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La violence : la connaître pour la combattre
Sommaire
Clarifier les concepts : conflit, combativité, lutte, force, violence
Définition de la violence. Les violences plutôt que la violence. Un dérèglement
du conflit. Quand sait-on qu’il y a violence ? Les réactions possibles face
à la violence
La violence, un phénomène humain
Classification des violences : 1 -par les moyens utilisés, 2 - par les circons-
tances, 3 - par le nombre d’acteurs en cause, 4 - violences politiques,
5 - violences non-intentionnelles)
Les acteurs dans la relation de violence (auteur, victime, tiers / loi). La parole
pour faire baisser la violence
Les causes de la violence : 1- Le dévoiement de la combativité de l’homme.
2 - La peur. 3 - Le mimétisme. 4 - La soumission à l’autorité. 5 - Les
idéologies antidémocratiques. 6 - Les contextes de violence. 7 -L’alcool
et la drogue. 8 - La culture de violence ../..
La violence : la connaître pour la combattre
Sommaire (suite)
Les représentations de la violence : La violence vue 1 - comme
naturelle, 2 - comme affirmation du sujet, 3 - comme système
de domination, 4 - comme acte de transgression, 5 - comme
langage
La violence comme moyen d’action. 1 – la violence comme moyen
de lutte contre l’injustice. 2 – La violence comme moyen de
lutte contre la violence dans les démocraties.
Les destructions humaines de masse
Les racines psychosociologiques de la barbarie
Les médias et la violence
Délégitimer la violence. Mettre en œuvre des alternatives à la
violence. Pour une culture de non-violence
La violence : la connaître pour la combattre
Sources
- Jean-Marie Muller, Dictionnaire de la non-violence,
Le Relié, 2005
- Jacques Sémelin, intervention sur la violence à
l’IFMAN, fév. 2001
- Alexandre Adler, Les racines psychologiques de la
barbarie, revue Psychologies, mai 1999
- IFMAN (La violence, Les acteurs dans la relation de
violence, Quand sait-on qu’il y a violence, etc.)
- Revue Sciences humaines, n° 89, déc. 1998
Clarifier quelques concepts *
1- Le conflit
Le conflit, larvé ou ouvert, provient d’une tension, d’un
désaccord, d’une différence. Entrer en conflit, c’est s’affirmer
devant l’autre, oser dire "non", faire reconnaître ses droits.
C’est sortir de l’impuissance, de la plainte, de la soumission.
C’est éviter les non-dits qui créent de la frustration et du mal-
être.
C’est permettre de s’exprimer aux besoins, aux aspirations, aux
intérêts, aux valeurs et aux points de vue de chacun, aux
tensions dans le groupe.
C’est permettre aux souffrances de s’extérioriser plutôt que de
s’enkyster, générant alors des rancoeurs, de la haine et de la
violence.
* Cette première partie sur les concepts est la reprise de l’introduction
du diaporama "Qu’est ce que la non-violence ?" sur www.irnc.org
Clarifier quelques concepts
Le conflit
Accepter le conflit, c’est accepter de changer, d’inventer et de
créer grâce à l’autre qui est différent de moi, mais qui peut
avoir les mêmes désirs que moi.
Le conflit est le signe de la vie, de l’échange, de la
confrontation, de la démocratie. Pour combattre la violence, il
faut réhabiliter le conflit, mais il faut résoudre les conflits dans
le respect de l’autre.
Le conflit n’est pas nécessairement destructeur : il peut être
source de progrès, d’une meilleure relation interpersonnelle,
d’une meilleure organisation collective. Il construit la vie
lorsque la dialogue, la négociation, l’imagination en font un
ressort dynamique de la vie commune.
Clarifier quelques concepts
Le conflit
C’est en apprenant à gérer au quotidien les petits conflits
qu’on évite ou qu’on apprend à gérer les gros conflits :
- En gérant les petits conflits dans le couple, les conjoints
évitent le divorce.
- En gérant régulièrement les conflits dans la classe, la
maison de jeunes ou les clubs de sport, on évite l’incivilité
à l’école ou l’explosion du quartier.
- En prenant en compte les besoins d’identité, de
reconnaissance, de ressources naturelles ou de territoire
d’un peuple, on évite les guerres.
Clarifier quelques concepts
Le conflit
Le conflit est souvent inévitable, parfois nécessaire, souvent
utile, mais il est toujours inconfortable, fatigant, pénible,
souvent douloureux.
Même s’il est nécessaire, le conflit n’est pas un mode normal
de relations entre les personnes et les groupes. Il doit rester
temporaire. On peut s’inquiéter d’un couple qui n’a jamais de
conflit, mais aussi d’un couple qui est toujours en conflit…
Le conflit détruit la vie s’il reste un affrontement de forces.
