65 3 le news tank de vae solis corporate n°4 - 2009 - 2010
« Face à internet, la presse écrite
demeure un lieu de pouvoir »
Entretien avec J.-M. Salvator
Directeur délégué
de la rédaction du Figaro
le spin doctorFantasmes et réalité
des hommes d’influence
a/H1n1 : le virus du soupçon
le ps doit-il changer de nom ?
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Vae Solis Corporate 15, rue Henri Heine75016 ParisTél. : 01 53 92 80 00Email : [email protected]
Évolutions rapides du contexte concurrentiel ou politique, crises financières, sociales ou sanitaires, fusions, acquisitions, restructurations, enjeux d’opinion : en tant que dirigeants vous êtes quotidiennement confrontés à l’impératif de la gestion de ces changements.
Votre réputation est en prise directe avec l’actualité (économique, sociale, réglementaire ou médiatique), exposée en permanence à ce contexte mouvant ; elle accède de fait à un niveau de priorité stratégique qui implique sa prise en compte au sein du premier cercle de la gouvernance.
Dans ce nouvel univers, la gestion des relations avec les leaders d’opinion est essentielle.
Éviter les crises ou les transformer en opportunités, avoir une connaissance approfondie de votre environnement et disposer d’une capacité d’influence réelle, mieux définir votre identité et enrichir vos relations avec les parties prenantes… autant d’avantages concurrentiels et de conditions de la création de valeur.
Force d’analyse et de veille (économique, concurrentielle, réglementaire et sociétale), conseil stratégique, dispositifs d’information, gestion de crise, relations presse d’influence, affaires publiques, communication financière : autant de moyens pour Vae Solis Corporate de servir votre stratégie de croissance dans un monde ouvert, porteur de risques et d’opportunités.
Arnaud Dupui-Castérès Corinne Dubos Antoine Boulay Laurent Porta
www.vae-solis.com
www.gestiondecrise.com
Attention
nouvelle adresse :
(à partir du 1er septembre 2010)
16, avenue Kléber
75116 Paris
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Il faut toujours regarder les événements avec un peu de recul. Pour respecter cette saine hygiène
du dirigeant, nous publions chaque année cette revue de l’année passée.
Nous vous proposons de faire ensemble (avec beaucoup de recul) la revue 2009 en découvrant
quelques sujets qui ont marqué l’année, des analyses des tendances de fond ou au contraire de
phénomènes nouveaux. D’une manière ou d’une autre nos clients nous ont permis de travailler
sur ces sujets passionnants !
Donc avec un peu de recul que retenir de cette année 2009 ? Cela a été incontestablement l’année de
la « crise », ses conséquences ont fait l’actualité (chômage, fermeture de site, délocalisations,
séquestrations, baisse du pouvoir d’achat, déficits des comptes publics, inquiétudes des
français, etc.). Si le chômage est important, si de nombreuses petites entreprises ont été
gravement touchées, nous avons évité le scenario catastrophe envisageable encore à la fin 2008.
On retiendra, en toile de fond de cette année, une crainte dans l’avenir de plus en plus forte
(le débat tronqué sur les nanotechnologies en est une illustration). Derrière ces angoisses, une
perte de repères qui semblent motivée par la conscience diffuse d’un déclin accéléré où le
chacun pour soi et le sauve-qui-peut l’emporte sur l’optimisme, le désir de progrès, l’espérance
en l’avenir. Une tendance admirablement décryptée par Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la
République en forme d’alerte dans son rapport remis au Président en mars 2010.
Face à l’irrationnel qui domine, il n’est plus temps de camper sur ses positions, sur ses
certitudes. Au contraire, il faut impérativement engager le dialogue, être présent pour
expliquer, argumenter ; être actif en s’impliquant. Cela suppose de bien connaître et
comprendre son environnement, ses parties prenantes, d’identifier ses points de force et ses
enjeux cruciaux et savoir convaincre. Soyons plus que jamais des acteurs pleinement engagés !
C’est probablement parce que de nombreuses organisations l’ont bien compris que Vae Solis
Corporate a traversé la crise en confortant son modèle de croissance et a réalisé une croissance
à deux chiffres en 2009. Des clients fidèles, de nouveaux clients, une équipe étoffée et enrichie,
de nouveaux enjeux et une notoriété nettement accrue. Des initiatives nouvelles : le lancement
d’une étude sur la communication des responsables politiques, une web radio, le lancement
du site www.gestiondecrise.com. L’activité a été intense en 2009, nous vous en donnons ici un
petit aperçu.
Arnaud Dupui-Castérès
Président
653Directeur de la publication :
Arnaud Dupui-Castérès
Rédacteur en chef :
Corinne Dubos
Conception/Réalisation :
Anne-Sophie Méry
Crédits photos :
AFP Photo / DR / Getty Images
/ Institut Pasteur / Mlevaslot
©2010 / Photomontage
(Reuters/Flickr) / Remi
Ochlik-MAXPPP / Rossignol :
A. Childeric ; @ Sipa presse ;
Sundance / Zoomevent : F.
Criquet.
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6 décryptage Rossignol : le renouveau du ski français
9 stratégie Le PS doit-il changer de nom ?
12 dossier « Face à internet, la presse écrite demeure
un lieu de pouvoir. » Entretien avec Jean-Michel Salvator, Directeur délégué de la rédaction du Figaro
14 2009 en brèves
16 arrêt sur image 1 bureau ovale, 5 présidents !
18 du côté de chez nous Un aperçu de l’année chez Vae Solis…
20 c’est dans l’air Le Spin Doctor
Fantasmes et réalité des hommes d’influence
24 À suivre Politique sur le net : bien négocier le virage
27 savoir plus Mobilisation des parties prenantes :
les débats publics se multiplient…
Communication 2.0, le phénomène Webradio
32 tout le monde en parle A/H1N1 : le virus du soupçon
Une nouvelle hiérarchie de l’information ? Le cas Michael Jackson
37 en aparté À quand la fin de l’irrationnel ?
2 365° | n°4 | 2009-2010
32
35
16
Rossignol : le renouveau du ski français
De Carter à Obama, de 1977 à 2009, les anciens et le nouveau visages des États-Unis…
A/H1N1 : le virus du soupçon
Une nouvelle hiérarchie de l’information ? Le cas Michael Jackson
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12Entretien avec Jean-Michel Salvator, Directeur délégué de la rédaction du Figaro
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Une année 2009 bien curieuse !
Edito mai 2010
Janvier01/01 : La présidence française
du Conseil de l’UE passe le relais à la République Tchèque.
20/01 : Investiture de Barack Obama.
FévrierLa Guadeloupe s’enflamme.
Mouvement de grève lancé par le collectif Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP).
Mars12/03 : Bernard Madoff est incarcéré
à New York ; le 26 juin il est condamné à 150 ans de prison !
17/03 : Séquestration chez Continental.
Juillet07/07 : Hommage mondial au Roi
de la pop, décédé le 25 juin.Avril
17/04 : Vae Solis Corporate propose un module de formation « Communiquer sous la contrainte »
à destination des dirigeants d’entreprise.
29/04 : Daniel Bouton quitte la Société Générale.
Mai26/05 : Vae Solis Corporate dévoile
le premier volet de son étude politique : « Qui sont les meilleurs communicants ? ».
Septembre21/09 : Ouverture du procès Clearstream.
27/09 : Angela Merkel est réélue.
Décembre07-12/12 : Sommet de Copenhague sur le climat.
14/12 : 4e Débat de l’Observatoire de la Ville « Immobilier durable : l’innovation en marche ! ».
14/12 : Inauguration du nouveau siège mondial de Rossignol.
Novembre05-07/11 : Forum des Young Mediterranean
Leaders à Séville.
09/11 : 20e anniversaire de la chute du Mur de Berlin.
12/11 : Roselyne Bachelot lance la grande campagne de vaccination contre la grippe A.
19/11 : Élection de Herman Van Rompuy, président du Conseil européen.
Octobre12/10 : Barack Obama, prix Nobel de la Paix.
15/10 : Ouverture de deux débats publics : « nanotechnologies » et
« prolongement du grand canal du Havre ».
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2009 en dates
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Juin01/06 : Disparition du vol Paris-Rio d’Air France.
04-07/06 : Élections européennes.
11/06 : L’OMS élève le niveau d’alerte à la pandémie de grippe de la phase 5 à la phase 6.
23/06 : Remaniement ministériel. Arrivée de Frédéric Mitterrand
et Benoist Apparu, notamment.
Août10/08 : 20e suicide chez
France Telecom.
16 et 20/08 : Usain Bolt pulvérise ses records aux championnats du
monde d’athlétisme.
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Il y a à peine un an et demi, peu osaient parier
sur l’avenir du fleuron français, dernier produc-
teur de skis en France. Le groupe Rossignol,
plombé par une dette colossale et des pertes
évaluées à 200 000 euros par jour, était au
bord du dépôt de bilan. « Rossignol, histoire
secrète d’une faillite », titrait le magazine
l’Express en novembre 2008.
Quatorze mois plus tard, les titres alarmistes
ont laissé la place aux innombrables récits sur
une success story à la française, exceptionnelle
en temps de crise. « Rossignol climbs back to
the black » (The Guardian, 15 décembre 2009),
renoue avec la croissance et un enthousiasme
à gravir des montagnes. La légende continue.
La fin de l’épisode Quiksilver ou comment
enrayer le déclin
L’histoire de cette résurrection a débuté dans le
courant de l’année 2008. Le groupe américain
Quiksilver cherchait alors à se séparer d’un
groupe qu’il avait racheté trois ans auparavant
à Laurent Boix-Vives, patron emblématique qui
avait transformé en un demi-siècle une PME
de la région de Grenoble en un leader d’en-
vergure mondiale à l’ancrage solide. Le groupe
Rossignol rassemble en effet, outre Rossignol,
des marques mythiques telles que Dynastar,
Look fixations ou encore Lange, acquises entre
les années 60 et 90, époque de l’essor de la
pratique des sports d’hiver.
L’essor prit cependant fin dans les années 2000.
Avec un recul du marché du ski de plus de
50 %, passé de 7 millions de paires en 2002
à 3,5 millions en 2009, de nouvelles straté-
gies s’imposaient. Quiksilver, malgré un projet
ambitieux de diversification dans « l’outdoor »,
avec notamment le développement du textile,
ne parvint pas à enrayer la spirale du déclin
dans laquelle s’engagea le groupe dès 2005. En
trois ans, il perdit un tiers de ses effectifs dans le
monde, vit sa situation financière se dégrader à
un rythme insoutenable. Un échec qui fit passer
Rossignol du statut d’investissement prestigieux
à celui de canard boiteux à céder d’urgence.
Le groupe Rossignol sera finalement acquis en
novembre 2008 par Chartreuse et Mont Blanc.
Une société détenue à majorité par le gestion-
naire de fonds de long terme Macquarie, à la tête
de laquelle on retrouve Bruno Cercley, ancien
président du directoire du groupe Rossignol
de l’ère Boix-Vives, passionné de ce groupe et
de ses équipes dont il a partagé le quotidien
pendant trois années. Vae Solis, initialement
appelé à accompagner cette cession, restera
depuis lors aux côtés de Rossignol.
Un défi industriel et un défi d’image
Pour Bruno Cercley, nouveau PDG, l’enjeu était
de taille : le groupe Rossignol ne pourrait
être sauvé et envisager un retour à l’équilibre
qu’à partir d’un nouveau projet industriel. Une
réduction de taille s’imposait par un marché
structurellement déprimé et de plus en plus
concurrentiel. Les suppressions de postes s’an-
nonçaient malheureusement inévitables.
Le défi ne s’arrêtait pas là. Il fallait également
faire face à un contexte particulièrement sensible :
celui de la crise économique, marquée par des
séquestrations de dirigeants et des relations
sociales tendues, en particulier dans la région
grenobloise, mais aussi l’attachement particu-
lièrement fort des salariés, des élus locaux et
de toute la communauté du ski français, des
passionnés aux champions, à des marques qui
incarnent des aventures humaines. Il fallait
notamment faire face aux rumeurs – inexactes
mais légitimes – et aux craintes tenaces de
fermeture du site historique de Dynastar à
Sallanches, fierté de la région du Mont Blanc.
Susciter l’adhésion à un projet de la dernière
chance, restaurer l’image médiatique d’un
groupe aussi mythique qu’exposé, annoncé
comme mort quelques semaines auparavant par
la presse, étaient des priorités.
365° | n°4 | 2009 - 2010 7
De la faillite annoncée à la success story, retour sur la renaissance d’un leader mondial accompagné par Vae Solis Corporate
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roSSignol : le renouveau du ski français
Le plan de relance de 2009 : « sauver
Rossignol », tous ensemble
« Ce que nous vous demandons, c’est de parti-
ciper solidairement à l’effort de guerre ». C’est
en ces termes que Bruno Cercley s’adressa aux
champions soutenus par le groupe Rossignol
au cours d’une tournée aux quatre coins du
monde. Indissociable de l’ADN du groupe, pilier
de l’innovation comme peut l’être la Formule 1
pour les constructeurs automobiles, la compéti-
tion fut, comme l’ensemble des activités, mise à
contribution.
Car c’est toute la communauté Rossignol,
Dynastar ou encore Look, qu’il fallut mobiliser
pour redresser le groupe. Les 200 athlètes
engagés aux côtés de Rossignol acceptèrent,
à trois exceptions près, une diminution subs-
tantielle de leur rémunération dans l’attente de
meilleurs lendemains. Y compris les plus titrés
d’entre eux, des Français Jean-Baptiste Grange
et Julien Lizeroux au Suisse Didier Defago. Pour
donner l’exemple, les principaux cadres de la
direction du groupe accepteront également des
baisses de rémunération.
Dans le même temps, la réorganisation du
groupe Rossignol se mettait en œuvre, avec
un mot d’ordre : se recentrer sur l’excellence
de Rossignol, son cœur de métier, le ski. Les
fonctions transversales du groupe (communi-
cation, marketing, R&D, administration, etc.),
autrefois séparées par marques, sont centrali-
sées à Saint-Jean-de-Moirans, près de Grenoble.
L’identité et la complémentarité des marques
sont questionnées, repensées, renforcées, les
gammes et l’offre commerciale simplifiées. Les
calendriers de développement et de production
sont entièrement revus : Rossignol rompt avec la
tradition du secteur qui veut que les commandes
soient anticipées d’une saison sur l’autre, faisant
le choix de se caler sur le rythme des clients.
Le volet humain du projet sera, lui, particuliè-
rement délicat : le groupe doit impérativement
changer de taille, et se séparer de 450 employés
dans le monde, dont 275 en France. Les négo-
ciations avec les représentants du personnel
se dérouleront de mars à juin 2009, sous forte
pression médiatique, nationale, mais aussi locale,
où les rumeurs de fermeture du site de Sallanches
se répandent. Essentielle au bon déroulement du
projet, la communication doit faire face à une
équation délicate : il faut à la fois contenir ces
rumeurs sans pour autant révéler les détails du
plan à la presse, la loi obligeant à réserver ces
informations aux partenaires sociaux. L’enjeu
est également de préserver la sérénité des négo-
ciations dans un contexte national et local de
suppressions d’emplois massives et de tensions
sociales très fortes. Il faut également associer
en amont les élus locaux à une démarche qui
soulève légitimement l’émotion de l’opinion et
de leur électorat.
Le plan de sauvegarde de l’emploi se conclura
par un accord en juin 2009. Grâce à l’implica-
tion des partenaires sociaux et des autorités
locales, les suppressions d’emplois en France
seront limitées à 142, permettant de sauvegar-
der 133 emplois. Des chaînes de production
seront relocalisées de Pologne vers la France,
à Nevers, où se trouve le site de production
de Look fixations, permettant de préserver dix
emplois. Seront maintenus aussi, au sein du
groupe, les salariés du pôle textile, désormais
développé sous licence.
Surtout, tous les sites seront protégés, et
Sallanches continuera à produire des skis en
France.
