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Le psychologue en Tunisie : quel rôle joue-t-il ? L’interprétation en psychanalyse « Et Nietzsche a pleuré… » Le terrorisme Magazine de Psychologie Premier numéro Avril 2014 Contact : [email protected]

Psy Mag (Avril 2014)

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Magazine initié par des étudiants de Psychologie de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis.

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Page 1: Psy Mag (Avril 2014)

Le psychologue en

Tunisie : quel rôle

joue-t-il ?

L’interprétation en

psychanalyse

« Et Nietzsche a

pleuré… »

Le terrorisme

Magazine de Psychologie

Premier numéro Avril 2014

Contact : [email protected]

Page 2: Psy Mag (Avril 2014)

Sommaire

Dico psycho : la cryptomnésie

21

Film du mois :

Et Nietzsche a pleuré

22

Le terrorisme

24

Le terrorisme

Projet jeune chercheur : Test de Niveau de

Liberté des catégories sociales

complexes

26

Note de lecture : Communication

Et innovation : Champs, méthodes,

interventions

28

Les métiers de la psychologie :

Le psychologue en Tunisie :

Quel rôle joue-t-il ?

6

Interview avec le professeur

Riadh Ben Rejeb

9

D’un séminaire à l’autre :

L’interprétation en psychanalyse

14

Pourquoi les médicaments à eux seuls ne

sont jamais suffisants pour traiter

entièrement les troubles psychiques ?

17

Page 3: Psy Mag (Avril 2014)

Présentation du

magazine

Né en avril 2014, Psy Mag est un ma-

gazine initié par des étudiants de Psy-

chologie de la Faculté des Sciences Hu-

maines et Sociales de Tunis. Son but

principal est d’inviter ses lecteurs et ses

lectrices à la réflexion autour des

thèmes proposés. Il est divisé en de mul-

tiples rubriques traitant chacune un

sujet différent. Le magazine est aussi un

lieu d’expression qui tente de favoriser

la créativité des étudiants, en leur of-

frant la liberté d’exprimer leurs points

de vue, et leur donnant l’opportunité de

présenter leurs projets et leurs idées

innovantes, afin de créer un lieu

d’échange commun.

D'une périodicité trimestrielle, le maga-

zine permet de mettre ses lecteurs et ses

lectrices au courant des sujets issus de

l'actualité relative aux dernières décou-

vertes en psychologie. Ses lignes sont

ouvertes non seulement aux étudiants

et enseignants de Psychologie, mais

aussi à toute personne ayant un intérêt

pour cette discipline

Asma El Héni,

Rédactrice en chef.

Page 4: Psy Mag (Avril 2014)

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Les rédactrices en Chef

Asma El Héni

Sarah Souayah

Les rédacteurs

Mohamed Youssef Hechmi

Ahlem Ben Ouezdou

Sarah Bouderbela

Jihene Khemiri

Salma Rafrafi

Dora Brahmi

Wajdi Borgi

Couverture réalisée par

Sarra Srairi

L’équipe du magazine

Contact : [email protected]

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Les métiers de la psychologie…

Le psychologue en Tunisie :

Quel rôle joue-t-il ?

Dans cette rubrique, il sera question de présenter, chaque fois, le travail du psycho-

logue dans un champ d’intervention différent. Ainsi, on va s’intéresser, dans ce pre-

mier numéro, au psychologue tunisien de façon générale.

ans la pensée commune, le psy-

chologue est connu pour être pas

seulement un spécialiste des

« fous », mais aussi celui qui est censé

pouvoir tout comprendre, tout analyser,

tout expliquer en un laps de temps très

court. Un psychologue incapable de lire

dans les pensées, serait, sans doute, très

peu, si ce n’est pas du tout, compétent…

C’est sur la base de ces critères que

le sens commun établit sa propre défini-

tion du psychologue. En Tunisie, la

fonction du psychologue reste jusqu’à

aujourd’hui ambigüe et stéréotypée,

dans une société qui le confond souvent

avec le psychiatre.

D

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« […] Art. 2. Les agents appartenant au corps des psycho-

logues des administrations publiques sont chargés notam-

ment :

D'étudier le comportement humain et les méca-

nismes mentaux ;

De procéder à des recherches sur les problèmes

psychologiques qui se posent dans les domaines de

la santé, l'éducation, le milieu social et profession-

nel et recommander des solutions pour résoudre ces

problèmes ;

D'utiliser et interpréter des tests standardisés de

capacité mentale, d'aptitudes et de personnalité afin

de procéder à une évaluation psychologique dans

leurs tâches de prévention, d'information d'éduca-

tion, de rééducation et d'orientation ;

D'accomplir les tâches scientifiques et techniques

relevant de leurs compétences […] ».

Si la guérison ne semble pas la mission ultime du psychologue, alors

en quoi consiste son rôle ?

Le psychologue tunisien dispose d’un statut qui organise son travail. Selon le Décret

n°99-203 du 25 janvier 1999 du Journal Officiel de la République Tunisienne, le statut

particulier du corps des psychologues des administrations publiques est comme suit :

Au- trement

dit, le rôle du

psycho- logue est

d’apporter un accompagnement

et un soutien psy- chologique au patient,

en lui offrant un espace d’écoute dépourvu de tout

jugement, afin de l'aider à verbaliser sa souffrance. Ce qui le spécifie, en fait, c’est sa lec-

ture des phénomènes qui se présentent à lui à lumière d’une ou plusieurs références

scientifiques, en ayant recours à des outils d’évaluation et de compréhension du fonc-

tionnement psychique d’un sujet, tout en gardant une attitude de neutralité bienveillante,

c’est-à-dire une attitude ouverte mais avec une certaine distance professionnelle.

Page 7: Psy Mag (Avril 2014)

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Quels sont aujourd'hui, en Tunisie, les différents domaines qui font

appel au psychologue ?

Contrairement à une idée largement

répandue, le psychologue tunisien

n’exerce pas uniquement au sein de

l’hôpital psychiatrique Al-Razi.

