Université d’Ottawa
L’intégration des entrepreneurs chinois à la société canadienne :
Une étude exploratoire
par
Martine Hébert
Mémoire de maîtrise en sociologie
Directeur de recherche : Victor Da Rosa
Août 2014
© Martine Hébert, 2014
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Sommaire
Ce mémoire porte sur les entrepreneurs sino-canadiens. Il consiste en une évaluation du niveau
d’intégration des entrepreneurs chinois au Canada à travers une analyse secondaire de données
d’une étude de Brenner, Menzies, Ramangalahy, Filion et Amit (2000). Il vise également une
meilleure compréhension des liens existant entre l’entrepreneuriat et l’intégration chez les
immigrants. Les composantes de l’intégration qui ont été employées sont la langue, l’insertion
socio-économique, la localisation de l’entreprise et les interactions sociales. Nous avons noté
que, selon nos critères d’analyse, le degré d’intégration des entrepreneurs sino-canadiens est
relativement faible et que l’entrepreneuriat peut contribuer à l’isolement de ceux-ci. Toutefois,
l’étude plus approfondie du point de vue des entrepreneurs pourrait aussi indiquer un sentiment
d’appartenance et une satisfaction générale à l’égard du pays d’accueil.
Mots-clés : Intégration, enclave ethnique, entrepreneuriat, analyse secondaire, Chinois, Canada
iii
Remerciements
Je tiens d’abord à remercier sincèrement mon directeur de mémoire, Monsieur Victor Da Rosa,
pour son précieux temps et ses nombreux encouragements, ainsi que Monsieur Leslie Laczko,
examinateur du mémoire, pour ses judicieux conseils.
J’adresse également mes remerciements à Monsieur Louis Jacques Filion, de l’École des HEC de
Montréal, pour les précisions qu’il m’a apportées relativement à des études en entrepreneuriat
ethnique dont il est co-auteur.
J’aimerais communiquer ma reconnaissance au personnel administratif ainsi qu’aux professeurs
du département de sociologie et d’anthropologie de l’Université d’Ottawa pour toutes les
précieuses informations et le bagage de connaissances qu’ils m’ont transmis et qui m’ont permis
de me rendre où j’en suis aujourd’hui.
Enfin, j’exprime ma plus grande gratitude à mes parents et mon mari pour leur soutien moral et
leur appui continu. Merci de croire en moi.
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Table des matières
Liste des figures ............................................................................................................................................ 1
Liste des tableaux .......................................................................................................................................... 2
INTRODUCTION ........................................................................................................................................ 3
Chapitre 1 – Problématique de recherche ................................................................................................ 6
1.1 Contexte .............................................................................................................................................. 6
1.2 Problématique ..................................................................................................................................... 8
Problème de recherche ......................................................................................................................... 8
Objectifs généraux ................................................................................................................................ 9
Questions spécifiques de recherche .................................................................................................... 10
Hypothèses .......................................................................................................................................... 10
Pertinence sociale et scientifique ........................................................................................................ 11
Chapitre 2 – Revue de littérature et cadre théorique ............................................................................ 13
2.1 Revue de littérature ........................................................................................................................... 13
2.2 Cadre théorique ................................................................................................................................. 17
Concepts .............................................................................................................................................. 17
Théories............................................................................................................................................... 20
Quartiers chinois ................................................................................................................................ 21
Chapitre 3 – Démarche méthodologique ................................................................................................ 24
Chapitre 4 – Présentation des résultats ................................................................................................... 31
4.1 Profil général des entrepreneurs et des entreprises ........................................................................... 31
4.2 Interprétation des résultats ................................................................................................................ 33
Langue................................................................................................................................................. 33
Insertion socio-économique ................................................................................................................ 34
Localisation ......................................................................................................................................... 35
Origine ethnique des clients et des employés ...................................................................................... 37
Chapitre 5 – Discussion ............................................................................................................................ 39
CONCLUSION ........................................................................................................................................... 48
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................... 52
1
Liste des figures
Figure 1 – Notre modèle de base pour l’intégration des entrepreneurs chinois au Canada……………….30
3
INTRODUCTION
Selon Statistique Canada (2011), une personne sur cinq au Canada est née à l’étranger et un
cinquième de la population canadienne est membre d’un groupe de minorités visibles. Ces
chiffres sont d’ailleurs en hausse depuis les dernières années. Les Chinois, par exemple, sont
établis au Canada depuis plus d’un siècle et demi. Ils y ont construit des quartiers chinois et bâti
des commerces. Ils ont développé des micro-sociétés chinoises avec des biens et services
destinés principalement aux membres de leur communauté et ce, afin de lutter contre la
discrimination (Lai, 1988; Chui, Tran et Flanders, 2005). Malgré leurs profils d’immigration
divers et leur grand nombre, les communautés sont dotées d’une certaine cohésion interne. Mais
qu’en est-il de leur niveau d’intégration? D’autre part, nous savons que près d’un cinquième des
immigrants deviennent des travailleurs indépendants, soit davantage que les personnes nées au
Canada (Hou et Wang, 2011). Ainsi, le champ d’étude de l’entrepreneuriat ethnique est très
développé. Une théorie en particulier nous aidera à approfondir la réflexion sur l’entrepreneuriat
et l’intégration et il s’agit de la théorie situationnelle. Nous y reviendrons.
Cette recherche a pour but de mieux comprendre les effets de l’entrepreneuriat sur l’intégration
des entrepreneurs sino-canadiens et d’évaluer leur niveau d’intégration. Nous nous baserons
principalement sur l’interprétation de certaines données statistiques sélectives de l’étude de
Brenner, Menzies et al. (2000a) afin de mesurer le degré d’intégration des propriétaires de petites
entreprises chinoises au Canada. Différents facteurs seront pris en considération. Ceux-ci sont
reliés aux aspects social, culturel, politique, économique et symbolique de l’intégration.
Toutefois, nous nous concentrerons davantage sur les volets socio-culturels et socio-
4
économiques de l’intégration qui sont en lien avec les entrepreneurs. Ces facteurs ont été
sélectionnés en raison de leur pertinence pour répondre aux questions de recherche, de facilité
d’accès aux données, du lien spécifique avec l’entrepreneuriat ainsi que leur présence récurrente
dans les définitions de base de l’intégration au sein de la littérature.
Ce mémoire est divisé en cinq chapitres. Dans le premier chapitre, nous introduirons le contexte
global dans lequel le problème s’insère. D’abord, nous présenterons quelques statistiques sur
l’immigration, décrirons la situation économique canadienne et aborderons l’histoire des
communautés chinoises au Canada. Puis, nous discuterons de la problématique de l’intégration
des entrepreneurs et exposerons les objectifs, questions et hypothèses de la recherche tout en
justifiant sa pertinence. Ensuite, le second chapitre sera entièrement consacré à la revue de
littérature et au cadre théorique. Nous rappellerons les grandes lignes de quelques études qui ont
été menées sur l’entrepreneuriat et l’immigration. Dès lors, trois théories explicatives de
l’entrepreneuriat ethnique seront discutées. Suivront la définition de concepts-clés, l’exposition
des différents indicateurs d’intégration ainsi qu’une description des quartiers chinois canadiens.
Dans le troisième chapitre, nous indiquerons en détails la manière dont nous avons procédé pour
effectuer notre analyse en portant une attention particulière à une source importante
d’information à laquelle nous ferons abondamment référence. Nous préciserons davantage la
nature de cette recherche et ses implications. Les variables d’analyse y seront présentées sous la
forme d’un schéma. Le quatrième chapitre sera destiné à la présentation des résultats. Un profil
des entrepreneurs et des entreprises de l’échantillon sélectionné sera brièvement exposé. Par la
suite, quatre grandes catégories analytiques seront discutées. Il s’agit de la langue, la situation
d’emploi, l’endroit où est située l’entreprise ainsi que le recours aux réseaux intra-ethniques.
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Enfin, le dernier chapitre inclura un rappel des conclusions auxquelles nous sommes arrivés.
Nous approfondirons la réflexion sur l’intégration et l’entrepreneuriat à travers le sens que les
acteurs donnent à leur vécu, mais également aux conséquences possibles de l’enclave ethnique
sur les immigrants sino-canadiens. Des recommandations pour des travaux futurs et des pistes de
recherche seront adossées aux limites pratiques et théoriques de ce mémoire.
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Chapitre 1 – Problématique de recherche
1.1 Contexte
Le Canada est un pays dont l’histoire est basée sur l’immigration. Il est aujourd’hui qualifié
comme étant multiculturel ou pluriethnique en raison des diverses origines de sa population.
Kalbach (2000: 59) ajoute que « Canadian society today is the result of four centuries of
exploitation and settlement, cultural conflict, and economic development to exploit its vast
natural resources. » De plus, « [en] 1971, le Canada est devenu le premier pays au monde à
adopter une politique de multiculturalisme » (Houle, 1999 : 111). Elle a été instaurée sous P. E.
Trudeau et le Parti libéral du Canada. En quarante ans, les objectifs principaux de cette politique
se sont transformés, mais le but premier a toujours été l’intégration des nouveaux arrivants (Ibid.,
p. 103). L’image du Canada est souvent représentée par l’ouverture de ses politiques et de sa
population, ainsi que par le souci d’égalité, ce qui tend à attirer un grand nombre d’immigrants
désireux d’élever leur qualité de vie. Nous assistons également à une augmentation du nombre de
minorités visibles au pays depuis les dernières décennies, car les pays d’origine des immigrants
ne sont plus seulement situés en Europe comme ils ont pu l’être jusqu’au milieu du 20e siècle
(Ibid., p. 106). Les immigrants plus récents proviennent donc notamment d’Asie, d’Afrique et
d’Amérique latine. De plus, en 2006, il y avait 16% de minorités visibles au Canada (Statistique
Canada, 2008) tandis qu’en 2011, ce chiffre se situait plutôt à 19% (Statistique Canada, 2011).
Tout indique alors que ce nombre pourrait continuer de s’accroître au courant des années à venir.
Bref, « Canada has been touted as a multicultural nation where minority ethnic groups can
become successfully integrated into society without becoming totally assimilated and losing all
their distinctive cultural characteristics. » (Kalbach, 2000: 70)
7
Si nous nous penchons brièvement sur les caractéristiques actuelles du marché de l’emploi, nous
savons qu’un contexte de précarité est bien présent. Le travail à contrat et à temps partiel sont
plus fréquents et peuvent contribuer à rendre la situation financière des familles plus instable. Par
ailleurs, le Canada se remet en effet d’une récente récession. Le choix de l’entrepreneuriat,
lorsqu’il en est un, plus particulièrement pour les immigrants, s’avère un phénomène intéressant
et important à étudier d’autant plus que le nombre d’entrepreneurs est en hausse depuis quelques
décennies, notamment chez les immigrants (Hou et Wang, 2011). De ce fait, les plus récentes
données de Statistique Canada nous indiquent que près d’un immigrant sur cinq est un travailleur
indépendant tandis que 15% des Canadiens de souche le sont (Hou et Wang, 2011). Bien qu’il ne
s’agisse pas de la majorité, ce nombre demeure plutôt significatif. De plus, les Chinois,
constituant un groupe ethnique important au Canada, sont souvent associés au thème de
l’entrepreneuriat dans la culture populaire, plus particulièrement aux emplois au sein des
commerces situés dans les quartiers chinois. Nous allons donc leur accorder davantage
d’attention dans le cadre de ce mémoire.