La « nouvelle dynamique »
La mise en œuvre du plan de relance aura eu
des effets rapides sur la situation économique
du groupe, l’objectif fixé par Bruno Cercley
étant de retrouver une situation d’équilibre
d’ici à 2011. L’objectif sera atteint dès 2010,
le groupe Rossignol retrouvant une situation
financière saine, structurellement à l’équilibre,
voire bénéficiaire. Et s’il reste dans les mémoires
que Rossignol aura connu une période difficile,
celle-ci se sera déroulée sans heurts et fait
désormais partie du passé.
Le groupe Rossignol peut désormais envisager
l’avenir avec confiance, mais refuse tout triom-
phalisme. Telle sera d’ailleurs la tonalité de
l’inauguration du nouveau siège du groupe, le
14 décembre 2009, près de Grenoble, à laquelle
ont assisté près d’une centaine de journalistes
français et étrangers. Un bâtiment salué pour
son architecture exceptionnelle, très fonction-
nelle, héritage de la période Quiksilver, qui
demeure aujourd’hui un atout pour le groupe en
termes de fonctionnement et d’image.
L’année 2010, ouverte sur les Jeux Olympiques
de Vancouver et une belle moisson de 26
médailles, dont 7 en or, annonce une nouvelle
vie pour cette entreprise dont le poids symbo-
lique dépasse comme peu d’autres sa réalité
économique. Le ski français est désormais sur
la bonne pente.
Mathieu Collet
La transformation de la Compagnie Générale
des Eaux en deux groupes, l’un tourné vers
les services télécom et le multimédia et l’autre
vers les services aux collectivités, avait logi-
quement abouti à la création de deux entités
dotées de noms nouveaux : Vivendi et Veolia
Environnement.
Le changement de nom peut également
procéder d’une obligation, qu’elle soit
légale, réglementaire ou prétorienne. Ce fut
notamment le cas des yaourts fermentés
« Bio » de Danone, rebaptisés « Activia » en
novembre 2005, la réglementation européenne
interdisant de vendre des denrées périssables
sous des vocables évoquant l’agriculture bio,
dès lors qu’elles ne sont pas issues spécifique-
ment de ce mode productif.
S’il peut paraître audacieux, voire irrévéren-
cieux, vis-à-vis d’un grand parti de gauche, de
juxtaposer les problématiques d’un marchand
de yaourts ou de prestataires de services avec
celles d’un parti politique qui a contribué à
forger l’histoire de notre République, une telle
comparaison n’a rien d’aberrant sur le plan
méthodologique. La valeur symbolique du nom
d’un parti politique de premier plan peut, en
effet, être comparée à la valeur commerciale
d’une marque à forte notoriété.
La question que l’on se pose ici est double :
existe-t-il aujourd’hui une nécessité pour le
Parti socialiste de changer de nom ? Si la
réponse est affirmative, dans quel objectif stra-
tégique inscrire cet acte fort et éminemment
emblématique ? Enfin, une fois les réponses
apportées à ces deux questionnements fonda-
mentaux, quelle méthode pour mettre en
œuvre ce choix ?
Une gauche incarnée par un homme, pour
des électeurs avides de symboles
Lorsque le Parti socialiste (PS) succède à la
Section française de l’internationale ouvrière
(SFIO), le 4 mai 1969, il reprend l’un des
deux étendards majeurs de la gauche, l’autre
étant celui du Parti communiste français
(PCF). Davantage qu’un changement de nom
le congrès d’Issy-les-Moulineaux entérine
un véritable changement de stratégie qui
connaîtra une deuxième étape décisive avec
le congrès d’Épinay de 1974, marquant la
construction de l’Union de la gauche, et qui
sera couronnée par le succès électoral de
François Mitterrand, le 10 mai 1981.
À cet égard, le Parti socialiste était autant
un appareil de conquête électorale qu’un
symbole de ralliement pour la gauche non
révolutionnaire qui ne se reconnaissait plus ni
dans un PCF aligné sur Moscou, ni dans une
gauche plus émiettée que plurielle. Cette force
symbolique n’avait certainement pas échappé
à François Mitterrand et le PS était pour lui le
creuset de magistère moral sur l’ensemble de la
gauche de gouvernement, du PCF au Radicaux
de gauche, et dont l’emprise s’est prolongée
jusqu’après sa mort. C’est très certainement
sa figure tutélaire, personnification du PS et
donc de la gauche unie, qui a rendu possible
la « gauche plurielle » qui a gouverné la France
de 1997 à 2002.
En effet, c’est la conviction partagée par les
spécialistes de la communication et les politis-
tes. Le politique est porteur de symboles, c’est
sa seule richesse : qu’il ou elle cesse d’incarner
ou de focaliser les croyances de ses électeurs
et il est démonétisé aussi sûrement qu’une
marque qui commercialiserait un produit
défectueux ou nocif.
Quel a été le plus grand défi
de la relance de Rossignol ?
La lutte contre le temps, faire mille choses
à la fois. Quand on perd beaucoup d’argent
tous les jours, il vaut mieux aller très vite.
Il a fallu mettre tout le monde en marche,
convaincre jour et nuit de la pertinence du
projet, et faire en sorte que la transition se
déroule dans les meilleures conditions.
Socialement, le plus grand défi a été
de prendre des décisions difficiles dans
l’intérêt général de l’entreprise, en veillant
à respecter autant ceux qui restent dans
le groupe que ceux qui, malheureusement,
doivent en partir.
Une telle phase de relance a aussi une
forte dimension psychologique. Il faut sans
cesse se positionner entre deux extrêmes :
d’une part, essayer de ne pas décevoir les
très fortes attentes pour que les choses
s’améliorent le plus vite possible et, d’autre
part, accorder le maximum d’attention aux
personnes qui partent. Et cet enjeu psycho-
logique concerne tant l’interne, qui vit
forcément difficilement une telle période,
que nos clients, nos fournisseurs, les médias
ou les élus locaux. Les pressions contradic-
toires viennent de partout.
Quelles auraient pu être
les conséquences d’un impact
médiatique négatif lors de
la réorganisation du groupe ?
Clairement, cela aurait eu pour conséquence
un report du plan social et un très probable
redressement judiciaire de l’entreprise. Ce
qui signifie, tout de suite après, une vague
très dangereuse de défiance de la part de
nos clients et fournisseurs. Il y avait un
vrai risque de mort rapide de l’entreprise.
Nous avons été sur le fil du rasoir pendant
des mois. Tous les jours, le groupe risquait
la chute de confiance. Il fallait assurer
au dehors tout en étant dans la salle des
machines en train de réparer le moteur.
J’ai personnellement beaucoup appris de
notre relation avec Vae Solis, qui a été
vraiment très bon dans le monitoring de
la rumeur. Je me suis rendu compte que, y
compris sur l’aspect communication, il était
nécessaire non seulement de savoir iden-
tifier de tels risques, qui peuvent venir de
partout, mais aussi de savoir comment les
gérer de manière réactive. Et cela demande
un grand professionnalisme.
Aujourd’hui, un an après le lancement
de la réorganisation, quel est l’esprit
au sein du groupe Rossignol ?
Aujourd’hui, on a retrouvé un esprit très
positif : le personnel est fier et conscient
du travail accompli par chacun au sein du
groupe Rossignol et constate les résultats
financiers. Ils voient tous les jours l’entreprise
se remettre à l’endroit. Les équipes sont
rassurées, même si chacun a conscience que
le défi est très difficile et que ce sont des
efforts de chaque jour. Rien n’est acquis.
Par ailleurs, j’entends aujourd’hui beaucoup
d’échos positifs venant de l’extérieur. Des
commentaires du type : « Sincèrement,
on était sûrs que Rossignol se planterait,
et que ce serait sa fin ». Le sentiment
général à présent, tant de la part des
banquiers, des fournisseurs que des sportifs
ou que des autres acteurs du ski, est que
Rossignol est sauvé. Il y a aussi de telles
réactions parce que nous avons communi-
qué positivement, fait notre possible pour
rassurer tout le monde, une fois la relance
confirmée : la notoriété de la marque est
si forte par rapport à la taille de l’entre-
prise, que la communication est un élément
fondamental.
Bruno cercley,Président-directeur général de Rossignol
3 queStionS à…
Dans le monde de l’entreprise, le changement de nom accompagne un repositionnement stratégique fondamental. Il le suit, comme un attribut, davantage qu’il ne le précède ou ne s’y substitue.
65LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 365LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 3
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Propos recueillis par Mathieu Collet
De ce point de vue, les élections présidentielles
de 2007 sont éclairantes : la candidate socia-
liste, Ségolène Royal, a su jouer la logique
d’appareil, d’abord pour se faire désigner à la
candidature, puis à susciter une réelle mobili-
sation de la base militante. Elle s’est toutefois
finalement révélée incapable de fédérer autour
de son nom une majorité de Français : la
distance entre la candidate et l’idéal incarné
par le PS était sans doute trop grand…
Lucien Sfez, professeur émérite en Science
Politique de la Sorbonne et grand spécialiste
de la communication politique, distinguait les
« images symboliques », que l’on invoque pour
rassembler (un sigle ou un emblème de parti,
un drapeau, une relique…), des « opérations
symboliques » qui permettent de revivre des
moments essentiels de la geste politique consi-
dérée (l’ascension mitterrandienne de la Roche
de Solutré à chaque Pentecôte n’était pas
autre chose qu’une réactualisation du passé de
résistant de François Mitterrand). Le PS existe
au travers de ses symboles (le siège de la rue
de Solferino, l’emblème de la rose, etc.), de
ses événements emblématiques (ses congrès,
ses universités d’été…) : les structures et
les hommes peuvent bien passer, restent les
idéaux et les symboles qui les perpétuent et
les représentent.
Barre à gauche ou balle au Centre ?
Reste le problème des idéaux : que veut le
Parti socialiste aujourd’hui ? Que veulent ses
militants et sympathisants ? Ceux à avoir
proposé un changement de nom en 2009
étaient Manuel Valls et Aurélie Filippetti, soit la
jeune garde du PS. L’une voit l’avenir du parti
en la personne de Ségolène Royal, l’autre…
en lui-même. Leur point commun ? L’alliance
avec le Modem lors des différentes échéances
électorales. Et une vision d’un PS dépassé.
Manuel Valls a proposé que soit abandonné
le mot « socialisme », et que « parti » soit
remplacé par « mouvement ». Soit une séman-
tique identique à celle choisie par l’UMP.
Manuel Valls envisage l’avenir du PS sous
l’angle de la social-démocratie, tout comme
un Dominique Strauss-Kahn. Et là réside le vrai
clivage du PS.
Une grande partie des militants font partie
de la frange traditionnelle de l’électorat de
gauche et refusent un changement vu comme
l’abandon d’une idéologie. Qu’on se souvienne
d’un Bertrand Delanoë qui s’était dit libéral et
socialiste en novembre 2008, lorsqu’il s’était
présenté au poste de secrétaire national. Ou
de Lionel Jospin qui, lors de la campagne
présidentielle de 2002, annonçait de but en
blanc sur le plateau du 20 H de France 2 :
« Mon projet n’est pas socialiste ». On connaît
la suite…
À la fin d’un cycle politique de 30 ans, la
plupart des partis ont envisagé ou adopté un
nouveau nom ces dernières années. Le RPR s’est
mué en Union pour un mouvement populaire
en 2002 (après l’éphémère Union pour la
majorité présidentielle), tandis que l’UDF se
divisait entre ralliement au Nouveau Centre
ou MoDem, selon le choix d’une allégeance à
l’UMP ou celui d’une farouche indépendance
(et alors qu’aujourd’hui tous deux s’arrogent
l’héritage de l’UDF). La LCR, elle, s’est rêvée
en Nouveau parti anticapitaliste qui fédérerait
toute l’extrême gauche.
Pour tous ces partis, le changement de nom
correspondait à un changement de positionne-
ment politique. Pour le PS, alors que le « cycle
d’Épinay » est terminé, on sent le PS paralysé
par la plus lourde des crises : quels choix
idéologiques adopter ? Socialisme, social-libé-
ralisme, social-démocratie ? Avec qui s’allier ?
Recréer une union de la gauche type « gauche
plurielle », se diriger vers une coalition qui
irait du MoDem à la LCR ? Et surtout, qui pour
incarner ce futur parti ?
L’éternel dilemme entre centralisme
démocratique et démocratie participative
Si le centralisme démocratique est une notion
léniniste, cela a néanmoins été le mot d’ordre
du PS pendant de nombreuses années : liberté
totale dans la discussion, unité totale dans
l’action. Un principe suivi fidèlement pendant
les années Mitterrand. Ces derniers temps, le PS
a semblé hésiter sur la nécessité de continuer à
s’y conformer. Le fameux « droit d’inventaire »
de Lionel Jospin a été la première pierre posée à
l’édifice de la remise en cause permanente.
Alors, pour donner le sentiment d’évoluer,
on fait participer les militants. La démocratie
participative de Ségolène Royal, tant décriée
en 2007, trouve aujourd’hui un écho dans le
nouveau projet du PS : la CooPol, pour coopé-
rative politique. Un réseau social, sur internet,
une sorte de Facebook des militants qui partici-
peront ainsi à la réflexion générale. Un gadget
ou une vraie nouvelle manière de faire de la
politique ? Seule l’expérience nous le dira.
Comme pour le réseau social Les Créateurs
de possibles, le réseau social de l’UMP censé
fédérer en vue de 2012 les sympathisants par
des actions civiques concrètes. Et Épicentres
pour le Modem, ThinkCentre pour le Nouveau
Centre… N’en jetez plus !
« Le PS est mort, vive le Parti
socialiste ! »
Le changement de nom n’est jamais anodin et
comporte une part de risque et génère un coût
certain. Lorsque, comme en politique, l’essen-
tiel de la valeur d’une institution repose sur
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l’image et le symbole, ce coût peut se révéler
insupportable au point de menacer la capacité
d’action du mouvement : la « groupusculisa-
tion » interminable des Radicaux de gauche ou
la relative marginalisation du MoDem en sont
de bons exemples.
Pour que le jeu en vaille la chandelle, le chan-
gement de nom doit être symbolique d’une
véritable rupture dans la réalité institutionnelle
ou humaine du PS, sans pour autant remettre
en cause les symboles qui sous-tendent les
idéaux rassembleurs du « peuple de gauche ».
Ce changement doit, au surplus, se situer à un
moment charnière de la vie politique française,
pour en renforcer la légitimité et éviter les
risques d’accusation d’acte « cosmétique » ou
« marketing », mais aussi pour accompagner
le lancement d’une stratégie de reconquête
du pouvoir.
Il importe peu que le Parti socialiste subsiste
dans sa forme actuelle, ou que tel ou tel
éléphant soit poussé vers la sortie par le
scandale ou la défaite électorale. Ce qui est
essentiel pour l’écosystème politique français,
c’est qu’une force d’alternance crédible et
stable puisse rassembler les sensibilités de
gauche non révolutionnaires. En tout état de
cause, si le PS doit disparaître dans sa forme
actuelle, le changement de nom sera légitime
sinon nécessaire. Quand cela arrivera, si cela
doit arriver, l’on pourra paraphraser la formule
de l’Ancien Régime bien connue : « Le PS
est mort, vive le Parti socialiste »… qui lui
succèdera, quel que soit son nom !
En d’autres termes, que l’horizon fixé par les
dirigeants du PS pour la renaissance de la
gauche de gouvernement soit 2012 ou 2017, il
est, pour changer le nom de leur parti, urgent
de choisir… un stratège et une stratégie !
David Delavoët et Sarah Weisz
• 1905 (26 avril) : Naissance de la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO), issue de la fusion entre le Parti socialiste français et le Parti socialiste de France.
• 1920 (25 décembre) : 18e congrès national de la SFIO, au cours duquel fut créée par scission la Section française de l’internationale communiste (SFIC), ancêtre du Parti communiste français (PCF).
• 1960 (3 avril) : Création du Parti socialiste unifié (PSU), dissous en novembre 1989.
