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ÉCOLE SUPÉRIEURE DU PROFESSORAT ET DE L’ÉDUCATION DE L'ACADÉMIE DE PARIS Arts et animaux MAXIMILIEN ACCOLAS PROFESSEUR DES ÉCOLES M2 - GROUPE B Mme Christiane HERTH (HDA – Arts visuels) M. Benoit FAUCHER (HDA – Éducation musicale) Année universitaire 2014-2015

Arts et animaux

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ÉCOLE SUPÉRIEURE DU PROFESSORAT ET DE L’ÉDUCATION DE L'ACADÉMIE DE PARIS

Arts et animaux

MAXIMILIEN ACCOLAS

PROFESSEUR DES ÉCOLES M2 - GROUPE B

 

Mme Christiane HERTH (HDA – Arts visuels)

M. Benoit FAUCHER (HDA – Éducation musicale)

Année universitaire 2014-2015

 

 

INTRODUCTION

Âgés en moyenne de neuf ans, les élèves de cycle 3, comme le révèlent un certain nombre d’enquêtes sociologiques sur les pratiques et les loisirs culturels des jeunes, ont des univers culturels caractérisés notamment par une consommation quotidienne massive de télévision1. Ces mêmes enquêtes précisent que les enfants fréquentant l’école primaire s’adonnent à quatre activités principales sur Internet : les jeux, l’écoute de musique, le visionnage de vidéos et des recherches diverses2. Dans son ouvrage Comment parler d’art aux enfants3, l’historienne d’art Françoise Barbe-Gall précise dans ses grandes lignes la nature des contenus consommés par les enfants : « leur univers visuel est peuplé de quantités de personnages de films, de jeux vidéos, de bandes dessinées, la plupart du temps héroïques ou violents (…) [ces figures] illustrent en général les principes du Bien et du Mal ». Prenant appui sur son expérience, Françoise Barbe-Gall dresse également une liste des caractéristiques susceptibles de plaire aux enfants de 8 à 10 ans. Parmi celles-ci, on peut notamment relever « les figures clairement typées : le grand, le méchant, le faible, le maladroit… », « les situations d’affrontement ou de combat dans la mesure où le bon l’emporte sur le méchant, le petit sur le grand… », « les héros » et « les figures étranges ou monstrueuses ». Pour corroborer les propos précédents, il peut être intéressant de se pencher sur le concept d’ « enchantement » puisé dans les travaux de l’anthropologue de la communication Yves Winkin. « Être enchanté », c’est, dit-il, « se sentir léger - physiquement, moralement, socialement. Le monde et ses lourdeurs disparaissent ; on plane, on lévite, on sourit »4. À huit ans, la plupart des enfants commencent à quitter progressivement l’ « âge de l’innocence » pour rejoindre celui de la « lucidité » (les questions autour de l’existence ou non du Père Noël sont les plus révélatrices de cette transition). Ce mouvement de l’innocence vers la lucidité se traduit par la disparition de l’ « enchantement classique » — celui qui permet justement aux enfants de croire, par exemple, en toute sincérité en l’existence du Père Noël – mais cela ne signifie pas pour autant que la capacité à « être enchanté » disparaît définitivement. En effet, « l’enchantement peut ressurgir à tout âge, sous diverses formes5 ». Cet enchantement dit « de deuxième ordre » n’est plus impulsé par un personnage imaginaire, mais par la réalité dans laquelle les enfants se situent hic et nunc combinée à l’atmosphère ambiante à laquelle contribue pour une large part l’enseignant. C’est la raison pour laquelle le choix des œuvres doit être fait en ayant à l’esprit l’ensemble de ces considérations pour, d’une part, se donner la possibilité d’aménager « une rencontre artistique qui suscite l’intérêt des élèves » et pour, d’autre part, créer une situation d’apprentissage la plus optimale possible. La rencontre avec une œuvre d’art devrait viser ce que Samuel Coleridge appelle une « suspension consentie de l’incrédulité6 » (willing suspension of disbelief) et qui fait écho à la notion d’ « enchantement ».