Étant donné que nous nous pencherons sur le cas des entrepreneurs sino-canadiens, il importe de
relater brièvement l’histoire de l’immigration chinoise au Canada. Les premiers Chinois sont
arrivés au pays dans les années 1850, plus précisément en 1858, dans l’Ouest canadien et étaient
des travailleurs manuels engagés pour participer à l’extraction minière puis pour aider à la
construction du chemin de fer transcontinental (Chui, Tran et Flanders, 2005; Cao, Dehoorne et
Roy, 2006). Il s’agissait principalement d’hommes célibataires que l’on surnommait les
« coolies » (Cao, Dehoorne et Roy, 2006 : 13). Certains immigrants sont repartis dans leur pays
natal par la suite et d’autres se sont établis au Canada avec l’intention d’y faire venir le reste de
8
leur famille. Dans la première moitié du 20e siècle, surtout entre 1923 et 1947 où les Chinois
étaient littéralement exclus du pays, la discrimination envers ceux-ci était forte et la Loi sur
l’immigration chinoise ainsi que l’augmentation des taxes d’entrée sont venues limiter
l’immigration en provenance de la Chine.
Ce n’est que dans les années 1960 qu’une réouverture s’est produite, mais elle est restée
encadrée par des critères de sélection des immigrants. Un très grand nombre d’immigrants
chinois sont venus s’établir au Canada au courant des années 1980 et 1990. Depuis ce temps, des
réfugiés, des étudiants ainsi que des gens d’affaires se sont installés au pays. Une bonne partie
d’entre eux réside dans les grandes métropoles comme Toronto et Vancouver, mais également à
Montréal, Calgary et Ottawa-Gatineau. Ils proviennent surtout de la République populaire de
Chine et de Hong Kong, mais également de Taiwan et parlent soit le cantonais ou le mandarin
(Chui, Tran et Flanders, 2005). Règle générale, la recherche de meilleures conditions de vie est
l’une des motivations principales pour émigrer au Canada. Beaucoup d’entre eux résident en
ville, comme dans les quartiers chinois qu’ils ont créés pour lutter contre la discrimination (Ibid.,
p. 33), quoiqu’une partie des Chinois mieux nantis s’installe en banlieue (Cao, Dehoorne et Roy,
2006). Essentiellement, nous pouvons retenir ceci:
« Most of these immigrants were attracted to Canada rather than forced to leave their homelands.
Canada was particularly desirable as a place to live, work, and raise families because of its
political stability, high standard of living, relative lack of racial tension, and the openness of its
educational system. » (Tan et Roy, 1985: 16)
1.2 Problématique
Problème de recherche
Un sujet est resté d’actualité depuis les décennies au Canada et a continué d’alimenter les débats,
tant au niveau de la population, des médias que des chercheurs et il s’agit de l’intégration des
9
immigrants. L’insertion socio-économique et l’adaptation culturelle ne s’effectuent pas
nécessairement de manière aisée, totale ou instantanée pour les nouveaux arrivants, notamment
les Chinois. La discrimination passée et la barrière linguistique ne sont que deux obstacles
possibles à l’intégration des membres des communautés chinoises. D’un autre côté, la voie de
l’entrepreneuriat pour les Chinois pourrait constituer une manière particulière et spécifique de
s’intégrer à la société canadienne. Néanmoins, il est possible que la minorité d’immigrants
chinois qui deviennent propriétaires d’entreprises travaillent dans un environnement plutôt isolé
qui peut limiter leur pleine intégration. Bref, plusieurs chercheurs se sont penchés sur la question
de l’entrepreneuriat et il importerait de faire le point sur la situation, tout en réfléchissant à
l’intégration des immigrants chinois au Canada.
Objectifs généraux
Ce mémoire comportera cinq sections. Les deux premières parties du mémoire relateront
l’histoire de l’immigration chinoise au Canada ainsi que le développement des quartiers chinois.
Elles traiteront également des théories sur l’entrepreneuriat ethnique et incluront des concepts
centraux à ce travail de recherche comme la notion d’intégration elle-même qui sera approfondie
et questionnée. Le troisième chapitre servira à présenter plus en détails les variables d’analyse
ainsi que la source de données principale qui sera employée. Le quatrième chapitre consistera en
une analyse des données d’une enquête sur les entrepreneurs chinois dans les grandes villes
canadiennes selon des critères d’intégration préalablement définis. Ce mémoire impliquera donc
une sélection des données pertinentes et relatives au thème de la recherche. Il s’agira de
démontrer la complexité des processus d’intégration des immigrants. D’autre part, nous
souhaitons comprendre la façon dont l’entrepreneuriat peut influencer l’intégration des Chinois à
10
la société canadienne. Enfin, la dernière partie de cette recherche consistera en une réflexion plus
poussée sur les résultats. Dès lors, nous souhaitons étudier l’impact de l’entrepreneuriat sur
l’intégration des immigrants chinois et déterminer le degré d’intégration des entrepreneurs sino-
canadiens.
Questions spécifiques de recherche
-Quel est le niveau d’intégration des entrepreneurs chinois dans les grandes villes canadiennes?
-Dans quelle mesure l’entrepreneuriat joue un rôle dans l’intégration des immigrants chinois à la
société canadienne?
Hypothèses
Nous croyons que le niveau d’intégration des entrepreneurs sino-canadiens est relativement
faible en général, surtout du côté des propriétaires d’entreprises situées dans les quartiers chinois
où ils sont plus isolés géographiquement. Par contre, leur degré d’intégration limité peut être
contrebalancé par d’autres variables comme les motivations intrinsèques d’insertion socio-
économique et de réussite personnelle qui indiqueraient tout de même le souci d’une certaine
dose d’intégration.
Nous soutiendrons également que l’entrepreneuriat permet à certains immigrants chinois de
devenir des travailleurs autonomes par choix ou par obligation, et que l’entreprise chinoise peut
contribuer à fournir des emplois au sein de l’entreprise à des membres de leur communauté. Il est
aussi possible qu’un degré minimal d’intégration soit requis préalablement au départ en affaires.
Dès lors, nous estimons que l’entrepreneuriat peut à la fois être une source d’intégration à travers
11
l’emploi et le sentiment de satisfaction pour les entrepreneurs, mais qu’il peut au même moment
retarder l’intégration socio-culturelle, notamment linguistique, en raison d’un plus grand
isolement possible chez les propriétaires de petites entreprises chinoises.
Pertinence sociale et scientifique
Au niveau scientifique, plusieurs recherches ont été effectuées sur le thème de l’entrepreneuriat
ethnique ainsi que sur l’intégration des immigrants dans les dernières décennies. Toutefois, peu
d’études se sont concentrées sur le lien qui pourrait exister entre les deux. Est-ce que le souci
d’intégration est un motif de lancement en affaires? Est-ce que l’entreprise ethnique contribue,
au contraire, à l’isolement des Chinois au Canada? Par ailleurs, un bon nombre de données
recueillies sur les entrepreneurs ethniques au Canada, comme les Chinois, sont reliées à des
vastes enquêtes menées par l’École des Hautes Études commerciales de Montréal (HEC) et la
majorité des résultats ont été présentés sans l’inclusion d’une analyse socio-culturelle
approfondie du phénomène. Ce mémoire pourrait permettre ce genre d’analyse et d’interprétation
des données et ainsi combler certaines lacunes de la littérature scientifique.
Du point de vue social, les politiques d’intégration, tant au Québec qu’au Canada, ont comme
visée la pleine participation des immigrants à la société d’accueil, ce qui peut s’avérer bénéfique
pour l’ensemble de la société et ce, à plusieurs niveaux. Réussissent-t’elles à rejoindre les
entrepreneurs chinois? En outre, en 2001, les Chinois étaient le groupe ethnique minoritaire le
plus nombreux au Canada, constituant plus d’un million de personnes (Chui, Tran et Flanders,
2005). Cependant, selon les données du recensement de 2006, ils seraient dorénavant le
deuxième groupe de minorités ethniques en importance au Canada après les Sud-Asiatiques
12
(Statistique Canada, 2008, 2011). Les Chinois sont également présents sur le sol canadien depuis
plus de 150 ans. Ceux qui choisissent de se lancer en affaires constituent certes une catégorie
spécifique de la population. L’étude de leur intégration à la société canadienne à travers
l’entrepreneuriat nous permettrait de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre dans les
processus de gestion et de développement d’entreprise ethnique, mais surtout de déterminer de
quelle manière l’entrepreneuriat contribue, si tel est le cas, à l’intégration des immigrants chinois
au Canada. Cela pourrait inciter l’amélioration des politiques et des supports aux entreprises
ethniques. Quoique les problèmes rencontrés par les entrepreneurs soient sensiblement les
mêmes et ce, peu importe leur origine ethnique (Ramangalahy, Brenner et al., 2001 : 5), il serait
souhaitable de réévaluer les programmes d’aides en sachant que les entrepreneurs chinois sont
souvent axés sur l’entraide communautaire (Ibid., p. 18).
Bref, cette recherche pourrait participer à mieux faire connaître la situation des entrepreneurs
chinois au Canada à travers l’étude des impacts du travail autonome sur leur niveau
d’intégration. Des recommandations pour assurer le succès de telles entreprises pourraient passer
par l’amélioration de la rentabilité des commerces chinois à travers, par exemple, la
diversification de l’offre de produits et de la clientèle visée. En aidant à mieux comprendre les
effets de l’entrepreneuriat sur l’intégration et vice versa, ce projet pourrait mener à un
encadrement plus adéquat des entreprises chinoises, facilitant ainsi leur fonctionnement.
13
Chapitre 2 – Revue de littérature et cadre théorique
2.1 Revue de littérature
Cette recherche se base, entre autres, sur des écrits portant sur les Chinois au Canada, les
politiques et les facteurs d’intégration ainsi que sur l’entrepreneuriat ethnique. D’abord, des
auteurs comme Con, Wickberg et al. (1984), Tan et Roy (1985), Li (1988), Chui, Tran et
Flanders (2005) ainsi que Cao, Dehoorne et Roy (2006) ont relaté les périodes d’immigration des
Chinois au Canada telles qu’elles ont été présentées dans le chapitre précédent. Celles-ci
s’accompagnent d’une histoire longue et complexe de relations tendues entre les Chinois, le reste
de la population et le gouvernement canadien. Chaque vague d’immigration comporte des
caractéristiques spécifiques. On constate que les profils des immigrants chinois sont très variés,
notamment en termes de qualifications et d’antécédents d’emploi, mais également en termes de
lieu d’origine. Le contexte historique ayant déjà été défini, nous ne nous attarderons pas
davantage à en discuter ici.