• 1969 (4 mai) : La Section française de l’internationale ouvrière (SFIO), lors du congrès d’Issy-les-Moulineaux, s’unit avec l’Union des clubs pour le renouveau de la gauche pour devenir le Parti socialiste.
• 1971 (11 juin) : Le congrès d’Épinay scelle l’union de la gauche, avec un PS renforcé de petits partis ralliés, et permet à François Mitterrand d’en devenir le Premier secrétaire.
• 1981 (10 mai) : François Mitterrand élu président de la République, Lionel Jospin devient le Premier secrétaire du PS.
• 1993 (28 mars) : Défaite historique du PS aux législatives : seuls 52 députés du parti à la rose siègent à la 10e législature.
• 1997 (1er juin) : Large victoire du PS aux législatives anticipées décidées par le président Jacques Chirac : Lionel Jospin Premier ministre.
• 2000 (19 janvier) : Adoption des 35 heures, dernière grande loi sociale portée par le PS avec l’adoption du PACS quelques mois plus tôt (15 novembre 1999).
• 2004 (28 mars) : La gauche remporte 20 régions sur 22, effaçant le cuisant échec de Lionel Jospin, éliminé au 1er tour des élections présidentielles de 2002 par Jean-Marie Le Pen (21 avril).
• 2010 (21 mars) : La gauche gagne une région, la Corse, mais perd la Guyane et la Réunion. Son assise locale est confirmée.
Parti socialiste en 10 dates :
“L’Obamania” ? Au-delà de l’intérêt – sans
précédent –, de nombreux Européens pour une
campagne présidentielle américaine, il s’agit
surtout d’une véritable révolution au pays des
Insurgés. En effet, Barack Obama et ses “spin
doctors”, David Axelrod et David Plouffe, ont
abordé cette campagne en février 2007 avec
des objectifs bien précis. Car il ne faudrait pas
croire que la décontraction affichée du candidat
démocrate “black and white” n’était pas mise
en scène ! Dans cette joute électorale, rien n’a
été laissé au hasard et tout a été soigneusement
pesé et soupesé, évalué et réévalué.
Le “storytelling”
Janvier 2003. Pour David Axelrod, la campagne
présidentielle débute là. Il commence une
collection vidéo qui va s’avérer très utile : celle
des interventions publiques de son poulain,
un certain Barack Obama. À l’époque, Barack
Obama apparaît tout juste sur la scène politique
nationale américaine. Dès lors, pourquoi l’en-
registrer et le filmer ? Tout simplement pour
donner aux téléspectateurs le sentiment qu’ils
appartiennent depuis longtemps au cercle
intime du candidat. D’images d’archives à des
micros-trottoirs apparemment improvisés, réalisés
tout au long de la campagne, David Axelrod va
faire un mixte subtil, et ainsi développer un
concept novateur : le “storytelling”. L’objectif
n’est plus de “vendre” un programme ou de
convaincre du bien-fondé des réformes à faire,
mais bien de “construire” l’image d’un leader
capable de “faire”. Illustration de ce candidat
qui se raconte, plus qu’il ne propose ? À 46 ans,
il a déjà deux autobiographies à son actif ! Une
analyse que David Axelrod résume d’une phrase
lapidaire mais symptomatique : “Si nous menons
une campagne conventionnelle et présentons
une candidature conventionnelle, nous allons à
l’échec.” Vingt et un mois de campagne plus
tard, la théorie de David Axelrod est devenue
réalité : Barack Obama est entré dans le quotidien
des Américains.
Le changement : un leitmotiv efficace
Mais dépeindre un leader ne peut suffire pour
gagner. Que doit dire ce candidat pour séduire
et faire voter en sa faveur ? Les messages doivent
être simples. Ils doivent à la fois répondre
aux aspirations des citoyens et leur donner le
sentiment que seul ce candidat peut résoudre
leurs soucis quotidiens. Barack Obama va donc
porter l’espoir du changement à travers des
slogans percutants, tels que “Change we can
believe in it” (Le changement nous pouvons y
croire) ou “You can make the difference” (Vous
pouvez faire la différence). Il répond ainsi à l’as-
piration de rupture des électeurs, lassés ou déçus
par quinze ans d’administration Bush, père et
fils. Dans le même temps, l’équipe du sénateur
de l’Illinois implique les citoyens qui veulent s’in-
vestir en politique, mais n’y sont jamais vraiment
invités. En la circonstance, l’équipe d’Obama
reprend et développe une idée qui a déjà été
utilisée par Howard Dean… en 2004.
La stratégie du “Movement”…
Ainsi, plus de sept cents permanences de
campagne (dont les membres suivent une
formation au sein des “Camps Obama”) vont
travailler sur le terrain à incarner les vertus de
rassembleur de Barack Obama. Le nom de cette
stratégie est révélateur de son contenu : “The
Movement”, un réseau de bénévoles et une
armée de militants pour que la politique revienne
aux citoyens. Et s’adresse à eux. Multipliant les
réunions de terrain, ces fans du candidat vont
travailler en parallèle d’un média trop longtemps
délaissé : le Net. Et ainsi marier les actions de
terrain avec un réseau inédit sur la Toile.
Barack Obama va poursuivre sur la Toile deux
buts bien distincts l’un de l’autre. Tout d’abord,
tisser un réseau de soutien de plus de trois
millions d’internautes ! L’objectif est d’associer
chaque citoyen et, c’est là le second objectif, le
solliciter financièrement. Le paradoxe est que
l’argent récolté sur le Net sera – le plus souvent
– utilisé pour financer les spots du candidat sur
les médias traditionnels, notamment à la télévi-
sion aux heures de grande audience. Le résultat
de cette campagne sur le Net est l’apparition
Quelle est la situation de la presse « tradi-tionnelle » en ce début 2010 ?
La presse écrite traverse aujourd’hui la crise la plus grave de son histoire. Jusqu’à maintenant, quand un nouveau média apparaissait, il ne tuait pas les médias existants : la radio n’a pas éliminé la presse écrite, la télé n’a pas éliminé la radio, les radios libres n’ont pas tué les périphériques, etc. Le décor change avec internet. Ce média est tellement puissant qu’il modifie l’équilibre des autres médias au point de menacer l’existence même de certains. Déjà, aux États-Unis, plusieurs quotidiens ont disparu. Des revues médicales ont abandonné le papier pour ne plus être publiées que sur le Web. Internet bouscule aussi très fortement la radio et la télévision. Les jeunes, notamment, passent plus de temps à surfer que devant des chaînes traditionnelles. Et les radios musicales commencent à souffrir des MP3.
Le paysage n’est pas encore stabilisé. Après les PC, on a vu se développer les smartphones, et maintenant les tablettes et le développement des livres électroniques. À chaque fois, ce sont de nouveaux usages et une nouvelle concurrence pour les médias existants. Exemple parmi d’autres de ces évolutions : le jour de Noël 2009, pour la première fois, Amazon USA a fait un chiffre d’affaires supérieur avec les livres électroniques qu’avec les livres traditionnels. Le phénomène de 2010 sera immanquablement les tablettes, sur
lesquelles on peut visionner ou consulter indiffé-remment un quotidien, un site internet, un film, un livre, etc. C’est sans doute une évolution majeure qui pourrait permettre de sortir la presse mondiale du piège de la gratuité totale des contenus. Le succès de l’I Pad aux Etats-Unis est très encou-rageant : plus de deux millions d’exemplaires vendus en un mois et demi. En France où l’I Phone marche très bien, le succès devrait également être au rendez-vous. On annonce pour la fin de l’année 2010 en France 400.000 tablettes tous modèles et toutes marques confondues.
La presse écrite française ne connaît-elle pas une crise plus profonde que les presses anglaise, américaine ou allemande ?
Il y a des particularités, notamment liées à un poids relatif de la presse magazine plus important en France par rapport au Royaume-Uni où la presse quotidienne nationale est très puissante. Mais le mouvement dont on parle ici est mondial. À la révolution internet s’ajoute, en plus, la crise économique et la chute des recettes publicitaires. C’est pour la presse, la double peine.
Comment évoluent les audiences, justement, entre tous ces médias ?
Entre 2004 et 2009, les audiences de la presse quotidienne nationale payante ont diminué de 3 à 4% tous les ans, tandis que l’internet progres-
sait de 10 à 15%, les magazines et les radios connaissant également une baisse significative. Le taux de pénétration d’internet chez les 15 ans et plus s’est établi à 58% en 2009, continuant de se rapprocher de la radio (84%), sans remettre en cause la suprématie absolue de la télévision (91%), néanmoins plus éclatée, avec l’apparition de la TNT. Ce même taux de pénétration s’établit à 16% pour la presse écrite !
Comment les journaux traditionnels peuvent-ils réagir à cette révolution ?
Depuis 4 à 5 ans, les grands quotidiens géné-ralistes payants ont fait évoluer leur contenu. Désormais, ils ne délivrent plus une information exhaustive. Ils ne prétendent plus apprendre à leurs lecteurs les grands titres de l’actualité. C’est une vraie rupture. Cette mission est désormais celle des médias chauds comme les sites internet, les chaînes d’informations permanentes ou les quotidiens gratuits. Les citoyens ne veulent plus payer pour avoir de l’information brute qui doit être gratuite. Pour justifier son prix d’achat, la presse payante doit apporter plus que ces médias chauds et gratuits. D’où l’ambition des uns et des autres d’offrir de la valeur ajoutée, c’est-à-dire de l’analyse, de l’expertise, du reportage au long cours, des grandes signatures et bien sûr des informations exclusives. C’est le positionne-ment de tous les grands quotidiens généralistes français, qu’il s’agisse du Figaro, du Monde ou de
Libération. Du coup, les journalistes de la presse écrite quotidienne ou hebdomadaire payante ont des cursus de plus en plus différents des journalistes de télévision, d’internet ou de la presse gratuite. Ces derniers doivent être des généralistes, rapides, inventifs habitués surtout à traiter l’urgence de l’actualité, alors que dans la presse payante, l’expertise devient plus indis-pensable que jamais. C’est une mutation en cours au sein des rédactions.
Que représente l’activité internet pour une rédaction comme le Figaro ?
Au Figaro, nous sommes aujourd’hui à la première place depuis plus d’un an. La montée en puissance du site a été spectaculaire. Quand je suis arrivé dans le groupe, on comptait 2 000 salariés dont 80 sur internet. Aujourd’hui, nous sommes toujours autour de 2 000 salariés mais plus de 600 personnes se consacrent au Web. Que ce soit sur nos sites d’informations (lefigaro.fr, evene, Sport24), sur les sites marchands (ticketac) ou sur les sites de petites annonces (Cadremploi, Keljob ou Explorimmo). Le chiffre d’affaires en ligne représente aujourd’hui près de 20% du total du groupe. C’est un record sur le marché français.
Comment s’articule le travail entre une rédaction print et une rédaction web ?
Tous les jours, le site lefigaro.fr et le quotidien travaillent la main dans la main. Ils sont complémentaires. Ils répondent chacun à des missions différentes. L’un n’est pas au service de l’autre. Ce sont deux médias différents. Les modèles d’organisation changent. Jadis, on comptait une rédaction par support. Ce schéma a vécu. À l’avenir, les grandes rédactions papier travailleront systématiquement et indifférem-ment pour des supports différents : quotidien, magazine, smartphone, site internet, tablettes, etc. Les journalistes issus du print, qui devront être polyvalents, apporteront leur contribu-tion aux autres supports. Les journalistes web continueront à animer les sites et à agréger les contenus les plus divers.
Dans ce contexte, que devient le rapport entre la presse écrite et l’opinion ? A-t-elle encore une influence ?
Paradoxalement, je pense que le rôle de la presse écrite se renforce. D’abord parce que sur le net, ces titres deviennent des marques qui sont comme des labels, des cautions de sérieux pour les internautes. Et d’ailleurs, après une
première période de foisonnement, le marché se décante. Les sites d’informations les plus puissants sont désormais ceux qui se rattachent à un grand titre de la presse écrite : le Figaro, le Monde, le Point, l’Express, Libération ou le Parisien.
Ensuite, parce que la presse écrite devient une source d’information essentielle de la presse audiovisuelle (radio ou télévision) et d’internet. Ces médias chauds ont moins qu’auparavant les moyens d’entretenir des rédactions nombreuses qui enquêtent sur tous les secteurs de l’actua-lité. Ils ont moins d’argent (car l’audience s’est fractionnée) mais doivent produire toujours plus. Ils reprennent donc les infos de la presse écrite, rebondissent, créent du débat ou de la polémique et misent aussi de plus en plus sur l’émotion. Tout va de plus en plus vite et Internet peut se transformer facilement en «lessiveuse» à informations, à polémiques ou à rumeurs. Le système médiatique présente un réel risque d’emballement.
Parmi les médias traditionnels, la presse quotidienne nationale, payante, n’est-elle pas, elle aussi, tentée de devenir une « lessiveuse à polémiques », une source intarissable de crises médiatiques ?
Ce serait une grave erreur ! Il y a aujourd’hui une manie de cliver tous les sujets. Il faut faire la part des choses. Les polémiques ne nous inté-ressent pas automatiquement. Mais il y a des débats qu’il faut savoir lancer et nourrir, et là, la presse écrite est parfaitement dans son rôle.
Les contreverses sur l’attitude de Roselyne Bachelot face à la grippe A est un bon exemple de ces sujets que l’on veut absolu-ment transformer en polémiques…
C’est un exemple parmi d’autres d’emballement médiatique : sur la grippe A, il était impossible, pour le système médiatique, de fonctionner de façon dépassionnée : à tous les coups on perd. Soit la ministre de la Santé restait mesurée face à la grippe A et elle était traînée dans la boue pour son inaction, soit elle réagissait comme elle l’a fait, et… elle était traînée dans la boue pour son excès de réaction ! Il est très difficile, dans ce type de débat, d’introduire de la ratio-nalité. Nous sommes dans un système où il faut forcément désigner un responsable lorsqu’un dysfonctionnement apparaît. En même temps, une polémique chassant l’autre, il faut savoir tenir trois jours et attendre que l’attention se focalise sur un autre sujet…
C’est une vision très pessimiste du fonc-tionnement du système médiatique, qui devient une société du spectacle ?
ça n’est pas le cas pour la presse écrite dont les lecteurs attendent du recul sur l’actualité, de l’approfondissement. Ils nous demandent de ne pas céder à la dictature de l’instantané. Mais attention : la presse écrite quotidienne payante ne doit pas pour autant devenir intemporelle, elle doit rester branchée sur l’actualité. C’est en conciliant ces deux impératifs, qui peuvent sembler contradictoires, qu’elle peut trouver son rôle dans le nouveau système médiatique. L’autre grand challenge est aussi d’essayer de sortir du modèle gratuit sur Internet. L’apparition de l’I Pad est à ce titre très intéressante. Toutes ces évolutions sont en cours. C’est ce qui rend la période actuelle à la fois passionnante mais aussi parfois vertigineuse.
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Propos recueillis par
Antoine Boulay
entretien avec Jean-Michel salvator, Directeur délégué de la rédaction du Figaro
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r« Face à internet, la presse écrite demeure un lieu de pouvoir. »
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Le paysage médiatique est en pleine révolution. Nous avons souhaité faire le point sur les tendances actuelles : épiphénomènes ou tendances lourdes ? Comment l’émergence du net sur le marché médiatique redistribue-t-elle les cartes ? Comment les rédactions traditionnelles réagissent-elles ? Le point avec Jean-Michel Salvator.
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Un peu moins de 6 millions de Français se sont fina-
lement fait vacciner contre la grippe A… obligeant la
ministre de la Santé à rendre des comptes pour justifier les
94 millions de doses commandées. Jean Sarkozy à la tête de l’Établissement public d’aménagement
de La Défense. Après plusieurs semaines de polémique, Jean
Sarkozy a officiellement annoncé qu’il ne se portait plus candidat
à la présidence de l’EPAD. C’est finalement Joëlle Ceccaldi-
Raynaud, députée-maire de Puteaux et fille de son père Charles,
ancien président de l’EPAD !
