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Anomalies artérielles congénitales (artères poplitées piégées exclues) et variantes anatomiques artérielles des membres inférieurs J Baqué Y Chau A Long A Azarine M Sapoval JC Gaux Résumé. Les variantes de l’anatomie du réseau artériel des membres inférieurs sont nombreuses en raison d’une organogenèse complexe. La première partie de ce travail est une mise au point de l’organogenèse de l’aorte abdominale et des artères des membres inférieurs. La seconde partie décrit les variations anatomiques du réseau artériel des membres inférieurs, étage par étage. Ces variations sont fréquentes et doivent être connues du radiologue vasculaire et du chirurgien en raison de leurs implications cliniques et thérapeutiques. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : artères des membres inférieurs, anomalies congénitales, variations anatomiques. Introduction Les variantes de l’anatomie du réseau artériel des membres inférieurs sont nombreuses en raison d’une organogenèse complexe. La connaissance de ces variations, notamment au niveau de la jambe, est importante et peut influencer le succès d’une revascularisation chirurgicale par pontage ou par méthode radiologique. L’approche diagnostique de la pathologie vasculaire artérielle périphérique est actuellement en constante évolution au profit d’une imagerie non invasive : échodoppler, angioscanner ou l’angio- imagerie par résonance magnétique (IRM). L’échodoppler est une technique peu onéreuse, non invasive, mais limitée par sa variabilité interobservateurs et dans l’étude de la distalité. L’évolution des scanners multidétecteurs permet la réalisation d’une cartographie artérielle périphérique de très bonne qualité en raison d’une excellente résolution spatiale. Cette technique, facile, rapide et reproductible est actuellement indiquée en complément de l’écho- doppler. L’angio-MR est plutôt réservée aux cas de contre-indication à l’injection de produit de contraste iodé. Ces techniques permettent également une exploration multiplanaire des lésions vasculaires et des rapports avec les tissus périvasculaires, et apportent un avantage certain dans certaines pathologies congénitales comme l’artère sciatique persistante ou l’artère poplitée piégée. L’artériographie est actuellement réservée en cas de discordance radioclinique ou dans le cas d’une procédure interventionnelle. Organogenèse La première ébauche de la vascularisation du membre inférieur apparaît quand l’embryon mesure 6 mm (32–34 jours) (fig 1). Elle est sous la dépendance d’un axe artériel dorsal, l’artère axiale (ou sciatique). Elle se dirige vers la face postérieure de la cuisse en suivant le nerf sciatique, passe par la partie postérieure du genou et se continue au niveau de la jambe derrière la membrane interosseuse sous le nom d’artère interosseuse. Elle se termine au niveau du pied en artère dorsale primitive. Au stade 8,5 mm (35 jours), l’ébauche de l’artère iliaque externe apparaît. Elle naît de la face supérieure de l’artère ombilicale en amont de l’artère axiale. Cet axe, satellite du nerf crural, est antérieur et se termine dans la cuisse par le plexus fémoral. Ce plexus fémoral va donner l’artère fémorale qui va croiser au niveau du genou l’artère axiale pour devenir l’artère tibiale postérieure et l’artère péronière primitive. Au même moment, l’artère axiale donne une branche perforante préaxiale qui devient l’artère tibiale antérieure et l’artère dorsale du pied. Au stade 14 mm (43 jours), l’artère axiale involue, devient artère glutéale inférieure au niveau de la cuisse et artère du nerf sciatique et son extrémité distale s’atrophie. En revanche, le plexus fémoral se développe et donne les artères fémorales superficielle et profonde, les circonflexes fémorales et les perforantes du muscle quadriceps. Anatomie normale et variantes anatomiques Les variations anatomiques des artères des membres inférieurs sont extrêmement fréquentes en raison de son embryogenèse complexe. Elles peuvent être expliquées par la combinaison de la persistance d’un segment artériel primitif, d’une anomalie de fusion et d’une hypoplasie, ou d’une agénésie vasculaire segmentaire. Elles sont le plus souvent bilatérales et symétriques et prédominent au niveau poplité et sous-poplité. La probabilité d’observer une ou plusieurs Jean Baqué : Chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris. Yves Chau : Interne de radiologie. Anne Long : Praticien hospitalier. Archid Azarine : Chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris. Marc Sapoval : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Jean Claude Gaux : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service de radiologie cardio-vasculaire, hôpital Européen Georges Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 32-225-A-25 32-225-A-25 Toute référence à cet article doit porter la mention : Baqué J, Chau Y, Long A, Azarine A, Sapoval M et Gaux JC. Anomalies artérielles congénitales (artères poplitées piégées exclues) et variantes anatomiques artérielles des membres inférieurs. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Radiodiagnostic - Cœur-Poumon, 32-225-A-25, 2003, 7 p.