Du côté de l’intégration des immigrants, le Canada possède un politique canadienne du
multiculturalisme tandis qu’au Québec, on parle plutôt d’interculturalisme (Icart, 2006;
Bouchard, 2013). Dans les deux cas, on reconnait la pluralité et on réaffirme l’importance des
deux langues officielles. Les politiques canadiennes et québécoises encouragent la participation
des immigrants à leur société d’accueil. Ainsi, « […] in Canada, integration is perceived to mean
that immigrants, while maintaining their cultural identity, succeed in playing a significant and
useful role in society […] » (Vallée et Toulouse, 1993: 2). Parallèlement, plusieurs auteurs se
sont penchés sur la question de l’ethnicité et de l’intégration. Il s’agit notamment de Barth (1969)
et Juteau (1999) qui ont parlé des frontières ethniques. Labelle et Marhraoui (2001), Houle
14
(1999) ainsi que Kymlicka (1998) ont abordé la question du multiculturalisme canadien. Daniel
(2004) et Gordon (1964), ont aussi discuté de l’intégration en Amérique du Nord, entre autres à
travers la citoyenneté.
Enfin, l’entrepreneuriat ethnique constitue en soi un domaine de recherche assez large et
développé. La plupart des études sur les entreprises créées et/ou gérées par des immigrés se sont
davantage concentrées sur l’aspect socio-économique du phénomène. Ainsi, depuis les années
1970, plusieurs chercheurs canadiens et américains se sont penchés sur la question de
l’entrepreneuriat ethnique, comme Light et Portes. Bonacich (1973), Toulouse et Brenner (1988),
Waldinger, Aldrich et Ward (1990), Helly et Ledoyen (1994), Juteau et Paré (1996), Robichaud
(1999) et Hou et Wang (2011) sont aussi des auteurs importants pour ce champ d’étude.
L’explication des motifs de création d’entreprise ainsi que la description du processus de
création d’entreprise ont été étudiés.
Par ailleurs, trois grands groupes de théories ont été dégagés dans le cadre de recherches sur
l’entrepreneuriat ethnique. Robichaud (1999) a présenté une synthèse de celles-ci. Il s’agit des
approches culturelle, structurelle et situationnelle. Nous considérons qu’elles ont un lien direct
avec notre questionnement sur l’intégration, car elles sont susceptibles d’indiquer des facteurs
incitatifs ou contraignants pouvant mener à la création d’entreprises chez les immigrants.
D’abord, la théorie culturelle, telle que conçue par Toulouse et Brenner (1988), renvoie au fait
qu’un immigrant se dirige vers l’entrepreneuriat notamment en raison de caractéristiques
personnelles reliées à des valeurs entrepreneuriales comme l’indépendance, la liberté et
15
l’autonomie (Hou et Wang, 2011), mais surtout en raison du fait que cette pratique est valorisée
par son groupe ethnique.
Au niveau de la théorie structurelle (Waldinger et al., 1990), il s’agirait des conditions
économiques et de marché qui influenceraient la création d’entreprises. Une stratégie serait donc
employée pour saisir l’opportunité de création ou d’acquisition d’entreprise selon les auteurs.
Cette théorie est alors reliée aux niches laissées vacantes dans des secteurs périphériques ainsi
qu’aux enclaves ethniques (Robichaud, 1999). La niche comme marché est un secteur
économique spécifique à concurrence faible et rentabilité limitée. Il s’agit de la définition
principale largement acceptée. Certains parlent aussi de la théorie de la « division des marchés ».
Parallèlement, la théorie des « middleman minorities » (Bonacich, 1973) suppose que les
entrepreneurs de certains groupes ethniques jouent le rôle de médiateur ou d’intermédiaire entre
deux groupes majoritaires, comme c’est le cas des Coréens qui évitent la discrimination en
offrant leurs produits ou services à des « Noirs » et des « Blancs » dans des quartiers spécifiques
aux États-Unis où les tensions sont élevées. En définitive, la théorie situationnelle (Toulouse et
Brenner, 1990), telle que décrite précédemment, renvoie au désir d’intégration des immigrants et
de rehaussement de leur statut d’immigrant qui serait ainsi peu valorisé dans la société d’accueil.
La théorie du désavantage de Helly et Ledoyen (1994), renvoie aussi à cette volonté de se sortir
d’une situation de marginalisation et de subordination, comme c’est le cas des réfugiés
vietnamiens par exemple, qui, désavantagés par leur statut d’étranger, se lancent en affaires dans
le but de s’attribuer un rôle plus favorable et valorisé dans la société. Toutefois, cette théorie
16
n’explique pas les écarts entre divers groupes quant à leur disposition ou leur enclin à devenir
entrepreneurs (Robichaud, 1999 : 6).
On peut peut-être effectuer un lien avec la théorie culturelle pour les entrepreneurs dits « par
choix », en raison des valeurs et caractéristiques socio-culturelles qui les incitent à préférer la
voie de l’entrepreneuriat. Quant aux entrepreneurs par obligation, qui sont plus souvent des
immigrants qui ont perdu leur emploi ou qui ont de la difficulté à en trouver (Hou et Wang,
2011), ils peuvent être associés à la théorie situationnelle (statut peu valorisé) et structurelle
(conditions économiques instables). Du côté des motifs pour se lancer en affaires, ce sont les
valeurs entrepreneuriales comme l’indépendance et la liberté, liées à la théorie culturelle, qui
sont les premiers motifs invoqués par les entrepreneurs. La souplesse et la flexibilité sont
également très recherchées. Les occasions préexistantes sont aussi des raisons qui incitent les
gens à démarrer ou acquérir une entreprise. Ces deux dernières motivations peuvent être liées
respectivement à la théorie situationnelle et à la théorie structurelle.
Les trois grands groupes de théories sont donc selon nous complémentaires et imbriqués les uns
dans les autres et peuvent se refléter dans les données des enquêtes canadiennes qui seront ici
exposées, quoique la théorie situationnelle, tant dans la définition de l’entrepreneuriat ethnique
que dans les motifs principaux évoqués par les immigrants pour devenir travailleur autonome,
explique le mieux la situation. La théorie situationnelle est donc très importante pour cette
présente recherche, car elle nous indique la possibilité d’une influence réciproque entre
l’entrepreneuriat et l’intégration. Sachant alors que « those excluded from jobs in the mainstream
due to race or status, by default congregate in the marginal sector » (Bonacich citée par
17
Christiansen, 2011 : 225), l’entrepreneuriat contribue au même moment à fournir un statut social
à travers le travail et ainsi, participer à l’intégration de l’entrepreneur. Cependant, la théorie
structurelle nous montre aussi que ce sont les structures socio-économiques qui sont à la base du
développement de l’entrepreneuriat en général. Quant à la théorie culturelle, comme il l’a été
mentionné précédemment, elle expliquerait les variations entre les divers groupes ethniques en
lien avec leur propension pour l’entrepreneuriat.
2.2 Cadre théorique
Concepts
Ce projet s’inscrit au sein d’une littérature très vaste. Il importe donc de bien définir les concepts
centraux que nous emploierons tout au long de ce mémoire. D’abord, le « groupe ethnique »,
notion très large et englobante, a été défini par Juteau comme une somme d’individus possédant
« une culture, une identité et une mémoire communes […] » (Juteau citée par Guigova, 2006: 7).
Weber (1971) insiste quant à lui sur la « croyance subjective » en une origine commune. On peut
également penser à la langue ou la religion par exemple, ainsi que l’histoire et les traditions qui
unissent des groupes. Au Canada, le terme de « groupe ethnique » est plus souvent utilisé pour
faire référence aux minorités visibles et dans notre cas, ce sera les Chinois, dont ceux
principalement originaires de la République populaire de Chine et de Hong Kong.
En ce qui a trait à l’entrepreneuriat en général, il est souvent relié au concept d’innovation
(Perrault et al., 2007 : 2). Nous ferons abondamment référence au terme « entrepreneur » dans le
cadre de ce mémoire pour désigner les propriétaires de petites entreprises chinoises. Nous
parlerons aussi à l’occasion de travailleurs autonomes ou indépendants. Quant à l’entrepreneuriat
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« ethnique » ou « immigrant », il nous renvoie à la théorie situationnelle, qui nous dit que
l’immigrant démarrera une entreprise surtout par souci d’augmentation de son statut socio-
économique et son désir de se sentir intégré à sa société d’accueil, tel que présenté par Baycan-
Levent, Masurel et Nijkamp dans Guigova (2006 : 8).
D’autre part, quand nous parlons de « réseaux », nous faisons ici référence aux réseaux intra-
ethniques et familiaux des entrepreneurs. Ils ont comme fonction de favoriser le partage et
l’échange de ressources diverses en offrant support et appui à leurs membres (Guigova, 2006).
Nous ne pouvons parler de réseaux sans parler de capital social. Cette notion est de plus en plus
utilisée dans la littérature en sciences sociales, quoique nous ferons tout de même davantage
référence aux réseaux. Il existe plusieurs volets au capital social. En résumé, il s’agit de liens
développés entre des individus qui faciliteront l’accès aux ressources nécessaires, en ce qui nous
concerne, au succès de l’entreprise. Perrault et al. (2007) ont démontré qu’un capital social limité
a été associé à des performances plus faibles des entreprises. Brenner, Menzies et al. (2002) ont
pour leur part noté qu’un peu plus d’un entrepreneur sur trois a recours au partenariat ou au « co-
leadership ».
L’enclave ethnique renvoie à une concentration spatiale d’individus d’un même groupe ethnique
qui sont majoritaires dans un secteur. Cette définition de Portes et Wilson (1980) est employée
par plusieurs auteurs. On l’associe souvent au concept plus spécifique de ségrégation
résidentielle, tel qu’abordé par Apparicio et Séguin (2008). D’un point de vue socio-économique
relié à l’entrepreneuriat, l’enclave inclut une segmentation du marché en commerces dirigés par
19
des immigrants d’une même origine, comme les Italiens par exemple. Nous approfondirons la
réflexion sur les quartiers chinois dans les pages suivantes.
Finalement, le concept le plus central à cette étude est bien entendu celui de l’intégration des
immigrants, qui renvoie à « l’insertion socio-économique, la participation citoyenne et
l’adhésion à un système de valeurs communes » (notre définition adaptée de la politique
canadienne du multiculturalisme telle que présentée par Houle, 1999). Par conséquent, il s’agirait
du fait d’occuper un emploi dans le pays d’accueil, de participer socialement et politiquement à
la vie en société ainsi que de croire et soutenir des valeurs comme la liberté, l’égalité, le respect,
l’ouverture, etc. À cela peut –et doit– s’ajouter l’apprentissage de l’une des deux langues
officielles (Chui, Tran et Flanders, 2005 : 33). Cette définition est toutefois plutôt générale. Elle
est supportée par Paecht (2004) qui a parlé de trois volets de base de l’intégration, soit les aspects
socio-économique, culturel et citoyen. Notons que pour ce travail, la notion d’intégration
constitue ici l’indicateur dépendant des différents facteurs facilitant ou limitant celle-ci, mais que
selon la théorie situationnelle, l’entrepreneuriat peut aussi être considéré comme étant dépendant
du niveau d’intégration. La notion d’intégration est ainsi associée à plusieurs composantes qui
agiront à titre d’indicateurs –partiels– d’intégration pour ce mémoire, dont certains seront ajoutés
ou exclus de notre étude. Nous y reviendrons. Par ailleurs, différents concepts ont été employés à
travers les époques pour désigner la notion d’intégration, qui est selon nous, plus englobante et
abondamment employée dans la littérature. Ainsi, pour cette raison, nous avons retenu ce terme
qui fait au même moment référence à l’insertion socio-économique, au sentiment d’inclusion et à
un certain niveau d’acculturation nécessitant notamment l’apprentissage de la langue du pays
d’accueil. Enfin,
20
« [être] intégré, c’est participer totalement à la vie d’une société, c’est en être tout à fait membre.