                                                                                                               1  Mercklé, Pierre & Octobre, Sylvie, 2012, « La stratification des pratiques numériques des adolescents », Recherches en Sciences Sociales sur Internet, n°1, p.29.  2  Kredens, Élodie & Fontar, Barbara, 2010, Comprendre le comportement des enfants sur Internet pour les prévenir des dangers, Fondation pour l’Enfance, citées par Mercklé & Octobre, Ibid., p.32.  3  Barbe-Gall, Françoise, 2012, Comment parler d’art aux enfants, Paris : Le Baron perché.  4  Winkin, Yves, 2002, « Propositions pour une théorie de l’enchantement » in Rasse, Paul (dir.), Unité-Diversité. Les identités culturelles dans le jeu de la mondialisation, Paris : L’Harmattan.  5  Barchechath, Magli & Winkin Yves, 2006, Comment l’informatique vient aux enfants ?, Paris : Archives Contemporaines.  6  Coleridge, Samuel Taylor, 1848, Biographia Literaria, New-York : Putnam.  

 

PREMIÈRE PARTIE

ŒUVRES SÉLECTIONNÉES Paolo UCCELLO, Saint-Georges et le dragon.

LE CONTEXTE

La légende de Saint-Georges a inspiré de nombreux peintres parmi lesquels l’Italien Paolo Uccello (1397-1475) qui a réalisé entre 1430 et 1435 une peinture intitulée Saint Georges et le dragon (exposée au musée André Jacquemart) et une deuxième version de cette œuvre vers 1470 (exposée à la National Gallery à Londres).

Paolo Uccello, 1470, Saint-Georges et le dragon, Huile sur toile, 55.6 x 74.2 cm.

Saint-Georges fait partie des héros « pourfendeurs de monstres » — pour reprendre la typologie proposée dans l’ouvrage Héros ! Figures des lettres et des arts7. Son histoire nous est racontée par Jacques de Varazze (1228-1298), plus connu sous le nom de Jacques de Voragine, dans la Légende dorée (Legenda aurea) composée en latin vers 1264 avant d’être traduite par l’abbé Roze et publiée en 1900. Georges de Lydda, chevalier, est célèbre pour avoir sauvé la vie de la fille du roi de Silcha, ville de la province romaine de Libye, condamnée à être dévorée par le dragon qui terrorisait les habitants du royaume et en le tuant après que les habitants du royaume se sont convertis au christianisme.                                                                                                                7  Casalaspro, Nunzio, 2012, Héros ! Figures des lettres et des arts, Paris : Palette… CRDP.  

LA DESCRIPTION Essayons désormais de nous mettre à la place de quelqu’un qui ne dispose pas de ces informations. Dans un premier temps, mettons de côté notre tendance naturelle à vouloir relier les choses à leur signification et décrivons ce que nous voyons en commençant par les formes et les couleurs. On y voit des formes courbes (en rouge ci-dessous) mais aussi plus spécifiquement des cercles (en vert). À l’inverse, on y voit des formes plus pointues, plus irrégulières (en orange).

Oublions un instant les personnages. L’œil peut percevoir trois grandes couleurs : une espèce de marron (en bleu ci-dessous), du vert (en vert) et du bleu (en jaune).

Dans cette phase de description des formes et des couleurs, sont à mentionner le blanc du cheval et le rouge de son harnachement. Le blanc du cheval reste cependant nettement moins lumineux que celui du visage du personnage de gauche. Tout semble avoir été peint avec une grande minutie, de petits mouvements fins et précis et des marques plus estompées à l’arrière-plan. Quittons maintenant le monde des formes et des couleurs pour en venir à la description des éléments de la peinture. Le ciel est bleu et traversé par trois modestes nuages. On aperçoit également un minuscule croissant de lune. Sur le sol composé de pierres espacées de manière irrégulière, l’herbe a poussé par endroits sous forme de plaques carrées et rectangulaires. Sur la gauche, se dresse une masse rocheuse d’une couleur plus ou moins identique à celle du sol. À droite, on devine des arbres : leurs troncs sont à peine visibles, leurs sommets se confondent avec une masse informe de couleur foncée. Entre ces deux éléments, on voit une étendue de verdure derrière laquelle on aperçoit des montagnes. Quatre protagonistes peuvent a priori être identifiés en observant le tableau : une femme, une créature imaginaire, un homme et son cheval.

§ La femme, extrêmement « plate », porte une petite couronne dorée sur la tête : ce peut être une reine ou une princesse. L’extrémité de la traîne de sa robe est hors-champ. Son visage est inexpressif : on ne voit ni peur ni soulagement.