Il peut dégénérer en violence si le respect de l’autre n’est
plus de règle, si la combativité n’est pas maîtrisée, si la
colère n’est pas contrôlée, si les protagonistes se font
piéger par l’escalade mimétique des mots et des gestes.
Clarifier quelques concepts
2 - La combativité
La combativité est nécessaire pour assumer les conflits. La combativité est une force de vie et d’affirmation de soi nécessaire pour exister devant l’autre, pour l’affronter sans se dérober, pour surmonter sa peur d’agir.
C’est l’aspect positif de l’agressivité (étymologique-ment, ad-gradi : marcher vers), mais celle-ci peut aussi s’exprimer dans sa forme perverse et pathologique, la destructivité, le plus souvent provoquée par des blessures du passé.
La première tâche d’une action non-violente est de réveiller la combativité de ceux qui subissent l’injustice.
Photo : Martin Luther King appelant au combat contre la ségrégation raciale
Clarifier quelques concepts
3 - La lutte
La lutte est un affrontement, un combat pour faire respecter un droit, faire aboutir une revendication, faire évoluer une loi.
La lutte n’est pas nécessairement violente.
La lutte pour la justice exige des moyens justes et ajustés, c’est-à-dire non-violents.
"Vouloir la victoire et ne pas avoir envie de se battre, je dis que c'est mal élevé"
Charles Péguy (1873-1914)
Clarifier quelques concepts
La force
La force est une cause provoquant un effet ou un mouvement
(la force d’une traction, d’un acide, etc.)
La force qui oblige l’adversaire à négocier et/ou à céder n’est
pas la violence qui le meurtrit ou le détruit.
Le rapport de force crée les conditions d’un dialogue
permettant de négocier une solution juste au conflit.
Il peut être
- une simple évaluation par un acteur de la force d’action d’un
vis-à-vis, qui est en elle-même un facteur de dialogue et de
négociation
- ou un affrontement, une relation où s’exercent des forces
(manifestation, grève, boycott, désobéissance civile, etc.)
Photos: - La force d’un camion
- La force d’un sit-in (mouvement Ekta Parishad en Inde)
Clarifier quelques concepts
La force
La force est une cause provoquant un effet ou un mouvement
(la force d’une traction, d’un acide, etc.)
La force qui oblige l’adversaire à négocier et/ou à céder n’est
pas la violence qui le meurtrit ou le détruit.
Le rapport de force crée les conditions d’un dialogue
permettant de négocier une solution juste au conflit.
Il peut résulter
- soit d’une simple évaluation par un acteur de la capacité de
mobilisation et d’action d’un vis-à-vis, qui est en elle-même un
facteur de dialogue et de négociation
- soit d’un affrontement, une relation où s’exercent des forces
(manifestation, grève, boycott, désobéissance civile, etc.)
Photos: - La force d’un camion
- La force d’un sit-in (mouvement Ekta Parishad en Inde)
Clarifier quelques concepts
5 - La violence
La violence est toute parole, action ou omission de
l’homme qui viole la personne de l’autre, ses droits, son
identité, tout ce qui détruit ou meurtrit l’autre,
physiquement ou psychologiquement.
C’est un acte, une abstention ou une situation causés par
une personne ou un groupe, qui provoque la souffrance, le
mal, le malheur chez une autre personne ou un groupe.
C’est l’échec et la perversion du conflit.
Photos : - Racket à l’école
- La violence "ordinaire" : on estime à 10 % la proportion
des femmes battues par leur conjoint
- La violence extrême : la Shoah
La violence
Les violences, plutôt que la violence
Avant de devenir criminels, les actes de violence qui blessent les
hommes et les femmes dans leur vie quotidienne prennent le plus
souvent la forme
- d’irrespect, d’incivilités,
- mais aussi de petits délits sur les biens ou de dégradations à
répétition,
- parfois d’actes de violences sur les personnes.
Pour les combattre efficacement, il convient de distinguer les
diverses formes de violence : violence familiale (machisme, etc.),
violence économique (rémunérations faramineuses, paradis
fiscaux, accaparement des ressources), violence sociale
(chômage, exclusion, etc.), violence politique (dénigrement de
l’adversaire, corruption, dictatures, etc.), violence écologique
(pollution, destruction des écosystèmes, etc. ), violence culturelle
(obsession du paraître, etc.)
La violence
La violence, un dérèglement du conflit
La communication, et à défaut la combativité et la force qui
s’exercent dans la lutte, permettent la règlement non-violent
d’un conflit.
Au contraire, la violence est un dérèglement du conflit : elle
enraye son fonctionnement et ne lui permet plus de remplir
sa fonction qui est d’établir l’entente et/ou la justice entre les
adversaires. Par un dysfonctionnement du conflit, un des
(ou les 2) protagonistes met(tent) en œuvre des moyens qui
font peser sur l’autre une menace sur son intégrité ou sur sa
vie.