C’est aussi être reconnu par les autres membres de la communauté nationale comme faisant
partie, en cette même qualité, de celle-ci. C’est, enfin, la possibilité d’accéder aux divers services,
prestations et moyens que cette société met à la disposition de chacun de ses membres. » (Ricci,
2001 :14)
Théories
Les trois théories principales portant sur l’entrepreneuriat serviront d’appui à la compréhension
du phénomène de l’entrepreneuriat ethnique. D’autres travaux comme ceux de Hou et Wang
(2011) démontrent les principales caractéristiques des immigrants occupant un emploi autonome.
Les auteurs démontrent que l’association à des valeurs dites entrepreneuriales comme
l’indépendance et la liberté est forte chez les entrepreneurs et ils font la distinction entre les
travailleurs indépendants par choix et par obligation. Nous approfondirons ces notions un peu
plus loin dans le texte.
En ce qui a trait à l’intégration, tel que discuté, elle comporte différents aspects et peut être de
type socio-économique, culturel ou citoyen (politique). D’autres types d’intégration en général
auxquels nous faisons régulièrement référence dans la littérature à ce sujet sont l’intégration
économique, linguistique et socio-culturelle. Dans tous les cas, ces facteurs sont sensiblement les
mêmes, mais c’est plutôt la façon de les nommer et les regrouper qui peut varier. Bien sûr,
l’intégration peut comprendre d’autres volets qui ont été abordés par Gordon (1964) comme le
côté que nous qualifierions de symbolique, relié au sentiment d’appartenance de l’immigrant et à
l’ouverture de la part de la société d’accueil. Gordon a parlé des sept étapes linéaires
d’assimilation auxquelles nous ne ferons pas davantage référence, car sa théorie est moins
employée qu’auparavant et que certaines des étapes ont soit été discutées précédemment, ou soit
elles ne seront pas étudiées dans ce mémoire.
21
Il est à noter qu’il n’y a pas de théories spécifiques reliées à l’intégration ressortissant de
l’enquête du HEC sur les entrepreneurs chinois de Brenner, Menzies et al. (2000a), car elle
s’accompagne seulement d’une explication des données chiffrées, mais elles pourraient émerger
à la suite de notre analyse. Les auteurs croient tout de même que de façon générale, les
entrepreneurs chinois sont moins bien intégrés à la société canadienne que les entrepreneurs
italiens et sikhs en raison d’un « modèle intra-ethnique assez homogène » (Ramangalahy, Filion
et al., 2002 : 9). Nous tenterons alors d’approfondir cette réflexion qui a été amorcée brièvement,
sans toutefois nous attarder à effectuer des comparaisons entre les groupes ethniques.
Quartiers chinois
Étant donné qu’en moyenne, près de deux entreprises chinoises sur trois dans les grandes villes
canadiennes sont situées dans des secteurs où les Chinois sont majoritaires (Ramangalahy, Filion
et al., 2002), principalement dans les quartiers chinois, il importe de mieux comprendre leur
processus de développement ainsi que leurs caractéristiques. Lai (1988 : 3) définit le quartier
chinois comme un district chinois délimité par un territoire précis dans une ville située en dehors
de la Chine. Peu de temps après leur arrivée au Canada, les Chinois se sont regroupés et le
premier quartier chinois s’est implanté en 1858 à Victoria, en Colombie-Britannique, en réponse
aux diverses formes de racisme qu’ils subissaient au Canada. Plus précisément, « voluntary
segregation resulted in the birth of a Chinatown, which was a kind of self-defense measure used
by the Chinese to avoid open discrimination and hostility. » (Lai, 1988: 35) Les attitudes et
pratiques discriminatoires se sont alors répandues dans la population qui avait l’impression que
les Chinois venaient voler des emplois aux habitants locaux (Tan et Roy, 1985). Mais le racisme
était aussi institutionnalisé (Li, 1988). Ce n’est qu’après la Deuxième Guerre mondiale que la
22
population s’est montrée plus tolérante envers les Chinois (Tan et Roy, 1985 : 18). Ceux-ci
commençaient à s’installer dans d’autres villes et provinces canadiennes et occupaient une plus
grande variété d’emplois. Ils se sont donc graduellement taillé une place dans la société et
l’économie canadienne.
D’un autre côté, il est à noter que les propriétaires d’entreprises n’habitent généralement pas
dans les quartiers chinois, mais plus souvent dans les banlieues aisées de la ville. Ce sont
davantage les plus âgés ou bien ceux possédant un plus bas statut socio-économique qui y
résident (Cao, Dehoorne et Roy, 2006 : 19). En fait, les quartiers chinois…
« rose to meet the varied needs of the immigrants, giving [them] the space to recreate their Old
World bonds based on geographical, linguistic, and genealogical affiliations and meet their
practical needs in such areas as recreation, medical care, and shopping. » (Chen, 2011: 186)
Il existe alors deux types de quartiers chinois qui s’insèrent dans des contextes de développement
bien différents, soit les anciens et les plus récents, développés avant ou après la Deuxième
Guerre mondiale (Lai, 1988). Les plus vieux quartiers chinois sont surtout associés aux
personnes plus âgées qui revendiquent leur riche héritage culturel et qui souhaitent vivre en
harmonie avec leur passé (Lai, 1988 : 283). Ainsi, « [the] image of Chinatown then varies, as it is
simultaneously considered a tourist attraction, a vibrant inner-city neighbourhood, a historic
district, an emblem of Chinese heritage, and / or the root of Chinese Canadians in the multi-
ethnic society of Canada. » (Ibid, p.8) L’image qui lui est associée est donc bien différente de
celle des premiers quartiers chinois qui étaient considérés comme des endroits dangereux et
mystérieux associés à la criminalité et aux vices (Aytar et Rath, 2012 : 1; Chen, 2011 : 190;
Christiansen, 2011 : 218, 226). « The middle-class “moral hygiene” that closely associates race,
class, health, morality, sanity, legality, civility, authenticity, and cleanliness in a universe
23
overlapping judgments plays an important role in the Chinese community. » (Christiansen, 2011:
226) Par ailleurs, ce même auteur (Ibid., p. 218) démontre que les quartiers chinois sont devenus
à un moment:
« […] one of the emblematic institutions that mask the exploitative relationships in the global
economy. It combines practical concentration of services and information in Chinese language,
labor opportunities and a discourse that is based on the ambiguous link between ethnicity and
crime. »
Cho (2010 : 49-50), quant à elle, affirme que les quartiers chinois sont tantôt considérés comme
des musées représentant les diasporas chinoises à l’étranger. Elle ajoute que ces quartiers sont
assimilés à la culture dominante et sont aussi entrés dans l’imaginaire collectif comme étant des
espaces associés au plaisir et à la consommation.
Bref, les quartiers chinois constituent un site d’expression de la culture chinoise comme une
forme de contre-culture qui est elle-même ancrée dans la culture populaire. Pour plusieurs
Chinois, cela représente leur communauté et pour le reste de la population, un « physically
isolated and culturally exotic ethnic settlement […] » (Chen, 2011 : 186). Pour terminer,
ajoutons ceci :
« A Chinatown whether old, new, or replaced is a unique component of the urban fabric of
Canadian cities and part of Canada’s multicultural mosaic. Its charm is created not only by its
Chinese mercantile structures and ornately decorated commercial façades but also by the noise,
smells, and congestion on its streets. » (Lai, 1988: 284-285)
24
Chapitre 3 – Démarche méthodologique
Tout d’abord, en raison d’un échéancier limité, ce mémoire s’appuiera majoritairement sur des
données secondaires. Il sera ainsi basé sur l’analyse de données recueillies lors d’une étude sur
« L’entrepreneuriat ethnique : Données d’une enquête sur les communautés chinoises dans les
villes canadiennes de Montréal, Toronto et de Vancouver », menée par un groupe de chercheurs
du HEC Montréal composé de Brenner, Menzies, Ramangalahy, Filion et Amit en 2000. Cette
présente recherche impliquera donc l’interprétation de certaines données statistiques provenant
d’un large échantillon sur les entrepreneurs chinois à l’aide de diverses théories sur l’intégration
des immigrants. Parallèlement, la politique canadienne du multiculturalisme nous servira à
l’occasion de contexte de référence, car elle nous permet de mieux saisir les orientations du pays
en matière d’immigration ainsi que l’environnement social qui y règne. Cette politique est axée
sur l’intégration des immigrants, tout en laissant place à la liberté culturelle de chacun (Houle,
1999).
D’autre part, une revue de la littérature aussi exhaustive que possible nous aura permis de bien
définir le sujet de recherche ainsi que de cerner la problématique y étant reliée, soit l’intégration
des immigrants au Canada. En employant parallèlement des écrits sur l’histoire de l’immigration
chinoise au Canada, des statistiques officielles sur les immigrants chinois, des données sur les
entrepreneurs chinois ainsi que des articles de chercheurs entourant l’ethnicité et l’intégration des
immigrants, nous pourrons mieux comprendre l’univers de l’entrepreneuriat chinois. L’essentiel
du corpus à analyser sera donc constitué de données d’enquêtes et d’archives provenant du HEC
Montréal et il sera soutenu par la littérature scientifique pertinente à ce travail.
25
Nous nous appuierons sur les divers facteurs d’intégration des immigrants présentés dans la
littérature scientifique pour évaluer le niveau d’intégration des entrepreneurs chinois qui ont fait
l’objet d’une vaste étude pan-canadienne menée par des chercheurs de l’École des HEC de
Montréal. Un fait à noter est qu’il s’agit d’une étude de nature socio-économique, mais que les
données recueillies sont nombreuses, plutôt récentes et fiables et qu’elles permettront d’effectuer
une analyse quasi complète par rapport à l’intégration des entrepreneurs chinois au Canada.
Cette recherche se base donc sur une analyse qualitative de données quantitatives afin de dresser
un portrait plus complet de la situation des entrepreneurs chinois au Canada, sans toutefois
aspirer à une généralisation des résultats à l’ensemble des entrepreneurs. Il faut préciser que
toutes les études de la Chaire d’entrepreneuriat du HEC Montréal qui font référence aux
entrepreneurs chinois au Canada, plus spécifiquement celles effectuées entre 2000 et 2003, se
basent sur les résultats obtenus par rapport au même échantillon. Par ailleurs, ces recherches ont
été complétées avec la collecte de données sur d’autres communautés ainsi que sur des non-
entrepreneurs (Ramangalahy et al., 2001 : 7).