Approximativement, 120 psychologues

sont recrutés dans le ministère de la san-

té, exerçant dans des services variés à

savoir la neurologie, la gynécologie, la

traumatologie, la pédiatrie, etc. ; d’autres

exerçant également au sein du ministère

de l’intérieur, de la défense, ainsi que

dans des centres d’intégration scolaire,

des associations, des banques, etc.

Néanmoins, malgré cette variété des

champs d’intervention, ces derniers de-

meurent jusqu’à aujourd’hui absents

non seulement dans les écoles et les ly-

cées, mais aussi dans bon nombre de

services hospitaliers…

Par Ahlem Ben Ouezdou

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Interview avec

Le professeur Riadh Ben Rejeb

Le professeur Mohamed Riadh Ben Re-

jeb est Professeur de Psychologie Cli-

nique et Psychopathologie. Il est égale-

ment directeur de l’Unité de Recherche

Psychopathologie Clinique (URPC) à la Facul-

té des Sciences Humaines et Sociales de Tunis,

Président de l’UTAIM (Union Tunisienne

d’Aide aux Insuffisants Mentaux) section de la

ville de Kélibia. Il est Président fondateur de

l’Association Tunisienne pour le Développe-

ment de la Psychanalyse (ATDP), Centre Allié

de l’API (Association Psychanalytique Interna-

tionale). Il a obtenu le DEA (Diplôme d’Études

Approfondies, ancienne appellation du master

de recherche) de Psychopathologie, de Psycho-

linguistique et le Doctorat en Psychopatholo-

gie à l’Université de Paris V, ainsi que le DEA

d’Ethnologie à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Il est l’auteur de plusieurs

ouvrages publiés en Tunisie et en France. Le dernier en date est « la référence » paru en dé-

cembre 2013, édité à Tunis par le Centre de Publication Universitaire.

Pourquoi vous êtes-vous orienté vers la psychologie ?

M. Ben Rejeb : « Je me suis intéressé à la

psychologie depuis les années du lycée.

J’étais toujours curieux de comprendre

l’autre et d’appréhender le comportement

humain. Pourquoi ces différences de com-

portements, de caractères ? Pourquoi

sommes-nous si différents les uns des

autres ? Cela m’a permis de plonger dans

des ouvrages de façon précoce : quatrième,

cinquième année secondaire, je lisais déjà

Jung, Reich et Malinowski. Et puis, bien

entendu, on se pose des questions du genre

: C’est quoi la normalité ? Qu’est-ce que

les ‘’normes’’ ? Elles sont établies par rap-

port à qui ? Quelle est la place des

croyances, des traditions dans la socialisa-

tion des individus ? Et cela nous permet de

réfléchir, de lire et de questionner. L’année

du bac, je lisais Malaise dans la civilisa-

tion et Moïse et le monothéisme de Sig-

mund Freud. »

L

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La psychanalyse parait importante pour vous. Pourquoi ?

M. Ben Rejeb : « Parce que je pense que

la psychanalyse est peut être la seule

branche des sciences humaines, la tech-

nique, la théorie, qui permet le plus

d’accéder à la compréhension du compor-

tement humain de l’intérieur et d’aborder

l’individu en profondeur. »

Combien de temps ça vous a pris pour devenir psychanalyste ?

M. Ben Rejeb : « Beaucoup de temps, ça

ne se compte pas. D’ailleurs, on ne parle

pas de temps en psychanalyse, mais de

‘’Temporalité’’ et de ‘’Temporalité psy-

chique’’. En psychanalyse, le temps prend

un autre sens, parce que la psychanalyse

est un travail permanent qui continue tout

le temps sous forme d’auto-analyse. Tout

commence par une « psychanalyse person-

nelle », voire deux. Ensuite, on passe par la

phase des « supervisions » individuelles et

collectives. Le tout se fait dans le cadre

d’une formation dans des Institutions de

psychanalyse étrangères. Quand on ‘’ter-

mine’’ sa psychanalyse, cela ne veut pas

dire qu’on a été « immunisé » pour tou-

jours. En tant qu’être humain, on va être

stressé par ce qui se passe dans la vie cou-

rante, comme tout le monde. Et puis de par

la nature du travail clinique à effectuer

auprès des patients, on est appelé à faire un

travail sur soi, une « nouvelle tranche

d’analyse ». Il faut continuer son « auto

analyse » et se pencher sur la signification

de ses propres rêves ; « le rêve, c’est la

voie royale vers l’inconscient » disait

Freud ; c’est l’expression de l’inconscient

et de la psyché. C’est pour cette raison

qu’il n’y a pas une fin pour la psychana-

lyse. D’ailleurs, Freud a écrit un texte im-

portant sur ce sujet intitulé ‘’Analyse ter-

minée et analyse interminable’’. »

Y a-t-il des rapports entre clinique et culture ?

M. Ben Rejeb : « Quand on s’intéresse à

la psychologie, on s’intéresse à l’histoire

des individus, pas uniquement des patients

qu’on rencontre, mais l’histoire des indivi-

dus en général, à l’histoire d’une façon

générale. On s’intéresse aussi à la psycho-

logie sociale, parce qu’on fait de la cli-

nique dans une société donnée. On

s’intéresse à la culture, parce qu’on fait de

la clinique dans une culture donnée. La

psychologie est par définition contextuelle

et elle ne peut exister en dehors de son

moule culturel. »

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Il y a plusieurs questions qui se posent autour de la psychanalyse. Qu'auriez-

vous à dire sur tous les débats actuels autour de cette discipline?

M. Ben Rejeb : « On peut se pencher sur

ces débats, les lire et avoir sa propre posi-

tion. C’est un débat, oui, qui existe, et

après ? Ça va mettre fin à la psychanalyse,

comme le souhaite Michel Onfray avec son

livre Le Crépuscule d'une idole ? Cela

m’étonnerait. La psychanalyse existera tant

qu’il y aura une demande d’analyse. D’un

autre côté, on ne peut pas imposer la psy-

chanalyse à des personnes qui ne la de-

mandent pas. Il faut toujours respecter la

demande des individus. Ce qui est grave,

c’est qu’il y a malheureusement des psy-

chanalystes, parce qu’ils ne disposent que

de la technique psychanalytique, qui obli-

gent tout le monde à s’allonger sur un di-

van, et là, on peut faire des dégâts. La psy-

chanalyse a des indications, mais égale-

ment des contre-indications comme

n’importe quelle méthode thérapeutique.

