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LA VILLE EN MARCHE
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
PREFACE
Chaque année, l’association Études Urbaines, composée de quatorze élèves en
dernière année à l’EIVP (École des Ingénieurs de la Ville de Paris), organise à
partir de février une étude globale : Studies in Urban Planning, abordant une
problématique urbaine.
Ils choisissent, pour ce projet qui va cheminer durant toute l’année, des thèmes
ambitieux, actuels et internationaux. Leur travail doit s’appuyer sur les
expériences de plusieurs villes à travers le monde. Pour donner plus de réalisme à
leur étude, ils organisent un voyage de 10 jours en novembre pour l’ensemble de
la promotion divisée en 4 groupes correspondant à chacune des métropoles
impliquées dans la thématique traitée. Sur place, les étudiants rencontrent des
professionnels afin d’analyser et comparer les différentes solutions apportées par
chaque métropole. Ce voyage d’étude est donc intégralement organisé par
l’association et profite à tous les étudiants de dernière année. Le financement de
ce voyage est assuré par les partenaires publics et privés que les élèves ont eux-
mêmes démarchés.
En janvier, Études Urbaines remet un rapport et organise une conférence où tous
les partenaires de l’étude et ceux de l’école sont invités.
Les thèmes et les destinations sont très variés : « les Immeubles de Grande
Hauteur » (Chicago, Londres, Varsovie) « le Renouvellement Urbain »
(Amsterdam, Casablanca, Copenhague), « Jeux olympiques et expositions
universelles : quelle place pour la durabilité ? » (Londres, Lisbonne-Barcelone,
Pékin-Shanghai), « L'urbanisme souterrain, une opportunité pour la ville durable
» (Montréal, Helsinki, Monaco). Cette année, les étudiants ont choisi de traiter le
sujet « La Ville en Marche : un pas vers le confort des piétons » illustré par les
études menées à New York, Copenhague, Berlin et au Maroc dans les villes de
Casablanca et Fès.
Je suis particulièrement ravie de vous faire partager ce rapport synthétisant le
travail riche de nos étudiants extrêmement motivés. Ils partent en stage de fin
d’étude de 6 mois début février avant de commencer, dès septembre, leur
carrière, prometteuse j’en suis sûre, d’ingénieur en génie urbain.
Nathalie Bintner
Directrice des études
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
AVANT PROPOS
Le présent rapport est le résultat d’un an de travail réalisé par l’ensemble de
l’équipe de l’association Études Urbaines. Ce travail s’appuie sur un voyage
organisé au début de notre dernière année d’études à l’EIVP dans quatre
destinations choisies afin de compléter nos recherches sur le sujet par des
observations in situ. À cette occasion, nous avons rencontré et échangé avec des
professionnels, des acteurs publics, des universitaires, des associations ou des
habitants concernés par notre thème aux Etats-Unis, au Danemark, en Allemagne
et au Maroc.
L’ensemble des quatre-vingt-dix étudiants de la promotion 52 a été appelé à
participer lors de ce voyage d’étude. Notre ambition a été de choisir un sujet
d’étude original qui, en plus d’intéresser tous les membres de l’équipe, puisse
aussi remporter l’adhésion des étudiants qui ne sont pas membres de
l’association et leur permettre de nourrir leur culture dans le domaine. Ce sujet a
été pour nous « La Ville en Marche : un pas vers le confort des piétons ».
En effet, de plus en plus de politiques publiques incluent des éléments d’actions
dont le but est de rendre de l’espace aux piétons dans les villes, ce qui fait du
thème du piéton en ville un sujet dans l’air du temps… et pour cause ! Ces
mesures s’inscrivent complètement dans une démarche de gestion urbaine
durable. Ce thème très large du piéton en ville incluant plusieurs notions
complexes, il nous a fallu trouver une porte d’entrée afin de délimiter nos
recherches et nous avons choisi d’aborder le sujet en prenant l’axe du confort
des piétons.
Une fois le sujet choisi, nous nous sommes donc penchés plus précisément sur
cette notion de confort des piétons en réalisant des recherches poussées et en
contactant des spécialistes, des professionnels et des associations en lien avec le
sujet en France et à l’étranger. Nous avons choisi d’aller faire des observations in
situ dans 5 villes regroupées en 4 destinations afin de donner une résonance
concrète à notre étude.
Ainsi, nous sommes allés du 1er
au 11 novembre 2012 à New York, Copenhague,
Berlin et à Fès et Casablanca et y avons rencontré des spécialistes du sujet
préalablement contactés par les responsables désignés au sein de l’équipe. Ce
voyage a été entièrement organisé par les membres d’Études Urbaines et pour
cela, nous avons dû réunir les fonds nécessaires grâce à des partenariats établis
avec des entreprises qui sont venus compléter la subvention qui nous est
accordée par l’EIVP et l’AIVP.
Une restitution qui donnait une vue d’ensemble de notre travail a été organisée
le 17 janvier 2012 dans les nouveaux locaux de notre école situés 80 rue Rebeval
dans le 19ème
arrondissement de Paris.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
L’association Études Urbaines a, dans son ensemble, participé à la rédaction de
ce rapport. Elle compte parmi ses membres :
- Axel DIEUZAIDE, Président
- Marine PAVY, Vice-présidente
- Elisa HEURTEBIZE, Trésorière
- Brice MARQUET, Vice-trésorier
- Aline UNAL, Secrétaire
- Audrey OTT, Vice-secrétaire
- Louis Martin BONNOT, Chargé de communication
- Bénédicte GOURMANDIN, Vice-chargée de communication
- Violette GALLET, Responsable entreprises
- Alexis DEMOUVEAU, Responsable entreprises
- Noël FARKAS PARESYS, Responsable entreprises
- Lucas DUGRENOT FELICI, Responsable contacts en France
- Adrien RONDEAUX, Responsable logistique
- Quentin CHANCE, Responsable Planning
Nous tenons à remercier nos partenaires, sans qui cette étude n’aurait pas été
possible :
- L’EIVP
- L’AIVP
- ARCADIS
- JC DECAUX
- Le syndicat PROMU
Nous souhaitons également remercier chaleureusement tous les professionnels
qui nous ont aidés à réaliser cette étude en nous recevant lors de notre voyage :
- En France
M. Alain BOULANGER, Direction de la Voirie et des Déplacements de la Ville de
Paris
M. Jean-Pierre CHARBONNEAU, urbaniste
Mme Camille DE SOLAGE, Paris Région Lab
Mme Solène MOUREY, CAUE 75
M. Gwendal SIMON, Institut Français d’Urbanisme
Mme Sabine ROMON, Paris Région Lab
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
- A New York
Mme Terese FLORES, Département des parcs de la Ville de New York
M. Zhan GUO, New York University
M. Ethan KENT, Project for Public Spaces (PPS)
Mme Elena MADISON, Project for Public Spaces (PPS)
- A Copenhague
M. Kurt CHRISTENSEN, SBS Architects
M. Ullaliv FRIIS, Association Danoise pour les piétons
M. Hanne Bjørn NIELSEN, COWI
Mme Joanna Mai SKIBSTED, Département des transports, Ville de Copenhague
M. Tøger. Nis THOMSEN, Ville de Copenhague & Gehl Architects
- A Berlin
Mme Claudia REICH SCHILCHER, Municipalité de Berlin
M. Herst WOHLFARTH VON ALM, Sénat de Berlin
Mme Eva EPPLE, Membre du projet Grüne Hauptwege
M. Bernd HERZOG SCHLAGK, Association FUSS
M. Martin SCHLEGEL et Mme Gabi JUNG, Association BUND
M. Wolfgang SCHMIDT-BLOCK, Association DBSV
- Au Maroc
M. Mohammed AL-AOUZAÎI, Agence urbaine de Casablanca
M. Abderrahim KASSOU, Association de Sauvegarde du Patrimoine Architectural
du XXème siècle au Maroc
M. Mostafa LAZAAR, Agence Urbaine de Fès
M. Anthony MOPTY, Agence Richez Associés
M. Jean Yves REYNAUD, SYSTRA
M. B. SAÏD, Ecole Hassania des Travaux Publics de Casablanca
Les élèves de l’École d’Architecture Supérieure de Casablanca
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
LE MOBILIER URBAIN, DES SERVICES ESSENTIELS POUR LE CONFORT DES PIETONS
Chaque piéton, chacun à sa manière, a besoin pour son confort et plus généralement sa vie en ville que soient mis en place
sur les espaces qu’il emprunte des solutions techniques et du mobilier urbain fonctionnels pour permettre son
cheminement au quotidien. Pour l’ingénieur, c’est tout un monde : les usagers de l’espace urbain qui se déplacent à pied
appréhendent leur environnement bien différemment d’un automobiliste ou d’un cycliste, l’échelle de référence est le
corps avec ses limites, ses besoins, ses aspirations, quelquefois secondé par un équipement d’aide au déplacement. Les
unités de mesures ne sont plus les mêmes, ce sont la longueur d’un pas, le rayon d’un bras, d’une canne, la largeur d’une
poussette, le gabarit d’un fauteuil roulant...
Le mobilier urbain revêt une importance primordiale pour les piétons : potelets, bancs, tables, poubelles, candélabres,
kiosques à journaux, plans… chacun permet et rend tout simplement possible le déplacement à pied et assure son
agrément.
Le design et la disposition du mobilier urbain sur l’espace public sont conçus avec un soin qu’on a parfois du mal à
imaginer. Tout est mis en œuvre pour améliorer la lisibilité des lieux, contribuer à la propreté des rues, fournir au piéton un
moment de repos sur son parcours : faire que la ville devienne « sa » ville… Là où l’automobiliste verra dans un potelet un
simple marqueur du bord du trottoir, le piéton qui y pose la main en attendant le feu vert appréciera sa rondeur, son lissé,
sa couleur, autant de caractéristiques qui viennent enrichir son contact avec la ville, qui lui font sentir que cette ville a été
pensée pour lui.
Nous l’avons compris, le mobilier urbain est une composante essentielle de l’espace public et participe du confort, voire du
bonheur au quotidien du piéton. C’est pourquoi nous sommes heureux d’avoir associé plusieurs industriels du secteur à
notre étude au travers de partenariats privilégiés. Nous tenons à remercier très chaleureusement les équipementiers de
l’espace public JCDecaux et le syndicat des PROfessionnels du Mobilier Urbain (PROMU) de l’intérêt qu’ils ont bien voulu
accorder à nos travaux.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
INTRODUCTION
"La marche, c'est l'avenir". Voici une phrase que l’on entend de plus en plus
souvent, aujourd'hui, quand on s'intéresse à la ville. Au premier abord, cela peut
paraitre surprenant : la marche n'est-elle pas plutôt la marque du passé, en tant
que mode de déplacement humain ancestral ? C’est bien là qu’est toute la
question. Le monde a jusqu’ici évolué comme si ce mode de déplacement était
obsolète, si bien que la majorité de nos villes modernes sont devenues des
structures géantes qui s’articulent autour de la seule logique de l'automobile. Le
piéton, lui, a tout simplement été mis au second plan. Or, aujourd'hui, avec la
détérioration des conditions de vie urbaine, l'évolution des mentalités et la
sensibilité grandissante pour le développement durable, beaucoup ont revu leur
copie.
Transport économique par excellence, garant de la santé des citadins, vecteur de
rencontre, ou encore porteur de nouvelles formes d'urbanité, la marche présente
bien des atouts qui peuvent intéresser nos contemporains. Déplacement ultime,
combinable aux autres, et nœud obligatoire entre tous les modes, la marche
permet d'interagir avec son environnement, de s'arrêter, de repartir, de
découvrir, d'observer les autres et d'échanger avec eux. Face aux transports
urbains qui ne tendent qu'à glisser au cœur de la cité en évitant tout contact, le
déplacement piéton, lui, s'accroche aux aspérités de la ville et offre une lenteur
propice à son appropriation. La mobilité, enjeu central des politiques urbaines
actuelles, retrouve, elle, dans la marche, un mode qui s’inscrit parfaitement dans
ses problématiques.
Si le piéton varie dans son comportement, changeant de rythme, se déplaçant
pour des raisons différentes, il varie aussi dans sa nature : on ne peut pas
considérer de la même façon le flâneur nonchalant et l'homme pressé, le touriste
et l'habitant du quartier. Une personne à mobilité réduite se déplaçant en
fauteuil roulant n’est-elle pas, elle aussi, un piéton ? Avec de tels exemples, nous
commençons à entrevoir la complexité d'une telle problématique. Comme l'écrit
Rebecca SOLNIT dans L'art de marcher, « La marche est un sujet glissant dont la
réflexion a le plus grand mal à se saisir (…). ». C'est une réalité, les angles
d'attaque du sujet sont nombreux, comme en témoigne la profusion de livres
consacrés au piéton et à la marche ces dix dernières années.
Nous pouvons faire le constat suivant : la politique de la ville, aujourd'hui, se
tourne de plus en plus vers l'individu, ses attentes, ses envies, sa santé et son
bien-être. Vivre oui, mais bien vivre. Comment alors appréhender les situations
particulières, en visant un objectif global de promotion de la marche ? Comment
repenser la ville pour remettre au centre des débats les piétons ?
Nous avons fait un choix : prendre comme porte d’entrée le confort des piétons.
Terme plus communément utilisé dans le cadre intime de l’habitat que dans celui
de l’urbain, le confort présente l’intérêt d’interroger les situations de chacun, et
d’aborder la place des piétons par un axe autant technique que par celui du
ressenti personnel. Aussi, le confort des piétons peut être, et doit être selon
nous, un objectif central pour les villes, et a fortiori pour tous ceux qui à un
moment donné travaillent ou travailleront à son évolution.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
Le but de ce rapport est de nous interroger sur ce confort des piétons, d’en
comprendre les difficultés d’approche, mais également de s’en saisir pour agir de
façon bénéfique et durable sur la ville. Car c’est bien là la finalité, montrer qu’il
est possible d’améliorer le confort des piétons, et que certains agissent déjà, que
certains pensent, inventent, expérimentent, en France et à l’étranger.
Notre étude avait comme vocation de croiser les situations et les politiques de
plusieurs villes du monde. Nous nous sommes intéressés aux villes de New-York,
Copenhague, Berlin, Fès et Casablanca et avons étudié chez elles la question de la
marche urbaine et du confort piéton. Ces choix ont été motivés non seulement
par l’intérêt particulier que chacune de ces villes revêt en raison des actions qui y
sont actuellement mises en œuvre pour les piétons, mais aussi et surtout par
notre volonté de prendre en compte une véritable diversité culturelle.
Après un travail préparatoire complet, nous avons participé à des séjours
d'études dans chacune de ces villes afin de comprendre in situ les situations et de
rencontrer directement des acteurs locaux, qu'ils soient acteurs politiques,
universitaires, entreprises privées ou simples habitants. Bonnes pratiques,
aménagements innovants, enjeux d'améliorations, points de convergence ou de
différence, croisement d'informations : nous avons cherché à faire ressortir un
maximum d'idées, qui pourraient s’appliquer, en France, en particulier à la Ville
de Paris ou, plus largement, dans l’agglomération parisienne.
Ce rapport présente les résultats de cette étude. Il se veut accessible au plus
grand nombre et proposer, non pas des vérités générales, mais des pistes pour
amener chacun à réfléchir sur la ville. Après avoir présenté de façon plus détaillée
la marche urbaine, ses enjeux et sa complexité, l’attention se porte sur la notion
de confort des piétons, en proposant des méthodes, dont celle que nous avons
utilisée, pour recueillir de l’information. Appliquée à nos villes d’étude, l’analyse
du confort ouvre finalement sur des champs d’actions concrets et des exemples
de solutions, pour agir et construire dès aujourd’hui des villes plus modernes,
plus durables, dans lesquelles les piétons seront mieux pris en compte.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
Études Urbaines
TABLE DES MATIERES
Préface ....................................................................................................................... 3
Avant propos .............................................................................................................. 4
Le mobilier urbain, des services essentiels pour le confort des piétons .................... 7
Introduction ............................................................................................................... 8
Table des matières ................................................................................................... 10
I. La marche en ville ............................................................................................ 13
I.A. La marche, un mode de déplacement pas comme les autres ....................... 13
I.A.1. Un mode de déplacement historique ................................................ 13
I.A.2 Un mode de déplacement à promouvoir .......................................... 14
I.B. La marche en ville, une diversité d’acteurs et de pratiques ................... 17
I.B.1 Une diversité d’acteurs ...................................................................... 17
I.B.2 Une diversité de piétons .................................................................... 26
I.B.3 Une diversité de raisons de marcher ................................................. 28
I.B.4 Une diversité des rythmes et des allures........................................... 32
II. Le confort des piétons ..................................................................................... 35
II.A. Choix du thème et hypothèses retenues ................................................ 35
II.A.1 Pourquoi choisir le thème du confort des piétons ? ......................... 35
II.A.2 Définir le confort des piétons ............................................................ 39
II.B Un besoin d’informations et une méthode pour les recueillir ............... 41
II.B.1 Plusieurs méthodes de recueil d’informations ................................. 41
II.B.2 La méthode que nous avons choisie : le « Je-tu-il » .......................... 42
II.C. Notre étude à l’étranger .............................................................................. 43
II.C.1. Des villes et des contextes différents ................................................ 43
II.C.2 Des villes et des situations différentes de confort ............................ 48
II.D Le confort des piétons à Paris ................................................................ 64
II.D.1 Un fort potentiel piéton à Paris et dans la région ............................. 64
II.D.2 Des problématiques spécifiques ....................................................... 65
III. Le confort des piétons : un champ d’action ouvert qui appelle des choix
politiques ................................................................................................................. 70
III.A. Agir pour le confort des piétons : une affaire de dosage ....................... 70
II.A.1 Harmoniser les espaces mais ne pas uniformiser à l’excès ............... 70
III.A.2 Réaliser des aménagements emblématiques mais savoir rester
simple 73
III.B. Agir pour le confort des piétons : des choix politiques à assumer......... 77
IIi.B.1 Séparer les flux ou partager l’espace ? ............................................. 77
III.B.2 Informer sur l’espace public ou faciliter l’équipement personnel ? . 83
III.C. Agir pour le confort des piétons : oser bousculer les habitudes ............ 96
III.C.1 Oser les innovations et les expérimentations ................................... 96
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
Études Urbaines
III.C.2 Oser regagner de l’espace ............................................................... 103
Conclusion .............................................................................................................. 108
Bibliographie .......................................................................................................... 109
Articles ............................................................................................................... 109
Support de cours................................................................................................ 109
Ouvrages ............................................................................................................ 109
Publications ....................................................................................................... 109
Sites Internet ..................................................................................................... 109
Conférences et Rencontres .................................................................................... 110
Sigles ...................................................................................................................... 112
Annexe n°1 : Quelques questionnaires utilisés ...................................................... 113
Annexe n°2 : Des villes ........................................................................................... 114
Paris ................................................................................................................... 114
Une ville française, au statut à part............................................................... 114
Un développement qui a généré une ville aux ambiances multiples ............ 115
Berlin .................................................................................................................. 117
Une ville moderne et tournée vers l’environnement .................................... 117
Un passé omniprésent ................................................................................... 119
Copenhague ....................................................................................................... 121
Un développement urbain au service de l’économie ................................... 121
Une ville dédiée aux circulations douces ...................................................... 122
New York ........................................................................................................... 124
Des usages fortement influencés par le contexte géopolitique ................... 124
Une organisation de la ville qui a peu évolué avec les usages ...................... 127
Un jeu d’acteurs ambigu ............................................................................... 128
Au Maroc, Fès et Casablanca ............................................................................ 130
Fès 130
Casablanca .................................................................................................... 131
Annexe n°3 : Des exemples en situation ............................................................... 132
New York ........................................................................................................... 132
La Piétonisation de Broadway et le projet Greener Greater NYC ................. 132
La High Line ................................................................................................... 136
La sixième avenue et demie .......................................................................... 139
Le Pédibus ..................................................................................................... 141
Les nouveaux systèmes d’échafaudages « Umbrellas » ............................... 142
Berlin ................................................................................................................. 145
GrüneHauptwege .......................................................................................... 145
« Zu Fuss zur Schule » (aller à pied à l’école) ................................................ 147
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
Études Urbaines
Annexe n°4 : L’art au service de la marche ............................................................ 148
Des œuvres d’art pour dynamiser l’espace public............................................. 148
L’art pour changer les comportements ............................................................. 150
Annexe n°5 : Découvrir la ville à pied .................................................................... 151
Tirer un fil : La FreedomTrail de Boston ............................................................ 151
Les Discovery Walks de Toronto ........................................................................ 152
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
13
Études Urbaines
I. LA MARCHE EN VILLE
I.A. LA MARCHE, UN MODE DE DEPLACEMENT PAS COMME LES
AUTRES
I.A.1. UN MODE DE DEPLACEMENT HISTORIQUE
Il faut bien comprendre que la marche est longtemps restée l’unique moyen de
déplacement de l’humanité. Les premiers humains ont quitté l'Afrique il y a 60
000 ans environ. Ils ont marché le long de la côte Indienne pour atteindre
l'Australie mais également à travers l'Asie, pour atteindre les Amériques par le
détroit de Behring, et de l'Asie centrale vers l'Europe. Malgré l’invention de la
roue vers 3500 av. J.C et le début de la traction animale qui en a découlé, la
marche reste, jusqu’au milieu du XIXème siècle, le mode de déplacement le plus
utilisé. Jusqu’à cette époque, posséder une monture est synonyme de richesse.
Les déplacements à cheval restent donc marginaux par rapport à la masse des
déplacements effectués à pieds. La vitesse moyenne de déplacement des
hommes se situe alors autour d’un mètre par seconde.
Cette difficulté de déplacement a conduit à deux modes de vie principaux :
LE NOMADISME
Les hommes ont vécu à l’état nomade durant une longue période, s’étalant du
Paléolithique au Néolithique. La marche permettait aux nomades de profiter
pleinement des ressources locales, laissant à ces dernières un temps suffisant
pour se régénérer, avant le passage des nomades suivants. On considère que 60%
de la population mondiale vivait encore selon ce mode de vie en 1500.
LA SEDENTARITE
Les hommes commencent à se sédentariser pendant l’ère Néolithique. Ce mode
de vie implique de se déplacer en aller-retour depuis un point fixé et détermine
alors un espace de vie d'un rayon d’environ sept kilomètres. Jusqu'au début du
XIXème siècle la majeure partie de la population n’ayant pour seul mode de
déplacement que la marche, la vie se déroulait donc intégralement dans cet
espace. Les échanges de biens se font de proche en proche, avec 90% de la
production consommée par la population produite dans ce même rayon de sept
kilomètres.
L’invention de l’automobile au XIXème siècle, et sa popularisation pendant le
siècle suivant, vont modifier le rapport de l'homme avec la marche. Cette
invention fait alors émerger le rêve de l'abolition de la contrainte spatiale et
temporelle, que l'on retrouve jusqu’à aujourd’hui dans la recherche effrénée de
vitesse. Sur son aspect fonctionnel, la marche est ainsi mise en concurrence avec
une automobile désormais abordable dans une ville redessinée pour son usage,
mais aussi avec le vélo et les transports en commun qui offrent des substituts à
ceux qui n’en disposent pas.
Dans les années 1970, la marche suscite un fort regain d’intérêt, phénomène lié,
en particulier, au premier choc pétrolier et à l’insécurité routière, comme
l’explique Jean-Marc Offner1, directeur du Laboratoire Techniques, Territoires et
Sociétés (LATTS) et professeur à l’École Nationale des Ponts et Chaussées, ce qui
s’accompagne de lancements d’études et de la publication d’ouvrages sur le
sujet.
1 Offner, J.-M., 2008, « Trente ans de pas perdus ! », Revue Urbanisme, 359, p 43.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
14
Études Urbaines
Cependant, la marche ne représente plus aujourd’hui qu’un quart à un tiers des
déplacements, contre le tiers à la moitié il y a près de quarante ans. Plusieurs
propositions d’explications sont évoquées : les nouveaux espaces urbains ne
favoriseraient pas les déplacements courts, la concurrence des autres modes de
transport, automobiles, mais aussi, transports en commun, le délaissement des
commerces de proximité au profit des centres commerciaux, ou encore
l’insécurité inspirée par l’espace urbain.
Pourtant, la question du piéton est toujours au cœur de l’actualité, et peut-être
même bien plus encore qu’il y a quarante ans. À l’heure où économies d’énergie,
lutte contre les gaz à effet de serre, gestion urbaine durable sont au centre de
tous les débats, la marche revient en force. En témoignent non seulement la
profusion d’ouvrages publiés récemment, mais aussi les diverses conférences ou
expositions organisées sur ce thème, la multiplication des projets de
piétonisation, et même les spots publicitaires, qui nous rappellent les
recommandations des spécialistes de la santé.
I.A.2 UN MODE DE DEPLACEMENT A PROMOUVOIR
POURQUOI PROMOUVOIR LA MARCHE ?
Le développement des modes de déplacement motorisés en tant qu’alternative à
la marche a été très rapidement questionné. Aujourd’hui, les problématiques
d’économies d’énergie, de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et,
plus largement, de gestion urbaine durable sont au centre de tous les débats, et,
en particulier, des débats politiques. Sous l’impulsion de ces problématiques, les
élus décident désormais de revenir au développement des modes de
déplacement doux, dont la marche fait partie.
La pratique de la marche comme mode de déplacement en milieu urbain pourrait
être l’une des réponses (et l’une des plus simples à concevoir !) à ces questions
complexes. De nombreux spécialistes s’y intéressent aujourd’hui : sociologues,
aménageurs, urbanistes, chercheurs ou enseignants tels que Jean-Pierre
Charbonneau ou Rachel Thomas en font le sujet de leurs recherches voire de leur
carrière. En parallèle de ces professionnels, des organismes, tel que
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), lancent des campagnes à large
échelle sur la marche et ses multiples bienfaits sur la santé.
LE PREALABLE A TOUTE MOBILITE
La marche est le moyen d’interconnecter chacun des modes de déplacement
d’un territoire. Quel que soit le mode de déplacement que l’on choisit, une partie
du trajet est effectuée à pied : on se rend et se déplace dans les gares, dans les
stations de transports en commun en marchant, on rejoint son véhicule à pied. A
ce titre, la marche est le pivot de toute mobilité. Support d’intermodalité, elle est
le liant et le lien entre les différents modes de déplacement. Toute politique de
déplacement se doit donc de prendre en compte la marche.
DIMINUER LA PART DES DEPLACEMENTS MOTORISES
Augmenter la part modale de la marche dans les déplacements urbains signifie
avant tout réduire de façon importante les circulations motorisées en ville, et
ainsi limiter leurs nombreux impacts négatifs.
Sans même parler des qualités propres de la marche, substituer ce mode de
déplacement doux aux modes motorisés permet :
- d’améliorer la qualité de l’air en ville, en limitant les émissions de
polluants (NOX, COV) et de particules, à l’origine de maladies
respiratoires chez les personnes exposées ;
- de limiter les émissions de gaz à effet de serre, et ainsi de lutter contre
le réchauffement climatique ;
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
15
Études Urbaines
- de réduire les nuisances sonores que subissent les citadins, causées
majoritairement par le trafic motorisé ;
- d’améliorer le « paysage olfactif » des habitants en diminuant les odeurs
de gaz d’échappement ;
- de regagner l’espace urbain qui est aujourd’hui largement occupé par les
modes motorisés (chaussée, places de stationnement), et ainsi de
disposer de plus d’espaces de convivialité (places, jardins).
AMELIORER LA SANTE DES CITOYENS
Le développement des modes de déplacement mécanisés, qu’il s’agisse ici de la
voiture ou des transports en commun, a eu pour conséquence de diminuer
l’activité physique des citoyens. Ce manque d’activité physique, couplé à une
suralimentation désormais courante puisque la nourriture est accessible en
abondance, peut avoir de lourdes conséquences sur la santé : surpoids2, obésité
3,
problèmes cardio-vasculaires et respiratoires, diabète, dépression...
Le Ministère de la Santé préconise un minimum de 30 minutes d’activité
physique quotidienne pour prévenir les risques d’apparition de ces maladies
chroniques. La marche est l’une des activités qui se pratiquent le plus simplement
car elle ne nécessite aucun équipement particulier et peut s’intégrer dans la vie
quotidienne. L’Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé
(INPES) a d’ailleurs mené en novembre 2010 une campagne de communication
télévisée et d’affichage pour promouvoir l’activité physique dans le cadre du
Programme National Nutrition Santé (PNNS). Cette campagne mettait
2 On parle de surpoids lorsque l’indice de masse corporel (IMC) est supérieur à
25. L’IMC d’une personne est égal à son poids exprimé en kg divisé par sa taille exprimée en m au carré.
3 On parle d’obésité lorsque l’IMC est supérieur à 30
particulièrement en évidence la facilité avec laquelle chacun peut réussir à
intégrer 30 minutes de marche dans ses activités quotidiennes.
Affiche faisant partie de la campagne de communication de l’INPES, novembre 2010
Source : INPES
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
16
Études Urbaines
DES ECONOMIES POUR CHACUN ET POUR LA COLLECTIVITE
Il est évident que pour un individu, la marche est le mode de déplacement le plus
économique qui soit : aucun investissement initial, pas d’abonnement à acheter,
pas de carburant à fournir !
Au-delà des économies individuelles que représente la pratique de la marche en
remplacement d’un mode de déplacement mécanisé, la collectivité y trouve elle
aussi son compte. Le fait que de nombreux citoyens choisissent de marcher
réduirait, comme nous venons de le voir, la prévalence de bon nombre de
maladies chroniques et de ce fait, le coût de santé publique engendré.
De plus, la santé économique d’une ville est améliorée par les actions qui
favorisent les circulations piétonnes. Ce type de déplacement contribue en effet
à la bonne vie des commerces de proximité et au dynamisme des centres villes :
lorsqu’un quartier est rendu piéton, les commerces situés dans le périmètre
concerné voient généralement leur chiffre d’affaires augmenter de 25 à 30%4.
AMELIORER LA QUALITE DE VIE
Une personne qui marche a bien plus conscience de l’environnement dans lequel
elle évolue et se déplace différemment d’une personne qui utilise un mode de
déplacement tel que la voiture. Marcher impose un rythme doux, une vitesse
réduite, qui permettent au piéton de découvrir la ville tranquillement et d’en
remarquer les détails. Ce rythme lent permet de véritablement s’approprier la
ville, de la considérer comme son espace de vie et non comme un espace
extérieur, étranger et potentiellement dangereux.
4 CETUR, STU, CETE d’Aix en Provence /Ministère de l’Environnement et du Cadre
de Vie , 1980, « Effets induits, zones piétonnes »
Bien plus qu’un mode « doux », la marche est un mode actif qui implique le corps
du marcheur, qui le met en relation directe avec la ville, sans tableau de bord
interposé. Contrairement à un automobiliste, un piéton ne fait pas que passer
dans la ville : il peut s’y arrêter, observer une vitrine, entrer dans un magasin,
mais aussi tout simplement parler à une autre personne, échanger un regard, un
sourire. A ce titre, la marche fait de l’espace urbain un espace de rencontre, un
lieu social.
LA MARCHE, SYNONYME DE DURABILITE
Promouvoir la marche en ville, c’est donc promouvoir un mode de déplacement
qui améliore la situation suivant les trois piliers du développement durable :
- économique : grâce aux économies réalisées par l’individu mais aussi en
termes de dépenses de santé publique ;
- environnemental : en limitant la pollution générée par les modes de
transport motorisés ;
- social : en améliorant la santé des citoyens et en créant un espace
urbain support de lien social.
Par conséquent, une politique en faveur du piéton s’inscrit complètement dans
une démarche de gestion durable de la ville.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
I.B. LA MARCHE EN VILLE, UNE DIVERSITE D’ACTEURS ET DE
PRATIQUES
Le fait d’être piéton nous apparaît à tous comme naturel. Nous pourrions alors
penser que la question de la marche en ville est simple. En réalité, il n’en est
rien !
En premier lieu, nous verrons que la question est complexe car la marche se
pratique en ville sur un espace multiforme sur lequel intervient une grande
diversité d’acteurs. L’espace public, sur lequel interagissent de nombreux acteurs
institutionnels, vient s’interconnecter à une multitude d’espaces privés gérés par
des entreprises ou des particuliers. C’est cet ensemble d’opérateurs qu’il faut
réussir à toucher lorsque l’on veut agir pour porter une véritable politique en
faveur du piéton.
Nous verrons ensuite qu’ « agir pour le piéton » n’a pas vraiment de sens… car il
n’existe pas un piéton standard mais plutôt une somme d’individus différents qui
ont des besoins, des attentes, des ressentis variables. Agir pour tous, c’est donc
prendre en compte toutes les catégories de personnes qui marchent en ville.
Enfin, nous verrons que les raisons de marcher diffèrent d’un individu à l’autre, et
même d’un déplacement à l’autre, et cela crée, là encore, des besoins et des
attentes différents. Là où l’un souhaitera aller vite et privilégiera un déplacement
piéton efficace, un autre aimera prendre son temps et flâner dans la ville. La prise
en compte de ces différents rythmes de marche et des conflits qu’ils peuvent
éventuellement générer est essentielle pour réussir à proposer une ville où il est
confortable de marcher.
I.B.1 UNE DIVERSITE D’ACTEURS
La question de la marche en ville n’engage pas seulement les piétons mais aussi
un panel d’acteurs divers, dont les leviers d’action et l’impact sur le confort des
piétons en ville diffèrent. Nous allons ici vous en présenter les principaux.
LES PIETONS EUX-MEMES
Les premiers acteurs de la marche sont évidemment les piétons !
Les piétons, premiers expérimentateurs de la ville, apparaissent comme les mieux
placés pour juger des aménagements et des cheminements piétons mais, comme
nous le verrons plus loin, ils n’ont pas tous les mêmes besoins et attentes. Leurs
comportements peuvent être étudiés et constituer une base de réflexion pour les
différentes politiques menées.
Les piétons, au travers de leur qualité d’électeur, disposent d’un moyen indirect
d’agir sur les politiques menées au niveau local (commune, département, région)
ou plus global (national ou européen). Ils peuvent être amenés à exprimer plus
directement leurs besoins auprès des élus et des aménageurs lors de réunions de
concertation ou dans des structures telles que les conseils de quartiers.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
LES STRUCTURES ASSOCIATIVES
Les citoyens peuvent décider de se rassembler dans une structure associative. En
France, ce mode de fonctionnement sert surtout à créer des groupes de réflexion
et à mieux se faire entendre des acteurs publics, mais dans certains pays comme
les Etats-Unis, de nombreuses associations ont été créées pour porter des projets
sur l’espace urbain.
C’est par exemple ce qu’a fait l’association « Friends of the High Line » (les amis
de la High Line) à New York, en œuvrant pour protéger et transformer une
ancienne ligne de fret new-yorkaise vouée à la démolition par la Ville.
Ce projet d’envergure, entièrement porté et réalisé par l’association, a rencontré
un tel succès qu’il a été repris par la Ville de New York qui prévoit de continuer
cette démarche sur la partie restante de la ligne (Voir annexe 3).
Logo du site officiel de l’association « Friends of the Highline »
Source : Friends of the Highline
En France, l’association « Rue de l’avenir » s’attache, elle, à créer, à la manière de
celui qui a été réalisé en Belgique,, un code de la rue, c’est-à-dire une déclinaison
du code de la route adaptée spécifiquement au milieu urbain. Ce code a vocation
à fournir un cadre qui permettrait à tous les usagers de l’espace de fonctionner
de façon efficace et sécurisée.
Cette association est également à l’origine d’un concours appelé « La rue… on
partage ! ». Ce concours permet de faire participer un grand nombre de
personnes à une réflexion sur les différents usages qui coexistent dans l’espace
public : les participants sont invités à présenter leur vision de la rue et les usages
qu’ils en font ou qu’ils aimeraient pouvoir en faire.
Logo de l’association «Rue de l’avenir »
Source : Rue de l’avenir
Lorsque l’on considère un aménagement de l’espace public, il est toujours utile
de différencier l’intérêt local et individuel – typiquement le trottoir devant chez
soi ou le cheminement jusqu’à la gare effectué par un individu chaque matin - de
l’intérêt général - l’aménagement de tous les chemins menant à la gare. Le
regroupement des individus en association permet, dans une certaine mesure, de
dépasser cette opposition tout en restant au plus près des préoccupations réelles
des usagers de l’espace.
Les structures associatives, parce qu’elles sont ouvertes à tous, s’adaptent
naturellement à l’échelle pertinente d’une problématique : tous ceux qui se
sentent concernés peuvent adhérer et contribuer au débat. Les associations
constituent donc en général une bonne solution pour faire entendre les attentes
des usagers d’un lieu donné. En effet, ces attentes sont différentes selon la
typologie du lieu considéré. Dans une zone dense, par exemple, les usagers
peuvent apprécier de grands espaces dégagés pour circuler sans contraintes
tandis que dans des zones plus résidentielles, la préférence ira à des espaces plus
intimes, moins vastes, pour ne pas s’y sentir perdu ni trop exposé.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Les exemples en photo ci-après, deux lieux où l’aménagement a été pensé en
prenant en compte les attentes des usagers, montrent à quel point le traitement
des espaces et les usages varient d’une zone dense à une zone résidentielle.
Zone dense, Times Square, NYC
Source : Études Urbaines
Zone résidentielle Hochfelden, Bas-Rhin
Source : Commons.wikimedia.org
LES CITOYENS CONSULTES PAR LEURS ELUS
Dans le contexte actuel où la préservation de l’environnement est au centre des
débats et où le prix du pétrole ne cesse d’augmenter, un nombre croissant de
citoyens se tourne vers la marche et les transports en commun. Il est donc
normal que de plus en plus de politiques en faveur de ces modes de déplacement
voient le jour. Notons tout de même que cette volonté politique n’est pas
présente dans toutes les villes.