Les données d’enquête de Brenner, Menzies et al. (2000a) portant sur l’entrepreneuriat ethnique
ont fait davantage l’objet de travaux de nature descriptive comprenant des comparaisons entre
divers groupes ethniques, mais elles n’ont pas été analysées en profondeur du point de vue du
niveau d’intégration des entrepreneurs chinois. Ainsi, nous proposons d’interpréter une partie de
ces résultats dans le cadre de ce mémoire. Toutefois, il faut noter qu’étant donné que cette étude
incluait les réponses de non-entrepreneurs et que celles-ci ne sont pas toujours clairement
séparées des réponses des entrepreneurs, nous aurons recours à d’autres recherches menées par le
26
même groupe de chercheurs afin de pouvoir accéder à toutes les données nécessaires à notre
analyse. Cependant, deux indicateurs non négligeables devant être considérés dans l’analyse du
niveau d’intégration, soit « l’auto-identification » ainsi que « le sentiment de satisfaction » n’ont
pas pu être retenus pour l’évaluation du degré d’intégration des entrepreneurs, même s’ils nous
indiquent tout de même de façon plus globale les perceptions des immigrants chinois par rapport
à leur pays d’accueil. Ils seront donc brièvement discutés en conclusion.
Les données des cahiers de recherche de la Chaire d’entrepreneuriat du HEC Montréal portant
sur l’entrepreneuriat ethnique et plus particulièrement sur les entrepreneurs chinois, constituera
la majeure partie de notre corpus d’analyse. Le questionnaire qui a été élaboré pour les
entrepreneurs ethniques par Brenner, Menzies et al. (2000a) comprenait des questions ouvertes,
des questions à choix multiples et des questions fermées (Ramangalahy et al., 2001 :7). Des
assistants de recherche parlant couramment le Chinois se sont chargés de diriger les entrevues
avec les participants (Brenner, Menzies et al., 2000b
: 3). L’anonymat des répondants a été
respecté.
L’échantillon qui a été sélectionné par le groupe de chercheurs en entrepreneuriat ethnique du
HEC Montréal que nous emploierons ici est constitué de 151 entrepreneurs chinois, soit 50 de
Montréal, 52 de Toronto et 49 de Vancouver (Brenner, Ramangalahy et al., 2000). Sachant que
la population immigrante et plus particulièrement les Chinois s’installent pour la plupart dans les
grandes villes, notamment Toronto, (Cao, Dehoorne et Roy, 2006; Chui, Tran et Flanders, 2005;
Ramangalahy, Menzies et al., 2002), cela vient justifier le choix de l’échantillon. Quoique les
données qui ont fait l’objet de cette grande étude aient été comparées entre elles selon plusieurs
27
facteurs, entre autres du point de vue du lieu et de la localisation de l’entreprise, nous jugeons
nécessaire de dresser un portrait plus global du niveau d’intégration des entrepreneurs chinois en
contexte canadien. Ainsi, nous opterons plutôt pour l’analyse d’une partie des réponses des
participants des trois villes, étant donné qu’il y a peu de différences intra-ethniques chez les
entrepreneurs chinois de Toronto, Montréal et Vancouver (Ramangalahy, Filion et al., 2002 :9).
La langue parlée à domicile et au travail, la définition de l’identité et le sens d’appartenance,
l’insertion socio-économique, le rapport aux divers réseaux intra-ethniques, le lieu de résidence
et l’endroit où est située l’entreprise ainsi que l’origine ethnique des employés et de la clientèle
seront les principales variables analysées dans le cadre de ce mémoire. Un point important à
préciser est que la religion pratiquée par les entrepreneurs chinois ainsi que leur participation à la
vie civile et politique ne seront pas évaluées dans ce travail, notamment car elles n’ont pas été
abordées dans l’enquête provenant du groupe du HEC sur les entrepreneurs chinois au Canada et
parce qu’elles ne constituent pas des variables essentielles à l’analyse du niveau d’intégration du
point de vue de l’entrepreneuriat. Elles pourraient tout de même faire l’objet d’une étude future
et complémentaire.
Afin de mesurer le niveau d’intégration des entrepreneurs chinois, les facteurs d’intégration
ayant été préalablement définis dans la section précédente seront employés comme indicateurs
pour l’analyse. Par ailleurs, ces indicateurs nous permettront d’établir des liens entre l’intégration
et l’entrepreneuriat. L’intégration en elle-même constituera le concept dépendant des autres
critères d’intégration. De ce fait, est-ce que l’entrepreneuriat semble contribuer à l’exclusion des
entrepreneurs chinois ou bien plutôt favoriser leur intégration à la société canadienne? Les
28
vecteurs d’intégration permettent ainsi partiellement de vérifier le degré d’isolement social des
entrepreneurs, volontaire ou non, au sens de leur niveau de proximité physique et symbolique
avec certains éléments de leur culture d’origine.
Les variables d’analyse ont été sélectionnées selon les critères suivants: D’une part, car elles
constituent des facteurs d’intégration abondamment reconnus dans la littérature scientifique et
d’autre part, parce qu’elles pouvaient être mesurées à l’aide des données recueillies par Brenner,
Menzies et al. (2000a) sur les entrepreneurs chinois. Cette dernière étude est centrale à notre
recherche, car les données qu’elle comporte nous aident à déterminer directement le niveau
d’intégration des entrepreneurs chinois au Canada. De plus, nous tenons à rappeler que d’autres
cahiers de recherche portant sur l’entrepreneuriat et dirigés par des chercheurs au HEC Montréal
ont été sélectionnés pour la pertinence du sujet traité par rapport à cette présente étude, soit les
entrepreneurs chinois.
La façon dont nous procéderons pour effectuer l’analyse des résultats est la suivante : Afin de
déterminer dans quelles proportions les entrepreneurs chinois sont intégrés à la société
canadienne, nous ne retiendrons que le type de réponse le plus fréquemment mentionné et
regroupant la majorité des répondants. Les questions ayant un lien direct avec les indicateurs
d’intégration mentionnés précédemment, c’est-à-dire celles qui contribuent à évaluer le niveau
d’intégration des entrepreneurs, seront donc choisies comme cadre d’analyse.
En d’autres termes, les différents indicateurs décrits plus haut constituent des volets de
l’intégration que nous tenterons de décrire et de mieux comprendre à l’aide de certaines données
29
sur les entrepreneurs chinois du HEC Montréal ayant fait l’objet de recherches plus
particulièrement entre l’an 2000 et 2003. Cette présente étude se veut donc davantage basée sur
l’interprétation de certaines données présélectionnées provenant du HEC Montréal portant sur les
entrepreneurs chinois et permettant d’évaluer leur niveau d’intégration et moins sur une
présentation exhaustive des résultats complets des études menées par des chercheurs de la Chaire
d’entrepreneuriat de l’École des HEC de Montréal.
Enfin, nous proposons donc d’enrichir l’analyse sur les données portant sur les entrepreneurs
chinois au Canada tout en tentant de démontrer que de mesurer le niveau d’intégration d’un
groupe ethnique spécifique est un processus complexe qui doit s’appuyer sur de multiples
facteurs tout en nécessitant la prise en considération du contexte dans lequel le problème s’insère
et ce, à l’ère de la singularité (Martuccelli, 2010).
Le schéma de la page suivante résume la logique d’analyse que nous suivrons dans le cadre de ce
projet de recherche. Au centre du graphique se situe le concept principal de cette étude, soit
l’intégration. Il est entouré de ses indicateurs, regroupés en cinq catégories d’analyse. Nous nous
concentrerons sur quatre d’entre elles, excluant ainsi partiellement le sentiment d’appartenance et
le niveau de satisfaction de l’analyse principale pour des raisons d’accès aux données.
30
Figure 1 – Notre modèle de base pour l’intégration des entrepreneurs chinois au Canada
INTÉGRATION DES
ENTREPRENEURS CHINOIS
AU CANADA
Langue(s) parlée(s)
Sentiment d'appartenance
et niveau de satisfaction
Relations sociales et d'affaires
-Employés
-Clientèle
Lieu de résidence et
localisation de l'entreprise
Emploi et motivations intrinsèques
31
Chapitre 4 – Présentation des résultats
Tableau 1 – Statistiques sur certains indicateurs
Indicateur d’intégration Réponse principale Fréquence Pourcentage
Langue la plus parlée à domicile2
Autre que le français
ou l’anglais
136 90
Langue la plus parlée au travail2
Autre que le français
ou l’anglais
74 49
Lieu de résidence de
l’entrepreneur3
Dans un milieu où le
groupe ethnique est
dominant*
61 40,4
Localisation de l’entreprise3
Dans un milieu où le
groupe ethnique est
dominant
97 64,2
Préférences pour le recrutement3
Membres du même
groupe ethnique
74 49
Part des ventes1
Au groupe ethnique 91 60,2
Sources : 1Filion, Ramangalahy et al., 2001
2Ramangalahy, Brenner et al., 2001
3Ramangalahy, Filion et al., 2002
* Il ne s’agit pas ici de la première réponse des participants,
mais la deuxième réponse est tout de même fournie à titre indicatif.
4.1 Profil général des entrepreneurs et des entreprises
Les 151 entrepreneurs chinois de Toronto, Vancouver et Montréal qui ont participé à l’étude de
Brenner, Menzies et al. (2000a) sont principalement originaires de la République populaire de
Chine ainsi que de Hong Kong (Brenner, Menzies et al., 2000b; Brenner, Ramangalahy et al.,
2000). Ils sont majoritairement des hommes, soit 101 hommes pour 48 femmes (Brenner,
Menzies et al., 2000b; Brenner, Ramangalahy et al., 2000). Les auteurs expliquent cette
différence en termes de refus de prendre part à la recherche plus élevé chez les femmes et par le
fait que les femmes chinoises, notamment les épouses, peuvent aussi occuper une place
importante au sein de l’entreprise, en termes d’implication au niveau de la gestion, par exemple,
mais pas tant du point de vue de la direction de l’entreprise (Filion, Brenner et al., 2003 : 8).
32
Brenner, Menzies et al. (2000b) ainsi que Brenner, Ramangalahy et al. (2000) nous indiquent que
les répondants sont en moyenne âgés de 44 ans et qu’ils résident au Canada depuis une quinzaine
d’années, ce qui nous permet de constater qu’ils seraient arrivés au pays vers l’âge de 29 ans.
Par ailleurs, seulement un répondant est né au Canada (Perrault et al., 2007 : 6). Les participants
sont alors des immigrants de première génération. D’autre part, on peut alors supposer que la
vaste majorité des entrepreneurs ont été socialisés –et scolarisés– dans leur pays d’origine, ce qui
peut avoir une influence notable sur leur capacité d’adaptation à une autre culture. À ce propos,
les auteurs préfèrent désigner les entrepreneurs chinois comme des « entrepreneurs immigrants »
plutôt que des « entrepreneurs ethniques » quoique la notion d’entrepreneuriat ethnique soit celle
qui revient le plus souvent dans les cahiers de recherche du HEC Montréal. Nous ne croyons
cependant pas indispensable d’en faire la distinction, car généralement, dans la littérature, les
termes sont employés de façon interchangeable. Le concept d’entrepreneurs ethniques est certes
plus englobant et c’est celui-ci que nous avons retenu.
