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Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Médecine et maladies infectieuses 43 (2013) 28–31

Cas clinique

Une miliaire n’est pas toujours tuberculeuse

Miliary X-ray pattern is not always related to tuberculosis

N. Paleiron a,∗,b, B.V. Nguyen b, D. Commandeur b, M. Danguy des déserts b, S. Rioualen b,B. Ralec b, M. André a, M. Ould-Ahmed b, J. Rousset c

a Service des maladies respiratoires, HIA Clermont-Tonnerre, rue du Colonel-Fonferrier CC41, 29240 Brest, Franceb Fédération d’anesthésie-réanimation-urgences, HIA Clermont-Tonnerre, 29240 Brest, France

c Service de radiologie, HIA Clermont-Tonnerre, 29240 Brest, France

Recu le 6 juin 2012 ; recu sous la forme révisée le 15 octobre 2012 ; accepté le 31 octobre 2012Disponible sur Internet le 11 decembre 2012

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. Introduction

Une miliaire est une image radiologique composée d’opacitésunctiformes (< 1,5 mm) ou micronodulaires (< 3 mm) réali-ant parfois un aspect en « grains de mil ». Elle est rarementécouverte de manière fortuite, mais plus souvent devant designes fonctionnels (asthénie, dyspnée, toux) ou générauxfièvre, hypoxémie, tachycardie). Le diagnostic étiologique estrgent car le tableau clinique peut rapidement évoluer versne détresse respiratoire ou un état de choc. Nous rapportons’observation d’un homme de 74 ans, hospitalisé en réanima-ion pour détresse respiratoire révélatrice d’une miliaire. Ce casermet d’illustrer la démarche devant une miliaire, en insistantur l’importance de l’interrogatoire et de l’analyse des imagesadiologiques.

. Observation

M. L., 74 ans, était adressé aux urgences pour dyspnéeébrile avec hypoventilation alvéolaire. Dans ses antécédents,n notait une BPCO de stade 2 et une hypertension artérielleraitée par diurétiques. Le patient était retraité, fumeur sevré,ans exposition toxique environnementale particulière. Il n’avaitas d’allergie. La notion de vaccination par le BCG n’était pasetrouvée et aucun contage tuberculeux n’était signalé.

Deux mois avant l’hospitalisation, il bénéficiait de la pose

’une prothèse totale de hanche gauche suite à une fractureu col fémoral. Les suites étaient marquées par l’apparition’un écoulement séreux au niveau de la cicatrice, sans abcès

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Paleiron).

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399-077X/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.medmal.2012.10.005

rofond, nécessitant une reprise de la cicatrice, sans lavagerticulaire, avec conservation de la prothèse. Les prélèvementsocaux étaient stériles.

Lors de la prise en charge, il présentait une dyspnée fébrile39,3 ◦C) avec encombrement bronchique. Une antibiothérapiear amoxicilline + acide clavulanique était mise en route et leatient était hospitalisé en service de médecine. L’évolutiontait marquée par l’apparition de troubles de conscience évo-uant rapidement vers un coma calme nécessitant une intubationrotrachéale et le transfert en réanimation.

Les examens biologiques montraient un syndrome inflamma-oire (fibrinogénémie = 7,74 g/L, CRP = 148 mg/L), un taux deolynucléaire normal (9430/mm3) avec discrète lymphopénie886/mm3), taux de plaquettes normal (295 000/mm3), coagula-ion normale, ionogramme sanguin normal, une discrète cytolyseASAT 66 UI/L, ALAT 78 UI/L) sans choléstase, une insuffi-ance rénale d’allure fonctionnelle (créatininémie 188 �mol/L,rémie 19,5 mmol/L), cortisolémie et hormones thyroïdiennesormales. La gazométrie artérielle expliquait le coma avecne acidose respiratoire majeure (pH = 6,93, pCO2 indosable,O2 134 mmHg) rapidement corrigée sous ventilation méca-ique.

Sur le plan de l’imagerie, les tomodensitométries cérébrale etbdominale étaient normales. La tomodensitométrie thoraciqueetrouvait des hyperdensités micronodulaires de moins de 3 mm,iffuses, parfois regroupées en nodules, bien limitées, d’allureronchiolaire et non lymphatique car respectant parfaitement lescissures. Il n’y avait pas d’anomalie osseuse ni d’adénomégalieFig. 1).