Les actions visant à promouvoir la marche transforment bien souvent en
profondeur la ville et les usages qui y sont faits, c’est pourquoi certains élus
cherchent à s’assurer de l’adhésion de leurs administrés lors de la mise en œuvre
de telles politiques.
Des réunions de concertation sont organisées par les porteurs de projets urbains
pour connaitre les attentes et les envies des habitants. A Berlin, par exemple, le
réaménagement de la Gendarmenmarkt, l’une des places les plus connues et les
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
plus touristiques de la ville, a fait l’objet de quatre réunions de concertation,
chacune rassemblant près de mille personnes. Lors de la dernière réunion, quatre
projets d’aménagement de la place ont été présentés au public, et tous ont été
invités à voter pour leur projet préféré. C’est ainsi que le nouveau visage de cette
place emblématique a été décidé.
Des modes de consultation plus originaux peuvent être imaginés. A Paris, par
exemple, lors du projet de réaménagement de la place de la République, des
marches commentées de jour comme de nuit ont été organisées avec les
riverains et les usagers pour connaître leurs attentes et leurs difficultés avec la
place existante. Cette initiative a permis d’établir un cahier des charges bien en
phase avec les attentes des différents usagers du lieu.
La marche commentée, exemple d’action menée par la Ville de Paris pour déterminer
l’aménagement le plus pertinent
Source : www.atelier-tixier.com
Lorsque le projet considéré est à l’échelle d’une ville entière, un vote par
référendum peut être organisé. Ce fût le cas dans la commune de Fontanil-
Corniallon (38) où la question de la piétonisation du centre-ville a été décidée en
octobre 2012 à l’issue d’un référendum où la proposition a obtenu 54% des voix.
LES VILLES
En France, les communes (ou intercommunalités) sont les propriétaires de la
majeure partie de l’espace public. Elles ont en charge la gestion et l’entretien des
voiries communales, c’est-à-dire celles qui sont d’enjeu local. La plupart des
politiques en faveur des circulations douces sont donc portées par les villes
puisqu’elles portent sur une l’échelle locale.
Les communes écrivent et mettent en œuvre leur plan local d’urbanisme (PLU).
Cet outil d’urbanisme réglementaire leur permet d’encadrer le développement
urbain de leur territoire. Par ce biais, elles peuvent contenir l’étalement urbain et
garantir une bonne répartition des fonctions urbaines sur le territoire, ce qui
permet de réduire la portée des déplacements qu’effectuent les habitants, et
donc de leur autoriser le choix des déplacements doux.
Au quotidien, les villes gèrent les occupations de leurs territoires. Elles instruisent
notamment les demandes d’occupation temporaire d’espace public déposées,
par exemple, par les commerçants qui souhaitent installer une terrasse ou un
étal, ou par les propriétaires d’immeubles qui ont besoin d’installer un
échafaudage pour réaliser des travaux d’entretien de leur bien. Ces occupations
de l’espace sont bien souvent des occupations du trottoir qui réduisent la largeur
de cheminement accessible aux piétons. Les villes doivent donc composer en
permanence entre les problématiques d’accessibilité de l’espace et des questions
économiques et patrimoniales.
Nous l’avons vu, les villes peuvent organiser des réunions d’information ou de
concertation pour communiquer sur les aménagements de l’espace public
projetés. Elles s’appuient sur ces canaux d’information pour mener des politiques
bien adaptées aux besoins locaux des piétons, au travers par exemple de la
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
rédaction d’un plan piéton. C’est le cas notamment dans des villes comme
Genève en Suisse ou Strasbourg en France. A Paris, un plan piéton est en cours de
rédaction.
LES ACTEURS DU TRANSPORT URBAIN
Les acteurs des transports urbains ont un rôle très important à jouer sur le
confort des piétons sur un territoire.
Dans les grandes agglomérations, une Autorité Organisatrice de Transport Urbain
(AOTU) est implémentée. Elle assure l’organisation du réseau de transport
urbain sur son territoire, le périmètre de transport urbain. Elle y élabore
également le Plan de Déplacements Urbains (PDU) qui définit les grandes
orientations de la politique de transports du territoire.
Les gestionnaires des réseaux de transports en commun se penchent également
sur le confort des cheminements piétons dans leur réseau, car comme nous
l’avons vu, les interconnexions entre les différents modes se font à pied. A Paris,
la RATP étudie avec soin les cheminements piétons en souterrain dans les
stations de métro pour à la fois optimiser les temps de correspondances mais
aussi éviter les congestions piétonnes en heure de pointe. C’est un équilibre
parfois difficile à obtenir. Le lien entre l’espace public et les stations de transports
en commun ou les véhicules (bus) est également un enjeu important. Le piéton
doit pouvoir identifier l’offre de transports et passer facilement de l’espace public
municipal au domaine RATP. Il y a donc un vrai besoin d’impliquer les acteurs des
transports lors de l’aménagement d’un espace pour les piétons afin de pouvoir
créer une co-visibilité entre les domaines et de faciliter le passage de l’un à
l’autre.
DES ORGANISMES LOCAUX
Des structures telles que le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de
l’Environnement (CAUE) agissent au niveau départemental. Créés en 1977 à
l’initiative du Conseil Général dans le cadre de la loi sur l’architecture, les CAUE
assurent la bonne qualité architecturale des constructions et leur bonne insertion
dans les sites concernés. Ils constituent un passage obligé dans la conception
d’un aménagement quel qu’il soit. Souvent, les CAUE s’associent pour créer des
Unions Régionales afin de mieux organiser leurs actions à plus grande échelle.
Logo de l’union régionale des CAUE d’Île-de-France
Source : Union régionale des CAUE d’Île-de-France
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
L’ETAT
Bien que les collectivités locales soient les principaux propriétaires de l’espace
public et à ce titre, commandent les actions concrètes qui y sont menées, leur
champ d’action est déterminé à l’échelle nationale, via un ensemble de lois, de
normes mais aussi de guides de bonnes pratiques écrits à l’intention des
aménageurs. D’un point de vue législatif, des lois comme la loi relative à
l’accessibilité des espaces publics (2005) ou des lois spécifiques d’aménagement
comme les lois littoral ou montagne régissent une bonne partie des
aménagements urbains. Elles se déclinent en normes (normes d’accessibilité,
d’éclairage, par exemple) au travers de structures ministérielles (ministère de
l’écologie, du développement durable et de l’énergie plus particulèrement) ou
d’organismes comme le Centre d’Études sur les Réseaux, les Transports,
l’Urbanisme et les constructions publiques (CERTU). C’est notamment de ce
dernier que la RATP ou la SNCF Transilien reçoivent les résultats de l’Enquête
Globale Transport (EGT) qui est la base de toutes leurs études sur leur réseau et
ses capacités.
Logo du Certu
Source : Certu
En France, au-delà d’une simple création d’outil et de règlementation, l’Etat est
aussi en mesure d’agir plus directement au travers d’entreprises sous tutelle de
l’Etat (SNCF) ou régies pour partie par l’Etat (RATP régie au tiers par l’Etat). Dans
un pays comme le Maroc, au régime royaliste, les aménagements sont souvent
dictés par le pouvoir en place. Ainsi à Fès, une des villes impériales du Maroc, la
gare, bâtiment majestueux, est considérée comme un geste fort du Roi pour les
habitants de Fès. Dans ce type de régime politique, le champ d’action de l’Etat est
particulièrement important.
La Gare de Fès au Maroc, exemple d’un aménagement issu d’une volonté du pouvoir royal
Source : Études Urbaines
AUTRES ACTEURS DE L’ESPACE PUBLIC
D’autres acteurs, par leur impact sur des lieux ouverts au public, ont également
un rôle à jouer dans le confort que ressent un piéton dans une ville : les
commerces situés sur l’espace public (kiosques à journaux, étals, terrasses) ou sur
un terrain privé (gestionnaires de centres commerciaux), les concepteurs de
mobilier urbain (classique ou dit « intelligent »), les aménageurs, mais aussi les
groupes immobiliers. Cet ensemble d’acteurs intéragit directement avec le piéton
sur le lieu même de sa déambulation.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Un kiosque à journaux à Paris et sa forme typique
Source : www.paris.fr
Le placement d’un kiosque dans le cadre d’un réaménagement, que celui-ci soit
centré sur le piéton ou non, n’est pas laissé au hasard mais découle d’une
réflexion sur les usages du lieux et du nombre de piétons passant par l’endroit
choisi. Au-delà de leur utilité première de vente de journaux, ces kiosques
représentent aussi un point de repère pour le piéton. A Paris, ils sont même un
marqueur de l’identité de la ville car ces petits bâtiments revêtent toujours les
mêmes formes sur l’ensemble du territoire parisien.
Dans ce même domaine, les gestionnaires de centres commerciaux établissent
généralement un plan piéton de leurs centres pour faire en sorte que le piéton y
rencontre le plus grand nombre de magasins possible sur son trajet.
Les commerçants souhaitent, en général, qu’un grand flux piéton passe devant
leur boutique car ces piétons sont des clients potentiels. Le cheminement piéton
aux abords de leurs boutiques a donc tout intérêt à être agréable et accueillant.
Ce constat a été à l’origine du concept de rue commerçante : une rue piétonne
bordée, comme son nom l’indique, de commerces. En fait, ce fut grâce à la
création d’une première rue piétonne à Copenhague, en 1962, qui a réussi à
démontrer que la fermeture d’une rue aux circulations automobiles ne faisait en
aucun cas souffrir les commerces présents, que ce concept de rue commerciale
piétonne a pu se développer.
Strøget, 1ère rue piétonne longée de commerces à Copenhague
Source : www.123rf.com
La création d’espaces uniquement piétons, associée naturellement à l’émergence
de nouvelles technologies, a eu un rôle très stimulant pour les concepteurs de
mobilier urbain. Le simple banc ou poteau a été remplacé par des dispositifs
innovants. Le mobilier urbain dit « intelligent » est un mobilier adapté à son
temps, à son environnement et à son contexte. On peut citer le concept « urban
terrasse » imaginé par Le Plan B (Architecture, Lumière, Intérieur Design) : il s’agit
d’une table en carton que l’on installe sur un des poteaux que l’on trouve sur les
trottoirs. Ce concept se décline aussi en siège (« urban seat »).
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
A droite « urban terrasse », à gauche « urbanseat », exemples de mobilier urbain intelligent.
Source : www.leplanb.com
Les promoteurs immobiliers ou les aménageurs privés ont également un rôle à
jouer sur les conditions de circulation des piétons en ville. Ils n’agissent pas
directement sur l’espace public mais placent au cœur de leur réflexion les
interactions et potentiels conflits entre les habitants de leurs immeubles et les
usagers de l’espace public. En effet, il leur faut trouver, lors de la conception de
chacun de leurs projets, un juste milieu entre le fait de fermer leur espace pour
protéger les habitants des éventuels dangers ou nuisances extérieures au risque
de créer un endroit hermétique qui donnerait une impression d’enfermement, et
le fait de créer un espace ouvert qui offre des vues dégagées mais qui pourrait
engendrer de mauvais usages ou un manque d’intimité des habitants.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Les usagers de l’espace urbain communiquent leurs besoins et leurs attentes aux pouvoirs publics au travers d’associations ou de lobbies qui représentent leurs intérêts.
Ils peuvent donner leur avis à titre individuel lors de réunions de concertation ou tout simplement en votant pour élire leurs représentants à l’échelle locale, nationale ou européenne.
Les villes commandent les aménagements de l’espace urbain aux entreprises spécialisées (aménageurs, bureaux d’études, architectes…). Elles doivent suivre les prescriptions et lois nationales et européennes et peuvent s’appuyer sur les guides édités par des organismes comme le Certu pour conduire leurs aménagements.
Les différents acteurs du confort des piétons en ville Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
I.B.2 UNE DIVERSITE DE PIETONS
Il serait tentant de définir un piéton « standard » auquel on adapterait
l’ensemble des équipements. Si l’on réfléchissait ainsi, le piéton « standard »
serait un adulte n’ayant pas de difficulté particulière pour se déplacer. Il
marcherait sans fatigue à une vitesse de l’ordre de 1m/s (3,6 km/h). Il serait
capable de lire et de comprendre les panneaux de signalisation, et d’agir en
conséquence.
Sauf que ce piéton « standard » n’a pas de sens quand on essaye d’améliorer la
ville pour tout le monde ! À la question DU piéton, il faut préférer celle DES
piétons. En effet, ceux-ci sont multiples, et tenter de prendre comme référence
un individu qui serait le piéton-type serait illusoire. Pour saisir la complexité du
problème, il est essentiel d’aborder ces piétons dans toute leur diversité. Chaque
catégorie présente des problématiques particulières pour lesquelles il est du
devoir des aménageurs de proposer des réponses adaptées ; toutes les lois
relatives à l’égalité des chances vont d’ailleurs dans ce sens. La question de
l’accessibilité est, bien évidemment, en jeu mais il ne faut surtout pas se
restreindre à cette notion.
Sans être exhaustifs, nous distinguons les catégories suivantes, qui peuvent
s’entrecouper et qui représentent des individus qui sont des piétons au même
titre que les autres.
LES ENFANTS
Les enfants en bas âge sont généralement accompagnés de leurs parents ou
d’autres adultes responsables lors de leurs déplacements. Une enquête réalisée
par l’Institut pour la Ville en Mouvement sur la mobilité des adolescents révèle
que près d’un tiers des enfants de onze ans peuvent sortir seuls dans la rue
pendant la journée5.
Les enfants ne comprennent pas toujours la signification des panneaux de
signalisation et ne se rendent pas toujours bien compte du danger que peut
constituer, par exemple, la traversée d’une rue. La taille des enfants de onze ans,
de l’ordre de 1m40, les rend difficiles à repérer pour un automobiliste car ils
peuvent, par exemple, être dissimulés par une voiture en stationnement.
LES PERSONNES AGEES
Les personnes âgées se déplacent souvent avec plus de difficultés que les plus
jeunes. Elles éprouvent plus vite de la fatigue et apprécient de pouvoir s’asseoir
régulièrement. Elles se déplacent aussi moins vite que les personnes plus jeunes,
la traversée d’une rue est donc plus dangereuse car le temps pendant lequel le
feu piéton reste au vert peut être trop court pour elles. Les personnes âgées
peuvent également avoir des difficultés à lire les panneaux de signalisation du fait
de leur vue affaiblie.
LES TOURISTES
Les touristes, s’ils n’ont en général pas de difficulté particulière pour se déplacer
à pied, sont en terrain inconnu. Ils ne comprennent pas nécessairement la langue
du pays dans lequel ils se trouvent et peuvent avoir du mal à interpréter les
pictogrammes et autres panneaux de signalisation graphiques.
5 François de Singly, « La liberté de circulation de la jeunesse », Institut pour la
ville en mouvement
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
La loi du 11 février 2005 propose une définition du handicap : « toute limitation
d’activité ou restriction de la participation à la vie en société subie dans son
environnement par une personne en raison d’une altération substantielle,
durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions ». Elle reconnaît 6 types de
handicap, chacun présentant des difficultés différentes concernant les
déplacements piétons.
LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP MOTEUR
Souffrant d’une atteinte à leur capacité de tout ou partie du corps à se mouvoir,
les handicapés moteurs présentent une réduction de leur autonomie nécessitant
parfois de recourir à une aide extérieure pour l’accomplissement des actes de la
vie quotidienne. Certains utilisent des béquilles, ils se déplacent généralement
plus lentement et ont besoin de plus d’espace que les autres piétons. Ils se
fatiguent vite et apprécient de pouvoir s’asseoir.
Les utilisateurs de fauteuil roulant ont besoin d’un environnement bien adapté,
avec un revêtement de sol plutôt lisse, et ne peuvent monter que des marches
très petites. Traverser une rue n’est possible que si les trottoirs sont abaissés au
niveau du passage piéton. Les utilisateurs de fauteuil roulant éprouvent de
grandes difficultés à monter ou descendre des pentes supérieures à 5%.
LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP COGNITIF
Les fonctions cognitives sont l’ensemble des fonctions de la cognition (lire, parler,
mémoriser, comprendre), la faculté de percevoir (voir, entendre) et la faculté de
motricité. Un handicap cognitif rend alors très difficile au malade le traitement
des informations lui parvenant et ses actions au sein d’un environnement aussi
complexe que l’espace public.
LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP SENSORIEL
Les malvoyants perçoivent bien la signalisation lumineuse mais éprouvent des
difficultés à lire les panneaux de signalisation s’ils ne présentent pas un contraste
suffisant ou si les caractères utilisés sont trop petits. Afin de les aider à repérer le
bord d’un trottoir ou les marches d’un escalier, des bandes contrastées sont
placées sur le sol.
Les non-voyants peuvent se déplacer seuls s’ils sont équipés d’une canne ou
accompagnés d’un chien guide d’aveugle. Ils utilisent les reliefs du sol (bordure
de trottoir, bandes podotactiles) ainsi que les informations sonores (bruits de la
circulation, feux tricolores équipés de signalisation sonore) pour se repérer. Dans
les lieux ouverts (halls de gare par exemple), des bandes de guidage podotactiles
peuvent être installées pour les aider à circuler de façon efficace.
Les malentendants, quant à eux, ne perçoivent pas certains signaux sonores
annonçant un danger, comme le bruit d’une voiture, ou éprouvent des difficultés
pour communiquer et, par exemple, demander leur chemin.
LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP MENTAL
Impliquant une déficience du niveau du développement intellectuel mesuré par
rapport à ce qui est considéré, dans une société donnée, comme un
développement intellectuel « normal » en fonction de l’âge réel de la personne,
le handicap mental entraîne des difficultés, notamment dans la vie urbaine, pour
celui qui en souffre. Un apprentissage normal est rendu impossible et avoir une
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
28
Études Urbaines
réaction appropriée aux circonstances de la vie quotidienne est nécessairement
compliqué.
LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP PSYCHIQUE
Le handicap psychique résulte d’une maladie de la pensée ou de la personnalité
dont les symptômes, essentiellement comportementaux, causent une profonde
souffrance au malade et font obstacle à son intégration sociale. Est-ce possible,
et si oui, comment l’aider alors à maîtriser ses angoisses ou ses troubles lors de
ses déplacements piétons ?
ET TOUS LES AUTRES…
Chacun peut être amené à être une personne à mobilité réduite, ponctuellement
ou régulièrement !
Les piétons transportent parfois des objets encombrants : valises, colis, sacs de
courses... Les parents d’enfants en bas âge utilisent généralement des poussettes
ou landaus pour se déplacer avec leurs enfants. Ces personnes ont besoin de plus
d’espace que les piétons standards pour marcher confortablement.
Certains lieux sont particulièrement fréquentés par des personnes transportant
des objets ou des personnes équipées de poussettes : les abords des gares
(voyageurs équipés de valises), les zones commerciales (livreurs, personnes ayant
fait des achats), les abords des écoles et crèches (poussettes et landaus), les
squares et espaces verts (poussettes et landaus).
En définitive, les piétons sont pluriels et doivent être abordés comme tels à partir
du moment où le souci de la collectivité est de proposer une égalité de
traitement des individus au sein des espaces publics.
I.B.3 UNE DIVERSITE DE RAISONS DE MARCHER
Les piétons sont non seulement différents dans leur nature mais ils le sont aussi
dans leurs actes et dans les raisons qui les conduisent à se déplacer à pied. La
marche est une attitude naturelle de l’être humain : dès notre lever, nous posons
le pied au sol et devenons des piétons ! Il y a bien d’innombrables raisons de
marcher. De manière générale, nous pouvons les regrouper comme suit.
LA MARCHE COMME MODE DE DEPLACEMENT
La marche est évidemment, comme nous l’avons vu, un mode de déplacement. Il
est particulièrement efficace sur de courtes distances de l’ordre du kilomètre.
D’après l’étude de Keijer et Rietveld (2000), sur des distances inférieures à deux
kilomètres en environnement urbain, aucun mode de déplacement n’est plus
rapide ni plus pratique que la marche. Le graphique suivant l’illustre de façon
schématique.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Efficacité comparée des principaux modes de déplacement utilisés en milieu urbain, ici à Paris.
Source : Alain Boulanger
La marche constitue aussi un mode de déplacement complémentaire qui
intervient dans pratiquement tous les trajets et ce quel que soit le mode principal
utilisé. Comme nous l’avons vu, les correspondances entre deux modes de
déplacement ou l’interconnexion entre deux lignes d’un même réseau de
transport en commun sont assurées à pied par l’usager. Le trajet terminal de
chaque déplacement, parfois appelé « le dernier kilomètre », représente le trajet
entre le lieu où l’individu laisse son mode de déplacement principal (le lieu où il a
garé sa voiture, la station de sortie du réseau de transport en commun, etc.) et
son objectif. Ce trajet est couvert à pied : c’est la marche résiduelle.
Enfin, en cas d’indisponibilité d’un mode de déplacement, la marche apparaît
comme le mode de substitution ultime d’un individu valide. Le nombre de
piétons dans une ville augmente nettement lors d’une grève de transports en
commun, par exemple.
MARCHE ET LOISIRS
La marche apparaît comme le support de plusieurs pratiques récréatives. Un
touriste, par exemple, aura souvent tendance à se déplacer à pied car cela lui
permet de découvrir la ville à un rythme paisible qui l’autorise à s’arrêter très
facilement pour lire une indication dans un guide ou prendre une photo.
Certaines manifestations comme les marchés ou les brocantes sur l’espace public
imposent naturellement aux visiteurs d’être piétons. Les zones commerçantes
d’un centre-ville sont, elles aussi, fréquentées en majorité par des piétons, le
rythme de la marche se prêtant bien à un achat loisir : le passant s’arrête quand
une vitrine attire son attention, ce qui est impossible lors d’un déplacement plus
rapide.
Des lieux de loisirs calmes comme les squares ou jardins sont également des
espaces presqu’exclusivement piétons (d’autres modes de déplacement doux tels
que le vélo pouvant être tolérés).
Marcher est une activité qui implique le corps. Ainsi, certains décident de
marcher pour entretenir leur santé ou leur ligne et d’autres pratiquent la marche
comme un sport : randonnées ou marches sportives en témoignent.
6 km
Métro
Voiture
5 km
4 km Vélo
3 km
2 km
1 km
Marche
0 km 0 5 10 15 20 25 30 Minutes
Deux roues motorisés
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
30
Études Urbaines
LA MARCHE COMME MODE D’EXPRESSION
Le fait de marcher peut parfois revêtir une signification politique, religieuse, ou
morale. Le mode de protestation populaire le plus courant en France reste, en
effet, la manifestation sur la voie publique. L’impact de tels rassemblements
piétons est d’autant plus important que les circulations utilisant d’autres modes
de déplacement sont rendues difficiles voire impossibles : voies coupées, stations
de métro fermées, etc.
Manifestation sur la voie publique à Paris, en janvier 2013
Source : Études Urbaines
Des actes religieux incluent la marche à pied. Lors d’un pèlerinage, les fidèles ont
souvent à parcourir de longues distances à pied, le rythme de la marche se
prêtant bien à la réflexion.
L’histoire nous montre d’autres exemples de pratique de la marche à pied de
façon revendicative. Le plus connu est peut-être celui qui fut à l’origine de
l’abolition de la ségrégation raciale aux Etats-Unis :
Le 1er décembre 1955, Rosa Parks, couturière noire, qui emprunte le bus qui doit
la ramener chez elle, refuse de céder sa place à un Blanc pour qu’il puisse
s’asseoir, comme l’exige le conducteur, et est alors arrêtée. Le soir suivant, 50
dirigeants de la communauté noire, dont Martin Luther King Junior, se réunissent
et décident le boycott des autobus de Montgomery, à partir du 5 décembre 1955.
En temps normal, 17 500 passagers noirs empruntaient quotidiennement ces bus,
et représentaient à eux seuls 75% de la clientèle de la compagnie. Durant les 381
jours que dura le boycott, on put observer, partout en ville, des Noirs se rendant à
pied au travail, parfois très loin. Le boycott des bus était une action pacifique,
mais qui donnait à la communauté noire un sentiment nouveau de force et
d'unité, et l'espoir de jours meilleurs. La Cour Suprême des États-Unis finit par
reconnaître que la ségrégation était à l'encontre de la constitution.
Récit de la première action de groupe visant à abolir la ségrégation raciale aux Etats-Unis
Source : M. Houdot, ancien professeur d’histoire, propos publiés sur
http://vladimir.pronier.free.fr/La-marche-revendicative.htm consulté le 23/12/2012
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
31
Études Urbaines
MARCHE CHOISIE, MARCHE SUBIE
S’il est clair que l’individu choisit d’être piéton dans le cadre de ses loisirs ou
lorsqu’il souhaite s’exprimer de la sorte, marcher pour se déplacer n’est pas
toujours un choix. Dans de nombreux cas, l’individu qui marche n’a pas
l’impression de choisir un mode de déplacement : il marche car aucune autre
possibilité ne lui est offerte. Cela peut être dû à un manque de moyens
financiers : la personne ne peut assumer le coût d’un véhicule personnel (voiture,
deux-roues) ni le prix des trajets en transports en commun. Dans d’autres cas,
c’est l’absence d’infrastructures de transports en commun pertinentes pour le
trajet à effectuer qui est en cause. La marche résiduelle, quant à elle, est par
essence une marche subie : le trajet considéré ne peut être couvert autrement
qu’en marchant. Cette distinction marche choisie/marche subie est primordiale :
sur un parcours donné, le ressenti du piéton sera différent suivant s’il a choisi de
marcher ou s’il y est contraint.
Les différentes raisons de marcher
Source: Études Urbaines
En définitive, les piétons divergent dans leurs natures ainsi que dans les raisons
qui les conduisent à marcher. Nous notons une autre différence importante : le
rythme et l’allure de cette marche.
Marche
comme
instrument
de loisir
Marche
comme
mode
d’expression
Marche
comme mode
de
déplacement
Marche
subie Marche
résiduelle
Marche
choisie
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
I.B.4 UNE DIVERSITE DES RYTHMES ET DES ALLURES
Les chercheurs Marc et Helen Bronstein ont réalisé des études sur le rythme de
vie en ville dans les années 70. Ils ont montré que la vitesse de déplacement des
piétons était plus élevée dans les grandes métropoles : c’est l’apparition de la
notion de rythme de vie. « Le rythme de la vie varie de manière régulière en
fonction de la population des villes, et ce, sans prendre en compte les paramètres
culturels. » [Marc et Helen Bronstein]
Après une première étude sur le rythme de vie réalisée par Robert Levine en
1999, Robert Wiseman, psychologue britannique, a réalisé sa propre étude sur le
sujet en 2006. Il a demandé à une équipe de chercheurs de chronométrer les
piétons qui marchaient seuls, sans sacs de courses ni téléphone à la main, sur une
distance de 60 pieds (18.29 mètres) dans une large rue pleine de monde sans
pente et sans obstacles. Il en a déduit les résultats visibles sur le graphique ci-
contre.
Cette étude montre que l’évolution de la vitesse de déplacement résulte de
facteurs plus complexes que la simple croissance du PIB : si New York était la ville
étudiée la plus riche, elle ne pointe qu’à la 8ème
place en termes de vitesse de
déplacement. Jacques Levy, géographe français et professeur de géographie et
d’aménagement de l’espace à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, parle
alors de « vitesse contextuelle ».
En effet, s’il y a un grand nombre de piétons sur un trottoir, tous ne se déplacent
pas à la même vitesse : certains se promènent tranquillement, d’autres marchent
à un rythme soutenu, un attaché-case à la main. Plusieurs temporalités se
croisent alors : celles de la vie quotidienne, celles de la vie économique, celles du
tourisme....
Résultats de l’étude de Robert Wiseman sur le rythme de vie
Source : Urbanews.fr
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
33
Études Urbaines
Avec l’avènement de la société de service et l’essor du temps libre, les temps de
la vie quotidienne sont désynchronisés et le partage entre temps de travail, de
loisirs, d’activités marchandes, d’activités domestiques n’est plus fixe et change
suivant le régime contractuel des gens (35h par semaine, 4 jours sur 5 de travail,
mi-temps…). Ainsi à un même moment de la journée, nous pouvons trouver à un
même endroit des personnes dont les motifs de déplacement sont totalement
différents (Voir graphique ci-dessous).
Etude des pointes de trafic selon le motif de déplacement
Source : Sonia Lavadinho
Pourtant, tous ces piétons qui se trouvent dans différentes temporalités et qui
ont des allures différentes doivent partager l’espace public afin d’être efficaces
dans leur déplacement. Chaque piéton suit alors une « ligne de désir » en
fonction du motif de son déplacement : la ligne de désir du piéton pressé sera
une trajectoire optimisée pour parcourir la plus grande distance en un temps
limité tandis que la ligne de désir d’un promeneur sera plus sinueuse. Pour plaire
à tous, il s’agit donc de « stimuler les lignes de désir en créant des
environnements agréables » (d’après Sonia Lavadinho) et d’arriver à un équilibre
entre les mobilités de transit et les séjours dans un même espace public. Pour
s’adapter à l’évolution des usages de l’espace public en fonction du moment de la
journée tout en tenant compte du manque de place en milieu urbain dense,
Sonia Lavadinho préconise la création d’espaces « palimpsestes » c'est-à-dire
d’espaces dans lesquels plusieurs couches d’activités différentes se superposent
en fonction des moments de la journée. Le caractère palimpseste d’un espace
peut s’obtenir, par exemple, à l’aide de mobilier urbain plurifonctionnel comme
par exemple le banc public sur la photographie ci-dessous qui a été mis en place à
Bruxelles et qui sert à la fois de banc pour s’asseoir ou de jeu pour enfants.
Un banc public plurifonctionnel à Bruxelles
Source : Sonia Lavadinho
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
34
Études Urbaines
Les bases de la question des piétons dans la ville sont maintenant exposées. S’il
faut retenir une chose, c’est bien la complexité du problème qui nous est posé :
les piétons sont non représentables par un individu type, car ils sont variés dans
leurs natures, dans leurs buts ainsi que dans leurs rythmes. De plus, la situation
des piétons est au cœur d’un jeu d’acteurs complexe où s’opposent les intérêts
particuliers… mais ce jeu mérite vraiment d’être joué, tant les intérêts pour les
collectivités à développer des politiques pro-piétonnes sont importants.
Avant même de concevoir une politique ou un plan d’action pour promouvoir la
marche en ville, nous avons souhaité nous demander ce qui faisait le confort des
piétons. Cette question est fondamentale : c’est forcément en améliorant ce
confort que la marche deviendra un mode de déplacement véritablement
intéressant pour l’individu, un mode de déplacement choisi et non subi.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
35
Études Urbaines
II. LE CONFORT DES PIETONS
Nous avons choisi, pour les raisons qui seront développées dans cette partie,
d’aborder notre sujet suivant l’angle du confort. La nécessité de recueillir les
ressentis des usagers de l’espace urbain nous est apparue comme évidente étant
donné la subjectivité de la notion de confort, mais ces enquêtes de terrain, pour
être pertinentes, devaient être établies en suivant une méthode d’analyse
précise déterminée au préalable. Nous allons ici vous présenter la méthode que
nous avons retenue.
II.A. CHOIX DU THEME ET HYPOTHESES RETENUES
II.A.1 POURQUOI CHOISIR LE THEME DU CONFORT DES
PIETONS ?
UNE NOTION COMPLETE ET ACCESSIBLE A TOUS
Nous avons vu que le sujet de la marche urbaine est aujourd’hui beaucoup
débattu. Si tout le monde s’accorde sur les bienfaits que la pratique de la marche
a sur notre santé individuelle et sur la santé de nos villes, en termes de réduction
des nuisances principalement, tout le monde ne l’approche pas de la même
façon. Certains restent très terre-à-terre et techniques, en parlant de
déplacement, de largeur de trottoir, de mobilier urbain et de moyen de
locomotion quand ils abordent le thème de la marche urbaine ; d’autres la voient
plutôt comme un vecteur de lien social, un acte sensible, voire sensuel et charnel,
stimulant nos sens en faisant intervenir directement le corps.
Parler de la marche, c’est avant tout parler d’un sujet pour lequel tout le monde
est capable de donner son avis, son ressenti. Tout le monde est compétent
puisque tout le monde est, à un moment ou un autre, piéton. Aussi, parler de la
marche doit se faire dans des termes accessibles à tous, pour que chacun puisse
prendre part au débat s’il a lieu d’être.
La question se pose de trouver un angle d’approche qui soit à la fois global,
compréhensible à tous et pertinent. La notion de confort, qui renvoie à l’univers
domestique, permet, comme le dit fort justement Jean-Pierre Charbonneau, « de
s’immiscer dans le débat qui se limite souvent à une négociation entre lobbies »6.
Il faut en effet avoir conscience d’une chose : aujourd’hui il n’existe quasiment
aucun groupe de pression défendant les intérêts des piétons, contrairement à ce
qui peut être le cas pour les autres usagers de l’espace urbain (automobilistes,
utilisateurs de transports en commun, cyclistes).
La notion de confort a le mérite d’être compréhensible par tous et d’évoquer
aussi bien des problématiques purement techniques (largeur de trottoir, mobilier
urbain,…) que d’autres tendant plus vers des questions de ressenti ou de rapport
social.
Le confort des piétons reste cependant une notion délicate à aborder. Tout
d’abord parce qu’elle recouvre plusieurs aspects techniques différents mais aussi
et surtout car, comme nous allons le voir, tout le monde en a sa propre
définition.
6 Jean-Pierre Charbonneau, Pour des lieux intenses, hospitaliers, confortables,
Diagonal de décembre 2010
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
36
Études Urbaines
UN THEME DEJA ABORDE PAR LES SPECIALISTES
Ce sujet du confort de la marche a déjà été abordé par des spécialistes de
l’urbain, et nous souhaitons en particulier revenir sur les écrits de Jean-Pierre
Charbonneau, urbaniste-consultant et conseiller en politiques urbaines et
culturelles, et Rachel Thomas, sociologue et chargée de recherche au CRESSON.
Les urbanistes voient la marche urbaine comme une façon de se déplacer en ville
et de relier différents éléments qui la constituent. Elle représente un instrument
de réflexion et de mise en œuvre de la planification urbaine et une solution aux
divers problèmes environnementaux.
Jean-Pierre Charbonneau travaille depuis longtemps sur l’amélioration de la
qualité de vie en ville et place la marche urbaine au centre de sa démarche. Pour
qu’il y ait confort selon lui, il faut de « l’espace et de la continuité ».
A ses yeux, la répartition de l’espace pose aujourd’hui problème. On cherche en
ville à mettre en un même lieu, en une même rue, tous les modes de
déplacements : des files de voitures, des couloirs de bus ou de tramway, des
pistes cyclables et souvent (si ce n’est toujours) la marche est la pratique qui en
souffre le plus, récupérant l’espace restant, à savoir 1 ou 2m de largeur. Ce
manque d’espace pour la pratique de la marche est une source certaine
d’inconfort qui se trouve encore amplifiée par deux choses :
Dans un premier temps, l’espace déjà bien faible de la marche se voit
rétréci car occupé par la présence de linéaires d’arbres et d’une
multitude de mobiliers urbains (poteaux, potelets, armoires
électriques…) servant dans la plupart des cas à empêcher les conflits
entre la marche et les autres modes. Tout ce qui est nécessaire pour
assurer un bon usage et la sécurité de tous s’accumule, souvent de
manière anarchique, sur l’espace dédié à la marche, le trottoir. Cette
surabondance d’éléments entraine un inconfort presque systématique,
la largeur libre de trottoir étant si petite que deux piétons ne peuvent s’y
croiser.
La présence de mobilier est bien sûr nécessaire : des bancs, de
l’éclairage, de la végétation sont utiles, mais leur intégration devrait
toujours être le résultat d’une réflexion ayant pour ligne directrice le
maintien du confort des déplacements pédestres. Certains éléments
pourraient être fixés de façon à libérer l’espace au sol (luminaires placés
en console sur les bâtiments au lieu de candélabres). L’espace pourrait
aussi, tout simplement, être gagné sur la chaussée plutôt que sur le
trottoir, c’est là toute la réflexion de Jean-Pierre Charbonneau.
Dans un second temps cette accumulation des modes de déplacements
sur un même espace engendre des traversées complexes et
inconfortables puisque le piéton est très souvent obligé d’attendre ou
d’effectuer un arrêt intermédiaire au cours de la traversée d’un axe
circulé.
Si l’époque où la voiture était reine semble révolue, les infrastructures qui lui
sont dédiées ne sont aujourd’hui que très peu modifiées, voire inchangées selon
la ville où l’on se trouve. Cette ère de l’automobile parait désormais avoir laissé
place à celle des transports en communs, Jean-Pierre Charbonneau qualifie
même cela d’un passage «d’une technocratie des voitures à une technocratie des
transports en commun ». Ces linéaires de transports qui initialement sont réalisés
pour connecter différents territoires et quartiers, engendrent bien souvent des
éléments de rupture forts pour le piéton, générant un inconfort pour la marche.
La place de la marche dans ces politiques de déplacement et de transports est
bien faible alors que celle-ci devrait se situer au cœur de cette politique en
formant le « liant », la « pâte » qui les assemble. Selon Jean-Pierre Charbonneau
on « compense l’exiguïté de l’espace laissé au marcheur par une approche
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
37
Études Urbaines
esthétisante » au sein de laquelle on favorise l’utilisation de certains matériaux
ou mobiliers. Cela a pour conséquence de « substituer le paraitre au
confortable ».
