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Approche diagnostique des tumeurs osseuses chez l’enfant JC Hoeffel P Fornes M Kelner Résumé. La radiographie conventionnelle de face et de profil d’une tumeur osseuse chez l’enfant reste la pierre angulaire du diagnostic de tumeur osseuse en même temps que la clinique, surtout par la notion de phénomènes douloureux ou non. Le siège de la lésion sur l’os long est déjà important. Ensuite, la lésion est analysée en détail, souvent avec l’aide du scanner. On étudie les bords, la réaction périostée éventuelle, la matrice tumorale. Au terme de cette analyse, on peut alors souvent dire s’il s’agit d’une lésion probablement bénigne ou maligne, et décider de la conduite à tenir : abstention thérapeutique, ou intervention d’emblée, ou biopsie qui reste dans la majorité des cas indispensable pour affiner le diagnostic. Les tumeurs bénignes sont heureusement de loin les plus fréquentes et localisées sur les os longs et près des métaphyses. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : tumeur osseuse, métaphyse, os compact, os médullaire, scanner, imagerie par résonance magnétique, scintigraphie, ostéolyse, ostéocondensation, réaction périostée. Introduction Le diagnostic d’une tumeur osseuse chez l’enfant repose sur la confrontation de la clinique avec la radiologie, et sur la biopsie quand celle-ci est nécessaire. La radiologie conventionnelle reste fondamentale [19, 21, 24] . Elle doit être considérée comme l’équivalent de l’examen macroscopique de la tumeur. C’est un élément plus sûr pour le diagnostic que la structure incertaine et variable d’un petit fragment de tissu [22] . L’histologie isolée de son contexte est pour Ragsdale [23] , anatomopathologiste, une devinette et doit être proscrite [21] . La radiographie de la tumeur et de l’os long porteur [27] permet : – de différencier une tumeur de l’os ou des parties molles [12] ; – de déterminer le siège sur l’os (épiphyse, métaphyse, diaphyse) et en profondeur (os spongieux, corticale, surface) ; – de préciser les caractéristiques de croissance (bords et réactions périostées) et la présence ou non d’une matrice tumorale calcifiée. Pour une analyse sémiologique plus fine, elle peut être complétée par une tomodensitométrie (TDM). Les images tumorales obtenues sont alors plus nettes et détaillées, la localisation sur le plan transverse est plus précise et, quand il y a des superpositions osseuses comme au bassin, au rachis et au massif craniofacial, elle devient irremplaçable. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est capitale pour le bilan de l’extension au reste de l’os et aux tissus mous. La scintigraphie au technétium [23, 25] permet de trouver rapidement d’autres localisations osseuses, mais elle n’est pas spécifique. Comme l’ostéolyse va toujours de pair avec une certaine quantité de formation d’os, même des lésions qui apparaissent uniquement ostéolytiques sont le siège d’une hyperfixation osseuse. Étude clinique Elle est comme toujours fondamentale, localement et sur le plan général, mais une question est particulièrement importante : la tumeur est-elle douloureuse ? En effet, chez l’enfant, beaucoup de lésions bénignes sont découvertes fortuitement (fibromes non ossifiants, tumeurs cartilagineuses) et la douleur doit très vite faire réfuter certains diagnostics (fig 1) ou rechercher une complication. Il nous semble inconcevable de donner un compte rendu de tumeur osseuse, aussi bénigne soit-elle, sans savoir si cette tumeur est ou non indolore. Une autre information clinique importante est l’ancienneté des troubles et il faut toujours s’enquérir d’éventuelles radiographies antérieures sur le même segment. En effet, une progression lente est en faveur d’une tumeur bénigne. Étude analytique de la tumeur osseuse sur les radiographies Nous envisageons une tumeur unique sur un os long. C’est le cas le plus fréquent chez l’enfant. Toutefois, l’analyse est valable pour les os courts et les os plats. POTENTIEL ÉVOLUTIF Certains repères ont une valeur indicative mais non absolue. Jean-Claude Hoeffel : Professeur à la faculté de médecine de Nancy. Allée de la forêt de Haye, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France. Paul Fornes : Maître de conférences, praticien hospitalier. Faculté de médecine Cochin, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France. Martine Kelner : Radiologiste. 7, rue du Haut-Poirier, 57000 Metz, France. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 31-530-A-10 31-530-A-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Hoeffel JC, Fornes P et Kelner M. Approche diagnostique des tumeurs osseuses chez l’enfant. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Radiodiagnostic - Neuroradiologie-Appareil locomoteur, 31-530-A-10, 2003, 10 p.

Approche diagnostique des tumeurs osseuses chez l'enfant

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Approche diagnostique des tumeursosseuses chez l’enfant

JC HoeffelP FornesM Kelner

Résumé. – La radiographie conventionnelle de face et de profil d’une tumeur osseuse chez l’enfant reste lapierre angulaire du diagnostic de tumeur osseuse en même temps que la clinique, surtout par la notion dephénomènes douloureux ou non. Le siège de la lésion sur l’os long est déjà important. Ensuite, la lésion estanalysée en détail, souvent avec l’aide du scanner. On étudie les bords, la réaction périostée éventuelle, lamatrice tumorale. Au terme de cette analyse, on peut alors souvent dire s’il s’agit d’une lésion probablementbénigne ou maligne, et décider de la conduite à tenir : abstention thérapeutique, ou intervention d’emblée,ou biopsie qui reste dans la majorité des cas indispensable pour affiner le diagnostic. Les tumeurs bénignessont heureusement de loin les plus fréquentes et localisées sur les os longs et près des métaphyses.© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : tumeur osseuse, métaphyse, os compact, os médullaire, scanner, imagerie par résonancemagnétique, scintigraphie, ostéolyse, ostéocondensation, réaction périostée.