§ L’homme porte une armure qui recouvre l’intégralité de son corps à l’exception du visage et il est armé d’une longue lance. On ne saurait dire si ses yeux sont ouverts ou fermés : il semble presque endormi ! Mais la tenue de la lance et son pied gauche enfoncé dans l’étrier nous obligent à écarter cette hypothèse. La selle rembourrée dans laquelle il est assise ainsi que son armure donne l’impression d’un homme très fin.

§ D’autant plus que le cheval sur lequel il est installé a été représenté sous des formes courbes généreuses. Son encolure, d’autant plus large qu’elle est courbée, est considérable. Les plis de son poitrail sont saillants. Ses naseaux sont dilatés et ses oreilles dressées. La monture est en appui sur ses deux membres postérieurs permettant à ses deux membres antérieurs d’être repliés, en position d’attaque. Le regard noir est orienté droit devant lui. Sa queue ondulée est figée dans une position tonique.

§ Quant à la créature du milieu, elle a la gueule grande ouverte, exhibant quatre grandes incisives acérées et une longue langue effilée. Son seul œil visible qui semble perdu dans le vide est surmonté d’une arcade sourcilière ridée. Ses deux larges oreilles terminées en pointe sont légèrement rabattues sur son visage. Ses deux pattes terminées par une grande griffe pointue et deux plus petites sont asymétriques comme s’il cherchait son équilibre. Sa grande aile droite surmontée de trois cercles bleus au centre et blancs en périphérie est à peine déployée. Son aile gauche, surmontée de cercles bleus au centre et rouges en périphérie, est rétractée et donne l’impression que la créature n’a pas d’arrière-train. L’abdomen laisse apparaître les côtes de la créature et son rachis.

Les relations qu’entretiennent les personnages de l’œuvre entre eux peuvent être inférées grâce aux éléments qui semblent les relier. Entre le chevalier et la créature imaginaire apparaît une lance en bois terminée par un petit crochet arrondi planté dans le nez de l’animal. C’est une chaîne tenue par la reine ou la princesse qui relie celle-ci et la créature imaginaire. La lance et la chaîne constituent deux lignes, une droite et une courbe, qui dirigent le regard vers la gueule de la créature. On voit alors une tâche de sang coulant de la gueule du monstre.

L’INTERPRÉTATION De cette brève description peuvent être dégagés un certain nombre d’éléments qui serviront l’interprétation de l’œuvre. L’observation des formes et des couleurs permet de noter que l’œuvre a été pensée en termes d’oppositions et de contrastes : à gauche, les éléments sont ancrés dans le sol (la grotte est massive, les pattes du dragon sont bien à plat sur le sol) alors qu’à droite les éléments sont plus « aériens » (les nuages, les membres antérieurs du cheval ainsi que sa queue, le sommet des arbres…). Au sol, les plaques de verdure contrastent avec le caractère sec et poussiéreux des pierres. Par ailleurs, les couleurs pâles et ternes de la gauche de l’œuvre tranchent avec les couleurs plus sombres et rassurantes de droite. Il a également été noté que le visage de la princesse était inexpressif et qu’il était difficile de qualifier l’attitude du chevalier. Il est évident que l’objectif de Paolo Uccello n’est pas de peindre une œuvre réaliste. La représentation des sentiments des protagonistes de l’œuvre n’est pas une préoccupation centrale. Chaque personnage n’est qu’un prétexte pour incarner des notions abstraites. Le chevalier représente le Bien et le dragon représente le Mal. La princesse se voit ici libérée du Mal, incarné par le dragon, par un chevalier incarnant le Bien.

Jean-Philippe RAMEAU, Acte IV, scènes 3 et 4 de la tragédie lyrique Dardanus.

LE COMPOSITEUR, LA MUSIQUE BAROQUE Jean-Philippe Rameau (1683-1784) est un organiste, claveciniste, théoricien de la musique et compositeur français. Formé par son père, il est d’abord organiste pendant une grande partie de sa vie. Il compose Hippolyte et Aricie, sa première tragédie lyrique, à l’âge de 50 ans. Il est un représentant de la musique baroque, style musical né en Italie au début du XVIIème siècle et qui s’épanouira jusqu’au milieu du XVIIIème siècle. La musique baroque, de la même manière que dans l’architecture ou l’art, est caractérisée par une volonté d’exaltation des sentiments, une grande expressivité et des effets forts de contraste.