Anomalies artérielles congénitales (artères poplitées piégée

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Page 1: Anomalies artérielles congénitales (artères poplitées piégée

Anomalies artérielles congénitales(artères poplitées piégées exclues) et variantesanatomiques artérielles des membres inférieurs

J BaquéY ChauA LongA AzarineM SapovalJC Gaux

Résumé. – Les variantes de l’anatomie du réseau artériel des membres inférieurs sont nombreuses en raisond’une organogenèse complexe. La première partie de ce travail est une mise au point de l’organogenèse del’aorte abdominale et des artères des membres inférieurs. La seconde partie décrit les variations anatomiquesdu réseau artériel des membres inférieurs, étage par étage. Ces variations sont fréquentes et doivent êtreconnues du radiologue vasculaire et du chirurgien en raison de leurs implications cliniques et thérapeutiques.© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : artères des membres inférieurs, anomalies congénitales, variations anatomiques.

Introduction

Les variantes de l’anatomie du réseau artériel des membresinférieurs sont nombreuses en raison d’une organogenèse complexe.La connaissance de ces variations, notamment au niveau de lajambe, est importante et peut influencer le succès d’unerevascularisation chirurgicale par pontage ou par méthoderadiologique.

L’approche diagnostique de la pathologie vasculaire artériellepériphérique est actuellement en constante évolution au profit d’uneimagerie non invasive : échodoppler, angioscanner ou l’angio-imagerie par résonance magnétique (IRM). L’échodoppler est unetechnique peu onéreuse, non invasive, mais limitée par sa variabilitéinterobservateurs et dans l’étude de la distalité.

L’évolution des scanners multidétecteurs permet la réalisation d’unecartographie artérielle périphérique de très bonne qualité en raisond’une excellente résolution spatiale. Cette technique, facile, rapideet reproductible est actuellement indiquée en complément de l’écho-doppler. L’angio-MR est plutôt réservée aux cas de contre-indicationà l’injection de produit de contraste iodé. Ces techniques permettentégalement une exploration multiplanaire des lésions vasculaires etdes rapports avec les tissus périvasculaires, et apportent un avantagecertain dans certaines pathologies congénitales comme l’artèresciatique persistante ou l’artère poplitée piégée.

L’artériographie est actuellement réservée en cas de discordanceradioclinique ou dans le cas d’une procédure interventionnelle.

Organogenèse

La première ébauche de la vascularisation du membre inférieurapparaît quand l’embryon mesure 6 mm (32–34 jours) (fig 1). Elleest sous la dépendance d’un axe artériel dorsal, l’artère axiale (ousciatique). Elle se dirige vers la face postérieure de la cuisse ensuivant le nerf sciatique, passe par la partie postérieure du genou etse continue au niveau de la jambe derrière la membrane interosseusesous le nom d’artère interosseuse. Elle se termine au niveau du pieden artère dorsale primitive.