Lors du campus d’été de l’UMP, Brice Hortefeux, ministre de l’In-
térieur, est filmé dans une ambiance décontractée avec quelques
militants.
Une militante : « C’est notre petit Arabe… »
Le ministre : « Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C’est
quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes. »
Une gaffe qui a fait le tour du Web. Le
ministère de l’Intérieur dénonce « une vaine
et ridicule tentative de polémique ».
Après Home de Yann Arthus-Bertrand,
c’est Nicolas Hulot qui a tiré la sonnette
d’alarme avec son film Le Syndrome du
Titanic.
François Bayrou et Daniel Cohn-Bendit sont allés au clash
sur le plateau de l’émission d’Arlette Chabot A vous de juger,
à l’occasion d’un débat en amont des élections européennes.
Avec les suites que l’on connaît pour l’un comme pour l’autre…
Le 9 novembre, une Europe en liesse fêtait le 20e anniversaire de
la chute du Mur de Berlin.
L’année scolaire de Luc Chatel, ministre de l’Éducation
nationale, a bien mal commencé puisque son dossier de presse de
rentrée était parsemé de fautes d’orthographe !
Le mal a cependant vite été réparé, et Luc Chatel a repris son
parcours… sans fautes.
Alice Dautry, reconduite à la tête de l’Institut Pasteur.
Isabelle Kocher, nommée Directrice générale adjointe de Suez Environnement, Directrice générale déléguée de Lyonnaise des eaux.
Pierre Auberger est nommé Directeur de la communication du groupe Bouygues. Il est remplacé par Valérie Petitbon à la direction de la communication de Bouygues Immobilier.
Arnaud Benedetti devient Directeur de la communication de l’INSERM.
Jean-François Chambon nommé Directeur de la communication de Roche.
Après la Tribune en 2008, ce sont le Monde, en janvier, Libération
et le Figaro, en septembre, qui ont fait peau neuve en lançant leur
nouvelle formule.
La presse écrite se relooke pour continuer à séduire.
Le 9 octobre, Barack Obama s’est vu attribuer le prix Nobel
de la Paix « pour ses efforts extraordinaires en faveur du renfor-
cement de la diplomatie et de la coopération internationale entre
les peuples ».
Un choix controversé : un sondage publié aux États-Unis par
l’université de Quinnipiac révèle que deux Américains sur trois
estiment que leur président ne mérite pas le Nobel de la Paix.
Thierry Henry a donné un véritable coup de main à l’équipe de
France de football lors du match contre l’Irlande. La France est
désormais qualifiée pour la coupe du monde.
Marine Le Pen a été à l’origine d’une forte polémique suite à sa
demande publique de démission du ministre Frédéric Mitterrand,
mettant en cause un livre dont il est l’auteur La mauvaise vie. Après
plusieurs jours d’emballement médiatique, Frédéric Mitterrand a
été conforté dans son poste et Marine Le Pen a réussi un coup qui
l’a fait entrer dans le cercle des « bons clients » médiatique.
Le duel des anciens présidents en librairie est
clair : avec Chaque pas doit être un but, ses mémoires
publiées chez Nil le 5 novembre, Jacques Chirac fait un
carton et affiche un score de 350 000 exemplaires dès
le mois de décembre…
Tandis que VGE romancier et son incroyable histoire d’amour ne
déchaîne pas les foules avec seulement 25 000 ouvrages vendus
à la même période.
Frédéric Mitterrand, personnalité reconnue du
milieu audiovisuel français, intègre le gouverne-
ment Fillon, nommé ministre de la Culture et de
la Communication le 23 juin 2009.
Secrétaire nationale des Verts, véritable étoile montante du
mouvement, Cécile Duflot est tête de liste
en Ile-de-France pour les élections régiona-
les des listes Europe Écologie.
Le chiffre
Fils ou fille de… ? l’EPAD en jeu !
La gaffe
Le coup de gueule… des écolos
Le Clash
Au pied du Mur
Zéro pointé
Ils & Elles
Du côté Des méDias
L’imprévu
Le coup de main
Le coup de com
Top / Flop
L’homme & la femme
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George Herbert Walker Bush (41e / 1989 -1993) ; Barack Hussein Obama (44e / 2009) ; George Walker Bush (43e / 2001 - 2009) ; Bill Clinton (42e / 1993-2001) ; Jimmy Carter (39e /1977-1981) – 20 janvier 2009
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De Carter à Obama, de 1977 à 2009, les anciens et le nouveau visages des États-Unis…
La version française de cette photo n’existe toujours pas !
La crise sous toutes ses formes
Sociale ou sanitaire, en prévention ou en
gestion, cette année encore Vae Solis a aidé
des organisations confrontées à des situations
de crise.
• 2009, incontestablement, sera l’année
où la pandémie est survenue : pas tout à
fait comme elle avait été imaginée et anticipée
mais elle fut bien là, obligeant les organi-
sations à se préparer à faire face au pire :
absentéisme, désorganisation des services,
protection sanitaire… il a fallu que les entre-
prises se préparent et cela dans le cadre de
PCA, ou plan de continuité des activités adapté
au risque pandémique. De la mise en place des
procédures en passant par les dispositifs d’in-
formation interne, notre équipe a accompagné
la mise en place de plusieurs PCA… l’occasion
pour elle d’optimiser, de perfectionner son
dispositif de gestion de crise et de le tester
dans le cadre d’exercice de simulation. Et si
la pandémie n’a heureusement pas généré
les désastres annoncés, elle aura eu le mérite
de sensibiliser et de préparer les entreprises,
notamment les plus petites, à faire face à la
crise,
• Et puis il y a eu la crise économique
et ses dégâts collatéraux : de tensions
sociales en PSE.
L’année 2009 s’est ouverte sous le signe
de la tension et de la confrontation sociale.
Les mouvements se sont radicalisés et les
rapports de force tendus. Au point que la
séquestration de patrons est devenue « à la
mode », dernier recours de salariés déses-
pérés pour faire entendre leur voix et faire
valoir leur combat ! Les équipes dirigeantes
sont démunies, désemparées, voire inquiètes.
Comment faire face ? Comment maintenir le
dialogue quand on est « coupés » du monde
extérieur ? Face à leur désarroi, nous montons
une offre spécifique destinée à les aider à
maintenir le dialogue et poursuivre la négocia-
tion en situation « extrême »…
Dès lors qu’il sait qu’il faut posséder un kit
survie rasoir/brosse à dents/chemise repassée,
à la veille de l’annonce d’un plan social, quelle
stratégie le patron séquestré doit-il adopter
pour conserver la conduite opérationnelle et
garder la mainmise sur l’avenir de son entre-
prise ?
La formation « Communiquer sous la
contrainte » a été conçue pour aider les
dirigeants à prévenir et gérer cette nouvelle
forme de radicalisation des rapports sociaux
de manière globale : des aspects matériels,
psychologiques et juridiques aux enjeux de
communication. Et si la séquestration survient,
Vae Solis Corporate accompagne l’entreprise :
conseil et appui du porte-parole désigné et
mise en place d’un press office externalisé.
Crise oblige, les PSE se sont multipliés cette
année et Vae Solis a accompagné plusieurs
entreprises à organiser l’information avec leurs
différentes parties prenantes : de l’interne prio-
ritairement à l’externe (journalistes, élus…).
En 2009, nos équipes ont « vu du
pays »… notamment pour assurer la
médiatisation d’événements
• Du Havre à Bordeaux en passant par
Grenoble, nos missions nous ont cette année
conduits aux 4 coins de la France. C’est
près de Grenoble, à Saint-Jean-de-Moirans
précisément, que nous avons accompagné le
groupe Rossignol à l’occasion de l’inaugu-
ration de son nouveau siège mondial. En
charge des relations presse de l’événement,
nous avons accueilli près de 100 journalis-
tes, français et étrangers, venus découvrir
la nouvelle ambition de l’équipementier. En
présence des champions français, dont Jean-
Baptiste Grange dont les skis sont fabriqués
sur le site par un atelier dédié à la compétition,
Rossignol fêtait sa remise en piste comme en
témoigne un retour à l’équilibre financier après
une année de restructurations difficiles.
• Et à l’international : à Tokyo, Cotonou
ou à Séville, par exemple, où nous avons
assuré la médiatisation du Forum Young
Mediterranean Leaders organisé par
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le Club XXIe Siècle, début novembre.
Cette deuxième édition du forum YML a
rassemblé près de 250 acteurs méditerranéens
de premier plan : entrepreneurs, femmes et
hommes politiques, représentants du monde
de la culture, des arts, des médias, universi-
taires et chercheurs. Parmi les intervenants :
Hubert Védrine, Miguel Angel Moratinos,
Ozlem Turköne (AKP, Turquie), Ahmed Reda
Benchemsi (TelQuel Magazine, Maroc), Moulay
Hafid El Alamy, (CGEM, Maroc), Najat Vallaud-
Belkacem (mairie de Lyon, France), ou encore
Anouar Benmalek (écrivain, Algérie). « La
nouvelle génération est à la fois du Nord et du
Sud : elle contribue par son existence même à
lever les incompréhensions entre les deux pôles
de la Méditerranée, souligne Hakim El Karoui,
président des YML. Les ”Euro-Maghrébins”
sont porteurs d’une dynamique de transforma-
tion extraordinaire. Nous allons canaliser cette
dynamique dans les champs économique, culturel
et de la formation, en nous appuyant sur le réseau
d’entrepreneurs économiques, journalistiques et
culturels qui caractérise les YML ».
Partenariat RH : Vae Solis renforce
son expertise en accompagnement
du changement et communication interne
Vae Solis s’est intéressé à la question des
« seniors en entreprise ». L’enjeu : accompa-
gner les entreprises dans la mise en place de
leur plan Seniors… L’occasion de consolider
son expertise en accompagnement du change-
ment en nouant un partenariat avec le cabinet
Option RH, spécialiste en ressources humaines.
Au 1er janvier 2010, toute entreprise de plus
de 50 salariés devait disposer d’un accord ou
d’un plan d’actions en faveur de l’emploi des
seniors… Autant dire qu’au-delà de l’enjeu de
société que constitue l’allongement de l’emploi
(la France a, avec 38%, le taux d’emploi des
seniors – 55-64 ans – le plus bas d’Europe !),
sa déclinaison au niveau des entreprises est
devenu stratégique. Enjeux réglementaires,
financiers, RH au moins à très court terme. Mais
pas seulement. Ils sont aussi d’ordre interne et
communicationnel. En effet, le dossier « Emploi
des Seniors » ce sont évidemment d’abord des
mesures et dispositifs RH à mettre en place.
Cependant, au-delà des aspects strictement
légaux, ce sont aussi des perceptions et des
représentations à cerner pour savoir comment
les faire évoluer. C’est, enfin, savoir informer,
communiquer et mobiliser l’ensemble des relais
internes de l’entreprise (direction, représen-
tants syndicaux, managers, RH...) pour assurer
l’efficacité et l’acceptabilité du dispositif qui
s’imposera à tous.
Est-il valorisant ou non pour un salarié d’être
reconnu et identifié comme senior ? Quels
problèmes culturels, fonctionnels, rencontre-t-il
dans l’entreprise ? Quelles sont les représenta-
tions associées ?
Comment négocier ou déployer des plans en
faveur de telle ou telle catégorie de salariés
sans déstabiliser la cohésion interne ? Comment
cibler et informer sans discriminer, sans catégo-
riser, ni creuser les communautés d’intérêt ?
Autant de questions et de solutions dévelop-
pées dans le cadre de notre accompagnement
qui se poursuit : les changements de compor-
tements et de mentalités s’accompagnent dans
la durée.
Corinne Dubos
2009 aura été marquée chez Vae Solis par un appro-fondissement de ses 3 volets d’intervention et lui aura permis de déployer son accompagnement dans le cadre de problématiques toujours plus variées. Focus sur quelques interventions qui ont mobilisé notre équipe.
un aperçu de l’annÉe chez Vae Solis…
2009 fut aussi pour nous une
année « Politique », l’année où nous
avons lancé notre première étude sur
la communication des personnalités
politiques vue par ceux qui les côtoient
au plus près, les journalistes politi-
ques. Ils étaient 43 à avoir accepté
de jouer le jeu pour cette première
édition et leurs retours nous encoura-
gent à renouveler l’expérience… Du
coup, fin 2009, nous avons reconduit
l’expérience et réalisé la 2e édition,
parue à la veille des régionales de
mars 2010. Toujours surprenants et
riches d’enseignements, les notations
et commentaires des 50 journalistes
interrogés pour cette 2e édition, nous
invitent à préparer la 3e…
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publique, il faut lui donner la bonne trajectoire,
la bonne impulsion, le bon « spin ».
Le « Doctor » de l’expression consacrée renvoie,
quant à lui, à la notion d’expertise, élément
crucial pour cette fonction hautement sensible.
Le « Doctor », c’est l’expert !
De nombreux observateurs français ont essayé
de traduire ce phénomène apparu aux États-
Unis dans les années 20. En France, nous
connaissons les conseillers en communica-
tion politique. Michel Bongrand fait figure
de « père de la communication politique
française », lui qui a soutenu Jean Lecanuet en
1965, contre le général de Gaulle. Après lui,
le plus influent Spin fut certainement Jacques
Pilhan. Aujourd’hui, c’est Patrick Buisson qui
pourrait prétendre au titre de Spin Doctor
français. Aux États-Unis, patrie du Spin, c’est
David Axelrod qui occupe actuellement cette
fonction auprès de Barack Obama.
Pourtant, cette fonction reste souvent floue
dans l’Hexagone. D’autant plus qu’il y a
souvent confusion, en France, entre les publi-
citaires et le Spin Doctor. Les premiers n’ayant
jamais réussi à être les seconds et menant ainsi
à de nombreux échecs !
Il y a donc un flou artistique qui entoure, en
France, l’image du Spin Doctor, lui qui est
souvent identifié comme conseiller en relations
publiques. Pourtant, les termes utilisés pour
le décrire sont généralement péjoratifs.
Tantôt « gourou », « Docteur Folimage »
ou encore « façonneur d’opinions », tantôt
« manipulateur d’événements », « éminence
grise »… des termes renvoyant à des notions
de manipulation.
Derrière ces traductions se cache la part de
fantasme et la fascination que ces conseillers
provoquent dans l’inconscient collectif. Eux
qui se sont taillés une place croissante dans
la vie politique en organisant les stratégies
d’accession au pouvoir des hommes politiques,
jusqu’à en devenir indispensables.
Si le terme Spin Doctor ne nous permet pas,
en lui-même, de décrire totalement la réalité
de cette fonction, les grandes figures ayant
occupé ce poste nous aident néanmoins à
définir les contours de son action afin d’en
dresser un portrait plus précis. En les observant
de plus près, deux axes forts de cette fonction
hors normes : l’expertise et le statut.
Le Spin Doctor : expert de l’opinion
publique, des médias et de la
communication
L’expertise du Spin Doctor est évidemment la
clé de voûte de son influence. C’est d’ailleurs
par cette expertise que certains décrivent
ses fonctions : « expert en communication »,
« fabricant de consensus », « façonneur d’opi-
nions ». Ces descriptions traduisent la part
d’expertise et de maîtrise de techniques bien
particulières. Ces compétences spécifiques
concernent l’opinion publique, les médias et
la communication. Elles sont généralement de
trois ordres :
• La maîtrise des outils de connaissance
de l’opinion publique
L’utilisation et la bonne interprétation des
outils de connaissance de l’opinion publique
(quantitatifs ou qualitatifs) sont un élément
fondamental pour le Spin Doctor. Il y a recours
non seulement lors des élections, mais aussi au
quotidien, dans le travail de gouvernance.
• La parfaite connaissance du système
médiatique
Les médias sont évidemment l’outil de prédilec-
tion des communicants. Cependant, c’est aussi
un danger permanent pour les dirigeants. Le Spin
doit donc avoir une connaissance exhaustive du
système médiatique dans lequel il évolue. Les
médias sont des entreprises ayant leur logique
propre, leurs contraintes et leurs impératifs.