La continuité est pour Jean-Pierre Charbonneau nécessaire pour rendre la
marche confortable. Un confort partiel ou ponctuel de la marche apparait comme
insuffisant car cela doit se réfléchir à une échelle globale. Trop souvent on tend à
travailler à l’échelle d’un projet, d’un îlot sans prendre en compte son
environnement, sans agir sur celui-ci. Assurer le confort de la marche à l’échelle
du projet est faisable mais pas forcément pertinent si les cheminements menant
à celui-ci se font dans des conditions défavorables.
Jean-Pierre Charbonneau, au travers de plusieurs projets menés en qualité de
consultant, nous livre plusieurs exemples d’aménagements qui réussissent à
réellement prendre en compte le confort des piétons.
Dans le cadre du réaménagement du Grand Lyon, la démarche utilisée fut
d’élargir le périmètre du projet de façon à ce que le confort du piéton qui accède
au site soit équivalent au confort du piéton qui évolue au sein du site, et ce sans
que les solutions imaginées ne soient complexes. L’élargissement des trottoirs et
l’amélioration des traversées piétonnes ont suffi pour assurer une continuité du
confort ressenti par les piétons. L’objectif était de ne pas considérer le projet
comme un élément ponctuel mais de travailler aussi le tissu au sein duquel il
s’insérait.
A Copenhague, l’idée retenue a été d’agir sur l’ensemble de la ville, dans chacun
des quartiers en parallèle. Cela a permis, non seulement de garantir une bonne
égalité entre les territoires qui constituent la ville (pas de lieu laissé pour
compte), mais aussi de créer une véritable continuité piétonne dans toute la ville.
Ce projet s’est traduit par la création du Copenhagen Urban Space Action Plan
(CUSAP, Plan d’Action pour l’Espace Urbain de Copenhague). Ce plan a pour but
principal de créer une cohérence entre tous les projets touchant à l’espace
urbain. L’objectif et le fil directeur du plan et des projets qui y sont rattachés est
d’améliorer la qualité de vie en ville en facilitant la marche et en garantissant son
confort. Dans le plan sont décrits aussi bien des actions ponctuelles
d’amélioration de l’espace public (places, squares…) que des projets
d’aménagements linéaires permettant de les relier et de créer une continuité, un
maillage piéton dans la ville. Le plan prévoyait des aménagements lourds et
sophistiqués combinés à d’autres, plus simples et plus immédiats.
Chez les sociologues, l’approche est un peu différente. Contrairement aux
urbanistes et aménageurs, ils sont moins intéressés par les aspects de durabilité,
de renouvellement urbain et voient moins la marche comme un mode de
déplacement. C’est parce qu’elle constitue une « activité d’ancrage du piéton
dans la ville » et parce qu’elle permet au piéton « d’être urbain et de faire la
ville » que la marche doit être au cœur des problématiques urbaines. Dans le
domaine de la recherche, la marche fût pendant longtemps un
« instrument d’observation, d’analyse et de compréhension » des multiples
composantes de la ville et de ses diversités.
Les travaux de Rachel Thomas montrent bien que la marche n’est pas seulement
une pratique qui permet de se déplacer entre deux points de l’espace urbain par
la simple action de mettre un pied devant l’autre. L’intérêt de la marche réside
avant tout dans l’expérience que cet acte de mouvement représente, c’est
l’ensemble des connexions sensorielles, des stimulations et des échanges avec la
ville qui font l’urbanité. Elle parle alors de la marche comme d’une « posture
intellectuelle », un «mode de résistance au présent » mais aussi comme un
« outil de recherche en soi ». La marche apparait comme une communication du
corps et de l’esprit du piéton avec la ville, elle est modulée par celle-ci et la
module aussi.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
38
Études Urbaines
Dans les travaux de Rachel Thomas, la marche pourtant banale pour tout homme
apparait comme étant d’une très grande complexité. Elle se définit par une
certaine lenteur et indépendance à tout élément technologique. Nous l’avons vu,
la marche est complexe car diverse, elle se décline en différents types de marche,
différentes raisons de marcher, et agit en résonnance avec son environnement.
La marche « s’ancre à l’espace et aux ambiances ». L’acte de marcher prend au
sein des travaux de la sociologue une nouvelle dimension, celle du corps encore
très peu traité aujourd’hui. Celle-ci suppose des « corps à corps » avec les
éléments constituant l’environnement dans lequel elle s’effectue, les matériaux,
les autres marcheurs, les éléments matériels, les intempéries… Rachel Thomas
remet en cause l’évolution que prennent les villes actuellement, à savoir,
l’apaisement progressif qu’elle qualifie « d’aseptisation » et qui pourtant tend à
développer les modes de déplacements alternatifs comme la marche. Pour elle,
cette évolution qui vise à uniformiser les espaces de la marche, à y supprimer les
obstacles, à les rendre esthétiques et cohérents, menace l’âme de la marche qui
se trouve dans ces « corps à corps ». Sans ces « aspérités » qui correspondent à
des obstacles pour l’aménageur et le marcheur, il n y a plus de « corps à corps ».
La crainte ici que le corps ne soit plus contrarié dans son déplacement semble
montrer un autre malaise, celui d’une marche monotone ne provoquant pas le
regard et le questionnement du marcheur. Les travaux de Rachel Thomas visent à
se demander si, sans les défauts de l’espace urbain, la marche ne deviendrait pas
un mode de déplacement comme les autres : la simple action de rejoindre un
point A à un point B sans jamais interagir avec la ville.
L’intérêt ici porté à Jean-Pierre Charbonneau et à Rachel Thomas n’est pas
anodin. Ils représentent deux domaines ayant des points communs et des
divergences dans leur façon d’appréhender la marche et d’imaginer son
évolution. Ils sont tous deux des spécialistes dans leur domaine respectif et
voient, comparativement à d’autres professionnels de leur discipline, d’une
manière nouvelle et plutôt radicale le sujet de la marche en ville.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
39
Études Urbaines
II.A.2 DEFINIR LE CONFORT DES PIETONS
Il faut comprendre une chose : il serait illusoire de vouloir donner une définition
générale et figée au confort de la marche. Premièrement, parce que la notion est
éminemment subjective et les paramètres qui influent sur ce confort le sont
également et, deuxièmement, parce que le choix même de ces paramètres est
loin d’aller de soi.
Ainsi, nous avons commencé par donner un cadre à notre réflexion en nous
basant sur la définition du confort du dictionnaire Larousse. Nous y avons trouvé
que le confort est « l’ensemble des commodités, des agréments qui produisent le
bien-être matériel » mais nous y avons aussi lu que le confort est « la tranquillité
psychologique, intellectuelle et morale obtenue par le rejet de toute
préoccupation ». Ces notions de « bien-être matériel », de « tranquillité
psychologique, morale et intellectuelle » et de « préoccupation » ont autant
d’interprétations que d’interprètes. Il y a donc autant de définitions du confort
que de cultures, que de villes et donc que de piétons.
C’est sur ce constat que nous avons défini une méthode afin de traiter cette
notion subjective et indéfinissable qu’est le confort des piétons de manière
absolue.
La question à laquelle nous souhaitons répondre est la suivante : Qu’est-ce
qu’une ville confortable pour les piétons ?
En cherchant à être le plus exhaustif possible mais tout en ayant conscience de la
difficulté de la tâche, nous avons réuni un ensemble de paramètres qui, selon
nous, doivent être étudiés lorsque nous nous interrogeons sur le confort des
piétons. Nous les avons regroupés en 4 grands axes qui facilitent l’approche de la
notion de confort en la rendant plus compréhensible. Nécessairement non
exhaustifs, ils présentent l’intérêt de proposer une approche large, et surtout
compréhensible. C’est sur ces quatre axes que nous avons évalué le confort lors
de nos relevés d’information sur le terrain auprès des habitants des différentes
villes, mais aussi auprès des autres étudiants qui nous ont accompagnés lors de
notre étude sur site.
Ainsi, de nos réflexions, est ressorti le fait qu’une ville confortable pour les
piétons est avant tout:
- Une ville praticable
- Une ville rassurante
- Une ville lisible
- Une ville plaisante
VILLE PRATICABLE
La ville praticable rend possible les déplacements de tous les piétons dans la ville
et les facilite en limitant les obstacles et en proposant des solutions adaptées aux
contraintes du terrain (ex : topographie, climat,…). Elle permet aux piétons d’aller
d’un point A à un point B sans qu’ils ne rencontrent de difficulté particulière sur
leur trajet. La ville praticable ne génère pas d’exclusion car elle prend en compte
la diversité des besoins de tous les piétons.
VILLE RASSURANTE
La ville confortable pour les piétons, selon nous, c’est aussi la ville rassurante qui
apaise la relation entre les piétons et les autres modes de transport, notamment
sur les zones de conflits telles que les traversées piétonnes, ainsi qu’entre les
piétons eux-mêmes. Elle crée un sentiment de sécurité bénéficiant à tous. Elle
interroge la hiérarchie entre les modes, les rapports de force, ainsi que la sécurité
même des usagers.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
40
Études Urbaines
VILLE LISIBLE
Une ville confortable c’est aussi une ville lisible, une ville compréhensible pour
ses piétons. Cette lisibilité de l’espace passe notamment par l’optimisation des
informations qui sont fournies et ce quelques soient les supports utilisés :
panneaux, marquages au sol, affiches, cartes, supports numériques... La ville
lisible permet aussi aux usagers de l’espace urbain de savoir, d’un simple coup
d’œil, quels sont les espaces qu’ils peuvent utiliser et ceux qui leurs sont
interdits. Elle répond aux attentes de chacun concernant le repérage et
l’orientation dans la ville.
VILLE PLAISANTE
Ces trois premiers aspects de praticabilité, lisibilité et de sécurité visent avant
tout à limiter l’inconfort des piétons mais le dernier va plus loin. La ville plaisante
n’est pas neutre et ne se limite pas à l’absence de gêne : elle rend la marche
agréable de manière à ce que les piétons aient plaisir à se déplacer. Si ce plaisir
de marcher n’est pas évident à obtenir à priori lorsque la marche est subie, il
peut toutefois être généré, dans une ville plaisante, par des sources simples liées
aux cinq sens telles qu’un bâtiment dont l’architecture élaborée est agréable à
regarder, une odeur agréable due à la végétation ou à l’activité de certains
commerces (boulangerie, fleuriste…) ou encore la présence d’un artiste de rue
sur le trajet des piétons.
Nous avons restreint l’étude du confort de la marche à l’interrogation de ces 4
grands aspects. Comment peut-on agir sur eux pour améliorer de façon concrète
le confort des piétons ? C’est pour répondre à cette question que nous sommes
allés à la rencontre des piétons à Paris mais aussi dans les 5 grandes villes dans
lesquelles nous nous sommes rendus : Berlin, Casablanca, Copenhague, Fès et
New-York.
Avant notre départ, il nous a fallu déterminer la méthode que nous allions utiliser
pour relever cette information.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
41
Études Urbaines
II.B UN BESOIN D’INFORMAT IONS ET UNE METHODE POUR
LES RECUEILLIR
II.B.1 PLUSIEURS METHODES DE RECUEIL D’INFORMAT IONS
Il existe, bien sûr, plusieurs méthodes pour recueillir les informations sur un lieu,
sur une ville. Certaines sont utilisées par des professionnels qui s’interrogent eux-
mêmes sur leurs propres ressentis de la ville, en tant que piétons, d’autres font
intervenir les usagers de l’espace auxquels on pose des questions dans le cadre
d’une enquête. Nous présentons ici brièvement quelques méthodes pouvant être
utilisées pour recueillir des informations sur le confort des piétons en ville.
LES MARCHES EXPLORATOIRES
Une marche exploratoire est une pratique qui permet d’identifier les « points
noirs » le long d’un parcours dans la ville, afin d’imaginer des aménagements
pertinents permettant d’améliorer le confort des piétons qui l’empruntent. Il
s’agit de rassembler une vingtaine de personnes issues d’horizons divers :
spécialistes de l’espace urbain de domaines de compétence différents, citoyens
d’âge ou de milieux différents, etc. Ces « marcheurs » vont ensuite cheminer,
ensemble ou séparément, le long du parcours que l’on cherche à évaluer, et
s’interroger sur leurs ressentis en notant leurs observations dans une grille qui
leur a été fournie. Celle-ci peut mettre l’accent sur des thèmes particuliers
(éclairage, revêtement, bruit, par exemple) ou rester assez générale. L’utilisation
d’une grille commune permet de traiter les résultats d’une façon satisfaisante et
pertinente.
LES ENQUETES DE SATISFACTION
Afin de connaitre les besoins et les attentes des piétons ou d’évaluer un
aménagement déjà réalisé, il est possible de procéder à des enquêtes de
satisfaction. Les usagers d’un espace sont interrogés directement dans la rue, au
plus près du lieu que l’on cherche à évaluer. La ville de Berlin a réalisé début 2012
une grande enquête de satisfaction auprès des ménages sur tout leur territoire,
afin de déterminer des priorités dans les actions à mener.
LES ENQUETES SUR LES HABITUDES DE DEPLACEMENT
Certaines villes procèdent à de larges enquêtes sur les habitudes de
déplacements de leurs habitants. A Paris et en région parisienne, c’est l’Enquête
Globale Transport (EGT), réalisée tous les 10 ans, qui remplit ce rôle.
Ces enquêtes sont réalisées à grande échelle. A Paris, c’est toute la région
parisienne qui est observée au travers de 18 000 foyers interrogés (soit 43 000
personnes !). Ces enquêtes sont une source d’information précieuse. Elles
permettent en effet de comprendre quels sont les déplacements que les
personnes effectuent à pied (quel en est le but, quelle en est la portée ?) et
dressent un portrait fidèle des habitudes de déplacements des habitants : quel
mode est le plus utilisé pour se rendre au bureau ? Quel mode pour accompagner
les enfants à l’école ? En raison de leur coût élevé, ce type de sondage ne peut
être réalisé dans toutes les collectivités.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
42
Études Urbaines
II.B.2 LA METHODE QUE NOUS AVONS CHOISIE : LE « JE-TU-IL »
Pour recueillir les informations dans les différentes villes que nous avons
étudiées, nous avons choisi d’utiliser une méthode basée sur celle de Jean-Paul
Thibaud, directeur de recherche au CNRS, celle du « Je, Tu, Il ».
Il s’agit d’une méthode de lecture d’un lieu en trois temps : dans un premier
temps, l’observateur s’interroge lui-même sur l’espace (qu’est-ce que JE pense ?),
dans un deuxième temps, il va à la rencontre des usagers pour leur poser le
même type de questions (qu’est-ce que TU penses ?), enfin, il se place en retrait
et observe le comportement des usagers (qu’est-ce qu’ILS font ?).
Nous avons choisi cette méthode car elle nous permettait de tirer parti de nos
particularités : 80 étudiants pour la plupart parisiens visitant des villes qu’ils ne
connaissent pas ou peu. Nous pouvions donc aborder les différents lieux avec un
œil neuf, sans a priori sur les usages qui y sont faits ou sur le confort qui nous
attendait. Le fait d’aller à la rencontre des usagers nous permettait ensuite de
nous approprier les lieux en comprenant quels étaient les impressions des
riverains, des habitants ou des « habitués ».
Nous avons conçu les questionnaires en nous basant sur les quatre axes de
lecture du confort présentés précédemment (ville praticable, rassurante, lisible et
plaisante), afin de pouvoir recueillir des informations pertinentes. Il nous
paraissait en effet évident que nous aurions des réponses plus claires en
demandant « Rencontrez-vous des obstacles sur le trottoir, vous semblent-ils
gênants pour votre cheminement ? » plutôt que « Est-il confortable de marcher
dans ce lieu ? » !
Nous avons choisi dans chacune des villes visitées trois lieux de typologie
différente pour y conduire nos enquêtes :
- Un lieu touristique, c’est-à-dire un lieu que les visiteurs vont
découvrir en priorité dans la ville,
- Un quartier résidentiel, qui appartient donc au quotidien des
habitants de la ville considérée,
- Enfin, un lieu aménagé pour le confort des piétons, ou en tout
cas en prenant en compte le bien-être des piétons.
Ces trois types de lieux nous ont permis d’observer des choses différentes. En
effet, dans les quartiers résidentiels, nous avons surtout retrouvé des habitants
de ces quartiers, qui ont l’habitude de cheminer dans leur ville. Dans les quartiers
touristiques, nous avons relevé les problématiques concernant le confort des
piétons qui ne connaissent pas la ville et qui la découvrent. Enfin, en observant le
fonctionnement des espaces aménagés pour les piétons et le ressenti des
différents usagers, nous avons cherché à comprendre quels pouvaient être les
clefs du succès d’un lieu pensé pour les piétons, en fonction des caractéristiques
spécifiques des villes considérées.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
43
Études Urbaines
II.C. NOTRE ETUDE A L’ETRANGER
Le confort des piétons à Paris et dans son agglomération est une chose mais, en
aucun cas, celui-ci ne peut être assimilé au confort des piétons de manière
générale. Les piétons franciliens sont particuliers, l’urbanisme francilien est
particulier, l’histoire de ce territoire est particulière, sa gouvernance également.
C’est pourquoi il nous paraissait essentiel de dépasser ce cadre bien connu pour
interroger le confort des piétons en dehors de nos frontières.
Toutes les villes du monde sont parcourues par des piétons, et toutes auraient pu
nous apporter une vision différente du confort des piétons. Nous avons choisi de
visiter Berlin, Copenhague, New York, Fès et Casablanca, en raison de la diversité
de leurs situations en termes de confort et d’approche de la question du piéton
ainsi que de la diversité de leur histoire, de leur urbanisme et de leurs situations
politiques en général. Dans chacune de ces villes, notre volonté était non
seulement de noter notre propre ressenti de piéton, en le comparant
nécessairement à nos habitudes françaises, mais aussi d’y rencontrer des
personnes en charge de responsabilités en lien avec la ville, des spécialistes de
l’urbain, mais aussi de simples habitants, de façon à revenir à Paris avec une
bonne vision de ce que signifie être un piéton dans chacun de ces lieux.
II.C.1. DES VILLES ET DES CONTEXTES DIFFERENTS
Les villes que nous avons étudiées présentent de grandes différences, tant d’un
point de vue structurel et urbanistique que du point de vue de leur gouvernance.
La répartition des parts modales y est, par conséquent, différente. A Paris, Berlin
et New-York, le réseau de transports en commun est dense et efficace, alors qu’à
Copenhague les circulations cyclistes sont favorisées. A Casablanca, le réseau de
transports publics ne répond que peu à la demande des habitants, les
déplacements piétons y sont nombreux, mais cela traduit un manque
d’alternatives possibles.
Le tableau suivant présente les principales caractéristiques des villes que nous
avons visitées.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Paris Berlin Copenhague New-York Casablanca
Superficie 105 km² 891 km² 88 km² 1214 km² 386 km²
Population 2,2 millions 3,5 millions 0,5 million 8,2 millions 2,9 millions
Densité 21 200 hab/km² 4 000 hab/km². 6 300 hab/km² 6 700 hab/km² 7 500 hab/km²
Gouvernance : politique de déplacements et gestion de l’espace public
Paris est à la fois une ville et un département : le Conseil de Paris, élu par les habitants des 20 arrondissements parisiens, cumule les fonctions de conseil municipal et de conseil général.
La politique de déplacements est portée à l’échelle de la région Ile-de-France. De nombreux axes parisiens relèvent de la Préfecture de Police.
Berlin est à la fois une ville et un Land (équivalent de nos régions). Elle est divisée en 12 arrondissements, dirigés par un conseil élu par les habitants. Quatre représentants Berlinois siègent au conseil fédéral. La ville dispose ainsi des pouvoirs administratifs et législatifs, elle mène seule sa politique de déplacements.
La municipalité de Copenhague est une unité administrative qui ne couvre que la partie centrale de la ville actuelle de Copenhague. Elle est divisée en 10 districts. Le développement de la ville se fait en suivant le Finger Plan (initié en 1947, dont la dernière version date de 2007). Cette planification recouvre les problématiques de déplacements, urbanisation et distribution des services urbains.
La ville de New York est divisée en cinq arrondissements ou « boroughs », qui correspondent à cinq comtés de l'État de New York et qui, contrairement aux autres comtés américains, n'ont pas de gouvernement de comté. La municipalité de New-York gère seule son territoire et sa politique de déplacements.
Au Maroc, une grande partie de ce qui constitue chez nous l’espace public y est privé : chaque portion de trottoir appartient au propriétaire de la parcelle privée attenante, qui est tenu de l’aménager et de l’entretenir.
Les grands projets sont portés et financés de façon centrale, par le gouvernement du pays.
Répartition des parts modales dans les déplacements intramuros
Marche Véhicules particuliers Transports en commun Vélos Taxis Autre
Source : Senatsverwaltung fur Stadtentwicklung, SrV, 2008
Source : Enquête Globale Transport 2010
Source : National Household Travel Survey 2009, New-York
City
Source : Transport goods survey, City of Copenhagen, 2009
Source : Agence urbaine de Casablanca, 2004
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
DES FORMES URBAINES DISTINCTES ENTRE LES VILLES
Un rapide coup d’œil depuis le ciel donne une idée des différentes structures urbaines qui existent dans chacune de ces villes.
3 photos satellite prises à la même échelle A gauche : Paris (quartier Beaubourg, les Halles)
A droite, en haut : Fès (Médina) A droite, en bas : New York (Times Square)
Source : Google Maps
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Sur la vue aérienne de Paris, nous distinguons la structure en îlots que nous
connaissons bien. Les cœurs d’îlots sont de petites cours ou des espaces verts de
taille réduite. Les voies, rues ou boulevards, constituent un maillage presque
rectiligne. Le boulevard (Sébastopol) est marqué par la présence d’arbres
d’alignement.
La médina de Fès est, au contraire, un ensemble de rues étroites et sinueuses.
Les bâtiments sont petits et nous ne voyons aucune trace de végétation.
L’ensemble est très dense, on aperçoit à peine le sol entre les différents
bâtiments.
New-York présente un visage extrêmement structuré. Les ensembles bâtis n’y
sont pas des îlots mais des « blocks » de taille régulière. La hauteur des
immeubles est telle que les ombres portées des bâtiments occupent un espace
au sol important. L’avenue (Times Square) est si large qu’un îlot parisien pourrait
y rentrer en entier. A cette échelle, nous voyons déjà qu’une grande partie du
trafic automobile est causée par les taxis jaunes New-Yorkais.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
DES FORMES URBAINES DIFFERENTES AU SEIN D’UNE MEME
AGGLOMERATION
Non seulement les formes urbaines divergent fortement d’une ville à l’autre,
mais au sein d’une même agglomération, ou entre quartiers d’une même ville, les
écarts sont bien souvent aussi grands ! L’exemple de Paris et sa banlieue nous le
montre très clairement.
3 photos satellite prises à la même échelle
A gauche : Photo satellite de Paris (Beaubourg, les Halles)
A droite, en haut : Saint-Denis (Cité des Francs Moisins)
A droite, en bas : Stains
Source: Google Maps
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
II.C.2 DES VILLES ET DES SITUATIONS DIFFERENTES DE
CONFORT
BERLIN : UNE PREOCCUPATION ENVIRONNEMENTALE ET UNE VOLONTE
D’AMELIORER LA SECURITE DES PIETONS
Berlin est une ville très étendue. Sa superficie est supérieure à huit fois celle de
Paris. Cependant, sa structure polycentrique permet souvent aux Berlinois de
vivre et travailler dans un même quartier. De ce fait, Berlin est une ville à taille
humaine. La carte ci-dessous représente les différents « arrondissements » de
Berlin, qui fonctionnent individuellement comme des villes à part entière.
Carte des différents quartiers de Berlin
Source : http://www.latlon-europe.com
Berlin demeure néanmoins une ville au tissu urbain lâche. Les îlots sont grands et
les rues sont larges. Pour réaliser des aménagements pour piétons ou cyclistes, la
place ne manque pas. Les trottoirs sont également très larges. Sur cette photo,
d’une rue d’un quartier résidentiel de Berlin-Est, le trottoir est large de 6m.
Une rue résidentielle à Berlin est
Source : Études Urbaines
La ville se distingue également par sa verdure, qui est très présente. Les arbres
d’alignement dans les rues dépassent souvent la hauteur des bâtiments. Cette
végétation renforce l’impression d’espace.
POLITIQUE POUR LES PIETONS
Le Senatsverwaltung für Stadtentwicklung und Umwelt (direction de l’urbanisme
et de l’environnement) mène, en partenariat avec l’association Fuss (association
de défense des piétons), une politique pour la marche en ville. Cette politique
prévoyait à l’origine une action à grande échelle en dix points afin d’atteindre les
trois objectifs suivants : la diminution du nombre d’accidents de la route,
l’augmentation de la satisfaction des habitants et la suppression des obstacles sur
l’espace public.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Les dix projets modèles à Berlin
Source : Senatsvewaltung für Stadtentwicklung und Umwelt
Compte-tenu du budget limité de la ville, seuls trois axes ont été retenus dans un
premier temps : il s’agit des mesures 1, 4 et 5 que nous allons présenter un peu
plus en détail.
L’ENQUETE DE SATISFACTION
La ville a mené une grande enquête de satisfaction.
Deux mille ménages ont été interrogés par téléphone
entre novembre 2011 et janvier 2012. Les résultats de
cette enquête ont montré qu’une majorité de Berlinois
était déjà satisfaite de la situation actuelle : 54%
d’entre eux sont satisfaits ou très satisfaits, et 29%
sont partagés. Les résultats varient suivant les lieux :
dans les quartiers les plus pauvres, certains usages
(vente à la sauvette sur les trottoirs, dépôt d’ordures) diminuent le taux de
satisfaction. Au contraire, dans certains quartiers de Berlin-Est qui, bien que
partiellement rénovés, restent moins bien aménagés que le reste de la ville, le
taux de satisfaction est important car les habitants apprécient le changement.
DES FEUX PIETONS PLUS RASSURANTS
Les feux piétons berlinois sont bien connus. L’Ampelman
(ci-contre), devenu effigie de la ville, est l’ancien feu
piéton de Berlin-Est qui a été généralisé à toute la ville
après la réunification.
La gestion des carrefours en Allemagne est différente de
la nôtre. Les cycles de feux ont une durée moyenne de 90
secondes, contre 70 secondes à Paris. La vitesse de
référence d’un piéton Berlinois est de 1,2 m/s tandis
qu’en France les temps de traversée sont calculés avec une vitesse de 1m/s. Le
constat est clair et unanime, le temps d’attente des piétons à Berlin est très long.
En raison de la largeur des rues, les traversées doivent souvent s’effectuer en
deux temps. Le temps de vert piéton est court et les deux tronçons à traverser ne
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
50
Études Urbaines
sont pas toujours synchronisés : le piéton est obligé de s’arrêter dans le refuge au
milieu de la chaussée pour attendre le prochain feu vert et terminer sa traversée.
De surcroit, ces traversées sont anxiogènes. La durée du vert étant courte, il n’est
pas rare qu’un piéton soit encore sur la chaussée alors que le feu piéton est déjà
passé au rouge. Il s’agit du temps de dégagement et les piétons peuvent bien sûr
terminer leur traversée de façon sûre, mais l’impression des usagers est
différente : les automobilistes qui tournent, voyant le feu rouge piéton, pensent
avoir la priorité (et n’hésitent pas à le signifier par des coups de klaxons) tandis
que les piétons se sentent en danger.
La ville envisage donc de mettre en place un système pour matérialiser ce temps
de dégagement en faisant clignoter le feu vert, en faisant clignoter le feu rouge
ou en installant un système de décompte graphique (un passage piéton qui
disparaît au fur et à mesure que le temps s’écoule). Ces trois systèmes sont
actuellement en test sur quelques feux piétons de la ville.
LES ZONES DE RENCONTRES
La plupart des rues résidentielles de Berlin sont des zones où la vitesse est limitée
à 6 km/h. Une si faible vitesse rend le trafic de transit inefficace, elles sont donc
uniquement empruntées par des véhicules motorisés pour desservir les
habitations riveraines.
Les grandes avenues sont, elles, limitées à 50 km/h. Leur gabarit permet
néanmoins aux automobilistes de dépasser aisément cette limitation et de rouler
à 70km/h voire 90km/h.
La ville réfléchit donc à créer un nouveau type de zone, intermédiaire, où la
vitesse serait limitée à 20 ou 30km/h. Ces zones plus apaisées, qui pourraient
être des « zones de rencontre » où tous les flux coexistent en toute sécurité, ont
du mal à trouver leur place à cause des lobbies voitures et vélos qui sont très
présents à Berlin. Ci-dessous, la une d’un journal local dénonce ce projet. Voici la
traduction du titre : « Arrêtons avec ce projet de limitation à 30km/h ridicule ! »
La Une du journal Berliner Zeitung du 06/11/2012
Source : Études Urbaines
ET D’AUTRES MESURES
Outre ces trois axes de réflexion, la ville a prévu un budget de 18 millions d’euros
d’ici à 2020 pour faciliter la circulation des personnes sur l’espace public. Cette
politique s’intitule « Un espace public sans obstacle » et vise à réglementer
l’installation et l’emplacement de tout ce qui peut constituer un obstacle pour les
cheminements piétons, depuis les poubelles jusqu’aux étals de commerçants.
Berlin est déjà très en avance sur les questions d’accessibilité. 80% du réseau de
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
51
Études Urbaines
transports en commun est aujourd’hui accessible aux personnes à mobilité
réduite. La totalité le sera à l’horizon 2025.
Par ailleurs, la ville mène une politique de création de passages piétons, sans feu
de circulation. En effet, il y a une carence en ce type d’équipement dans la ville.
Suite à l’instauration, en 1964, de la priorité des piétons sur ces passages
protégés, le nombre d’accidents a considérablement augmenté. La ville a donc
supprimé massivement ces passages, jusqu’en 1990, où il n’en restait plus qu’une
centaine. Les traversées piétonnes restantes sont situées au niveau des
carrefours à feux. Il n’est donc pas rare de devoir traverser une route en double
sens, à deux fois deux voies, sans aucun marquage ni aucune protection, comme
sur l’image ci-dessous. Depuis 2001, 300 nouveaux passages piétons ont été
créés.
Un passage non aménagé pour la traversée des piétons
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
52
Études Urbaines
COPENHAGUE : LA PIONNIERE DES POLITIQUES PIETONNES
Copenhague est aujourd’hui considérée par de nombreux spécialistes comme
étant la ville du cycliste et du piéton. Si le mouvement de piétonisation avait une
année et un lieu de naissance ce serait certainement l’année 1962 et la ville de
Copenhague, avec la piétonisation de la Strøget.
A cette époque, cette rue était une artère importante du réseau routier de
Copenhague mais cette année-là, alors que Paris lançait son projet de Boulevard
Périphérique, Copenhague transformait la Strøget en une zone piétonne, la
première d’Europe et la plus importante sur le continent. Les deux photos
suivantes témoignent de cette transformation.
Photographies de la Strøget, avant et après la piétonisation
Source : City of Copenhagen
Si au début ce projet provoqua la colère de commerçants et de certains
habitants, très vite ceux-ci se sont rendu compte de ses bienfaits. Suite à ce
succès, en 1968 et ensuite en 1973, 1980 et 1992, d’autres rues furent
piétonnisées (voir plan ci-contre) et de multiples parkings aériens furent
remplacés par des squares et places. Ces modifications ont entrainé la création
de 100 000m² de réseau piéton.
Plan représentant les rues piétonnisées et photographie de la Strøget
Source : Bikedenton.wordpress.com et metropolismag.com
En plus de cela, la ville a développé un ensemble unique de données empiriques
afin de tracer l’impact du réseau piéton. Là où nous, à Paris, nous réfléchissons
en termes de circulation automobile, eux réfléchissent en termes de
déplacements piétons. Aujourd’hui, lorsque que la ville de Copenhague crée un
nouveau bâtiment ou un nouveau quartier, ils réfléchissent en termes d’impact
sur le piéton, sur le ressenti que celui-ci aura vis-à-vis du projet.
De nos jours, de multiples magazines classent les villes selon leur qualité urbaine,
leur « vivabilité ». Grâce à l’importance de son actuel réseau de rues piétonnes et
de pistes cyclables, Copenhague se trouve souvent parmi les premières villes de
ce classement. Nombreuses sont les villes (New York, Londres, Melbourne…) qui
s’inspirent du modèle copenhagois en terme d’aménagement et de confort
piéton.
En été, des centaines de milliers de personnes traversent à pied le centre-ville de
Copenhague chaque jour et, dans l’obscurité et le froid de l’hiver, 120 000
personnes par jour traversent la ville à pied. Nous avons le constater sur le
terrain, la ville vit au rythme des saisons et il y a donc beaucoup moins de monde
à certains endroits en hiver qu’en été. Le vélo, quant à lui, représente 31% des
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
53
Études Urbaines
déplacements quotidiens, contre seulement 3% pour Paris intramuros, et ce
notamment grâce aux 300km de pistes cyclables créés dans la capitale danoise.
Les conflits entre les piétons et les cyclistes sont rares à Copenhague. En tout cas,
cela est vrai pour les habitants de la ville car ceux-ci sont habitués à la répartition
des différents modes de transports (vélos, piétons, voitures…) sur l'espace public,
mais aussi en raison de leur éducation et de leur culture. Les Copenhagois sont
très respectueux des règles et des codes et passent dès le plus jeune âge (aux
alentours de 6-8ans) un « permis piéton » et un « permis vélo » là où nous,
Français, ne passons que le second.
Ce qui est ressorti de nos enquêtes « Je-tu-il » sur le terrain est que les conflits
entres les piétons touristes et les cyclistes sont cependant bien plus fréquents, en
partie à cause du manque d’habitude de ces utilisateurs qui découvrent l’espace,
mais aussi car les signalisations qui témoignent de la présence de pistes cyclables
sont rares.
En général, la signalisation est un problème récurrent à Copenhague. Si l’absence
de celle-ci, tout comme l’absence de potelets, permet de ne pas encombrer les
trottoirs et ne crée pas de pollution visuelle, cela engendre parfois des difficultés
dans les déplacements. Le manque de signalisation au niveau des pistes cyclables
en est un bon exemple, mais la gêne la plus importante que cela provoque est la
difficulté de s’orienter au sein de la ville. Comme nous l’ont témoigné les élèves
mais aussi la majorité des touristes que nous avons interrogés, sans carte, il est
très difficile de se déplacer et de se repérer dans la ville.
POLITIQUE PIETONNE
La ville de Copenhague mène une action à long terme pour les piétons. Cette
politique s’articule selon trois axes :
Plus de vie urbaine
L’objectif est que, depuis 2008 et d’ici à 2015, 80% de la population soit satisfaite
des opportunités de vie urbaine.
Plus de temps sur l’espace public
L’objectif, depuis 2008 et d’ici à 2015, est que les usagers restent en moyenne
20% de temps en plus sur l’espace public. Cet objectif met en relief un constat
que nous avons fait : la vie urbaine est beaucoup plus importante en été qu’en
hiver, où les gens vont avoir tendance à passer plus de temps à l’intérieur en
raison du climat.
Plus de gens qui marchent
L’objectif est qu’en 2015, la part modale de la marche
ait augmenté de 20% par rapport à celle de 2009 (25%).
Ces objectifs traduisent, par ailleurs, une forte volonté
de réduire la part modale de la voiture. Sur ce point, les
Copenhagois sont clairs, les déplacements en
transports en commun, à vélo ou à pied doivent être les
plus directs possibles, tandis que les itinéraires des
voitures doivent l’être le moins possible, et ce afin de
favoriser l’usage de ces modes de déplacement plus
durables.
Schéma de principe
Source : City of Copenhagen
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
54
Études Urbaines
NEW YORK : REDONNER DE L’ESPACE AUX PIETONS
New York est bien connue pour la structure quadrillée de ses rues. Les blocs de
240m x 60m et le quadrillage des rues permettent de se repérer facilement,
même s’il est parfois compliqué de différencier l’est de l’ouest, lorsque l’on sort
d’une bouche de métro notamment. Ainsi, il est très facile de partir dans la
mauvaise direction et, lorsque c’est le cas, nous nous en apercevons après avoir
parcouru un bloc en longueur ou en largeur. Il faut alors faire demi-tour ce qui
allonge ostensiblement la distance à parcourir. De plus, si le quadrillage est
pratique pour se repérer, il rend souvent la marche monotone. Lorsque l’on
parcourt une longue distance, sa régularité nous impose un rythme
d’interruption à chaque croisement, ce qui paraît allonger encore le trajet.
Quadrillage new-yorkais
Source : Études Urbaines
Un autre point important que nous avons pu relever concernant le confort des
piétons et en lien avec la forme urbaine de la ville de New York est la grande
hauteur des bâtiments. En effet, cela empêche le soleil d’atteindre le niveau du
sol et les rues sont très sombres, surtout en hiver. De plus, nous n’avons pas un
point de vue suffisamment dégagé depuis le sol, et des bâtiments très hauts tels
que l’Empire State Building ne sont visibles, à hauteur de piéton, que depuis un
certain angle depuis la rue. Souvent le meilleur angle de vue possible est celui
que nous avons depuis le milieu d’un passage piéton lorsque nous traversons une
avenue (Voir photo ci-dessous).
Vue depuis le milieu d’un passage piéton
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
55
Études Urbaines
La ville mène une politique pour redonner de la place aux piétons. Le projet New
York City Plaza vise à réaménager ou même à créer des places new-yorkaises
dans le but que chacun ait un espace public agréable, accessible et attrayant à
moins de dix minutes à pied de chez lui. La Gansevoort Plaza est un exemple de
place récemment réaménagée par le bureau d’étude Project for Public Spaces
dont nous avons rencontré des membres lors de notre étude de terrain. Il s’agit
d’un aménagement très simple, où seuls des plots de béton ont été installés pour
créer un espace protégé de la circulation motorisée. Sur cet espace rendu aux
piétons, du mobilier de convivialité est installé : tables, chaises et parasols
permettent d’agrandir la terrasse du café sur la place.