Du côté des entreprises, la majeure partie de celles-ci ont un chiffre d’affaires inférieur à
100 000$ (Brenner, Ramangalahy et al., 2000 : 9; Ramangalahy, Brenner et al., 2001 : 13). En
moyenne, les entreprises embauchent quatre employés à temps plein et deux employés à temps
partiel (Brenner, Ramangalahy et al., 2000). Ainsi, on peut affirmer qu’il s’agit davantage de
petites entreprises. Une grande partie des entreprises sont associées aux secteurs des services
ainsi que du commerce au détail (Brenner, Menzies et al., 2000b). Toutefois, la littérature nous
indique que les restaurants jouent aussi un très grand rôle dans les communautés chinoises, plus
particulièrement dans les quartiers chinois. Ainsi, « Chinese food […] has always functioned as a
33
marker of cultural identity for Chinatown and, for much its history, constituted an important part
of its economy. » (Chen, 2011: 182)
Afin de nous permettre de déterminer le degré d’intégration des entrepreneurs, sept indicateurs
principaux ont été sélectionnés et seront présentés en quatre catégories d’analyse. Il s’agit de la
langue, l’accès à l’emploi, la situation géographique ainsi que les réseaux. Bien entendu, tel que
mentionné dans le chapitre précédent, d’autres variables peuvent être considérées, mais elles ne
seront pas au cœur de cette présente recherche. Néanmoins, nous leur accorderons de l’attention
dans la section suivante.
4.2 Interprétation des résultats
Langue
L’apprentissage de la langue du pays d’accueil est l’une des premières étapes de l’intégration des
immigrants (Gordon, 1964). Ainsi, au Canada, le fait de parler l’une des deux langues officielles,
soit l’anglais ou le français, est un critère important de sélection des immigrants à travers le
système de points (Daniel, 2004). Houle (1999) nous rappelle qu’au sein de la politique
canadienne du multiculturalisme, l’accent est porté sur le pluralisme et la diversité, mais que le
cadre bilingue du pays revêt aussi une importance capitale. En ce qui concerne les entrepreneurs
chinois, leur environnement de travail ne les engage pas forcément à devoir connaître une autre
langue que celle qui est parlée à domicile, quoique l’emploi de l’anglais au travail suit tout de
même de près la langue maternelle des Sino-Canadiens (Ramangalahy, Brenner et al., 2001).
Ainsi, certains entrepreneurs chinois peuvent maîtriser l’anglais ou le français sans toutefois
devoir les employer régulièrement sur leur milieu de travail. Sachant que la majorité des clients
34
et des employés sont du même groupe ethnique que les entrepreneurs (Brenner, Menzies et al.,
2000b), nous pouvons ainsi déduire que le contexte entrepreneurial relié à une enclave ethnique
ne semble pas favoriser l’usage courant d’une des deux langues officielles du Canada.
On peut par ailleurs conclure que l’entrepreneuriat ne contribue pas à l’intégration linguistique
des entrepreneurs chinois. Cette affirmation peut s’appliquer plus spécifiquement aux
propriétaires de petites entreprises situées dans les quartiers chinois. Bref, « [the] central role
played by language in the socialization process and in the transmission of cultural values makes
it a particularly sensitive indicator of acculturation and assimilation. » (Kalbach et Kalbach,
2000: 191)
Insertion socio-économique
L’accès à l’emploi et la réduction du taux de chômage sont des enjeux importants pour
l’économie canadienne. Parallèlement, plusieurs raisons peuvent être avancées pour se lancer en
affaires. Généralement, les valeurs entrepreneuriales comme le désir d’indépendance et de liberté
sont des motifs souvent évoqués pour démarrer une entreprise (Robichaud, 1999; Hou et Wang,
2011). Les données de Brenner, Menzies et al. (2000a) indiquent que les entrepreneurs chinois
vivant au Canada partent surtout en affaires pour gagner un revenu, ce qui viendrait en partie
minimiser l’importance de la théorie culturelle pour laquelle la communauté d’origine valorisant
la possession d’entreprise influence directement ou non ses membres à se diriger vers
l’entrepreneuriat (Robichaud, 1999) malgré que plus d’un entrepreneur sur trois a aussi un autre
entrepreneur dans sa famille (Ramangalahy, Brenner et al., 2001). À ce propos, les raisons
35
entrepreneuriales sont les moins souvent mentionnées par les immigrants chinois pour s’installer
au Canada (Brenner, Menzies et al., 2000b : 10).
Créer son entreprise nécessite l’accès à des ressources, à des réseaux et à du capital social. Dès
lors, on peut se demander si la voie de l’entrepreneuriat ne nécessite pas un certain degré
d’intégration préalable dans la société d’accueil, que ce soit à travers l’obtention du statut de
résident permanent ou éventuellement de la citoyenneté canadienne, à travers le développement
de relations harmonieuses avec la communauté –chinoise– , ou bien l’accumulation de capital
nécessaire au démarrage de l’entreprise. Il faut alors porter une attention particulière au passé de
l’entrepreneur du point de vue de l’emploi.
Enfin, Hou et Wang (2011) soutiennent que les immigrants sont plus susceptibles de se lancer en
affaires en raison de la difficulté à trouver ou à conserver un emploi rémunéré. Ainsi, davantage
d’entrepreneurs immigrants le sont par obligation (Idem). Considérant cette théorie,
l’entrepreneuriat peut être vu comme un moyen de s’intégrer à la société. Par contre, cette seule
variable d’analyse ne peut nous permettre de conclure que l’entrepreneuriat ethnique chez les
Chinois contribue explicitement à leur intégration, même si l’intégration à travers l’emploi est
certes un des principaux indicateurs d’intégration.
Localisation
Le lieu de résidence et le secteur où est située l’entreprise sont des indicateurs d’intégration plus
spécifiquement applicables aux immigrants ainsi qu’aux entrepreneurs ethniques. L’enclave
ethnique, considérée ici du point du vue d’une concentration de commerces dirigés par des
36
immigrants d’une même origine, a largement été étudiée, notamment dans la littérature associée
à la sociologie urbaine.
Près de deux entreprises sino-canadiennes sur trois de Montréal, Toronto et Vancouver sont
situées dans un secteur où les Chinois constituent le groupe le plus nombreux (Ramangalahy,
Filion et al., 2002). Nous pouvons déduire qu’il s’agirait des quartiers chinois. Tout en favorisant
le regroupement de services pour la communauté chinoise, les quartiers chinois offrent aussi une
expérience de plus en plus populaire auprès des touristes (Lai, 1988). En d’autres mots, « [the]
residential concentration of immigrants fostered the spatial distribution of ethnic businesses and,
at times, the creation of festivalised ethnic shopping areas and food centres. » (Aytar et Rath,
2012)
Depuis les dernières décennies, on remarque qu’une partie des immigrants chinois comme les
entrepreneurs réside en banlieue plutôt qu’au centre-ville, car leur statut socio-économique le
leur permet (Cao, Dehoorne et Roy, 2006 : 19). Les données de Ramangalahy, Filion et al.
(2002) ne nous permettent pas de déterminer avec certitude si la vaste majorité des entrepreneurs
chinois sont dispersés géographiquement ou bien plutôt regroupés spatialement, étant donné que
les résultats sont plutôt partagés. La ségrégation résidentielle est donc, quant à elle, un indicateur
moins important de notre analyse. Il ne faut tout de même pas le négliger et plutôt développer
davantage de réflexions sur celle-ci par rapport au niveau d’intégration des immigrants.
Balakrishnan (2000) nous indique ceci à ce propos: « residential segregation is […] often seen
as a measure of how well or how poorly a group has integrated into the society at large. […]
37
Thus, while residential segregation maintains ethnic identity, it reduces assimilation into the
wider society. »
Apparicio et Séguin (2008) voient plutôt d’un bon œil la ségrégation chez les immigrants et
remettent en question le mythe de la mixité sociale voulant qu’un brassage ethnique soit
bénéfique du point de vue de l’intégration des immigrants (p.3). Ils mettent plutôt l’accent sur la
solidarité que peut apporter la concentration ethnique et rejettent le principe péjoratif de
ghettoïsation.
Il ne fait aucun doute que le lieu de résidence des immigrants peut avoir un impact sur leur vie
sociale et sur leur degré d’intégration. Plus encore, le lieu de travail des entrepreneurs, lorsque
relié à la situation géographique du commerce, peut nous informer sur l’environnement social de
ceux-ci. Ces liens auraient avantage à être approfondis dans une recherche future. Nous savons
tout de même de façon générale que le « [lack] of language facility and social networks,
occupational skills, and economic resources may all make immigrants settle in ethnic enclaves,
which are often found in the poorer sections of the city. » (Balakrishnan, 2000: 125)
Origine ethnique des clients et des employés
L’étude de Brenner, Menzies et al. (2000b) nous révèle que 84% des employés sont de la même
origine ethnique que les entrepreneurs, mais que les membres de leur famille ont une
participation limitée au sein de l’entreprise. Notre hypothèse expliquant la situation est qu’il est
possible que ce soit en raison des aspirations plus grandes des parents pour leurs enfants, par
exemple, et qu’il est plus facile d’employer d’autres immigrants chinois qui ont peu de
38
qualifications et qui sont prêts à travailler dans des conditions parfois difficiles afin de subvenir
aux besoins de leur famille (Cho, 2010 :12).
Les plus récents quartiers chinois sont de plus en plus fréquentés par des individus de toutes
origines, comme les gens provenant de l’Asie du Sud-Est, mais également les touristes (Lai,
1988 : 8). Néanmoins, il existe une plus grande proportion de clients chinois, plus fréquemment
des gens plus âgés et/ou moins éduqués qui résident près ou à l’intérieur des quartiers chinois
(Cao, Dehoorne et Roy, 2006 : 19).
En somme, au travail, le cercle social de l’entrepreneur chinois ne semble pas tant favoriser les
interactions sociales avec des personnes de d’autres groupes ethniques, que la situation soit
volontaire, comme pour les préférences de recrutement, ou bien circonstancielle, soit reliée
notamment à la localisation de l’entreprise. Cette affirmation mériterait d’être vérifiée à l’aide
d’entrevues articulées autour de la question des relations sociales des immigrants dans leur pays
d’accueil. Nous estimons cependant que cette dernière catégorie d’analyse comporte ses limites,
notamment parce qu’elle est plutôt complexe à évaluer du point de vue du niveau d’intégration.
39
Chapitre 5 – Discussion
Nos hypothèses de départ, soit que le niveau d’intégration des entrepreneurs sino-canadiens est
plutôt faible dans l’ensemble et que l’entrepreneuriat contribue davantage à l’isolement des
entrepreneurs plutôt qu’à leur intégration, sont partiellement confirmées. Toutefois, en tenant
compte des motivations générales des entrepreneurs ainsi que de leurs opinions et expériences en
tant qu’immigrants au Canada, il est possible que ceux-ci se sentent tout de même à l’aise
comme entrepreneurs au sein de la société canadienne.