L’ŒUVRE ET L’EXTRAIT Dardanus est une tragédie lyrique en cinq actes composée par Jean-Philippe Rameau en 1739. Iphise est la fille du roi de Phrygie, Teucer. Il la destine au prince Anténor, mais elle est éprise d’amour pour Dardanus, le fils de l’ennemi juré de Teucer, Jupiter. Par l’intermédiaire du magicien Isménor qui lui prêtera son apparence physique, Dardanus parvient à rencontrer Iphise devant laquelle il reprendra sa physionomie initiale pour lui dévoiler son amour qui s’avérera réciproque. Mais Dardanus est mis à l’écart par Teucer pendant la préparation des noces d’Iphise et d’Anténor. Celles-ci doivent être interrompues suite à l’arrivée d’un monstre qu’Anténor tentera d’affronter, en vain. C’est en effet Dardanus, libéré par Vénus, qui tuera le monstre. Cette victoire lui vaut de pouvoir épouser Iphise. La scène 2 de l’acte IV met en scène la libération de Dardanus par Vénus afin qu’il aille combattre le Monstre. La scène 3 décrit l’affrontement entre le Monstre et Anténor et se clôt sur l’échec de ce dernier qui est repoussé dans la coulisse, incapable de faire face à la colère du Monstre. La scène 4 correspond à l’arrivée de Dardanus sur les lieux du combat où il parvient à tuer le Monstre.

ANALYSE DE L’EXTRAIT (CLIQUER POUR ACCÉDER À L’EXTRAIT) Le passage dont il sera question commence à 3 minutes 50 (« Quel bruit ! Quelle tempête horrible ! ») et se termine à 5 minutes 57. Il correspond à des extraits des scènes 3 et 4 de l’acte IV. L’interprétation est assurée par les Musiciens du Louvre dirigés par le chef d’orchestre Marc Minkowski. Le rôle d’Anténor est joué par le baryton-basse Laurent Naouri et le personnage de Dardanus est interprété par le ténor John Mark Ainsley.

De 3 minutes 50 à 5 minutes 13, c’est le personnage Anténor qui s’exprime : « Quel bruit ! Quelle tempête horrible !

Les flots s'élèvent jusqu'aux cieux ; Du tonnerre vengeur j'entends la voix terrible ; La nuit, d'un voile épais, environne ces lieux !

Sortez de vos grottes profondes, Sortez, monstre cruel ; que votre aspect affreux,

Augmente encore l'horreur qui règne sur les ondes. Rien ne peut effrayer un amant malheureux. »

Dans ce passage, le Monstre n’est pas encore sorti de son refuge, mais il est exhorté par Anténor de venir l’affronter. Ce passage crée une situation de tension, d’excitation, de suspens qui laisse imaginer le déchaînement des éléments naturels lié à la progression du Monstre hors de son refuge.

La tempête et le tonnerre évoqués par Anténor se traduisent d’abord par un orchestre puissant : les hautboïstes, les bassonistes, les violonistes et les altistes jouent simultanément une succession de gammes ascendantes sur un mode crescendo. La voix du baryton-basse (Anténor) semble submergée par le jeu de l’orchestre, ce qui traduit sa position d’infériorité face à ce Monstre qui apparaît colossal.

Du début de l’extrait jusqu’à 4 minutes 30, le crescendo de l’orchestre est incessant et le son est intense. Le nombre d’instruments mobilisés diminue à partir de 4 minutes 30, la voix d’Anténor reprend légèrement le dessus, le rythme reste rapide.

À 5 minutes 14, le Monstre quitte son refuge sous-marin :

« Je vois ce monstre formidable. Allons... Mais je succombe, et sa rage m’accable. »

L’arrivée du Monstre est matérialisée par des roulements de timbales (à 5

minutes 14). Le timbalier sollicite les plus grandes timbales qu’il percute près du centre par des baguettes dures qui produisent un son agressif et sombre.

À 5 minutes 26, Dardanus arrive sur scène :

« Mon rival va périr ; volons à son secours. Est-il de plus noble vengeance ? »

Les roulements de timbale se poursuivent jusqu’à 5 minutes 48. Le timbalier exploite toute une gamme de sonorités en variant les endroits de frappe (du centre au bord) et l’intensité des percussions, ce qui produit un véritable effet de grondement.