Le conflit risque alors de ne plus être le moyen de
rechercher une solution juste, mais d’éliminer l’adversaire.
Pour déraciner la violence, il faut réhabiliter le conflit et
apprendre à gérer intelligemment les conflits.
La violence
Quand sait-on qu’il y a violence ?
• Quand on la constate : pleurs, lettres de menace, hématomes,
blessures, champs de bataille, charniers, etc.
• Quand l’auteur le dit à la victime ("Sale métèque" !, "J’aurai ta
peau" !, etc.)
• Quand la victime le dit à des tiers ("J’ai été insultée !", "Il m’a
frappé !", etc.) Celui ou celle qui a mal du fait d’un autre sait
qu’il y a violence, même si les autres ne la savent pas, ne s’en
doutent pas
• Quand un tiers le dit (signalement à la Justice, témoignage)
• Quand la loi le dit, et cela même si la victime, l’auteur et la
famille n’en ont pas conscience (inceste, violences conjugales,
violences à enfant, excision, etc.)
La violence
Les réactions possibles face à la violence
• La peur et le sentiment d’impuissance qui
engendrent la soumission (mais qui peuvent
engendrer aussi la vigilance, la fuite, ou le
recours à des renforts),
• Le sentiment de culpabilité qui peut entraîner
l’autodestruction active (mépris de soi, alcool,
stupéfiants, etc.), mais aussi la demande de
pardon,
• Le sentiment de non-reconnaissance par
l’autre et la tristesse qui introduisent le
fatalisme et la passivité,
• Le sentiment de subir une injustice et la colère
qui réveillent la combativité, et peuvent rendre
violent si celle-ci n’est pas canalisée ni
maîtrisée.
La violence
La violence, un phénomène humain
La violence, qu’elle soit intentionnelle ou non, est un
phénomène humain. La nature détruit et tue, mais elle ne le sait pas.
Il ne nous semble pas juste de parler de violence au sujet des ravages ou dégâts causés
- par la Terre (tremblements de terre, volcans, etc.),
- par les éléments climatiques (sécheresse, inondations, cyclones, raz de marée, etc.),
- par les animaux (prédateurs, ou non prédateurs qui se défendent),
- par les plantes (baies, champignons mortels, etc.),
- par les maladies (virus, anomalies génétiques, etc.),
- par la mort naturelle (fin de vie ou suite à une maladie).
Ces dégâts sont mortels, ils ne sont pas meurtriers.
La violence
La violence, un phénomène humain
Seul l’homme est un "animal" meurtrier, car lui seul est doté
de raison. Lui seul tue ou blesse son semblable en
connaissance de cause *.
Les hommes constituent la seule espèce animale dont les
membres se tuent les uns les autres sans retenue dans des
massacres collectifs.
Face à la violence, l’homme conscient éprouve, à la
réflexion, le sentiment de l’injustifiable. L’homme lucide
affirme que la violence ne devrait pas être avant même de
savoir ce qui devrait ou pourrait être. La violence atteste un
divorce entre les exigences spirituelles de l’homme et la
déchéance du monde.
Ce non de la raison, de la conscience et du cœur que
l’homme oppose à la violence fonde l’option décidée pour la
non-violence. * sauf dans le cas des violences non-intentionnelles
La violence
Classification des violences
1) par les moyens utilisés
- violences physiques : coups et blessures, excision, viol,
meurtre, etc.
- violences matérielles : vol, dégradations, cambriolage,
incendie volontaire, etc.
- violences verbales ou écrites : insultes, injures,
diffamation, etc.
- violences psychologiques : persécutions verbales ou
écrites, moqueries, ricanements, harcèlement moral, sexuel,
etc.
Classification des violences
2) par les circonstances
- Violences réactionnelles ou impulsives : gifle sous l’effet
de la colère, coup sous l’effet de la peur, "légitime défense",
etc.
- Violences rationnelles ou instrumentales, calculées,
programmées : assassinats, bombardements, attentats,
génocide, etc.
Photo du bas : Pendaison de Noirs par le Ku Klux Klan
Classification des violences
3) par le nombre d’acteurs en cause
- individuelles, contre soi : sadomasochisme,
automutilation, suicide, etc.
- interpersonnelles : meurtre, bagarre, viol, etc.
- collectives : émeutes, soulèvements, saccages,
ratonnades, etc.
Classification des violences
4) Violences politiques et infra-politiques
- violences infra-politiques : actes terroristes, attentats, etc.
- guerres civiles : guerres de religion, guerres contre des
groupes dissidents, massacres interethniques, etc.
- violences et guerres interétatiques : échanges de missiles,
guerres locales, mondiales, etc.