Introduction

Le diagnostic d’une tumeur osseuse chez l’enfant repose sur laconfrontation de la clinique avec la radiologie, et sur la biopsiequand celle-ci est nécessaire.La radiologie conventionnelle reste fondamentale [19, 21, 24]. Elle doitêtre considérée comme l’équivalent de l’examen macroscopique dela tumeur. C’est un élément plus sûr pour le diagnostic que lastructure incertaine et variable d’un petit fragment de tissu [22].L’histologie isolée de son contexte est pour Ragsdale [23],anatomopathologiste, une devinette et doit être proscrite [21].La radiographie de la tumeur et de l’os long porteur [27] permet :

– de différencier une tumeur de l’os ou des parties molles [12] ;

– de déterminer le siège sur l’os (épiphyse, métaphyse, diaphyse) eten profondeur (os spongieux, corticale, surface) ;

– de préciser les caractéristiques de croissance (bords et réactionspériostées) et la présence ou non d’une matrice tumorale calcifiée.Pour une analyse sémiologique plus fine, elle peut être complétéepar une tomodensitométrie (TDM). Les images tumorales obtenuessont alors plus nettes et détaillées, la localisation sur le plantransverse est plus précise et, quand il y a des superpositionsosseuses comme au bassin, au rachis et au massif craniofacial, elledevient irremplaçable.L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est capitale pour lebilan de l’extension au reste de l’os et aux tissus mous.

La scintigraphie au technétium [23, 25] permet de trouver rapidementd’autres localisations osseuses, mais elle n’est pas spécifique.Comme l’ostéolyse va toujours de pair avec une certaine quantitéde formation d’os, même des lésions qui apparaissent uniquementostéolytiques sont le siège d’une hyperfixation osseuse.

Étude clinique

Elle est comme toujours fondamentale, localement et sur le plangénéral, mais une question est particulièrement importante : latumeur est-elle douloureuse ? En effet, chez l’enfant, beaucoup delésions bénignes sont découvertes fortuitement (fibromes nonossifiants, tumeurs cartilagineuses) et la douleur doit très vite faireréfuter certains diagnostics (fig 1) ou rechercher une complication. Ilnous semble inconcevable de donner un compte rendu de tumeurosseuse, aussi bénigne soit-elle, sans savoir si cette tumeur est ounon indolore.Une autre information clinique importante est l’ancienneté destroubles et il faut toujours s’enquérir d’éventuelles radiographiesantérieures sur le même segment. En effet, une progression lente esten faveur d’une tumeur bénigne.

Étude analytique de la tumeur osseusesur les radiographies

Nous envisageons une tumeur unique sur un os long. C’est le cas leplus fréquent chez l’enfant. Toutefois, l’analyse est valable pour lesos courts et les os plats.

POTENTIEL ÉVOLUTIF

Certains repères ont une valeur indicative mais non absolue.

Jean-Claude Hoeffel : Professeur à la faculté de médecine de Nancy.Allée de la forêt de Haye, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France.Paul Fornes : Maître de conférences, praticien hospitalier.Faculté de médecine Cochin, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France.Martine Kelner : Radiologiste.7, rue du Haut-Poirier, 57000 Metz, France.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Hoeffel JC, Fornes P et Kelner M. Approche diagnostique des tumeurs osseuses chez l’enfant. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Radiodiagnostic -Neuroradiologie-Appareil locomoteur, 31-530-A-10, 2003, 10 p.

Une lésion localisée a plus de risques d’être tumorale et une lésionétendue d’être infectieuse ou dysplasique. Une lésion localisée demoins de 6 cm a plus de chances d’être bénigne [15].

L’agressivité de la tumeur se juge sur l’aspect des bords et laréaction corticopériostée.

La matrice tumorale donne une idée du tissu tumoral. La matriceest une substance intercellulaire produite par des cellulesmésenchymateuses et qui contient des éléments ostéoïdes,chondroïdes, myxoïdes et des fibres collagènes [22]. Elle n’est visiblesur une radiographie que si elle est minéralisée. Les tumeurspeuvent produire une matrice ostéoïde, chondroïde, fibreuse(collagène), myxolipoïde ou un mélange des précédentes.

