sous l’autoritĂ© du Gouverneur de l’Etat de Lagos.

- CETUO (Conseil Exécutif des Transports Urbains de Ouagadougou) (2003, en cours

de crĂ©ation) : cette autoritĂ© devait ĂȘtre crĂ©Ă©e formellement Ă  l’automne 2003, avec probablement un rĂŽle de rĂ©gulation des transports publics (Ă  la fois autobus de la nouvelle Sotraco et taxis, voire d’éventuels minibus) avant de pouvoir intervenir sur des amĂ©nagements de voirie. PrĂ©sidĂ©e par le Maire de la Ville de Ouagadougou, elle devrait bĂ©nĂ©ficier des financements d’un FDTU Ă  partir de recettes et taxes spĂ©cifiques. Son activitĂ© de concertation avec les acteurs concernĂ©s a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© engagĂ©e avec la mise en place d’un secrĂ©tariat permanent en 2002, faisant suite aux travaux d’un ComitĂ© des Transports Urbains de Ouagadougou dĂšs 1995.

La constitution d’AutoritĂ©s organisatrices ou rĂ©gulatrices de transport est actuellement freinĂ©e par la question des pouvoirs rĂ©els d’organisation que l’on peut confier Ă  une institution dans le contexte d’un milieu institutionnel difficile Ă  coordonner ainsi que d’un milieu professionnel trĂšs Ă©clatĂ© car dominĂ© par le transport artisanal. L’une des difficultĂ©s du milieu institutionnel provient prĂ©cisĂ©ment des rapports entre l’Etat et les collectivitĂ©s territoriales et des transferts de ressources nĂ©cessaires pour accompagner la dĂ©centralisation. L’examen des expĂ©riences engagĂ©es montre l’importance du temps nĂ©cessaire Ă  ces Ă©volutions, et leur nĂ©cessaire progressivitĂ©. Les AutoritĂ©s Organisatrices devraient inscrire dans leur agenda d’évolution le transfert de pouvoir des Etats vers les communes concernĂ©es. L’une des difficultĂ©s qu’il leur faudra ensuite gĂ©rer est l’équilibre de pouvoir entre les diverses communes (ville autonome participant Ă  une agglomĂ©ration ou Ă  une rĂ©gion urbaine, commune d’arrondissement). Cette Ă©tape doit ĂȘtre prĂ©parĂ©e dĂšs maintenant. 8 Conclusion : vers des recommandations pour l’implication municipale La charte de LomĂ© (15 novembre 2002) dĂ©finie Ă  l’occasion de la confĂ©rence Codatu X. donne une base utile pour la dĂ©finition d’une stratĂ©gie d’action pour la gestion des systĂšmes de transport urbain. Mais cette charte est trĂšs gĂ©nĂ©rale et ne se place pas du point de vue des

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villes ayant Ă  s’impliquer progressivement dans la gestion de la mobilitĂ© urbaine. Il convient donc de focaliser notre attention et nos conclusions non pas sur une orientation globale et classique de politique de transport urbain, mais sur les acteurs susceptibles de mettre en Ɠuvre une telle politique, et sur les nouveaux Ă©quilibres qui se mettent en place entre les Etats et les villes dans ce jeu d’acteurs. Il y a lieu de se demander, dans le contexte de faiblesse de moyens, quelles sont les activitĂ©s prioritaires que les villes doivent assumer, et quelles sont celles qui relĂšvent toujours de l’Etat. Si l’on raisonne en termes de transfert de responsabilitĂ©, on peut avoir de l’intĂ©rĂȘt Ă  distinguer les tĂąches qui Ă©taient effectivement rĂ©alisĂ©es par les Etats de celles qui devaient l’ĂȘtre mais ne l’étaient pas bien ou pas du tout. Les villes doivent alors inventer de nouvelles maniĂšres plus efficaces de couvrir ces tĂąches.

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Annexe Charte de Lomé, Codatu X, novembre 2002 Les principes et actions suivants sont proposés : PRINCIPES:

‱ Une importante amĂ©lioration de la mobilitĂ© des plus dĂ©favorisĂ©s est possible et souhaitable dans les villes des pays en dĂ©veloppement.

‱ Une offre de transport adaptĂ©e est nĂ©cessaire pour permettre l’accĂšs aux emplois et aux autres activitĂ©s sociales et culturelles.

‱ La mobilitĂ© urbaine est un prĂ©alable Ă  la rĂ©duction de la pauvretĂ© et au dĂ©veloppement durable.

‱ Une mobilitĂ© urbaine amĂ©liorĂ©e n’est possible que si des programmes d’investissement innovants et efficaces sont mis en oeuvre.