Au stade 8,5 mm (35 jours), l’ébauche de l’artère iliaque externeapparaît. Elle naît de la face supérieure de l’artère ombilicale enamont de l’artère axiale. Cet axe, satellite du nerf crural, est antérieuret se termine dans la cuisse par le plexus fémoral. Ce plexus fémoralva donner l’artère fémorale qui va croiser au niveau du genoul’artère axiale pour devenir l’artère tibiale postérieure et l’artèrepéronière primitive. Au même moment, l’artère axiale donne unebranche perforante préaxiale qui devient l’artère tibiale antérieure etl’artère dorsale du pied.

Au stade 14 mm (43 jours), l’artère axiale involue, devient artèreglutéale inférieure au niveau de la cuisse et artère du nerf sciatiqueet son extrémité distale s’atrophie. En revanche, le plexus fémoral sedéveloppe et donne les artères fémorales superficielle et profonde,les circonflexes fémorales et les perforantes du muscle quadriceps.

Anatomie normaleet variantes anatomiques

Les variations anatomiques des artères des membres inférieurs sontextrêmement fréquentes en raison de son embryogenèse complexe.Elles peuvent être expliquées par la combinaison de la persistanced’un segment artériel primitif, d’une anomalie de fusion et d’unehypoplasie, ou d’une agénésie vasculaire segmentaire. Elles sont leplus souvent bilatérales et symétriques et prédominent au niveaupoplité et sous-poplité. La probabilité d’observer une ou plusieurs

Jean Baqué : Chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris.Yves Chau : Interne de radiologie.Anne Long : Praticien hospitalier.Archid Azarine : Chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris.Marc Sapoval : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Jean Claude Gaux : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Service de radiologie cardio-vasculaire, hôpital Européen Georges Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris,France.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Baqué J, Chau Y, Long A, Azarine A, Sapoval M et Gaux JC. Anomalies artérielles congénitales (artères poplitées piégées exclues) et variantes anatomiques artérielles des membresinférieurs. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Radiodiagnostic - Cœur-Poumon, 32-225-A-25, 2003, 7 p.

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variations anatomiques au cours d’une artériographie est de l’ordrede 10 % et elles doivent être systématiquement recherchées en raisonde leurs implications cliniques et thérapeutiques [7]. Nous allonsévoquer étage par étage, après un bref rappel de l’origineembryologique, l’anatomie normale puis les variations possibles.

À L’ÉTAGE ILIOFÉMORAL

L’artère fémorale et ses branches proviennent du développement duplexus fémoral en avant, et d’une régression de l’artère axiale enarrière. Seul le segment initial de l’artère axiale persiste pour donnerl’artère ischiatique et une partie des perforantes de la cuisse.L’axe iliofémoral comprend un axe de passage avec les artèresiliaque externe et fémorale commune et un axe de distributionprincipal, l’artère fémorale profonde qui assure les anastomoses.L’arcade crurale est une frontière artificielle entre l’iliaque externe etla fémorale commune.

¶ Artère fémorale commune

L’artère fémorale commune est verticale et l’angle qu’elle fait avecl’iliaque externe marque le passage, devant le bord antérieur de l’os

coxal, entre l’abdomen et la cuisse. Sa longueur varie de 2 à 6 cm,son calibre de 5 à 7 mm. Elle est palpable au milieu de la lignetendue de l’iliaque antérosupérieure à l’épine du pubis. C’est à ceniveau qu’elle est ponctionnée pour artériographie car lacompression est aisée contre l’os.

L’artère fémorale commune se divise en fémorale superficielle etfémorale profonde entre 3 à 5 cm sous l’arcade crurale. L’angle dedivision est très aigu : la fémorale superficielle continue la directionde la fémorale commune, la fémorale profonde se dirige en arrièreet en dehors vers le fémur.

¶ Artère fémorale superficielle

L’artère fémorale superficielle mesure entre 25 et 35 cm de longueurpour un calibre de 4 à 6 mm. Elle donne des rameaux musculairesprésentant une importance anastomotique en cas d’occlusionpoplitée. Ils sont de nombre variable (cinq au moins) et sedistribuent au couturier, au vaste interne et aux abducteurs.