ANALYSE MORPHOLOGIQUE

¶ Modifications de la structure de l’os

Ostéolyse

Les bords de la lésion sont la résultante de processus d’ostéolyse etde reconstruction, et sont le reflet du degré de l’agressivité de latumeur. La radiographie montre un os qui lutte pour se protéger dela maladie envahissante [23]. Face à la tumeur, l’endosteum,normalement quiescent, est remplacé par des ostéoclastes et desostéoblastes. Ceux-ci produisent des modifications lytiques etblastiques qui aboutissent à des interfaces ou bords. Les ostéoclastesnormaux de l’hôte détruisent l’os en réponse à la pression de latumeur. La destruction osseuse ne résulte pas directement de laprésence de cellules tumorales comme l’expression habituelle de« destruction tumorale » peut le laisser croire [23]. Les ostéoclastes,avec l’aide de l’hyperhémie veineuse, peuvent détruire l’osbeaucoup plus vite que les ostéoblastes ne peuvent en produire. Laquantité d’os perdu et la quantité d’os adjacent persistant au contactexpliquent que l’ostéolyse apparaisse nettement ou non. Lestumeurs occupant de l’espace se voient plus nettement à la partiedistale des os longs, là où une plus grande quantité d’os spongieuxpermet un meilleur contraste (fig 2). L’aspect festonné de la surfaceendostéale avec élargissement fusiforme de la médullaire peut êtrele seul signe d’une tumeur dans cette zone. De la même façon,l’extension diaphysaire d’une lésion métaphysaire peut ne pas êtreperceptible sur une radiographie et l’IRM est ici d’un grand intérêt.La grande quantité d’os spongieux par rapport à l’os corticalexplique qu’il soit détruit plus vite, mais il faut que 30 à 50 % [21]

soient éliminés pour que l’ostéolyse soit visible sur la radiographie.La destruction de la corticale prend plus de temps, mais est plusévidente car l’ostéolyse localisée se voit mieux.

1 Tumeur du fémur chez un patient de 19 ans.La radiographie de profil (A) montre une excroissance condylienne postérieure (flèche).Le scanner (B) précise la formation osseuse développée à partir de la face postérieure ducondyle fémoral interne, évocatrice d’une lésion de croissance lente.L’IRM (C) en coupe sagittale en T1 avant et après injection montre une tumeur avecdes modifications dans la médullaire pouvant faire partie de la tumeur ou être del’œdème réactionnel (têtes de flèche). On notait aussi un petit prolongement inférieurde la masse.Bien que ces constatations évoquent une lésion maligne, une première biopsie fut né-gative. En raison de phénomènes douloureux, une résection large de la tumeur fut faiteet le diagnostic histologique de chondrosarcome périostéal grade II porté en raison dudegré d’anaplasie (D). La rupture de la corticale qui semblait apparente sur l’IRM nefut pas retrouvée sur la pièce, mais on constata une infiltration de la médullaire par latumeur cartilagineuse (T).

*A *B

*C

*D

2 Tumeur du fémur chez un enfant de 13 ans.Sur la radiographie, on voit une tumeur ostéolytique, à l’évidence de type ostéosarcome,du fémur distal gauche. Pourtant, la première histologie fut celle de fibrome chondro-myxoïde, puis de chondrosarcome, ce qui n’était pas très vraisemblable à cet âge. Ils’agissait d’un ostéosarcome de type chondroblastique.

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• Bords

Les bords reflètent le rythme du processus pathologique. On peutdistinguer trois aspects radiologiques principaux [15, 21] (fig 3).

– Type I : aspects en carte de géographieUne zone localisée d’altération de l’os spongieux donne une lésionbien limitée. La destruction est géographique en ce sens que lesdétails des limites sont comme ce que l’on verrait sur une carte. Lesbords dits en carte de géographie peuvent être incurvés, lobulés ouirréguliers (fig 4).Il existe trois sous-types correspondant à une rapidité de croissanceaccrue. La lésion est d’autant plus évolutive qu’elle est mal limitée.Type IA : il existe un liseré dense autour des bords. Plus il est épais,moins la tumeur est évolutive. L’évolution a été suffisamment lentepour permettre la formation d’un os réactionnel. Cela se voit dansles fibromes non ossifiants, l’enchondrome, la dysplasie fibreuse, lefibrome chondromyxoïde, le chondroblastome.Type IB : les bords sont nets, à l’emporte-pièce, parce que la zone detransition est réduite. L’os sain de voisinage n’a pas pu créer deréaction ostéoblastique de voisinage et il n’y a pas de condensationmarginale. Les bords correspondent aux limites du tissu lésionnel.L’exemple type est la tumeur à cellules géantes, mais cet aspect sevoit dans les enchondromes à croissance rapide, leschondroblastomes, les fibromes chondromyxoïdes (fig 4). Il s’agit de

lésions qui repoussent mais qui n’infiltrent pas. L’aspect festonné etla saucérisation corticale sans compensation endostéale sontl’équivalent pour l’os compact.Type I C : les bords ne sont pas nets et le processus est infiltratif,dépassant les possibilités de réaction ostéoblastique (fig 2). Le tissulésionnel s’étend dans le tissu osseux spongieux entre les travées,entraînant une destruction osseuse sur une zone étendue. L’activitétumorale est plus importante. C’est le cas du granulome éosinophile,des lésions malignes.

– Type II : aspect mitéIl se traduit par de nombreuses petites lacunes rondes ou à bordsirréguliers, parfois confluentes, en plages à limites flouescomparables à un vêtement mangé par les mites. De multiples foyersd’ostéoclastes dans la moelle du tissu spongieux ou l’endostéumsont remplis de tissu lésionnel et confluent. Le cortex est perforé,avec envahissement des tissus mous. On voit cet aspect en cas desarcome osseux, de lymphome et aussi de granulome éosinophile.

– Type III : destruction perméative ou ponctuéeL’os compact est le siège d’une tunnellisation ostéoclastique, avecpour résultante de multiples fines traînées qui confluent etdeviennent des clartés ovales avec raréfaction corticale sur unegrande étendue. Cet aspect se voit dans les sarcomes à cellulesrondes, les fibrosarcomes agressifs.