Ce n’est pas un moyen magique, une pana-

cée qui guérit tout. »

Dans un de vos articles intitulé « La psychanalyse en Tunisie : Approche historique et état

des lieux », publié dans la revue ‘’Topique’’ en 2010, vous avez parlé de clivage entre psy-

chiatres et psychologues. Quel est son origine et comment le dépasser ?

M. Ben Rejeb : « Le clivage entre psy-

chiatrie et psychologie a toujours existé,

malheureusement. Il a existé dans certains

contextes sociaux, dans certains pays ; il a

été alimenté et amplifié. Personnellement,

je me suis toujours situé au-delà de ce cli-

vage qui n’a pas à avoir lieu. On travaille à

pied d’égalité. Quand j’ai fait mes études

de psychologie en Tunisie, on avait la

chance d’avoir deux psychiatres parmi nos

enseignants : le professeur Sleïm Ammar

et le professeur Mohamed Ghorbal. En

France, le corps enseignant était également

composé de professeurs qui sont des psy-

chologues, comme Roger Perron, mais

aussi des psychiatres, comme Colette Chi-

land, Serge Lebovici et Bernard Brusset.

Quand on se réfère à la psychopathologie

et à la psychanalyse, quand on adopte le

même schéma théorique, il n’y a plus de

différences. Certes, il y a des patients qui

méritent d’être médicalisés et hospitalisés ;

et là, il faut un traitement chimiothérapique

et on fait appel à des psychiatres. D’autres

fois, après l’hospitalisation ou en même

temps, il faut faire appel à un psychologue

pour accompagner la prise en charge médi-

camenteuse. Il y a donc deux prises en

charge : psychothérapie et chimiothérapie,

qui peuvent être conjointes. »

Et qu’en est-il du clivage entre psychologues cliniciens et psychologues cogni-

tivistes ?

M. Ben Rejeb : « Il n’a pas lieu d’être ; il

est fabriqué de toute pièce. Il existe entre

des personnes, en fait, et non pas entre les

disciplines. On parle de plus en plus de

complémentarité entre psychanalyse et

neurosciences. Les travaux de Daniel

Widlöcher ou de Didier Houzel le confir-

ment. »

Page 11: Psy Mag (Avril 2014)

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Peut-on aimer la psychanalyse sans pour autant aimer Freud ?

M. Ben Rejeb : « On ne peut pas nous

intéresser à la psychanalyse sans nous inté-

resser à Freud. On ne peut pas travailler

avec la psychanalyse sans faire référence à

Freud, même si on peut se démarquer de

lui ensuite. On peut pratiquer la psychana-

lyse en faisant référence à d’autres, comme

Jung ou Lacan. Mais évidemment, Freud

reste le fondateur. Jung a complété certains

aspects de la théorie freudienne. Chacun

ajoute sa propre touche, et c’est ce qui

nous pousse tous à avancer. Toutes les

théories ne sont pas parfaites, l’objet par-

fait n’existe pas, et c’est ce qui fait qu’elles

évoluent dans le temps. Puisque les théo-

ries évoluent, nous sommes appelés à nous

adapter. On ne doit pas rester figé par rap-

port à des notions qui peuvent sembler

sclérosées. Sinon, on risque d’être dans la

pensée qualifiée ‘’d’hermétique‘’, renfer-

mée sur elle-même, la pensée ‘’monoli-

thique‘’. D’ailleurs, si Freud était parmi

nous aujourd’hui, sa réaction aurait pu être

différente : il aurait pu être étonné et dire

que ce n’est pas cette psychanalyse là que

j’ai inventée, comme il peut être fier de

voir les différentes orientations et les pro-

longements de la psychanalyse. »

Quelle est votre meilleure expérience en tant que psychologue ?

M. Ben Rejeb : « Les rencontres cliniques

sont extraordinaires. Ce sont ces ren-

contres-là qui constituent pour nous le

meilleur outil d’apprentissage, le meilleur

réservoir de savoir. On apprend la clinique

et on découvre ce qui distingue cette hysté-

rique d’une autre. On découvre que chaque

personne a son histoire personnelle, sa tra-

jectoire personnelle, sa propre préhistoire.

On découvre que chaque cas clinique a sa

propre sémiologie, et que cette sémiologie

peut véhiculer un sens particulier. Cela

nous pousse à la réflexion et nous permet

de nous poser des questions, et de conti-

nuer à apprendre. Et je rejoins la fameuse

phrase de Winnicott quand il a dédié un de

ses livres à ses malades : ‘’Je dédie ce livre

à mes patients qui ont payé pour m'ap-

prendre‘’. Quand on est clinicien, on ne

peut pas avancer sans ces rencontres cli-

niques, mais aussi sans les colloques et

séminaires. »

Peut-on enseigner la psychanalyse à l’université ? Pourquoi ne pas intégrer la

psychanalyse dans l’enseignement universitaire ?

M. Ben Rejeb : « Elle était enseignée dans

le cadre de l’ancienne Maîtrise par Ma-

dame Khadija Besbes, ensuite par Neila

Shabou. Le plus qu’ajoute un tel ensei-

gnement est, en fait, la sensibilisation.

C’est juste pour introduire les notions de

base. Il n’est pas question de former les

étudiants en psychanalyse. La psychanlyse,

à mon avis, ne s’enseigne pas comme une

branche séparée, mais dans le cadre de la

psychopathologie. Lorsqu’on parle

d’organisations névrotiques,

d’organisations psychotiques,

d’organisations traumatiques, on parle for-

cément de psychanalyse. Le but d’un tel

enseignement vise à la sensibilisation à la

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psychanalyse. Mais, il existe aussi d’autres

formes de psychothérapie que la psycho-

thérapie analytique, et le psychologue en

formation au sein de la faculté doit prendre

en compte l’éventail large de toutes ces

techniques. »

Avez-vous quelque chose à dire aux étudiants ?