Exceptionnellement, l’artère fémorale superficielle peut présenter undédoublement sur sa hauteur en rapport avec une anomalie dedéveloppement du plexus fémoral [1].

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1 Embryogenèse de la vascularisation artérielle du membre inférieur droit. 1 : artère épigastrique inférieure ; 2 : ar-tère iliaque externe ; 3 : artère ombilicale ; 4 : artère axiale ; 5 : plexus digital ; 6 : artère fémorale ; 7 : rameau commu-nicant supérieur : 8 : artère iliaque commune ; 9 : artère iliaque interne ; 10 : plexus fémoral ; 11 : rameau communi-cant moyen ; 12 : artère tibiale postérieure ; 13 : rameau communicant inférieur ; 14 : artère tibiale antérieure ; 15 :artère glutéale inférieure ; 16 : artère poplitée ; 17 : artère fibulaire ; 18 : artère profonde de la cuisse ; 19 : artères plan-taires.

A. Stade initial.B. Stades intermédiaires.C. Stade terminal.

*A*B

*C

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et variantes anatomiques artérielles des membres inférieurs Radiodiagnostic

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¶ Artère fémorale profonde

L’artère fémorale profonde vascularise la cuisse et constitue par sesanastomoses un courant potentiel capable de suppléer la fémoralesuperficielle.

Elle naît sur la face latérale ou postérolatérale (80 %) de la fémoralecommune, mais peut naître en position médiale (11 %), parfois d’untronc commun avec l’épigastrique.

Elle a rarement une origine haute, c’est-à-dire au-dessus du ligamentinguinal (moins de 1 % des cas). Elle présente dans ce cas unedisposition favorable à la dissection chirurgicale car elle prend laforme d’un tronc de gros calibre donnant les branches collatérales.En revanche, l’abord percutané de la fémorale commune par voieantérograde afin d’effectuer un geste d’angioplastie est plus délicatcar il est situé très haut.

L’artère fémorale profonde se dirige en bas et en dehors et setermine au tiers moyen de la cuisse en donnant le tronc desperforantes. Les branches collatérales sont la circonflexe médiane quise dirige en bas en dedans et en arrière, la circonflexe latérale qui sedirige en bas, en dehors et en arrière puis la quadricipitale.

Les variations de naissance des branches de l’artère fémoraleprofonde sont nombreuses et classifiées par Williams depuis lesannées 1930 (fig 2, 3) [11, 12]. Dans la majorité des cas, elles naissentd’un tronc commun. La circonflexe médiane peut être absente dansmoins de 1 % des cas, avec une suppléance venant de l’artèreobturatrice, branche de l’iliaque interne. La circonflexe latérale peutnaître isolement de la fémorale profonde ou peut provenir d’un

tronc commun avec la circonflexe médiale. La quadricipitale naîtrarement de la fémorale superficielle ou de la commune.Très rarement, des branches non usuelles peuvent en naître :épigastrique inférieure, obturatrice, artère dorsale du pénis,circonflexe iliaque, pudendale externe [10].

¶ Artère sciatique persistante

Anomalie très rare estimée entre 0,025 % et 0,04 % avec environ 200cas publiés dans la littérature, l’artère sciatique persistante (ASP) estdue à l’absence de prise en charge de la vascularisation desextrémités distales par l’artère fémorale. L’hypothèse embryologiqueest la persistance du système artériel axial qui substitue un mauvaisdéveloppement du système fémoral. On distingue les formescomplètes et les formes incomplètes (fig 4). Il n’existe pas deprépondérance de sexe dans cette atteinte et l’âge moyen dedécouverte est de 54 ans [3, 5].

Formes anatomopathologiques

• Forme complète

C’est la forme la plus fréquemment rapportée (86 %). L’ASP est encontinuité avec l’artère iliaque interne. Celle-ci est augmentée devolume, donne l’artère fessière supérieure et l’artère honteuseinterne au niveau du bassin, puis quitte le pelvis par le forameninfrapyramidal (sciatique) en dessous du muscle piriforme. Il s’agitdonc d’une volumineuse artère qui va rejoindre la cuisse en arrière,en prenant un trajet parallèle au nerf sciatique puis va former l’artèrepoplitée. L’artère fémorale superficielle est présente mais souventhypoplasique et fonctionnellement secondaire (fig 5).