D’un côté, nous avons remarqué que l’enclave ethnique qu’est le quartier chinois peut jouer un
grand rôle par rapport au degré d’intégration limité des entrepreneurs chinois, étant donné que la
concentration et l’isolement de la population chinoise tend à venir supporter implicitement le
maintien de certaines pratiques traditionnelles. Ainsi, les quartiers chinois sont parfois définis
comme étant de véritables centres culturels (Lai, 1988). Par contre, il est clair que le maintien
d’un sentiment de fraternité et d’unité au sein d’une communauté peut contribuer à créer un
espace de vie plus harmonieux pour ses habitants. Bref, il faut comprendre que l’analyse du
niveau d’intégration des entrepreneurs chinois ne peut se réduire à la seule variable de la
ségrégation et de ses impacts sur les entrepreneurs.
D’un autre côté, nous avons noté que les indicateurs d’intégration impliquant des données plus
quantitatives qui ont été sélectionnées comme la langue principale parlée au travail, la
localisation de l’entreprise ainsi que l’origine ethnique des clients et des employés sont des
critères pertinents à notre étude, mais qu’ils doivent être complétés par d’autres critères
40
davantage d’ordre qualitatif, comme les raisons du départ en affaires et l’attachement
symbolique au pays d’accueil.
Il faudrait ainsi tenter de voir plus en détails les effets directs de l’enclave ethnique sur le niveau
d’intégration des entrepreneurs chinois, tant de façon interne qu’externe, tout en nous penchant
sur le vécu des acteurs. C’est ce que nous avons tenté de faire ici, mais il ne s’agit que d’un début
d’une réflexion qui pourrait être davantage développée prochainement. Donc dans le cas des
entrepreneurs chinois, ces derniers sont placés dans une situation particulière, celle du travail
indépendant, volontaire ou non, et s’il s’agit de propriétaires d’entreprises situées dans un
quartier chinois, nous devons tenir compte des effets de l’enclave ethnique sur l’intégration, sans
toutefois nous centrer uniquement sur ce facteur.
Si nous considérons simplement l’insertion socio-économique et la théorie situationnelle,
l’entrepreneuriat est un moyen pour les immigrants chinois de subvenir aux besoins de leur
famille tout en accédant à un certain statut social. Plus encore, l’entrepreneuriat donne la
possibilité d’offrir un travail à d’autres membres de la communauté. Selon Robichaud (1999 :
26), on pourrait parler d’une « action stratégique » prise par les entrepreneurs qui sont également
influencés par la structure du pays d’accueil, les marchés ainsi que les pratiques et
caractéristiques du groupe ethnique.
Vallée et Toulouse (1993) sont parmi les rares auteurs à avoir étudié la question de
l’entrepreneuriat et de l’intégration, mais surtout d’un point de vue socio-économique. Ils se sont
intéressés aux entrepreneurs polonais de Montréal. Ainsi, ils ont notamment réfléchi sur
41
l’évaluation de la contribution économique des entrepreneurs dans leur communauté et ont
affirmé ceci : « The benefits of immigrant entrepreneurship for the host community depend on
the ability of immigrant entrepreneurs to create businesses which can contribute to the economic
development of the overall community. » (Vallée et Toulouse, 1993: 1) Il faudrait ainsi se
demander quelle place occupent les entreprises –chinoises– au sein de l’économie canadienne.
Ramangalahy, Menzies et al. (2002) sont parmi les quelques auteurs à s’être penchés sur le sujet
et à affirmer que leur contribution est notable. Mais est-ce qu’elles favorisent plus que la
croissance du quartier et de la région dans lesquels l’entreprise est située?
D’autre part, Bastenier (2001 : 66) affirme que « […] la question de l’intégration n’est pas celle
des immigrés mais celle de la société tout entière entrée dans un processus de réintégration
d’elle-même. » En d’autres termes, « [l’intégration] est donc un processus d’adaptation qui
touche non seulement les membres des groupes minoritaires mais aussi la société d’accueil. »
(Houle, 1999 : 119) En ce qui a trait plus spécifiquement aux entreprises chinoises, elles sont
présentes en grand nombre sur le sol canadien depuis plus d’un siècle. Au départ, les quartiers
chinois et leurs commerces étaient peu fréquentés par la population locale, mais plus tard,
l’image du quartier chinois a changé et ce dernier est devenu un lieu de plus en plus visité par
des touristes et des individus de diverses origines qui y résident (Christiansen, 2011), ce qui peut
favoriser l’ouverture d’esprit et les interactions sociales plus nombreuses.
Selon Gordon (1964), il faut également tenir compte des attitudes et des comportements des
membres du groupe ethnique majoritaire lorsque nous souhaitons étudier l’intégration. L’auteur
parlait respectivement à l’époque des cinquièmes et sixièmes étapes de l’assimilation. Il serait
42
ainsi pertinent de mener un sondage sur les opinions de la population par rapport aux
propriétaires d’entreprises chinoises et leur niveau d’intégration. Par ailleurs, nous devons nous
rappeler la longue histoire de discrimination à l’égard des Chinois au Canada. Li (1988) a
mentionné qu’il s’agissait d’une forme de racisme institutionnalisé et qu’il y eut tout une ère
d’exclusion des Chinois au 20e siècle. Il s’agit d’une raison principale pour laquelle les premiers
Sino-Canadiens ont créé des quartiers chinois et y ont établi des commerces (Lai, 1988; Li, 1988;
Chui, Tran et Flanders, 2005). Malgré la plus grande mobilité socio-économique des immigrants
chinois récents en raison d’un niveau d’éducation supérieur atteint (Cao, Dehoorne et Roy,
2006), certains continuent à devenir propriétaires d’entreprises. Que ce soit par tradition, une
question de structure ou bien en raison de difficultés d’insertion, le travail autonome reste assez
populaire auprès des immigrants, plus que chez la population de souche, et il a connu une hausse
au Canada au courant des dernières décennies (Hou et Wang, 2011).
Par ailleurs, la création d’entreprises chinoises peut s’avérer bénéfique pour les communautés
chinoises au Canada, notamment en favorisant le regroupement de services essentiels, quoique la
population chinoise ait tendance à être plus éparpillée qu’auparavant (Li, 1988), et en contribuant
à l’intégration croisée de d’autres immigrants à travers les offres d’emplois à l’intérieur de
l’entreprise. Cependant, les Sino-Canadiens occupent maintenant toute une variété d’emplois au
sein de la société canadienne qui s’étendent bien au-delà du quartier chinois ou du travail manuel
qui a attiré les premiers Chinois au Canada (Chui, Tran et Flanders, 2005). Bref, malgré la
compétition commerciale dans les quartiers chinois, l’entraide intra-ethnique est aussi bien
présente chez les entrepreneurs chinois (Brenner, Ramangalahy et al., 2000), ce qui porte à croire
43
qu’une certaine cohésion dans les communautés chinoises canadiennes peut être bénéfique,
surtout pour les entrepreneurs.
Dans un autre ordre d’idées, selon Martuccelli (2010), nous sommes à l’ère de la singularité et
cela signifie que les individus aspirent à réussir leur singularité, celle-ci étant articulée entre le
singulier et le commun. L’intégration est une question d’équilibre entre efforts individuels et
soutien collectif. L’accent est porté sur la responsabilisation des individus, mais il faut leur
fournir les outils nécessaires à la réalisation de leurs buts. Ainsi, pour faire partie de la société
canadienne, les immigrants doivent participer à la vie sociale du pays en partageant les valeurs
communes comme le respect, l’égalité et la liberté. Ils se doivent également d’apprendre la
langue du pays d’accueil et de chercher un emploi. En retour, l’État leur octroie des droits et leur
fournit des services. Pour Daniel (2004), nous marchons vers une citoyenneté plus sociale. Le
défi principal reste à créer et maintenir un sentiment de solidarité, d’ouverture et de cohésion, ce
que vise la politique canadienne du multiculturalisme. Tout comme il s’agit d’un défi pour les
Peuples autochtones du Canada, la quête de l’égalité malgré la différence est aussi un enjeu pour
les immigrants.
De plus en plus dans le domaine de la recherche en sociologie, nous nous intéressons au sens que
les acteurs sociaux donnent à leur vécu. Martuccelli (2010) suggère à cet effet de replacer les
expériences des individus dans leur contexte socio-historique afin de mieux saisir les influences
de l’un sur l’autre. Dans le champ d’étude sur l’intégration, il faudrait ainsi accorder davantage
de l’attention aux attentes et aspirations des immigrants. Sont-ils satisfaits de leur niveau de vie
au Canada? Ont-ils noté une amélioration de leurs conditions de vie après leur départ en affaires?
44
Selon Brenner, Menzies et al. (2000a), les membres des communautés chinoises de Toronto,
Montréal et Vancouver qui ont participé à leur étude, y compris des entrepreneurs, se définissent
à 76% comme des « Chinois-Canadiens ». Nous pouvons comprendre qu’ils ont un double
sentiment d’appartenance envers leur pays d’origine et envers la terre d’accueil canadienne. Par
ailleurs, 74% des répondants se disent satisfaits vis-à-vis le Canada (Idem). Cette affirmation est
néanmoins très générale, mais elle nous permet d’affirmer parallèlement que le niveau de vie
global des immigrants chinois est plutôt bon.
Cette présente recherche avait pour objet la compréhension des effets possibles de
l’entrepreneuriat sur l’intégration des immigrants chinois au Canada ainsi que l’évaluation du
niveau d’intégration des entrepreneurs chinois. Le cœur de l’analyse se situait autour des
éléments composant la définition de l’intégration que nous avons adoptée. Les facteurs ou
indicateurs d’intégration préalablement définis, adossés aux statistiques sur les entrepreneurs
recueillies et présentées par le groupe de chercheurs du HEC Montréal composé de Brenner,
Menzies, Ramangalahy, Filion et Amit ont ainsi permis de mesurer le degré d’intégration des
entrepreneurs chinois.
Les limites de cette recherche se situent notamment dans le fait que nous nous sommes appuyés
majoritairement sur l’interprétation de données d’étude de Brenner, Menzies et al. (2000a). Nous
ne remettons toutefois pas en doute la validité de notre source de données, mais reconnaissons
que quelques années se sont écoulées depuis la collecte initiale d’information. Par ailleurs, nous
désirons rappeler que nous ne prétendons pas pouvoir généraliser les résultats à la totalité des
entrepreneurs chinois au Canada. L’échantillon de Brenner, Ramangalahy et al. (2000) était
45
composé de 151 entrepreneurs. Rappelons que ce fut le même échantillon qui a été employé pour
d’autres cahiers de recherches comportant des données sur les entrepreneurs chinois. De plus,
d’autres facteurs auraient pu faire partie de la définition de l’intégration que nous avons fournie
précédemment. Nous soutenons qu’il s’agit de variables complémentaires que nous avons jugées
moins pertinentes à l’étude de l’intégration des entrepreneurs. À ce propos, la religion pratiquée
par les entrepreneurs avant et après leur arrivée au Canada n’a pas été prise en compte dans cette
étude. Les Sino-Canadiens ont déclaré en général avoir peu d’adhésion religieuse (Chui, Tran et
Flanders, 2005), même si la spiritualité peut occuper une grande place dans leur vie. Par ailleurs,
selon Gordon (1964), les pratiques religieuses sont peu susceptibles d’être modifiées malgré un
contact prolongé avec une autre culture. Parallèlement, la participation civile et politique n’a pas
non plus été approfondie ici, même si nous savons que les entrepreneurs chinois sont
généralement peu impliqués dans les associations et organisations (Brenner, Ramangalahy et al.,
2000 : 12).