La Gansevoort Plaza réaménagée
Source : Études Urbaines
Une autre politique menée par la ville de New York et visant à redonner de
l’espace aux piétons entre dans le cadre du plan « Greener Greater New York »,
soutenu par le maire Michael Bloomberg et réalisé par le cabinet de l’architecte
danois Ian Gehl. Dans ce plan est prévue la piétonisation de certains espaces le
long de Broadway et, notamment, celle de Times Square, Madison Square, Herald
Square et Union Square (Voir détails en annexe 3).
Schématisation du projet
Source : Gehl Architects
Etre piéton à New York signifie, bien souvent, se sentir en insécurité vis-à-vis des
véhicules motorisés. La largeur des avenues et le fait qu’elles soient très
rectilignes permet en effet de rouler à grande vitesse. Les piétons, nombreux,
sont quant à eux plutôt indisciplinés. Un système de décompte leur permet de
savoir combien de temps il leur reste pour terminer leur traversée, mais ils
n’hésitent pas à traverser, en groupe, alors que le feu est rouge.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
56
Études Urbaines
Décompte pour les piétons
Source : Études Urbaines
Par ailleurs, la ville est jalonnée de boites d’appel d’urgence, qui permettent de
signaler une infraction ou une agression. De même, il n’est pas rare de croiser des
policiers. Ces mesures, visant à sécuriser les rues et à rassurer les passants,
conduisent plus, pour nous Parisiens, à un sentiment d’insécurité, mais la
population locale apprécie ces mesures et les juge rassurantes.
Boite d’appel d’urgence
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
57
Études Urbaines
Les avenues new-yorkaises sont très larges, nous l’avons vu. En revanche, les rues
résidentielles ont une taille plus humaine et les trottoirs y sont parfois étroits,
d’autant plus que les habitants ne disposent pas de bacs pour mettre leurs sacs
poubelles et les laissent donc devant chez eux sur le trottoir.
Des sacs poubelles entravant le passage dans le quartier de Chelsea
Source : Études Urbaines
De même, nous avons pu constater, lors de nos déplacements à New York, qu’il y
avait de nombreux échafaudages sur les trottoirs. En effet, après des recherches
plus approfondies, nous avons lu qu’il y en avait plus de 6000 dans toute la ville,
représentant plus de 305 kilomètres de linéaire (Source : Urbanophile.com). En
plus d’être inesthétiques et donc désagréables à regarder, ces échafaudages
entravent les cheminements piétons. La photo suivante en montre un
particulièrement large, qui laisse un passage confortable pour les piétons.
Cependant, ce n’est malheureusement pas toujours le cas et, dans certaines rues,
deux personnes ne peuvent parfois pas se croiser. C’est pourquoi un concours a
été lancé, en 2004, par la Ville de New York afin de proposer des solutions
inventives, originales et esthétiques qui pourront constituer les nouveaux
échafaudages à New York. Nous n’avons toutefois pas relevé la présence de la
solution retenue à l’issue de ce concours dans le paysage new-yorkais (Voir
annexe 3).
Echafaudage sur Church Street
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
CASABLANCA ET FES : LES PREMICES D’UNE POLITIQUE POUR LES
PIETONS
L’approche de la question des piétons au Maroc est nécessairement différente de
celle des autres pays évoqués précédemment. Rupture culturelle et historique,
différences climatiques, le choix du Maroc était là pour apporter une autre vision,
un autre regard sur la marche en ville, et pour nous faire réfléchir sur notre
propre rapport à la rue. Que ce soit pour Fès ou Casablanca, nous avons relevé
des problématiques similaires relativement au confort des piétons. L’une des
premières est la différence fondamentale de situation des piétons entre les
quartiers historiques, presque figés dans le temps, et ceux plus récents, hérités
du protectorat français. D’une vie piétonne millénaire, au cœur de médinas qui se
cherchent entre carte postale touristique et lieux malfamés, à la prise de
conscience des limites d’une politique « tout-voiture » dans les quartiers
modernes, nous avons observé les prémices de politiques piétonnes.
DES QUARTIERS TRES CONTRASTES POUR LES PIETONS
Aussi bien à Fès qu’à Casablanca, ce qui frappe au premier abord ce sont les
différences en matière de formes urbaines et de confort des piétons qui peuvent
exister d’un quartier à l’autre. Plus encore que les disparités entre quartiers, c’est
la transition entre eux qui frappe. A Casablanca, on passe ainsi des rues
piétonnes étroites de l’ancienne médina à la Place des Nations Unies et ses flots
de voitures ; de la Grande Mosquée Hassan II et ses espaces piétons au Boulevard
de la Corniche bordant l’océan, aux trottoirs peu praticables ; du quartier de la «
Corniche » et ses nouveaux aménagements piétons au quartier bourgeois d’Anfa,
dont les riches occupants ne doivent pas se déplacer souvent à pied autour de
leur habitation...
A Fès, même constat : sorti des ruelles pavées tortueuses et des escaliers de
l’ancienne médina (Fès el-Bali) et une fois franchies les portes des murs
d’enceinte, le marcheur se trouve confronté à une circulation automobile intense
qui ne lui laisse que peu de place. Dans la ville nouvelle, l’Avenue Hassan II offre
aux habitants un lieu de promenade apprécié mais les rues adjacentes présentent
des conditions de marche bien plus difficiles.
C’est vraiment cette sensation de passer de « tout » à « rien », ou à presque «
rien» en termes de confort de la marche, qui surprend.
LA MARCHE PAR DEFAUT ET UN RAPPORT DE FORCE PERMANENT
Dans les villes marocaines, et en particulier à Casablanca, la marche est le moyen
de déplacement le plus utilisé : elle concerne environ 54% des déplacements à
Casablanca (2004, source : Agence Urbaine de Casablanca). De plus, nous
pouvons relever que la part des déplacements à pied a légèrement augmenté
depuis 1975 (51% en 1975), contrairement à ce qui s’est passé dans les villes
françaises sur la même période. Il ne faut cependant pas voir dans cette
augmentation de la marche le résultat d’une volonté politique : ce n’est pas parce
que la marche est un mode de déplacement confortable que beaucoup le
choisissent, c’est un mode choisi par défaut car les alternatives ne sont pas
satisfaisantes ou trop coûteuses. Les élèves de l’Ecole Supérieure d’Architecture
de Casablanca en font le bilan : les transports en commun sont souvent mal
fréquentés et bondés (leur part dans les déplacements est passées de 18 à 13%
entre 1975 et 2004), et les Grands Taxis (transports en commun de petite taille)
sont peu confortables et souffrent, comme les très nombreuses voitures
particulières, des embouteillages. Le tramway, sur le point d’être inauguré lors de
notre passage, changera peut-être en partie la donne.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
59
Études Urbaines
Face à ces nombreux véhicules motorisés, les piétons ne sont jamais en position
dominante. S’ils se sont habitués à la « conduite casablancaise », la traversée des
grands axes reste un parcours du combattant. On observe, en particulier,
l’absence quasi-généralisée de feux piétons. Sur un passage piéton, les
conducteurs de véhicules motorisés sont tenus de céder le passage aux piétons
déjà engagés (Arrêté municipal permanent n°2 du 112-1966 traitant des règles
générales de circulation), mais nous avons pu voir que cela n’est que très peu -
voire jamais !- respecté. Si certains notent l’indiscipline et le côté imprévisible du
piéton casablancais qui traverse « là où il veut, quand il veut », « se croit parfois
maître de la voie », on est en droit de se demander si ce dernier a un autre choix.
Les piétons sont en tout cas, avec les utilisateurs de deux roues motorisés, les
catégories d’usagers les plus touchées par les accidents de la circulation, et
représentent plus de la moitié des tués.
UNE GESTION DE L’ESPACE PUBLIC QUI NE FACILITE PAS LE CONFORT
Dans la loi marocaine, l’espace « public » comme nous l’entendons n’existe pas, il
n’est pas défendu en tant que bien commun à tous. En particulier, la construction
des trottoirs revient au propriétaire de la parcelle attenante. Si des modèles sont
supposés être suivis pour créer une unité lors du cheminement, la réalité est
qu’on observe un véritable patchwork au fur et à mesure de la déambulation. Si
les différences de couleurs, de matériaux, de motifs, peuvent créer un charme et
une atmosphère plaisante, le vrai problème se situe dans les différences
d’altimétrie entre ces différents morceaux de trottoirs, créant parfois de
véritables marches, ou des trous, plus que gênants en terme de praticabilité.
Il est clair que les cheminements des piétons passent au second plan face aux
besoins particuliers : entrée de garage coupant le trottoir, appropriations
pérennes de l’espace public par les bars et les restaurants, obstacles en tout
genre, c’est le lot commun dès que l’on s’éloigne des axes principaux. Si règles il y
a, ces dernières ne sont visiblement pas respectées, le confort des piétons ne
semble donc pas être une priorité.
Un trottoir à Fès, et une entrée de garage pour le moins « gênante » Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
60
Études Urbaines
Des trottoirs difficilement praticables, Fès Source : Études Urbaines
SECURITE ET SENTIMENT D’INSECURITE
La sécurité ressort comme un point central lorsque l’on traite du confort des
piétons au Maroc. En effet, nos questionnaires et les rencontres que nous avons
faites ont montré que les piétons, en particulier les femmes (étudiantes de l’EIVP
ou rencontrées sur place), ont un sentiment’ d’insécurité sur l’espace public, tant
le jour que la nuit. Dans certains quartiers, comme certaines zones de l’ancienne
médina de Casablanca, les habitants déconseillent de se promener la nuit.
Comment lutter contre cela ? Dans la médina de Fès aurait été installé un
dispositif de caméras de surveillance sophistiquées, mais nous n’avons eu que
peu d’informations à ce sujet.
Le sentiment d’insécurité s’exprime vis-à-vis des autres piétons, mais également
vis-à-vis des véhicules motorisés. Le risque d’accident est réel. Comment agir ?
Du discours de beaucoup, l’essentiel devrait passer par un travail d’éducation
tant des piétons que des automobilistes, afin de limiter les risques d’accidents,
dans les pas de l’Initiative Nationale de Développement Humain lancée en 2008
par le Roi Mohammed VI. Des amendes pour piétons ? C’est une idée proposée
par un étudiant de l’EHTP (École Hassania des Travaux Publics) afin de sensibiliser
les piétons. Pour autant, plus de policiers dans les rues ne réglerait pas forcément
le problème, notamment à cause des soucis de corruption.
« QUI A SA LANGUE NE SE PERD JAMAIS »
Ce proverbe marocain correspond tout à fait au ressenti partagé par tous, locaux
comme étrangers (… à condition qu’ils soient francophones ou arabophones). Les
villes n’étant pas, par nature, des plus lisibles pour les piétons, le recours à des
aides humaines ponctuelles mais fréquentes s’impose. Que ce soit à Fès ou à
Casablanca, on n’observe quasiment aucun plan dans les rues. Ceux qui sont
disponibles à l’achat ou sur Internet sont difficilement utilisables dans certains
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
61
Études Urbaines
quartiers, en particulier dans les médinas, du fait de la non-correspondance entre
les noms de rues imprimés sur le plan (en français) et ceux qui peuvent parfois
être affichés sur des panneaux ou connus par les habitants. Dans la médina de
Fès, se repérer consiste le plus souvent à se laisser guider par la pente pour
réussir à retrouver l’axe principal qui en constitue le point bas. Se repérer seul
dans la médina est quasiment impossible pour un étranger, et sans doute même
pour beaucoup de locaux.
LA MEDINA
La « médina » (ce mot signifiant « la ville » en arabe) désigne la partie ancienne
des villes, en opposition aux villes nouvelles crées par les Européens. Ces
quartiers présentent une typologie bien particulière : des rues étroites
entièrement réservées aux piétons (à l’exception de quelques ânes), bordées de
murs souvent hauts et assez neutres, la vie de la maison n’étant pas tournée vers
la rue mais plutôt vers des cours centrales en intérieur d’îlots.
L’ancienne médina de Fès (Fès-al-Bali) est tout simplement la plus grande
médina, mais également la plus grande zone piétonne continue du monde. Elle
s’étend sur plus de 300 ha. Il faut environ 40 minutes pour la traverser au plus
court, de part en part. Cette partie de la ville, inchangée depuis le XIIème siècle,
est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1981. Dédale de rues
sinueuses, la médina de Fès possède quelques axes principaux qui relient les
portes de l’enceinte : une des rues les plus commerçantes, Tala’a Kbira, rejoint la
célèbre Bab Jouloud.
Dans les rues étroites, le flux piéton est fort, et rend les arrêts difficiles, surtout
en groupe. Aucun espace public, aucune respiration ne vient se présenter au
marcheur. Les piétons sont drainés dans les souks et les quelques 10000 rues et
ruelles de la ville.
Une rue de la Médina de Fès Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
UNE NOUVELLE POLITIQUE TOURNEE VERS LE PIETON
Si pour les piétons les difficultés sont réelles, on note que les choses sont en train
d’évoluer. A Casablanca en particulier, on voit dans les projets en cours de
finalisation une préoccupation plus insistante pour le confort des piétons.
Le très structurant projet de tramway de Casablanca réalisé par l’entreprise
SYSTRA a donné lieu à la requalification de l’hypercentre par la création de
grands espaces piétons. En se réappropriant des modèles déjà développés à
l’étranger, la question de l’accessibilité a été prise en compte pleinement. Les
nouveaux espaces piétons semblent déjà plaire aux habitants. Au bord de
l’océan, dans le quartier de la Corniche, les trottoirs ont également été
réaménagés pour offrir plus de confort.
Si le tramway et les nouveaux aménagements piétons vont peut-être améliorer
significativement les conditions de la marche et la rendre attractive même aux
yeux de ceux qui ont les moyens d’utiliser un véhicule motorisé, le pari ne parait
pas gagné d’avance. Comme le rappelle Jean-Yves Reynaud, directeur du projet
de tramway chez SYSTRA, la voiture reste au Maroc un signe de réussite sociale.
Le changement des mentalités vers des modes doux et actifs telle que la marche
n’est donc pas encore pour demain.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
63
Études Urbaines
LE CONFORT DES PIETONS : SYNTHESE DES REMARQUES AU REGARD DE NOS QUATRE AXES DE REFLEXION : SECURITE, LISIBILITE, PRATICABILITE ET PLAISIR
Nous avons regroupé les points importants concernant le confort des piétons dans nos cinq villes d’étude à la lumière de nos quatre axes de réflexion :
Ville Sécurité Lisibilité Praticabilité Plaisir
Berlin Beaucoup de trafic motorisé, donne une impression de vulnérabilité au piéton
Travail sur les traversées piétonnes pour les rendre plus sûres : marquage au sol, matérialisation du temps de dégagement, possibilité de traverser en diagonale.
Prise en compte des besoins des non et malvoyants lors de nouvelles réalisations : guidage linéaire par pavés striés, indications en braille.
Trottoirs larges, volonté politique de limiter les obstacles sur les cheminements piétons.
Enquête de satisfaction menée en 2012 : 54 % de satisfaction.
Verdure très présente : parcs, chemins le long des fleuves.
Copenhague Peu de conflits piétons-cyclistes (sauf peut-être pour les touristes qui ne sont pas habitués à une telle concentration de vélos sur l’espace public)
Forte présence des cyclistes rend l’espace peu lisible quant à son utilisation pour un novice.
Vie au fil des saisons
New York Traversées piétonnes dangereuses (piétons indisciplinés, taxis roulant trop vite)
Décomptes piétons mis en place
Des boites d’appel d’urgence présentes dans toute la ville
Plan en quadrillage
Point de vue peu dégagé du fait de la grande hauteur des immeubles
Trottoirs larges
Problème de gestion des déchets ménagers (sacs sur trottoirs)
Echafaudages
Monotonie de la marche due au quadrillage
Programme New York City Plaza (un espace agréable, accessible à moins de 10 min de marche)
Programme « Greener Greater New-York » et piétonisation de Broadway
Fès/Casablanca Insécurité ressentie par les femmes.
Traversées piétonnes non sécurisées et non sécurisantes.
Plan de la médina de Fès difficilement utilisable : dédale.
À Casablanca, dans la partie moderne, grandes avenues mais orientation difficile.
Trottoirs disparates (différences de niveaux, de revêtements) : Gestion de l’espace public par les propriétaires privés : l’espace public n’existe pas
Marche à l’abri du soleil dans la médina
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
64
Études Urbaines
II.D LE CONFORT DES PIETONS A PARIS
II.D.1 UN FORT POTENTIEL PIETON A PARIS ET DANS LA REGION
A Paris en 2010, plus de la moitié (52%) des déplacements sont réalisés à pied
(source : Enquête Globale Transport 2012). Ce chiffre semble montrer une
augmentation par rapport à la situation en 2001 (34% des déplacements réalisés
à pied), bien que cela soit en réalité difficile à interpréter, le mode d’enquête
ayant évolué entre ces deux résultats. La part modale globale de la marche à pied
en Île de France est de 38%, cela en fait le premier mode de déplacement utilisé,
tous motifs confondus.
Nombre de déplacements par personne et par jour selon le lieu de résidence
Source : Enquête Globale Transport 2010
La portée des déplacements domicile-travail en Île de France est relativement
élevée : en moyenne 10,7km, une faible partie de ces trajets a donc une portée
permettant de les couvrir à pied, c’est la raison pour laquelle seuls 10% de ces
déplacements sont effectués à pied.
Les trajets domicile-travail ne représentant que 29% de tous les déplacements
réalisés en Île de France, et la portée moyenne d’un déplacement, tous objectifs
confondus, est seulement de 4,4km. Ceci s’explique bien sûr par la forte densité
de Paris et de la région en général, qui permet aux habitants de réaliser la plupart
de leurs activités (travail excepté) à proximité de leurs domiciles. De fait, la
mobilité de proximité, c’est-à-dire les trajets de moins de 3 km, constitue 65 %,
de l’ensemble des déplacements franciliens et concerne majoritairement les
déplacements pour les études, les achats et l’accompagnement d’autres
personnes (enfants majoritairement). La répartition du nombre de déplacements
effectués en fonction de leurs portées et les modes utilisés en fonction des motifs
de déplacements sont présentés dans les graphes suivants.
Répartition des déplacements à Paris en fonction de leur portée (2010)
Source : Enquête Globale Transport 2010
45%
20%
9%
12%
9%
5%
< 1km
1-3km
3-5km
5-10km
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
65
Études Urbaines
Répartition des déplacements par mode selon leurs motifs
Source : Enquête Globale Transport 2010
La structure des trajets réalisés en Île de France, et les habitudes franciliennes
montrent nettement que les déplacements piétons ont une place très
importante.
II.D.2 DES PROBLEMATIQUES SPECIFIQUES
Afin de considérer les problématiques que rencontrent les piétons d’Île de
France, nous avons, dans un premier temps, interrogé nos propres ressentis, et
dans un second temps, réalisé une enquête sur internet auprès des étudiants de
l’EIVP. Un échantillon de 80 étudiants a été interrogé par le biais d’un
questionnaire sur leurs habitudes de déplacements et sur leurs impressions en
tant que piétons dans Paris ou dans une autre ville, au choix, d’Île de France entre
le 9 et le 24 décembre 2012. Nous avons ainsi pu recueillir des informations
qualitatives sur Paris (60 réponses reçues) mais aussi sur Bry-sur-Marne (94360),
Chelles (77500), Créteil (94000), Le Perreux-sur-Marne (94170), Antony (92160),
Gagny (93220) et Saint-Ouen (93400) (20 réponses réparties sur ces villes).
Nous avons ensuite décliné ces impressions suivant les quatre axes développés
précédemment.
LISIBILITE
L’espace public en région parisienne, comme d’ailleurs dans toute la France,
parait suffisamment structuré pour être compréhensible. Les traversées
piétonnes sont bien identifiées, par un marquage au sol précédé de bandes
podotactiles contrastées. Le seul bémol est, dans Paris, la présence de certaines
pistes cyclables sur les trottoirs, donc le revêtement peu contrasté engendre des
conflits.
Des dispositifs spécifiques sont proposés aux non-voyants à Paris et dans
plusieurs villes de la région : certains feux tricolores sont équipés de hauts
parleurs qui indiquent le lieu où se trouve le passage piéton (nom des rues) et qui
émettent un son permettant de savoir si le feu piéton est rouge ou vert. D’autres
feux fonctionnent « à la demande », des télécommandes sont disponibles
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
66
Études Urbaines
gratuitement dans les sections du Centre d' Action Sociale de la Ville de Paris
(CASVP). Elles permettent d’utiliser ces dispositifs sonores d’aide aux traversées
piétonnes. Ces appareils peuvent être activés ponctuellement ou pour une durée
de 30 minutes.
L’orientation dans Paris ne peut cependant pas être complétement réalisée de
façon intuitive et les différentes indications disponibles dans les rues (panneaux
indicateurs, plans, repères remarquables) ne semblent pas être suffisantes pour
trouver son chemin à Paris. En effet, la plupart des panneaux indicateurs
s’adressent aux automobilistes : ils ne proposent pas l’itinéraire le plus rapide ni
le plus agréable pour les piétons.
Si 47% des personnes interrogées déclarent s’aider des panneaux, 53% utiliser
les plans dans la rue, et 48% utiliser des repères remarquables (comme des
monuments, les gares, etc.), ces indications suffisent seulement à 15% d’entre
eux. La plupart des personnes interrogées marchent dans Paris équipées de
plans : 33% en version papier, 31% en version électronique via le GPS de leur
téléphone, et 12% ont à la fois une carte et un téléphone équipé de GPS. Au total
c’est plus des trois quarts des personnes interrogées qui utilisent un équipement
personnel pour s’orienter dans la ville. De plus parmi ceux qui n’utilisent que les
informations dispensées sur l’espace public, seuls deux d’entre eux (22%)
considèrent que les informations présentes sur les panneaux leur suffisent. Au
total, moins d’un tiers des personnes (32%) estiment que les panneaux
présentent des informations suffisantes, les autres aimeraient trouver des
indications pour trouver les stations de transports en commun les plus proches
(47%), des services publics (25%) et 28% aimeraient pouvoir y lire le temps
nécessaire pour couvrir les distances à pied.
Lors de leurs déplacements dans une autre ville d’Île de France, les personnes
interrogées ressentent beaucoup moins le besoin de s’aider d’un plan : seuls 16%
d’entre eux s’aident d’un plan qu’ils transportent avec eux et aucun n’utilise de
GPS sur son téléphone. Cela s’explique bien sûr par la taille plus réduite des
communes concernées et par la bonne connaissance des lieux qu’ont les
personnes : la totalité des personnes interrogées habitant ou ayant habité dans la
ville considérée. Si 37% d’entre eux considèrent que les informations présentes
sur les panneaux sont suffisantes, beaucoup aimeraient pourtant y trouver
d’autres indications : 37% seraient intéressés par la mention du temps nécessaire
pour couvrir les distances à pied et 16% par des indications pour trouver les
stations de transport en commun.
PRATICABILITE
La ville de Paris a réalisé, en 2002, un « Schéma directeur d’accessibilité de la voie
publique aux personnes handicapées ». Ce document rassemble toutes les
législations relatives à l’accessibilité de l’espace public et prescrit des bonnes
pratiques à destination des professionnels de l’aménagement et de la voirie. Ce
schéma directeur prescrit notamment des cheminements piétons d’une largeur
minimale d’1m80 sans obstacles. En 2012, la Ville de Paris a publié son « Plan de
mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics » (PAVE). La notion
d’accessibilité dépasse celle de praticabilité, comme le présente Mme Véronique
Dubarry, adjointe au Maire de Paris chargée des personnes en situation de
handicap, l’accessibilité est universelle car elle « est destinée aux personnes en
situation de handicap ((…) de tous les handicaps), ainsi qu’à toute personne se
retrouvant un jour en état de vulnérabilité : personne âgée, personne encombrée,
personne peinant à déchiffrer nos codes urbains, enfants… » (texte extrait de
l’introduction du PAVE). Le PAVE présente en particulier le plan d’actions retenu
par la ville pour la mise en accessibilité de la voirie, ces actions étant classées en
quatre catégories en fonction de leur difficulté et/ou de leur durée de mise en
œuvre.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
67
Études Urbaines
Contrairement à d’autres villes françaises, Paris n’a pas choisi de hiérarchiser son
territoire afin de créer des pôles d’accessibilité autour des grands services
urbains : en effet, à Paris, la densité et la répartition des fonctions urbaines
rendent plus pertinent un ensemble d’actions menées sur tout le territoire.
L’enquête que nous avons réalisée suggère que la majorité des difficultés
rencontrées à Paris a trait à la largeur des cheminements disponibles : 22%
trouvent les trottoirs trop étroits, 33% les trouvent trop encombrés que ce soit
par du mobilier urbain, des poubelles, des deux-roues motorisés mal garés, ou
par des emprises de travaux (12%), et 40% trouvent que les trottoirs sont trop
fréquentés par rapport à leur largeur. Il semble donc que la densité de la ville, si
elle rend les déplacements piétons très pertinents (faibles distances à couvrir),
constitue également un problème : l’espace public est restreint et doit être
partagé avec d’autres occupants (véhicules motorisés, terrasses et étals, et autres
piétons). L’état des trottoirs (mauvais entretien ou saleté) est également un
problème pour 7% des personnes interrogées.
Dans les autres villes d’Île de France, c’est ce dernier critère, l’état d’entretien
des trottoirs, qui est le problème le plus souvent rapporté (35%). Dans certaines
communes, les trottoirs sont jugés peu confortables en raison des pentes en
travers et dans d’autres, l’impression d’insécurité apparait comme une vraie
difficulté lors des déplacements à pied.
SECURITE
Les piétons sont des usagers de l’espace public vulnérables. Comme nous
pouvons le voir dans le tableau ci-dessous, 18 d’entre eux sont décédés des
suites d’un accident de la route en 2010. Nous pouvons remarquer que la part de
piétons impliqués dans un accident est plus faible que celle des deux-roues
motorisés : 22,8% contre 51,3%. Cependant, le nombre de tués, qu’ils soient
deux-roues motorisés ou piétons, est quasiment le même (17 personnes
décédées étaient en deux-roues). Cela indique qu’en proportion, les piétons,
quand ils sont impliqués dans un accident, meurent plus que les deux-roues. Ceci
peut s’expliquer notamment par leur absence de protection vis-à-vis d’un
éventuel choc (pas de casque, pas de pare-chocs, pas d’airbag…).
Accidentologie en 2010 à Paris : répartition du nombre de tués et blessés en fonction de leur mode
de déplacement
Source : Bilan 2010 sécurité routière et accidentologie dans l’agglomération parisienne, Préfecture
de Police
Près de 80% des personnes interrogées dans notre enquête considèrent que Paris
est une ville sûre pour les piétons. A peine plus de 20% d’entre eux estiment
avoir peur d’avoir un accident (5% déclarant avoir « vraiment peur » et 17%
« assez peur »). Les véhicules qui apparaissent comme les plus susceptibles
d’entrer en conflit avec les piétons sont les voitures (74%), les deux-roues
motorisés (60%) et les vélos (42%). Selon les personnes interrogées, Paris
pourrait être plus sûre pour les piétons si les véhicules motorisés étaient moins
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
68
Études Urbaines
nombreux (59%) et les trottoirs plus larges (56%). 41% se sentiraient plus en
sécurité si les limitations de vitesse des véhicules motorisés étaient plus basses,
et 22% aimeraient une plus grande séparation entre les flux motorisés et le flux
piéton.
Dans les autres villes considérées, la grande majorité des personnes interrogées
se sentent en sécurité vis-à-vis des autres modes de circulation (85%) et
seulement 12% d’entre elles ont peur d’avoir un accident. Là encore, ce sont les
conflits avec les voitures qui semblent les plus probables (67%), suivis des deux-
roues motorisés (50%) et les vélos (25%). Un quart d’entre eux redoute aussi un
accident causé par un poids lourd, alors qu’ils ne sont que 10% dans Paris à
craindre un tel accident. La moitié des personnes interrogées pensent que la
sécurité serait améliorée par un élargissement des trottoirs. Les véhicules
motorisés semblent moins constituer un problème dans ces villes qu’à Paris :
seuls 25% considèrent que leur ville serait plus sûre si le nombre de véhicules
motorisés était réduit, 30% si les flux motorisés et le flux piéton étaient mieux
séparés, et 15% si la limitation de vitesse des véhicules motorisés était réduite.
Le sentiment d’insécurité est assez faible à Paris, comme dans les autres villes
considérées. L’agression par un tiers est la source d’insécurité qui vient a priori à
l’esprit des personnes quand on leur demande si elles se sentent en sécurité.
Ainsi, 4% seulement des personnes interrogées redoutent une agression, de jour
à Paris et aucune dans les autres villes. La nuit, la crainte d’une agression est plus
forte : ils sont 30% à Paris et 35% dans les autres villes. Le sentiment d’insécurité
pourrait être réduit par un meilleur éclairage des trottoirs pour 32% des
personnes à Paris et 20% dans les autres villes.
PLAISIR
La ville de Paris présente sur son site internet quatre grandes catégories de
promenades à pied : des balades culturelles (patrimoine historique, musées,
monuments), des balades au vert (parcs et jardins, bois, promenade plantée), des
balades dans les quartiers (Montmartre, la Butte aux Cailles, le Marais, etc) et
enfin des promenades le long des voies d’eau. Ces quatre grands axes semblent
en effet refléter les grandes envies d’un piéton lorsqu’il se promène :
- être soit dans un environnement calme, paisible, si possible naturel
et qui présente de belles perspectives : c’est le cas dans un espace
vert ou le long d’une voie d’eau
- être dans un lieu d’intérêt, esthétique, de patrimoine : c’est le cas
dans les quartiers historiques et à proximité des monuments
- être dans un lieu vivant, proposant toutes les fonctions urbaines, y
compris des possibilités de loisirs (commerces, bars, restaurants,
loisirs culturels comme les cinémas ou théâtres, mais aussi des
magasins variés qui invitent au lèche-vitrine et à l’achat-loisir) ; c’est
le cas sur les grands boulevards, dans les quartiers tels Montmartre
ou la Butte aux Cailles.
Globalement, marcher en Île-de-France est plaisant, et notre enquête le montre
bien : 74% des personnes interrogées déclarent aimer marcher à Paris (dont 42%
« aiment énormément »), ils sont 70% dans les autres villes. Seuls 5% des
personnes n’aiment pas marcher à Paris, ce chiffre montre à 15% dans les autres
villes considérées.
Les endroits considérés par les enquêtés comme les plus agréables pour marcher
sont en grande majorité les espaces verts et les espaces calmes le long des berges
des fleuves ou des canaux.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
69
Études Urbaines
A Paris, les endroits les plus souvent cités sont ainsi les parcs et jardins (43%,
dont 8% pour la coulée verte), les quais de Seine (28%) et des canaux (15%). Ces
lieux sont surtout appréciés pour leur calme et leur isolement par rapport aux
voitures (dans le cadre des opérations « Paris Respire » concernant les berges).
L’absence de nuisance sonore et de pollution semble être particulièrement
appréciée. Dans les autres villes, 45% des personnes citent des cheminements le
long de fleuves (la Seine à Rueil-Malmaison, la Marne à Bry-sur-Marne et Le
Perreux-sur-Marne) ou de plans d’eau (lacs à Créteil et Lognes). 35% aiment se
promener dans des espaces verts (parc de Bois-Préau à Rueil et les bois à Lognes,
notamment).
D’autres lieux plus vivants tels les arrondissements centraux (Marais, Saint-
Michel, Hôtel de Ville, les îles) et les quartiers animés (butte aux Cailles,
Montmartre) sont également appréciés (37%), en raison cette fois de leur offre
en commerces, restaurants, mais aussi en raison de leur intérêt patrimonial. Dans
les autres villes, les lieux de vie semblent moins appréciés, on note tout de même
que 12% aime se promener dans leur centre-ville (12%) ou dans des lieux
particuliers (les puces de Saint-Ouen, Créteil-Village).
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
70
Études Urbaines
La découverte et l’étude des différentes villes étrangères avaient un but
principal : proposer des sources d’inspiration pouvant servir à améliorer le
confort des piétons dans nos villes, et en particulier en région parisienne. Il était
important de prendre un maximum de recul, de comprendre le contexte, en
abordant globalement la question du piéton dans chacune des villes voire de les
comparer entre elles, pour commencer à parler de solutions particulières et de
faire ressortir des idées générales à utiliser chez nous.
Après la prise de conscience de la situation des piétons dans un endroit donné, et
des difficultés qui peuvent être les leurs, vient le temps de l’action. Et il est
possible d’agir. C’est même un devoir parfois. Il faut bien comprendre une chose :
il ne peut y avoir de solution toute faite, reproductible à souhait et sans réflexion
particulière. L’action sur l’espace public, et en particulier sur la question de la
marche, appelle des questionnements, des discussions et des choix. Des choix
forts. Et une volonté d’agir. C’est tout le sens de ce qui suit : montrer, à travers
des problématiques qui nous ont marquées, qu’agir sur le confort des piétons est
avant tout une affaire de choix justifiés, à prendre en toute connaissance de
cause, en fonction du contexte et de ses idéaux.
III. LE CONFORT DES PIETONS : UN CHAMP D’ACTION
OUVERT QUI APPELLE DES CHOIX POLITIQUES
La situation des piétons nous appelle bien souvent à agir, « nous », citadins que
nous sommes, acteurs privés ou publics, voire décideurs politiques que vous êtes
peut-être. Nous pouvons tous agir pour améliorer le confort des piétons, et a
fortiori notre confort. Sauf que la pluralité des désirs, la diversité des situations,
appellent des réponses réfléchies et équilibrées, qui ne seraient rien sans une
volonté et des choix forts, à même de bousculer un ordre établi bien trop
souvent opposé aux piétons. Car agir pour le confort des piétons est avant tout
une question de dosage, de conviction politique et d’audace.
III.A. AGIR POUR LE CONFORT DES PIETONS : UNE AFFAIRE DE
DOSAGE
Les acteurs de l’espace urbain, pour satisfaire à leur vision personnelle ou à des
besoins particuliers, ont parfois tendance à faire des choix extrêmes. Or, bien
souvent, la situation n’implique pas des choix entre des extrêmes mais bien un
équilibre subtil et réfléchi. Toute la question étant de bien positionner le curseur.
II.A.1 HARMONISER LES ESPACES MAIS NE PAS UNIFORMISER A
L’EXCES
Dans l’espace urbain, l’harmonie peut se rechercher sous diverses formes :
harmonie des matériaux, des couleurs, du mobilier urbain, harmonie des
panneaux de signalisation ou des dispositifs facilitant l’accessibilité… Elle peut se
rechercher à l’échelle d’un quartier, d’une ville, d’un pays, voire plus encore. Sa
recherche peut avoir des objectifs divers : créer une unité, une logique visuelle,
une identité au sein d’une ville ou d’un quartier, ou reproduire des schémas
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
71
Études Urbaines
similaires et des bonnes idées d’aménagement d’un lieu à l’autre afin, par
exemple, de faciliter l’accessibilité.
On remarque rapidement qu’une dissonance dans les règles de conception des
espaces piétons crée des situations compliquées. Un exemple assez parlant est
celui des trottoirs marocains. Nous l’avons vu plus haut, la règle fait que le
propriétaire et constructeur d’un trottoir est le propriétaire de la parcelle qui
jouxte ce trottoir. Si des règles de conception ont été instaurées par les pouvoirs
publics, ceux-ci ne sont finalement que rarement respectés. En ressort une
mosaïque de matériaux et de formes, qui pourrait esthétiquement révéler un
certain charme mais qui, dans les faits, produit des ruptures d’altimétrie du
trottoir et de véritables escaliers qui gênent sérieusement la déambulation, que
l’on soit une personne à mobilité réduite ou non.
Le manque d’harmonie entre les espaces peut également causer des difficultés
dans nos villes françaises, en particulier quand des dispositifs varient d’un lieu à
l’autre : les systèmes de repérage et de guidage pour les personnes souffrant
d’un handicap visuel, qui ne sont pas toujours homogènes, en sont un parfait
exemple. Pour ce type de d’installation améliorant la lisibilité de l’espace, la mise
en place de règles et de standards à l’échelle nationale permet de faciliter
grandement le confort de certains piétons, en particulier lorsqu’ils découvrent un
lieu pour la première fois.
Harmoniser les différents espaces d’une même ville permet également d’en
faciliter la gestion et donc d’en diminuer le coût d’entretien. En effet, multiplier
les types de mobiliers urbains, les matériaux, les dispositifs, complique forcément
la gestion et la maintenance des espaces pour les services municipaux. D’un point
de vue pragmatique, il parait de plus logique de vouloir étendre un dispositif qui
fonctionne bien et qui satisfait les utilisateurs : les bonnes pratiques qui naissent
dans un lieu auraient ainsi tout intérêt à être appliquées sur les territoires voisins.
Mosaïque de trottoirs, Fès
Source : Études Urbaines
Enfin, pour un piéton, évoluer dans un espace cohérent, où il ne perçoit pas ou
peu les changements de domanialité, peut lui donner une impression d’harmonie
très agréable. L’espace lui est lisible, compréhensible, lui semble familier. Il s’y
sent naturellement comme devant chez lui puisque tout est comme devant chez
lui !
Sans négliger ce besoin apparemment essentiel d’harmonisation, il faut prendre
garde à ne pas tomber dans l’excès inverse : l’uniformisation de nos villes.