• Associations

Les types II et III peuvent être associés car ils concernent des lésionsagressives. Leur différenciation a peu d’intérêt pratique. Enrevanche, la distinction entre les types I et les types II et III a unegrande importance. Le type IA n’est pas associé aux autres types,car il s’agit de lésions lentement évolutives donc bénignes.L’association éventuelle des types doit évoquer une modification dela biologie tumorale comme la transformation maligne d’une lésionbénigne. La biopsie doit alors porter sur la zone suspecte.En cas de transformation maligne, tous les signes de la lésionbénigne préexistante peuvent disparaître. L’analyse des filmsantérieurs est essentielle.Parfois, les bords de la tumeur sont invisibles. C’est le cas detumeurs de croissance extrêmement rapide qui traversent le tissuosseux spongieux et le cortex sans guère de modificationsradiologiques car les vaisseaux nécessaires à la production des

3 Différents types de bord.

4 Tumeur du fémur chez un adolescent de 16 ans.Depuis 1 an, masse indolore du genou droit. L’aspect radiologique de volumineuse os-téolyse bien limitée est celui d’un fibrome chondromyxoïde ou d’un chondrome juxta-cortical. Pourtant, la première réponse histologique fut celle de chondrosarcome de basgrade, ce qui apparaissait peu vraisemblable à cet âge. Les lames furent revues et ils’agissait bien d’un fibrome chondromyxoïde.

Radiodiagnostic Approche diagnostique des tumeurs osseuses chez l’enfant 31-530-A-10

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altérations osseuses sont obstrués [23]. L’os enfermé dans du tissunécrotique a tendance à rester en l’état, avec son architecturenormale [16].

Condensation osseuse

Elle peut s’expliquer de trois façons :

– ce peut être une réaction ostéoblastique de l’hôte en réponse àl’agression tumorale comme dans l’ostéome ostéoïde ou lesostéolyses de type IA ;

– ce peut être une matrice tumorale ossifiante comme dans lestumeurs ostéogéniques bénignes ou malignes ;

– enfin, il peut s’agir d’un séquestre (ostéomyélite).Les plages de condensation osseuse et d’ostéolyse peuvent êtreassociées, comme dans les sarcomes osseux ou les ostéomyélitesévoluées.

¶ Réactions corticopériostées [2] (fig 5)

L’interface entre le périoste et la corticale est le siège de formation etde résorption osseuse. La réaction périostée secondaire à uneagression apparaît quand se produit la minéralisation périostée, aubout de 15 jours à 3 mois chez l’enfant. En cas d’ostéomyélite, ellemanque généralement sur les radiographies initiales. On les voit aumieux en TDM. L’IRM n’est pas performante pour l’analyse de lacorticale (car celle-ci ne contient pas de protons) et se traduit par unhyposignal. L’ossification sous-périostée n’est pas non plus visible.

Réaction périostée continue

• Réaction périostée avec conservation de la corticale

C’est une ostéogenèse sous-périostée sur le versant externe d’unecorticale continue. Il y a respect de la corticale et la réaction périostéese développe à sa périphérie.

en moins

Réactions périostéesen plus

continu discontinu complexe

saucérisation avec endostose

atrophieconcentrique

saucérisation avec bords nets

érosions corticales avec bords flous

destruction de la corticaleavec envahissement

de la médullaire

arc-boutant

angle de Codman

lamellé

spiculé

spicules divergents(rayons de soleil)

combiné

coque avec arêtes

coque lobulée

coque lisse

solide

lamelleunique

lamelles multiples(bulbe d'oignon)

en spicules parallèles

(poils de brosse)

5 Réactions périostées.

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– Réaction périostée homogène pleineLa corticale est épaissie par incorporation sur son versant externed’une couche d’os compact néoformé (fig 6). C’est le cas de lésionbénigne lentement évolutive. Elle peut être régulière et homogène,ou irrégulière et ondulée.

– Réaction périostée unilamellaireElle se traduit par la présence d’une seule couche d’os néoforméséparée de la corticale externe par un fin liseré mais reliée à lacorticale à ses deux extrémités. On la voit au tout début del’ostéosarcome, du sarcome d’Ewing, de la leucémie, mais on peutaussi la rencontrer dans l’ostéomyélite au début et au cours desfractures de fatigue.

– Réaction périostée plurilamellaireC’est l’aspect en bulbe d’oignon. On observe plusieurs lamellesosseuses parallèles, séparées les unes des autres et de la corticaleexterne par des liserés clairs et qui fusionnent entre elles aux deuxzones de raccordement avec la corticale. Les lamelles osseusesvisibles sont des bandes d’ostéogenèse sous-périostées successivesqui n’ont pas eu le temps d’être assimilées par l’os. On voit cetaspect dans le sarcome d’Ewing mais aussi dans le granulomeéosinophile, les infections et les cals osseux en formation.

– Spiculation sous-périostéeQuand le périoste est décollé de la corticale par un processusagressif venant de la médullaire à travers l’os cortical, il entraînedes lames conjonctives autour desquelles l’ostéogenèse va se faire,formant de fins spicules ossifiés perpendiculaires à la corticale (fig 7,8). Le périoste n’est pas visible car de densité aqueuse et confonduavec les tissus mous. Ce que l’on voit, c’est la couche d’os calcifié à

sa face profonde sous forme d’une fine ligne calcifiée couvrant lesspicules. S’il n’est pas visible, il correspond à une ligne virtuellejoignant le sommet des spicules. La spiculation se voit avant toutdans les tumeurs malignes primitives.