• La capacité à mettre en scène un
émetteur
L’enjeu n’est jamais de transformer l’émet-
teur, de le « maquiller ». Le véritable enjeu,
pour un Spin, c’est d’utiliser au mieux les
capacités de l’émetteur ; de le transcender
pour le rendre plus efficace, plus percutant.
En prenant en compte le format médiatique
adapté et le contexte, il s’assure aussi que les
récepteurs recevront le bon message au mon
bon moment.
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le Spin doctor Fantasmes et réalité
des hommes d’influence
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Qui sont les Spin Doctors ?
Dans l’univers des communicants, il est un oiseau
rare qui n’apparaît qu’une fois dans une décennie,
un phénomène à la fois stratège et communi-
cant : le Spin Doctor. Aucun équivalent français
ne parvient à traduire correctement le mot Spin
Doctor, définition purement anglo-saxonne des
conseillers en communication politique, spécia-
listes de relations publiques et de « marketing
politique ». Cette expression intraduisible porte
en elle cette façon musclée et concise qu’ont les
Anglo-Saxons de résumer en deux mots des notions
complexes.
Pour une traduction littérale, notons simplement
que le « spin », c’est « l’effet », la direction, le sens
donné à une balle (au tennis, par exemple) pour
qu’elle suive la bonne trajectoire. Il en est de la
balle de tennis comme de l’information : pour que
cette dernière remporte l’adhésion de l’opinion
L’image du « Spin Doctor » fascine autant qu’elle inquiète. Personnage méconnu, il suscite fantasmes et interrogations. Il est souvent entouré d’une réputation sulfureuse, mêlant politique et manipulation, communication et influence. Le Spin Doctor est donc naturellement devenu une figure romanesque, cinématographique. Pourtant, derrière cette image d’Épinal, se cache une figure essentielle et complexe des gouvernements et des entreprises. Agissant aujourd’hui principalement dans le domaine politique, les méthodes du Spin sont pourtant nées pour les entreprises grâce, notamment, à Edward Bernays. Ce sont elles qui ont vu, très tôt, l’intérêt de maîtriser et influencer le débat public pour faire changer les comportements. Des techniques qui se sont progressivement transmises à la sphère politique qui lui donnera ses lettres de noblesse. Aujourd’hui, l’enjeu est donc, pour les entreprises, de se réapproprier le Spin.
Le Spin Doctor : un personnage au cœur de l’information.
alaStair campBell
Alastair Campbell débuta comme journaliste à Londres puis chef du service politique du Daily
Mirror et de Today. C’est à cette occasion qu’il rencontre Tony Blair avec qui il noue rapidement
des liens. En 1994, Campbell quitte le milieu journalistique pour devenir le porte-parole du
Labour. C’est ainsi que commence sa carrière de Spin Doctor dont le point culminant fut sa
fonction de directeur de la communication et de la stratégie de Tony Blair, au 10, Downing Street
de 1997 à 2003. Campbell s’impose comme la figure de la modernisation de l’image du Labour
et même de la politique en Angleterre. Mais sa position controversée en faveur de la guerre en
Irak a marqué la fin de sa carrière de Spin.
JacqueS pilhan
Autodidacte et communicant, Jacques Pilhan
fut le conseiller de François Mitterrand puis
de Jacques Chirac. Il collabore à la première
campagne de 1981, il a d’ailleurs la paternité
du slogan « La force tranquille ». Il sera
l’artisan de la deuxième campagne de 1988
avec le succès que l’on connaît. Enfin, il
transforme Jacques Chirac pour en faire le
gagnant de 1995. Surnommé le sorcier de
l’Elysée, Jacques Pilhan est surtout connu
pources trois succès présidentiels.
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Il fut ainsi admis par les entreprises d’avoir
recours aux conseils de ces hommes de l’ombre,
professionnels des « relations publiques ».
Finalement, les nouvelles méthodes de
communication de Bernays ont contribué à
donner une nouvelle
dimension aux entre-
prises : leur rôle au
sein de la société
n’est plus seulement
économique, il est
également politique
et social. Bernays a
par ailleurs montré
qu’il était possible
de favoriser la rencontre entre l’offre et la
demande en cherchant à répondre simultané-
ment aux intérêts de l’entreprise et à ceux de
la société, des clients potentiels.
Comme on peut l’imaginer, nombreuses ont
été les critiques face à l’émergence de ces
nouvelles pratiques. La plus virulente étant que
l’idée de « propagande » orientant les opinions
du peuple va à l’encontre même du système
démocratique.
Pourtant développées et imaginées pour elles
dès l’origine, les entreprises ont peu à peu
abandonné les actions de Spin au profit de
la publicité dont les effets sur les ventes se
voulaient plus immédiats. Et c’est naturel-
lement que les hommes politiques se sont
inspirés de ces méthodes pour créer le person-
nage central de ces nouvelles stratégies de
communication : le Spin Doctor.
Aujourd’hui, de très nombreux sujets et débats
de société peuvent impacter les entreprises
de manière plus ou moins directe. Elles, qui
détiennent une part
de l’intérêt général,
doivent se réappro-
prier le Spin pour
aborder ces sujets
d’opinion publique
et porter un message
qui dépasse le simple
cadre de leur activité.
Alors que les pouvoirs
publics perdent progressivement en crédibilité,
l’opinion publique attend beaucoup des entre-
prises, de leurs actions mais aussi de leurs
discours. Pour faire face à l’accélération des
outils de communication et à l’exigence des
consommateurs/citoyens, il est impératif que
les entreprises retrouvent le Spin. À moyen
terme, ne pas faire valoir son point de vue et
ne pas s’adapter aux mécanismes qui forgent
l’opinion publique et son extrême volatilité,
constituent une faille certaine dans la stratégie
des organisations.
Marie-Gabrielle Sorin
et Lionel Benatia
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Un pouvoir qu’il tire de sa situation unique
Une triple logique prévaut à l’apparition, dans
un gouvernement, d’un véritable Spin Doctor.
Toutes trois liées à sa position unique par
rapport au dirigeant :
• La durée de ses liens avec le dirigeant
Un Spin Doctor se construit dans la durée,
il se forge d’abord dans sa contribution à la
victoire de la personnalité politique à laquelle
il s’associe. Il est parfois intégré ensuite aux
cabinets constitués après les victoires, tout
en restant en marge. Ainsi, il est générale-
ment hors hiérarchie et ne devient pas, à
proprement parler, un membre du cabinet.
De directeur de campagne, il devient alors
généralement conseiller personnel.
La notion de durée est un élément essentiel
pour appréhender le parcours et l’interven-
tion du Spin Doctor. Ainsi, c’est le parcours
commun de plus de 10 ans entre Alastair
Campbell et Tony Blair dans la conquête du
pouvoir de Tony Blair qui explique leur lien
particulier et l’organisation du pouvoir à l’inté-
rieur de la machine Blair.
• Leur proximité
De cette fonction, il ne tire aucun pouvoir
hiérarchique ou démocratique. Il ne tire
alors son influence (donc son pouvoir)
que de sa proximité avec la personna-
lité politique qu’il conseille. C’est de cette
proximité qu’il tirera tous les outils (en
dehors de son propre savoir-faire) pour
mettre en œuvre les stratégies qu’il imagine.
Le Spin Doctor d’un gouvernement pourra
avoir accès à la machine gouvernementale :
service de veille, d’alerte, de communica-
tion, capacité à organiser des points presse,
des roadshows, etc.
• La capacité du Spin à dépasser les préro-
gatives d’un simple communicant
De ce lien si particulier qui lie le Spin au
dirigeant naît une relation qui dépasse
naturellement le cadre du seul conseil en
communication politique. Sa maîtrise stratégi-
que des rouages de l’opinion publique et son
extrême technicité dans la connaissance des
médias et de leurs contraintes lui permettent
d’étendre ses interventions.
Il intervient sur le fond politique, sur les
objectifs gouvernementaux et évidemment les
modalités de l’action.
Il est amené à connaître et à intervenir dans
des stratégies extrêmement sensibles, comme
par exemple l’engagement militaire (qui perdra
d’ailleurs à la fois Alastair Campbell et Karl
Rowe). Ce lien entre des domaines stratégi-
ques et les compétences des Spins en matière
de communication sont à l’origine, en grande
partie, du désamour de l’opinion publique.
Ni éminences grises, ni manipulateurs de
l’ombre, les Spin Doctors dépassent simplement
les cadres convenus de la simple communica-
tion politique. Ils allient, pour le compte d’un
dirigeant, un sens stratégique incomparable
et une hyper-technicité des mécanismes de
l’opinion publique.
Cette fonction politique a créé le personnage
sulfureux du Spin Doctor. Bien avant cette
utilisation politique, c’est dans les entreprises
qu’ont été créées les techniques et les outils
d’influence de l’opinion publique et d’analyse
des comportements. Avant d’être un conseiller
de dirigeant de gouvernement, le Spin a
conseillé les dirigeants d’entreprise.
Spin et entreprises
Si peu de personnes connaissent le nom
d’Edward Bernays, il a pourtant été, par ses idées
nouvelles, un des acteurs majeurs de moderni-
sation des stratégies de communication.
Convaincu qu’il pouvait être fait bon usage
des méthodes d’influence utilisées pendant
la Première Guerre mondiale, Edward Bernays
s’en est inspiré, dès les années 30, décidé
à en réutiliser le pouvoir mobilisateur et
« influenceur » de masse. Pour son nouvel
usage, il rebaptisa cette pratique « relations
publiques ».
Double neveu de Freud, Bernays tira de la
psychanalyse plusieurs enseignements qui lui
permirent d’appréhender la société avec un
regard nouveau et atypique : si l’on veut
pouvoir agir sur le comportement de l’individu,
il est nécessaire de solliciter son inconscient ;
il est ainsi possible de toucher et d’orienter
l’opinion, dans un sens souhaité.
Bernays a imposé son idée selon laquelle l’indi-
vidu, face à l’abondance et à la complexité de
la société dans laquelle il évolue, doit nécessai-
rement être guidé dans ses choix, faute de quoi
la société tendrait vers l’anarchie et se figerait
dans son désordre naturel.
La « communication d’influence », par sa capacité
à donner un sens, une orientation, deviendrait
ainsi un remède efficace face au « chaos ».
Fort de ces théories, Bernays, « conseiller
en relations publiques », a su convaincre les
grandes entreprises et industries que la pratique
de la communication d’influence pourrait leur
être bénéfique. Il s’agirait de permettre d’ins-
taurer un dialogue entre l’entreprise et les
individus, en agissant sur les symboles.
Événementialisation, interventions d’experts
ou de tiers, sondages, groupes thématiques,
autant de méthodes nouvelles pour une
nouvelle forme de communication, appliquée
aux entreprises. Dans la pratique, Bernays
a ainsi connu un certain nombre de grands
succès comme l’organisation d’un concours
de sculpture sur barres de savon pour Procter
& Gamble, la promotion de la vente de pianos
par la défense de l’idée que chaque domicile
devait avoir un piano, ou encore la promotion
de la cigarette pour les femmes américaines
pour American Tobacco alors même qu’elle
leur était, encore peu de temps auparavant,
interdite.
Bernays a par ailleurs intégré les enjeux
d’image de l’entreprise dans sa pratique des
relations publiques. Ainsi, il ne s’agit pas
de vanter une image mensongère mais de
procéder à « l’exaltation des points forts visant
à capter l’attention du public pour la fixer sur un
détail ou sur un aspect caractéristique de l’entre-
prise tout entière ».
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Aux États-Unis, le Spin Doctor est un
personnage bien identifié. Les observa-
teurs notent l’apparition de la fonction
lors des années 20 mais le mot « spin »
n’a été popularisé qu’à partir de 1984.
C’est le célèbre débat Ronald Reagan /
Walter Mondale qui révèlera au grand
public les stratégies de communica-
tion développées par l’entourage du
président.
La pratique a été ensuite industrialisée
par des cabinets comme le Sawyer
Miller Group.
david axelrod
Aujourd’hui conseiller à la Maison-Blanche, David Axelrod a été
l’acteur principal de la campagne présidentielle d’Obama. Ancien
journaliste, il crée son cabinet de consultant politique à Chicago.
Parmi de nombreuses personnalités, Axelrod rencontre Obama dans
les années 90 et fut plus tard séduit par l’idée de sa candidature à
la présidence des États-Unis : une grande complicité s’installe entre
les deux hommes. Véritable homme de l’ombre, il met en scène
toute la campagne de Barack Obama ; son authenticité et son sens
politique alliés à la personnalité d’Obama les conduiront au succès
que l’on connaît.
michel Bongrand
Journaliste et publicitaire français né en
1921. En 1960, il suit la campagne de
Kennedy et souhaite dupliquer les méthodes
du jeune président élu pour les politiciens
français. Il est cependant écarté de l’équipe
de campagne du général de Gaulle, réfrac-
taire à l’idée de « marketing politique ». Il
prend alors le parti de Jean Lecanuet lors des
élections de 1965 qui, fort de ses conseils,
passe de 4% dans les sondages à 15% des
suffrages en décembre 1965. Un résultat qui
conduit le général de Gaulle au ballottage.
Michel Bongrand conseillera ensuite Valery
Giscard d’Estaing lors de sa présidence ainsi
que certains chefs d’États africains.
« La minorité a découvert qu’elle pouvait influencer la majorité
dans le sens de ses intérêts. Il est désormais possible de modeler l’opinion des masses pour les
convaincre d’engager leur force nouvellement acquise dans la
direction voulue ».
2009, en politique comme ailleurs, aura marqué une transition, celle de l’extraordinaire montée en puissance d’internet dans le jeu médiatique. La campagne électorale américaine a convaincu les derniers responsables politiques français de la nécessité de prendre en compte internet, ses opportunités ainsi que les nouvelles vulnérabilités auxquelles il donne naissance. Les dérapages, les ratés et les nombreux buzz négatifs dont les politiques ont gratifié la toile auront sûrement eu le mérite de révéler les zones à risques et de faire, du même coup, progresser la conscience de l’importance du net dans la gestion de la réputation.
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à Su
ivre…
De l’internet en politique : discipline
en extension
En élargissant son domaine d’action, la commu-
nication politique a répondu aux deux tendances
majeures de la politique actuelle, telles que
D. Wolton les décrit, à savoir un élargissement
de la sphère politique et le poids croissant que
la communication a pris en politique. Ainsi, faire
de la politique ne se résume plus au seul partage
d’idées avec l’électorat ; elle est une somme plus
ou moins bien identifiée d’éléments pouvant
émettre un message et donc influer sur les débats.
La communication politique n’est pas, ou plus, le
seul apanage de la classe politique. Elle est aussi
une discipline désormais accessible, au-delà du
militant, au citoyen-internaute qui devient à son
tour diffuseur de contenus politiques.
Les acteurs politiques ont bien conscience que
l’outil internet a permis d’ouvrir un nouveau
champ de débats et d’échanges ; un nouveau
lieu où l’on fait de la politique. Comme souvent,
le besoin d’être présent et de renforcer sa
réputation sur la toile a contraint certains
politiques à brûler les étapes de l’apprentis-
sage internet, deuxième source d’information
la plus puissante après l’entourage, selon
Harris Interactive. Si beaucoup réfutent l’idée
selon laquelle le fond primera toujours sur la
forme, il semble désormais impossible d’exister
politiquement et de veiller à sa réputation
sans maîtriser le troisième facteur que sont les
nouveaux outils de communication.
En France, les réseaux sociaux comme
Facebook ont rapidement été pris d’assaut par
les politiques, comme si les médias tradition-
nels étaient devenus trop limités pour exprimer
(toutes) leurs idées. Concernant Facebook,
trois constats émergent. Le premier c’est la
présence de l’ensemble des acteurs politiques,
au sens de toutes les familles et catégories
d’élus : ministres, sénateurs, députés, maires,
adjoints... tous y sont. Le deuxième, c’est le
nombre de supporters qui n’est encore que
marginal, à l’exception du président de la
République : à peine plus de 20 000 supporters
pour le n°2 du classement, Olivier Besancenot.