Phénomène mis en avant notamment par les travaux de Rachel Thomas sur
L’aseptisation des ambiances piétonnes au XXIe siècle, il est vrai que les villes ont
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
72
Études Urbaines
aujourd’hui tendance à s’uniformiser et à se simplifier. On peut noter cela à
travers plusieurs aspects : premièrement, via le lissage des sols urbains motivé
par un souci d’accessibilité ; deuxièmement, par la spécialisation des zones de
circulation pour faciliter l’écoulement des flux ou à l’inverse par la création de
zones de circulation apaisée quand l’automobile n’est plus la priorité, dont les
modèles traversent les océans ; enfin, par la volonté surdéveloppée de propreté
et de sécurité, qui encadre les comportements gênants (tags, interdiction de la
cigarette comme dans les parcs à New York, élimination des déjections
canines…).
Finalement, là où on aura voulu créer de nouveaux espaces dédiés aux piétons à
New York ou Copenhague pour y révéler l’identité des lieux, on observera parfois
les mêmes types d’aménagement et de dispositifs… Le plaisir des piétons de se
trouver dans un endroit singulier et particulier est directement menacé même si
les besoins de praticabilité, de lisibilité ou de sécurité peuvent conduire à
privilégier cette standardisation de l’espace. New York, Paris, Casablanca ? Les centres commerciaux, des espaces piétons lisses et vides
d’identité
Sources : Études Urbaines
Face aux intérêts notables de réutilisation d’idées d’une ville à l’autre, d’un pays à
l’autre, il est important selon nous de garder comme motivation la sauvegarde et
le développement de l’identité des lieux. La question de l’harmonisation des
espaces est donc bien une question de dosage, dont l’équilibre permettra de
participer au confort des piétons.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
73
Études Urbaines
Idée n°1 : Créer des standards qui autorisent des variations d’ambiance
Assurer une bonne praticabilité et lisibilité de l’espace de façon continue sans
pour autant figer l’identité visuelle. Donner des objectifs en termes de gabarits, de
tailles, de contrastes, de rugosité, mais pas en termes de couleurs, de matériaux
ni de formes.
Conserver les spécificités locales sans perdre en fonctionnalité : un trottoir en
brique comme on en trouve à Amsterdam est aussi confortable qu’un trottoir en
asphalte noir à Paris.
Raisonner non pas en modèle unique mais en gamme, chercher l’harmonie au
travers de plusieurs déclinaisons possibles d’un item.
III.A.2 REALISER DES AMENAGEMENTS EMBLEMATIQUES MAIS
SAVOIR RESTER SIMPLE
Pour une ville voulant afficher sa volonté de promouvoir les déplacements
piétons et d’améliorer leur confort, pour peu qu’elle en ait les moyens, la
tentation est forte de réaliser des aménagements emblématiques, de haute
qualité, qui lui serviront de vitrine et seront un fer de lance de sa politique.
À New York, la désormais célèbre High Line entre dans cette optique. Ce véritable
parc urbain, construit sur les restes d’une ligne ferroviaire aérienne désaffectée,
a été réalisé avec un très grand soin et a été inspirée de la Coulée Verte
parisienne. La réflexion sur le design, sur les points de vue, sur l’intégration
urbaine, a été poussée à l’extrême, et du résultat final ressort une vraie
impression de qualité. Le pari est clairement réussi : les nombreux piétons qui
l’empruntent bénéficient d’un espace praticable, rassurant, lisible, où le plaisir de
marcher a également sa place. L’impact de l’aménagement dépasse le cadre strict
d’un nouvel espace ouvert aux piétons, mais se veut un outil de communication
et de promotion de la ville quant à sa modernité et sa politique tournée vers le
développement durable.
High Line, New York
Source : Études Urbaines
À Casablanca, la mise en place du nouveau tramway a permis une réflexion
profonde sur le réaménagement des espaces desservis, en particulier au centre-
ville. A été décidée une piétonisation totale de certaines places et rues au cœur
de Casablanca. En proie à de graves problèmes de congestion automobile, la ville
voit dans ce projet structurant un véritable moteur de son renouveau et une
vitrine pour le développement du pays. Outre la simple piétonisation, il est clair
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
74
Études Urbaines
qu’une haute qualité a été recherchée, ce qui peut dénoter avec le reste de la
ville (tramway moderne, pavage, mobilier urbain particulier en acier Corten…).
Nouvelle aire piétonne du Boulevard Mohammed V et le tramway, Casablanca
Source : Études Urbaines
Les Casablancais semblent s’être rapidement approprié ces zones rendues aux
piétons, même si les relations et usages liés au nouveau tramway resteront à
étudier (au moment de notre passage et de notre rencontre avec l’aménageur, le
tramway était en phase d’essai).
Cependant, s’il y a bien une chose qui frappe lorsque qu’on déambule sur le
nouveau tronçon piéton du Boulevard Hassan II, ce sont les rues perpendiculaires
coupées par l’aire piétonne et qui s’arrêtent désormais en cul-de-sac de part et
d’autre de cette aire (voir photo ci-après). La rupture avec la zone piétonne est
brutale et les nouvelles impasses se sont toutes transformées en parkings urbains
très fréquentés. Là où l’aménagement se veut améliorer le confort des piétons en
reconquérant des espaces sur la voiture, ce qui frappe presque le plus ce sont les
automobiles garées tout le long du parcours.
Limite de la nouvelle aire piétonne du Boulevard Mohammed V, Casablanca
Source : Études Urbaines
Plus l’aménagement réalisé est fort et se démarque du reste du territoire, et plus
la question de la limite de cet aménagement se pose. Lorsque les individus sont
contraints de passer d’un environnement confortable à un autre qui l’est moins,
la rupture violente du confort peut être perçue comme une véritable agression
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
75
Études Urbaines
(exemple : passage d’un environnement avec une lumière douce à un
environnement avec une lumière forte). Pire, si les abords d’un lieu sont trop
compliqués, les piétons n’y accéderont tout simplement pas… il parait alors
plutôt absurde de parler d’un aménagement confortable si personne ne peut ou
ne veut y accéder.
Sigrid Reiter, chargée de cours à l’Université de Liège, écrit que « pour faire
passer une personne d’un environnement confortable à un environnement plus
éloigné de la neutralité, il est conseillé de créer des zones de transition pour que
le passage se fasse insensiblement »7. Autant il est intéressant pour une ville de
réaliser un aménagement de haute qualité en terme de confort des piétons,
autant on ne peut qu’encourager à réfléchir a minima sur les zones de transition,
les abords de l’installation, pour que l’usager ne ressente pas brutalement le
changement.
Un aménagement piéton emblématique est donc bien un élément fort qui
contribue au confort des piétons dans une ville, à la condition de n’être pas conçu
sans une réflexion plus globale, pour véritablement améliorer le confort à
l’échelle du quartier ou de la ville dans lesquels il s’insère.
Il ne faut pas non plus penser qu’améliorer le confort des piétons implique
nécessairement la réalisation d’aménagements coûteux. Comme le soutient
l’urbaniste Jean-Pierre Charbonneau, il est possible de mettre en place des
solutions intenses, participant au confort des piétons, et qui restent simples. Il est
« plus important de créer du liant pour réunir tous les ingrédients de l’urbanité
7 Reiter, S., « Conception et aménagement des espaces bâtis », Université de
Liège (ULg)
que de poser de beaux pavés et d’implanter du mobilier urbain design »8.
Diminuer la qualité, en termes de matériaux en tout cas, n’est pas
nécessairement une mauvaise chose. Au contraire, il s’agit, en simplifiant, de
revenir à l’essentiel. Jean-Pierre Charbonneau souligne que les villes doivent
définir le niveau de projet qu’elles souhaitent, en termes d’exigences et de
budget, et le fixer à l’avance. Dans le cas contraire, les élus sont généralement
séduits par les plus beaux projets et les maîtres d’œuvre de leur côté ont
tendance à proposer le mieux de ce qu’ils sauraient faire pour un projet donné,
alors qu’une solution plus simple, moins spectaculaire, serait plus adaptée. N’est-
ce pas là un vrai enjeu pour les aménageurs : mieux définir le niveau d’exigence,
pour diminuer les coûts et pouvoir ainsi, à budget égal, étendre largement le
périmètre d’action ?
L’un des exemples les plus parlants d’un aménagement réalisé à peu de frais, et
qui participe à une réelle amélioration du confort des piétons : la piétonisation
partielle de Broadway, à New York, réalisée par l’agence Gehl Architects à partir
de 2007. L’idée est simple et a été montée dans un premier temps sous la forme
d’une expérimentation : pour Times Square, un peu de peinture sur le sol,
quelques bacs à fleurs pour délimiter de nouvelles aires piétonnes, quelques
tables, chaises, et c’est tout. Il n’y a donc aucun réaménagement lourd, la voirie
n’a pas bougé. Les New-Yorkais et les touristes ayant immédiatement pris leurs
marques dans leurs nouveaux territoires conquis, et la circulation sur Broadway
n’ayant pas subi de congestions particulières, l’expérience a été pérennisée.
8 Charbonneau, J.-P., 2010, « Pour des lieux intenses, hospitaliers, confortables »,
Diagonal, 182, pp. 38-41.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
76
Études Urbaines
Piétonisation de Times Square, Juin 2012, New York
Source : Études Urbaines
D’autres propositions simples, mises en place facilement et à peu de frais,
peuvent s’imaginer pour améliorer le confort des piétons et leur permettre de
redécouvrir leur ville. À Berlin, les « grüne Hauptwege » (littéralement des voies
principales vertes) sont un ensemble de chemins numérotés comme des chemins
de randonnée, qui permettent à ceux qui les empruntent de relier les différents
espaces verts de la ville entre eux, d’une façon la plus confortable possible.
Aucun réaménagement de la ville n’a eu lieu, les chemins créés s’appuient tous
sur les trottoirs, jardins, chemins existants. Pour pallier aux points difficiles
(traversée piétonne non protégée, trottoir trop étroit, etc) les chemins font tout
simplement… un détour.
La déambulation proposée permet ainsi aux piétons de découvrir des espaces où
ils ne se rendraient pas nécessairement naturellement.
Plusieurs cartes des chemins sont disponibles, et des autocollants ont été
installés sur du mobilier existant (panneaux, luminaires) pour permettre aux
usagers de suivre leur chemin. Créer une lisibilité minimale et retrouver la
praticabilité et le plaisir qui se trouvent déjà dans la ville, c’est aussi cela,
améliorer le confort simplement.
A gauche : une des cartes des Grüne Hauptwege,
A droite : l’un des autocollants permettant de suivre un chemin
Sources : Piekart.de et Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
77
Études Urbaines
Voici les idées que nous retenons :
Idée n°2 : Soigner l’intégration d’un aménagement dans le territoire
S’assurer de l’accessibilité du nouvel aménagement depuis le tissu urbain existant
en en traitant les entrées.
Créer une covisibilité entre les espaces pour gommer les frontières.
Idée n°3 : Utiliser les moyens d’une façon efficace
Choisir des solutions peu coûteuses qui permettent d’élargir le périmètre d’un
projet. Privilégier une qualité d’usage à une qualité matérielle.
Idée n°4 : Mettre en valeur les atouts de l’espace
Mettre en évidence les cheminements confortables existants, même s’ils ne sont
pas les plus directs.
III.B. AGIR POUR LE CONFORT DES PIETONS : DES CHOIX
POLITIQUES A ASSUMER
Si agir pour le confort des piétons consiste parfois à trouver un équilibre entre
deux extrêmes, il faut, dans certains cas, que les décideurs politiques prennent
une position claire entre des orientations opposées. Il n’y a pas nécessairement
de bonnes et de mauvaises solutions en soi mais plutôt des choix à faire, en
accord avec des convictions et des éléments concrets d’analyse. Une fois
l’orientation retenue, il faut alors assumer ce parti pris dans les problématiques
spécifiques qu’il soulève.
III.B.1 SEPARER LES FLUX OU PARTAGER L’ESPACE ?
La question du partage de l’espace et de la séparation des modes de transports
est centrale. Pour un espace urbain donné, où plusieurs de modes de
déplacement coexistent, les aménageurs peuvent être partagés entre des
orientations opposées : d’un côté, diviser de façon nette l’espace, et assigner à
chaque mode son couloir, et de l’autre, encourager au contraire le partage de
l’espace.
Tout en voulant améliorer le confort des piétons, la dualité persiste car chacune
des visions a ses avantages et ses inconvénients.
Séparer les flux contribue à rassurer les piétons sur les trottoirs. Sur ce trottoir, ils
sont protégés de tous les véhicules motorisés qui traversent la ville, ils peuvent
donc se sentir en sécurité. Ce sentiment peut être renforcé par les diverses
protections qui les séparent physiquement des autres modes : bordures de
trottoir, potelets, barrières, végétations, voire grilles ou murs. Cependant, si ces
frontières sont visuellement très marquées, ou si elles sont continues sur une
grande distance, le trottoir change d’aspect : il n’est plus un lieu protégé mais
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
78
Études Urbaines
une cage où le piéton se sent enfermé. Séparer les flux implique forcément aussi
de traiter la problématique des croisements desdits flux par le biais de traversées
piétonnes. Nous verrons plus loin que plusieurs solutions sont possibles pour en
améliorer le confort.
Enfin, diviser l’espace améliore généralement la lisibilité des cheminements en
définissant visuellement et matériellement la place que chacun doit occuper. Les
piétons voient où ils peuvent marcher et où ils ne peuvent pas.
Séparation des flux (piétons, vélos, voitures), Copenhague
Sources : Études Urbaines
Le partage de l’espace améliore quant à lui la praticabilité en gommant les
bordures de trottoirs et les barrières qui pourraient gêner la progression des
piétons. Cette liberté de mouvement retrouvée participe au sentiment de plaisir
de déambuler dans la ville. Cette organisation partagée peut cependant
apparaitre comme peu lisible, et même être vraiment problématique pour les
personnes souffrant de handicap visuel si leur guidage n’est pas assuré par un
autre moyen que leur habituel repérage par rapport à la bordure de trottoir. De
plus, si les flux motorisés sont importants, il peut être difficile aux piétons
d’évoluer d’une façon agréable car leurs cheminements sont alors entravés par la
présence de véhicules sur tout l’espace.
A Berlin, des espaces partagés sont installés dans toutes les zones résidentielles.
Dans ces lieux, les piétons sont prioritaires sur tous les véhicules qui ne peuvent
dépasser une vitesse de 6km/h. Cette vitesse très faible n’en fait pas une « zone
de rencontre » comme on l’entend en France car elle interdit dans les faits toute
circulation de transit. Les seuls véhicules qui empruntent ces rues sont ceux des
riverains qui quittent ou regagnent leur domicile.
Zones résidentielles à très faible trafic, Cour urbaine, Berlin
Sources : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
79
Études Urbaines
Nous pouvons simplifier les avantages et les inconvénients de ces deux options
avec le tableau suivant :
Ces deux partis-pris peuvent être pertinents, en fonction du cas considéré. Il faut
tout d’abord prendre en compte le pays dans lequel on se trouve, en termes
d’éducation à la sécurité routière des habitants et de leur facilité à respecter les
règles, qui varient beaucoup suivant les cultures. Au sein d’une même ville, l’une
ou l’autre des solutions peut être adoptée suivant les lieux, il s’agit de
diagnostiquer l’espace en termes de densité de piétons et de véhicules, de
largeur des voies et bien sûr d’usages.
Chacune des orientations amène à se poser des questions différentes.
Choisir de séparer les flux oblige à porter une attention centrale sur les lieux où
ces derniers se croisent : les carrefours. Plusieurs solutions peuvent être
apportées pour traiter les traversées piétonnes, mais aucune n’est universelle. Il
s’agit encore une fois de s’adapter au contexte et aux problématiques
spécifiques.
A Berlin, où les temps de vert piétons sont très courts, et où les habitants très
disciplinés n’envisagent pas de traverser au rouge, une solution permettant aux
piétons de traverser le carrefour en diagonale est actuellement en test dans un
lieu très fréquenté par les piétons, à deux pas du fameux Checkpoint Charlie
(carrefour Kochstrasse / Friedrichstrasse). Ce dispositif permet aux piétons de
traverser le carrefour en une seule fois, avec un temps de vert un peu plus long,
Séparer les flux Partager l’espace
Praticabilité - +
Sécurité ++ --
Lisibilité + -
Plaisir - ++
Les différents espaces partagés en France
L’aire piétonne : section ou ensemble de sections de voies en
agglomération affectées à la circulation des piétons de façon temporaire
ou permanente (art. R. 110-21 du Code de la route). Le piéton y est
prioritaire sur tous les autres usagers à l’exception des tramways. La
présence de véhicules motorisés y est exceptionnelle.
La zone de rencontre : Zone à priorité piétonne, ouverte à tous les modes
de circulation. Les piétons sont prioritaires sur l’ensemble de la largeur de
la voirie sur tous les véhicules (à l’exception des tramways). La vitesse des
véhicules y est limitée à 20km/h. Le stationnement de véhicules n’est
autorisé que sur des emplacements définis. Sauf exception, toutes les
chaussées sont à double sens cycliste.
La zone 30 : Même réglementation que pour la voirie à 50 km/h. Les
piétons n’ont pas de priorité particulière et sont tenus d’utiliser les
trottoirs. La vitesse des véhicules est réduite à 30 km/h, compatible avec
une traversée de la chaussée en tout point dans de bonnes conditions de
sécurité.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
80
Études Urbaines
tout en gardant des flux de voitures importants : le vert piéton n’arrive qu’une
seule fois par cycle.
Traversée piétonne en diagonale, Berlin
Sources : stadtentwicklung.berlin.de
Ce système semble bien fonctionner à Berlin, mais il serait peu judicieux de le
mettre en place à Paris, où les cycles de feux sont plus courts (70s en moyenne
contre 90 à Berlin), et où le piéton traverse plus facilement et plus rapidement :
s’il veut traverser en « diagonale », il traversera tout simplement en deux fois, en
commençant par le premier feu piéton qui passe au vert.
Une gamme de solutions intéressantes, qui pourraient cette fois être appliquées
à Paris, c’est celles qui consistent à matérialiser le temps de dégagement. Ce
temps est un délai de sécurité entre la fin du vert piéton et le début du vert
voiture, il permet aux piétons de terminer leur traversée en toute sécurité. Le
ressenti du piéton n’est pourtant pas celle de la sécurité : lorsqu’on se retrouve
au milieu de la rue et que le feu piéton passe au rouge, on se dépêche de
terminer sa traversée en espérant s’en sortir indemne ! Plusieurs pays ont donc
trouvé des moyens de montrer aux piétons qu’il leur reste un temps de traversée
possible.
A New-York, les feux sont ainsi équipés d’un décompte qui indique le temps de
vert restant.
Feu piétons avec minuteur, Copenhague
Source : Études Urbaines
A Berlin, des expérimentations sont en cours pour tester plusieurs
fonctionnements : un système de décompte chiffré comme à New-York, mais
aussi un système où le vert se met à clignoter (système retenu par exemple aux
Pays-Bas) ; un autre où le rouge clignote avant de devenir fixe ; enfin, un
pictogramme représentant un passage piéton qui disparait au fur et à mesure
que le temps passe. Le système de clignotement parait très intéressant : très
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
81
Études Urbaines
simple à mettre en œuvre (pas de modification physique du feu, il suffit de
modifier son cycle), il est visible facilement même par une personne mal voyante.
Il reste cependant moins précis pour évaluer le temps restant pour effectuer la
traversée… l’idéal en termes de lisibilité serait peut-être de coupler un système
de décompte, chiffré ou graphique, à un système de clignotement.
Système de pictogramme matérialisant le temps de dégagement à Berlin
Source : Municipalité de Berlin
A Berlin, près de la moitié des feux piétons est équipée de dispositifs sonores
permettant aux non-voyants de repérer le feu (le son le guide vers le feu
tricolore), et de savoir si le feu est rouge ou vert (deux rythmes différents pour
différencier le passage du rouge au vert). A Paris, peu de feux ont été équipés de
dispositifs fonctionnant en continu, car le son produit par ce type de système est
considéré comme une nuisance. La solution choisie est de fournir aux non-
voyants une télécommande qui permet d’actionner à distance le feu : le son est
donc émis à la demande, et la nuisance minimale.
Les espaces partagés appellent quant-a-eux à la vigilance sur les rapports entre
modes. La priorité donnée aux piétons dans le code de la route ne doit pas faire
oublier leur vulnérabilité. La hiérarchie des modes a beau être localement
réorganisée, les piétons ne font le poids que s’ils sont en nombre face aux
automobilistes. L’importance des différents flux peut évoluer au cours de la
journée, il faut que l’aménagement proposé puisse s’adapter à ces différentes
temporalités. Là où une séparation de flux s’adapte plutôt facilement en
changeant les cycles de feux notamment (en créant un vert piéton que sur
demande via un bouton à presser sur le feu, par exemple), il parait plus délicat de
s’assurer qu’une zone de rencontre sera respectée à toute heure.
En journée, lorsque les piétons sont nombreux, les automobilistes calmeront
naturellement leur vitesse, mais la nuit, avec une fréquentation très faible, la
voiture peut reprendre ses droits et l’espace devenir très peu rassurant pour le
piéton isolé.
Sur le parvis de la Gare du Nord à Paris, une zone de rencontre a été installée.
Celle-ci est agréable pour les piétons lorsque la densité de voiture est faible : peu
de différence de hauteur entre trottoir et chaussée (d’autant plus intéressant que
beaucoup des usagers du lieu transportent des bagages), espace dégagé et de
qualité… Malheureusement, la situation est rarement aussi aérée, en
fonctionnement normal les taxis sont présents en quantité : l’espace est
encombré par les véhicules et les piétons ne savent pas quand traverser, bien
qu’ils soient pourtant prioritaires ! On peut s’interroger s’ils ne préféreraient pas
avoir une traversée piétonne protégée par des feux, quitte à patienter quelques
secondes supplémentaires.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
82
Études Urbaines
Zone de rencontre peu occupée – Paris – Gare du Nord
Source : Google Streetview
Zone de rencontre occupée – Paris – Gare du Nord
Sources : Études Urbaines
D’autres zones en région parisienne mériteraient peut-être, par contre, d’être
aménagées en espace partagé. A Paris, devant les Grands Magasins, la zone est
particulièrement fréquentée par des piétons et pourrait gagner à évoluer vers
une zone de rencontre, voire une aire piétonne.
La foule devant les Grands Magasins, Paris
Sources : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
83
Études Urbaines
On retiendra quelques idées :
Idée n°5 : Adapter l’aménagement aux usages naturels
Le choix entre espace partagé et séparation des flux doit se faire uniquement en
observant les usages naturels dans le lieu considéré. Et après la mise en place de
telle ou telle infrastructure, il est essentiel d’évaluer l’installation pour voir si
justement elle répond aux besoins.
Idée n°6 : Choisir avec soin les lieux où partager l’espace
Réserver les espaces partagés aux lieux où les piétons sont les utilisateurs
majoritaires de l’espace.
Assurer un éclairage suffisant de nuit pour garantir la visibilité des piétons.
Créer un guidage linéaire pour les personnes souffrant de handicap visuel et les
amener vers des traversées sécurisées.
Idée n°7 : Traiter les traversées piétonnes quand les flux sont séparés
Matérialiser le temps de dégagement par un signal lumineux clair.
S’assurer de la praticabilité de l’espace : trottoir abaissé, largeur suffisante des
refuges mais aussi durée suffisante du temps de vert.
Idée n°8 : Soigner les transitions entre espace partagé et séparation des flux
Matérialiser le changement de fonctionnement par un changement d’aspect de la
rue.
Afficher une signalisation verticale claire, aussi bien pour les piétons que pour les
véhicules
III.B.2 INFORMER SUR L’ESPACE PUBLIC OU FACILITER
L’EQUIPEMENT PERSONNEL ?
Fournir une information de qualité, en lieu et temps donné, est un vrai enjeu
pour le confort des piétons. Orientation, repérage spatial, informations
touristiques, services : le champ des informations qui intéressent les piétons est
large. L’information peut être transmise par deux moyens : soit directement sur
l’espace public, soit par le biais des différents équipements portés sur eux par les
piétons. Les deux axes sont possibles et peuvent être suivis en parallèle. Ils
peuvent aussi bien se répéter que se compléter, et ne s’adressent pas
nécessairement au même public.
Quand on parle d’équipement personnel aujourd’hui, difficile de ne pas évoquer
les outils numériques, connectés pour un grand nombre à internet. Même s’ils ne
concernent pas tout le monde, les chiffres sont éloquents : dans une enquête
réalisée en avril 2012 par Ipsos9, 97% des personnes interrogées possédaient un
téléphone mobile, et 31% l’utilisaient chaque jour pour se connecter à Internet.
Ces chiffres augmentant bien sûr d’année en année, on peut se poser la question
de la pertinence d’investir maintenant dans une infrastructure physique pour
s’orienter dans la ville quand dans cinq à dix ans pratiquement tous les usagers
9 Étude réalisée par Ipsos pour l’opérateur Prixtel du 6 au 10 avril 2012 auprès de 1.006
personnes âgées de 16 à 64 ans, selon la méthode des quotas. « 1/3 des Français surfe sur les portables », http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2012/04/25/97002-20120425FILWWW00565-13-des-francais-surfe-sur-les-portables.php
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
84
Études Urbaines
de la ville auront leur propre système de guidage dans la poche… Faire le choix de
faciliter l’équipement personnel peut paraitre plus efficace, mais reste à trouver
le moyen de rendre ces équipements accessibles à tous pour ne pas générer de
l’exclusion.
Transmettre l’information à tous directement sur l’espace public, à condition de
prendre en compte les difficultés de chacun et en particulier de ceux souffrant
d’un handicap, présente l’intérêt de toucher tout le monde. Cependant, dans un
souci de lutte contre la pollution visuelle qui gêne la lisibilité de l’espace et
écorne le plaisir de marcher, l’information mise à disposition sur l’espace public
doit être pertinente et présentée de façon rationnelle et maîtrisée.
Nous allons ici présenter tout d’abord les différentes façons d’apporter de
l’information aux usagers, que ce soit sur l’espace public ou sous forme d’outils
emmenés avec eux par les piétons, puis nous nous intéresserons à la question
plus spécifique du guidage et de l’aide à l’orientation des personnes non
voyantes.
Notre objectif est de proposer des idées de solutions possibles, existantes ou
restant à développer.
SE REPÉRER DANS L’ESPACE ET SUIVRE UN ITINERAIRE
Parce que les piétons se déplacent dans des lieux dont ils n’ont pas toujours une
parfaite maîtrise, ils ont bien souvent besoin de se repérer ou de repérer un
élément particulier, dans le but éventuel de s’y rendre.
Le piéton se pose généralement les questions suivantes :
- Où suis-je ?
- Où vais-je ? Où puis-je aller ?
- Par quel moyen ou quel itinéraire ?
- Combien de temps cela va-t-il me prendre ?
Une fois son objectif défini, reste alors au piéton à s’y rendre.
LES PLANS SUR L’ESPACE PUBLIC
Quoi de plus explicite qu’un plan fixe pour se repérer et appréhender les
alentours ? Un plan, oui, mais pas n’importe lequel !
Un plan pertinent doit en premier lieu être facile à trouver pour le piéton. Cela
peut se faire par une signalétique qui le rend visible de loin, mais cela peut être
fait plus simplement en rendant les positions des plans plus systématiques, plus
logiques, en les couplant à des repères existants de l’espace.
Le plan doit ensuite offrir une réponse aux questions que le piéton se pose, d’une
façon claire et simple. Cette question de la lisibilité et de la compréhension des
informations délivrées est primordiale car tous n’ont pas les mêmes capacités :
certains peuvent avoir du mal à lire de petits caractères ou des différences de
couleur, d’autres ne sauront pas lire une échelle graphique ou interpréter une
distance.
De nombreux dispositifs à l’étranger présentent les distances en termes de temps
de parcours. Cela permet au piéton d’appréhender facilement l’effort qu’il aura à
produire et de comparer l’efficacité de la marche à celle des autres alternatives
modales. Marcher 20 minutes et marcher sur 2 kilomètres n’ont pas la même
résonnance.
New York a installé un certain nombre de panneaux présentant des courbes
isochrones associées à des plans de quartiers (voir ci-après). Ainsi, le piéton reçoit
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
85
Études Urbaines
une information complète, permettant une aide à la prise de décision,
concernant un déplacement piéton ou non. La carte permet de comprendre
visuellement une vérité dont l’usager n’avait pas nécessairement conscience.
Plan piéton présentant des isochrones à New York
Source : Études Urbaines
En France, l’INPES a installé une signalisation piétonne dans neuf villes de France,
présentant également les temps de parcours plutôt que les distances. Cela
permet ainsi aux piétons d’atteindre l’objectif des 30mn de marche par jour
préconisé par le Programme National Nutrition Santé (PNNS). Pour aider les
communes intéressées par un dispositif de ce type, le Ministère de la Santé et
l’Inpes ont développé un « kit d’appui » à destination des collectivités locales.
Nous avons déduit de nos observations à Paris et dans les autres villes que nous
avons visité plusieurs idées qui amélioreraient la qualité des plans sur l’espace
public.
Idée n°9 : Choisir pour les plans la bonne échelle et le bon maillage
Proposer des échelles de plan pertinentes pour les déplacements piétons, soit un
rayon de 20 à 30 minutes à pieds autour du plan au maximum, et proposer une
répartition des plans dans la ville suffisamment dense pour pouvoir se déplacer de
plan en plan.
Coupler les lieux d’installation des plans avec les lieux d’« entrée dans l’espace
public » : stations de transports en commun et parcs de stationnement.
Idée n°10 : Orienter les plans
Orienter le plan selon l’orientation du panneau sur lequel il est posé, quand cela
est techniquement possible. Dans tous les cas, indiquer le nord.
Idée n°11 : Unifier la présentation des plans par une charte graphique
Proposer sur la ville une charte graphique et une typologie unifiées, rendant
l’usage des plans accessibles aux étrangers et aux personnes souffrant de
handicap visuel.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
86
Études Urbaines
Idée n°12 : les informations présentes
Sur un plan, toujours indiquer « vous êtes ici », et placer l’emplacement où se
trouve le plan au centre de celui-ci.
Proposer sur le plan des points de repères remarquables, reconnaissables, ainsi
que les bâtiments publics.
Joindre au plan un index des rues.
Exprimer graphiquement le temps de parcours.
À Paris, il nous a semblé que les plans situés à l’intérieur des stations de métros
mériteraient d’être plus visibles, en particulier en surface. Ils répondent à la
majorité des exigences évoquées ci-dessus, en particulier au niveau de l’échelle,
de l’index, des bâtiments remarquables (indexés également), et de la clarté
générale. Par ailleurs, lier ces plans extérieurs au métro permettrait un maillage
intéressant les rendant repérables de loin et exploitables facilement.
Plan de quartier présent sur le quai de la station de métro Belleville
Source : Études Urbaines
Les plans « Mairie de Paris » à disposition sur les sanisettes ont également leurs
avantages : Ils sont orientés, à l’échelle du piéton et ont un niveau de détail
supérieur aux plans de quartier du métro. Ils sont cependant peu repérables car
les sanisettes elles-mêmes ont des couleurs peu contrastées avec leur
environnement. Proposer ces plans sur d’autres supports que les 400 sanisettes
parisiennes, en ajoutant éventuellement un index, pourrait s’avérer très
intéressant pour le confort des piétons parisiens.
Les autres plans notables sont les plans d’arrondissements, à l’échelle beaucoup
plus larges, et les plans d’abribus, au contraire beaucoup moins étendus.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
87
Études Urbaines
Une sanisette et son plan
Sources : mairie1.paris.fr
S’ORIENTER SUR L’ESPACE PUBLIC :
Redonner des directions aux piétons, via des panneaux à son intention et
indiquant des parcours optimisés pour eux est un vrai vecteur de confort : les
piétons se voient rassurés et soutenus dans leur déambulation. Le travail sur les
panneaux doit alors avoir plusieurs objectifs :
- Rendre les panneaux visibles mais intégrés dans l’espace urbain
- Rendre les panneaux lisibles
- Ne pas gêner la déambulation
- Sélectionner l’information essentielle pour éviter un résultat contre-
productif
- Créer des panneaux résistants
Des panneaux piétons en pagaille ! Göteborg, Suède
Source : Études Urbaines
Des systèmes de guidage plus originaux
peuvent être imaginés pour faire suivre aux
piétons un parcours particulier comme une
promenade touristique. Une ligne matérialisée
sur le sol, comme un fil rouge à suivre, donne
une dimension ludique au cheminement. A
Boston, ce système est utilisé le long de la
Freedom Trail, un parcours touristique qui
permet aux piétons de voir 16 sites historiques
dans la ville.
La Freedom Trail, à Boston
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
88
Études Urbaines
La perte de repères géographiques globaux peut être une cause de
désorientation passagère : un bref rappel des points cardinaux ou de grandes
directions peut remédier facilement à la situation. A New-York par exemple, les
points cardinaux sont parfois rappelés par des plaques au sol.
Points cardinaux rappelés au sol à New York
Source : Études Urbaines
La rupture de charge entre différents modes de transport peut également
provoquer une désorientation pour le piéton note Gwendal Simon, enseignant-
chercheur à l’Institut Français d’Urbanisme. Pour atténuer cet effet de coupure et
articuler la station de transports en commun avec le quartier, la ville de Toronto
(Canada) propose des solutions dans l’Union Station Rail : la Gare se réinsère
dans son environnement extérieur en indiquant de façon claire les rues
extérieures et en redonnant au piéton les points cardinaux.
Indiquer la rue à l’intérieure de la Gare, Toronto
Sources : Études Urbaines
Les points cardinaux au plafond, Gare de Toronto
Sources : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
89
Études Urbaines
Nous retenons les idées suivantes :
Idée n°13 : Présenter des informations pertinentes sur les panneaux
directionnels
Indiquer le temps de trajet plutôt que la distance sur les panneaux.
Donner les directions des équipements à proximité, mais aussi… la direction du
plan le plus proche.
Idée n°14 : Présenter les informations de façon lisible
Afficher un contraste suffisant et une police suffisamment grande pour que les
informations soient lisibles par les personnes mal voyantes.
Idée n°15 : Créer un lien entre les espaces fermés et l’espace public
Afficher dans les stations de transports en commun et les galeries commerçantes
une signalétique qui replace l’espace intérieur dans le quartier.
Idée n°16 : Proposer un marquage au sol linéaire pour matérialiser un parcours touristique.
Proposer un tracé visuel et ludique pour découvrir la ville peut permettre de fournir aux touristes une expérience originale tout en créant un lien visuel et logique entre les différents quartiers traversés.
LES OUTILS INTERACTIFS SUR L’ESPACE PUBLIC
Le développement des nouvelles technologies permet aujourd’hui de voir
apparaitre un certain nombre d’outils interactifs sur l’espace public. Ces appareils
permettent d’afficher des informations mises à jour en temps réel, et
personnalisables en fonction des choix de l’utilisateur.
Plan interactif sur un abribus à Paris
Source : Études Urbaines
Ce mobilier urbain « intelligent » n’est cependant pas toujours facile à utiliser
pour ceux qui ne sont pas habitués à manier des appareils électroniques... Or les
personnes à l’aise avec les nouvelles technologies sont bien souvent déjà
équipées de smartphones qui leur permettent de faire tout ce que proposent les
mobiliers urbains intelligents ! Ces appareils restent cependant très pratiques
pour les touristes.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
90
Études Urbaines
Idée n°17 : Rendre utilisable le mobilier urbain numérique par tous
Proposer les informations en plusieurs langues.
Proposer une ergonomie simple et compréhensible par tous.
FAVORISER L’EQUIPEMENT PERSONNEL
A moins d’un maillage de plans très dense (qui poserait alors la question de la
pollution visuelle !), il reste assez fastidieux de se reposer sur les plans
disponibles sur l’espace public lorsque l’on cherche une adresse particulière : il
faut alors repérer l’emplacement de la rue sur le plan, puis mémoriser le trajet
jusqu’à sa destination… Beaucoup font donc le choix, quelle que soit
l’information disponible, de s’équiper avec un plan papier ou d’utiliser un outil
numérique pour se repérer. Nous avons d’ailleurs vu en enquêtant à Paris que
85% des personnes interrogées utilisaient un équipement personnel pour leurs
déplacements piétons.
Les fonctions GPS des téléphones portables, qui tendent à se démocratiser,
paraissent en effet presque idéales pour celui qui dispose déjà d’un tel téléphone
et qui l’a toujours avec lui. Le système lui permet de savoir où il se trouve, peut le
guider jusqu’à sa destination ou même lui lister tous les commerces et services
qui se trouvent à proximité. Il parait cependant difficile de se reposer
entièrement sur ces technologies, au moins à moyen terme, pour les raisons
suivantes :
- le coût encore élevé de ce type d’appareil crée de l’exclusion entre
ceux qui sont équipés et ceux qui n’en ont pas les moyens ;
- les touristes étrangers ont rarement accès à ces technologies car les
abonnements sont généralement nationaux et très coûteux
lorsqu’utilisés en dehors de son pays d’origine ;
- les téléphones portables peuvent tomber en panne de batterie, en
particulier les smartphones, les rendant inexploitables ;
- le risque de vol à l’arrachée de téléphone à Paris peut créer un
sentiment d’insécurité ;
- la taille de l’écran n’offre pas un véritable confort de vision pour
apprécier un plan.
Les tablettes numériques, en raison de leur taille, sont mieux adaptées à la
lecture de plans. En revanche, elles gardent les mêmes défauts que les
téléphones mobiles ; en particulier, leur coût est encore plus élevé et le risque de
vol et le sentiment d’insécurité induit sont amplifiés.