• Forme incomplète

L’ASP est interrompue ou ne communique que par des petitescollatérales avec les artères fémorale superficielle, fémorale profondeou poplitée. Dans ce dernier cas, l’artère fémorale superficielleconstitue l’axe vasculaire principal du membre inférieur commedans sa disposition anatomique normale.

AFC

ACM

ACL

ACL

ACL

ACL ACL

ACL

ACMACM

ACMACM

AFCAFC

AFC AFC AFC

AFSAFS AFS

AFS AFS AFS

AQ

TP

AQ

TP

AQ

TP

AQ

TP

AQ

TP

AQ

TP

Type I :2-4 %

Type II :14-20 %

Type III :16-22 %

Type IV :50-68 %

Type V :2-5 %

Type VI :0-4 %

2 Classification des variations de naissance au niveau de la bifurcation fémorale (se-lon Williams [12]). AFC : Artère fémorale commune ; AFS : artère fémorale superfi-cielle ; ACL : artère circonflexe latérale ; ACM : artère circonflexe médiane ; AQ : ar-tère quadricipitale ; TP : tronc des perforantes.

3 Femme de 45 ans présentant un embole sur trouble du rythme cardiaque au niveaude la bifurcation fémorale gauche (flèche). Sur l’artériographie, présence d’une anoma-lie de la bifurcation fémorale bilatérale de type IV de la classification de Williams [12].

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Diagnostic et traitement

Cette artère sciatique persistante est de gros calibre, tortueuse etsouvent anévrismale (environ 40 % des cas) ou athéromateuse aumoment de sa découverte, ce qui explique sa fréquentesymptomatologie : masse pulsative de la fesse ou complicationsemboliques. Ces troubles représentent la circonstance de découvertela plus fréquente.Le diagnostic est suggéré devant l’absence de pouls fémoral avec unpouls poplité conservé. Mais le plus souvent, il est effectué sur unexamen radiologique non invasif (échographie Doppler,angioscanner (fig 5) ou angio-IRM) et l’artériographie le confirme.Celle-ci est effectuée par ponction controlatérale à la malformation,avec une injection au-dessus de la bifurcation iliaque afin devisualiser le lit d’aval. Les incidences obliques permettent dedégager le trajet souvent tortueux et postérieur de l’artère.

Le traitement varie selon la forme complète ou incomplète, laprésentation clinique et la présence ou non d’anévrisme. Si l’ASP estde calibre normal et le patient asymptomatique, aucun traitementn’est nécessaire et une surveillance clinique et radiologique régulièreest effectuée. Les anévrismes sont préférentiellement traités parchirurgie ou parfois, si l’anatomie le permet, par voie endovasculaireavec mise en place d’endoprothèse couverte.

À L’ÉTAGE POPLITÉ

L’artère poplitée définitive dérive de trois segments d’originesdifférentes. En haut, elle provient du rameau communicantsupérieur, branche du plexus fémoral. Au niveau du genou, elles’anastomose avec une partie de l’artère axiale et prend le nomd’artère poplitée profonde. En bas, elle donne naissance à deuxbranches, l’artère tibiale et péronière superficielle, qui vont fusionnerdans leur partie initiale pour constituer la poplitée superficielle(fig 1).L’axe fémoropoplité normal a son origine en avant et en dedans dufémur et dessine une longue spire qui contourne celui-ci en dedanspour se retrouver en arrière du tibia, de la capsule du genou et dumuscle poplité. La frontière entre la fémorale superficielle et l’artèrepoplitée est l’anneau du grand adducteur.L’artère poplitée mesure 15 à 18 cm avec un calibre moyen de 4 à5 mm. Ses branches collatérales sont les rameaux récurrents destinésaux muscles de la région, et les artères du genou, de nombrevariable.Très rarement, les développements fémoral et axial peuvent êtreéquivalents au cours de l’embryogenèse, à l’origine de la présencede deux artères poplitées : l’une d’origine fémorale et se continuantpar l’artère tibiale postérieure, l’autre d’origine axiale, se continuantpar l’artère tibiale antérieure [9].