Enfin, troisième constat : Facebook, à l’image
du Web, affranchit les frontières, les hiérarchies
et codes établis : ainsi, chacun peut se donner
l’illusion de communiquer directement avec
des personnalités de premier plan et du monde
entier. Le Web offre avec les réseaux sociaux,
un nouvel espace public et politique où s’ins-
tallent de nouvelles dynamiques d’opinion,
de nouvelles règles du jeu, où les « sachants
» traditionnels et le grand public alimentent
chacun à leur niveau le débat public.
Si Facebook a permis une croissance de
« l’entourage », Twitter, symbole de l’hyper-
réactivité, a accéléré encore un peu plus le
rythme de diffusion de l’information. Ainsi,
les acteurs politiques communiquent plus,
plus rapidement et à un plus grand nombre
leurs opinions ; c’est la théorie des « ambas-
sadeurs-militants ». Si une faible majorité
politique Sur le net : bien négocier le virage
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1 Nicolas Sarkozy 226 076
2 Olivier Besancenot 20 239
3 Jacques Chirac 14 196
4 Rama Yade 13 278
5 Ségolène Royal 12 153
6 Jean-Marie Le Pen 10 443
7 François Bayrou 9 777
8 Dominique de Villepin 9 484
9 François Fillon 8 844
10 Robert Badinter 7 931
TOP 10 DES POLITIQUES SUR FACEBOOK
(en nombre de « supporters » - classement mai 2010)
des membres du gouvernement possède un
compte twitter, souvent insuffisamment et
mal alimenté d’ailleurs, certains témoignent
d’une bonne connaissance de l’outil : Laurent
Wauquiez, Nathalie Kosciusko-Morizet et, dans
une moindre mesure, Benoist Apparu. Parce
qu’ils ont su adapter leurs messages au format
internet, ils sont les meilleurs élèves de la
classe et dessinent aujourd’hui la démocratie
participative 2.0 en consolidant les liens qu’ils
tissent avec les citoyens-internautes.
Depuis les premiers pas de Ségolène Royal en
2007 avec le rapport Rocard, la Ségosphère et le
site Désirs d’avenir, l’outil internet a progressive-
ment imposé une modification des formats, une
transformation de la transmission des messages
politiques. Ce nouveau vecteur de communi-
cation a permis un progressif affranchissement
des hiérarchies établies, de la géographie
mais également des codes traditionnels. Cette
« nouvelle donne », si elle rebat les cartes de
la hiérarchie politique existante, impose à tous
de nouvelles règles qu’il est indispensable de
garder à l’esprit. Parmi les nouvelles règles du
jeu, le premier commandement du politique
2.0 est de conserver la gestion personnelle de
ces outils de communication afin de jouer la
carte de la transparence, de la proximité mais
surtout de la cohérence au risque de décevoir
son réseau et ses liens tissés sur la toile.
Et internet fit disparaître le off
L’usage de ces outils implique une maîtrise et
surtout une compréhension des implications
qu’a internet sur le parcours de l’information.
Le Web 2.0 modifie le rythme de circulation de
l’information, facilite l’accessibilité, efface les
hiérarchies établies et permet une diffusion
démultipliée. Ce que l’on appelle le buzz…
En 2009, il y a eu le « cas Frédéric Lefebvre » ;
interrogé sur cette nouvelle évolution du
Web, le 2.0, le porte-parole de l’UMP qui se
positionnait à l’époque en possible succes-
seur d’Éric Besson au secrétariat d’État
au numérique, s’empêtrait dans « son »
sujet, témoignant d’un fâcheux manque de
maîtrise… et son interview ratée de devenir
la risée du Web. Moins drôle et sûrement
plus grave, on se souvient évidemment du
« cas Hortefeux » survenu lors de l’université
d’été de l’UMP... Piégé par le net, le ministre
se trouve immédiatement plongé dans une
polémique dont il aura du mal à se sortir.
Internet a définitivement rendu obsolète ce
qu’on appelait le off et la gestion de la
réputation doit donc désormais prendre en
compte l’envahissement de l’espace privé par
l’espace public…
L’enjeu de l’e-réputation
On observe que malgré ces épisodes doulou-
reux, les « ratés » d’internet sont encore trop
souvent perçus par les dirigeants, politiques ou
économiques, comme des événements mineurs
et la stratégie d’information sur internet encore
considérée comme secondaire. Nombreux sont
ceux qui pensent encore, à tort, que seuls le
journal télévisé et la presse structurent l’opinion,
négligeant la maîtrise de l’environnement
internet. Certes, les médias traditionnels restent
structurants mais anciens et nouveaux médias
ne forment pas des mondes isolés qui s’igno-
rent. On le voit, les échanges et les reprises
des uns par les autres constituent une nouvelle
dynamique qui bouleverse le jeu médiatique.
Le Web doit être considéré comme un nouvel
espace, constitutif de l’influence et du débat
public : il possède une structure propre, des
formats originaux, qu’il convient de maîtriser.
La toile n’est pas un grand fourre-tout
homogène ; elle a ses codes et ses usages. Les
blogs, les forums, Twitter, Facebook, les sites
personnels, ceux des partis, les plateformes
de débats et Youtube sont autant de modes
de communication uniques qu’il faut intégrer
à toute stratégie d’information : adapter son
message et structurer son intervention sur le
net est devenu une discipline à part entière.
Diffuser de l’information mais aussi savoir
réagir… Bien gérer internet implique de
maîtriser la double logique active-réactive.
Comment réagir quand le net s’emporte contre
vous ? Par nature incontrôlable, ce nouvel
espace d’expression présente de nouvelles
difficultés : la multiplication des canaux de
diffusions, le développement de la technologie
permettant de « récolter » l’information et la
naissance d’une culture de l’interaction perma-
nente bouleversent la gestion de l’image telle
qu’elle se pratiquait jusqu’alors.
L’image des personnalités et des entreprises ne
leur appartient plus tout à fait totalement. Et
d’autres – anonymes ou groupes constitués sur
le net – communiquent pour elle ou contre elle.
Là est peut-être tout l’enjeu. Savoir se constituer
une communauté solide de « supporters »,
d’ambassadeurs de la toile, prêts à relayer vos
messages, voire à se mobiliser pour allumer des
contre-feux en cas « d’agressions » virtuelles. Les
internautes, citoyens-consommateurs, consti-
tuent une nouvelle partie prenante du débat
public. Chacun a bien conscience que l’ignorer
est devenu dangereux et que les stratégies
d’information et de mobilisation sur le Web sont
une nouvelle discipline en extension.
Raphaël Leclerc
De la démocratie participative au débat public
Inspirée de pratiques déjà appliquées dans
différentes villes du globe, notamment à Porto
Alegre, la « démocratie participative » implique
le citoyen, bien au-delà du vote ponctuel, dans
la vie civile. Les partisans de cette démocratie
reconnaissent que sa forme n’est pas aboutie
et en constante évolution.
Compte tenu de ce mouvement et de l’essor
des moyens d’information s’offrant à chacun,
la France a voulu institutionnaliser cette asso-
ciation citoyenne aux prises de décisions en
créant en 1995 par la loi « Barnier », puis en
renforçant par la loi démocratie de proximité
de 2002, la Commission nationale du débat
public (CNDP). Pour Patrick Legrand, vice-
président de la CNDP, le débat public est
« un retour de la démocratie » qui permet un
« véritable contrôle social ».
Le débat public est l’occasion de discuter de
l’opportunité, des objectifs, et des caractéris-
tiques principales d’un projet (lignes ferrées
à grande vitesse, lignes électriques très haute
tension, autoroutes, installations nucléaires,
etc.) soumis par un maître d’ouvrage et jugé
« important » par la CNDP. À noter que
les saisines ne se cantonnent plus, depuis
peu, aux projets d’aménagement du terri-
toire, mais également à des problématiques
plus globales, comme le débat public sur
les nanotechnologies lancé en 2009 par
exemple. Par le processus débat public,
cette autorité administrative indépendante
permet, pendant la phase d’élaboration du
projet (pendant qu’il est encore possible
de modifier, voire d’abandonner le projet),
l’expression la plus large possible de toutes
les parties concernées : maître d’ouvrage,
riverains, pouvoirs publics, élus, associa-
tions, experts, grand public, etc.
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À deux reprises, Vae Solis Corporate a accompagné la Commission nationale du débat public (CNDP) : en 2006 sur le Projet de ligne à grande vitesse Bordeaux-Espagne et depuis juillet 2009 et jusqu’en avril 2010, pour le Projet d’extension des infrastructures portuaires et de prolongement du grand canal du Havre. L’enjeu est de taille : communiquer afin d’informer le plus grand nombre et susciter la participation et l’expression la plus large des parties prenantes.
moBiliSation deS partieS prenanteS : les débats publics se multiplient… S
avo
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Petit lexique à usage des apprentis de Twitter
• « Tweet » : message diffusé à l’ensemble des utilisateurs de Twitter, obliga-
toirement de moins de 140 caractères.
• Abonnés : personnes qui suivent vos mises à jour. À ce jour, vous avez 368
abonnés.
• Abonnements : personnes dont vous suivez les mises à jour. À ce jour, vous
avez 337 abonnements.
• Messages privés (Direct messages) : messages privés visibles uniquement
par vous ou la personne à qui vous l’envoyez. Un « d » suivi d’un espace et
du nom d’un de vos contacts vous permettra de lui envoyer un message privé
; seul lui pourra le voir.
• Replies : messages à destination d’une personne en particulier, visibles par
tous.
• @pseudo : placer un arobase devant un nom d’utilisateur permet de s’adres-
ser directement à lui.
• #sujet : le dièse placé devant un mot clé s’appelle un hashtag. Il signifie
que votre message concerne ce sujet, ce qui en facilitera la recherche par les
autres utilisateurs. Exemple : «#ff»
• RT: @pseudo : la fonction retweet permet de copier un message et de le
diffuser à vos propres abonnés. C’est le meilleur moyen de rendre une infor-
mation virale.
• Follow Friday : coutume qui veut que l’on mette en avant, le vendredi,
certains de ses abonnés ou followers. Les messages réalisés à l’occasion du
Follow Friday sont généralement suivis des hastags «#ff» ou «#followfriday».
• Bit.ly : Bit.ly est un service de réduction d’adresses (ou url), permettant
d’adapter ces dernières au format twitter, soit moins de 140 caractères. Raphaël Leclerc est également administrateur du site www.delitsdopinion.com, spécialisé dans l’étude de l’opinion publique.
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Déjà près de 20 ans d’existence
Les premières Webradios apparaissent dans
les années 90 aux États-Unis. À l’époque,
programmes de diffusion limités à quelques
plages horaires ou CD audio tournant en
boucle… l’offre est basique, limitée dans son
contenu et dans sa diffusion.
En France, les Webradios se sont multipliées
au cours des années 2000 : le groupe NRJ
compte à lui seul une quinzaine de Webradios
différentes. Par ailleurs, RTL a fait le choix de
lancer en partenariat avec L’Équipe sa version
en ligne consacrée à l’actualité sportive. Et,
dans ce domaine, les exemples sont nombreux
et regorgent d’innovations.
Emmanuel Jayr et Roberto Giurleo, deux
anciens de NRJ, ont quant à eux fait le choix
de l’indépendance face aux grandes radios FM.
Goom Radio, dont ils sont propriétaires, édite
pas moins de 24 stations on-line et revendique
près de 3 millions d’auditeurs.
D’abord logiquement investi par les médias
traditionnels cherchant de nouveaux dévelop-
pements, le Web est aujourd’hui appréhendé
par les entreprises comme un nouvel espace
à fort potentiel médiatique : Webradios et
WebTV d’entreprise se développent…
La Webradio d’entreprise en plein essor…
Également appelée podcast professionnel, la
Webradio d’entreprise est une station de radio
diffusée sur le site internet de l’entreprise ou
sur l’intranet pour une lecture en streaming.
Composée d’heures d’émissions, d’interviews,
de chroniques ou de reportages, la Webradio
est, pour l’entreprise, un nouvel outil original
de diffusion d’informations en interne comme
en externe.
Outil essentiel afin de se différencier dans un
marché toujours plus compétitif et dans lequel
chaque acteur a accès aux mêmes moyens de
communication, la Webradio apparaît comme
une évidence pour les entreprises de toutes
tailles. Certes, les entreprises utilisent de plus
en plus les divers outils de médias sociaux
(Facebook, Twitter, Flux RSS, etc.) mais l’in-
tégration de contenu riche offre une forme de
visibilité incomparable à laquelle les clients et
prospects peuvent se référer.
Pour les grosses entreprises installées sur
de nombreux sites, le besoin d’information
en interne est de plus en plus affirmé, et les
employés sont beaucoup plus réceptifs à une
intervention orale d’un représentant de la
direction qu’à une énième note word placardée
sur les panneaux. Pour les entreprises à taille
plus modeste la Webradio représente un formi-
dable moyen de communication à très faible
coût.
Les avantages de la Webradio d’entreprise sont
nombreux : la variété, la richesse des contenus
possibles, sa réactivité, sa simplicité d’utili-
sation, etc., sans oublier ce qui fait l’essence
même de ce média : permettre de partager un
contenu avec un maximum de personnes sans
que cela n’impacte le coût de diffusion.
Dernier exemple d’envergure en date, la SNCF
qui a inauguré sa Webradio baptisée « SNCF La
Radio ». Disponible sur les sites internet de la
compagnie ferroviaire (SNCF.com et Voyages-
SNCF.com) ainsi que sur les Smartphones (à
travers les applications «http://www.itespresso.
fr/tag/iphone» \o «iphone» \t «_blank» iPhone
comme SNCF Direct) et autres téléphones
mobiles 3G, la SNCF innove donc en proposant
aux voyageurs la première radio d’info trafic
« mobile », accessible partout et tout le
temps.
Jonathan Lacoste
Ce n’est une nouvelle pour personne, mais, ces dernières années, les Webradios se multiplient à une vitesse impressionnante. Le lancement de la radio numérique terrestre patine, mais les radios nationales n’ont pas attendu son déploiement pour lancer leurs versions on-line. Et les entreprises ne sont pas en reste ; le point sur cette extension médiatique.
Communication 2.0, le phénomène weBradio
Certains opposants aux différents projets se
sont interrogés sur la nécessité d’organiser
une telle discussion pensant que le projet
soumis à débat était entériné en amont et
rien ne pouvait y changer. Or, sur la cinquan-
taine de projets ayant donné lieu à un débat
public, plus d’un tiers s’est vu modifié, voire
abandonné, à la suite du bilan rendu par la
CNDP au maître d’ouvrage. Et Patrick Legrand
d’ajouter : « Ce mode de démocratie encore trop
peu connu, ne demande qu’à croître, avec le
concours de tous ».
La communication garante
de l’acceptabilité sociale
« Je veux bien de cela mais pas chez moi »,
telle est une des oppositions constitutives
des débats publics. La langue anglaise a
même donné un nom à cette attitude sous la
forme de l’anagramme « NIMBY » : Not In My
BackYard. C’est à ce type de sentiments d’in-
compréhension, voire de dépossession, que le
débat public doit faire face. Il s’agit donc, par
la mise en œuvre d’une communication acces-
sible et significative pour tous, de favoriser les
conditions de l’acceptabilité sociale du projet.
Seules une évaluation juste du risque et une
acceptation anticipée raisonnée permettront
à la démocratie participative de pouvoir au
mieux s’exercer.
La Commission nationale du débat public
garantit l’impartialité, la transparence, la
concertation, l’argumentation et l’équivalence
de traitement lors des débats. Aussi, chaque
partie prenante au projet doit-elle pouvoir
participer au débat, s’imprégner du projet,
se forger une opinion et avoir la possibi-
lité de l’exprimer, et ce dans les meilleures
conditions.
