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LA SCIENCE OUVERTE JUIN 2013 FLORENCE PIRON, UNIVERSITÉ LAVAL [email protected] Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la licence creative commons attribution 2.5 canada

Science ouverte

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Portrait général du mouvement de la science ouverte, par Florence Piron, professeure à l'Université Laval (Québec).

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LA SCIENCE OUVERTEJUIN 2013

FLORENCE PIRON, UNIVERSITÉ LAVAL

[email protected]

Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la licence creative commons attribution 2.5 canada

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QUATRE THÈMES

Le libre accès aux publications scientifiques

Les blogs de science et l’évaluation ouverte

Le partage des données de recherche (Open data)

La science citoyenne

Quatre façons de transformer les pratiques de la recherche scientifique.

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LA SCIENCE ET LA RECHERCHELa science = un ensemble de savoirs relevant d’une ambition de connaissance du monde, c’est-à-dire qui aspire à la coïncidence entre les mots et les choses, le discours scientifique et la réalité dont il veut rendre compte (débat épistémologique entre les post-positivistes et les constructivistes)

La science a aussi l’ambition d’être cumulative : les connaissances s’améliorent, s’enrichissent, se raffinent. On falsifie ou on valide les hypothèses des uns et des autres. La science est donc dialogique.

Par conséquent, les savoirs qui la composent doivent être PUBLICS, accessibles à d’autres chercheurs

La recherche = pratiques, acteurs, institutions, objets, financement, qui rendent possible matériellement la production, la publication et la diffusion de ces savoirs.

Science = ensemble de textes scientifiques PUBLIÉS

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LA PUBLICATION SCIENTIFIQUEPas un détail : elle doit être pensée dès le début du processus de recherche. Elle

- Permet de partager des résultats de recherche et de les diffuser

- Est devenue le signe de la différence entre la science officielle et la non-science (pseudo-science, impressions subjectives, etc.)

- Est devenue un critère d’évaluation des carrières de chercheurs, des revues scientifiques et des universités (le facteur d’impact, la bibliométrie)

- Est devenue, par ce fait,

- un enjeu politique et éthique- Un enjeu industriel : comment combiner publication scientifique

et secret industriel?- Un enjeu commercial : des éditeurs scientifiques font

actuellement des taux de profit très élevés…

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L’ÉVALUATION PAR LES PAIRS

Au début de l’histoire de la science : création de sociétés savantes auxquelles étaient annoncés les travaux scientifiques. Ces sociétés existent toujours et publient désormais des revues.

Au 19e siècle, les scientifiques publiaient aussi dans les grands journaux. Aujourd’hui, c’est le rôle social des journalistes scientifiques.

Depuis la Seconde guerre mondiale : instauration du processus d’évaluation ou d’expertisation par les pairs dans les revues qui se consacrent à la science. Cette expertisation est devenue le critère de la « scientificité » de la publication.

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LE PROCESSUS D’ÉVALUATIONEn anglais : Peer-review

Toute revue qui reçoit un article le soumet à deux ou trois experts reconnus du domaine, en cachant le nom de l’auteur. Ce dernier ne connaît pas non plus le nom des évaluateurs (double-aveugle), de manière à assurer l’impartialité de l’évaluation.

Les évaluateurs font des recommandations à l’auteur et à la revue. C’est sur cette base que le comité éditorial de la revue accepte ou non la publication de l’article.

Exemple dans le EMBO journal (biologie)

Le taux de rejet peut être élevé selon la place de la revue dans la hiérarchie des facteurs d’impact (nombre de citations dans d’autres textes)

Processus fragile : fraude, mensonge, complaisance, préjugé, etc.

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NE PAS CONFONDRE LES DEUX DIMENSIONS DE LA PUBLICATION :

- Le processus qui a conduit à la publication (expertisation ou non, type de texte)

- Le support de la publication : sur du papier ou en ligne

Le papier semble plus crédible, probablement parce que non modifiable, non virtuel : préjugé !

Tout le mouvement du libre accès montre au contraire les bienfaits de l’utilisation appropriée d’internet dans le monde de la publication scientifique.

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LE LIBRE ACCÈS- Voie dorée : les revues en libre accès (25% des revues

dans le monde, 35% en Grande-Bretagne)

- Des revues papier transférées sur le web- Des revues uniquement en ligne- Proposées parfois dans des plateformes (bouquet de

revues)- Voie verte : les articles en libre accès

- Dans des revues- Dans des archives ouvertes ou dépôts institutionnels

Définition: Open access is immediate, permanet, toll-free online access to the full texts of peer-reviewed research journal articles. (Stevan Harnad 2007)

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LA VOIE DORÉEGratuit pour les lecteurs ! Ils ont financé les recherches par le biais de leurs impôts : c’est juste et équitable. Mais il faut financer les revues (le processus d’expertisation), et bien sûr abandonner le papier.