- persécutions contre des minorités, des boucs émissaires
des "hérétiques" ou des groupes "différents" : Inquisition,
liquidation des Templiers, Shoah, ségrégation raciale,
ratonnades contre les Maghrébins, etc.
Classification des violences
5) Violences non-intentionnelles
Elles sont la plupart de temps évitables par la prudence, le
souci de soi et des autres, la prévention, la formation, la
vision du long terme et du bien commun :
- accidents domestiques (incendies, électrocution,
empoisonnements, etc.)
- accidents de la route
- accidents du travail
- accidents de sports (ski, courses automobiles, chasse,
etc.)
- accidents provoqués par la méconnaissance de la nature
(noyades, accidents de montagne, incendies de forêts,
accidents provoqués par les plantes ou les animaux, etc.)
- catastrophes écologiques (chimiques, pétrolières,
nucléaires, etc.)
Les acteurs dans la relation de violence
AuteurDomination, fermeture, refus de
constater les situations d'injustice
et les conséquences
de ses comportements ;
VictimeEnfermement dans la plainte,
soumission, incapacité à parler
à l'auteur ou aux tiers,
résignation ou haine ;
TiersOmission de dire ce qu'il a vu
(signalement), refus d'intervenir,
non assistance
à personne en danger ;
Loiinjuste ou inadaptée
Les acteurs dans la relation de violence
La parole pour faire baisser la violence
La violence se manifeste à travers un acte accompli par un
individu ou un groupe, mais aussi à travers une situation
établie dans laquelle un individu ou un groupe est soumis à
l’oppression d’un autre, ou ne peut satisfaire ses besoins
fondamentaux.
Attitudes individuelles et fonctionnements collectifs ont
tendance à se renforcer mutuellement. Cette violence
structurelle peut donc s’installer de façon durable et
occulte.
Pour établir le degré de violence d’un acte, il y a lieu de
confronter les points de vue de l’auteur et du destinataire
de l’acte, et le point de vue de la loi qui fait tiers.
La circulation de la parole - et les actes posés qui mettent
les acteurs en communication - font baisser le degré de
violence.
Les causes de la violence
1 – Le dévoiement de la combativité de l’homme
L’homme est un être instinctuel et pulsionnel. La
combativité (ou agressivité non dévoyée), comme la
sexualité, est une énergie positive.
Mais, comme l’eau et le feu, ces énergies deviennent
nuisibles quand le faisceau des pulsions se dénoue, se
déstructure.
L’homme devient violent s’il ne maîtrise pas ses
pulsions, s’il se laisse emporter par elles, s’il ne
canalise pas sa combativité saine et naturelle dans des
formes pacifiques d’action, et en cas de conflit, dans
des formes non-violentes de résistance et de lutte.
Les causes de la violence
2 – La peur
Au plus profond de lui-même, l’être humain connaît la peur :
peur de manquer, de se tromper, peur de l’autre, peur de
l’avenir, peur de l’inconnu, peur de Dieu, etc. Le premier
ennemi de l’homme, c’est la peur.
Cette peur s’enracine le plus souvent dans la peur de
mourir. Le pari de celui qui décide d’employer la violence
est de tuer avant d’être tué, de blesser pour ne pas être
blessé.
L’homme tue pour échapper à l’angoisse de la mort, mais
en tuant, il se trouve face à l’angoisse du meurtre : il a
besoin de justifier son meurtre pour nier le sentiment de
culpabilité qui s’empare de lui.
Les causes de la violence
La peur
Regarder la mort en face
L’angoisse de la souffrance et de la mort est
probablement une des causes majeures de la facilité
avec laquelle l’homme succombe à la tentation de la
violence.
Plus que tout, la perspective de la mort engage la
quête de sens. Chacun, face à ces sujets, est appelé à
une réflexion personnelle et à la définition d’une
attitude propre. Cette réflexion et cette attitude
orientent son existence.
Les causes de la violence
3 – Le mimétisme
Parce que nos désirs sont par nature instables, flottants et
incertains, nous avons besoin d’un tiers pour désirer : un
médiateur, une personne qui va éclairer et désigner l’objet
de notre désir. Nous voulons alors l’imiter.
Mais quand deux personnes désirent le même objet, il y a
conflit, rivalité mimétique, crise mimétique. Ce processus
d’opposition, de rivalité et de conflit est source de
querelles de voisinage, de bureau, aussi bien que de
guerres sanglantes.
Nous avons besoin de "boucs émissaires", victimes que
l’on charge de tous les maux du monde pour résoudre la
crise mimétique universelle.
Les causes de la violence
Le mimétisme
Il existe dans l’être humain une propension à reproduire
les violences qu’il a lui-même subies.
Les parents qui frappent leurs enfants ont été eux-mêmes,
le plus souvent, des enfants battus.