M. Ben Rejeb : « Il faut aussi avoir

l’esprit large, ouvert, mais également

l’esprit critique : on critique, mais on ac-

cepte les critiques qui nous sont adressées

aussi. Apprendre à écouter d’abord, à res-

pecter l’autre, et ensuite analyser pour

pouvoir décortiquer les discours et déve-

lopper son point de vue. L’étudiant peut

écouter plusieurs discours de ses ensei-

gnants et apprendre d’eux. Il ne doit pas

écouter seulement l’avis d’un seul et reje-

ter les autres : il y a une part de vérité dans

chaque discours. Quand on accepte une

chose, on ne l’accepte pas en bloc, et

quand on refuse quelque chose, on ne la

refuse pas en bloc ; c’est aussi une façon

de dépasser les clivages et l’esprit dicho-

tomique. Chaque individu a un côté de

vérité dans ce qu’il dit, et on apprend de lui

ce qui est suffisamment bon pour nous.

Ensuite, en fonction de ses lectures, en

fonction de sa pratique clinique, des docu-

mentaires ou des films visionnés, des sé-

minaires et colloques auxquels il participe

ou il assiste, il va découvrir par lui-même

certaines choses et ensuite essayer de faire

une comparaison et une synthèse. C’est

ainsi que l’enseignant doit montrer à ses

étudiants les différentes voies vers le sa-

voir. Ensuite, c’est l’étudiant qui se forme

lui-même en suivant la voie qui lui con-

vient, ou qui lui semble la plus adéquate. »

Réalisée par Asma El Héni

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Dans le cadre du programme

scientifique de l’Association de

Formation à la Psychanalyse et

l’Échange Clinique (AFPEC

2013/2014), une conférence dé-

bat a été organisée le Samedi 7

décembre à 14h30 à la Biblio-

thèque Nationale de Tunis au

tour du thème : « Interpréter ».

D’un séminaire à l’Autre…

L’interprétation en psychanalyse

Photo prise par S. B.

Tout part, comme c’est souvent le

cas, de la question du lan-

gage. Le propre du lan-

gage humain c’est

l’équivoque, la po-

lysémie, c'est-à-

dire le fait qu’un

même mot peut

avoir plusieurs

sens, des homo-

nymes. Le poète

use souvent de

cette propriété afin

d’obtenir des effets

poétiques subtils en

faisant résonner le cristal

de la langue. De même pour le

comique (Le français Raymond Devos en

est un parfait exemple), ou l’écrivain (Le

génie de James Joyce l’a subli-

mé dans Finnegans Wake).

Le Fiqh s’intéresse

beaucoup à cette pro-

priété, faisant en-

tendre à travers

l’analyse des formu-

lations des diffé-

rentes résonances

du texte coranique :

c’est le « Tafsyr ».

C’est aussi à cette

propriété que

s’intéresse le psychana-

lyste, comme Freud l’a par-

faitement fait ressentir dès ses

premiers ouvrages :

Page 14: Psy Mag (Avril 2014)

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« L’interprétation des rêves », « Psychopa-

thologie de la vie quotidienne » et « Les

mots d’esprit dans ses rapports avec

l’inconscient ». C’est ce que souligne Jaques

Lacan dans l’émission française « Télévision

» : « Freud suit pas à pas le signifiant, les

jeux de mots, l’équivoque, pour traquer

l’inconscient et remonter au sens caché des

rêves, des symptômes etc. » La psychana-

lyse est en quelque sorte une science de

l’interprétation. Lors d’une séance

d’analyse, ce qui est dit par l’analysant

ne vaut pas seulement par son sens, qui

s’articule à partir des mots organisés en

phrase. L’analyste prête attention essen-

tiellement à la polyphonie du signifiant.

Autrement dit, à la séquence acoustique

de l’énoncé qui peut se découper, dans

l’inconscient, tout à fait autrement. Par

exemple, un patient raconte son rêve en

disant « j’étais dans une Vallée, regar-

dant un champ de riz ». L’interprétation

ne concerne pas ici le signifié, mais le

signifiant. Car, pour l’analysant, ce rêve

a une portée singulière ; il contient un

signifiant maître pour lui : « Valérie » le

prénom de sa mère (Vallée-riz).

La conférence-débat a été animée par :

Nedra Ben Ismail, psychanalyste et présidente de l’Association de Formation à

la Psychanalyse et l’Échange Clinique (AFPEC).

Kathy Saada, psychologue clinicienne et psychanalyste.

Youssef Seddik, philosophe et anthropologue.

Essedik Jeddi, psychiatre et psychothérapeute.

Okba Natahi, psychanalyste.

Pour Freud, l’interprétation consiste à

trouver le sens caché et à le restituer au

sujet afin qu’il en prenne conscience.

Avec Lacan, les choses se déplaceront :

l’interprétation s’adresse directement à

l’inconscient, c'est-à-dire à ce que Lacan

nomme « la belle derrière les volets ».

C’est pourquoi l’analyse n’avance pas à

partir d’explications ou de dialogues,

même si l’analyste y ait parfois recourt.

Le but de l’interprétation n’est en effet

pas toujours d’apporter du sens. Au con-

traire, l’interprétation vise aussi à vider le

sens ou à en offrir un nouveau, ce qui

permettra de vider de la jouissance.