‱ Il faut rechercher la mise en Ɠuvre de systĂšmes de transport urbain durables. ‱ La rĂ©ussite d’une politique de transports urbains dĂ©pend de la soliditĂ© institutionnelle

de l’autoritĂ© responsable et de rĂšgles claires pour la participation des secteurs public et privĂ©.

‱ La rĂ©ussite d’un programme de transports urbains implique un dialogue entre les professionnels du secteur, les dĂ©cideurs et les citoyens.

‱ La prise en compte des modes non motorisĂ©s est une composante essentielle d’une politique globale des transports urbains.

‱ L’intĂ©gration de tous les modes de transport est un prĂ©alable Ă  la rĂ©ussite d’une politique d’amĂ©lioration de la mobilitĂ©.

‱ Les modes Ă  forte capacitĂ© doivent ĂȘtre limitĂ©s aux couloirs Ă  forte demande et une prioritĂ© doit ĂȘtre donnĂ©e au meilleur rapport capacitĂ©/coĂ»t.

‱ +axes principaux et la desserte fine des zones pĂ©riphĂ©riques. ‱ La diversitĂ© des types d’urbanisation implique que des solutions diffĂ©rentes doivent

ĂȘtre trouvĂ©es pour des environnements diffĂ©rents. ‱ Il faut tenir compte des effets nĂ©gatifs des transports pour prĂ©server une qualitĂ© de vie

et la santĂ©. ‱ Il est nĂ©cessaire de faire passer dans les esprits la notion de sĂ©curitĂ© dans les transports

par l’éducation, l’information et la rĂ©pression. ‱ Il faut assurer la mobilitĂ© et l’accessibilitĂ© des plus dĂ©favorisĂ©s et des handicapĂ©s. ‱ Il faut prendre conscience du nombre d’emplois gĂ©nĂ©rĂ©s par le secteur des transports

urbains. ‱ Une normalisation gĂ©nĂ©ralisĂ©e devrait permettre de rendre les transports urbains plus

accessibles.

ACTIONS: Général:

‱ La planification devra s’efforcer de prendre en compte la demande existante, particuliĂšrement des plus dĂ©favorisĂ©s, plutĂŽt que de chercher Ă  mettre en oeuvre des modĂšles Ă  moyen et long terme organisant l’utilisation du sol.

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‱ Des plans de dĂ©placements urbains (“PDU”) seront rĂ©alises dans le but d’amĂ©liorer la mobilitĂ© et la coordination de tous les modes de transport.

‱ On cherchera Ă  rĂ©duire les coĂ»ts pour les usagers et une plus grande flexibilitĂ© afin d’amĂ©liorer la mobilitĂ© et l’accessibilitĂ©.

‱ Le logement Ă©tant la premiĂšre prioritĂ© des mĂ©nages dans les pays en dĂ©veloppement, il est souhaitable d’encourager des modes de transport artisanaux souples pour desservir les quartiers pĂ©riphĂ©riques. Dans la mesure du possible, ces modes seront lĂ©galisĂ©s Ă  condition de respecter la rĂ©glementation.

‱ Il faut mettre en Ɠuvre la coopĂ©ration dĂ©centralisĂ©e Ă  condition qu’il ne s’agisse pas de chercher Ă  transfĂ©rer tels quels les modĂšles des pays dĂ©veloppĂ©s dans les pays en dĂ©veloppement.

Transport public:

‱ Il faut donner la prioritĂ© aux autobus dans la circulation Ă  chaque fois que cela est possible et opportun.

‱ Il faut crĂ©er des tarifs sociaux subventionnĂ©s quand cela est nĂ©cessaire. ‱ Il faut former et professionnaliser les conducteurs de tous les types de vĂ©hicules de

transport collectif motorisĂ©s et s’en donner les moyens. ‱ La sĂ©curitĂ© est une condition nĂ©cessaire Ă  la lĂ©galisation de vĂ©hicules de transport

public quelle qu’en soit la taille.

Transports non motorisés:

‱ Des pistes cyclables et des trottoirs doivent ĂȘtre rĂ©alisĂ©s.

Voirie et trafic:

‱ Un effort particulier doit ĂȘtre fait pour amĂ©liorer la voirie secondaire. ‱ La conception des voies prendra en compte de façon prioritaire la sĂ©curitĂ©. ‱ Le code de la route sera appliquĂ©.

Environnement:

‱ On mettra en Ă©vidence les effets sur l’environnement de la rĂ©alisation des infrastructures, de la conception des vĂ©hicules et de l’offre des services de transport.