Les résultats des examens à visée bactériologique étaient les

uivants : examen direct, culture et recherche de Mycobacte-ium tuberculosis négatifs dans les urines, le liquide de lavageroncho-alvéolaire (LBA) et le liquide céphalo-rachidien (eau
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Fig. 1. Tomodensitométrie thoracique sans injection de produit de contraste.OC

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mettent d’évoquer une bronchiolite infectieuse, liée à une

pacités micronodulaires bilatérales. Noter le respect des scissures.T scan. Bilateral micronodular opacities.

e roche, sans cellule). La cytologie du LBA retrouvait une pré-ominance de neutrophile (85 %), avec PCR BK (bacilles deoch) négative. La sérologie VIH était négative, de même que

es hémocultures répétées. Les prélèvements au niveau de laicatrice et de la hanche (par ponction articulaire) isolaient Sta-hylococcus aureus sensible à la méticilline (il n’y avait pas destulisation).

Le diagnostic retenu était celui de miliaire par infection à. aureus sur infection de prothèse de hanche. Le traitementomprenait la dépose de la prothèse avec mise en place deatériel provisoire (espaceur) et une bithérapie par oxacil-

ine/rifampicine IV puis relais par ofloxacine/rifampicine pers, selon les recommandations francaises [1]. L’évolution étaitentement favorable avec un arrêt des amines et une extubationu bout de trois semaines.

. Discussion

Les miliaires staphylococciques sont rares chez l’adulte, alorsu’il s’agit d’un diagnostic classique chez le nourrisson [2]. Uneorte d’entrée notamment cutanée est fréquemment retrouvée.’évolution se fait souvent vers la formation d’abcès à paroisnes ou bulles staphylococciques [3,4]. Le traitement reposeur une biantibiothérapie anti-staphylococcique dont la duréest mal codifiée : six à 12 semaines dont deux semaines de trai-ement intraveineux (avis d’expert) [1].

Dans le cas de notre patient, une tuberculose peut être éli-inée devant la négativité des prélèvements bactériologiques

hémocultures, LBA, ponction lombaire), l’absence de contage

t l’évolution sous traitement.

Le diagnostic de miliaire staphylococcique est porté devantes arguments suivants :

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présence d’une porte d’entrée cutanée avec isolement deS. aureus sur les prélèvements locaux ;

présence de S. aureus sur les prélèvements de hanche. Lanégativité de la recherche de S. aureus lors de l’examen bac-tériologique du LBA et des hémocultures a été attribuéeà la mise en route avant ces prélèvements d’un traite-ment par amoxicilline + acide clavulanique (sensible surl’antibiogramme) ;régression des anomalies radiologiques après traitement anti-staphylococcique ;

absence d’argument anamnestique, bactériologique ou histo-logique en faveur d’une autre cause.

La miliaire est une maladie infiltrative du poumon, caractéri-ée par des micronodules pouvant traduire une atteinte alvéolaireu interstitielle. On distingue les miliaires « chaudes » associées

une fièvre et des signes respiratoires, des miliaires « froides »ans contexte clinique évocateur. Les causes sont habituellementifférentes [3]. Elles sont résumées dans le Tableau 1.

Cette observation permet d’illustrer la « conduite à tenir diag-ostique devant une miliaire chaude, où la question urgentest : s’agit-il d’une septicémie ? » Il faut d’abord éliminer unerreur technique (film de mauvaise qualité ou ancien, clichés enxpiration) ou une séquelle de LBA.

L’interrogatoire doit être complet (antécédents, expositionsoxiques, médicaments. . .) en insistant particulièrement sur laecherche d’une immunodépression, d’un contage tuberculeux,’une vaccination par le BCG et d’un séjour outre-mer (parti-ulièrement en zone d’endémie de l’histoplasmose : Amériqueu Nord ou du Sud, Afrique centrale et du sud, Asie du sud-est,ustralie, Mélanésie).Dans ce contexte, en plus du bilan biologique standard, il

onvient de réaliser des hémocultures sur milieux aérobie, anaé-obie et spécifique de la tuberculose, et une sérologie VIH.’intradermoréaction à la tuberculine peut montrer une anergien cas de miliaire tuberculeuse ou de sarcoïdose, par captationes lymphocytes T dans les granulomes. Les tests de détection de’interféron gamma peuvent confirmer un contage tuberculeux,ans présager de son ancienneté. Certains examens biologiquesont orientés par l’anamnèse : sérologies histoplasmose (en cas’argument anamnestique), rougeole, Epstein Barr Virus (EBV),aricella Zona Virus (VZV), test de diagnostic rapide de larippe, sérologies poumons de fermiers ou poumons d’éleveurs’oiseaux.