• Réaction périostée continue avec destruction de la corticale [5, 17]

Le processus tumoral naît dans l’os du tissu spongieux ou lacorticale profonde. La face endostéale de la corticale est érodéepuis détruite, avec rupture de la corticale. Le périoste est stimulépar la croissance tumorale et construit une couche d’os néoformésur sa face profonde au contact de la corticale externe. Si lacorticale est totalement détruite et si la lésion reste limitée enpériphérie par le périoste, il se forme une coque périphérique fineou épaisse selon que le processus est rapidement ou lentementévolutif. Cette coque ne doit pas être confondue avec une corticalerefoulée et amincie.

6 Tumeur du péroné chez un enfant de7 ans.Lésion condensante du péroné développéedans la portion sous-périostée et excentrée.La réaction périostée était impression-nante par son importance. Il ne s’agissaitpas d’une lésion maligne, mais pourtantl’histologie a d’abord évoqué un ostéosar-come pour se rallier ensuite à une lésionbénigne, ce qui fut confirmé par l’évolu-tion.

7 Ostéosarcome du fémur chez un enfant de13 ans.Aspects radiologiques (A, B) et scanographique(C) d’un ostéosarcome de surface de haut gradedu fémur gauche et pourtant deux biopsiesconcluent chaque fois à un chondrosarcome, cequi était peu vraisemblable vu l’âge et l’aspect.Il s’agissait d’un ostéosarcome de type chon-droblastique. Ceci s’explique par le fait que cetype d’ostéosarcome contient peu d’ostéoïdes.

*A *B

*C

8 Lésion condensante de type malin chez un adolescent.Aspect hypercondensant de type malin proximal du fémur gauche évocateur d’un os-téosarcome. Le premier diagnostic histologique était celui de chondrosarcome, ce quin’était pas compatible avec l’âge et l’aspect radiologique. Il s’agissait là aussi d’un os-téosarcome à forme chondroblastique.

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Les coques minces se voient dans les processus expansifs béninsmoyennement évolutifs, comme les kystes anévrismaux, les tumeursà cellules géantes. Parfois, elles sont si minces que seul le scannerpeut les identifier.Les coques épaisses se voient dans les lésions lentement évolutivesbénignes. Elles sont régulières si la lésion entraîne une pressionuniforme sur la corticale et irrégulières avec aspect lobulé si lapression exercée est inégale. Les zones d’érosion avec corticaleamincie sont séparées par des portions plus épaisses qui formentdes crêtes. C’est le cas des tumeurs lobulées fibreuses oucartilagineuses. Les crêtes traversent l’hypodensité tumorale sousforme de lignes épaisses arciformes, souvent entrecroisées, donnantun aspect de trabéculation grossière. Il ne faut pas le confondre avecla fine trabéculation des tumeurs avec logettes séparées par dessepta ossifiés.Citons l’arc-boutant que l’on voit dans les tumeurs cartilagineusesexpansives. C’est une formation triangulaire d’os compact qui faitcorps avec la corticale aux points de raccordement d’une coquepériostée en regard d’une corticale détruite.

Réaction périostée discontinue

Elle se voit dans les lésions agressives de l’os spongieux ou cortical.C’est une réaction de type plurilamellaire ou une spiculation. Engénéral, la corticale est le siège d’une ostéolyse mitée ou perméative.Si une lésion refoule le périoste, du tissu osseux se dépose sous lepérioste au point de raccordement du périoste sain et du périostepathologique. Cette zone a une forme triangulaire à pointe externecorrespondant au décollement et à base reposant sur le cortex encoresain. Si ce triangle est flou, feuilleté, avec un sommet situé en regardd’une destruction corticale et d’un envahissement des tissus mous,c’est un éperon de Codman qui signifie qu’il existe une lésionagressive comme une tumeur maligne, mais ce peut être unehistiocytose ou une ostéomyélite. Il ne faut pas le confondre avec lestriangles pleins, homogènes, en arc-boutant, en contrefort, que l’onvoit avec une corticale amincie non rompue dans des processuslentement évolutifs comme le kyste anévrismal ou le fibromechondromyxoïde.

L’interruption de la spiculation, qui se traduit par un aspectdésorganisé et irrégulier, se voit dans les tumeurs malignes.

¶ Analyse de la matrice tumorale [26] (fig 9)

GénéralitésLes tumeurs peuvent avoir des matrices minéralisées visibles sur lesradiographies. Le scanner permet de mieux étudier les calcificationset la densité de la plage tumorale en plusieurs endroits, avant etaprès injection. L’IRM permet de préciser l’architecture de la tumeur.Les tumeurs productrices de matrice sont nommées d’après lamatrice d’origine : ostéosarcome, chondrome, fibrome. Certainestumeurs ont plusieurs matrices. Les tumeurs qui ne produisent pasde matrice sont étiquetées en fonction du type cellulaire(ostéoclastome), de l’aspect macroscopique (kyste) ou par unéponyme (sarcome d’Ewing). L’hétérogénicité et les degrés variablesde maturation dans les tumeurs osseuses primitives contribuent auxdifficultés d’interprétation. Les controverses sur une bonneclassification sont alimentées par l’existence de matrices inclassables,où la proportion anormale du collagène par rapport auxmucopolysaccharides rend aléatoire la distinction entre tissuostéoïde, chondroïde et fibreux. Pour être radiologiquement visible,une matrice doit se minéraliser. Dans le cadre des tumeurs osseuses,c’est souvent le cas des matrices cartilagineuses, osseuses etmyxoïdes, ainsi que des zones desmoplastiques. Beaucoup detumeurs ne produisent aucune matrice minéralisable. Unecomplexité supplémentaire provient du fait que les tumeursmalignes perdent souvent leur capacité à produire de la matricequand elles envahissent les parties molles et quand ellesmétastasent [23].La production de tissu ostéoïde se fait à partir d’un tissu conjonctifpréexistant, qu’il s’agisse de collagène (ossificationintramembraneuse), de cartilage (os enchondral) ou d’os (appositiond’os lamellaire).La formation d’os visible radiologiquement dans une tumeur peutse produire selon plusieurs mécanismes :– l’action des ostéoblastes néoplasiques (ostéoblastome etostéosarcome) ;