La communication se porte garante de la
mise en application des principes du débat :
par un double mouvement d’émission et de
réception, elle permet un accès permanent à
l’information la plus exhaustive – et ce dès la
phase amont du débat – et l’enrichit, selon
une posture d’écoute, des échanges et des
contributions des acteurs. Plus qu’un simple
moyen d’expression des principes du débat et
de ses évolutions, la communication apparaît
comme le levier nécessaire aux préalables de
l’acceptabilité sociale d’un projet.
Marie Allamel
• 3 mars Projet de ligne ferroviaire entre Montpellier et Perpignan. • 11 juin Projet ERIDAN - canalisation de transport de gaz naturel. • 4 septembre Projet de centre de valorisation biologique et énergétique des déchets à Ivry-Paris XIII. • 11 septembre Projet d’extension et de développement du port de Calais. • 22 septembre Projet Arc de Dierrey (canalisation de transport de gaz naturel entre Cuvilly et Voisines). • 8 octobre Projet d’extension des infrastructures portuaires - Prolongement du grand canal du Havre.• 12 octobre Projet d’achèvement de l’aménagement de la RN 154 par mise en concession autoroutière. • 15 octobre Débat public sur des options générales en matière de développement et de régulation des
nanotechnologies.• 21 octobre Projet d’accélération de l’aménagement de la RN 126 entre Castres et Toulouse.
Les débats publics de 2009
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Comment analysez-vous « l’explosion »
des Webradios/TV ?
Nous n’en sommes qu’au début ! Le Web 2.0
permet déjà une diffusion numérique de qualité
accessible presque partout mais, demain, avec
le développement de l’internet mobile, il sera
possible d’écouter ces médias sur tous les télé-
phones mobiles et même dans vos voitures.
Ford et Audi vont par exemple sortir dans les
24 prochains mois des véhicules équipés de l’in-
ternet embarqué. Il sera alors possible d’accéder
à une banque de programmes que vous aurez
sélectionnés depuis votre autoradio.
L’offre Webradio prise dans son ensemble,
c’est-à-dire qu’elle soit d’entreprise ou grand
public, permet aujourd’hui de toucher une
cible d’auditeurs n’importe quand et n’importe
où, là où les radios hertziennes ne le permet-
tent pas. Aujourd’hui, vous ne pouvez pas créer
votre radio sur la bande FM. Encore moins
pour une offre entreprise. Hors, la nature
même du Web, qui appartient à tous sans
droit d’entrée, donne à chacun la possibilité de
créer un média de niche, thématique, touchant
une cible d’auditeurs particuliers. Pour une
entreprise, l’avantage est donc évident, la
radio permet de diffuser soit en interne, de
façon vivante et réactive, une information
transversale, des témoignages, des analyses, et
même des modules de formation à différentes
entités, qu’elles soient nationales ou inter-
nationales, ou alors de proposer en externe
un programme traitant de son actualité au
travers d’une thématique beaucoup plus large
tournant autour de son secteur d’activité.
Comme au tout début, la FM avec les radios
libres, nous commençons à avoir un panel de
Webradios très important, mais ne résisteront
que celles qui feront la différence avec un
contenu de qualité.
Comment se structure l’offre : basique,
élaborée ?
La souplesse de production et de diffusion
de ce nouveau média permet de faire du
sur-mesure. L’offre que l’on retrouve le plus
souvent pour une radio d’entreprise, c’est la
diffusion de façon hebdomadaire ou mensuelle
d’un ou plusieurs programmes. Mais on ne
peut pas parler de radio dans ces cas précis.
Notre conception de la radio d’entreprise est
tout autre. C’est au contraire un flux en continu
qui s’inscrit dans un environnement, avec des
programmes : chroniques, interviews, talks,
reportages… Un habillage et une identité
sonore qui permettent de créer un vrai média
interne. Mais ce flux streaming est toujours
accompagné d’une offre de programmes à la
demande pour écouter une émission en parti-
culier. Lorsque vous diffusez une newsletter, ce
n’est jamais un article seul, mais bien toujours
un ensemble d’informations. Eh bien la radio
c’est la même chose !
Lorsque nous proposons une radio à une
entreprise, nous lui proposons de démarrer
avec un nombre de programmes minimum. Le
renouvellement peut se faire ensuite totale-
ment à la carte : avec un programme mensuel
ou hebdomadaire de 5 minutes, qui viendra
s’ajouter au flux déjà existant, ou alors 30
minutes à 1 heure de programmes frais par
exemple. Les chroniques qui ne sont plus d’ac-
tualité sont archivées et l’entreprise en dispose
comme elle veut. Encore une fois, la souplesse
de production et des techniques de diffusion
permettent de « jouer » facilement avec les
grilles de programmes. En cas d’urgence, de
crise ou d’événement, une interview peut être
mise en ligne très rapidement.
Quelles initiatives exemplaires récentes ?
La radio de la SNCF bien sûr. L’entreprise
utilise depuis longtemps l’audio pour commu-
niquer en interne. Mais là, la vraie nouveauté
qui témoigne de l’ouverture de ce marché,
c’est l’aspect mobilité et « grand public ».
Vous écoutez la radio sur votre téléphone,
depuis le site, de chez vous, au bureau, etc.
Une radio pour vous informer quasi en temps
anne deS roSeaux-layer,journaliste associée à La Fabrique de Contenus, agence de production éditoriale.
réel de l’état du trafic et qui vise à améliorer
considérablement la relation client. Une radio
avec une grille de programmes très diversifiés
autour d’une information service !
Maintenant, on peut imaginer des radios grand
public sur d’autres thématiques. La santé ou
la consommation, par exemple, avec un labo-
ratoire pharmaceutique ou un industriel du
secteur agroalimentaire comme prescripteur !
Quelles questions l’entreprise doit-elle
se poser avant de se lancer ?
À qui je veux m’adresser. Comment et
pourquoi. Je crois que c’est évidemment la
première chose. Soit l’entreprise veut créer un
média interne, qui lui permettra de renforcer
la cohésion sociale, de communiquer de façon
très transversale et de manière humaine, et
l’on élabore en concertation avec elle des
programmes qui permettront de parler de l’ac-
tualité de l’entreprise, des hommes qui la font,
soit elle souhaite communiquer sur son savoir-
faire auprès de ses futurs prospects et de ses
parties prenantes et il s’agit alors d’une radio
qui parlera d’elle, de son secteur d’activité, de
ses différents services.
La seconde chose c’est sans doute, qu’est-ce
que je veux générer avec ces programmes ?
Si c’est de l’interne, renforcer la cohésion ? Le
sentiment d’appartenance ? La connaissance
des hommes et des métiers ?, etc. Et, enfin, à
quelle fréquence elle souhaite communiquer
et faire parler d’elle et comment elle fera
savoir cela à ses auditeurs. Mais pour toutes
ces questions, nous les accompagnons et les
aidons à définir la meilleure solution.
Propos recueillis par Corinne Dubos
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Savo
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luS
le point avec…
En 2009, Vae Solis a lancé sa Webradio.
Radio365 est accessible depuis le site internet
du cabinet et propose une série de programmes
autour de ses métiers. De grands témoins et
experts ont été sollicités pour échanger avec les
membres de l’équipe. Au programme, l’Invité, un
entretien exclusif avec Jean-Pierre Raffarin, qui
livre sa vision de la communication publique et
politique ; un Focus consacré à la communication
en temps de crise, avec Brice Tinturier, Christophe
Delay, ou sur le thème de l’Info 2.0, nos consul-
tants s’entretiennent ave Benoit Thieulin de
l’agence internet la Netscouade…
www.vae-solis.com/rad365.php
mique » composé de 33 millions de doses
d’antiviraux, 94 millions de vaccins et des
millions de masques de protection, faisant ainsi
de la France le pays le mieux préparé d’Europe.
Sur le papier nous étions prêts… Pour autant,
la réalité s’est très vite révélée différente des
scénarios prévus. Notamment à cause du
caractère incertain d’une pandémie, redoutée
mais inconnue, dont le développement et
la gravité reposaient sur une incertitude
scientifique.
Or, l’incertitude du risque encouru est consubs-
tantielle à l’usage du principe de précaution.
C’est même ce qui distingue la prévention
de la précaution. La première consistant à se
protéger de dangers connus, bien identifiés ; la
deuxième à s’abriter de menaces potentielles.
Or, dans un pays profondément marqué par
plusieurs crises sanitaires mal gérées, les
pouvoirs publics ont choisi de « pêcher par
excès » plutôt que par défaut de prudence.
Faire face à la défiance des Français
En effet, depuis Tchernobyl, la vache folle,
l’épisode de la canicule de l’été 2003, les
procès du sang contaminé et de l’hormone
de croissance… il existe en France un lourd
contentieux entre l’opinion publique et les
politiques. En matière de gestion de crise
sanitaire, cette succession d’échecs a engendré
une défiance importante de l’opinion qui s’est
installée durablement dans les esprits. Ainsi, en
2008, l’Observatoire des Risques Sanitaires**
notait que seulement 3% des Français faisaient
confiance au gouvernement pour leur dire
la vérité sur une crise dans le domaine de la
santé.
Cette défiance bien installée trouvait un de
ses fondements dans un besoin de transpa-
rence ancré au plus profond des Français et
malheureusement non satisfait. En effet, face
aux risques dans le domaine de la santé, alors
que 86% de nos concitoyens entretenaient le
sentiment qu’« on nous cache quelque chose »,
96%* d’entre eux déclaraient préférer tout
savoir.
Face à cette crise de confiance et aux griefs de
l’opinion publique, l’État et ses services avaient
jusqu’à présent cru bon de revêtir la tenue du
pénitent en s’autofustigeant sur leurs défaillan-
ces et leur incapacité à mobiliser efficacement
dans la gestion des événements sanitaires leurs
relais de pouvoir, en l’occurrence ministère,
agences sanitaires, professionnels de santé.
L’arrivée annoncée d’une pandémie de grippe
allait enfin changer la donne. Ultrapréparé
l’État allait se lancer dans une gestion maîtrisée,
pensait-il, de la crise grippale.
Or, en matière de gestion de crise, l’anticipation
ne suffit pas, il faut savoir également commu-
niquer utilement à son public en faisant preuve
de transparence, pédagogie et mobilisation.
La communication de crise doit respecter
ces trois composantes. Ce respect implique
cependant de trouver l’équilibre entre ces
composantes, car trop ou pas assez d’une
d’entre elle, met en péril l’ensemble, permet
l’immixtion de la rumeur et laisse le champ
libre à l’installation du soupçon.
Face au virus, la bataille
de la communication s’engage
Or, après 10 mois, on peut observer que
progressivement se sont installés, dans une
« guerre de position », deux camps. D’un
côté, les pouvoirs publics qui multiplient les
interventions et les erreurs et, de l’autre côté,
les théoriciens du complot qui s’en donnent à
cœur joie. Coincé entre les deux, le citoyen,
perplexe, a du mal à adhérer aux décisions
prises et, méfiant, joue l’abstention.
Mais que s’est-il passé pour que l’opinion, au
départ favorable aux actions orchestrées par
l’État, remette en cause les choix des gouver-
nants et notamment celui de la double réponse
antivirale et vaccinale qu’on lui tend ?
Au pays de Pasteur, une telle défiance vis-à-vis
de la recherche, des experts, et des labora-
toires pharmaceutiques peut surprendre. Sur
les plateaux de télévision, les ondes radio, les
forums internet, au bureau, à table, la question
suscite des débats d’une violence rare. Plus
rapide que celui de la grippe, le virus du
soupçon déferle sur l’Hexagone.
Les réticences de l’opinion seraient à la mesure
du trop plein d’informations émanant des
pouvoirs publics, engendrant de nombreuses
erreurs de communication. L’erreur originelle
reposant sur le triptyque suivant : inadap-
tation des actions mises en place par les
services de l’état versus la réalité vécue sur le
terrain, défaut de transparence et absence de
cohérence des messages.
Inadaptation des actions gouvernementa-
les : tout d’abord, le volume des commandes
gouvernementales et le montant élevé des
traitements antiviraux et vaccins ont pris les
Français par surprise alors même que la crise
économique était censée avoir asséché les
comptes publics. La surmédiatisation qui a
suivi n’a pas apporté les réponses attendues et
les déclarations contradictoires sur la gravité
du virus ont creusé les incertitudes. À ce
titre, la menace, maintes fois agitée par les
pouvoirs publics, de passer le pays en phase 6
de l’OMS lors de l’automne 2009 – alors que
les premiers retours d’expérience des pays du
Sud confirmaient le taux bas de submortalité
et de risque de complication – a engendré
un sentiment d’incompréhension de l’opinion
publique. Sentiment renforcé par une décon-
nexion entre le vocable et les instructions
gouvernementales de type « crise » face à
la réalité « paisible » du terrain vécue par la
grande majorité des citoyens.
A/H1N1 : le virus du soupçon
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Souvenons-nous… Le 25 avril 2009, Margaret
Chan, directrice générale de l’OMS, déclenchait
une alerte sanitaire mondiale, provoquée par
une flambée épidémique due à un « nouveau »
virus appelé A/H1N1. À partir de cette date,
le monde entier a vécu au rythme de la
pandémie, la première du XXIe siècle. Ce ne
fut pas une surprise. Les experts s’attendaient
depuis cinq ans à ce que le monde connaisse
une telle situation ; la question était de savoir
quand elle se produirait.
Depuis 2004 et la menace de la grippe aviaire –
mortelle dans 50 à 60% des cas – les autorités
nationales et internationales avaient élaboré
des stratégies antipandémie et commandé des
stocks d’antiviraux.
Ainsi, en France, le ministère de la Santé et
le DILGA* ont conçu dès octobre 2004 un
plan gouvernemental de lutte contre la grippe
aviaire, mis à jour régulièrement. Parallèlement,
le gouvernement – au nom du principe de
précaution – constituait un « stock pandé-
En matière de crise (qu’elle soit sanitaire ou non), si l’anticipation et la détection des signaux faibles sont des atouts indéniables pour réussir la gestion de
l’événement, il est également indispensable de bien gérer la communication. Mobiliser, faire preuve de transparence et de pédagogie, démultiplier les relais d’information sur le terrain, telles sont les clés à utiliser si on veut éviter que le soupçon ne vienne s’immiscer et envenimer la situation.
Dans le cadre des crises sanitaires, le principe de précaution – érigé en obligation des politi-ques de santé – a permis à l’État d’intégrer « qu’un principe de précaution bien compris n’est en rien un alibi à l’inaction et au contraire doit être un guide à l’action ». Agir oui ! mais de manière structurée et cohérente sans perdre de vue le bénéficiaire final : le citoyen. Retour et décryptage sur la pandémie de grippe A/H1N1 « nouveau couac » de la communication de crise ?
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11 septembre 2001 : le monde entier a les yeux rivés sur son poste de télévision pour regarder en direct l’événement majeur de ce début de siècle, celui qui influera sur la géopolitique pendant de longues années.
25 juin 2009 : le monde entier tape frénétiquement sur son ordinateur, son iPhone ou son Blackberry pour suivre et commenter l’annonce du décès de la pop star Michael Jackson.
La différence entre ces deux événements – hormis le fait que nous parlons ici de trois mille morts contre un seul décès – est qu’en huit ans, nous avons assisté à un boule-versement de la hiérarchisation des vecteurs d’information.
Une nouvelle hiérarchie de l’information ? Le cas Michael Jackson
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Défaut de transparence : la dissimulation des
contrats de commandes puis leur publication
partielle fin octobre 2009 sous la contrainte du
gendarme public, ont fini de fissurer le contrat
de confiance déjà ébranlé par les derniers
scandales du sang contaminé et du procès de
l’hormone de croissance. Enfin, les liens mis à
jour entre certains experts de la grippe auprès
du gouvernement et l’industrie pharmaceuti-
que ont donné le coup de grâce.
Défaut de cohérence : la réponse médicale
recommandée par le ministère passant d’une
large distribution des antiviraux – fortement
médiatisée pour chaque suspicion de cas
groupés – à une restriction de la prescription
– réservée aux seuls cas graves – et, dans un
troisième temps, à la recommandation d’une
prescription large et distribution gratuite dans
les pharmacies… Tout ceci fait désordre et
le praticien comme le patient en perdent leur
latin ! D’autant plus que, parallèlement, la
campagne de vaccination débutait dans une
ambiance intimidante, avare d’information
pratique et avec un succès peu concluant.