Croire que le seul usage des outils numériques pourrait se substituer aux
équipements sur l’espace public est donc illusoire à moyen terme, même s’il
parait clair que la présence de ces outils se fera grandissante à l’avenir.
Heureusement les appareils numériques ne sont pas les seuls outils
transportables à même d’aider le piéton à se déplacer ! Les plans papiers existent
toujours, et conservent pour beaucoup un confort de lecture inégalé. Leur coût
est modeste, et pour l’utilisation qui en est faite, on peut les considérer comme
des achats rapidement amortis. Le support papier reste malgré tout assez fragile,
il se déchire et résiste mal à la pluie. De plus, dans une ville comme Paris où
certains quartiers sont en réaménagement (les Batignolles par exemple), les
plans papiers deviennent rapidement, au moins en partie, obsolètes.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
91
Études Urbaines
On relèvera quelques pistes :
Idée n°18 : Subventionner en partie l’achat d’un appareil permettant de
s’orienter dans la ville (smartphone ou tablette) pour les habitants les plus
modestes
Cette solution sera sans doute la norme dans quelques années !
Idée n°19 : Installer des bornes wifi sur l’espace public
L’expérimentation Paris Bluetooth MobiGuide avait été menée en 2008 avec
l’installation de 20 fontaines Bluetooth situées sur 20 stations Vélib’. Le bilan
concluait que pour avoir un vrai intérêt, il était essentiel de se déployer sur
l’ensemble de Paris voire plus loin, et pas uniquement sur quelques bornes Vélib’.
En 2012, avec le développement des Smartphones, un tel dispositif serait
beaucoup plus utilisable par les usagers qu’en 2008. Il permettrait en particulier
de répondre aux attentes des possesseurs de smartphones étant dans
l’incapacité de se connecter à Internet (étrangers ou non abonnés internet
mobile).
Idée n°20 : Créer des applications de qualité pour tablettes et Smartphones,
utilisables hors-ligne, et mêlant plans sous différentes couches, et informations
sur la ville, sur les événements. Diverses applications existent déjà, utilisant
OpenStreetMap, mais la création d’une application plus solide semble
envisageable. Ces applications pourraient être téléchargées via les bornes citées
précédemment.
Idée n°21 : Renforcer les possibilités de recharge électrique des appareils
numériques nomades dans la rue
Différents supports peuvent être envisagés : des bancs, abribus, bornes…
Idée n°22 : Proposer un système de plan papier échangeable à vie
On peut imaginer de créer un système de plans résistants, payables à l’achat,
mais pouvant être échangés gratuitement contre un plan neuf mis-à-jour (l’ancien
étant alors recyclé).
Toutes ces solutions ne doivent pas faire perdre de vue l’intérêt humain que
constitue le fait… de demander son chemin ! Il est certes important de mettre à
la disposition des usagers les informations qui lui permettent d’évoluer de façon
autonome dans la ville, mais certains préféreront toujours un fonctionnement
hétéronome, c’est-à-dire, aller vers les passants pour leur demander un
renseignement. S’il parait difficile de sensibiliser véritablement tous les usagers à
cette question, il est cependant possible de former les agents municipaux
(gardiens de square, agents de propreté…) pour qu’ils puissent renseigner le
public d’une façon satisfaisante.
PENSER A TOUS : GUIDAGE POUR LES DEFICIENTS VISUELS
La lisibilité de l’espace est un véritable problème pour les personnes souffrant
d’un handicap visuel.
SUR L’ESPACE PUBLIC
Les personnes non voyantes ne peuvent évidemment pas lire un plan classique.
Elles peuvent utiliser des plans s’ils sont conçus spécifiquement pour elles, avec
un index en braille et des lignes en relief. Elles peuvent généralement se déplacer
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
92
Études Urbaines
dans les rues en suivant avec leur canne le bord du trottoir ou le bord des bâtis,
mais cela peut s’avérer compliqué lorsque le front bâti n’est pas continu, ou si le
trottoir est occupé par des obstacles qui ne descendent pas jusqu’au sol (et ne
sont alors pas repérables avec une canne). Dans les espaces dégagés, un guidage
au sol en relief devient indispensable.
A Berlin, une attention particulière a été portée au guidage des non-voyants lors
de la conception de la gare centrale (Hauptbahnhof) : des dalles podotactiles
striées ont été installées au sol, avec des pavés spécifiques aux croisements (en
« plaque de chocolat ») comme on peut le voir sur l’image suivante.
Système de guidage au sol des non-voyants dans la gare de Berlin
Source : Études Urbaines
Ce système très efficace apparait cependant peu esthétique. D’autres solutions
plus discrètes peuvent apporter pratiquement même qualité de service : à
Copenhague, la ville a installé sur les places et le long des rues un guidage linéaire
constitué de petits clous. Il se remarque à peine dans le pavage du sol mais
comme il est en relief, il est facilement repérable par la canne des non-voyants.
Système de guidage au sol des non-voyants à Copenhague
Source : Études Urbaines
Dans certaines rues parisiennes, il parait difficile de suivre un repère naturel
comme le bord du trottoir (cas où un alignement d’arbres est présent en bordure
de trottoir par exemple) ou la limite du bâti (cas où le front bâti s’interrompt :
porte cochère, parc, etc.). Il serait alors judicieux d’installer un guidage spécifique
pour les non-voyants.
Par souci d’intégration paysagère, on peut envisager d’installer un guidage discret
comme celui de Copenhague. Dans certains lieux, le sol, dallé, est déjà habillé de
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
93
Études Urbaines
motifs contrastés. C’est le cas des Champs Elysées (photo suivante). Il est alors
intéressant de s’appuyer sur cette esthétique pour installer un guidage linéaire :
en remplaçant une des lignes plus sombres par une succession de dalles en relief
repérables par une canne.
Pavage au sol sur les Champs Elysées à Paris
Source : Études Urbaines
Ce type de guidage permet aux non-voyants de suivre un itinéraire mais pas de
savoir où ils se trouvent. Il faut pour cela trouver une autre solution.
Dans la gare de Berlin, construite sur plusieurs niveaux, les rampes des escaliers
sont équipées de plaquettes en relief où sont dispensées des informations en
braille qui permettent aux non-voyants de comprendre où ils sont, et où mène
l’escalier.
Rampe équipée d’indications en relief dans la gare de Berlin
Source : Études Urbaines
Ce système est pratique car très intuitif : chacun pose en effet naturellement la
main à l’endroit où l’information est dispensée. Dans les rues parisiennes, nous
pouvons imaginer un dispositif similaire sur les potelets situés au droit des
traversées piétonnes pour indiquer aux non-voyants le nom de la rue traversée
ou d’autres informations d’orientation.
Nous pouvons donc retenir les idées suivantes :
Idée n°23 : Créer un guidage longitudinal au sol dans les espaces dégagés comme
les places et sur les trottoirs dont le bord n’est pas accessible.
Idée n°24 : Choisir un système de guidage qui s’intègre bien dans le lieu en
s’appuyant sur les contrastes existants ou en le rendant discret.
Idée n°25 : Equiper les potelets au droit des traversées avec des plaquettes en
braille qui rappellent le nom de la rue où l’on se trouve.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
94
Études Urbaines
A Paris, le système qui aide les non-voyants à traverser les rues fonctionne, on l’a
vu, grâce à une télécommande. Les personnes équipées peuvent ainsi déclencher
à distance le signal sonore leur permettant de savoir si le feu est rouge ou vert et
décider du bon moment pour traverser. Nous nous trouvons ici à la frontière
entre guidage sur l’espace public et équipement personnel : il faut s’équiper pour
profiter des dispositifs installés sur l’espace. Intéressons-nous maintenant aux
équipements autonomes.
L’EQUIPEMENT PERSONNEL
Les GPS pour piétons existent depuis plusieurs années. Ils aident déjà les piétons
valides à atteindre leur objectif en les guidant dans la rue. Ce système est
disponible à peu de frais sur la plupart des plateformes mobiles.
Désormais les technologies de positionnement atteignent une précision de
l’ordre de 30cm. Cela ouvre la voie à des applications permettant de guider les
personnes non voyantes, à condition que le référentiel qu’elles utilisent (le « fond
de plan » en quelque sorte) soit bien renseigné. Si on peut imaginer qu’une
personne non voyante s’aidera toujours d’une canne pour repérer les obstacles, il
faut pourtant connaitre les emplacements des traversées piétonnes, des entrées
de bâtiments, des arrêts de bus, etc. pour pouvoir les indiquer correctement à
l’utilisateur de l’appareil. Il faut donc que les gestionnaires de la voirie puissent
délivrer ce type d’information, si possible libre de droits (via l’Open Data) afin de
permettre aux éditeurs d’applications de fournir un service complet. Il parait
aussi possible à un organisme public de développer ce type d’outil et de le mettre
ensuite à disposition gratuitement, les informations localisées étant fournies par
les différentes collectivités.
Favoriser le déploiement de smartphones ou d’appareils permettant le même
type de guidage GPS auprès de la population souffrant de handicap visuel nous
parait à la fois efficace économiquement et humainement. En effet, ce type
d’aide, qui procure un accompagnement permanent dans le déplacement,
améliore vraiment le confort des personnes non voyantes, bien plus qu’un
système de guidage podotactile qui s’interrompt par endroits ! On imagine
également qu’étant donné le peu de personnes à équiper, une municipalité a
plutôt intérêt à subventionner largement l’achat de ce type de matériel (et,
éventuellement, à organiser des formations pour que les futurs utilisateurs se
sentent à l’aise avec l’outil) plutôt que d’implémenter un système de guidage
« en dur » dans toute la ville.
Les différentes lois concernant l’accessibilité des espaces publics obligent
pourtant toujours les collectivités à équiper leurs rues plutôt que leurs habitants.
Nous ne pouvons qu’espérer que devant l’évolution des technologies et les
perspectives qu’elles offrent, les législateurs sauront s’adapter pour permettre
l’implémentation de solutions pertinentes en termes de services et de coût
global.
Enfin, ce type de guidage aura toujours besoin d’un système permettant
d’évaluer en temps réel les possibilités de traverser une rue. Cela s’avère assez
facile lorsque la traversée piétonne est protégée par des feux, la problématique
se ramenant à savoir si le feu est rouge ou vert. Pour cela, on peut alors utiliser
soit le système actuel d’interrogation du feu (le smartphone pouvant faire office
de télécommande), qui émet en retour un signal sonore, soit utiliser une
technologie de reconnaissance d’objet, en « visant » le feu avec la caméra du
smartphone, celui-ci est capable de reconnaitre si le feu piéton est rouge ou vert
et l’indiquer à l’utilisateur. Lorsque la traversée est libre, sans feu, comme c’est le
cas dans les zones de rencontre notamment, il est bien plus délicat de guider le
non-voyant tout en garantissant sa sécurité. La reconnaissance d’objet ne
fonctionne pas encore assez précisément pour interpréter rapidement si un
véhicule est à l’arrêt ou en marche, par exemple. Cela confirme ce que nous
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
95
Études Urbaines
avons discuté plus haut : les zones de rencontre conçues pour créer un espace
sans contrainte, sont un véritable danger pour les non-voyants.
Nous retiendrons donc les idées suivantes :
Idée n°26 : Offrir la possibilité de développer des applications de guidage
spécifiques pour les personnes non voyantes.
Rendre accessibles les données des plans de voirie.
Coopérer avec les éditeurs de logiciels et des associations de non-voyants pour
concevoir un outil qui répond complètement aux besoins.
Idée n°27 : Faire un choix éclairé lors de la planification d’aménagements
permettant de guider les non-voyants
Se demander si un équipement par appareil GPS du public concerné n’est pas plus
efficace ?
Idée n°28 : Subventionner l’achat d’un appareil de guidage pour les non-
voyants
Eventuellement, dispenser une formation pour que les personnes se sentent à
l’aise avec cet outil.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
96
Études Urbaines
III.C. AGIR POUR LE CONFORT DES PIETONS : OSER BOUSCULER
LES HABITUDES
Dans des situations où les piétons passent trop souvent au second plan, ce qu’il
faut pour agir, afin d’améliorer le confort des piétons, c’est avant tout de
l’audace. Oser agir. Oser prendre des initiatives, oser inventer et innover, oser
faire évoluer les modèles en place et proposer des alternatives. Oser repenser la
ville en somme, et redonner aux piétons la place qu’ils méritent.
III.C.1 OSER LES INNOVATIONS ET LES EXPERIMENTATIONS
Sujet moderne, le confort des piétons appelle des idées neuves. Comment peut-
on faire émerger des solutions nouvelles pour faire de nos villes des cités plus
praticables, plus lisibles, plus rassurantes et plus plaisantes ?
L’INNOVATION AU SERVICE DU CONFORT DES PIETONS
Les innovations peuvent concerner les réalisations physiques utilisées
directement par les piétons : aménagements, mobilier urbain, ou outils nomades.
Mais elles peuvent aussi viser de façon indirecte l’espace urbain : développement
de nouvelles technologies, création de nouveaux services touchant la rue, et
même mise en place de nouveaux modes de gestion et d’organisation.
DES AMENAGEMENTS INNOVANTS
Concernant l’aménagement, il s’agit de concevoir des espaces pour qu’ils soient
plus confortables. On peut innover :
- sur la forme des espaces
- sur la répartition des fonctions et des usages
- sur les matériaux utilisés
- ou encore en utilisant de nouvelles techniques.
Par exemple, à Holland, dans le Michigan (USA), la chaleur des conduites
souterraines est utilisée pour chauffer les rues et les trottoirs durant les hivers
rudes, afin de faire fondre la neige 10
: on rend de ce fait la ville plus praticable.
Mais rien n’empêche de réfléchir à des projets encore plus ambitieux : le projet
« (DRIVER) LESS IS MORE »11
de BIG, finaliste du concours « Audi Urban Future
Award », avec ses pistes lumineuses alimentées à l’énergie solaire, permet une
réappropriation de l’espace urbain en fonction des besoins de chacun. La rue
adapte en temps réel la circulation des voitures électriques sans conducteur au
positionnement des piétons. Les limites de la rue sont modulables et adaptables
aux besoins, et les voitures sans conducteurs obéissent aux messages délivrés par
la chaussée.
10 Andrew Nusca, 2011, « Des trottoirs qui réutilisent la chaleur pour rester à
l’abris de la neige », www.smartplanet.fr
11 (DRIVER LES IS MORE), BIG, http://flash.big.dk/projects/audi/
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
97
Études Urbaines
Superkilen, un parc urbain innovant
À Copenhague, le parc Superkilen, conçu par les architectes de l’agence BIG, en
collaboration avec des paysagistes de l’agence Topotek1 et les artistes du
collectif Superflex, a été imaginé pour le partage de l’espace public par et pour
les habitants. On peut presque parler ici d’innovation sociale.
Le parc est divisé en 3 zones :
- le Carré Rouge, peint en rouge vif, orange et rose, met l’accent sur
les loisirs et la vie moderne ;
- le Marché Noir, au centre, est le carré classique avec une fontaine
où les voisins peuvent se rencontrer, avec ses barbecues et des
palmiers de Chine ;
- et le Parc Verdoyant, entièrement vert, ses collines, ses arbres et
ses plantes, sont parfaitement adaptés aux pique-niques, aux sports
et aux promenades des chiens.
Le carré rouge du Superkilen, Copenhague
Source : Études Urbaines
Par ailleurs, Superkilen rassemble du mobilier urbain issu d’une multitude de
pays et d’usages, pour mettre en avant la diversité culturelle des populations qui
habitent la ville : balançoires d’Irak, bancs du Brésil, fontaine du Maroc, poubelles
d’Angleterre, ou encore un salon de beauté chinois et un néon lumineux d’un
hôtel de Russie. Il y a même une plaque d’égout de Paris ! Au total, 108 plantes et
objets sont intégrés dans le parc.
Le marché noir du Superkilen, Copenhague
Source : BIG©
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Nous retenons en particulier :
Idée n° 29 : Ne pas se brider et oser réfléchir à des projets ambitieux, remettant
en cause la manière même de se déplacer et de vivre en ville
Il est possible de remettre en cause les modèles existants, y compris sur des
champs aussi lourds que ceux de l’aménagement. De l’usage intelligent des
technologies actuelles à la réflexion presque utopiste qui provoque et fait
réfléchir, il y a la place pour l’innovation.
DU MOBILIER URBAIN INNOVANT
Concernant le mobilier urbain à disposition, la marge d’innovation est là encore
énorme, et même à court terme : mobilier « intelligent », mobilier numérique,
connecté, interagissant avec les utilisateurs, mobilier ludique, ou encore mobilier
classique revisité. Encore faut-il se poser la question du confort ? Est-on
simplement dans le « gadget », ou propose-t-on quelque chose à même
d’améliorer le confort des piétons ? Attention en effet de ne pas tout miser sur la
seule innovation, comme certains élus qui demandent simplement « du mobilier
urbain innovant » pour accompagner et illustrer le volontarisme de leur politique
en matière de développement durable.
L’innovation peut se porter dans la multifonctionnalité des nouveaux mobiliers :
créer des objets urbains qui compilent plusieurs usages pour lutter contre
l’occupation de l’espace public, et ainsi améliorer la praticabilité. Cela permet
aussi d’imaginer un mobilier qui s’adapte aux besoins de chacun, en fonction des
saisons et du moment de la journée. La multifonctionnalité via le détournement
du mobilier peut même être encouragée, pour faciliter le sentiment
d’appropriation de la rue par les piétons.
Enfin, l’innovation peut concerner les usages du mobilier, mais aussi sa durabilité
ou sa facilité d’entretien, qui ont un impact direct sur le confort des usagers : un
environnement dégradé ou mal entretenu crée rapidement un sentiment
d’espace délaissé, souvent peu rassurant, et rarement plaisant. Jean-Pierre
Charbonneau relève que : « un espace public qui se dégrade rapidement
participe à la stigmatisation des habitants d’un quartier, soudain considérés
comme casseurs »12
. Du mobilier peut-être plus simple mais surtout plus robuste
représente alors un véritable enjeu d’innovation.
Nous retenons les idées suivantes :
Idée n°30 : Créer du mobilier ludique
Créer du mobilier ludique, intégrant éventuellement des petits jeux courts, peut
permettre de rendre plaisantes les attentes obligatoires des piétons aux arrêts de
bus ou à un feu rouge piéton. On peut imaginer ces jeux « minutes » sur des
écrans tactiles intégrés dans des objets dont ce ne serait pas la fonction première,
avec un système de « Highscore » pour des jeux individuels ou une opposition
directe entre deux personnes jouant en même temps sur deux installations
différentes.
12 Charbonneau, J.-P., 2010, « Pour des lieux intenses, hospitaliers,
confortables », Diagonal, 182, pp. 38-41.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Idée n°31 : Créer du mobilier pratique
Il est important de créer du mobilier urbain pratique, et qui ne répond pas aux
mêmes usages que des objets nomades, en particulier au niveau des fonctions
numériques (on peut se demander si les futurs utilisateurs de mobilier urbain
numérique ne sont pas déjà possesseurs d’objets nomades qui répondent mieux à
leurs besoins).
Quelques possibilités : recharger son téléphone, servir de borne de connexion,
indiquer le temps de marche pour atteindre l’arrêt suivant, permettre de
télécharger en Bluetooth ou Wifi des plans, des journaux gratuits, des
publications municipales…
Idée n°32 : Créer du mobilier durable
Créer du mobilier durable, plus résistant, facile d’entretien et de maintenance
donc pensé et discuté avec les services de la ville.
Idée n°33 : Créer du mobilier multifonctionnel
Créer du mobilier multifonctionnel, pour libérer au maximum les trottoirs et
pouvoir répondre aux attentes de chacun.
Idée n°34 : Créer du mobilier « détournable »
Créer du mobilier urbain détournable, apportant un sentiment d’appropriation de
la rue.
Idée n°35 : Créer du mobilier utile
Créer du mobilier urbain avant tout utile, qui ne soit pas innovant pour être
innovant. Se poser la question des attentes et des besoins des piétons.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
100
Études Urbaines
DES OUTILS NOMADES INNOVANTS
Ça n’aura échappé à personne : non seulement les objets nomades sont en
perpétuelle évolution, mais en plus ils se démocratisent. Ce n’est pas notre rôle
ici de réfléchir sur la conception des objets personnels, mais plutôt sur les
champs d’actions que la ville peut avoir avec eux.
Nous retenons en particulier :
Idée n°36 : Créer des applications smartphones ou tablettes utiles et de qualité
En pleine progression technologique, les outils nomades numériques sont dans
presque toutes les poches aujourd’hui. La ville ne doit s’en servir pour tisser du
lien avec les piétons et rendre plus confortable leur vie urbaine. Les axes
prioritaires : échanges, simplicité, efficacité.
DES TECHNOLOGIES ET DES SERVICES INNOVANTS
Inventer de nouvelles techniques et technologies à l’usage de la ville pour
améliorer le confort des piétons est un nouvel enjeu important. Elles peuvent
viser à :
- faciliter et améliorer l’entretien des trottoirs, des places, des
espaces verts et des divers équipements, pour une ville plus
praticable et plus plaisante ;
- rendre plus lisible la ville aux piétons par une information présentée
de façon optimisée, disponible mais le moins possible imposée ;
- rassurer les piétons, en créant des atmosphères sécurisantes
(éclairage repensé, espace lisible et accessible, borne de secours) ;
- proposer de nouvelles expériences piétonnes, visant les sens ou
l’esprit, pour élargir l’expérience de la marche ;
- améliorer la communication et les échanges entre les piétons et la
ville ;
- permettre aux collectivités de mieux connaître les usages piétons,
pour proposer des actions adaptées
Ce dernier point, délicat, peut trouver des réponses dans les nouvelles solutions
technologiques ; pour exemple l’entreprise Eco-compteur13
, spécialisée dans les
appareils de comptage des personnes en situation de mobilité douce. Les
appareils détectent les piétons par la chaleur émise par leur corps ou par la
pression effectuée sur des dalles insérées dans le sol.
Capteur Dalle acoustique et Pyro Box Compact,
des exemples d’outils pour compter les piétons
Sources : www.eco-compteur.com
13
Eco-compteur : http://www.eco-compteur.com
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
101
Études Urbaines
De tels dispositifs, s’ils se révèlent efficaces, peuvent permettre de prévoir et de
justifier des aménagements piétons en milieu urbain.
Idée n°37 : Mieux connaître les piétons par la technologie
Développer et mettre en place des dispositifs capables de collecter des données
sur les piétons (fréquentations, usages), afin de pouvoir répondre aux besoins et
justifier des investissements financiers pour de nouveaux aménagements.
DES MODES D’ORGANISATION ET DE GESTION INNOVANTS
Enfin, pour améliorer le confort des piétons, on peut innover en matière
d’organisation et de gestion. Une gestion plus économe en énergie participe
indirectement à une ville moins polluée et plus confortable pour les piétons. Une
organisation moins dépensière permet de débloquer plus de crédits sur des
actions directes améliorant le confort.
Et surtout, une organisation qui prend plus en compte les attentes des usagers
permet de trouver les leviers d’actions prioritaires pour rendre la ville plus
confortable. Mais comment faire ? Quelques idées que nous relevons :
Idée n°38 : Placer les piétons dans l’organigramme des villes
Pour pouvoir améliorer la situation des piétons, au sein de l’espace urbain, il faut
déjà que l’organisation même de la collectivité les prenne en compte dans son
organigramme : adjointe au maire déléguée à l’urbanisme et à la place du piéton
dans la ville comme à Nancy, adjointe déléguée aux déplacements urbains,
circulation, modes doux, stationnement, voirie comme à Besançon, adjoint en
charge des modes doux comme dans le 1er
arrondissement de Lyon,… Les
exemples sont nombreux, mais c’est à la ville d’attribuer la responsabilité du
confort des piétons au sein de l’équipe exécutive municipale un poste visible qui
puisse avoir des compétences en matière de confort des piétons. Le but est d’avoir
a minima un élu qui pourrait être présent pour défendre les droits des piétons.
Même chose au sein des services de la ville : un responsable confort des piétons,
ou espaces publics peut se révéler intéressant et efficace.
Idée n°39 : Se donner les moyens de s’informer sur l’usager
Afin d’agir en fonction des besoins des piétons, il faut pouvoir se renseigner :
prendre l’information, la collecter et être capable de l’analyser. On a vu que des
outils technologiques pouvaient aider à prendre de l’information, mais pour aller
plus loin, le passage par une dimension participative semble difficilement
contournable. Réaliser ponctuellement des marches exploratoires, des enquêtes
de déplacements, des enquêtes « Je-tu-il » ou autres peut être un levier
intéressant.
La participation des citoyens dans l’amélioration de leur confort peut aller encore
plus loin, avec la mise en place d’outils comme Beecitiz14
, une carte participative
en ligne grâce à laquelle les citadins peuvent soumettre des requêtes à leur mairie
du type « Absence d’éclairage », « Dalle dépassant du trottoir ». Cet outil citoyen
est utilisé dans quelques villes de France, dont en particulier Mérignac, le
quatrième arrondissement de Paris et Courcelles-lès-Lens.
Enfin, il peut être intéressant de chercher à évaluer directement le confort via des
outils comme www.walkscore.com, qui permet de noter la « walkability » d’un
quartier ou d’une ville. L’outil demande encore à s’adapter et à évoluer.
Néanmoins, à partir de ces retours, la ville peut prendre des mesures pour
améliorer le confort piéton d’après les besoins exprimés par les usagers.
14 Beecitiz : http://www.beecitiz.com/
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
102
Études Urbaines
Idée n°40 : Mettre en place un « Plan Piéton »
Enfin, à l’échelle d’une ville ou d’une intercommunalité, la politique globale en
faveur des piétons peut être étudiée et définie au sein d’un Plan Piéton ou d’une
Charte du Piéton, comme cela peut être le cas dans de nombreuses villes, dont
Genève, Montréal, ou même en France pour Lille Métropole ou le Grand Lyon (en
lien avec le Plan de Déplacement Urbain). Un tel dispositif peut permettre de
pleinement lancer une politique positive en faveur du confort des piétons.
DES STRUCTURES POUR PROMOUVOIR L’INNOVAT ION ET EXPERIMENTER
L’innovation au service du confort des piétons est une chose, mais pour que celle-
ci puisse exister, la ville, et même l’État et l’Europe, doivent s’en donner les
moyens. Se donner les moyens de l’innovation, c’est déjà de ne pas y être
opposé, et lui donner la possibilité d’exister.
Quand on parle d’aménagement ou d’objets qui accompagnent le quotidien des
gens, et qui ont vocation à être utilisés, vécus, usés, le passage par une phase
d’expérimentation in situ ne peut être que conseillée. Pour Jean-Pierre
Charbonneau, « l’expérimentation est intéressante à court terme, mais doit être
à niveau de qualité réel ». En effet, si les objets du test sont trop fragiles, ils se
trouvent rapidement cassés et l’expérimentation est contre-productive.
La Mairie de Paris, dans son appel à projets « Mobilier Urbain Intelligent », lancé
en 2010 avec le Laboratoire Paris Région Innovation15
, va dans le sens de
l’expérimentation, en permettant aux inventeurs et entreprises retenues de
tester leurs innovations dans l’espace public. Avec cette action, la municipalité
peut ainsi chercher à définir, notamment avec les retours d’expérience des
Parisiens, le futur du mobilier urbain dans la capitale
Dans le même ordre d’idées, a eu lieu en 2012 la première édition de la biennale
« Forme Publique », dédiée à la création de mobilier urbain, sur l’esplanade de la
Défense. Cette manifestation proposait au public de tester librement du mobilier
conçu par de jeunes designers : soutenir l’expérimentation tout en amenant une
touche d’originalité et de vie sur l’esplanade de la Défense, le projet mérite
d’être suivi.
Si permettre et encourager l’expérimentation est une chose, certaines actions
peuvent aller plus loin. C’est en particulier ce que fait Paris Incubateurs, en aidant
et soutenant de jeunes start-ups. Fin 2012, JC Decaux et Paris Incubateurs se sont
d’ailleurs associés pour mettre en place un incubateur de start-ups innovantes
sur le thème « Services urbains de proximité, pour la ville connectée de demain ».
Idée n°41 : Permettre et encourager l’expérimentation in situ
Pour des objets et aménagements qui touchent le quotidien et la vie des citadins,
une phase d’expérimentation est utile pour éviter les erreurs ou faire ressortir des
15 . Laboratoire Paris Région Innovation est une association crée à l’initiative de la
Ville de Paris et de la région Ile –de-France, dont la vocation est d’accompagner les services des villes de la région dans leurs recherches de solutions innovantes, de soutenir les entreprises et d’organiser l’expérimentation sur le terrain. Il se charge par ailleurs d’assurer une veille stratégique.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
103
Études Urbaines
bonnes idées. La ville et les entreprises privées ayant presque tout à gagner dans
ce genre d’expérience, on ne peut que les soutenir. Tester d’autres éléments
impactant le confort des piétons, dont l’expérimentation peut être plus lourde que
le mobilier urbain (revêtements, services participatifs,…) peut être un angle à
développer.
Idée n°42 : Soutenir les jeunes entreprises innovantes, pour le confort des
piétons
La collectivité peut s’impliquer plus en amont du montage des projets, en
participant et aidant au lancement des jeunes start-ups innovantes, en leur
offrant notamment des espaces de tests in situ et l’expertise de leurs services
techniques.
III.C.2 OSER REGAGNER DE L’ESPACE
Rien de pire pour les piétons que la proximité immédiate des voitures. On a tous
marché un jour sur un trottoir trop étroit à côté duquel fusent les voitures, et sur
lequel on exècre marcher à cause du sentiment d’insécurité. Ce qu’appellent les
piétons, pour leur confort, est avant tout un rééquilibrage général de la place qui
leur est donnée. Naturellement vulnérables face aux voitures, les piétons ont
besoin de sentir que ces dernières ne sont plus en position dominante.
Cette reconquête de la ville ne peut se passer d’une reconquête d’espace.
Reconquête, car la ville ne possède pas d’espaces libres illimités. Cette place que
demandent les piétons, ils doivent bien la prendre à quelqu’un. Aux décideurs
politiques qui ont la volonté d’améliorer le confort des piétons d’oser alors
organiser cette reconquête de la ville par les piétons. Toujours est-il que si cette
réappropriation des espaces peut se faire de manière pérenne, elle peut
également avoir lieu de manière temporaire.
PAR DES ACTIONS TEMPORAIRES
La voie actuelle la plus simple pour regagner de l’espace piéton est l’action
temporaire. Pour deux raisons : d’une part le changement des mœurs étant
nouveau, il implique un temps d’adaptation et d’acceptation, d’autre part la
place de l’automobile restant dominante, toute limitation de ce flux motorisé
peut entrainer des phénomènes de congestion dans les rues, au moins pendant
les premiers temps. Les actions temporaires permettent de rassurer les usagers
sur la durée des éventuelles perturbations dont ils s’estimeraient victimes, elles
peuvent également profiter de périodes où le trafic motorisé est moindre pour
limiter les effets négatifs d’un report de trafic.
Nous pouvons distinguer le caractère temporaire de deux manières.
DES EVENEMENTS PONCTUELS
De nombreux exemples existent, où certaines parties de la ville deviennent
piétonnes pour un jour, une semaine, voire le temps d’une saison. Fêtes
populaires, événements sportifs, manifestations culturelles, ou simple volonté de
rendre un été la ville aux piétons, les raisons peuvent être multiples.
A New York, le marathon est ainsi l’occasion de réserver chaque année pour une
journée certaines rues aux coureurs, sur l’ensemble des cinq boroughs. La
période estivale quant à elle encourage les actions de piétonisation
temporaire qui offrent l’opportunité aux habitants de voir leurs quartiers sous un
angle différent: les « New York Weekend Walks »16
ou encore le programme
16 “New York Weekend Walks” :
http://www.nyc.gov/html/dot/weekendwalks/html/home/home.shtml
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
« Summer Streets »17
, qui pendant 3 samedi consécutifs réserve 7 miles des rues
de la ville aux jeux, au sport, au vélo et bien sûr à la marche.
Summer Streets Event Map, 2012, New York
Source : nyc.gov/summerstreet
17 “Summer Streets” :
http://www.nyc.gov/html/dot/summerstreets/html/home/home.shtml
Paris n’est pas en reste à ce niveau, avec entre autres l’opération Paris Plages,
dont c’était la 11ème
édition en 2012, qui fait se transformer le temps d’un été la
voie sur berge rive droite de la Seine, mais aussi, suivant les années, d’autres
lieux (canal de la Villette, port de la Gare). La médiatisation de l’événement a
encouragé de nombreuses villes françaises et étrangères à s’en inspirer, comme
Berlin, Prague ou encore Metz.
Cependant, la « journée sans voiture » initiée à partir de 1998 en France et qui
expérimentait la fermeture de la ville aux voitures le temps d’une journée, a
disparu dès 2006.
DES USAGES QUI CHANGENT AU COURS DU TEMPS
C’est un fait, l’utilisation des rues par les voitures varie en fonction des moments
de la journée ou de la semaine. Si certaines plages horaires peuvent justifier de
conserver un usage automobile, il est parfois intéressant de faire varier les accès
à certaines voies au cours du temps. L’un des exemples les plus parlants sont les
routes qui traversent Central Park, à New York.
En effet, les routes intérieures au parc sont fermées aux voitures de 10h à 15h et
de 19h à 7h du Lundi au Vendredi, et le Week-End (De plus, la East Drive est
fermée les matins de semaine, et la West drive les après-midis de semaine). Un
tel dispositif permet pour très peu de frais d’améliorer le confort des piétons (et
des cyclistes) qui disposent ainsi, sur de longues périodes, de plus d’espace, tout
en conservant une infrastructure routière encore nécessaire aujourd’hui de façon
ponctuelle.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
105
Études Urbaines
Pour certaines rues plus urbaines, l’intérêt d’une piétonnisation temporaire peut
présenter divers intérêts, comme par exemple autoriser à certaines heures de
faibles affluences les livraisons pour les magasins, tout en garantissant le reste de
la journée un confort maximal pour les piétons.
Des rues réservées aux piétons pendant la journée, Québec City
Source : Études Urbaines
Les piétonisations temporaires peuvent aussi avoir valeur d’expérimentation : la
ville décide de réserver aux modes doux un certain espace pendant une durée
donnée. A l’issue de celle-ci, la piétonisation peut être rendue définitive en cas de
succès, ou dans le cas inverse la situation peut redevenir comme avant. La
piétonisation partielle de Broadway à New York avait valeur d’expérimentation,
pendant environ un an, après quoi la municipalité a décidé de l’officialiser en
2010, en voyant que la congestion avait à peine augmenté dans les rues du
quartier et en observant la satisfaction des utilisateurs des lieux. Le temps est
maintenant à la pérennisation du dispositif par un réaménagement plus lourd des
nouveaux espaces publics.
Les routes de Central Park, interdites aux voitures à certains
moments de la journée
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Piétonisation partielle de Times Square : après l’expérimentation, le réaménagement
Source : Études Urbaines
Idée n°43 : Encourager les piétonisations temporaires
Dans de nombreux cas, la piétonisation temporaire a un intérêt : garantir les
usages automobiles quand ceux-ci sont nécessaires, tout en offrant un gain de
confort pour les piétons le reste du temps (souvent quand ceux-ci peuvent profiter
de la ville comme les soirs ou le week-end). Elles présentent également l’avantage
de se réaliser à peu de frais, tout en gardant une nature d’expérimentation
permettant un retour aisé à la normal.
PAR DES ACTIONS PERMANENTES
Si les actions temporaires peuvent avoir valeur d’exemple, d’expérimentation, ou
d’encouragement pour continuer le développement d’une politique piétonne, il
est nécessaire d’appliquer durablement une idée pour la pérenniser. Le confort
des piétons appelle à terme des actions plus lourdes et durables.
Faire le choix de rendre définitivement piétonne une rue pour le confort de tous
est généralement difficile politiquement, mais est efficace en terme
d’amélioration de la qualité de vie urbaine. Elle est même souvent intéressante
au niveau économique, comme nous l’avons vu. La Strøget, à Copenhague, est
devenue voie piétonne en 1962, afin de faire sortir les véhicules du centre-ville.
Dans les années 1950, la rue était fermée à la circulation uniquement deux jours
par an. En 1962, sous l’impulsion de Jan Gehl, la ville a eu la volonté d’aller plus
loin dans l’expérimentation et d’y interdire la circulation automobile de façon
définitive. Les commerçants s’y sont opposés, « une rue piétonne n’étant pas
adaptée à la culture du pays ». Toujours est-il que le constat est là : toute la zone
environnante s’est peu à peu piétonnisée, et la Strøget, principale voie
commerçante de Copenhague, est devenue une véritable attraction touristique
et populaire. Il s’agit aujourd’hui de la plus longue zone piétonnière d’Europe.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
La Strøget, première voie piétonne en 1962, Copenhague
Source : Études Urbaines
Enfin, si la volonté est de redonner de l’espace sur la voirie aux piétons, tout en
évitant d’augmenter la congestion automobile à l’intérieur de la ville, une action
simple est de limiter la quantité de voitures y circulant. Ainsi Londres, Stockholm
ou plus récemment Milan ont mis en place des péages urbains pour limiter la
présence de voitures dans leur centre-ville.
Idée n°44 : Passer le cap et piétonniser définitivement
Parce que quelques années après cela la décision semblera à tous une évidence, la
décision de piétonisation, toujours difficile, doit être soutenue avec force
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
CONCLUSION
À l’heure de la ville durable, s’interroger sur des outils pour développer et
promouvoir la marche prend tout son sens. Économique, respectueuse de
l’environnement et participant à la bonne santé physique et psychologique des
citadins, les aspects positifs de la marche ne manquent pas. Une chose reste
cependant à garder à l’esprit : les piétons ne marchent pas tous par choix, et la
marche est bien souvent subie.