Comment financer ces revues :

- Auteurs payeurs (article processing charge) : 10% environ des revues en accès libre. PeerJ, PLos

- Sociétés savantes ou instituts de recherche : Elife- Subventions des universités et de l’État (au lieu de financer les abonnements aux

revues commerciales : Elsevier, Sage, Nature, etc.)

Très bonne organisation:

- Directory of Open Access Journals (9417 revues en juin 2013) et normes d’interopérabilité

- Open Access Scholarly Publishers Association a un code de conduite

- Coalition of Open Access Policy Institutions (COAPI) et the Scholarly Publishing and Academic Resources Coalition (SPARC) : alliance internationale de bibliothèques universitaires

- Des plateformes de revues :

- Plateforme de revues en accès libre d'Amérique latine- Plateforme Openedition- SCOAP3 : 12 revues en physique des particules unissent leurs forces pour partager

le coût du processus d’expertisation et deviendront toutes en accès libre en 2014- Virtual Open Access Agriculture and Aquaculture Repository

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LA VOIE VERTE- L’auto-archivage

- Les revues scientifiques le permettent, parfois après un embargo!- Pour faciliter le travail, les universités proposent des dépôts institutionnels- ORBI – université de Liège - Dépôt institutionnel de l'Université de Liège

- Avantages :

- Visibilité accrue des publications, rayonnement de la recherche- Dossiers de promotion équitables- Coûts réduits de la recherche scientifique pour la société, à long terme

- Difficultés

- Convaincre les chercheurs de déposer leurs textes : les archives sont vides…

- Lutter contre une culture scientifique conservatrice et un peu paresseuse qui ne distingue pas entre support matériel et processus d’évaluation

- Lutter contre l’idéologie de la tour d’ivoire- Lutter contre le culte de la propriété intellectuelle, pilier de l’économie du

savoir et des entreprises de valorisation industrielle de la recherche.- Solutions

- Politique institutionnelle qui appuie le libre accès : le MANDAT- Travail de formation et d’éducation auprès des chercheurs

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LES RESSOURCES SUR LES DÉPÔTS INSTITUTIONNELS

- Répertoire des politiques universitaires d'accès libre

- Répertoire français des politiques d'auto-archivage des revues scientifiques

- Répertoire britannique des politiques de droits d'auteurs et d'auto-archivage des revues scientifiques

- Répertoire espagnol des politiques d'autoarchivage des revues scientifiques

- HAL-AUF (Francophonie, Afrique et océan indien)

- HAL - archive ouverte en sciences sociale et humaines du CNRS (France)

- Répertoire des dépôts institutionnels en accès libre

- Coalition des universités nord-américaines pour l'accès libre

- Confédération des dépôts en accès libre

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LES CRITIQUES DU LIBRE ACCÈS- C’est une attaque contre les revues, elles ne pourront survivre.

Faux : elles devront baisser leur prix et se considérer comme un service public et non comme des entreprises à but lucratif

- Les revues en libre accès sont de moindre qualité, ont un moindre facteur d’impact : faux.

- Elles sont peut-être moins connues, surtout quand elles sont seulement sur Internet.

- L’accessibilité sur Internet n’a aucun rapport avec le processus d’évaluation par les pairs

- Elife, PeerJ, PLoS, MaxPLack Institute- Les derniers prix Nobel ont tous publié en libre accès- Le facteur d’impact est de plus en plus contesté, car ce qui compte

est l’article et non la revue

C’est aux auteurs de reprendre le contrôle sur leur travail et de choisir où et comment ils veulent publier.

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POLITIQUES SCIENTIFIQUES: UNE TENDANCE IRRÉVERSIBLE EN FAVEUR DU LIBRE ACCÈS2008 : Les NIH obligent les chercheurs qu’ils financent avec des fonds publics à mettre en accès libre leurs articles au plus tard 12 mois après la date de publication – création du dépôt

PubMed Central qui comporte de nombreux textes en libre accès

2013 : politique s’étend à tous les organismes fédéraux américains

2014 : même chose pour la Commission européenne, la Belgique, l’Allemagne.

