ENJEUX ARCHITECTURE
Depuis le milieu des années 1990. le Groupe consultatif pour la recherche agronomique interna
tionale a inscrit la lutte contre la pauvreté commeobjectif majeur. ce qui suppose, nouveauté, de
s'intéresser aux systèmes agraires complexes des petits agriculteurs. La réforme en cours. qui ne
prévoit pas de budgets supplémentaires pour souscrire à cet objectif est-eUe vouée à l'échec ?
Une réformeace o?
ENTRETJEN AVEC YVÈS SAVIDANWAgmpoÎisAv. Agropolis
. 34 394 Montpellier• CHU 5 -fia"""
Tél; +33 (0)" 67 04 75 69savidanOagropolis.fr
AgropolisAssociation d'êtablissementspublics derecherche et d'en'seignement couvrant tous leschamps scientifiques liés à larecherche pour ledéveloppementdes régions médi·terranéennes ettropicales.Regroupe 200 unités de recherchesou labora toires etprès de 3000
chercheurs.www.agropolis.fr
561-."--
cooptRATION INTERNATIONALE ETPARTENARIAT, AGROPOLIS'
Courrier de la planète: Quel est le changernenr de paradigtne auquel doit faire face larecherche agronomique internationale?
Yves Savidan : Le premier objectif quiétait de transférer notre modèle agricoleau Sud a été réalisé, en tout ou partie,
via la Révolution verte, dans les grandes zonesagricoles où les conditions étaient globalementfavorables. Comme chez nous, la productionagricole de ces régions a atteint des niveaux satisfaisants, difficilement surpassables sans mise endanger des ressources naturelles et de l'environnement. De plus, les besoins techniques (intrantset assistance) de ces zones sont de plus en pluscouverts par le secteur privé. .
La recherche agricole internationale publiquedoit donc revoir son rôle, d'autant que les populations agricoles des zones «marginales» nevoient pas leurs conditions de vie s'améliorer. AuMexique par exemple, 75 % des terres cultivéesen maïs appartiennent à des petits exploitants quin'ont pas les moyens d'acheter des semences ou
des engrais à chaque cycle de culture. Les plantessélectionnées par le Centre international d'amélioration du maïs et du blé (Cimmyt) n'arriventjamais chez eux. li y a dix ans encore.Tes économistes formés au Nord invitaient les chercheursà les ignorer: l'agriculture allait évoluer, commecela s'était fait au Nord, et ils ne représentaientqu'un mode de production appelé à disparaître.Aujourd'hui, leur nombre n'a pas diminué, et legouvernement mexicain souhaite qu'ils mènentune vie décente sur leurs terres plutôt que devenir s'ajouter aux 20 millions d'habitants deMexico.
Cdp: Telle qu'elle est actuellement conçue,la recherche internationale est-elle capable derépondre à ces nouveaux o~ecti&?
Y. S. : La recherche agricole internationale estglobalement inadaptée pour répondre au défi dela lutte contre la pauvreté chez les populationsrurales. Le chef de flle des sélectionneurs duCimmyt, Sam Vasal, qui vient de recevoir le
ii Il faudrait commencerparremettre concrètementen cause le principe d'unmodèle agricole bon pourtous, au Nord et au Sud"
ENJEUX ARCH ITECTURE
,;;est
World Food Priee, sorte de Nobel de l'Agriculture,ne jure toujours que par les variétés hybrides àhaute performance, sur le modèle des maïs américains. Que l'on récompense cette recherche làdit assez le pas de géant qu'il reste à faire pourque les besoins des petits exploitants soient enfinpris en considération par le Groupe consultatifpour la recherche agronomique internationale(GCRAI).
Il faudrait commencer par remettre concrètement en cause le principe d'un modèle agricolebon pour tous, au Nord et au Sud, etreconnaître qu'un système. bonpour répondre à une demandequantitative de production, n'estpeut être pas le plus compétent, ru lemieux structuré, pour travailler àl'amélioration des systèmes agricolescomplexes des petits exploitants.Même dans leur réponse aux besoins d'une agriculture intensive, les centres internationaux derecherche agronomique (Cira) montrent aujourd'hui leurs limites. Ils se font les avocats des biotechnologies pour le Sud, sans en avoir lesmoyens: cette science là coûte cher, son transfertaussi, et nécessite des ressources humainesimportante~.. . :..
