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Budget Ville et logement 2011 : comment construire plus de logements sociaux avec moins d’argent public ?

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Sur fond de crise économique et sociale, les orientations budgétaires 2011 croisent la volonté d’amélioration du parc de logement social avec l’annonce d’une réduction historique du déficit public. Dans ce contexte, alors que les ménages les plus aisés ont bénéficié des réductions d’intérêt d’emprunts pour l’acquisition de la résidence principale (loi TEPA), la responsabilité de reconstituer l’offre de logement pour les foyers modestes et les plus fragiles est portée par les seuls acteurs du logement social. Comment le mouvement HLM trouvera-t-il les moyens de la réalisation des objectifs qui lui sont attribués ? Quels arbitrages seront envisagés ? Le secteur emploie aujourd’hui 76 000 salariés, quelles conséquences pour les personnels ?

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Apex : L'expertise au service des élus et des CE, les clés pour anticiper

Budget Ville et logement 2011 : comment construire plus

de logements sociaux avec moins d’argent public ?

Qu’entendait B. Apparu, Secrétaire d’Etat au Logement, quand il annonçait au Congrès annuel de l’Union Social pour

l’Habitat fin 2010, qu’il fallait « repenser le modèle économique du logement social » ? Sur fond de crise économique et

sociale, les orientations budgétaires 2011 croisent la volonté d’amélioration du parc de logement social avec l’annonce d’une

réduction historique du déficit public. Dans ce contexte, alors que les ménages les plus aisés ont bénéficié des réductions

d’intérêt d’emprunts pour l’acquisition de la résidence principale (loi TEPA), la responsabilité de reconstituer l’offre de

logement pour les foyers modestes et les plus fragiles est portée par les seuls acteurs du logement social. Comment le

mouvement HLM trouvera-t-il les moyens de la réalisation des objectifs qui lui sont attribués ? Quels arbitrages seront

envisagés ? Le secteur emploie aujourd’hui 76 000 salariés, quelles conséquences pour les personnels?

A- Un mal-logement aggravé

Le logement social subit les revers de la crise financière et économique dont les effets ne sont pas encore taris. Fin novembre

2010, la France comptait 4 millions de chômeurs. Face à la reprise de la flambée de l’immobilier et la fragilisation de la

classe moyenne, la demande de logement social s’accroît et l’offre manque. La Fondation Abbé Pierre a publié en début

d’année un rapport inquiétant sur l’état du mal-logement en France. Il y est question de « nouveaux pauvres », du

« basculement dans la précarité de ménages qui en étaient jusque-là protégés1 », de la hausse des loyers impayés… Il faudrait

construire 900 000 logements pour retrouver une situation d’équilibre.

B- Les solutions envisagées : réorganisation du secteur et ponction sur les bailleurs sociaux

« Repenser le modèle économique du logement social » dans un contexte de rareté des ressources publiques passe, selon le

gouvernement, par une réorganisation du secteur et une hausse des prélèvements étatiques sur les ressources des bailleurs

sociaux.

Des zones peu tendues vers les zones tendues : « déshabiller Pierre pour habiller Paul » ?

L’actuelle politique du logement part du constat « qu’une majorité des logements sociaux sont construits dans des zones

ayant peu ou pas de besoins locatifs et une minorité seulement le sont dans des zones tendues2 ». Une réorganisation de la

carte du logement social est donc décidée, le but étant de conduire les bailleurs sociaux à revendre leur patrimoine possédé

dans les zones « non-tendues » pour en reconstruire dans les zones « tendues » (IDF, Rhône-Alpes, PACA). Selon B.

Apparu, la vente de 1% du parc HLM par an dégagerait 2 milliards d’euros, permettant de « créer de la valeur pour

augmenter les fonds propres ».

Pour opérer cette réorganisation, les bailleurs sociaux sont appelés à se concentrer, à créer des groupes "de dimension

nationale ou plurirégionale3". Ce mouvement permettrait des transferts de fonds propres des zones peu tendues vers les

zones tendues. Les ESH (ex-SA d’HLM) ont déjà été appelées à fusionner…Concernant les OPH, des formes de

« communautés d’Offices » sont envisagées.