Les domaines de recherche de l’entrepreneuriat et de l’intégration ont été largement développés
au courant des dernières décennies. Cependant, il importerait de continuer d’approfondir les liens
entre ces deux champs d’étude. C’est ce que nous croyons avoir amorcé dans le cadre de ce
mémoire. Plusieurs avenues de recherche sont ainsi possibles. Après les comparaisons entre les
villes et les groupes ethniques, il faudrait réfléchir davantage à la question des différences de
genre et de générations chez les entrepreneurs et aussi se concentrer sur les entreprises situées
hors des grands centres urbains ainsi que celles qui sont dirigées par des membres de groupes
ethniques moins nombreux et qui sont arrivés plus récemment au Canada. Nous croyons que les
entrevues de type biographique ainsi que les groupes focus articulés, entre autres, autour de la
46
question des expériences d’intégration des entrepreneurs, pourraient nous permettre à l’avenir de
mieux cerner certains enjeux de l’entrepreneuriat ethnique. Toulouse et Brenner (1988)
suggèrent quant à eux d’employer des méthodes de recherche plus rigoureuses, avec une
population bien délimitée, axées sur une analyse qualitative des données qui permettent
d’expliquer en profondeur le phénomène.
Pour conclure, il est possible que du point de vue singulariste de l’intégration des immigrants, y
compris des entrepreneurs chinois, l’aspiration à « la réalisation singulière de soi la plus
harmonieuse possible [et l’atteinte] d’un idéal personnel en dehors de tout modèle d’évaluation »
(Martuccelli, 2010 : 51) soit une affirmation à considérer lorsque nous étudions l’intégration.
L’intégration, tant pour les immigrants que les instances gouvernementales, peut aussi être
analysée en termes de coûts et bénéfices. Il existe également le paradoxe le suivant: le sentiment
d’inclusion dans la communauté peut être développé si l’immigrant préserve les us et coutumes
chinois, mais le maintien de l’exclusion est possible de la part de la population de souche. Il est à
ce propos reconnu que « […] being more ethnic, regardless of origin, present more obstacles to
educational and socio-economic-status achievement than being less ethnically oriented and
committed. » (Kalbach et Kalbach, 2000: 201) Dans la littérature, on reconnait généralement que
les immigrants en provenance d’Asie ont plus de difficulté à s’intégrer en raison des nombreuses
différentes interculturelles (Daniel, 2004), malgré que les Chinois constituent une minorité
visible bien établie, et qu’ils sont habituellement considérés comme des gens ingénieux (Chui,
Tran et Flanders, 2005).
47
Finalement, la question de l’obligation opposée au choix volontaire de l’entrepreneuriat par les
immigrants chinois nous amène à nous interroger sur l’ouverture de la part des employeurs face à
l’embauche de membres de minorités ethniques et sur la pertinence et l’efficacité des
programmes gouvernementaux destinés aux entrepreneurs, notamment les immigrants. Il s’agit
du rôle non négligeable des réseaux intra-ethniques qui permettrait aux entrepreneurs de bien
faire fonctionner leur entreprise (Brenner, Ramangalahy et al., 2000) et ainsi en retirer un
revenu, d’où l’importance du maintien de ceux-ci, malgré la persistance de la « bulle ethnique »
qu’elle peut engendrer.
48
CONCLUSION
Être intégré signifie-t-il laisser de côté sa culture d’origine au profit de celle du pays d’accueil?
Si tel est le cas, plusieurs immigrants chinois ne se sont alors pas pleinement intégrés au Canada.
Par contre, si être intégré suppose une contribution sociale générale et l’insertion socio-
économique, les Sino-Canadiens font plutôt bonne figure sur ce point. Bref, Firchow (2001 : 75)
croit que l’intégration des immigrants :
« […] dépend certes de la capacité du système social à en assurer les conditions de possibilités,
mais aussi et encore de l’implication des individus eux-mêmes dans les processus qui permettent à
cette intégration de se développer. Il y aurait donc à réfléchir également sur la question de la
motivation à l’intégration. »
Il revient donc à l’État d’encadrer les politiques et programmes, mais aux immigrants de faire
des efforts pour tenter de s’adapter à la société d’accueil. Selon Rumbault (1997 : 484), il faut se
questionner sur la nature-même de l’assimilation : « S’assimiler au sein de quoi et pour quelles
raisons? » (Notre traduction)
Ce mémoire nous a permis d’approfondir la question de l’entrepreneuriat chinois et de
l’intégration à travers une réflexion sur l’enclave ethnique, la théorie situationnelle et le point de
vue des entrepreneurs. L’utilisation de données statistiques recueillies par Brenner, Menzies et
al. (2000a) nous a aussi aidés à déterminer le niveau d’intégration de 151 entrepreneurs chinois
de Toronto, Montréal et Vancouver. Nos résultats, appuyés par la littérature, nous amènent à
affirmer que le niveau d’intégration des entrepreneurs chinois dans la société canadienne est
plutôt bas et que l’entrepreneuriat peut contribuer à l’isolement des entrepreneurs,
particulièrement ceux dont l’entreprise est située au sein d’une enclave comme un quartier
chinois. Toutefois, si l’entrepreneuriat est un moyen de contribuer à l’amélioration des
conditions de vie des immigrants chinois qui sont propriétaires d’entreprises et l’augmentation de
49
la qualité de vie de leur famille, il s’agit d’une donnée non-négligeable dans l’étude sur leur
intégration.
La littérature démontre que le niveau d’éducation ainsi que l’âge moyen des entrepreneurs
chinois est plutôt élevé (Nakhaie, 2000 : 172; Ramangalahy, Brenner et al., 2001 : 9). Cette
situation pourrait s’expliquer de deux façons : soit elle indiquerait un problème d’insertion et
d’adaptation ou bien démontrerait qu’un certain niveau d’intégration soit prérequis au départ en
affaires. Ces deux possibilités mériteraient davantage d’attention. D’un autre côté, plusieurs
études ont démontré l’importance des réseaux intra-ethniques, dont celles de Toulouse et
Brenner (1988) et Brenner, Ramangalahy et al. (2000). Notre recherche vient également appuyer
cette donnée. Ils sembleraient contribuer directement au démarrage et au fonctionnement de
l’entreprise. Par ailleurs, l’entreprise chinoise qui fournit des emplois aux membres de la
communauté chinoise peut contribuer à l’intégration croisée de ces derniers, malgré une
exploitation possible des employés (Christiansen, 2011 : 218; Vallée et Toulouse, 1993 : 4).
Nous avons ainsi pu remarquer une influence mutuelle entre l’entrepreneuriat et l’intégration.
Leur relation démontre qu’elles sont imbriquées l’une dans l’autre. D’un côté, l’entreprise
chinoise peut limiter la pleine intégration des entrepreneurs et de l’autre, elle peut au même
moment participer au processus d’intégration des Sino-Canadiens.
Nous comprendrons que l’entrepreneuriat ne contribue pas directement à l’intégration des
entrepreneurs chinois au Canada, surtout s’il est le résultat de discrimination sur le marché de
l’emploi et que le travail indépendant devient une obligation et participe à marginaliser les
Chinois. La théorie situationnelle nous indique que la recherche d’un statut motive les
50
entrepreneurs. Dès lors, cela pourrait au même moment participer à leur intégration. Nous avons
également noté que l’enclave ethnique qu’est le quartier chinois semble impliquer une plus
grande dose d’enfermement dans la culture d’origine. Cependant, l’entrepreneuriat contribue tout
de même à mieux faire connaître la culture chinoise, à la participation socio-économique et au
sentiment communautaire. Le souci d’excellence des Chinois et l’ancrage dans la communauté
(Chui, Tran et Flanders, 2005; Li, 1988) font que la plupart des entreprises chinoises connaissent
du succès (Brenner, Menzies et al., 2000a), mais la forte compétitivité qui règne dans les
quartiers chinois fait que certains commerces éprouvent plus de difficultés (Vallée et Toulouse,
1993 : 4).
Tel que nous l’avons précédemment démontré, nous recommandons, dans l’étude de
l’intégration des immigrants comme les entrepreneurs chinois, une analyse de divers facteurs
d’intégration adossés à l’étude du vécu et de l’histoire personnelle. Ainsi, des grands sondages
ont été effectués par des institutions comme le HEC Montréal et Statistique Canada, mais il
faudrait les compléter avec des entrevues axées sur le parcours de vie, la définition et la
perception de l’intégration.
En terminant, il existe des différences notables entre les immigrants chinois nés à l’étranger,
surtout du point de vue de la variété de profils distincts, comme la majorité de ceux qui ont fait
l’objet de l’étude de Brenner, Menzies et al. (2000a) et les Canadiens d’origine chinoise,
notamment les jeunes en quête identitaire et au désir d’intégration qui sont présentés dans le
documentaire Être Chinois au Québec réalisé par Malcom Guy et Wiliam Ging Wee Dere.
L’impact générationnel sur l’intégration des entrepreneurs serait certainement un sujet pertinent
51
de recherche future. Les entrepreneurs des premières générations, plus âgés, embrassent-ils
davantage la culture chinoise que ceux des générations suivantes, plus dynamiques?
Bref, à l’aide de ce mémoire, nous croyons avoir approfondi la réflexion portant sur le niveau
d’intégration des entrepreneurs sino-canadiens et effectué des liens plus poussés entre
l’entrepreneuriat et l’intégration. Nous en concluons, à travers une analyse de données chiffrées
provenant de l’étude de Brenner, Menzies et al. (2000a), que selon les variables d’analyse que
nous avons retenues, le niveau d’intégration des entrepreneurs chinois au Canada est
relativement faible. Rappelons également que la théorie situationnelle ainsi que les effets de
l’enclave ethnique ont contribué à mieux comprendre l’influence mutuelle entre l’entrepreneuriat
et l’intégration, mais que le parcours des acteurs doit aussi être pris en compte. Tel que
mentionné précédemment, d’autres critères d’intégration pourraient être ajoutés à cette étude et
des groupes d’entrepreneurs immigrants aux profils sociodémographiques plus spécifiques et
variés auraient intérêt à être étudiés. D’ailleurs, il y aurait un intérêt à se questionner davantage
sur le degré d’isolement des non entrepreneurs chinois ainsi que des entrepreneurs non
immigrants afin de pouvoir leur offrir un support adéquat en cas de besoin.
52
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