Enfin, à 5 minutes 48, le Monstre est tué par Dardanus :

«Le Monstre est abattu ; reprenons l'espérance. » La mort du Monstre provoquée par Dardanus a lieu à 5 minutes 48. C’est un son grave et sombre émis par le timbalier qui matérialise cet événement. L’extrait se termine à 5 minutes 57. Le retour au calme est assuré par les instruments de la famille des cordes sur un tempo de plus en plus modéré.

 

Jean DE LA FONTAINE, « La Cigale et la Fourmi », « Le Corbeau et le Renard ».

LE POÈTE Jean de La Fontaine (1621-1695) débute sa carrière sous la protection de Fouquet, le surintendant des finances de l’État de Louis XIV. Lorsque ce dernier est emprisonné par le roi qui considère que sa fortune lui fait de l’ombre, La Fontaine trouve refuge auprès de la Duchesse d’Orléans.

LE CLASSICISME La période de Louis XIV est caractérisée par un mouvement littéraire : le classicisme. Il se caractérise principalement par une imitation des Anciens (les auteurs de l’Antiquité), une recherche esthétique de l’équilibre et de la mesure et une volonté moralisatrice.

L’ŒUVRE La Cigale et la Fourmi et Le Corbeau et le Renard appartiennent au premier livre des Fables publiées entre 1668 et 1693. Les sujets de l’écrivain sont notamment empruntés à Ésope et à Phèdre. La Fontaine dépeint les hommes de sa société en utilisant des animaux pour lesquels il choisit un trait de caractère afin qu’ils deviennent le symbole d’une qualité ou d’un défaut. La nature, et plus spécifiquement le monde animal, sont mis en scène dans des situations combinant dialogues et narration.

Les moralités qui concluent les fables sont tantôt implicites, tantôt explicites et participent de la vision critique des travers des contemporains de Jean de La Fontaine.

La postérité des Fables de La Fontaine est considérable puisqu’elles sont sans cesse l’objet de réécriture, de pastiches, d’adaptations en bandes dessinées, au théâtre…

Le Corbeau et le Renard et La Cigale et la Fourmi ont pour premier point commun leur titre : un groupe nominal coordonné composé de deux noms d’animaux de la campagne. Les animaux s’opposent par leur caractère : la Cigale est insouciante alors que la Fourmi est avare ; le Renard est rusé alors que le Corbeau est naïf. Dans les deux cas, les animaux s’expriment à la manière des hommes.

 

Que ce soit en peinture, en musique ou en littérature, et quelle que soit l’époque, les animaux, familiers ou merveilleux, occupent une place prépondérante dans les arts. La légende de Saint Georges racontée par Jacques de Voragine met en scène un dragon, incarnation du Mal, à une époque où la conversion des laïcs à la religion chrétienne est un enjeu fondamental pour l’Église. Les recherches de Jacques Le Goff ont pourtant montré que dans un premier temps La Légende dorée a été réceptionnée avec méfiance et que ce n’est qu’au XIXème siècle que ce recueil a véritablement été utilisé par l’Église comme un « instrument de reconquête catholique ». Au Moyen Âge, les textes de La Légende dorée servaient d’outils aux prédicateurs en leur offrant des histoires à transmettre oralement pour conquérir de nouveaux fidèles. La présence d’un dragon dans la légende de Saint Georges n’est pas un hasard : c’est un animal que l’on retrouve fréquemment dans les bestiaires médiévaux. Il est considéré comme l’ennemi de l’animal qui incarne le Bien, à savoir l’éléphant. On le décrit comme un animal vivant aux marges de la civilisation, dans les forêts ou dans les eaux, dans un monde où l’homme ne peut intervenir. À ce titre, combattre un dragon c’est repousser le monde sauvage, le monde indiscipliné. Ce motif de Saint Georges terrassant le dragon a gagné l’imaginaire des artistes. La peinture de Paolo Uccello donne une existence visuelle à ce dragon. La présence d’un dragon qui combine un ensemble de caractéristiques toutes aussi effrayantes les unes que les autres est une condition sine qua non pour que l’adversaire soit perçu comme un véritable héros. Déjà dans l’Antiquité, le Mal prend cette apparence effrayante. Le même mécanisme est à l’œuvre dans la tragédie lyrique de Jean-Philippe Rameau : Dardanus apparaît comme un héros parce qu’il parvient à combattre un monstre. Et l’on voit, comment un compositeur, réussit à donner corps à ce monstre : les roulements de timbales et les sons graves et sombres qu’ils produisent. L’animal merveilleux est un faire-valoir pour l’homme. Mais avec les Fables de la Fontaine, et avant lui avec Ésope ou encore le clerc Nivard, une autre utilisation du monde animal se dessine : ce ne sont plus des faire-valoir, mais de véritables miroirs des qualités et des défauts des individus. Ils sont utilisés pour dépeindre le fonctionnement d’une société, la complexité des relations humaines.