Il n’en fallait pas plus pour déclencher l’hallali
médiatique : « fiasco », « scandale », « faute »,
lit-on un peu partout dans la presse et les
prises de parole de certains politiques. Difficile
de comprendre qu’en ces termes, réservés
d’ordinaire à dénoncer de coupables inactions,
ces voix entendent stigmatiser/discréditer un
excès d’intervention. Sur l’opinion publique, de
tels propos relayés par les médias et internet
laissent des traces profondes et participent a
renforcer la méfiance des Français, jusqu’au
rejet de la réponse vaccinale proposée par le
gouvernement.
Ainsi, selon une enquête publiée par le
magazine Médecin de France (31/12/09), 59%
des Français s’estimaient mal informés par le
gouvernement : « La confusion ambiante des
messages, la méconnaissance et le sentiment
d’être mal informés conduisent à un véritable
paradoxe, puisque les Français ont plus peur du
vaccin que de la grippe A en tant que telle ».
Vers une société de la peur ?
Tout se passe comme si l’opinion publique
désabusée, habitée d’une morbide déception
face à une pandémie somme toute bénigne,
loin des milliers de morts et du dérèglement
sociétal annoncé, avait reporté ses peurs non
plus sur le mal mais sur le remède !
Sur le fond, la morale de la gestion médiatique
de la grippe A/H1N1 est assez cruelle : c’est
celle de l’arroseur arrosé. Mais que n’aurait-on
dit s’il avait été prouvé que l’État avait failli à
sa mission ?
Laurent Porta
ilS ont dit :
« Je pense qu’il a manqué des
instances de débat sur les incerti-
tudes et leurs implications. »
« Le paramètre clé de la gestion
est la confiance. »
William Dab,
ancien Directeur général de la Santé
« C’est parce qu’on risque
beaucoup qu’il faut faire très
attention. C’est parce qu’on est
très attentif que l’on peut prendre
beaucoup de risques. »
Bruno Latour,
philosophe
* DILGA : Délégué Interministériel à la Lutte contre la Grippe Aviaire** Observatoire des Risques Sanitaires : lancé en 2005, par Vae Solis Corporate et réalisé par OpinionWay, l’Observatoire des Risques Sanitaires a pour objectif d’appréhender les évolutions de l’opinion concernant le champ des risques sanitaires auxquels nous sommes confrontés.
Souvenons-nous : en 2001, c’est une journée
entière que nous tous avons passé devant
une chaîne nationale, pour certains devant
une chaîne d’information en continu. Chacun
est, aujourd’hui encore, capable de dire où il
se trouvait au moment où le premier avion a
percuté la tour Nord du World Trade Center.
Et reconnaît s’être précipité devant la première
télévision à sa portée. En 2009, les mêmes se
trouvaient devant leur ordinateur : ce sont les
réseaux sociaux Twitter et Facebook qui ont
donné le pouls de l’émotion mondiale.
Des médias traditionnels dépassés
Un décalage technologique et générationnel ?
Peut-être. Mais surtout l’aveu d’impuissance
des médias dits traditionnels face à la force
d’internet.
L’origine de l’information en atteste, puisque
c’est le site TMZ, plus connu pour le « gossip »
trash, qui a révélé l’information. Et, loin de
mépriser une telle source, les grandes chaînes
d’information s’y sont fiées.
Nous avons déjà oublié que 2009 était l’année
de tous les dangers. Rappelez-vous, la crise
économique la plus violente depuis l’après-
guerre venait d’éclater et chacun était inquiet
sur la durabilité du système financier. Les
Bourses de Paris, New York, Londres ont
plongé au plus bas à la mi-mars. Les consom-
mateurs avaient presque stoppé certains achats
(immobilier, voiture, etc.). Pourtant, la grande
crise n’a pas eu lieu ; la crise financière et
économique a été bien gérée par les banques
centrales, les autorités financières et les États.
Le système s’est maintenu et progressivement
l’activité a repris, même si l’on dit que rien ne
sera plus jamais comme avant !
Mais 2009 a été une bien curieuse année !
Nous aurions pu tous nous féliciter de la
gestion efficace de cette crise et de ses impacts
finalement plutôt bien contenus, mais nous
sommes collectivement entrés en dépression.
Le phénomène touche l’essentiel des opinions
publiques d’Europe continentale, voire des
pays de l’OCDE. Mais, concentrons-nous sur la
France, probablement plus « dépressive » que
ses voisins. Pour l’illustrer, choisissons quelques
exemples pris au hasard de l’actualité, d’im-
portance disparate mais symptomatiques. Ils
soulignent la fin d’une ère ou les signes
tangibles de nouveaux comportements.
Le dommage de l’angoisse ou la victoire
de l’effet « Nocebo »
L’arrêt du 4 février 2009 rendu par la cour
d’appel de Versailles décidant le démontage
d’une antenne relais dans le Rhône marque le
« climax », un cycle entamé dans les années 80.
la justice condamne une entreprise à payer des
dommages et intérêts en raison du « sentiment
d’angoisse ressenti » ; les plaignants sont dans
une « crainte légitime, puisqu’ils ne peuvent se
voir garantir une absence de risque sanitaire » !
« Ils précisent que si la réalisation du risque est
hypothétique, la certitude de son existence, qui
s’apprécie à la lumière de la controverse scienti-
fique, suffit à créer un préjudice moral réparable
chez la victime. » ! Si cette décision n’était
pas absurde et grave, elle serait probable-
ment le gag de l’année. L’irrationnel a pris le
dessus depuis bien longtemps. Les inquiétudes
sont plus fortes que l’espérance d’un avenir
meilleur. Un cycle pervers que les nombreuses
crises des deux dernières décennies ont inten-
sifié : la défiance des autorités, la méfiance à
l’égard des innovations, l’émergence d’acteurs
nouveaux et surlégitimés (les associations),
le développement de la responsabilité sans
faute, l’inquiétude toujours plus grande face à
l’avenir, la prédominance des peurs, la consti-
tutionnalisation du principe de précaution, le
renversement de la charge de la preuve, etc.
En 2009, les militants antiprogrès ont réussi
la prouesse de faire échouer les dernières
réunions du débat public sur les nanotech-
nologies. L’effet « Nocebo » domine et inhibe
notre capacité collective à nous projeter dans
l’avenir.
Espérons que 2009 aura été une apogée dans
les applications les plus suicidaires du principe
de précaution !
Les suicides « en entreprise »
Voilà un sujet qui avait déjà fait couler beaucoup
d’encre avec les suicides « Renault », mais cette
année c’est une crise d’une tout autre ampleur
qui aura touché France Télécom. 26, 32, 35
suicidés ? On ne sait pas très bien sur quel
décompte macabre se fixer. Mais qu’importe !
Cette affaire livre plusieurs enseignements très
significatifs dont 4 nous semblent particulière-
ment intéressants. Le premier enseignement
est que le monde du travail vit un stress de plus
en plus mal vécu, une usure psychologique.
Il ne nous appartient pas ici de juger de la
réalité du stress au travail chez France Télécom
ou même de savoir si c’est plus stressant
aujourd’hui qu’il y a 10, 20 ou 30 ans. C’est le
ressenti qui importe, tant il a des conséquences
dans l’organisation du travail, mais aussi par
les questions qu’il suscite dans la société en
général. Notons au passage que le suicide, qui
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A quand la fin de
l’irrationnel ?
À quand la fin de
l’irrationnel ?
Chacun pourra également, dans quelques
années, raconter cette soirée où il
aura gardé sa télévision allumée (par
habitude), mais aura surtout « twitté »
frénétiquement ou commenté sur Facebook
l’annonce de la mort de celui que les trente-
naires considéraient comme l’emblème de leur
génération.
Cette nouvelle hiérarchisation de l’informa-
tion se retrouve dans la confrontation entre
internautes / blogueurs et journaux en ligne.
Toute la nuit, des milliers de sites et blogs
ont relayé la nouvelle, tandis que les inter-
nautes la commentaient abondamment. Sur
les sites d’information français : rien jusqu’au
lendemain matin. De la même manière, les
médias traditionnels sont aux abonnés absents :
les unes des journaux, le lendemain, ne seront
d’ailleurs pas consacrées à la disparition du
« King of Pop », en raison des horaires de
bouclage.
Ceux qui ne se seront pas trompés sur cette
redistribution des cartes ont été les responsa-
bles et les journalistes de CNN qui ont choisi,
dans un parti pris jamais vu auparavant, de
diviser leur écran en deux : à gauche, leurs
images, à droite, la page Facebook de CNN
avec les commentaires des internautes postés
en temps réel.
Un New Deal médiatique
Le rôle primordial joué par le net et les réseaux
sociaux cette nuit-là est-il le signe d’un boule-
versement durable, ou simplement dû à la
personne de Michael Jackson, pour qui une
certaine génération de fans a ressenti le besoin
de partager, de se raconter, au-delà d’une
simple commémoration ?
Si ce dernier aspect ne doit pas être occulté,
force est de constater que le phénomène auquel
on a assisté ce soir-là a confirmé l’impact de ce
que l’on nomme le User Generated Content : on
n’attend plus que l’information soit délivrée,
chacun la fabrique, la relaie à la mesure de
son ressenti.
Une vraie prise de conscience, les cartes
de l’information sont redistribuées : on ne
s’informe plus de manière verticale, unilatérale
et canalisée. La saturation de Google le soir de
l’événement est le signe de la volonté grandis-
sante du public de s’emparer de l’information,
de la vérifier lui-même (pas toujours par les
canaux les plus sûrs, certes) et de prendre part
au débat public.
Expression, participation, saturation, démul-
tiplication... chacun apporte désormais sa
goutte pour surfer sur la vague médiatique.
La hiérarchie de l’information telle que nous
la connaissions est plus que bousculée... À
nous, organisations, entreprises, décideurs et
conseils d’apprendre à évoluer dans ce nouvel
environnement.
Jérémy Seeman / Sarah Weisz
est toujours un drame, souvent très personnel,
a été systématiquement « attribué », par les
médias et les relais d’opinion, au travail et à
l’entreprise, alors même que la très grande
majorité a commis l’irréparable en dehors de
l’entreprise et sans même la mentionner !
Le deuxième enseignement de cette affaire
montre que France Télécom traversait une
crise sociale sans précédent sans que les
signaux faibles n’aient été détectés en temps
et en heure. Or, aujourd’hui, on ne peut plus
fondre un projet d’entreprise sans instaurer
des mécanismes de dialogue solides (donc
s’appuyer sur des échanges qui fonctionnent
dans les deux sens).
Le troisième enseignement réside dans le rôle
des parties prenantes qui est devenu essentiel.
L’incapacité de certaines organisations à avoir
la moindre empathie pour ce que peuvent
penser et ressentir les parties prenantes est une
véritable hémiplégie. L’indignation des médias,
des relais d’opinion, de l’opinion publique,
fondée ou non, est une vague de fond contre
laquelle aucune rationalité ne peut résister.
Cela n’a rien de nouveau, les sociétés ont
toujours fonctionné comme cela. Lorsque les
pouvoirs ignorent cette indignation, lorsqu’ils
ne savent pas l’anticiper ou jouer avec, alors
ils vacillent ou ils tombent. Les nouvelles tech-
nologies et les médias ne font qu’accélérer des
mécanismes très anciens.
Le quatrième enseignement est que le fait
générateur est paradoxalement moins ce qui
provoque une crise que sa mauvaise gestion
et l’amateurisme. Or, dans le cas de France
Télécom, cette mauvaise gestion de la commu-
nication de crise est d’ores et déjà un cas
d’école. Presque toutes les erreurs possibles
et imaginables auront été faites et auront
non seulement alimenté la polémique, créé la
crise médiatique et engendré la sanction, des
« payeurs » à défaut des « conseilleurs ».
Espérons que le travail sera moins perçu
comme tyrannique à une époque où l’on y
consacre toujours moins de temps !
La polémique sur le salaire des traders
et des patrons
Le responsable de la crise financière aura
été facile à désigner à la vindicte populaire :
l’avidité. Mais comme il faut toujours incarner
un concept, les traders pouvaient jouer ce rôle
aisément. D’où une mobilisation mondiale pour
limiter, contrôler, encadrer, diminuer les bonus
des traders ; étant entendu que tout le monde
sait très bien que l’activité des traders n’est pour
rien dans la crise que nous traversons. Mais, les
vannes de l’opprobre contre les gros revenus
sont ouvertes, et il sera très difficile de les
refermer. Il est vrai que dans un pays qui s’ap-
pauvrit par rapport au reste du monde, gagner
de l’argent devient de plus en plus insupporta-
ble parce que injustifiable. Or, même si certains
comportements sont abusifs et même honteu-
sement cupides, une société qui ne sait plus
faire le travail de justification et de pédagogie
nécessaire de la création de valeur ne s’ouvre
guère de perspectives pour le futur.
Entre un constat désabusé et une incapacité à
faire la pédagogie nécessaire, les élites trouvent
plus facile et commode de s’en prendre à un
chef d’entreprise, un patron, qu’à un saltim-
banque (qu’il soit musicien, animateur télé ou
acteur de série vaseuse) ou à un dieu du stade !
On parle tous les jours de la « folie du poker »,
mais qui s’étonne que de jeunes professionnels
aient des revenus dignes de grands patrons en
jouant à des parties de cartes ! Avons-nous
déjà entendu quelqu’un réclamer au gagnant
du « gros lot » du loto de reverser ses gains à
des associations caritatives sous prétexte qu’il
avait trop de chance. Le procès en illégitimité
de la rémunération a commencé avec les
patrons ; il peut s’étendre aux entrepreneurs
ou encore aux cadres supérieurs dans l’entre-
prise et à d’autres professions.
Espérons une inflexion dans les réflexes pavlo-
viens provoqués par la « richesse » de certains,
ne serait-ce que pour enrayer la paupérisation
de notre pays.
L’échec de Copenhague
Certains se refusent à parler d’échec. Mais
n’est-ce pas un échec d’imaginer que les préoc-
cupations propres à des pays qui ont atteint un
certain niveau de développement économique
étaient inacceptables pour des peuples qui
aspirent au développement ? N’est-ce pas un
échec que d’avoir cru que quelques pays très
développés pouvaient encore dicter leurs lois
et organiser le monde tel qu’ils le veulent ?
Peut-être que Copenhague n’est pas un échec
pour la réduction de CO2, mais il est évident que
c’est un échec, au sens de l’aveuglement, sur le
monde tel qu’il est. Là où certains voudraient une
décroissance, d’autres, par milliards, aspirent à
la croissance et à la richesse. Ils le veulent pour
se nourrir, pour se soigner, pour s’éduquer, pour
accéder à un emploi. Dans la bataille mondiale
de la compétitivité (par les normes, la réglemen-
tation, etc.), les pays développés ont perdu une
manche. Maintenant, nous verrons si le storytel-
ling autour d’enjeux qui ne sont peut-être pas
les bons résistera à cet échec.
Espérons que les impacts environnementaux
liés à l’activité de l’homme seront pris en consi-
dération et réellement traités !
L’année 2009 ne se résume pas à cela, mais ces
quatre événements aux conséquences impor-
tantes : la peur viscérale dans les nouvelles
technologies, l’usure psychologique qui rend le
travail de plus en plus insupportable, la réussite
financière de certains qui n’est plus justifiable,
l’utilité et la légitimité des patrons remises
en cause et la cécité des dirigeants français à
voir que le monde n’est plus aux mains d’un
directoire de quelques nations, sont autant
d’exemples qui soulignent la nécessité absolue
de comprendre le monde qui nous entoure,
de s’interroger sur nos parties prenantes, sur
les évolutions de l’opinion publique et de
faire autant de pédagogie que possible pour
ne pas laisser le monde aller là où nous ne le
voulons pas.
Arnaud Dupui-Castérès
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