Pour compenser la baisse des aides à la pierre, l’Etat puise dans les ressources du monde HLM

Les aides à la pierre sont passées de 716 millions en 2009 à 630 millions en 2010, puis 500 en 2011, 450 en 2012 et 400 en

2013. Cette réduction progressive des aides à la pierre avait déjà amené des acteurs du mouvement HLM à financer leur

1 Fondation Abbé Pierre, Rapport 2011 sur l’état du mal-logement en France.

2 Discours de Benoist Apparu, Septembre 2009, Congrès du monde HLM.

3 Discours de Benoist Apparu, 2 décembre 2010, Conseil d’administration de l’UESL

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patrimoine sur fonds propres et/ou à l’aide des financements émanant des collectivités. Pour autant, la loi de finances 2011

prévoit de faire appel aux ressources des HLM pour compenser cette baisse des aides à la pierre et financer l’ANRU. La

somme de 340 M€ devrait être collectée de trois façons :

95 millions d'euros seront prélevés chaque année sur les crédits prévus pour le Grand Paris.

70 millions d’euros supplémentaires seront prélevés sur l’autofinancement des HLM via le relèvement des cotisations

CGLLS

175 millions d’euros ponctionnés sur le potentiel financier par logement des organismes dans le cadre de l’article 99 du

Projet de Loi de finances 2011.

Un risque persiste sur les organismes HLM les plus fragiles qui détiennent un potentiel financier par logement élevé alors

qu’ils sont très endettés et que leur autofinancement est faible.

Ces derniers prélèvements vont sensiblement réduire les marges de manœuvre des bailleurs sociaux, d’autant que,

parallèlement, les collectivités se trouvent confrontées à une baisse de leurs ressources (suppression de la taxe

professionnelle) et une hausse de leurs dépenses (RSA).

Ces dispositions de la Loi de finances 2011 « Ville et logement » ne sont pas neuves4. André Yché, Président de la SNI,

filiale de la Caisse des dépôts et des Consignation, les avaient écrites dans des « notes blanches » adressées à l’Elysée en

2009. Il préconisait alors une réforme profonde du statut des ESH et d’ « activer une partie des plus-values latentes en

organisant la cession de 10% du parc » de logements qu’elles détiennent. La note proposait également que ces grands

groupes nés de la concentration du secteur développent « des activités rentables et fiscalisées » !

Face à ces difficultés conjoncturelles, quels arbitrages seront faits par les acteurs du mouvement HLM pour dégager des

marges de manœuvre financières ?

C- A la recherche de productivité avec les risques sur la qualité de service…

Certains bailleurs ont déjà fait part d’arbitrages en faveur des travaux de réhabilitation au détriment des constructions de

logements neufs. L’USH chiffre à 15 000 la réduction de la construction locative sociale. Une telle décision affecterait

d’emblée l’économie du secteur de la construction.

Il est évident que les organismes HLM chercheront à compenser ces nouveaux prélèvements financiers. La compensation ne

se fera pas par une augmentation des loyers ; rappelons que le budget des locataires est déjà fragilisé par la crise et que les

dépenses de logement captent près de 40% des ressources des ménages modestes ; mais indirectement, par exemple, par une

réduction du service de proximité, une baisse des dépenses d’entretien courant et de maintenance…En somme, par un recul

de la qualité de service, là où réside une mission de service public.

Moins de gardiens par groupe de logement ; baisse de l’effort de maintenance : les conséquences sur les salariés du secteur

apparaissent déjà. Réduction de personnel et recherche de gains de productivité seront les maîtres mots de la gestion des

ressources humaines du secteur pour les prochaines années.

Par ailleurs, la décision gouvernementale de réaliser des mouvements de patrimoine entre zone peu tendue et tendue va

forcément induire un déplacement des effectifs vers les régions IDF, PACA et Rhône-Alpes et mettre ainsi en difficulté des

salariés attachés à leur région d’origine.

Dans ces conditions, les organisations syndicales doivent être vigilantes sur les évolutions de la réorganisation du monde

HLM. Elles doivent veiller au maintien de la logique de service public du logement social et aux conséquences à venir des

réorganisations sur les 76 000 salariés du secteur.

Contact : Nicolas Curella : 03 20 15 86 19 et [email protected]

4 Tonino Serafini, 25/01/2010, « Des notes à rendre blêmes les HLM », Libération