Nous pouvons reprendre ici un exemple

très connu : A une patiente qui rêve de

la « Gestapo », Lacan répondra sur le

mode interprétatif par un geste (une ca-

resse sur son visage). Ce que l’analysante

interprètera comme suit : un « geste-à-

peau ». On voit ici combien

l’interprétation doit laisser ouverts les

effets de sens du signifiant. Elle y par-

vient en étant principalement énigme ou

citation. Pour ce qui est de la dimension

de citation que peut revêtir

l’interprétation, l’analyste peut, par

exemple, rappeler tel souvenir qui fait

écho à celui qu’est en train de raconter

l’analysant. L’accent sera alors mis non

sur la signification d’un terme isolé, mais

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sur une corrélation obligée, sur ce qui

fait que dans une vie, les mêmes termes,

les mêmes choix, le même destin se ré-

pètent. Pour illustrer cette idée, Kathy

Saada reprendra l’exemple d’une analy-

sante rapportant un rêve dans lequel elle

a une « plaie sur son ongle ». Dans ses

associations, celle-ci fera un lapsus, elle

parlera de l’ « oncle » du pied. Elle en-

tend bien son lapsus, mais ne voit pas de

qui il peut s’agir. L’analyste lui fera re-

marquer alors qu’elle oublie le frère de

sa mère qui est mort enfant, une mort

qui avait été traumatique pour sa grand-

mère et sa mère. L’analysante dira alors

: « j’ai un oncle incarné » : le lapsus de-

vient un mot d’esprit. Dans d’autres cas,

l’interprétation sera énigme. L’analyste

évite de laisser entendre ses propres

interventions comme univoques. S’il

veut introduire l’analysant au langage de

l’inconscient, il doit faire valoir le carac-

tère polysémique de ce qui se dit dans la

cure. C’est ce qu’illustre l’exemple du

« geste-à-peau » de Lacan.

Nous pourrions aussi prendre un autre

exemple cité par Kathy Saada : celui

d’une analysante anorexique, qui souf-

frait d’aménorrhées², et qui racontera à

son analyste un rêve où il était question

de sang. Son analyste, Lacan, lui rétor-

quera « Ah bah vous alors, ah bah vous

alors…». L’analysante a alors entendu

qu’elle n’y était pour rien dans ce qui lui

arrivait. Pour conclure, nous pourrions

dire que l’interprétation ne fait d’ailleurs

qu’introduire le sujet à des significations

nouvelles. Sur les significations que

l’analysant développe, l’analyste peut

insérer le « sceau » du signifiant. Par

exemple, un analysant demande à son

analyste, à propos d’un week-end : « Est-

ce que vous faites le pont ? ». L’analyste

répond : « Quel pont ? », introduisant là

une équivoque possible. La séance

d’après, l’analysant dira qu’il a pris cons-

cience qu’en fait il voulait demander à

l’analyste : « Est-ce que vous êtes assez

solide pour faire le pont, pour me faire

passer d’une rive à l’autre ? »

Par Sarah Bouderbela

Qui est un savoir et, en particulier, une science du droit religieux de l'islam, qui recouvre tous

les aspects de la vie, religieux, politiques ou privés. (Dictionnaire Larousse)

² Absence de règles chez la femme.

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Pourquoi les médicaments à eux seuls ne sont

jamais suffisants pour traiter entièrement les

troubles psychiques ?

out notre vécu subjectif et émo-

tionnel n’est en fait que le résultat

d’une activité électrochimique

précise et synergique qui se produit au

niveau de notre cerveau en réponse à

des stimulations externes et/ou internes.

C’est de ce fait que le traitement phar-

macologique des troubles psychiques

tire toute sa légitimité et sa puissance.

Toutefois, et à la lumière des nouvelles

connaissances acquises dans le domaine

des neurosciences cognitives, on doit se

poser les questions suivantes : ce type de

traitement, est-il nécessaire ? Si oui, est-

il suffisant ?

La tâche du psychiatre ne peut pas se

résumer à identifier le ou les sous-

systèmes cérébraux ‘’défectueux ‘’ (sous

ou suractivés) en observant des manifes-

tations comportementales, ensuite, pres-

T

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crire au patient des médicaments qui

vont régler l’activité de ces sous-

systèmes, comme on le fait d’ailleurs

pour des troubles touchant des systèmes

biologiques, autres que le système ner-

veux. Pour argumenter mes propos, je

vais essayer de répondre aux questions

suivantes :

Pourquoi les patients manifestant les mêmes symptômes ne répon-

dent-ils pas de la même manière aux mêmes agents pharmacolo-

giques ?

On peut observer qu’un patient peut

parfois parcourir toute une gamme

d’antidépresseurs, d’anxiolytiques, de

somnifères, etc., effets notoires garantis

bien-sûr, avant que son psy juge qu’il

commence à réaliser des progrès, se

basant dans son jugement principale-

ment sur la satisfaction ou non

du patient lui-même à l’égard du traite-

ment reçu. Beaucoup de temps et

d’argent perdus avant d’atteindre ce

stade, et ceci dans le meilleur des cas. Il

y a ceux bien sûr qui ne répondent pas

aux traitements, au contraire, leur état

s’est détérioré lourdement depuis leur

première consultation.

Comment expliquer tout cela alors ?

Des différences interindividuelles,

d’ordre génétique, font que des per-

sonnes manifestant les mêmes symp-

tômes ne répondent pas de la même

manière aux mêmes agents pharmacolo-

giques. Des différences d’un autre ordre,

agissent aussi fortement à ce niveau. La

plupart des psychiatres sont conscients

que le traitement pharmacologique est

inefficace quand le patient ne prend pas

les thérapies et les conseils qu’on lui

propose au sérieux. Le niveau

d’implication des patients est une va-

riable qui doit donc être estimée dès la

première consultation, et il faut que le

psychiatre trouve un moyen pour la ren-

forcer. Le principe de l’approche phar-

macologique est simple : on agit au ni-

veau moléculaire et cellulaire, et on

espère que cela va se traduire au niveau

comportemental et même cognitif. Or,

dans la réalité, ce n’est pas aussi simple

que cela, et je vais dans ce qui suit

essayer d’expliquer pourquoi.

Page 18: Psy Mag (Avril 2014)

Page | 18

Il faut garder à l’esprit que toute modifi-

cation qui survient aux deux premiers

niveaux dans un cerveau dit ‘’normal‘’,

vient en réponse à des variations dans

l’environnement dans lequel évolue le

système tout entier. Ce que ce système

essaye de faire, c’est de donner un sens

à un input sensoriel particulier, donc de

former une perception globale d’un en-

vironnement en perpétuel changement,

puis de mettre en place une stratégie

comportementale capable de faire évo-

luer le sujet ou, pourquoi pas,

l’environnem

ent dans le

sens désiré, et

enfin,

d’exécuter

cette stratégie. Cela parait simple, mais

en fait, cela ne l’est pas.

