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Les défis associés au travail des organisations de la société civile (ONG, OSC, AC…) et de l’intervention des entreprises dans le domaine social (RSE): le cas du Mexique Nicolas Foucras PhD Université TEC de Monterrey [email protected]

Les défis associés au travail des organisations de la société civile (ONG, OSC, AC…) et de l’intervention des entreprises dans le domaine social (RSE): le cas du Mexique

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Les défis associés au travail des organisations de la société civile (ONG, OSC, AC…) et de

l’intervention des entreprises dans le domaine social (RSE): le cas du Mexique

Nicolas Foucras PhD

Université TEC de Monterrey

[email protected]

Lexique

• ONG = Organisation non-gouvernementale

• OSC = Organisation de la société civile

• AC = Association civile

• RSE = Responsabilité sociale entrepreneuriale

• Présentation réalisée sur la base de mes expériences de collaboration avec:– Vía Educación A.C.– Iniciativa Ciudadana para la Promoción de la Cultura del

Diálogo A.C.– Gobierno de Nuevo Leon (Consejo de Desarrollo Estratégico;

sub-comité de Développement social)– Ministère des affaires étrangères (Département en charge de

la relation avec la société civile)– Distrito TEC (projet universitaire de récupération de zones

marginalisées autour du pôle universitaire)– Formateur d’étudiants devant réaliser des heures de service

social citoyen dans des communautés-secteurs vulnérables– Red-SUMARSE (RSE de grandes entreprises de Monterrey)– Processus de Paix (Colombie)– Membre du centre de recherche “développement de

communautés durables” (CEMEX-TEC)

JustificationL’intervention non gouvernementale est nécessaire

pour la gestion des problèmes

• Intervention est nécessaire compte tenu du retrait de l’Etat de nombreux secteurs depuis la fin du régime corporatiste et de l’ouverture du MexiqueLe pays étant jugé sur ses résultats macroéconomiques par les acteurs financiers Etat investi là où il existe une rentabilité politique et

économico-financière et pouvoir d’achat Politique publique concentrée géographiquement et

socialement

• D’autre part il existe un énorme problème sur le plan des prélèvements fiscaux (évasion fiscale, IED qui ne contribue pas, absence de citoyenneté fiscale, économie informelle, municipalités ne prélèvent pas pour des questions de couts politiques, réforme en cours de PEMEX…)

Les difficultés rencontrées par les organisations

1. Beaucoup d’acteurs travaillent sur les questions de développement communautaire/sectoriel et il existe

peu de coordination entre eux

• Gouvernement en place (les trois niveaux de gouvernement) et les différentes agences; souvent usage politique de la question sociale

– ONG et associations citoyennes (nationales y transnationales)• Secteur privé (RSE)– Organisations internationales (Banque mondiale) et Banque de

développement régional– Eglises (nationales y transnationales); présence d’églises qui

divisent les communautés – USAid (dispose d’une batterie d’indicateurs propres) – Migrants et remesas (au traves des clubs ou à titre individuel)– Cartels (criminalité)– Syndicats des USA (pour défendre les emplois aux USA ils ont

intérêt à appuyer un développement de la législation du travail au Mexique afin d’éviter les délocalisations)…

Difficile de construire une stratégie intégrale

Il n’existe pas de de plateforme de convergence qui permettrait la coordination des travaux vers un modèle de long terme (Ojeda 2011)

Conséquences: Affecte l’efficacité des programmes, les intérêts sont parfois divergents et les projets peuvent se neutraliser

2. L’intervention provoque des changements dans les équilibres locaux (pollution du paradigme global)

Exemples:

• Toilettes communautaires dans les communauté indigènes considérés comme étant non hygiéniques par les ingénieurs alors qu’ils sont

• Distrito TEC: valorise la zone universitaire => se greffent aux projets des intérêts du secteur immobilier => devient excluant

• Service social: étudiants sont souvent porte drapeaux de référents globaux (alimentaires, vestimentaires, idée de la vie…)

• Programmes de nutrition basés sur des référents globaux (ej.: « cruzada contra el hambre »)

• Programmes de logement basés également sur des référents globaux (ej.: “piso firme”)

3. les programmes se construisent très souvent de manière verticale (rend difficile leur implantation

réelle dans les communautés):