Les pires dictateurs (Hitler, Staline, Ceaucescu) ont été
victimes de violences physiques et psychologiques
répétées durant leur enfance.
Cette propension n’est pas une fatalité : la résilience est la
capacité non seulement à surmonter et dépasser les
épreuves du passé, mais à faire de cette force de vie un
levier pour aider les autres.
Les causes de la violence
4 - La soumission à l’autorité
L’obéissance quasi-inconditionnelle à l’autorité, jusqu’à
faire souffrir sciemment des innocents, est un phénomène
que l’on constate dans tous les pays et dans tous les
milieux sociaux, et qui tient à des acquis culturels.
L’histoire - et les expérience de Stanley Milgram - ont
montré que des gens ordinaires, dépourvus de toute
hostilité, peuvent devenir, en exécutant simplement les
tâches qu’on leur fait faire, les agents d’abominables
processus de destruction.
Ces processus d’appuient
- sur un modèle autoritaire, voire sur un conditionnement,
- sur la dévaluation de l’image des victimes,
- et sur l’accoutumance à la violence.
Les causes de la violence
5 – Les idéologies anti-démocratiques
Parmi les causes de la violence, il faut citer les idéologies
antidémocratiques fondées sur l’exclusion, la discrimination, la
peur de l’autre :
- nationalisme,
- racisme,
- xénophobie (antisémitisme, islamophobie, etc.)
- sexisme, machisme,
- intégrismes religieux,
- libéralisme économique fondé uniquement sur la recherche
du profit immédiat.
Photos : - La condamnation injuste de Alfred Dreyfus (nationalisme + antisémitisme)
- La flagellation publique dans les régimes appliquant la charia musulmane
Les causes de la violence
6 - Les contextes de violence
Les contextes de violence favorisent la commission de
nouvelles violences.
Par exemple
1) En cas de manifestations violentes, des nouvelles
violences sont souvent commises par des éléments
incontrôlés : pillage de magasins, incendies de voitures,
etc.
2) En cas de guerre, des violences peuvent être commises,
qui seraient plus difficiles ou impossibles en temps de paix
: exécutions de résistants, de "traitres", pillage de maisons,
massacres, viols, génocides (génocide arménien pendant
la guerre de 1914-18, Shoah pendant la guerre de 1939-
45), etc.
Photo du bas : le massacre d’Oradour-sur-Glane par la division SS Das
Reich le 10 juin 1944
Les causes de la violence
7 - L’alcool et la drogue
L’alcool et la drogue, en altérant les capacités cognitives et
sensorielles de la personne, constituent un facteur de risque
important dans le domaine des violences, sans en être une
cause nécessaire ni suffisante.
- L’alcoolisme et la toxicomanie sont présent dans plus de
90 % des violences domestiques envers les femmes.
- L’alcool est à l’origine d’une grande partie des accidents de la
route, des accidents du travail, des accidents domestiques.
- Il augmente la gravité de certains délits, notamment les
agressions physiques et sexuelles, et le risque d’incivilités,
d’agressions et de bagarres à la sortie des bars.
- 40 % des suicides sont favorisés par l’alcool au moment du
geste.
Les causes de la violence
8 - La culture de violence
Les violences structurelles (économiques, sociales,
politiques, écologiques, culturelles), qu’elles soient
passés ou actuelles, sont plus ou moins admises par la
majorité de la population comme fatales, insurmontables,
inscrites dans "la nature", dans "le destin" de l’homme :
l’injustice, l’oppression, la faim, la guerre, le chômage, la
misère, l’exclusion, etc.
Les idéologies et les comportements collectifs
entretiennent ce sentiment de fatalité :
- idéologies fondées sur la recherche exclusive du bien-
être matériel et de la consommation,
- culte de la compétition permanente et exacerbée dans
tous les domaines de la vie (éducation, sport, économie),
../..
Photos : - La publicité sexiste
- La compétition à outrance
Les causes de la violence
La culture de violence
- valorisation de la violence par l’éducation (jouets
guerriers), par les rites collectifs (paroles de La
Marseillaise), par les médias (jeux vidéos).
La culture de la violence est tout ce qui, dans une société
- institutions, coutumes,
- préjugés, manières d’apprécier et de sentir,
représentations collectives, etc.
tend à favoriser chez le citoyen et de la part de
l’autorité publique le recours facile et spontané aux
diverses formes de violence pour résoudre les conflits
que génère nécessairement la vie sociale.
Photos : - Jeux vidéos à base de violence
- La violence de l’élevage industriel
Les représentations de la violence
1 - La violence vue comme naturelle
La conception de la violence comme inscrite dans l’homme
est classique en philosophie et en science politiques (Thomas
Hobbes, Friedrich Nietzsche).
On généralise en parlant à tort de la violence d’un effort, de la
violence des animaux ou de la violence du vent.