L’environnement comme système évolu-

tif, est composé de plusieurs sous-

systèmes (environnement social, envi-

ronnement biologique…), et chacun

d’entre eux a ses propres lois et prin-

cipes de fonctionnement qu’il va falloir

respecter pour évoluer convenablement

et survivre. Donc, il va falloir tout

d’abord, comme je l’ai déjà mentionné,

donner un sens à l’état actuel dans le-

quel est cet environnement.

Maintenant,

si on prend

en considéra-

tion le délai

temporel né-

cessaire pour

que tous les processus neurophysiolo-

giques et cognitifs nécessaires à la per-

ception s’accomplissent, on remarquera

que ce que notre conscience est en train

d’expérimenter à ce moment même,

n’est en fait que des événements dépas-

sés. Cette incroyable machine divine

essaye de compenser ce délai en

prédisant

en quelque

sorte l’état

sur lequel

serait cet

environ-

nement

lorsque le comportement serait exécuté

(pour plus de détails, voir le livre

de ‘Jeff Hawkins ’On Intelligence‘’).

On peut donc avancer l’hypothèse qu’il

y a eu planification des stratégies com-

portementales ‘’réflexes‘’ qui seront exé-

cutées sans faire appel à un traitement

conscient.

Page 19: Psy Mag (Avril 2014)

Page | 19

Donc, si on admet que certains troubles

psychiques sont, en fait, à considérer

comme des stratégies comportementales

élaborées et visant à assurer un rôle

adaptatif particulier, il est évident alors

qu’agir au niveau moléculaire ne fait que

dissimuler les symptômes sans pour au-

tant résoudre le problème qui en est la

cause.

Pour conclure, le traitement réel doit

être basé essentiellement sur la rééduca-

tion psychologique. Il faut donc trouver

un moyen pour faire appréhender au

système cognitif tout entier (ses compo-

santes conscientes et inconscientes sur-

tout) que cette stratégie comportemen-

tale ne peut pas faire évoluer le patient

et son environnement dans le sens dési-

ré. Les thérapies cognitivo-

comportementales offrent donc la meil-

leure solution à de nombreux troubles

psychiques comme les dépressions, les

troubles anxieux, etc. Bien-sûr, faire ac-

compagner ces thérapies d’un traitement

pharmacologique est nécessaire dans les

cas les plus sévères, mais pas dans tous

les cas.

Par Mohamed Youssef Hechmi

Page 20: Psy Mag (Avril 2014)

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Dico psycho…

La cryptomnésie

arfois, il arrive que l’on s’attribue,

sans trop se rendre compte et

sans intention malveillante, les idées

d’autres personnes. Lorsqu’un musicien,

par exemple, compose un morceau de

musique, il est probable que les notes

qu’il a rédigées soient fortement influen-

cées par d’autres morceaux qu’il a écou-

tés ; ce qui fait que, lors de

leur resurgissement, ce der-

nier croit qu’il s’agit bien d'une création

nouvelle, alors qu’en réalité, celles-ci ont

été produites par quelqu’un d’autre :

c’est la cryptomnésie. Ce terme, du

grec kruptos (caché) et mnémè (souve-

nir), fut inventé par le psycho-

logue suisse Théodore Flournoy. Ce

phénomène est susceptible de se pro-

duire lorsqu’il y a un oubli de la source

originale de l’information.

Il convient néanmoins de distinguer la

cryptomnésie du plagiat qui est le fait de

s’approprier, consciemment, une idée

produite par quelqu’un d’autre sans

mentionner sa source.

Un cas de Cryptomnésie : Friedrich Nietzsche

P

Carl Jung avait remarqué qu’il existait

une similitude remarquable entre un

passage issu de « Ainsi parlait Zara-

thoustra » de Friedrich Nietzsche et un

autre passage issu de «Blätter aus Pre-

vorstz » de l’écrivain allemand Justinus

Kerner. Apres avoir entretenu une

correspondance avec la sœur de

Nietzsche, Elisabeth Förster-

Nietzsche, Jung s’est rendu compte

qu’il s’agissait bien d’un cas de cryp-

tomnésie. La sœur de Nietzsche avait

assuré qu’il ne s’agissait pas d’un pla-

giat, mais que ce dernier avait lu cette

publication quand il était jeune, d’où

la similitude.

Page 21: Psy Mag (Avril 2014)

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Page 22: Psy Mag (Avril 2014)

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Film du mois…

t Nietzsche a pleuré (Titre origi-

nal : When Nietzsche wept), est un

film américain de Pinchas Perry

sorti en 2007, et adapté du roman du

même titre de de Irvin David Yalom

(1991), écrivain américain et professeur

émérite en psychiatrie de l’université

Stanford. C’est à Vienne, durant la fin

du 19ème siècle que l’histoire se situe.

Tout commence lorsque Lou Andreas-

Salomé, essayiste, nouvelliste

et psychanalyste, demande au Docteur

Josef Breuer, médecin et physiologiste

autrichien, de prendre en charge un cer-

tain Friedrich Nietzsche. Celui-ci n’étant

toujours pas devenu le grand philosophe

que nous connaissons aujourd’hui, tra-

versait alors une profonde crise et souf-

frait de dépression. Une fois la décision

d’accepter d’aider cet homme prise, s'en

suivent alors de longs entretiens fictifs

entre les deux hommes, tournant autour

de l'obsession amoureuse et de la philo-

sophie de Nietzsche ;

Et Nietzsche a pleuré

(2007)

des entretiens au cours desquels les

choses commencent peu à peu à

changer autour du docteur Breuer et

surtout à l’intérieur de lui. Bientôt, il

finira par passer du statut de théra-

peute à celui du patient.

Il est à noter qu’une telle rencontre

n’a jamais eu lieu ; la psychothérapie

n’a donc pas été inventée à la suite de

leur rencontre. Néanmoins, les prin-

cipaux éléments de ce récit –

_ l’angoisse de Breuer, le désespoir

de Nietzsche, Anna O., Lou Salomé,

la relation de Freud avec Breuer, ain-

si que la situation de vie de ses prota-

gonistes _ étaient bel et bien véri-

diques et tous ayant eu lieu en l’an

1882.