• Par une élite citadine • Sur la base de prémisses (vérités) externes à la

communauté (bien souvent globales)il n’existe pas d’accouplement entre le projet et la

communauté; peu d’appropriationmaintient la communauté dans une relation de

dépendance sans qu’elle puisse réellement récupérer le contrôle sur son destin et se prendre en charge

• Cas du service sociale citoyen des jeunes universitaires mexicains (communauté est au service de l’étudiant pour qu’il puisse réaliser ses heures de service obligatoire)

4. Les concepts d’analyse et d’intervention sont globaux et non locaux• Bien souvent l’analyse des problèmes, et donc les solutions

proposées et indicateurs d’évaluation, se base sur un paradigme global ie occidental– Pauvreté– Hygiène– santé– Alimentation– Habitat– Bienêtre…Fausse l’analyse Les solutions/indicateurs sont peu efficaces malgré d’importantes

ressources engagées et une bonne approche technique

• Le danger est de semer des problèmes qui auparavant n’étaient pas considérés comme tel

• Augmente la perception de pauvreté et perte de dignité

5. Les projets/solutions proposés reposent sur une technologie, des connaissances, des acteurs qui ne

sont pas de la communauté

• Accroit la dépendance de la communauté par rapport à des acteurs et facteurs externes/exogènes

• Absence de valorisation d’acteurs et de facteurs internes/endogènes

• Forte probabilité que la communauté tombe dans un schéma d’assistanat

=> Affecte la dignité, estime de soi, gouvernance locale, durabilité des solutions….

Peu de projets se basent sur les prémisses propres aux communautés:

• Manque de capacité pour tropicaliser les programmes

• Peu d’appropriation de la part des bénéficiaires

• Les projets dépendent entièrement de l’organisme qui les met en œuvre (bien souvent une fois parti, le projet disparait et le problème reste)

Le travail en communauté marginalisée est difficile pour les raisons suivantes (obstacles):

• Beaucoup de communautés n’ont pas de (ou alors perdu) dignité et estime propre, elles sont dans l’attente de solutions provenant de l’extérieur (« qu’allez vous m’apporter? ») Beaucoup de secteurs ont vécu sous une tutelle gouvernementale prolongée (a servi d’outil politique)=> rend difficile la coparticipation/coresponsabilité

• Les communautés n’ont pas confiance en elles => elles tombent facilement dans l’assistanat

• 70% des latino-américains ne disent pas ce qu’ils pensent (latinobarometro 2014) => rend difficile la collecte de l’information et donc la conceptualisation des problèmes

• Communautés sont généralement divisées/fragmentées surtout en milieu urbain (absence d’identité territoriale, pas de sentiment d’appartenance, pas de confiance; peu de capital social) rend difficile le travail en commun avec les AC et la

circulation de l’information (tout le monde n’identifie pas le projet et l’association qui y travaille)

Note: dans le contexte urbain les individus sont rarement originaires du lieu ou ils résident => ils ne s’identifient pas au lieu

• Les attentes sont énormes lorsqu’intervient un acteur externe et les problèmes perçus énormes (surtout en milieu urbain)=> oblige bien souvent a des mettre en œuvre des programmes qui résolvent les problèmes de manière conjoncturelle et non structurelle (ils ne s’attaquent pas vraiment aux véritables sources du problème)

• Le contexte de violence limite l’intervention (les zones les plus marginalisées sont souvent sans intervention sociétale)

• Infrastructure défaillante au sein des communautés n’aide pas à la formation de capital social

• Remesas reçus alimente la culture de l’assistanat (surtout en milieu rural et indigène): « pourquoi travailler/collaborer? » (Voir Programme 3X1)

• La communication avec les communautés indigènes (ils sont nombreux à ne pas parler l’espagnol)

Centre de recherche sur le développement durable (Centro CEMEX-TEC) travaille sur l’élaboration de projets en étroite

collaboration avec les communautés (ici communauté indigène de l’Etat de Oaxaca, Mexique)

Rôle de la RSE

• Rôle clé des réseaux d’entrepreneurs sur les questions sociales

• Ce qui motive l’intervention:• Reproduction de la force de travail

• Paix sociale (employés ne sont pas les clients mais sont indispensables pour le bon fonctionnement de la production)