9 Différents aspects des matrices.A. Verre dépoli.B. Solide.C. Nuageux.

*A *B *C *D *E

*F *G *H *I

D. Comme de l’ivoire.E. Trabéculation grossière.F. Ponctué.

G. Floconneux.H. Métallique.I. Anneau et arc.

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– la transformation cellulaire (dysplasie fibreuse) ;

– le traumatisme cellulaire (formation d’os dans les lipomesossifiants) ;

– le remplacement du cartilage (ossification enchondrale dans lesenchondromes).

Différentes matrices

• Matrices ossifiantes

Ce sont des plages denses, homogènes, à bords plus ou moins nets,uniques ou multiples.Par ordre d’intensité croissante, on peut voir :

– des aspects en verre dépoli, par exemple dans la dysplasie fibreuseet l’ostéoblastome ; ce sont des opacités bien limitées dont la densitéau scanner est supérieure à celle de l’os trabéculaire et inférieure àcelle de la corticale (fig 10) ; en IRM, il y a toujours un hyposignal ;

– des plages de forte densité, disséminées (ostéosarcome) oulocalisées (ostéoblastomes) ;

– des zones de très forte condensation de densité égale à l’oscompact, avec un hyposignal en IRM, que l’on voit dans l’îlot osseuxcondensant bénin, l’ostéome, l’ostéoblastome.Des calcifications peuvent se voir et elles posent des problèmes dediagnostic très difficiles avec les calcifications des matricescartilagineuses.

• Matrices cartilagineuses

Les calcifications associées à l’architecture lobulée sont évocatrices.Les calcifications sont ponctuées, de type granuleux, puis croissentavec un aspect floconneux. Ailleurs, elles sont arciformes etannulaires, et relativement spécifiques.Les érosions de la corticale interne font suspecter la structurelobulaire, mieux visible en IRM. En effet, il y a de nombreux lobulesjuxtaposés, séparés par de fins septa en hyposignal. Les lobules ontun signal faible, hypo- ou iso-intense en T1 et un hypersignal francqui augmente en fonction du temps d’écho en T2.L’association de ces deux types d’anomalies est évocatrice, mais nedonne pas d’indication sur le potentiel évolutif. De surcroît, lescalcifications manquent dans environ la moitié des cas, et les lobulesseuls ne sont pas spécifiques et peuvent se voir dans les tumeursfibreuses.

• Autres matrices [26]

– Matrices kystiquesL’hypodensité visible sur la radiographie s’avère de nature hydriqueau scanner. La présence du « fragment tombé intrakystique » a unebonne valeur quand il existe. En IRM, l’hyposignal en T1 etl’hypersignal en T2 sont caractéristiques.

– Matrices graisseuses

Au scanner, l’hypodensité majeure est typique ; en IRM, c’est unhypersignal franc en T1, qui décroît progressivement en fonction dutemps d’écho sur les séquences en T2.

– Matrices tissulairesAu scanner, la densité est de 20 à 60 UH et, en IRM, il y a unhyposignal en T1 et un hypersignal en T2 mais non spécifique.

– Matrices hétérogènesElles résultent d’hémorragie intratumorale, ou de nécrose, oud’architectures en logettes : certaines tumeurs sont multiloculairesavec un cloisonnement par des septa. On y trouve parfois desimages de niveaux liquide-liquide qui sont des niveauxhématohématiques avec sédimentation des hématies et sérumsurnageant. On les identifie en TDM et en IRM, surtout dans leskystes anévrismaux [3].

¶ Extension tumorale [2]

Il faut la rechercher dans toutes les tumeurs malignes et danscertaines tumeurs bénignes agressives. Elle est locorégionale etgénérale.

Extension locorégionale

Elle se fait selon les voies de moindre résistance.Le canal médullaire se laisse facilement envahir. De petitesmétastases médullaires (skip métastases) peuvent apparaître enamont de la limite proximale de l’envahissement médullaire. Lecartilage de conjugaison est franchi plus souvent qu’on ne le croie,comme le montre l’IRM et d’autant plus que l’on se rapproche del’épiphysiodèse, là où les anastomoses vasculaires se créent entre lessystèmes épiphysaire et métaphysaire.Le cartilage articulaire est une barrière. L’envahissement se fait parvoie capsuloligamentaire et s’accompagne d’un épanchement intra-articulaire. La corticale est une barrière peu efficace qui peut êtrerompue ou infiltrée. Le périoste est une barrière plus efficace pourles tumeurs malignes, mais uniquement de bas grade.