Parce qu’il concilie des approches relevant à la fois de la technique, de la
sociologie et du sensible, l’axe du confort des piétons est une excellente porte
d’entrée pour aborder la thématique de la marche en ville. Mais cela va même
plus loin : le confort des piétons doit selon nous être nécessairement interrogé, à
partir du moment où une ville réfléchit à la mise en place d’une politique ou à un
nouvel aménagement urbain. La question du confort des piétons doit devenir
prioritaire, et ce rapport se veut être un pas, parmi d’autres, vers sa véritable
prise en compte.
La complexité de la problématique ne doit pas effrayer. Elle doit avant tout être
acceptée et comprise. Elle appelle en tout cas un travail méthodique et sérieux.
Pour rendre intelligible la question du confort, nous avons fait le choix de le lire
selon quatre axes, praticabilité, sécurité, lisibilité et plaisir, qui nous ont semblé
regrouper les enjeux principaux du confort des piétons, et offrir la clarté
recherchée. Car si on veut trouver des réponses à la question du confort, il faut
avant tout pouvoir la poser de façon intelligible.
Prendre conscience de la situation que vivent les piétons est une chose, mais
réussir à la faire évoluer en est une autre. Et pour agir, il faut avant tout de
l’audace : oser faire bouger les lignes, oser remettre en cause la domination de la
voiture, oser faire entendre une voix qui passe trop souvent au second plan.
Trouver les bons dosages, exprimer ses convictions, faire des choix politiques
forts, et ne pas avoir peur des idées nouvelles, voilà ce qu’appelle la ville qui
ambitionne l’amélioration du confort de ses piétons. Voilà ce qu’appelle la ville
qui construit aujourd’hui et pour demain : être une ville qui bouge, une ville qui
pense… Une ville en marche !
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
BIBLIOGRAPHIE
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SIGLES
CASVP Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris
CAUE Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement
CERTU Centre d’Études sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme et les constructions publiques
CNRS Centre National de la Recherche Scientifique
CO2 Dioxyde de carbone
COV Composé Organique Volatile
CRESSON Centre de Recherche sur l'ESpace SONore et l'environnement urbain
CUSAP Copenhagen Urban Space Action Plan
EGT Enquête Globale Transport
EIVP Ecole des Ingénieurs de la Ville de Paris
GPS Global Positioning System
INPES Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé
NOX Oxyde d’azote
NYC New York City
OMS Organisation Mondiale de la Santé
PAVE Plan de mise en Accessibilité de la Voirie et des Espaces publics
PDU Plan de Déplacements Urbains
PIB Produit Intérieur Brut
PMR Personne à Mobilité Réduite
PNNS Programme National Nutrition Santé
PPS Project For Public Spaces
RATP Régie Autonome des Transports Parisiens
RDA République Démocratique d’Allemagne
RER Réseau Express Régional
RFA République Fédérale Allemande
SIG Système d’Information Géographique
SNCF Société Nationale des Chemins de fer Français
UNESCO United Nations Educational Scientific and Cultural Organization
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
ANNEXE N°1 : QUELQUES QUESTIONNAIRES UTILISES
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
ANNEXE N°2 : DES VILLES
PARIS
Située au cœur du bassin parisien dans le prolongement des grandes plaines de
l'Europe du Nord et reliée à la Manche par la Seine, Paris, en plus d’être la
capitale française, est une référence dans diverses matières.
UNE VILLE FRANÇAISE, AU STATUT A PART
Paris est la ville la plus peuplée de France, chef-lieu de la région Ile-de-France et
unique commune-département du pays. La région Ile-de-France est la capitale
économique et commerciale de France mais aussi la première place financière et
boursière.
Paris a aussi un rayonnement européen et mondial : elle est la première région
européenne en terme de PIB régional, fait partie des villes les plus visitées au
monde, possède une renommée mondiale dans les secteurs de l’art, de la mode,
du luxe et de la culture.
La ville est traversée par la Seine qui la sépare en deux parties : la rive droite et la
rive gauche, avec en son centre, les deux îles qui constituent le cœur historique
de Paris : l’île de la Cité et l’île Saint-Louis. Paris n’est pas plate en termes de
topographie puisqu’elle présente un delta de plus de cent mètres entre les
berges de la Seine et la colline de Belleville à 128,5m d’altitude. Il y règne un
climat de type océanique, caractérisé par des hivers doux, des étés plutôt frais et
des pluies fréquentes.
Avec près de 2,2 millions d’habitants intramuros répartis sur 105 km², Paris est
une ville peu étalée et très dense avec 21 196 hab/km². Son agglomération
compte, quant à elle, 10,4 millions d’habitants.
Les transports en commun sont très utilisés à Paris et en Ile-de-France. Mis en
place en 1900, le métro parisien compte aujourd’hui 16 lignes, dont 2
entièrement automatiques. On recense également un dense réseau de Bus, RER,
Transilien et Tramway, offrant à la capitale un système de transports à sa mesure
et à celle de son agglomération. Actuellement, des réflexions sont en cours afin
de mieux connecter Paris et les villes avoisinantes, mais aussi les banlieues entre
elles, en particulier dans le cadre du Grand Paris.
Réseau de transport en commun parisien
Source : RATP
A cet important réseau aux acteurs multiples, viennent s’ajouter les transports
individuels comme les taxis parisiens et les Vélib’.
Outre cette offre variée et croissante en transports, en 2010, 52% des trajets
intramuros se sont fait à pied (Enquête Globale Transport de 2012).
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Bien que la capitale soit divisée en 20 arrondissements dirigés par les maires
d’arrondissements, la division n’est qu’administrative sans existence juridique
autonome, comme indiqué par le Conseil constitutionnel lors d’une décision du
28 décembre 1982 ; les arrondissements n’ont donc pas de personnalité morale
distincte de la Ville de Paris et leur existence ne porte pas atteinte à l’unité
communale, ni à la compétence du doit commun du conseil municipal. De ce fait
l’ensemble de la Ville de Paris peut suivre une politique commune harmonisant
l’ensemble de la capitale.
Carte des arrondissements de Paris
Source : Wikipédia
UN DEVELOPPEMENT QUI A GENERE UNE VILLE AUX AMBIANCES
MULTIPLES
Depuis ses origines, Paris occupe une place importante qui n’a cessé de la faire
grandir : carrefour entre les itinéraires commerciaux terrestres et fluviaux, dans
une région autrefois fortement agricole, elle acquiert de l’importance dès le Xème
siècle ; importance qui ne cesse de s’étendre sur les plans de l’éducation, des
arts, de la culture et de l’influence politique et économique à l’échelle
européenne, lui donnant son statut actuel.
Au fil des siècles, Paris n’a pas subi de destruction majeure et les différentes
gouvernances en place ont tenu à laisser leur marque dans la ville, donnant ce
patrimoine extrêmement riche dans une structure urbaine globalement
homogène.
Avenue haussmannienne
Source : Google Images
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Les modifications apportées par le baron Haussmann sous le Second Empire à la
fin du XIXème
siècle sont les plus marquantes ; ce sont de larges percées aux
dimensions homogènes avec des immeubles aux façades caractéristiques,
élaborées sur un modèle commun, avec un balcon aux 2ème
et 5ème
étages. Ces
percées sont généralement les plus agréables à parcourir de par leur
homogénéité et la respiration qu’elles procurent, dans une ville à la densité très
forte.
Les parcs et jardins constituent également une facette incontournable du
paysage parisien. On en dénombre actuellement plus de 450 dont certains sont
connus mondialement, tels le Jardin du Luxembourg, le Jardin des Plantes, le
Jardin des Tuileries ou le Champ de Mars. Ces parcs sont antérieurs au Second
Empire pendant lequel l’aération de la ville a été un enjeu important : les jardins
parisiens ont adopté leur physionomie actuelle et les grands espaces comme le
bois de Boulogne et le bois de Vincennes ont été aménagés durant cette époque.
La création d’espaces verts a continué au fil du temps, offrant la mixité actuelle
de Paris entre densité et urbanisation forte avec des poumons verts répartis sur
l’ensemble de la ville. Les parcs parisiens, caractéristiques des jardins à la
française, ont des dimensions beaucoup plus modestes et une végétalisation plus
contrôlée que les autres villes de notre étude.
Le paysage parisien est marqué par la culture française qui regroupe de
nombreuses catégories de divertissement, tels les cafés parisiens et autres
brasseries à la française visibles dans la quasi-totalité des quartiers et connus
pour leurs terrasses, offrant un certain charme et une image caractéristique aux
rues parisiennes. Cependant, la présence de ces terrasses sur la voie publique
gêne les circulations piétonnes et la réglementation en vigueur peine à se faire
respecter partout.
Terrasse sur les Champs-Elysées en 1960
Paris offre également une grande variété d’activités culturelles : on compte plus
de 143 musées et 80 lieux d’expositions temporaires dispersés sur l’ensemble de
Paris, offrant des expositions du plus classique au plus moderne avec, pour les
plus connus le Musée du Louvre ou le Centre Pompidou. On retrouve également
un choix important de spectacles, théâtres et opéras dont trois majeurs : l’Opéra
Garnier, l’Opéra Bastille et l’Opéra-Comique. A cela s’ajoutent les nombreuses
salles de concerts et café-concert qui offrent une programmation riche et
mondialement reconnue.
On retrouve, dans Paris, une multitude d’ambiances en passant d’un quartier à
l’autre ce qui constitue une force indéniable de la capitale. Il n’est pas possible de
connaître Paris sans la visiter à pied tant ses charmes sont cachés ou dissimulés à
chaque coin de rue. Les ambiances changent radicalement : on peut passer de
l’avenue des Champs Elysées, vitrine internationale du luxe parisien, au quartier
du Marais beaucoup plus bohème, en passant par le centre culturel et historique
de l’île de la Cité. Les aménagements piétons sont nombreux à travers la capitale
et l’aménagement des quais de Seine en est un bon exemple.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
BERLIN
Située sur la plaine germano-polonaise, à 35m au-dessus du niveau de la mer, à
l’est du pays dans l’ancienne RDA (République Démocratique Allemande), Berlin
est traversée par la Spree et la Havel qui la séparent en trois parties et compte de
nombreux lacs tels que le Müggelsee, plus grand lac de la ville. Il y règne un
climat continental qui transforme ses rues, en hiver, en courants d’air glacial mais
qui lui confère des étés chauds et humides.
UNE VILLE MODERNE ET TOURNEE VERS L’ENVIRONNEMENT
Capitale de l’Allemagne réunifiée depuis le 3 Octobre 1990, Berlin se compose de
12 arrondissements dirigés par un conseil élu au suffrage universel direct à
l’importance croissante et 95 quartiers qui sont le vestige d’anciens villages
rassemblés. Ces quartiers fonctionnent assez bien en autarcie car chacun d’eux
abrite toutes les fonctions urbaines : on peut habiter, travailler, pratiquer ses
loisirs dans un même quartier.
En plus d’être la plus grande ville du pays, Berlin est aussi un Land (équivalent de
nos régions) à part entière et a donc quatre représentants qui votent les lois
nationales au conseil fédéral. Elle possède une constitution, datant de 1995, et
une cour constitutionnelle qui contrôle le respect de celle-ci par les lois. La ville
dispose des pouvoirs administratifs et législatifs ce qui lui permet d’avoir un
Situation géographique de Berlin
Source : Wikipédia Carte des quartiers de Berlin
Source : Wikipédia
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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contrôle sur la plupart des domaines (transport, planification, culture,
éducation…) mais aussi un pouvoir exécutif par le biais du Sénat.
Avec 3,5 millions d’habitants répartis sur une superficie de 891 km², soit 9 fois
Paris, la densité de population à Berlin est faible et s’élève à 4000 hab/km².
Malgré son étendue, Berlin est une ville très tournée vers les déplacements
doux : 13% des déplacements y sont effectués en vélo et 30% à pied. Berlin se
concentre depuis un certain temps déjà sur les piétons en mettant en place
différentes infrastructures. On retrouve notamment les zones de rencontre, les
Grüne Hauptwege (cheminements verts) et la (re)-mise en place des passages
pour piétons protégés (Zebrastreifen).
Les déplacements cyclistes représentent une part importante des déplacements,
il faut dire que Berlin est une ville plate, qui se prête assez bien aux déplacements
à vélo ; ils ne génèrent que peu de conflits d’usages avec les piétons du fait de la
grande largeur des routes et trottoirs. En revanche, beaucoup de pistes cyclables
ont été installées sur les trottoirs, réduisant de fait la largeur des cheminements
réservés aux piétons.
Les transports en commun constituent 26% des déplacements. La ville est en
effet dotée d’un réseau de transports en commun dense, et on peut se rendre
assez vite et facilement partout en prenant le U-Bahn (équivalent du métro), le S-
Bahn (équivalent du RER), les bus ou les tramways.
Enfin, les véhicules motorisés représentent 30% des déplacements. Ceux-ci
créent les plus gros conflits d’usages dans les rues ; les Berlinois ont une
tolérance très faible à certains écarts de conduite des piétons et peuvent se
montrer plutôt agressifs : ils n’hésitent pas à signifier aux piétons leur
énervement par des coups de klaxon voire des rugissement de moteurs.
On remarque que les parts modales de transports sont les mêmes pour les
déplacements intra et extramuros ce qui met en évidence le fait que les Berlinois
vivent beaucoup à l’échelle de leur quartier.
Réseau de transport en commun berlinois
Source : BVG
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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UN PASSE OMNIPRESENT
Depuis sa fondation au XIIIème
siècle, Berlin a été capitale du royaume de Prusse
(1701-1871), de l'Empire allemand (1871-1918), de la République de Weimar
(1919-1933) et du Troisième Reich (1933-1945).
Berlin a toujours connu les conflits, le plus récent s’est déroulé lors de la Guerre
Froide. L’Allemagne était alors coupée en deux, entre la RDA (République
Démocratique d’Allemagne) à l’est et la RFA (République Fédérale Allemande) à
l’ouest, et Berlin divisée en 4 secteurs (américain, britannique, français et
soviétique). Le mur de Berlin a alors été érigé, séparant la zone soviétique
rattachée à la RDA des autres secteurs orientés RFA. Ce n’est que lors de la chute
du mur, le 9 novembre 1989, que cette ville a été reformée.
Cet épisode important de l’histoire est primordial pour comprendre la ville.
Malgré la réunification, une différence frappante persiste entre les anciennes
zones, à la fois esthétiquement et structurellement, mais aussi en termes de
ressentis et de perception de l’espace. La réunification ne s’est pas faite de façon
évidente ou facile. De grandes différences s’étaient mises en place avec le temps
et la chute du mur a engendré un véritable choc des cultures. Les Allemands de
l’est se sont rués sur le grand magasin Kaufhaus des Westens (KDW) dès la chute
du mur afin de pouvoir toucher le prétendu « rêve capitaliste » dont ils étaient
exclus toutes ces années. Pour certains, le rêve s’est effondré et ils regrettent ce
régime. Nous pouvons ressentir, à Berlin, le poids de l’histoire.
La faible densité de population et les grands espaces dont dispose la ville
ajoutent à cette atmosphère. On est très souvent seul dans les rues et le temps
semble s’arrêter au croisement d’un vestige du mur. Les routes sont toutes aussi
larges que les grands boulevards parisiens et de nombreux espaces sont
inoccupés.
Ces espaces multiples et les différentes friches urbaines constituent une autre
particularité de Berlin. Le street-art est omniprésent dans cette ville et chaque
mètre carré de mur peut faire l’objet d’une toile aux dimensions spectaculaires.
Les promenades dans les rues se transforment en visite de musée à ciel ouvert et
on finit par oublier que les trajets sont si longs dans une ville grande comme neuf
fois Paris.
Chute du mur de Berlin
Source : Patrick Piel
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Berlin est d’ailleurs la ville des musées ; on y trouve 165 musées, 146
bibliothèques et 60 théâtres : avant la réunification, chacun des quatre secteurs
qui composaient Berlin disposait en effet de sa propre offre culturelle ! C’est
incontestablement une ville de culture et d’histoire qui a su évoluer au fil des
guerres et des traumatismes.
Le faible coût de la vie à Berlin en fait l’une des capitales les plus courues. Berlin
se place à la pointe des tendances et se veut une ville jeune et festive. Les artistes
se regroupent dans des squats redessinés qui s’étendent dans toute la ville.
Cependant, ceux-ci tendent à fermer. Les promoteurs veulent profiter des faibles
tarifs jusqu’au bout et on voit de plus en plus fleurir des parkings ou des
immeubles de bureau à l’emplacement de squats berlinois historiques.
Berlin est une ville à la fois historique et moderne.
Depuis 1990, les immeubles ont grandi dans toute la ville et on se rend compte
de ce renouvellement du bâti sur une maquette exposée au département
d’urbanisme de la ville. Sur la photo ci-dessous, on trouve en marron les
bâtiments construits depuis 1990. Le foncier y est encore quatre fois moins cher
qu’à Paris ce qui fait de Berlin la métropole la moins chère d’Europe pour le coût
de la vie. Des quartiers comme celui autour de la PotsdamerPlatz sont sortis de
terre et donnent à la ville un deuxième visage. Berlin est une ville en perpétuel
renouveau. Impossible de ne pas remarquer que la ville est un chantier colossal.
L’île des musées est en totale réfection, Unter den Linden (les champs Elysées
berlinois) est en chantier sur toute sa longueur et d’étranges canalisations bleues
et roses serpentent dans toute la ville.
Street Art berlinois
Source : Études Urbaines
Squat berlinois
Source : Études Urbaines
Maquette de Berlin
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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COPENHAGUE
Située sur les îles de Zélande et d'Amager, Copenhague, capitale du Danemark,
en est la ville la plus peuplée.
Devenue le centre de la région de l'Øresund avec l'achèvement du pont
transnational homonyme entre le Danemark et la Suède en 2000, Copenhague et
la ville suédoise de Malmö s’urbanisent au sein d’une zone métropolitaine
commune.
UN DEVELOPPEMENT URBAIN AU SERVICE DE L’ECONOMIE
La municipalité de Copenhague est une unité administrative qui couvre la partie
centrale de la ville actuelle de Copenhague (Indre By sur la carte ci-contre) et est
divisée en 10 districts officiels. Bien que considérée comme faisant partie de la
ville de Copenhague, l'enclave de Frederiksberg est une municipalité
indépendante depuis une réforme qui a eu lieu entre 2006 et 2008.
Avec 1 213 822 habitants répartis sur 88,25 km², la densité urbaine de population
s’élève à 6 322 hab/km² soit près de dix fois plus que celle de l’agglomération de
643 hab/km. La faible densité de population de la commune s’explique par le fait
qu’une partie du district de Vest Amager, faisant anciennement partie du détroit
de Kalveboderne, a été remblayée dans les années 1930 puis utilisée comme une
zone d'entraînement militaire ; le sol contient donc beaucoup de munitions
encore actives ce qui en a entravé le développement urbain.
Copenhague est devenue la capitale du Danemark au début du XVème
siècle.
Pendant le XVIIème
siècle, sous le règne de Christian IV, la ville connaît un essor
Situation géographique de Copenhague
Source : Wikipédia
Carte des quartiers de Copenhague
Source : Wikipédia
Les districts de Copenhague
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Études Urbaines
important et s’impose alors comme un centre régional de grande importance en
Scandinavie, aux portes de la mer Baltique et de la mer du Nord.
La banlieue de Copenhague se développe ensuite d’après le « Finger plan », initié
en 1947, qui divise les banlieues en cinq doigts : les lignes de trains de banlieue
sont construites selon ce plan, tandis que les espaces verts et les autoroutes
peuvent se développer entre les doigts.
Depuis les années 2000, Copenhague a connu un fort développement urbain et
culturel, dû en partie à des investissements massifs dans les équipements
culturels et les infrastructures mais aussi à la nouvelle vague de designers à
succès, de chefs d’entreprises et d’architectes créatifs.
Aujourd’hui, Copenhague est un pôle attractif et un endroit apprécié pour les
sièges régionaux et les différentes commissions nationales et internationales, et
ce, grâce à son emplacement stratégique et ses excellentes infrastructures avec,
entre autres, le plus grand aéroport scandinave, l'aéroport de Kastrup. C’est un
pôle culturel, d’affaires, de médias et de sciences. En particulier, les technologies
de l'information, les transports, ainsi que la recherche et le développement
jouent un rôle majeur dans l'économie de la ville.
UNE VILLE DEDIEE AUX CIRCULATIONS DOUCES
Copenhague a plusieurs fois été reconnue comme l'une des villes ayant la
meilleure qualité de vie dans le monde et plus particulièrement en Europe. Elle
est également considérée comme l'une des villes les plus écologiques au monde ;
l'eau dans le port intérieur est, par exemple, suffisamment propre pour que les
citoyens puissent s’y baigner.
La ville de Copenhague est reconnue à travers le monde comme l'une des plus
accueillantes pour les cyclistes. Chaque jour, 1,2 millions de kilomètres s’y
effectuent à vélo. 36% des déplacements des citoyens au travail, à l'école ou à
l'université sont réalisés à l’aide de ce mode de transport, et selon les projections
de la municipalité, ce pourcentage devrait atteindre les 50% en 2015. Les pistes
cyclables de la ville sont vastes et bien utilisées. Elles sont souvent séparées des
voies de circulation principales et ont même parfois leurs propres systèmes de
signalisation.
La municipalité met également au point un système de pistes cyclables « vertes »
interconnectées, l'objectif étant de faciliter le transport en vélo pour qu’il soit
rapide, sûr et agréable d'un bout à l’autre de la ville. Le réseau couvrira à terme
plus de 100 km et disposera d’un total de 22 voies cyclables en site propre. La
ville propose également un système de vélos en libre-service avec un dépôt
remboursable à la manière d’une caution.
La culture cycliste de Copenhague se reflète jusque dans l'utilisation du mot
« Copenhagenize » pour décrire la pratique des autres villes qui adoptent des
pistes cyclables dans le style de Copenhague. En 2007, l’urbaniste et consultant
en aménagement Danois Jan Gehl a été embauché par le « New York City
Finger plan
Source : Ministère de l’environnement du Danemark
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Department of Transportation » afin de ré-imaginer les rues de New York en
introduisant des aménagements pour améliorer la vie des piétons et des
cyclistes. Compte tenu de l’avancée de Copenhague en matière de vélo, la ville a
été choisie par l'Union Cycliste Internationale comme première ville à obtenir le
titre de « Bike City ».
Copenhague dispose également de la rue piétonne la plus longue d'Europe : la
Strøget qui est la rue commerçante principale de la capitale du Danemark,
devenue piétonne en 1962, lorsque la présence de voitures s’est faite trop
importante dans le centre historique. Elle constitue avec les rues qui lui sont
perpendiculaires un grand réseau de voies piétonnes qui s’interconnectent pour
offrir un vaste espace, principalement dédié au shopping. La municipalité tenait
en effet à conserver des zones sans véhicule dans le centre-ville. Dans la journée,
il y a tellement de passants qui parcourent l'avenue que même les vélos y sont
prohibés, mesure étonnante dans une ville qui leur donne pourtant une place
énorme.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
NEW YORK
Située au Nord-Est des Etats-Unis, dans l’Etat homonyme de New York à
l’embouchure du fleuve Hudson, New York City (NYC), officiellement City of New
York, est ouverte sur l’océan Atlantique.
DES USAGES FORTEMENT INFLUENCES PAR LE CONTEXTE
GEOPOLITIQUE
La ville de New York est divisée en cinq arrondissements ou « boroughs » depuis
1898 : Manhattan, le Bronx, Queens, Brooklyn et Staten Island, qui
correspondent à cinq comtés de l'État de New York, gérés différemment des
autres comtés américains : ils n'ont pas de gouvernement de comté, et sont
soumis directement à l'administration municipale.
Manhattan, cœur économique et financier, est aussi l’endroit le plus
touristique de la ville.
Considéré pendant des années comme étant le district pauvre de la ville,
la politique de la Ville a permis de transformer le Bronx en un lieu
beaucoup plus attractif depuis quelques temps.
A la fois résidentiel et industriel, le Queens est le quartier le plus étendu
de New York. La proximité des deux principaux aéroports de la ville, JFK
et LaGuardia Airport, lui confère une grande ouverture sur l’extérieur.
Borough résidentiel, Brooklyn est aussi le plus peuplé de la ville.
Du fait de son éloignement géographique, et bien que raccordé à
Brooklyn par le pont Verrazano-Narrows, l'un des ponts suspendus les
plus longs du monde, Staten Island, est l'arrondissement le moins
intégré à la ville de New York. De ce fait, c’est un quartier résidentiel,
calme, qui compte de nombreux cours d'eau, parcs et espaces verts.
Le développement de la métropole est fortement lié à l’eau : la Upper New York
Bay (la « baie supérieure ») au sud de Manhattan et la Lower New York Bay (la
« baie inférieure ») au sud de Staten Island et de Long Island constituent la baie
de New York, et sont séparées par le détroit The Narrows, principal accès au port
de la ville. On dénombre deux autres détroits : l'East River et la Harlem River. La
Les cinq boroughs de New York
Source : GoogleMaps
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
liaison de New York avec la région des Grands Lacs est assurée par le canal Érié,
construit au début du XIXe siècle.
D’autre part, NYC présente une configuration insulaire, avec l’île de Manhattan,
qui compte le plus grand nombre d’habitants, et, au Sud, les petites îles de
Governors Island, Liberty Island et Ellis Island, ainsi que Staten Island, la plus au
sud de la ville. Brooklyn et le Queens se situent sur la partie ouest de Long Island ;
le Bronx est sur le continent, au sud d'une presqu'île.
Pour relier ces différents morceaux de ville, de nombreux ponts et tunnels ont
été construits, et un service de traversiers a été mis en place pour faciliter les
déplacements des New-Yorkais. Cette structure présente un certain nombre
d’avantages, notamment en termes d’ouverture, mais rend aussi la ville
vulnérable aux catastrophes naturelles (inondations, élévation de la mer, raz-de-
marée).
Aussi, dotée d’un climat continental humide selon la classification de Köppen,
caractérisé par des hivers froids et humides, avec parfois des précipitations
neigeuses et plusieurs jours de gel, et des étés chauds et humides, la métropole
est particulièrement soumise aux risques d’inondations, tempêtes, blizzards et
canicules. Ces dernières ont lieu pratiquement tous les ans, et sont accentuées
par le phénomène de l’îlot de chaleur urbain. En hiver, la sensation de froid est
amplifiée par la hauteur des bâtiments, qui limite fortement le passage des
rayons du soleil.
La tempête de neige de février 2010, et, plus récemment, l’ouragan Sandy en
octobre 2012, démontrent la faible résilience de la ville de New York face aux
catastrophes naturelles.
Métro fermé à la suite du passage de l’ouragan Sandy
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Avec près de 8 200 000 New Yorkais vivant sur un territoire de plus de 1200 km²
(dont 785 km² de terres émergées), la « Grosse Pomme », comme l’a surnommé
le journaliste hippique John J. Fitz Gerald en référence à ses champs de courses,
est la ville la plus peuplée et la plus dense des Etats-Unis avec plus de 10 000
habitants par km². Son agglomération, quant à elle, compte près de 20 millions
d’habitants, s’étend sur plusieurs comtés de l’Etat de New York, et déborde sur
deux Etats voisins.
Compte tenu de l’étendue du territoire, et donc, de la longueur des distances à
parcourir, un New-Yorkais sur quatre utilise les transports en commun pour se
rendre sur son lieu de travail (d’après des chiffres de la MTA, Metropolitan
Transportation Authority), et plus de la moitié des habitants ne possède pas
d'automobile, d’après le recensement effectué en 2000. Le réseau compte 368
kilomètres de lignes de métro, dont la fréquentation est en hausse, mais aussi
des lignes de bus et de ferries. Il est le plus souvent qualifié par les New-Yorkais
de rapide, peu onéreux, facile d’utilisation et pratique, et ils le recommandent
d’ailleurs, presque systématiquement, pour visiter la ville1. Les taxis, exploités par
des sociétés privés sont également très utilisés : on en trouve partout, et ils sont
peu onéreux. De plus, selon le Nationwide Personal Transportation Survey, étude
effectuée par le Ministère américain des Transports datant de 1995, les
déplacements piétons et cyclistes représentent 29% des déplacements effectués
dans la ville, et un piéton marche environ onze kilomètres par jour à New York.
Cela est dû, en partie, à la politique de la ville, qui s’est fixé comme objectif une
réduction de 30 % des émissions de dioxyde de carbone d'ici à 2030. En effet, les
pluies acides et plus généralement la pollution atmosphérique, responsable du
développement de maladies respiratoires, sont un problème à New York. Pour ce
faire, le prix des parkings est très élevé, des péages aux ponts et aux tunnels ont
été mis en place. De même, la congestion des voies de circulation décourage
l’usage de la voiture. De plus, l’accent a été mis sur l’implémentation de
transports collectifs respectueux de l’environnement. Cependant, les résidents
des banlieues proches (Long Island, New Jersey, Connecticut) et lointaines
(Pennsylvanie ou plus au nord dans l’État de New York) ont souvent recours à
leur véhicule personnel pour rejoindre le réseau urbain, bien qu’il existe des
trains de banlieue gérés par plusieurs sociétés publiques et privées.
Dans cette même logique de développement durable, la municipalité a décidé de
planter un million d’arbres, d’élaborer des plans de rénovation énergétique des
gratte-ciels, et a déjà remplacé des milliers de feux de signalisation et de lampes
pour l'éclairage public. Des éoliennes permettent de produire le courant
électrique alimentant une vingtaine de bâtiments publics.
Inondations après le passage de l’ouragan Sandy
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
UNE ORGANISATION DE LA VILLE QUI A PEU EVOLUE AVEC LES
USAGES
New York City connaît une forte croissance démographique à partir des années
1790, et devient la ville la plus peuplée des États-Unis en 1820.
Le Commissioners' Plan, projet de l’administration de l’Etat de New York, adopté
en 1811, avait pour but de fixer la structure, selon laquelle devrait se développer
Manhattan, entre la 14e rue et le quartier de Washington Heights, au nord du
borough. C’est le plan hippodamien qui fut choisi, dans lequel les rues sont
rectilignes et se croisent perpendiculairement. Les avenues traversent le district
dans la direction nord/sud, et sont numérotées d’est en ouest, tandis que les rues
le traversent dans la direction est/ouest, les numéros allant croissant du sud vers
le nord. Le quadrillage et la numérotation des rues et avenues facilitent le
repérage des piétons ; on remarque ainsi que la majorité des touristes savent où
ils se trouvent et sont capables de repérer le nord ². D’autre part, ils évoquent
souvent la largeur des voies et des trottoirs comme facteur générant un
sentiment de sécurité, et facilitant les déplacements piétons.
Cependant, si cette structuration de l’espace dénote une volonté d’organisation
rationnelle de l’espace, elle n’est pas sans présenter un certain nombre
d’inconvénients : les temps de trajet sont allongés, aucune attention n’est portée
à la topographie, et la marche peut vite devenir monotone. De plus,
contrairement aux visiteurs ponctuels, les résidents expriment leur sentiment
d’insécurité quant au trafic des véhicules motorisés, notamment lié à la largeur
des rues 1, et ce bien que la ville de New York ait le plus grand nombre de services
de police des États-Unis. Néanmoins, les habitants, comme les visiteurs, disent ne
pas avoir peur d’être agressés, ce qui est probablement lié à la chute de la
criminalité et de la délinquance depuis le début des années 1990, même si
certains endroits restent à éviter de nuit, conséquence, en particulier, de la
politique de « tolérance zéro », de la
diminution du chômage, de la réhabilitation
des quartiers du nord de Manhattan, de
l'intégration des minorités ethniques dans les
forces de l'ordre, d'un travail concerté des
diverses institutions municipales.
Les plans initialement prévus par le
Commissioners' Plan, ont cependant été
amenés à évoluer quelque peu, avec la
naissance d’autres grands projets tels que la
construction du Rockefeller Center, de
l'université Columbia, de Times Square, du
Lincoln Center, mais aussi de Central Park en
1853, qui occupe l'espace situé entre la 59e
et la 110e rue d’une part, et la 5e et la 8e
avenue, d’autre part. Considéré comme le
poumon de la ville, ce parc, géré par Central
Park Conservancy, est le plus visité du pays,
et de loin l’endroit préféré des New-Yorkais
pour une promenade 1. 113 km² d'espaces
verts sont également possédés par la Ville, et
huit parcs appartiennent à l'État.
Du milieu du XIXe siècle, à la première moitié
du siècle suivant, la population croît
rapidement, et on voit apparaître des
quartiers résidentiels, avec, en particulier,
Version moderne du plan cadastral
du Commissioners' Plan de 1811,
paru en 1807
Source : Wikipedia
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
128
Études Urbaines
l’investissement des banlieues par les classes moyennes, rendu possible grâce au
réseau autoroutier et à la construction de nouveaux ponts, tels que le Pont
Verrazano en 1964. A cette époque, l’industrie est le principal moteur de
développement de la ville.
Les investissements croissants dans les transports facilitent également le
développement économique de New York, qui devient un centre d’envergure
internationale au début du XXe siècle. Manhattan, mais aussi le Midtown voient
se développer les gratte-ciels, dû au manque d’espace dans la ville, et à
l’implantation de nombreux sièges sociaux de multinationales. New York est
d’ailleurs renommée pour ses gratte-ciels, dont les plus connus sont l’Empire
State Building et le Chrysler Building. L’île de Manhattan compte 45 immeubles
dont la hauteur est supérieure ou égale à 200m, et quatre, dont la hauteur est
supérieure à 300m.
Actuellement, le quartier de Manhattan devient lui aussi de plus en plus
résidentiel : en effet, devenu capitale de services, le centre de New York City s’est
converti en un espace fortement attracteur, hébergeant des organisations
mondiales, des sièges de firmes multinationales et des centres culturels.
Comptant de nombreux quartiers ethniques, où cohabitent diverses
communautés, tels que Chinatown qui concentre la plus forte population
Chinoise des Amériques, Little Italy qui regroupait autre fois une population à
dominante italienne, ou encore Harlem peuplé majoritairement par des
Portoricains, c’est une ville cosmopolite au rayonnement mondial, qui attire
d’ailleurs 50 millions de visiteurs par an.
Le problème, aujourd’hui, est que la structure initiale de la ville a peu évolué,
contrairement aux usages qui sont faits de celle-ci, et gagnerait à être revue, pour
s’adapter aux nouvelles pratiques.
UN JEU D’ACTEURS AMB IGU
Ainsi, on voit bien que les piétons sont une préoccupation importante pour les
autorités municipales et fédérales. De nombreux projets poursuivant cet objectif
ont d’ailleurs été développés et/ou réalisés depuis quelques années, on peut
citer par exemple :
Depuis 2007, le New York City Department Of Transportation (NYC DOT)
a mis en place un programme, le « NYC Plaza », visant à créer de
nouvelles places publiques dans tous les quartiers de New York afin de
rendre ces espaces attrayants, accessibles et agréables pour les piétons.
Il s’agit de fournir un espace public à moins de 10 minutes de marche
pour tous les New Yorkais. Ainsi, l’aménagement de la Gansevoort Plaza,
située dans le Meatpacking District, dont le coût global a été chiffré à
90 000 $ s’inscrit dans cette initiative.
La Gansevoort Plaza, exemple d’un aménagement piéton réussi
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
129
Études Urbaines
Le projet de restructuration du quartier de Hudson Yards, estimé à plus
de 4 milliards de dollars est en phase d’étude depuis 2001. Initialement
lancé dans le cas où New York remporterait l’organisation des Jeux
Olympiques de 2012, il prévoyait la construction d’installations
sportives. Après la non-retenue de la candidature de la ville, le projet a
été revu et prévoit désormais en plus de la création de 20000 logements
de 2,4 millions de km² de bureaux, de commerces, d’hôtels, d’un centre
de convention, du prolongement de la ligne 7 du métro, la création
d’espaces piétonniers et de parcs. L’un de ces parcs sera relié au High
Line Park et une promenade piétonne sera créée sur le Hudson Park et
Boulevard et traversera le centre commercial.
Cependant, malgré les préoccupations environnementales de la ville, le succès
des projets déjà réalisés, et la nécessité de faire entrer la ville en adéquation avec
ses usages, la mairie, qui pourtant administre tous les services de la
ville (propriété publique, assainissement, entretien de la voirie, police et service
du feu, entretien des parcs, protection de l'environnement), ainsi que la plupart
des organismes publics, est rarement à l’origine des projets en faveur du piéton.
Il faut souvent que des associations ou des organismes privés, comme Project for
Public Space (PPS), proposent des aménagements, les mettent en place de façon
provisoire, et démontrent que ceux-ci fonctionnent, pour que la ville accepte de
financer les travaux.
1 Enquête réalisée par Études Urbaines à New York, entre le 1
er et le 11 novembre
2012, sur un échantillon de 96 personnes.
² Enquête réalisée par Études Urbaines, entre le 1er
et le 11 novembre 2012, sur
un échantillon de 16 étudiants, qui ont répété l’expérience à trois reprises, dans
trois quartiers différents de New York.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
130
Études Urbaines
AU MAROC, FES ET CASABLANCA
FES
Au cœur du Moyen Atlas, la ville de Fès se situe dans une région dont le rôle
économique et politique fut essentiel dans l’évolution historique du pays. La ville
occupa longtemps un rôle de pôle attractif en étant la capitale de la Mauritanie
tingitane jusqu’à se transformer en une ville à dominante intellectuelle et
spirituelle.