Pour certains, vivre implique inconsciemment le désir de tuer
l’autre.
D’autres ont voulu donner un socle génétique à la violence,
mais le "chromosome du crime" s’est révélé exister aussi chez
les joueurs de basket-ball…
Pour certains anthropologues, la violence serait apparue avec
l’agriculture ou à l’âge du bronze.
Photos : - Thomas Hobbes, philosophe anglais (1588-1679)
- Jean Bergeret, psychanalyste, auteur de La violence fondamentale
Les représentations de la violence
La violence vue comme naturelle
Pour le Pfr Pierre Karli, la violence est d’origine culturelle, elle
est liée aux conditionnement sociologiques, aux passions, à
l’imaginaire, à la peur.
Il y a une distribution culturelle des rôles : la violence des
garçons s’exprime davantage par les coups et blessures, celle
des filles par les mots blessants et le regard.
Mais les expériences de Stanley Milgram ont montré que,
statistiquement, la propension à la violence envers un
innocent par soumission à l’autorité est la même chez les
deux sexes.
Le profil du tueur de masse est celui d’un homme jeune et
célibataire, mais dans les camps de concentration allemands,
soviétiques ou chinois, les femmes ont exécuté leurs tâches
de bourreaux de la même façon que les hommes.
Photos : Pierre Karli et l’un de ses ouvrages
Les représentations de la violence
2 - La violence comme affirmation du sujet
La violence est un langage, une manière de s’affirmer, tant
pour les individus que pour les groupes.
La violence sert à la construction du groupe (rites initiatiques,
caïds). "L’État fait la guerre, mais la guerre fait l’État".
D’autres (Michel Wieworka) affirment au contraire que
l’affirmation de soi se fait par la parole, la relation symbolique,
et non par la violence.
La violence est un mode de représentation de soi (parades,
défilés, uniformes).
La violence est aussi un mode de don de soi au service d’une
cause supérieure (les sacrifices, les héros).
Le suicide, violence contre soi-même interdite par les Églises,
est aussi un acte de liberté interdit dans les camps de
concentration de l’Allemagne nazie.
Les représentations de la violence
3 - La violence comme système de domination
La violence est aussi un moyen de peser sur l’action de
l’autre, d’imposer sa volonté à l’autre.
La violence est dans le rapport à l’autre, quel que soit le
moyen utilisé : tout peut être violent : non seulement les
coups et blessures et le meurtre, mais aussi la parole, les
écrits, le sourire, le silence.
Photos : L’esclavage
Les guerres de Louis XIV
Le massacre de Sharpeville (21 mars 1960) pendant l’apartheid en
Afrique du Sud
Les représentations de la violence
La violence comme système de domination :
la violence structurelle
La violence structurelle * est un système, une organisation
de la société qui pèse sur la volonté, les désirs, les
aspirations, les projets de l’autre.
C’est la violence provoquée par les systèmes et les
idéologies de domination, de discrimination et d’injustice.
Exemples : esclavage, colonialisme, machisme, paradis
fiscaux, accaparement des ressources, corruption, etc.
C’est la violence-mère de toutes les autres, car elle
suscite de la part des opprimés la violence de résistance,
elle-même écrasée par la violence de répression
* L’expression est de Johan Galtung. Helder Camara parlait de la violence
du "désordre établi".
Photos : Colonialisme / Machisme, domination masculine / Secret bancaire,
socle de la fraude fiscale
Les représentations de la violence
4 – La violence comme acte de transgression
Toute transgression n’est pas violence (ex. : la désobéissance
civile), mais toute violence est un acte de transgression.
Dès 1215 (Magna Carta, charte des libertés en Angleterre), la
violence est définie comme l’abus de la force, de l’énergie. Cela
laisse entendre qu’il y a une force non-violente qui n’est pas un
abus.
La transgression peut être l’effraction du corps (viol, meurtre),
l’invasion du domicile ou du territoire, la transgression des lois
anthropologiques (interdit de l’inceste), ou des lois de l’État.
Le problème est que les normes varient beaucoup dans le
temps et dans l’espace (ex. : la peine de mort, pratiquée
pendant des siècles, a été abolie en France en 1981; l’excision,
autorisée dans certains pays africains, est considéré comme un
crime dans d’autre pays africains et en France, etc.)
Les représentations de la violence
5 – La violence comme langage
La violence est parfois un langage, un mode de
communication des individus avec la société lorsqu’ils ne
sont pas reconnus et qu’ils n’ont pas la possibilité de
prendre la parole. Elle est alors un cri de désespérance de
ceux qui ne sont pas entendus.
La violence des exclus, par exemple celle des jeunes des
"banlieues sensibles", est souvent une provocation, c’est-
à-dire un appel.