Extension aux tissus mous

Elle se fait soit par refoulement, soit par infiltration. L’IRM estl’examen clé pour ce bilan.L’extension aux tissus mous se voit sur les coupes en T1 aprèsinjection et sur les coupes en T2. On constate un hypersignal quis’accroît sur les échos plus tardifs et un signal plus intense aprèsinjection. La difficulté provient de l’œdème inflammatoirepéritumoral qui a tendance à se confondre avec la tumeur et àsurestimer l’extension.

Extension endocanalaire

Elle s’explore sur une coupe coronale ou sagittale de l’os maladedans son ensemble, en antenne corps, en séquences en écho de spinpondérées en T1. La médullaire osseuse est normalement enhypersignal T1 puisqu’elle est graisseuse. L’infiltration tissulaire se

10 Lésion expansive du radius chez un adolescent de 15 ans.Lésion expansive proximale métaphysodiaphysaire du radiusde face (A) et de profil (B), considérée par le chirurgien commeun kyste dont il fait le curage ; l’histologiste répond sur des dé-bris : kyste osseux. Il s’agissait en fait d’images en verre dépoliavec d’autres localisations typiques d’une dysplasie fibreuse.

*A *B

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traduit par une disparition de cet hypersignal normal. La diffusionde l’hyposignal tissulaire permet de préciser l’extension de latumeur à ses extrémités supérieures et inférieures. Les skipmétastases sont bien vues en hyposignal au sein de l’hypersignalgraisseux au-dessus de la tumeur.

Extension générale

Il faut rechercher avant tout des métastases pulmonaires grâce à laradiographie pulmonaire et au scanner thoracique.Les localisations aux autres os se recherchent par scintigraphie, maisl’hyperfixation n’est pas spécifique.

Biopsie

C’est un acte chirurgical important qui doit être réussi du premiercoup et qui doit être représentatif de la lésion [19]. Elle s’impose dèsqu’il y a un doute sur le diagnostic.Il est naturellement essentiel que celle-ci soit faite dans une zonepathologique. Les régions les plus expressives pour le diagnostic parl’histologiste sont celles où la minéralisation est anormale. Enrevanche, ce sont les zones lytiques qui sont les plus utiles pourétablir un pronostic [23].Les échecs de la biopsie sont de plusieurs ordres. Il peut s’agir d’unprélèvement de trop petite taille ou insuffisamment représentatif, oud’un tissu complètement nécrosé. On peut n’avoir que des débrisd’une cavité, ou bien les images ont été modifiées par unehémorragie ou un traitement antérieur. Une biopsie trop superficiellepeut n’intéresser que la périphérie de la lésion et montrer uneréaction ostéoïde non spécifique.Si on suspecte une tumeur maligne, le problème de la voie d’abordde la biopsie est capital.On peut se passer de la biopsie dans les lésions découvertesfortuitement et typiques d’un cortical defect ou d’un fibrome nonossifiant, d’un kyste osseux essentiel, d’un îlot osseux condensantde petite taille, d’un ostéochondrome pédiculé des os longs, d’unostéome ostéoïde, et en cas de métastase évidente en raison d’unelésion primitive connue et d’autres localisations préexistantes.

Synthèse

Pour établir un diagnostic clinique et radiologique, l’analyse de lalésion est essentielle (cf supra). En général, une tumeur d’un typecellulaire donné se développe là où les cellules homologues sont ouétaient les plus actives [21, 23].Le siège de la tumeur est aussi important à prendre en compte(fig 11). Sur les os longs, l’épiphyse est épargnée en général et unelésion lytique doit évoquer un chondroblastome, tumeur rare. Il fautécarter la tumeur à cellules géantes, elle-même très rare et à pointde départ métaphysaire chez l’enfant [11]. La métaphyse, zone deforte croissance, est un lieu privilégié des tumeurs osseuses chezl’enfant. On y trouve l’enchondrome [7, 20], l’ostéochondrome, le kysteosseux essentiel (humérus et fémur proximal) avec parfois le signedu fragment tombé [8], l’ostéosarcome, heureusement rare. Sur ladiaphyse, il faut tenir compte du siège sur le plan axial pour lesorientations diagnostiques. Une lésion corticale doit faire penser àun cortical defect ou à un fibrome non ossifiant [9], à un ostéomeostéoïde [6], à un fibrome chondromyxoïde qui est rare, de même quele sarcome à cellules rondes d’Ewing. Dans la moelle du tissuspongieux lui-même, il faut penser au granulome éosinophile [14, 16],au kyste osseux anévrismal, à la dysplasie fibreuse. Dans les lésionsde surface, il faut faire la différence entre les tumeurs malignes etcelles des tissus mous [12]. Par ailleurs, les tumeurs sont plusfréquentes sur les os longs (membres inférieurs et humérus) que surle squelette axial.La notion de fréquence doit rester à l’esprit [5, 13, 27]. On voit beaucoupde cortical defects et de fibromes non ossifiants, d’enchondromes et

d’ostéochondromes [7, 20], de kystes osseux essentiels, puis audeuxième rang des ostéomes ostéoïdes, des kystes osseuxanévrismaux [3] et des granulomes éosinophiles [14]. Les autrestumeurs comme les tumeurs fibreuses [4] sont beaucoup plus rares, ycompris les tumeurs malignes, mais il importe de diagnostiquer tôtces dernières.La notion d’âge intervient aussi [1, 5, 17]. On peut donner desfourchettes d’âge en fonction de la fréquence des lésions (tableau I).