Cdp : Comment jugez-vous le projet deréforme du Groupe consultatif pour larecherche agronomique in~~rnatiqnale
(GCRAI) "adopté lors d~ 'là' conférence ae'Durban en mai dernier?
Y. S. : La principale réforme proposée est desortir une grosse partie de l'agenda de recherchedu champ de responsabilité des Cira. L'idée estde voir le GCRAI défirur ses programmes enfonction de grands enjeux régionaux et mondiaux et d'abandonner sa programmation parcentres. L'objectif accepté est progressif: réaliser des grands programmes transversaux (leschallenge programs), gérés de façon autonome,pour que d'ici 2,006, 50 % des ressources budgétaires du GCRAI soient utilisées sous cetteforme. Les modalités sur l'identification et lamise en œuvre de ces programmes seront adoptées en octobre 2001. A terme, des alliances oudes fusions entre les Cira devraient résulter decette nouvelle programmation.
Dans le processus de réforme en cours, il mesemble évident que les Cira sont réticents auchangement, qui est avant tout promu par les
donateurs du système. Il existe une véritablecrispation entre, d'un côté, des Cira qui voientleurs ressources, et leurs prérogatives, continuerde diminuer et, de l'autre, des donateurs soucieux de réaliser des économies budgétaires etde s'attaquer à l'objectif de lutte contre la pauvreté.
On est encore à un stade où l'on constate lacomplexité de la charge à accomplir, mais on nedispose pas encore de la structure ni des compétences pour y faire face. Les effectifs ont déjà été
réduits. On est à la lirlÙte de l'inefficacité. Je ne vois pas commentcette réforme peut être appliquéesans une augmentation considérable du budget global. Si on réduitencore les effectifs. les Cira devrontsacrifier des activités. Si c'est la cas,qui les reprendra ? Conserver les
ressources génétiques continuera d'être le rôledes Cira, mais qui va s'occuper de la sélection?Car aujourd'hui, tous les services nationaux derecherche ne sont pas capables, comme au Brésil, en Chine ou en Inde, de prendre en chargece qui a été le travail du GCRAI.
Il est difficile de réformer un système quiçlemeure très conservateur. Et il faut bienrecoIÙlaître que les Cira ont fonctii:mné'penâJ:nt .des décennies avec succès. Par exemple, dans lecas du blé, on peut considérer qu'entre 90 et95 % des cultures de la zone intertropic~esontissues de variétés' sélectionnées·· au Cimmyt.Donc on peut dire que l'impact est énorme, surun certain type d'agriculture. En déviant lesCira de leur objectif de fourruture de variétésaméliorées pour des systèmes agraires semiintensifs à intensifs, vers la réduction de la pauvreté, on risque d'aboutir à un effet nul pour cesdeux objectifs. Le système actuel répond à unbesoin qui va continuer d'exister, il est compétent pour le faire. Maintenant il existe un autrebesoin, beaucoup plus compliqué à régler car ilconcerne des systèmes agraires beaucoup pluscomplexes. Est-ce au GCRAI d'y répondre?
Finalement, le plus à craindre est que l'onaboutisse à une situation de comprorlÙs où onva étaler cette période de réforme sur plus longtemps que prévu. en commençant avec seulement deux ou trois programmes globaux tests.Du choix des sujets et des moyens donnés auxéquipes qui en auront la charge dépendra le succès ou l'échec de cette reforme.•
LIRE REPÈRES ~ PP, 70-
RAF!, In &arrh if1Com"",n GrvutUl II,CDMT: Can Dino- .5aUr> Make Team- •maILS? RAF! Com- •munique, issue 70, ...2ool.www.cafi.org/web/docus/pdf'/issue70.pdf
CDMT. Designingand Managing Changein the CGL4R Report to the MidTerm Meeting Zool.CGIAR, 200l.\\'ww. worldbank.org/hrm1/cgiarlpublicarions/mrmOlImtm0105.pdf
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