À L’ÉTAGE JAMBIER

L’artère poplitée se termine à la jambe par l’artère tibiale antérieure.Elle est embryologiquement constituée de trois segments :

– le rameau communicant médian, anastomose entre la poplitéesuperficielle et l’artère axiale ;

– un court segment d’artère axiale ;

– le rameau perforant crural né de l’artère axiale et qui gagne laloge antérieure de la jambe.Le tronc tibiopéronier dérive du segment de la poplité superficiellesitué en aval du rameau communicant médian. Il constitue labranche de bifurcation postéro-interne de la poplitée, et naît le plussouvent sous l’arcade du soléaire.L’artère péronière, ou fibulaire, est la moins volumineuse des troisartères de la jambe, mais elle est cependant capable de vasculariserà elle seule la jambe et le pied. C’est l’artère la plus constante dansson trajet et ses rapports car un important segment dérive de l’artèreaxiale embryonnaire. Sur les artériographies de face, elle estverticale, légèrement sinueuse et se projette près de la corticaleexterne du tibia. Elle se termine généralement dans le tiers inférieurde la jambe en se divisant en artère péronière antérieure etpostérieure. Elle est absente dans moins de un cas sur 1 000.L’artère tibiale postérieure est formée de l’artère tibiale postérieuresuperficielle.D’après Bradsley [2], si l’anatomie est « normale » sur un membre, ily a 8 % de probabilité que le membre controlatéral présente unevariante. Si un membre présente une variante, il y a 50 % deprobabilité que l’autre membre présente également une variable. Ilexiste plus de 75 variantes recensées dans une étude portant sur1 000 artériographies effectué par Kim [6]. Celui-ci propose uneclassification en trois types et trois sous-groupes (fig 6, 7) :

1 2

3 4

4 Différentes formes d’artère sciatique persistante. L’artère sciatique persistantepeut assurer la totalité de la vascularisation du membre inférieur en donnant une ar-tère fémorale profonde (1) ou en donnant directement ses branches (2). Dans certainscas, les branches fémorales profondes sont prises en charge par l’artère iliaque externe(3) ; dans d’autres cas, l’artère sciatique persistante ne prend en charge que le systèmefémoral profond (forme incomplète).

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¶ Type I : bifurcation normale des axes de jambe

Les trois sous-groupe de ce type I sont :

– type IA : la tibiale antérieure (TA) est la première branche, suiviedu tronc tibiofibulaire : 92,2 % ;

– Type IB : trifurcation des trois axes de jambe sans véritable tronctibiofibulaire : tibiale antérieure (TA), tibiale postérieure (TP) etartère fibulaire (AF) : 2 % ;

– Type IC : tronc tibiofibulaire antérieur : la TP est la premièrebranche et est suivie du tronc tibiofibulaire se divisant en TA et AF :1,2 %.

¶ Type II : division haute des axes de jambe

Les différents sous-groupes du type II sont :

– type IIA :

– la TA naît au-dessus de l’interligne fémorotibial dans 3,7 % descas ;

– trajet normal de la portion proximale de la TA : 3 % ;

– courbure médiale initiale de la TA : 0,7 % ;

– type IIB : la TP naît au-dessus de l’interligne fémorotibial. Tronccommun AF et TA : 0,8 % ;

– type IIC : l’AF naît au-dessus de l’interligne fémorotibial. Tronccommun entre la TA et TP : 0,16 %.