Cet appel est d’ailleurs aussi inefficace
qu’inacceptable, car il focalise l’attention sur les
violences commises et non pas sur l’exclusion qui
est en la cause profonde.
La violence comme moyen d’action
1 - La violence comme moyen d’action
contre l’oppression et l’injustice
La violence est souvent un moyen de résistance à l’oppression
et à l’injustice. Elle a été présentée longtemps comme le seul
moyen de renverser les puissants.
La non-violence a ainsi été discréditée sous prétexte qu’en
refusant de résister au mal, elle désarmerait les bons et ferait le
jeu des méchants.
En réalité, refuser de répondre à la violence par la violence, c’est
refuser de se soumettre à la logique de la violence que
l’agresseur ou l’oppresseur veut nous imposer, et lui offrir la plus
forte résistance possible.
- Spartacus, esclave et gladiateur qui par sa révolte contre l’esclavage a fait trembler
l’empire romain ente -73 et -71
- Lénine (1870-1924), théoricien de la violence révolutionnaire contre le capitalisme
- Ernesto Guevara, dit le Che, révolutionnaire cubain (1928-1967)
- Black Panther Party, mouvement révolutionnaire afro-américain des années 1970
La violence comme moyen d’action
2 - La violence comme moyen d’action contre la violence
dans les démocraties
La violence, dans un régime démocratique, peut être
aussi est un moyen de se défendre, d’empêcher l’autre
de nuire, de protéger le groupe ou la société.
Pour Max Weber, Philippe Braud, etc., l’État a le
monopole de la violence légitime (police et armée)
On utilise l’euphémisme de "force" pour parler de l’action
de l’État quand utilise la violence (pour neutraliser des
criminels, combattre le terrorisme, s’opposer à une
agression militaire), alors qu’il faudrait parler plus
justement de contre-violence.
Photos : - Le GIGN (Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale)
- La défense nationale
La violence comme moyen d’action
La contre-violence
Face à la violence, la contrainte non-violente apparaît
parfois impossible ou trop lente pour faire cesser des
situations insupportables.
La contre-violence, ou action violente pour mettre
l'agresseur hors d'état de nuire, y compris en le tuant,
a été utilisée massivement dans l'histoire.
Elle est légitimée, la plupart du temps avec beaucoup
d’abus, dans les théories de la légitime défense ou de
la guerre juste,
mais elle est parfois nécessaire (pour mettre hors
d’état de nuire un forcené qui tire sur les passants, les
snippers qui tirent à vue sur les habitants de Sarajevo,
les chars de Kadhafi qui menacent d’écraser
Benghazi, etc.)
La violence comme moyen d’action
La contre-violence
Dans l'hypothèse où l'usage de la contre-violence par
l’État a entraîné une ou des morts d'hommes, il faut
affirmer que l'exercice de la violence meurtrière par
l’autorité publique est toujours un drame et un échec.
Afin de lutter contre la culture de violence, les
conséquences de la contre-violence doivent être vécues
dans le deuil, alors même qu'on a cru devoir
exceptionnellement l’utiliser.
Il serait opportun d'instituer un rite public au cours duquel,
chaque fois que la violence exercée par l'État aurait causé
la mort d'un homme, un représentant de l'État (le Préfet
par exemple) rappellerait cette règle.
Photo du haut : l’exécution du criminel Jacques Mesrine en nov. 1979 par la
Brigade de Recherche et d’Intervention
La destruction humaine de masse
• Ethnocide : destruction délibérée d’une civilisation et d’une
culture en vue d’exploiter économiquement ou de dominer
politiquement une population, ou comme conséquence de
cette politique
Ex. : Conquista en Amérique Latine, exploitation de Noirs
africains pendant l’esclavage et le colonialisme, élimination
des Peaux-Rouges aux États-Unis, des Aborigènes en
Australie, des indigènes en Amazonie, etc.)
• Massacre : destruction limitée d’un groupe de victimes en vue
de créer un effet de terreur destiné à faciliter la soumission
d’une population plus large ou de l’inciter à fuir le territoire.
Ex. : massacre de la St Barthélémy, Commune de Paris,
bombardements de villes (Coventry, Dresden, Nagasaki),
répression en Tchétchénie, etc.) ../..
Photo du milieu : massacre des Indiens par les Anglais à Amritsar(13 avril 1919)
La destruction humaine de masse
• Épuration de masse : Élimination de personnes par
milliers destinée à terroriser une population pour qu’elle se
soumette. Elle vise des groupes politiques, des classes
sociales, ou des ethnies.
Ex. : stalinisme en URSS, répression en Chine et au Tibet,
régime des Khmers rouges au Cambodge, "purification
ethnique" en ex-Yougoslavie, etc.
• Génocide : Anéantissement total d’une communauté
humaine en tant que telle pour des raisons idéologiques.