Actuellement, la tomodensitométrie thoracique a considéra-lement modifié l’approche des miliaires. On distingue :

l’atteinte alvéolaire, avec des micronodules centrolobulaires,distants d’au moins 2 mm de la plèvre, de densité est variable(suivant ce qui remplit l’alvéole : sang ou pus par exemple),souvent flous (par diffusion de proche en proche par lespores interalvéolaires de Khon) et parfois confluents. Ils per-

connectivite, au tabac, une pneumopathie d’hypersensibilitéou un carcinome bronchiolo-alvéolaire. Les micronodulesartériolaires se voient en cas d’hémorragies pulmonaire,

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Tableau 1Principales causes de miliaires selon la présentation clinique [2].Main causes of miliary X-ray pattern, according to clinical features [2].

Miliaires « chaudes » Miliaires « froides » Miliaires calcifiées

Tuberculose PneumoconioseSilicoseSidérose

TuberculoseVaricelleSarcoïdoseHistoplasmoseMicrolithiase alvéolaire

VirusGrippeRougeoleEBVVZV

Causes inflammatoires ou immuno-allergiquesSarcoïdosePneumopathie d’hypersensibilité ou médicamenteuse chroniqueBronchiolite du fumeur

Bactéries pyogènesStaphylocoque en particulierPneumocoque

Causes néoplasiquesLymphangite carcinomateuseCarcinome bronchiolo-alvéolaire

MycoseHistoplasmose principalementAspergillose, candidose chez l’immunodépriméCryptococcoseBlastomycosePneumocystose

Causes raresLymphangioléiomyomatoseMaladies de surcharge (Gaucher, Niemann Pick)Hémosidérose de l’insuffisant cardiaqueMiliaire post-bronchographie ou lymphographie

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neumopathie d’hypersensibilité ou médicamenteuse aiguë

d’hypertension artérielle pulmonaires, d’hémosidérose ou devascularites [5–7] ;

l’atteinte interstitielle, avec des micronodules :◦ lymphatiques : localisés le long de la plèvre (aspect

« emperlée » des scissures), des axes broncho-vasculaireset des septa interlobulaires ; ils s’associent volontiers à deslignes septales ou des adénomégalies. Ils sont très évo-cateurs de sarcoïdose (avec distorsion lobulaire) ou delymphangite carcinomateuse [6,8],

◦ hématogènes : réguliers, diffus et de répartition homogène(avec parfois une prédominance aux bases où le flux san-guin est plus important), sans respect ni atteinte particulièrede la plèvre. Ils sont souvent angiocentrés, ce qui est bienmis en évidence en mode Maximum Intensity Projection(MIP). Ils évoquent une miliaire tuberculeuse ou carci-nomateuse (dans ce dernier cas, les micronodules sontvolontiers de taille inégale) [9]. Ils peuvent traduire unediffusion septicémique d’une infection à pyogènes. Un telaspect peut se voir lors de pneumopathies interstitielleslymphoïdes chez les sujets VIH positifs [10]. L’associationà des nodules bien limités denses, avec micro calcificationcentrale est évocatrice d’histoplasmose en cas de contactavec des chauves-souris en zone d’endémie.

L’endoscopie bronchique permet de réaliser des biop-ies bronchiques et un LBA pour analyse cytologique (unerédominance de neutrophiles oriente vers une pneumopa-hie bactérienne, un liquide lymphocytaire oriente vers unearcoïdose — prédominance de CD4 —, une pneumopathie

’hypersensibilité — prédominance de CD8, bien que ce pointoit discuté [7] —– ou une tuberculose), bactériologique (stan-ard et recherche de BK) et le cas échéant une recherche’histoplasmose, de pneumocystose ou de virus.

Les autres examens (ponction lombaire [PL], biopsieépatique. . .) seront réalisés en fonction des points d’appels.

À l’issue de cette démarche, si tous les examens sont néga-ifs, un traitement d’épreuve antituberculeux doit être discuté enaison du caractère grave et rapidement évolutif de cette formee tuberculose.

. Conclusion

Nous rapportons un cas rare de miliaire staphylococciquee l’adulte. Devant une miliaire pulmonaire, la clinique permete différencier deux grands tableaux : les miliaires « chaudes »fébriles et symptomatiques) et les miliaires « froides » (pauciymptomatiques) avec leurs causes respectives. L’analyse finee la tomodensitométrie thoracique est souvent très rentable etécessite une collaboration étroite avec le radiologue.

éclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

éférences

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aladi

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