• Intervention dans la période 2010-2012 pour faire face à la violence : programmes pour rétablir la paix en absence de gouvernement

• Vision minimaliste, d’assistanat et paternaliste

• Les communautés sélectionnées pour la mise en œuvre de projets sont surtout celles où sont établies les fabriques

• RSE s’est surtout développée du fait d’une évaluation externe au Mexique plutôt que nationale

• Les personnes en charge sont engagées mais disposent de peu de visibilité au sein des autres département de l’entreprise (pas pris au sérieux en dehors de l’aspect marketing)

• Collaborent avec les AC pour la construction et mise en œuvre des programmes

• Cas de Monterrey: Red SUMARSE– http://www.sumarse.org.mx/– 25 entreprises– Collaboration avec:

• Municipalités et Gouvernement de l’Etat• Associations civiles pour la mise en œuvre des projets

Le travail des Associations civiles (AC)

• Le travail des AC se fait beaucoup avec les enfants ou femmes:– Plus de disponibilité et d’engagement que les hommes

– La femme est au centre du tissu social dans les PVD et elle génère un effet multiplicateur et distributif au sein du tissu social (Yunus)

• Les AC travaillent et consolident les organisations de base dans les communautés pour:– Assurer le succès de la mise en œuvre de leurs

programmes

– L’apropiation de ces programmes

• Les programmes sont surtout accès sur: la récupération d’espaces publiques, l’éducation, le développement de la capacité entrepreneuriale, éducation financière, développement du sport….

• Rapprochement avec le secteur académique (surtout pour l’évaluation)

• Il existe des plateforme de coordinations qui se consolident afin d’avoir un plus grand impact (Ej.: Cumbre ciudadana; voir diapositive suivant pour axes du travail)

• Problème des fonds (proviennent des entreprises, autorités publiques, fonds internationaux…) => frustrations pour ne pas pouvoir agir en accord avec leurs convictions forgées au travers de leurs expériences avec les communautés

• Violence est un limitant important de l’intervention

Alliance dans le domaine alimentaire:

Alliance contre la violence:

Exemple de Capellanía (Nuevo Leon): alliance entre différentes associations civiles pour travailler le thème de l’empowerment commaunautaire (Red counitaria)

Vue de Capellanía

Local de la Red comunitaria:

Grande implication des enfants

Projet de parc élaboré par les enfants

Récupération de pneus pour aménager un parc

AC qui a financé un atelier dans la communauté indigène mixteca de Magdalena Peñasco pour la

fabrication de chapeaux

Les chapeaux sont vendus au premier intermédiaire 3 pesos (20 centimes)

Les ONG étrangères• Aident à la structuration de la société civile sur des

bases thématiques (elles disposent de ressources et know how)

• Donne une visibilité internationale (et donc nationale) aux problèmes (DDHH, environnement, travail, genre, alimentation…)

• Font prendre conscience à la société de problèmes considérés auparavant comme « normaux »

créatrices de perception de problèmes construits souvent sur la base de prémisses occidentales-européennes

problème étique

• Rompent les paradigmes locaux/nationaux

• Ont un impact sur les politiques publiques => sont un contrepoids aux intérêts des acteurs du marche global qui tendent à occulter les problèmes

Passivité de la société civile organisée

• Theorie de la modernisation n’a pas véritablement fonctionné au Mexique : l’ouverture n’as pas consolidé la démocratisation et n’a pas favorisé l’ouverture des policynetworks qui aurait pu justifier la structuration sociale (Cameron y Wise).

Au contraire, on constate un renforcement de l’autoritarisme et une diabolisation par l’Etat des contrepoids sociaux qui peuvent surgir (« ils affectent le chemin ver les progrès »; « ils affectent la croissance et la création d’emplois »…) => pas propice aux modèles alternatifs

• ALENA a affecté le capital social (individualisme, identité locale s’évanouit, établissement d’un schéma de lutte de tous contre tous…), accroit la vulnérabilité, migration, freine l’éducation, etc. (Nuñez 2007)

La société est précaire; conséquences:– Société civile est plus réceptrice de programmes que

participative

– L’individu a d’autres problèmes que de participer

– Affecte la capacité d’organisation

– La peur et l’incertitude dominent

– Freine la mobilité sociale et géographique

– Sentiment d’impuissance

– Vision de court terme

– Facilement manipulable

– Perception que la solution est en dehors de la relation avec l’Etat (l’individu ne peut attendre; il n’a pas confiance)