 

DEUXIÈME PARTIE RÉFLEXIONS SUR L’ENSEIGNEMENT

  Compte-tenu des œuvres sélectionnées, la thématique des animaux dans l’art pourrait être envisagée comme l’occasion d’aborder trois thématiques :

§ Un peinture de la Renaissance, § Une tragédie lyrique et § Le genre littéraire de la fable.

Dans le domaine des arts visuels, l’enseignant projette une reproduction de l’œuvre Saint Georges et le dragon et demande aux élèves de décrire ce qu’ils voient (dénotation). Il note les mots-clés au tableau. L’enseignant distribue à chaque élève une reproduction de l’œuvre. Par groupes, il leur demande de se concentrer sur les formes et les couleurs. Le travail de chaque groupe est présenté aux autres élèves à partir de la reproduction projetée au tableau. L’enseignant invite les élèves à accompagner leurs explications de références explicites à la reproduction projetée (en montrant du doigt, en entourant, etc.). L’enseignant distribue aux élèves une grille d’analyse à compléter organisée en trois sections (références de l’œuvre : artiste, titre, année de création, matière, dimensions, lieu d’exposition ; contexte : historique, géographique, genre pictural ; un tableau de trois colonnes : éléments constitutifs, description/dénotation et interprétation/connotation et deux lignes : éléments plastiques et éléments figuratifs). Elle est complétée en groupe-classe.

Dans le domaine des arts du son, la découverte de l’extrait de Dardanus se fera dans l’idéal dans une salle dédiée à l’écoute (salle de musique de l’école) afin d’optimiser la qualité d’écoute et la concentration des élèves. La première étape sera de décrire de manière objective l’extrait musical en ayant recours le plus possible à la terminologie étudiée en classe. Le passage sera réécouté plusieurs fois afin de pouvoir vérifier les propositions des uns et des autres.

Progressivement, l’attention se portera sur la structure de l’extrait et la caractérisation des timbres et du tempo. À l’issue de cette phase, les instruments seront caractérisés, nommés et identifiés.

Le compositeur sera placé sur la frise chronologique d’histoire des arts et les élèves renseigneront leur cahier d’histoire des arts (titre de l’œuvre ; compositeur, époque ; interprète(s), les instruments utilisés, le style…).     Dans le domaine des arts du langage, l’enseignant pourra dans un premier temps faire lire les titres des deux fables aux élèves afin qu’ils identifient des points

communs. Les élèves pourront ensuite être répartis en deux groupes : l’un sera chargé de la lecture de La Cigale et la Fourmi tandis que l’autre sera chargé de la lecture du Corbeau et du Renard. À l’issue de la lecture, l’élève sélectionnera dans une liste de résumés celui qui lui semble le plus fidèle au texte. Les élèves de chaque groupe confronteront leur point de vue. Le même travail sera mené en inversant les groupes. La mise en commun conduira à valider les résumés les plus pertinents de chaque fable. Enfin, les élèves auront à associer à chacun des animaux les qualités ou les défauts qui lui sont associés. La correction collective de cet exercice nous conduira à aborder la richesse des figures de style faisant appel à des noms d’animaux (« têtu comme une mûle », etc.).   Une fois l’ensemble des œuvres sélectionnées étudiées de manière isolée, l’enseignant proposera une séance bilan au cours de laquelle le point commun entre celles-ci sera mis en évidence par les élèves. Cette séance sera l’occasion de compiler des œuvres déjà connues des élèves et s’inscrivant dans cette thématique, mais également une ouverture sur d’autres domaines disciplinaires telles que les sciences avec, par exemple, la classification des animaux.