CU: « To enable wider access to academic research to the vast majority who do not have access to research libraries »

2013 : tous les articles issus de la recherche publique en Grande-Bretagne doivent être dans des REVUES à accès libre : mauvaise stratégie qui va coûter cher aux universités et qui privilégient les éditeurs commerciaux

2013 : Québec??

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LES BLOGS DE SCIENCEUne autre façon d’écrire la science : les billets de blogs

- Vulgarisation scientifique (Agence science presse)- Prises de position- Présentation d’hypothèses et d’intuitions- Partage de ressources bibliographiques (curation du web)- Rendre accessibles les travaux à un public plus large- On peut aussi constamment mettre à jour, corriger, améliorer les billets

Des plateformes de blogs scientifiques (Hypothèses)

Anthologie des meilleurs blogs de langue française

Les avantages des blogs pour les doctorants : partager en ligne ses idées, ressources, hypothèses et bénéficier de celles des autres

Faire des liens avec Twitter, pour promouvoir nos billets

Problème : la reconnaissance officielle de ces contributions à la science n’est pas acquise.

Blog de la Maîtrise en histoire, mémoire, patrimoine de l’UEH

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ALTMETRICSRemise en question de la tyrannie du facteur d’impact, créature d’un groupe privé d’édition scientifique (Thompson Reuters) : basé uniquement sur le nombre de citations dans d’autres revues savantes.

Espoir : le mouvement des altmetrics, qui mesure l’impact d’un article selon les téléchargements, pages vues, la présence sur les réseaux sociaux scientifiques

Les réseaux sociaux scientifiques (privés) sont : Mendeley, researchgate, figshare, scoop.it, mysciencework

« New ways of measuring scholarly impact on the social web will allow real-tme, crowdsourcing filetring of diverse scholarly products, leading to a new landscape of interoperable services that replace traditional journals »

Le site Impact story : combien de fois un article est « téléchargé, partagé, aimé » par des chercheurs ou par le public.

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LES OPTIONS DE PUBLICATION POUR LES CHERCHEURSCatégories reconnues dans les dossiers de promotion

- Un livre

- Une revue scientifique imprimée très pointue, connue seulement par les spécialistes du domaine : effet tour d’ivoire

- Une revue généraliste, en général payante pour les lecteurs, plus ou moins prestigieuse, lue et réputée

- Des actes de colloque

Depuis l’arrivée d’Internet

- Une revue en ligne (clone ou non d’une revue imprimée), dotée ou non d’un processus d’expertisation

Mais aussi:

- Un blog

- Un site Internet (actes de colloques, par exemple)

On peut aussi publier des entrevues vidéo ou nos présentations powerpoint!

« Les décisions que nous prenons comme chercheurs universitaires ont le potentiel de déterminer qui a ou n’a pas accès à notre recherche. Une personne non abonnée à une bibliothèque a le droit d’y avoir accès si la recherche en question est financée par les fonds publics »

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RECOMMANDATIONS DU HARVARD OPEN ACCESS PROJECT- Déposez tout de suite vos articles dans un dépôt institutionnel, même

s’il n’est pas immédiatement accessible

- Refusez de vendre ou de céder les droits

- Soumettez vos articles à des revues en libre accès ou qui font payer des abonnements raisonnables : move prestige to Open Access

- Choisissez la licence Creative commons Share alike (CC-BY): le lecteur est libre de copier, distribuer et transmettre l’œuvre en citant l’auteur.

- Citez des textes publiés en accès libre, ne signalez pas sur Twitter les textes qui ne sont pas en accès libre

- Si vous êtes membre du bureau de direction d’une revue, proposez de baisser les coûts d’abonnement ou de passer au libre accès. Si impossible, démissionnez et joignez-vous à des revues en accès libre. Boycottez les autres!

- Soulevez la question du libre accès dans les sociétés savantes et avec vos étudiants

- Encouragez les sociétés savantes ou associations à prendre le contrôle des revues scientifiques au détriment des éditeurs commerciaux (profit de 57%)

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ÉVALUATION OUVERTE

Ouvrir le processus d’expertisation en rendant publics les textes des évaluateurs (mais pas leur nom)

- Permet de lire la science en train de se faire

- Minimise les risques de fraude et de complaisance, d’auteurs fantômes

- Plus de transparence de la gestion des revues et des pressions qui s’exercent sur elles (industrie)

- Plus d’intégrité globale

Il y a aussi des sites qui font de l’évaluation post-publication, c’est-à-dire qui évaluent des articles déjà publiés : F1000, par exemple.