Aujourd’hui, la ville de Fès possède la plus grande médina existante (10 000 rues),
avec une tradition artisanale variée et très ancienne, ce qui lui vaut le privilège
d’être classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Etymologiquement, une
médina désigne la partie ancienne des villes arabo musulmanes (Fès el Bali – Fès
l’Ancienne – IXème
siècle) par rapport aux villes dites « modernes » (Fès el Jdid –
Fès la Nouvelle - XIIIème
siècle).
La particularité du système médina est d’être une vaste zone intramuros
exclusivement dédiée aux piétons. Tout engin motorisé est en effet prohibé à
l’intérieur de la médina et seuls les ânes ou les chariots sont utilisés pour livrer
les marchandises. De ce fait, l’organisation d’une médina est caractéristique d’un
mode de vie tourné vers le piéton et sa bonne circulation, qui persiste malgré la
pression de la modernité des villes nouvelles. Véritable fourmilière humaine, la
médina de Fès apporte à notre point de vue l’illustration d’une ville au
fonctionnement atypique car il n’est pas facile au premier coup d’œil de s’y
retrouver. Le piéton non averti aura en effet tendance à se perdre dans ce tissu
urbain décousu, dense et à l’architecture particulière. Notamment, il est
intéressant de comprendre la logique de cette organisation, et ainsi d’évaluer à
quel point le modèle médina pourrait constituer un modèle urbain à reprendre
pour le futur. L’architecte et urbaniste Marc Gossé dit à ce propos que « la
médina telle qu’élaborée par la tradition arabo-musulmane peut en effet
constituer un modèle d’urbanisation contemporain, à condition toutefois de la
réinterpréter et de l’actualiser par rapport aux conditions socio culturelles de
notre temps ». Par comparaison, la densité de la médina est d’environ 520
habitants à l’hectare, pouvant aller jusqu’à plus de 1000 habitants par hectare,
alors que la densité de Paris n’excède pas 250 habitants par hectare. Ceci
s’explique par le peu d’espace public (rues étroites, absence de places) mais aussi
par une organisation des maisons très différente de notre vision habituelle, qui
ne dépassent pas 2 étages, avec cours intérieures, mais dont l’organisation
permet une grande capacité de logements. La configuration des rues permet
enfin de s’interroger sur les modes de vie des piétons et des contraintes qui leur
sont imposées.
Bordant le côté Sud de la médina, la ville nouvelle, Fès el Jdid, fut construite en
1276 pour contenir et absorber l’accroissement constant que subissait la ville. Le
caractère de cette ville est complètement différent de l’ambiance véhiculée par
la médina. Cela s’explique par le fait que la ville nouvelle fut avant tout conçue en
tant que demeure pour la royauté Marocaine tandis que le centre économique et
artisanal restait dans la médina. Fès el Jdid est avant tout un quartier résidentiel
avec de l’activité de bureaux, beaucoup plus typique de l’organisation urbaine
d’une ville européenne. En effet, les rues y sont larges et la ville propose tous les
services urbains possibles, des espaces verts aux centres commerciaux, en
passant par les services de proximité. Le tissu urbain est aujourd’hui en plein
essor avec la mise en place de grandes avenues, notamment le Boulevard Hassan
II, qui témoignent la volonté de la Ville d’aménager son espace urbain au profit
des déplacements piétons.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
131
Études Urbaines
CASABLANCA
Située au bord de l’océan Atlantique, la ville de Casablanca (de l’espagnol « Ville
Blanche ») est la première métropole et la capitale économique du Maroc.
Le climat est méditerranéen à tendance océanique autrement dit, agréable. En
hiver le climat est doux et en été modérément chaud grâce à la présence de
l’océan. Le climat n’est donc qu’à des occasions très exceptionnelles limitant pour
les piétons.
Casablanca est le chef-lieu de la région du Grand Casablanca. Son territoire
correspond à celui de la préfecture de Casablanca, composé d’une part de la
municipalité de Casablanca, divisée en 16 arrondissements répartis en 8
préfectures d’arrondissement, et d’autre part, de la minuscule municipalité du
Méchouar de Casablanca où siège un palais royal, placé en son centre.
Initialement concentrée autour de la médina et du premier bassin du port, la ville
de Casablanca s’est principalement développée à partir des années 1920. Les
premières extensions ont été dessinées par l’urbaniste Henri Prost entre les
années 1917 et 1922, puis dans les années 50, un nouveau plan d’extension et
d’organisation de la ville a été dessiné par l’urbaniste Michel Ecochard.
On retrouve des quartiers contrastés : la médina bien sûr, le cœur historique de
la ville, mais également le quartier Art Déco qui fut le quartier européen de la
ville sous le protectorat français, le quartier de Bourgogne, le quartier d’affaires
de Sidi Maârouf, nouveau centre économique, le quartier de Sidi Moumen truffé
de bidonvilles et de constructions précaires…
La ville s’étend maintenant sur près de 190 km² et sa population de 3 millions
d’habitants en fait la ville la plus peuplée du Maroc.
Les déplacements y sont difficiles et liés à des rapports de force. Les piétons
traversent là où ils peuvent et quand bon leur semble, et la signalisation piétonne
commence à peine à faire son apparition. Pourtant, la majorité des déplacements
se font à pied (54%) et les réseaux de transports en commun sont vite saturés et
très limités.
A l’inverse de la médina où les déplacements sont très majoritairement piétons,
dans le centre plus « urbain », c’est la voiture qui prédomine et à l’heure actuelle,
les aménagements piétons sont très limités. L’usage de la voiture continue de
progresser et les aménagements piétons sont réduits à leur plus simple
expression.
Trottoirs en mauvais état, étroits ; peu ou pas de signalisation pour piéton : la vie
du piéton n’est pas simple dans cette métropole, voire quasiment impossible
pour les PMR. Néanmoins, les mentalités vont évoluer. On peut espérer une
nette amélioration de ce point de vue avec l’arrivée du tramway inauguré le 12
décembre 2012. Comme dans de nombreux projets de tramway, l’espace public
le long du tracé a été requalifié et la principale artère de la ville a été transformée
en voie piétonne.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
132
Études Urbaines
ANNEXE N°3 : DES EXEMPLES EN SITUATION
NEW YORK
En tant que ville d’Amérique du Nord où la voiture est reine, New York avait
réservé une bonne part de l’espace public à ce mode de transport. Avec le
développement de la « conscience du piéton » à savoir le développement de
politiques publiques favorables aux déplacements doux de par le monde, la ville
de New York s’est aussi mise à l’heure piétonne et a mis en place des solutions
d’aménagement afin de redonner de la place à ces usagers de l’espace public.
LA PIETONISATION DE BROADWAY ET LE PROJET GREENER
GREATER NYC
Une des plus emblématiques actions en faveur des piétons mises en place par la
ville de New York a été de fermer certains tronçons de Broadway à la circulation
automobile. D’abord testée pendant un an, cette piétonisation a ensuite été
rendue permanente en raison de l’enthousiasme des New-Yorkais devant cette
reconquête d’espace, mais aussi car les problèmes de congestion automobile
dans les rues alentours n’avaient pas augmenté. Parmi ces espaces rendus aux
piétons, nous pouvons citer Union Square, Madison Square (devant le Flatiron
Building), Herald Square (devant le grand magasin Macy’s) ou encore Times
Square.
Ces zones semblent en effet être très appréciées des usagers. Des tables et des
chaises colorées sont mises à disposition de tous (sauf sur Union Square). Ce
système de mobilier urbain en libre-service fonctionne bien et les New-Yorkais en
sont très respectueux. De plus, cela donne un cachet agréable aux différents
espaces et leur confère une identité propre.
Madison Square
Source: Gehl Architects
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
133
Études Urbaines
Herald Square
Source : Études Urbaines
Les aménagements proposés à savoir l’ajout de tables et des chaises ainsi que de
parasols en été sont peu coûteux mais ils nécessitent une bonne gouvernance
pour garantir leur entretien. Ainsi, la ville de New York a délégué la responsabilité
de l’entretien de ces espaces publics piétonnisés à des associations à but non
lucratif. Le « Madison Square Park Conservancy », l’« Union Square Partnership »
ou encore la « Times Square Alliance » sont les associations de locaux (résidents,
commerces…) dont la mission est de lever des fonds pour assurer l’entretien d’un
lieu. Cependant, la mission de ces groupements d’intérêt local ne se limite pas au
seul entretien des infrastructures et des parcs. Il s’agit aussi de mettre en place
des programmes dont les thèmes principaux sont la sécurité, le développement
économique, la culture et la santé publique. Cette gestion déléguée et cette
protection des parcs et autres espaces publics emblématiques de la ville par des
associations à but non lucratif sont typiques de l’organisation de la gouvernance
à New York. D’autres espaces tels que Central Park ou Bryant Park sont aussi
gérés de cette manière. Il y a donc une forte implication des citoyens dans la vie
des espaces publics qui leur sont chers.
Logos des différentes associations
Source : madisonsquarepark.org, timessquarenyc.org, union squarenyc.org
Notons que si Times Square, Madison Square et Herald Square sont très
fréquentés par les touristes, Union Square l’est plus par une population locale.
Nous avons pu constater à l’aide de nos enquêtes de terrain qu’Union Square est
principalement un lieu de transit, traversé par les New-Yorkais qui vont travailler
ou encore les étudiants de la New York University dont le campus se situe dans
les environs mais que cet espace se transformait en lieu de rencontre entre
habitants du quartier en soirée principalement (même si des joueurs d’échec
sont présents dans la journée). Cette place constitue aussi un lieu d’ancrage pour
les Sans Domicile Fixe du quartier. Une mixité des usages est donc bien présente
sur Union Square.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
134
Études Urbaines
Union Square, un espace piétonnisé
Source : Études Urbaines
Cependant, nous avons pu constater des points noirs à ces zones piétonnisées.
Parmi ceux-ci se trouvent la forte densité de population, en particulier à Times
Square, qui est telle que les déplacements piétons ne sont pas aisés. Certains
habitués nous ont souvent dit qu’ils évitaient Times Square et sa foule à tout prix
et ne comprenaient pas pourquoi les touristes étaient attirés par cet endroit. De
plus, même si de l’espace a été rendu aux piétons, les voitures ne sont pas loin et
les rues doivent être traversées assez souvent. Ces espaces restent néanmoins
beaucoup plus agréables qu’ils ne pouvaient l’être avant cette piétonisation.
Ces projets de piétonisation s’inscrivent dans un projet de plus grande ampleur
appelé « Greener Greater NYC ». Soutenu par le maire Michael Bloomberg et
produit par le cabinet « Gehl Architect » du danois Ian Gehl, ce projet a pour but
de transformer l’axe très fréquenté qu’est Broadway en un lieu plus agréable
pour les piétons et les cyclistes.
Times Square avant la piétonisation
Source : Gehl Architects
Times Square après la piétonisation
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
135
Études Urbaines
Pistes cyclables sur Broadway
Source : Gehl Architects
Schématisation du projet
Source : Gehl Architects
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
136
Études Urbaines
LA HIGH LINE
Le projet du High Line Park est non seulement un exemple de projet de
reconversion urbaine réussi mais aussi une infrastructure piétonne originale et
fonctionnelle.
La High Line est une ancienne voie de transit ferroviaire aérienne longue de 2,3
km et construite dans les années 1930 afin de soustraire le trafic ferroviaire des
rues de Manhattan qui étaient déjà bien encombrées par les autres types de
circulation. En effet, cette circulation de trains en pleine ville provoquait de
nombreux accidents aux passages à niveau, il a donc été décidé de rendre les
voies ferrées aériennes pour améliorer la sécurité des habitants.
Suite au déclin du transport par le rail, ces voies ont cessé d’être utilisées en
1980. Leur démolition était envisagée par le maire Rudolph Guiliani à la fin des
années 1990 mais en 1999, deux riverains du quartier entourant la High Line,
Chelsea, ont créé l’association à but non lucratif « Les amis de la High Line »
(Friends of the High Line en langue originale) visant à éviter la disparition de ces
voies aériennes et de proposer un projet de réhabilitation. Joshua David et
Robert Hammond, soutenus par d’autres habitants du quartier ont ainsi réussi à
éviter cette démolition et ont fini par recevoir le soutien du nouveau maire de
New York, Michael Bloomberg, et des financements publics ont été attribués en
2004. La première portion de la High Line, située entre Gansevoort Street et la
20ème rue Ouest, a été inaugurée en 2009, la seconde portion entre la 20ème Ouest
et la 30ème a été inaugurée en 2011, et la municipalité prévoit un dernier
prolongement entre la 30ème Ouest et la 34ème Ouest à l’horizon 2014.
La High Line, dans les années 30
Source : L’internaute.com
Ce sont l’architecte James Corner et le cabinet d’architectes Diller Scofidio +
Renfro qui ont remporté conjointement, en 2004, le concours pour
l’aménagement d’un nouveau parc à New York. Le projet de reconversion qu’ils
ont proposé est la réalisation d’une promenade piétonne plantée inspirée de la
« Coulée Verte » parisienne. Les architectes ont souhaité respecter l’ambiance
sauvage des voies ferrés lorsqu’elles étaient à l’abandon et la végétation choisie
renforce cette impression. En plus d’être un parc, donc, la High Line est une
promenade piétonne passant entre et à travers 22 blocs d’immeubles du quartier
de Chelsea. Ainsi, lorsque nous nous situons sur cette promenade, nous nous
sentons encore dans la ville tout en étant à l’écart de celle-ci
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
137
Études Urbaines
La High Line, une coulée verte à la New Yorkaise passant entre et au travers des buildings
Source : Études Urbaines
Des personnes du monde entier mais aussi de nombreux New-Yorkais viennent
déambuler dans cet espace singulier. Les anciennes voies ferrées ont été
conservées et ingénieusement intégrées après avoir été enlevées et nettoyées :
soit ces rails ont gardé leur fonction de support de déplacement initiale en
permettant à des fauteuils bain de soleil de se déplacer sur ces voies soit ils ont
été intégrés dans la végétation ou sur la promenade elle-même pour assurer une
fonction décoratrice.
Vue aérienne de la High Line et de l’intégration des rails
Source : L’internaute.com
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
138
Études Urbaines
Intégration des anciennes voies ferrées comme un élément du paysage
Source : Études Urbaines
Un mobilier urbain original et moderne permet aux promeneurs de s’arrêter pour
se reposer, discuter, jouer et/ou profiter de la perspective paysagère. Il a été
pensé pour le confort des visiteurs de ce parc : des bancs parsèment tout le long
de la promenade dont certains sont particulièrement originaux : des bancs
associés à un tapis d’eau permettant aux promeneurs de s’arrêter et de se
rafraichir. Un espace a également été spécialement pensé pour permettre aux
promeneurs de s’arrêter et de regarder la ville en mouvement à travers une vitre.
Point de vue sur la ville en mouvement
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
139
Études Urbaines
Bancs et tapis d’eau en été
Source : Études Urbaines
Ainsi, la reconversion de ces anciennes voies de fret ferroviaire qui paraissait
pourtant compliquée nous semble réussie. Les piétons peuvent se promener à
l’abri de la circulation automobile tout en étant au plus près de la ville puisqu’ils
passent entre les immeubles de Chelsea. Nous pouvons passer au travers de
différentes ambiances associées à un mobilier particulier. Notons que ce parc est
surveillé 24h sur 24 et que des téléphones d’appel d’urgence ont été disposés
tout le long du parcours afin d’assurer la sécurité des visiteurs. Le point de vue
depuis ces voies situées à 10m de haut est insolite et très intéressant.
LA SIXIEME AVENUE ET DEMIE
La 6ème
avenue et demie est un corridor piéton permettant de relier la 51ème
rue à
la 57ème
rue en passant à travers les blocs d’immeubles situés entre la 6ème
et la
7ème
avenue. Ce raccourci est connu des New-Yorkais depuis plusieurs années
mais aucun aménagement permettant de sécuriser les traversées au niveau de la
sortie de chaque bloc n’existait. C’est pourquoi le département des transports de
la ville de New York (New York City Department of Transportation) a décidé de
mettre en place des panneaux stop, des dos d’âne ainsi que des passages piétons
à l’endroit des intersections avec les différentes rues. Ces nouveaux
aménagements ont été officiellement été inaugurés à la fin du mois de mars
2012.
Panneau indiquant la 6ème avenue et demie
Source : Études Urbaines
S’il n’est pas facile à trouver au niveau de la 57ème
rue puisqu’il faut passer des
portes tambours et passer par un corridor privé mis à disposition du public, ce
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
140
Études Urbaines
passage est très utilisé, principalement par les personnes qui travaillent dans les
blocs environnants. Il est strictement réservé à l’usage des piétons (pas de vélos,
pas de skateboards, pas de rollers). Il s’agit donc essentiellement d’un espace de
transit mais il y a tout de même des usagers qui s’y arrêtent et s’assoient sur les
quelques bancs qui s’y trouvent. Les personnes qui utilisent cet espace le font car
il leur permet de se déplacer à l’écart de l’agitation et du bruit des rues
conventionnelles. Leur vitesse de déplacement est plus grande puisqu’ils ne sont
gênés dans leur trajectoire ni par les obstacles présents sur les trottoirs New-
Yorkais ni par les intersections délicates avec les rues où circulent encore les
voitures puisque la priorité leur est donnée et que les automobilistes la
respectent bien.
6ème avenue et demie et traversées piétonnes protégées par des panneaux stop
Source : Études Urbaines
6ème avenue et demie
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
141
Études Urbaines
La sixième avenue et demie est donc un espace piéton fonctionnel, c'est-à-dire
permettant de rallier un point A à un point B, particulièrement apprécié par les
personnes qui l’utilisent. Nous pouvons quand même lui reprocher de ne pas
avoir d’entrées facilement reconnaissables depuis la rue mais ceci permet aussi
de garder cet espace secret pour les non-initiés et donc d’éviter qu’il ne soit
« envahi » par la foule et donc qu’il perde son usage initial de lieu de transit.
LE PEDIBUS
Seulement 13% des enfants vont à l’école à pied ou à vélo sur l’ensemble du
territoire des Etats-Unis, contre deux-tiers il y a trente ans. A New York City, ces
chiffres sont plus élevés, avec notamment neuf enfants sur dix allant à l’école à
pied dans le Bronx, mais cette proportion est en baisse constante.
Sur ce même laps de temps, la télévision et les jeux vidéo semblent avoir éclipsé
toutes autres formes d’activités récréatives pour la plupart des enfants. Selon les
Centers for Disease Control, le pourcentage d’enfants en surpoids aurait plus que
doublé ces trente dernières années.
Aller à l’école à pied peut être un bon moyen pour que les enfants fassent
l’exercice nécessaire pour rester en bonne santé, mais également pour qu’ils
prennent des habitudes de vie saines, qui leur serviront dans le futur. Aussi, pour
les parents qui ne peuvent emmener leurs enfants eux-mêmes à l’école à pied, et
qui auraient peur de les laisser y aller seuls, une solution est mise en place, par
l’école et les autres parents sous forme de pédibus. Le principe est chaque jour,
des parents volontaires encadrent un groupe d’enfants qui va à l’école à pied. Il
existe, comme pour un vrai bus, des arrêts et des horaires de passages.
Divers pédibus ont été mis en place dans d’autres pays, et notamment en Europe,
permettant de lutter contre les maladies liées à l’inactivité (obésité, maladies
cardio-vasculaires, etc.), la pollution et les nuisances sonores et olfactives, mais
aussi d’éviter les embouteillages, de façon économique et dans un cadre
convivial, pour les enfants, comme pour les parents. Il offre aussi la possibilité de
rendre les enfants peu à peu autonomes, en les sensibilisant aux dangers qu’ils
peuvent rencontrer en chemin.
Ainsi, à Lecco, en Italie, 450 enfants, encadrés par des parents volontaires et des
personnels rémunérés, font dorénavant à pied, le trajet qu’ils effectuaient en bus
scolaire par le passé, ceux-ci ayant été supprimés. Ces trajets en bus
représentaient environ 160 000 km par an, d’après le responsable
environnement de la ville.
En Suisse Romande, on compte déjà 250 lignes de pédibus. L'itinéraire de la ligne
de Pédibus, ses arrêts, signalés par des panneaux, et ses horaires sont
programmés par les parents. Chaque parent qui inscrit son enfant dans le
Pédibus s'inscrit également pour le "conduire", une à deux fois par semaine selon
les besoins. L'enfant rejoint alors le Pédibus à un arrêt et fait le trajet vers l'école
avec ses camarades, sous la conduite d'un adulte. Après l'école, le Pédibus
ramène l'enfant à l'arrêt le plus proche de chez lui, où l'attend son parent.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
142
Études Urbaines
Pédibus en Suisse, priorité à la convivialité et la sécurité
Source : ATE (Association Transports et Environnement), http://www.ate.ch/fr/nos-
themes/securite-routiere/pedibus/photos.html,
Sur le même principe, il existe également des vélobus pour les enfants un peu
plus grands (à partir de 10-11 ans en Suisse).
Le pédibus dans Central Park, un outil ludique et éducatif
Source : Études Urbaines
LES NOUVEAUX SYSTEMES D’ECHAFAUDAGES « UMBRELLAS »
Nous avons pu relever dans les enquêtes que nous avons réalisées auprès des
locaux mais aussi par nous-mêmes en marchant dans les rues de New York qu’il y
avait de nombreux échafaudages installés en permanence dans la ville, ce qui
entrave les déplacements piétons. Ces échafaudages ont très mauvaise
réputation auprès des habitants de New-York mais aussi auprès des touristes. Ils
ne sont pas très esthétiques et constituent un obstacle de taille pour les piétons
puisque deux personnes ne peuvent pas se croiser. Le design de ces structures
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
143
Études Urbaines
métalliques protégeant le passage des piétons aux abords d’un chantier de
construction n’a pas changé depuis les années 50 et il y en plus de 6000 dans
toute la ville de New York, représentant plus de 305 kilomètres de linéaire.
C’est pour ces raisons qu’un concours international appelé UrbanSHED
International Competition a été lancé, en 2004, à l’initiative entre autres du
Department of Buildings, du Department of City Planning et du Department of
Transportation de la ville de New York mais aussi de l’institut américain des
architectes (American Institute of Architects). Ce concours invitait ingénieurs,
architectes et designers qu’ils soient dans la vie professionnelle ou encore
étudiants à proposer des solutions inventives, originales et esthétiques qui
pourront constituer les nouveaux échafaudages à New York. Les gagnants en
2010 furent Young-Hwan Choi, un étudiant en architecture à l’université de
Pennsylvanie, Andres Cortès de l’American Institute of Architects et Sarrah Khan,
une ingénieure de l’entreprise « Agencie Group ». Leur nouveau système
d’échafaudage se nomme « UrbanUmbrella ». Ces échafaudages au design en
forme de parapluie vont permettre de laisser passer plus de lumière naturelle sur
le trottoir tout en améliorant la sécurité des piétons et en prenant moins de place
sur le trottoir.
Vue du point de vue du piéton
Source : Urbanophile.com
Plus de lumière et d’espace pour les piétons
Source : Urbanophile.com
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Les entrepreneurs en bâtiment n’auront pas l’obligation d’installer les
UrbanUmbrella mais il leur sera spécifié que le coût d’installation de ces
nouvelles structures seront les mêmes que pour les anciennes structures. Les
entrepreneurs ont donc beaucoup à y gagner en décidant d’installer ce nouveau
système, l’architecture des bâtiments New Yorkais sera mieux mise en valeur, les
enseignes et vitrines des commerces ne seront plus cachées, enfin, les piétons ne
seront plus entravés dans leurs déplacements et leur sécurité sera garantie. Si les
gagnants du concours ont été désignés il y a deux ans maintenant, nous n’avons
pourtant pas vu ce nouveau type d’échafaudage sur les façades des immeubles
New Yorkais. Ce sont toujours les anciens systèmes qui sont en place.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
BERLIN
GRÜNEHAUPTWEGE
PRESENTATION DU PROJET
Le projet des Grünehauptwege, mis en place en 2003, vise à répertorier les
itinéraires « agréables » à Berlin, à y mettre en place une signalisation (similaire à
celle d’un chemin de randonnée) et à cartographier ces chemins pour proposer
aux Berlinois des alternatives pratiques et agréables à leurs déplacements dans la
ville.
Photographie d’un Grünehauptwege
Source : Études Urbaines
Elément de balisage d’un GrüneHauptwege
Source : Études Urbaines
UN PROJET PORTE PAR LES CITOYENS
Dès 2003, Eva-Maria Epple, une habitante de Berlin, imaginait la mise en place
d’itinéraire afin d’orienter les citoyens sur des promenades agréables dans Berlin.
Elle met alors en place un site internet intitulé « Von Wegen » qui répertoriait
quelques chemins intéressants dans Berlin.
En parallèle, elle apprend que la municipalité travaille sur un projet de création
de vingt « voies vertes », des chemins qui ont vocation à relier les espaces verts
de Berlin, et qui seraient signalisés d'une façon similaire à des chemins de
randonnée. Eva-Maria Epple initie alors un Bürgerprojekte (« projet citoyen ») et
constitue, avec l’aide de la ville, une équipe de citoyens pour étudier le projet,
lister les itinéraires « agréables », créer des cartes plus précises, et trouver des
solutions pratiques aux points difficiles qui peuvent être rencontrés (difficultés de
cheminement, franchissement de voie très circulée, etc). En 2008, des cartes
répertoriant ces itinéraires sont éditées et vendues aux Berlinois.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
ANALYSE ET AXES D’AMELIORATIONS
Les Grünehauptwege sont davantage le recensement de chemins existants que
de réels aménagements. Les chemins ont été certes balisés mais ils n’ont pas subi
de réels investissements : pas ou peu de mobilier urbain, pas de réfection de
voirie, un balisage minimaliste (des autocollants installés sur les signalisations
existantes). Plus particulièrement, les croisements avec les axes de circulation
n’ont pas été réaménagés, ce qui constitue à certains endroits un problème pour
la sécurité d’une part et pour le plaisir de cheminer d’autre part.
Carte des GrüneHauptwege.
Source : www.piekart.fr
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« ZU FUSS ZUR SCHULE » (ALLER A PIED A L’ECOLE)
Zu Fuss zur Schule (A pied à l’école) est une initiative d’éducation à la mobilité
mise en place par l’association BUND (Bund für Umwelt und Naturschutz
Deutschland), qui appartient au réseau « Les amis de la terre ». Cette associatoin
compte 50 000 membres en Allemagne, dont 3 000 à Berlin.
Cette initiative se rapproche très fortement des actions de « Pédibus » que nous
avons présenté précédemment dans le cas de New-York.
Partant du constat que beaucoup de parents amènent leurs enfants en voiture à
l’école et que cela créé de l’insécurité due à la congestion devant celles-ci,
l’initiative « Zu Fuss zur Schule » propose de sensibiliser pendant une semaine les
enfants à la marche.
Pendant cette semaine, les enfants sont amenés à participer à des activités sur le
thème de la marche :
Peinture d’affiches sur le thème de la marche
Tampons pour indiquer leur moyen de transport en arrivant à l’école
Réalisation de gâteaux en forme de pied
Dessin de pied à la craie sur la chaussée
Contrôle de la vitesse des voitures
Sensibilisation à l’angle mort
Réalisation de maquettes de leur quartier
Pédibus
Le projet est parallèlement mis en avant par une campagne de publicité dans la
presse.
Le projet semble porter ses fruits puisque le nombre d’écoles participantes est
passé de 19 en 2004 à 58 écoles en 2012. Affiche de promotion du projet « Zu Fuss zur Schule »
Crédit BUND
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
ANNEXE N°4 : L’ART AU SERVICE DE LA MARCHE
Dans leur volonté de créer des espaces confortables aux piétons, les acteurs de la
ville doivent souvent jongler entre d’un côté des priorités d’ordre technique et
pragmatique (avoir une ville praticable, lisible, et rassurante) et de l’autre des
envies d’une ville plus exaltante, plus plaisante, où l’esthétique et le ludique
seraient prépondérants. Si l’art peut servir directement la ville par ses apports en
soi (plaisir, ambiance, attractivité,…), il peut s’inviter dans des questions d’ordre
purement pratique.
DES ŒUVRES D’ART POUR DYNAMISER L’ESPACE PUBLIC
Embellir, interpeller, choquer, interroger, intriguer. Attirer. Le pari de l’art urbain
est toujours délicat, mais peut être un vrai vecteur de dynamisme pour la ville.
Exposer des œuvres d’art en plein air, à la vue et au contact de tous, peut aider à
briser la monotonie d’une ville. Chicago, grande ville américaine possédant un
plan en quadrillage parfaitement régulier, agrémente la déambulation de ses
citadins par des touches artistiques ponctuelles réalisées par des artistes de
renommée internationale : Calder, Picasso, Chagall… Ces chefs-d’œuvre invitent à
une pause pour le visiteur et deviennent des éléments intégrés dans la ville pour
l’habitant. Leur création invite à une réflexion sur l’espace public environnant qui
se veut apaisé.
Œuvres de Calder, Picasso et Chagall, dans les îlots de Chicago
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Chicago poursuit cette démarche dans l’un de ses projets récents : le Millenium
Park, en plein centre de la ville, est agrémenté d’œuvres ludiques, avec lesquelles
le passant peut interagir. L’exemple le plus saisissant est celui du « Cloud Gate »,
gigantesque « haricot » d’acier reflétant, en les déformant, les buildings
environnant et les curieux invités à passer sous son arche. Cette sculpture
urbaine de l’artiste britannique Anish Kappoor, haute de 10 mètres et pesant
près de 100 tonnes intrigue, c’est le moins que l’on puisse dire ! Son prix, dans un
premier temps estimé à 6 millions de dollars américains, a été revu à la hausse à
l’ouverture du parc pour atteindre 11,5 millions de dollars. Toutes dépenses
comprises, l’œuvre a coûté pas moins de 23 millions de dollars à la ville. De plus,
le bas de la sculpture est dépoussiéré deux fois par jour et est nettoyé
entièrement deux fois par an, ajoutant des frais de maintenance non
négligeables. Le tout est financé par de l’argent privé, en provenance aussi bien
de particuliers que d’entreprises : aucun argent public n’a été utilisé.
Cloud Gate de Chicago, un « haricot » géant qui attire la foule
Source : www.cityprofile.com
Sous l’arche du Cloud Gate
Source : Études Urbaines
Si les prix semblent exorbitants, et si la volonté politique doit être forte pour
mener ce type de projet (on imagine des débats houleux au moment des
premières décisions), on ne peut faire qu’un constat : ça fonctionne ! Le public
s’est très rapidement attaché à l’œuvre. The Bean comme on le surnomme (« le
haricot ») est maintenant utilisé sur de nombreux souvenirs, cartes postales,
posters, mais surtout, il attire la foule : habitants, touristes, amateurs d’art. Tous
les âges et toutes les classes sociales sont présents pour observer cet objet
urbain étrange, qui s’insère par le reflet dans son environnement extérieur. Les
passants interagissent, jouent, s’observent. L’œuvre attire en masse, mais apaise
en favorisant la mixité des passants.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
La réflexion artistique et esthétique peut s’envisager comme support à des
usages pratiques.
Mi sculpture, mi accroche-vélos, Quartier de Kensington, Toronto
Source : Études Urbaines
L’ART POUR CHANGER LES COMPORTEMENTS
L’art peut avoir comme vocation première de viser à faire réfléchir les citadins et
à faire évoluer leurs comportements. C’est ainsi que la ville de Curitiba au Brésil a
mis en place un programme de sensibilisation des piétons à travers l’art. En
peignant de manière originale les passages piétons, les artistes attirent
l’attention des passants sur des installations trop souvent ignorées, et les incitent
à les utiliser plus souvent.
Un passage piéton artistique à Curitiba, Brésil
Source : http://carfree.free.fr/index.php/2011/06/21/passages-pietons-artistiques/
D’après la municipalité, l’opération n’a coûté que 2 618 dollars, et le nombre
d’accidents impliquant des piétons a diminué de près de 22% en un an. Ce genre
de démarche combine donc beaucoup d’attraits : elle s’avère intéressante sur des
problématiques de sécurité des piétons, peu coûteuse, et participe au
dynamisme de l’espace public et à l’appropriation de la ville par les artistes, et a
fortiori les habitants. Bien évidemment, la réutilisation de ces méthodes chez
nous n’aurait pas nécessairement le même intérêt ni le même impact. On
retiendra les avantages de l’expérimentation dans le travail sur confort de
l’espace public, et le souci d’innovation.
Oser jouer avec l’art pour améliorer le confort des piétons, c’est un vrai enjeu. Le
recours à l’art urbain ne doit pas être vu uniquement comme des élucubrations à
visées creuses ou lointaines, sur fond d’idéal de mixité sociale et d’intérêts pour
la culture, mais bien comme un outil au service de la ville, allant jusqu’à la
création d’objets hybrides, jouant la carte de l’équilibre entre esthétisme, aspects
ludiques et aspects pratiques. L’art est là, tous les arts, et a fortiori les artistes, les
designers, les architectes, pour penser et créer la ville confortable, en faisant
converger des buts à premières vues distants, mais pourtant bien conciliables.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
ANNEXE N°5 : DECOUVRIR LA VILLE A PIED
TIRER UN FIL : LA FREEDOMTRAIL DE BOSTON
Comme de nombreuses villes accueillant un flux important de touristes, l’idée
générale est de proposer un circuit privilégié dans la ville, distribuant un
ensemble de sites jugés principaux (16 sites officiels se trouvent référencés sur le
parcours). L’originalité vient de la présentation de ce parcours : si certaines
municipalités utilisent des panneaux directionnels, ou des clous au sol, parfois
peu lisibles, la municipalité de Boston a ici choisi de tirer littéralement un fil
rouge à travers la ville. Tantôt peinte sur le bitume, mais la plupart du temps
réalisée en briques intégrées au revêtement, la ligne rouge du FreedomTrail,
créée en 1951, serpente à travers la ville, guidant les visiteurs sur environ 2,5
miles (4km).
FreedomTrail de Boston
Source : Études Urbaines
Freedom Trail de Boston
Source : boston.world-guides.com
Pourquoi est-ce intéressant ? Du point de vue du visiteur, la FreedomTrail offre
un guide visuel, gratuit, et efficace. Pas besoin de réfléchir, ou même de chercher
du regard : la ligne est toujours là, bien visible. Cela permet de découvrir la ville,
sans en oublier l’essentiel, sans risque de se perdre et sans avoir à utiliser une
carte.
D’une certaine manière, cette installation encourage à se déplacer à pied car elle
définit, en quelque sorte, la meilleure façon de visiter la ville, celle que tout le
monde utilise. Cela va même plus loin : le FreedomTrail offre un fil conducteur,
structure la ville et fait le lien entre des quartiers contrastés. On le coupe, on le
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
voit, et on sait que l’on est à Boston, comme une signature. La ligne rouge touche
tout le monde.
Il reste cependant un inconvénient majeur. Si le FreedomTrail propose une bonne
façon, efficace, de voir l’essentiel de la ville, il n’en propose qu’une seule ! Le
risque serait alors de se contenter de ce parcours, certes intéressant, mais ne
pouvant être totalement représentatif des richesses de la ville.
FreedomTrail de Boston
Source : Études Urbaines
La tentation est forte de ne se référer qu’à lui, mais alors, il n’y a plus de liberté
de se déplacer, et on a le sentiment que les visiteurs sont cadrés dans une trame
dont il leur est difficile de sortir. Où est le plaisir de flâner, au hasard, dans la
ville ? Ne sommes-nous pas ici trop dans la recherche d’efficacité et de vitesse ?
Rassurant mais contraignant, le FreedomTrail se veut en tout cas être une
première porte d’entrée dans la découverte de la ville, qu’il sera important
dépasser pour ceux qui auraient le temps et l’envie d’enrichir leur expérience.
Les intérêts de ce genre d’infrastructure restent nombreux ; simple à mettre en
place, encore plus simple à entretenir, une ligne de ce type peut presque se
suffire à elle-même. Elle fait découvrir aux gens des lieux où ils ne seraient peut-
être pas allés spontanément, tout leur donnant une certitude : ils n’ont aucun
risque de se perdre !
LES DISCOVERY WALKS DE TORONTO
Véritable preuve de l’engagement de la municipalité dans la promotion des
déplacements piétons, les Discovery Walks sont un ensemble de circuits piétons
traversant la ville de Toronto. Les parcours, qui relient des points d’intérêt
culturel, passent prioritairement par des zones totalement dédiées aux piétons et
joignent des lieux protégés des voitures : principalement de petits parcs urbains,
au cœur des îlots. Des panneaux de points d’étapes rythment la déambulation en
fournissant des explications historiques.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
Discovery Walks, Toronto
Source : Études Urbaines
Si ce genre de dispositif n’est pas en soi très novateur, on appréciera ici le travail
de communication, et l’effort fait de proposer une véritable expérience piétonne
aux visiteurs, changeant d’ambiance au fil des pas, tantôt intime, tantôt vivante,
découvrant des places insoupçonnables depuis la rue, caché du bruit et des
voitures.
Une petite place au cœur d’un ilot, sur le parcours des Discovery Walks, Toronto
Source : Études Urbaines
Si en théorie, il suffit de suivre les marqueurs, la mise en pratique s’avère plus
difficile. En effet, les marqueurs semblent pour la plupart peu visibles, et l’usage
d’une carte se révèle indispensable. Les panneaux sont parfois cachés par
d’autres, ou ont clairement disparu. Au moment de la mise en place du projet, les
marqueurs directionnels étaient peut être plus visibles, rendant alors
l’expérience plus simple et moins frustrante, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Par moment, même l’usage des cartes fournies sur Internet ou à l’Office du
Tourisme se révèle ne pas être des plus aisés. Si l’intérêt d’un tel dispositif, aussi
riche, n’est pas contestable, il convient de s’interroger sur le suivi à long terme de
projet de ce type.