E

Page 23: Psy Mag (Avril 2014)

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Le Terrorisme…

Comprendre pour mieux agir

- Par Salma Rafrafi -

uite aux assassinats poli-

tiques ciblés et aux assassi-

nats visant les forces de

l’ordre et

l’armée, voilà que la Tunisie au-

jourd’hui vit sous la menace pe-

sante des attentats Jihadistes. Dé-

sormais, le message est plus que

clair : imposer par la violence à

travers un nouveau système, celui

de l’islam radical qui refuse catégo-

riquement toute forme de moder-

nité. C’est à partir du besoin de

comprendre les causes qui pour-

raient pousser certains individus ou

groupes à agir de la sorte, que cet

essai est né. Ainsi, je vais tenter, à

travers cet article, de cerner les

mécanismes psychologiques nour-

rissant l’acte terroriste.

Deux approches psychologiques de base

peuvent servir à la compréhension de ce

phénomène : les terroristes sont considérés

soit comme des « aliénés », soit comme des

fanatiques ; ils ne perçoivent pas le monde

comme le font les membres de la société

civile, mais en se limitant à leur propre idéo-

logie, que ce soit marxiste, anarchiste, natio-

naliste, ou une n’importe quelle autre idéolo-

gie. Partant de ce constat, certains cher-

cheurs en psychologie s'accordent à dire que

les terroristes, en général, ne se considèrent

pas comme tel, mais plutôt comme des sol-

dats libérateurs, des martyrs, ou encore des

combattants légitimes pour des causes

sociales nobles. Ces derniers sont

S

Page 24: Psy Mag (Avril 2014)

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si dévoués à leur cause qu'ils ne se soucient pas de l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes. Les personnes qui deviennent terroristes sont souvent des personnes socialement aliénées et qui ont des difficultés à s’intégrer dans la société, et ils débutent souvent comme des sympathisants de ce groupe. De plus, certains d’entre eux semblent être mo-tivés principalement par le désir d'exploiter leurs compétences dans la fabrication des bombes. D’un autre coté, les violents affron-tements avec la police ou d'autres forces de sécurité motivent un individu déjà aliéné socialement à se joindre à un groupe terro-riste. Autrement dit, les actes des forces de

sécurité ou de la police sont considérés comme des actes provoquant une activité plus violente par ces personnes, ce qui est susceptible de les pousser à appartenir à un groupe violent. Voilà pourquoi l'individu se tourne vers le terrorisme, bien que les cir-constances varient. Comme l’explique le psychologue clinicien Eric Shaw, l'apparte-nance à un groupe terroriste constitue sou-vent une solution pour la satisfaction des besoins en matière d'adaptation. Ainsi, l'identité terroriste offre à l'individu non seulement un sentiment de puissance, mais aussi un statut social et un rôle dans la socié-té, même s’il est considéré comme négatif.

Dans le but d'apporter des éclaircissements, Eric D. Shaw propose un dossier solide pour ce qu'il appelle « Le modèle de la voie per-sonnelle » qui suggère que les terroristes sont issus d'une population à risque qui a subi des dégâts au niveau de son estime de soi. Ces derniers semblent n’avoir pas réussi à trouver une place dans la société, et c’est ce qui a contribué à augmenter leur frustration. Partant du point de vue psychanalytique, Florence Achard, psychologue et psychothé-rapeute, affirme que « Les terroristes sont des opposants au père fort et autoritaire » et se com-portent en tant que « fils opprimés en révolte contre un père social tout-puissant et possesseur de

richesses ». Par conséquent, ce processus met en place une « régression sadique face à une civilisation qui fait peur à un niveau incons-cient et qui reconnaît aux femmes les mêmes droits que les hommes ». Tout compte fait, les groupes terroristes sont semblables à des sectes religieuses : ils ont besoin de l'enga-gement total des membres ; ils interdisent souvent les relations avec l'extérieur, bien que ce ne soit pas le cas avec des groupes terroristes ou séparatistes ethniques dont les membres sont bien intégrés dans la commu-nauté ; ils imposent la conformité et tentent de faire un lavage de cerveau aux membres avec leur idéologie particulière.

Page 25: Psy Mag (Avril 2014)

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Projet jeune chercheur…

Test de Niveau de Liberté des catégories

sociales complexes déterminant les dix

types de personnalité

- Par Anas Laouini -

[email protected]

Dans cet article, nous allons vous présenter un test psychologique conçu par Anas

Laouini, psychologue depuis 2007 et qui est actuellement en train de finir son master

de psychologie clinique et psychopathologie au sein de la Faculté des Sciences Hu-

maines et Sociales de Tunis. Il exerce également au Centre d'Expertise Médicale de

l'Aviation Aéronautique depuis 3 ans.

es études approfondies sur la

perception, l’image mentale, le

traitement de l’information et

l’émotion, m’ont conduit à déterminer

un modèle de traitement de

l’information qui associe étroitement la

cognition et l’émotion, et stipule que

l’une est le résultat de l’autre. Mon

étude commence par la différenciation

des types d’images mentales qui sont

considérées comme des lieux

d’identification des différents stimuli

externes et internes par leurs classifica-

tions dans l’image mentale la plus simi-

laire, ce qui m’a conduit à considérer

ces images mentales comme des catégo-

ries (schèmes). Ces catégories sont les

outils de différenciation et de discrimi-

nation (l’intelligence). Mon étude, assez

objective assez pertinente et assez origi-

nale, comprend également une partie

explicative des différentes pathologies.

L’étude du normal et du pathologique

m’a aidé à postuler un test de personna-

lité basé sur le traitement de

l’information (l’attribution causale).

Tout d’abord, j’ai commencé par la dé-

termination du mode de perception de

chacune des dix personnalités patholo-

giques selon mes recherches. A l’aide

des croyances de Beck et des études

M

Page 26: Psy Mag (Avril 2014)

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descriptives de la personnalité du DSM-

4R, j’ai déterminé les catégories sociales

caractéristiques de chaque personnalité.