Le modèle choisi pour notre revue Sur les sciences.

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LES OPTIONS DES REVUES- Garder ou non une version imprimée (accès à Internet, transformation

des bibliothèques universitaires)

- Mettre en ligne les numéros antérieurs, pour leur donner une nouvelle vie

- Offrir un choix de licence aux auteurs : copyright, CC-BY. Les auteurs ne perdent jamais leurs droits sur leur création intellectuelle. Les contrats ne portent pas sur le contenu des textes, mais sur le produit publié.

- Imposer un embargo plus ou moins long jusqu’à la mise en libre accès

- Permettre de mettre le pdf sur un site personnel, un dépôt ou une archive

- Publier ou non le processus d’évaluation scientifique

- Accompagner les articles d’autres sections et même ouvrir des blogs, en général thématiques

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LES DONNÉES OUVERTES

On peut aussi partager nos données de recherche : un cran de plus dans la culture d’ouverture et de collaboration

- Jean-Claude Bradley : Open science notebooks

- Séminaire d’anthropologie à Brown University

- Le data-mining : des robots qui extraient d’articles publiés sous licence CC-BY des données secondaires, de manière à faire des méta-recherches.

Un champ en pleine évolution, à suivre par exemple dans les travaux de la Open Knowledge Foundation, qui a des groupes dans de nombreux pays.

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SCIENCE CITOYENNEInclure des non-scientifiques dans le processus de recherche, c’est possible!

- Collecte de données : Tele-botanica ou atlas des moustiques

- Analyse de données : Galaxy Zoo

- Création conjointe (co-construction) d’un objet de recherche : projet Photovert, recherche-action participative

- Cyberscience citoyenne/participative : puissance de calcul collective!

- Hackaton : tout le monde bidouille des applications…

Avantages : augmente la capacité de recherche et enrichit la culture scientifique

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THE MOST-STRESSFUL SCIENCE PROBLEMBY CAREN COOPER

Citizen science refers to public participation in genuine scientific research, as simple as sharing observations of birds in backyards to as complex as tracing brain neurons online. Citizen science is the stress-free side of science: the games and hobbies of discovery that people enjoy in their leisure. Citizen science works because we are a curious species.

From the last decade of studying the phenomena of citizen science, we have learned that citizen science co-creates highly reliable scientific knowledge and builds social capital.

Co-created knowledge via citizen science is a hybrid: as quick and extendable as professional scientific knowledge and potentially integrated into our culture somewhat like traditional knowledge. Citizen science re-locates science into our daily lives, our hobbies, and our shared human culture.

I work at one hub of citizen science, the Cornell Lab of Ornithology. Leave the Einstein hair to me and bring science out to you through the doors opened by citizen science. The sooner we learn to co-create knowledge, the better our chance to pull humanity through the complex challenges we face to create an environmentally, socially, and economically sustainable society.

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BOUTIQUE DE SCIENCES

Un dispositif original qui fait le pont entre

- les organismes de la société civile, les associations, les organismes communautaires ou d’économie sociale, mais aussi des organismes para-publics comme des écoles

- Les étudiants universitaires

Dans le cadre de la formation de ces derniers : formation à la recherche pour les études post-graduées, mais pas seulement.

La demande vient de l’organisme, les étudiants y répondent sous la supervision de leur professeur. Ils sont payés en « crédits d’études ». Tout le monde est gagnant!

Création d’Accès savoirs à l’Université Laval

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IMPACTS DE LA SCIENCE OUVERTE

Existence d’une science en libre accès, transparente, peut-être plus intègre, faisant partie du bien commun, du patrimoine commun de l’humanité

Transformation de la culture scientifique : les chercheurs pensent plus spontanément à partager leurs travaux, y compris les colloques

-Forum science, recherche et sociétéhttp://www.forum-srs.com/

Rendre accessibles les travaux d’un colloquehttp://rigourandopenness.com/vidsandslides

Réseau sci-dev: Inscrire la science au cœur du développement mondial

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IMPACTS CONCRETS POUR LES PAYS DU SUDAccès à de nombreuses plateformes de revues en accès libre

(voir Open Access Publishing and the Developing world)

Accès à toutes les publications déposées dans des dépôts en accès libre, par Google!

Création des MOOC, Massive Online Open Courses

Visibilité de tous les chercheurs sur Google scholar

Le partage des données et des textes scientifiques améliore la qualité de la recherche pour tous, donne le goût de la science.

La science citoyenne libère la science de ses conventions et de son élitisme.

Bonne science ouverte