¶ Type III : artères du réseau distal hypo- ou aplasiqueLes différents sous-groupes du type III sont :

– type IIIA : TP hypo- ou aplasique. L’AF vascularise le pied avec laTA : 3,8 % ;

– type IIIB : TP et TA hypo- ou aplasique. L’artère dorsale du pied(ADP) est remplacée par AP : 1,6 % ;

– type IIIC : TP et TA hypo- ou aplasique. Le pied est vascularisépar l’AF (0,2 %).

AU NIVEAU DU PIED

La vascularisation du pied provient du développement du plexusplantaire, terminaison de l’artère axiale. Un plexus dorsal apparaît,anastomosé au précédent par le rameau perforant qui traverse le

5 Découverte fortuite chez une femme de 49 ans d’une artère sciatique persistantedroite de forme complète sur une échographie Doppler. Confirmation du diagnostic parscanner multicoupes après injection d’iode et reconstruction en 3D volumique (A et B).À noter la présence d’une atteinte athéromateuse (C, flèche) de la paroi de l’artère scia-tique, sans anévrisme, ainsi qu’une artère fémorale superficielle présente mais hypopla-sique (tête de flèche).

*A *B

*C

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et variantes anatomiques artérielles des membres inférieurs 32-225-A-25

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sinus du tarse. La tibiale postérieure entre en connexion avec lapartie interne du plexus plantaire qui donne les artères plantairesexterne et interne.

Le dos du pied est vascularisé par l’artère dorsale du pied, brancheterminale de l’artère tibiale antérieure, au niveau du premier espaceintermétatarsien. Elle constitue l’artère du pouls pédieux ets’anastomose avec l’arcade plantaire.

La variante anatomique la plus fréquente et la plus connue auniveau du pied est l’atrophie de l’artère dorsale, dans 10 % des cas,expliquant l’absence de pouls pédieux. Les artères métatarsiennesdorsales naissent alors de l’arcade plantaire. Celle-ci peut êtreabsente dans 6 % des cas et est souvent remplacée par le rameauperforant de l’artère fibulaire. Il est important de différencier cesvariations avec une obstruction athéromateuse souventaccompagnée de collatérales, de calcifications et d’autres atteintesartérielles [4, 8].

AP

TA TATA

TA

TA TA

TA

TA TA

TP TP

TP TP TP

TP

TP

TP

AFAF

AF

AF

AF AF

AFAF

AF

AP

Type I-A92,2 %

Type I-B,2 %

Type I-C1,2 %

Type II-A3 %

Type II-B0,8 %

Type II-C<0,2 %

Type III-A3,8 %

Type III-B1,6 %

Type III-C0,2 %

6 Classification des variations de naissance artérielles au niveau du trépied jambier(selon Kim [6]). Vue postérieure de la jambe droite. AP : Artère poplitée ; TA : artère ti-biale antérieure ; TP : artère tibiale postérieure ; AF : artère fibulaire.

7 Deux exemples de variation des artères de jambe.A. Artériographie numérisée avec soustraction des structures osseuses au niveaudes genoux. Division haute des axes de jambe avec une artère tibiale postérieurenaissant au-dessus de l’interligne fémoro-tibial (flèche) : type IIB de la classifica-tion de Kim [9].B. Occlusion poplitée sus-articulaire sur anévrisme. De l’occlusion naît l’artère ti-biale antérieure (flèche) qui présente une origine sus-articulaire (type IIA).

*A

*B

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et variantes anatomiques artérielles des membres inférieurs Radiodiagnostic

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Conclusion

Le développement embryonnaire complexe des artères des membresinférieurs résulte de la réunion d’un système dorsal et d’un système

ventral expliquant de très nombreuses variations aux différents étages.Certaines de ces variations sont importantes à connaître et doivent êtresignalées au cours du bilan radiologique car elles peuvent modifier laconduite thérapeutique, notamment la voie d’abord et la technique derevascularisation.

Références[1] Allimant P, Aventin G, Lehn-Hogg M, Mettauer M, Dalcher

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RadiodiagnosticAnomalies artérielles congénitales (artères poplitées piégées exclues)

et variantes anatomiques artérielles des membres inférieurs 32-225-A-25

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