ConclusionAu total, la radiographie de la tumeur osseuse complétée dans certainscas par la TDM reste l’approche diagnostique essentielle chez l’enfant.Les résultats de l’analyse sémiologique radiologique de la tumeurconfrontée à la clinique, en particulier l’existence ou non de douleurs etl’ancienneté des troubles, permet d’établir le diagnostic de bénignité oude malignité dans 90 % des cas [24].À partir de là, on décide d’une abstention thérapeutique, ou d’unebiopsie osseuse, ou d’une exérèse d’emblée.

11 Localisation des tu-meurs sur un os long.1. Chondroblastome ; 2. os-téochondrome articulaire ;3. sarcome parostéal ; 4. tu-meur à cellules géantes ; 5.enchondrome ; 6. ostéosar-come ; 7. ostéochondrome ;8. cortical defect et fi-brome non ossifiant ; 9.kyste osseux ; 10. fibromechondromyxoïde et ostéo-blastome ; 11. fibroxan-thome et fibrosarcome ; 12.dysplasie fibreuse ; 13. os-téome ostéoïde ; 14. granu-lome éosinophilique ; 15.adamantinome et dysplasiefibreuse corticale ; 16. sar-come à cellules rondes :Ewing et lymphome.

Tableau I. – Fourchettes d’âges selon la fréquence des lésions.

• Tumeurs osseuses- Ostéome ostéoïde : 5-20 ans- Ostéoblastome : 10-20 ans- Ostéosarcome : 7-20 ans• Tumeurs cartilagineuse- Ostéochondrome : 2-20 ans- Chondroblastome : 10-20 ans- Fibrome chondromyxoïde : 10-20 ans- Enchondrome : 5-15 ans• Tumeurs fibreuses ou kystiques- Fibrome non ossifiant : 5-20 ans- Dysplasie fibreuse : 5-20 ans- Kyste osseux essentiel : 5-15 ans- Kyste osseux anévrysmal : 5-20 ans• Tumeurs du tissu spongieux- Granulome éosinophile : 5-15 ans- Sarcome d’Ewing : 10-20 ans- Lymphome de l’os : 10-20 ans- Leucémie : 2-15 ans• Autres- Tumeur à cellules géantes : 10-20 ans- Angiome osseux : 0-10 ans

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D’un point de vue pratique et pour illustrer l’importance de laconfrontation radiohistologique [10], il faut insister sur trois typesprincipaux d’erreurs où la radiologie [10] apporte une aide appréciable àl’histologie. Cette dernière a été chaque fois corrigée grâce à l’apport dela radiologie.Les cas les plus graves sont ceux où l’histologie a répondu d’abordlésion bénigne alors qu’il s’agissait d’une lésion maligne (fig 1, 2) et,l’inverse, quand l’histologie a d’abord dit qu’il s’agissait d’une lésionmaligne alors que c’était une lésion bénigne (fig 7).Ces cas sont rares mais ils existent.Les cas les moins graves mais tout de même préoccupants sont ceux oùune lésion maligne (fig 8) ou bénigne (fig 12, 13) à l’histologie s’estavérée être après confrontation avec la radiologie une lésion d’une autrenature histologique, tout en restant respectivement maligne ou bénigne.

Les erreurs se voient surtout dans les ostéosarcomes de typechondroblastique et quand il y a une cavité kystique.Les derniers cas sont ceux où le diagnostic histologique était celui d’unetumeur bénigne alors qu’il s’agissait en fait d’une ostéite (fig 14) oud’une variante de la normale (fig 15, 16), ou encore ceux où la biopsieétait négative alors qu’il existait une lésion (fig 17).

14 Ostéolyse du tibia distal chez un jeune homme de 18 ans. Radiographies (A) et tomographies (B, C) montrant une ostéolyse tubulée. Le diagnostic histologique initial étaitcelui de granulome éosinophile. Sur la radiographie, il y a un aspect de tunnellisation du pus qui a permis en fait de conclure à une ostéomyélite chronique.

*A *B *C

12 Syndrome douloureux crural chez un enfant de 13 ans. Fémur proximal, lésionmixte condensante et ostéolytique. Le premier diagnostic histologique concluait à unkyste osseux essentiel avec nécrose aseptique en dépit des douleurs, alors que le diagnos-tic radiologique était celui d’ostéoblastome (ou d’abcès de Brodie). Le diagnostic d’os-téoblastome fut admis secondairement à l’histologie. Guérison après exérèse.

13 Lésion ostéolytique distale du radius avec fracture chez un enfant de 12 ans.À l’opération, la présence de sang en raison de la fracture fit parler de kyste anévrismalet ce diagnostic fut repris par l’histologiste. Comme l’aspect radiologique était typiqued’un fibrome non ossifiant, une relecture des lames fut demandée et le diagnostic de fi-brome non ossifiant admis.

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15 Lacune fémorale chez un adolescent.Lacune distale indolore du fémur gauche àtype d’irrégularités avulsives bénignes decroissance qui avaient été prises à tort enhistologie pour un fibrome chondro-myxoïde.

16 Tumeur du cubitus chez un enfant.Le diagnostic de lipome osseux du cubitus fut porté à la suite d’une biopsie, alors quel’élargissement distal du cubitus avec courbure du radius était radiologiquement typi-que d’un enchondrome.

17 Lésion condensante du péroné.Condensation corticale pathologique du péroné distal avec douleurs. La biopsie répond :os compact normal alors qu’il s’agissait d’un ostéome ostéoïde.

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