– Perte de dignité et d’estime propre

Autorité publique n’est pas intéressée par l’empowerment: perte de la base clientéliste (les plus pauvres) => cout politique (Villafuerte 2010)

Manque de credibilité/legitimité des institutions (Villoria 2006; Villafuerte 2010) + Perception que l’Etat n’apporte pas de solution (deconexión Gouvernement-Société civile)

Se sont développées de nombreuses soupapes d’évacuation qui freinent la participation: économie informelle, migration, narcotrafic, Églises évangéliques…

Beaucoup d’individus vivent dans une relation d’extériorité par rapport à l’Etat (Villalobos 2010; Olvera 2007) (scenario neomedieval; gouvernance informelle) (Benitez 2009; Mesa Peinado 2010)

• Absence de classe moyenne; raisons:

– Manque de mobilité sociale

– Absence de méritocratie

– La structure économique n’est pas favorable

– Salaire minimum très bas

– Absence de politiques publiques reditributives …

• Culture de la résignation/pragmatisme; histoire est perçue comme une loi incontrôlable de la Nature (Perez 2006)

=> Culture de la non participation

• De nombreux secteurs: – N’ont pas la volonté de participer => auto-exclusion (Ortiz Mena;

Foucras)

– Ne peuvent pas s’organiser démocratiquement (Tutelle prolongé a affecté la capacité organisationnelle dans des structures horizontales et durables; tradition de gouvernement central, autoritaire, hiérarchique et organisateur; Cornejo 2005 y Villafuerte 2010; on peut également considérer le facteur de la distance géographique entre les individus comme par exemple les petits paysans)=> Manque de culture d’organisation => action collective difficile (Tirado

2006; Natal y Gonzalez)

– Ne disposent pas de l’information pertinente

– N’ont pas de poids économiques

– Se basent sur un paradigme totalement opposé à celui des policy networks: leur participation signifierait donc un cout d’opportunité bien trop important pour le Gouvernement (Villafuerte 2010)

• Traditionnellement lescanaux de participation sont limités et pas très formalisés (Giacamen y Faúndez 2003) :

– Sujets à la volonté des autorités et agents bureaucratiques

– L’autorité invite seulement quelques secteurs stratégiques

– Les organisations ont besoin d’importantes ressources pour accéder aux lieux de décisions

– Le gouvernement n’a pas confiance dans la société civile (“culture de l’autonomie de décision”) (Aguilar 2011)

• Les problèmes locaux/nationaux ne se solutionnent pas seulement en travaillant auniveau local. La source du probleme est bien souvent à rechercher au niveau d’undisfonctionnement du modele global

• Manque d’homogénéité, d’intégration et de cohésion:

• Beaucoup de murs (stratification de la société)

• Manque de sentiments d’interdépendance, d’engagement et de responsabilité

• Manque de confiance

• L’information ne circule pas ou difficilement horizontalement (elle est contrôlée)

• Perception d’insécurité

Beaucoup de débats n’ont pas été conclus: Identité/nation, objectifs à atteindre comme société, projet de nation, modèle à suivre (Podesta 2006) => Difficile de trouver une convergence (Foucras 2007)

=> “Citoyenneté précaire, de basse intensité et fragmentée” (Olvera 2007; O’Donnell)

Fuente: OCDE, 2011

Présence des cartels sur le territoire national (cartede 2014)

On assiste à des changements(modernisation sociale)

• De plus en plus de vides institutionnels où s’engouffrent Églises, ONG, AC, RSE….

• L’État ne peut répondre à toutes les demandes => ↑ prédisposition à collaborer (RSE et PP)

• “Transnacionalisation par le bas” : communautés locales ou secteurs économiques (travailleurs de la mine) prennent contact directement avec des ONG internationales ou syndicats étrangers

• De plus en plus de Gouvernance informelle (celle des pauvres) pour la gestion de problèmes clés au niveau du quartier: accès à l’eau, sécurité… (système de justice parallèle)

• Essor du concept de Budget participatif• Rapprochement RSE et AC (structures en contact avec réalités =>

parfois frictions sur les – séquences d’intervention (les temps ne sont pas les mêmes)– construction des indicateurs