Ex.: Génocide des Arméniens par le pouvoir turc (1915-
1917), holocauste perpétré par le régime nazi (1941-1945),
génocide perpétré par les Hutus au Rwanda (1994).
Les racines psychosociologiques
de la barbarie *
1) Sentiment, justifié ou non, de menace interne qui pèse sur
l’existence du groupe et sa capacité à se projeter dans l’avenir.
Défaites militaires de l’empire ottoman en 1914
Défaite allemande en 1941 en URSS, isolement croissant du régime
Projet vietnamien de grande Indochine menaçant le Cambodge
Présence des Kosovars albanophones dans le Kosovo serbe
2) Rupture dans le système traditionnel de croyances sous l’impact
d’une modernisation hâtive et incomplète, et nouvelles croyances
de substitution.
JeunesTurcs doutant de la valeur d’un islam ottoman
Crise des religions catholique et protestante, darwinisme social des Nazis
Effondrement de l’unité du mouvement communiste en Asie du Sud-Est
Serbes déçus par le marxisme autogestionnaire de Tito
* d’après Alexandre Adler, historien et journaliste, in Les racines psychologiques de
la barbarie, revue Psychologies, mai 1999
Les racines psychosociologiques de la barbarie
• Montée au pouvoir d’un groupe qui doute de sa légitimité et
l’asseoit sur une violence tournée vers le dehors : les
bourreaux
Groupe des Jeunes Turcs né de la décomposition de l’armée
SS en Allemagne, Oustachis en Croatie, Milice en Ukraine, France, etc.
Jeunes traumatisés qui ont participé aux assassinats de la Révolution
Culturelle chinoise
Nationalistes serbes de Krajina et du Kosovo
• Volonté d’un noyau criminel de diffuser le plus largement
possible sa propre culpabilité, sous la conduite d’un leader
charismatique
Enver Pacha
Adolf Hitler
Pol Pot
Slobodan Milosevic
Les médias et la violence
• Théorie de l’imitation : télévision et jeux vidéos encouragent
les tendances agressives chez les spectateurs et les joueurs.
• Théorie de l’habitude : le téléspectateur s’accoutume aux
scènes de violence au point de devenir indifférent à la
violence dans la vie réelle.
• Théorie de l’inhibition : la représentation de la violence, en
provoquant la peur, empêche le passage à l’acte.
• Théorie de la catharsis : les scènes de violence offrent
un exutoire qui réduit les tensions, et donc l’agressivité.
Aucune de ces théories ne prétend faire des médias
le principal responsable de la violence, mais un des
facteurs explicatifs possibles du comportement agressif.
Délégitimer la violence
Pour briser le ressort de la violence, présentée comme
nécessaire, légitime et honorable, il faut d'abord prendre
en compte toute la réalité de la violence qui pervertit
notre relation à l'autre.
Il faut ensuite rompre avec les processus de justification
et de légitimation de la violence, et montrer que la
violence n'est pas une fatalité.
Photo du haut : Expériences menées par Stanley Milgram pour
montrer la soumission à l’autorité
Mettre en œuvre des alternatives à la violence
La violence est une méthode d’action qui est ou qui paraît parfois nécessaire,
- soit pour combattre de désordre établi lorsqu’il maintient l’oppression,
- soit pour défendre l’ordre établi quand il garantit la liberté.
Il est donc vain de condamner la violence purement et simplement.
Il est nécessaire et plus utile d’inventer et de mettre en œuvre des alternatives à la violence.
Mettre en œuvre des alternatives à la violence
C’est pourquoi les partisans de non-violence proposent des alternatives à la violence, efficaces dans la vie sociale et dans l’action politique :
- Communication non-violente et médiation dans les rapports interpersonnels et collectifs,
- Stratégie non-violente de lutte contre l’oppression et l’injustice,
- Défense civile non-violente contre les agressions extérieures,
- Intervention civile de paix entre des belligérants dans les conflits régionaux (interreligieux, interethniques, etc.) *
Photo du bas : Brigades de Paix Internationales, forces d’intervention civile pour protéger des personnes menacées, observer les violations des droits de l’homme, séparer des belligérants
Sur ces 4 thèmes, voir les diaporamas spécifiques sur www.irnc.org
Pour une culture de non-violence
Une culture de la non-violence est le développement
des savoirs, des mœurs, des manières de vivre, des
institutions sociales, des échelles conscientes et
inconscientes de valeurs, bref de l’éthique collective
toute entière dans sa profondeur,
en vue de favoriser le recul de la violence individuelle et
sociale
et d’inscrire dans les pratiques vécues d’un peuple les
pratiques non-violentes des conflits.
Photos : - Moines de Tibhirine
- Rencontre d’Imams et rabbins pour la paix à
l’initiative de l’association Hommes de Parole ■