La forme informatique a été préparée par Anas Laouini et réalisée par l'ingénieur

informatique Amer Ben Hassan.

Par la suite, j’ai construit une échelle de

5 items pour chacune de ces catégories.

L’échelle dessine le passage du normal

vers le pathologique et postule la place

des stimulations externes et de la base

catégorielle dans la perception sociale.

L’étape suivante a consisté à transformer

l’échelle à un questionnaire de 420

items. Finalement, j’ai établi la forme

informatisée du test afin de faciliter

l’étude de validation scientifique de mon

travail. La validation théorique de mon

questionnaire revient à une échelle ba-

sée sur les 84 croyances issues des

études cliniques et descriptives, déjà

faites par le Psychiatre américain Aaron

Temkin Beck et le DSM

(Diagnostic and

Statistical Manual of Mental Disorders).

En termes simples, le questionnaire me-

sure le degré de l’activation de chacune

des images mentales déterminantes des

différents modes de perception sociale

de l’organisme humain. Mes premiers

essais du test montrent une grande cor-

rélation avec d’autres tests et avec son

observation clinique, ainsi qu’une im-

portante capacité de discrimination.

Page 27: Psy Mag (Avril 2014)

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Page | 28

Note de Lecture…

Communication et Innovation :

Champs, méthodes, interventions

- Par Nizar Fares -

« Communication et Innovation » est un ouvrage collectif (sous la direction de N.

Kridis. L’harmattan, 2008) proposé par le Groupe d’Etudes Systémiques, de

l’Université de Tunis (GES), associant des chercheurs en sciences cognitives, psycho-

logie sociale et de la communication, psychologie du travail et psychologie du déve-

loppement. Dans cette note de lecture, on proposera une présentation linéaire des

différentes contributions.

’article qui ouvre ce livre est de

Noureddine kridis : « le méta

entretien : un nouvel outil en psycho-

logie ? ». Celui-ci renouvelle la problé-

matique classique de « la valeur des ré-

ponses verbales et plus précisément du

statut du discours en psychologie » (p.9),

en introduisant le concept de méta en-

tretien. Le méta-entretien se définit

comme « un entretien évolutif, qui tente

de produire un savoir, et tend à rendre

possible une appropriation de ce savoir,

en installant une relation, un échange,

une interaction » (p.13). Solidaire de

l’entretien, il permet au sujet de

«…percevoir son propre discours, à cor-

riger les erreurs, à rectifier les affirma-

tions et à combler les lacunes… mais

aussi à en atténuer l’intensité ou en di-

minuer l’importance, ou parfois à se

rétracter et à s’en démettre » (p.17). La

définition et les caractéristiques du méta-

entretien, comme les présente Kridis,

frappent par leur analogie avec celles du

discours « tout court ». En effet, le dis-

cours étant « pris en charge », c'est-à-dire

le locuteur peut modifier son degré

d’adhésion, attribuer la responsabilité à

quelqu’un d’autre, commente sa propre

parole, thématiser ; Par conséquent, le

méta-entretien permet à l’entretien de se

rapprocher le plus possible des condi-

tions écologiques de production du dis-

cours, en mettant de l’ordre dans ce

dernier et en aidant le sujet à

s’approprier sa propre parole.

L

Page 29: Psy Mag (Avril 2014)

Page | 29

Ainsi, le méta-entretien vient au secours

de l’entretien, par sa composante

« feedback », processus de base dans

l’ajustement, nécessaire à l’acte de

communication. Pour illustrer sa mé-

thode, Kridis expose une présentation

de cas, en fournissant des séquences de

l’entretien initial accompagné du méta-

entretien. L’autorégulation a été explo-

rée, en termes de distanciation et

d’implication, et ce, à un niveau énon-

ciatif. Le choix de

cette dimension du

discours comme

indicateur, est justi-

fié

par le fait que « tout acte de langage est

enchâssé dans un point de vu énonciatif

du sujet parlant » (p.15). Ainsi,

l’augmentation des propositions énon-

ciatives témoigne de ce processus de

régulation et dénote une relativisation

des informations initialement produites

lors de l’entretien. En d’autres termes,

cette méthode, se veut une méthode

d’exploration diachronique, ou disons

le, une sorte de méta-réflexion sur le

sens de l’entretien, où

le locuteur devient in-

terlocuteur, et pourrait

réviser son « but illocu-

toire » en réajustant ses

« assertions » et ses

« expressions ».

L’intérêt de

l’application de ce

type de démarche est discuté par

l’auteur, surtout dans tout ce qui est pro-

jet personnel, et application à

l’entreprise. Le concept de méta-

entretien nous semble très original et

très prometteur, d’autant plus qu’il est,

en quelque sorte, une redécouverte et

une réactualisation du discours et de sa

place dans l’entretien. La seconde con-

tribution est celle de Slim Masmoudi,

« Processus innovateurs au sein des

sciences cognitives ». Masmoudi re-

trace l’évolution des

retrace l’évolution des

sciences cognitives à

travers des exemples chronologiques,

tout en posant une distinction entre in-

novation (sciences de la nature), décou-

verte (sciences formelles) et invention

(sciences techniques). Il définit

l’innovation comme « un processus, un

ensemble d’étapes qui s’enchaînent

pour produire des novations, qui se ca-

ractérisent par leur utilités pour

l’individu ou le groupe ». Et c’est en ce

sens que l’invention est un produit de

l’innovation…

Vous pouvez lire

l'intégralité du

texte en consultant

le site web suivant :

http://osp.revues.or

g/2002

Page 30: Psy Mag (Avril 2014)

Magazine subventionné par la

Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis

Impression réalisée par

Zoom informatique ; 22, Av. Alain Savary 1002-Tunis le Belvédère.

Page 31: Psy Mag (Avril 2014)

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by

Ph

il E

liott

Alma Mater 1

- Par Anton -

1 Expression d'origine latine signifiant mère nourricière. À l'époque moderne, cette expression

est utilisée pour désigner l'université dans laquelle une personne a suivi ses études.