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XIV LEGISLATURE Interventions en séance Assemblée Nationale Gwenegan Bui Député de la 4 ème circonscription du Finistère Membre de la Commission des Affaires Etrangères

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XIV LEGISLATURE

Interventions en séance Assemblée Nationale

Gwenegan Bui

Député de la 4ème circonscription du Finistère

Membre de la Commission des Affaires Etrangères

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Contenu PROJETS ET PROPOSITIONS DE LOI ........................................................................................................ 2

Loi de programmation militaire 2014-2019 ............................................................................................ 2

Ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ...................................... 7

Projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de

solidarité internationale .......................................................................................................................... 9

Proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre

dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale .... 11

Projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 ............................. 12

Approbation de l’accord France Russie sur les bâtiments de projection et de commandement ......... 15

Projet de loi de finances pour 2016 Mission « Action extérieure de l’Etat » ...................................... 19

Accord de coopération avec les Etats-Unis en matière d’enquêtes judiciaires .................................... 22

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT .................................................................. Erreur ! Signet non défini.

Filière avicole ......................................................................................................................................... 28

Inondations et intempéries ................................................................................................................... 30

Avenir des ex-salariés de l’entreprise Tilly Sabco ................................................................................. 32

Filière porcine ........................................................................................................................................ 35

EN COMMISSION .................................................................................................................................. 37

Rapport d’information– L’Asie du Sud-Est à la confluence des océans (n°2548) ................................. 37

Rapport – ratification du traité d’extradition entre la République française et la République populaire

de Chine ................................................................................................................................................. 41

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PROJETS ET PROPOSITIONS DE LOI

Loi de programmation militaire 2014-2019 Rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

26 novembre 2013

Discussion générale

En vertu d’une tradition désormais bien établie, la commission des affaires étrangères s’est saisie

pour avis du projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.

C’est un moment important de la République : le vote de son budget pluriannuel de défense. Ce n’est

pas un débat anodin, loin de là. C’est une stratégie, des hommes, des femmes et des moyens

matériels pour y répondre, et ce pour les cinq prochaines années, ce qui est important pour donner

la perspective à nos armées. C’est aussi un débat qui incarne la volonté de protéger les intérêts

vitaux et stratégiques de la France. Voilà ce qui nous est proposé dans le débat ce soir.

Avant toute chose, la plus-value de la commission des affaires étrangères est de passer la LPM au

tamis, si vous me passez l’expression, des enjeux internationaux et des engagements de la France. Il

me semble donc utile de revenir sur le contexte stratégique au regard duquel ont été élaborés le

Livre blanc et donc le projet de loi que nous examinons, contexte qui justifie de ne pas baisser la

garde.

Parmi les différents points évoqués dans mon avis, je souhaite en rappeler un qui constitue un sujet

de préoccupation majeur : la combinaison de l’impact de la crise financière sur les budgets militaires

en Europe avec un pivot américain bien réel. Ce pivot conduit les États-Unis à redimensionner à la

baisse leurs moyens militaires présents en Europe et à renforcer leurs capacités dans le Pacifique,

dans une optique de containment chinois. La certitude d’une intervention américaine en Europe, ou

dans sa périphérie, comme l’a montré l’épisode syrien, n’est plus aujourd’hui acquise, tout

simplement faute de matériel et de militaires sur le territoire européen.

Il y a là une invitation faite aux États européens à assumer leur propre défense qui ne trouve,

malheureusement, en ce moment, que trop peu d’écho. Les contraintes budgétaires actuelles

conduisent au repli sur soi et empêchent l’Europe de la défense d’avancer. Pour certains États, les

questions de défense ne sont pas clairement une priorité. D’autres restent fondamentalement

attachés à l’OTAN et demeurent extrêmement réticents à toute projection des forces en dehors du

territoire européen. Ils espèrent, sans le dire ouvertement, pouvoir continuer à bénéficier du

bouclier américain à peu de frais. Il y a aussi une forme de fatigue expéditionnaire après une

décennie 2000 marquée par des engagements longs et douloureux en Afghanistan ou en Irak, qui ont

épuisé les hommes, les budgets et les opinions publiques.

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Cette situation est d’autant plus dommageable que la France n’est pas la seule en Europe à avoir

conscience des risques. Nous avons des partenaires qui veulent aller de l’avant. N’attendons donc

pas l’impossible unanimité européenne pour avancer ! Je tiens par exemple à citer le cas de la

Pologne, qui est aujourd’hui l’un des seuls pays européens à maintenir un effort conséquent en

matière de défense. Il est également l’un des États les plus engagés dans le développement de la

PSDC. C’est un partenaire majeur avec lequel nous devons travailler.

La Pologne apprécie notre volontarisme, comme récemment au cours d’un exercice militaire sur le

sol polonais et dans les pays baltes : la France y a envoyé 1 200 militaires, contre à peine une

compagnie pour les États-Unis et aucun soldat pour l’Allemagne. Ce type d’initiative doit être salué,

conforté et avoir une soutenabilité dans la durée, afin de démontrer notre plus grande implication

dans la sécurité collective à l’est et au nord de l’Europe. Nous devons être une sorte de pivot, à notre

niveau, vers des États demandeurs de plus de coopération européenne et sortant du champ de nos

partenaires habituels. Mais l’Europe de la défense est un sujet qui trouvera bien évidemment toute

sa place lors du Conseil européen de décembre sur lequel la présidente de la commission des Affaires

étrangères entend revenir dans son intervention.

Pour ce qui est du projet de loi de programmation militaire en tant que tel, je ne vais pas revenir sur

ses détails précis. Mmes Adam et Gosselin-Fleury en ont parfaitement rappelé le contenu et les

enjeux. Toutefois, je tiens à saluer son ambition louable de ne pas obérer l’avenir. Ce texte maintient

un effort de défense significatif, alors même que nous connaissons tous les contraintes qui pèsent

sur les finances publiques. Il prévoit le maintien des crédits de la mission défense à 31,4 milliards

d’euros pour les années 2014, 2015 et 2016. Les ressources disponibles devraient ensuite augmenter

pour atteindre 32,5 milliards en 2019, le terme de la LPM. C’est un véritable défi collectif qui est

devant nous. Les crédits sont stabilisés en valeur sur les trois premières années de la programmation.

Nos armées contribueront donc à hauteur de l’inflation au redressement des finances publiques de

notre pays, dont la dégradation est aussi un enjeu de souveraineté important.

En ces temps budgétaires difficiles, il affiche la volonté de conserver l’ensemble des capacités

aujourd’hui détenues par nos armées : aucun abandon de compétence, aucun renoncement. C’est

crucial. Même si les efforts demandés sont lourds en termes de réduction d’effectifs en particulier,

nos ambitions sont intactes et il n’a pas été fait le choix d’un déclassement, comme certains ont pu le

prétendre. Ce concept est en effet totalement récusé par l’ensemble des acteurs, militaires et

experts, que j’ai pu auditionner.

Bien sûr, cela n’est pas acquis. Il conviendra de veiller au respect de la trajectoire financière de la

LPM, à l’euro près. Monsieur le ministre, vous pourrez compter sur l’appui des parlementaires pour

cette vigilance. Dans le cas contraire, il faudra s’attendre à de sérieuses difficultés avec le risque,

pour le coup, de décrocher réellement et rapidement, à l’image, par exemple, des Pays-Bas. C’est un

cas fréquemment cité par mes interlocuteurs au cours des auditions que j’ai menées dans le cadre de

la rédaction de mon avis. Les Pays-Bas ont tout fait pour conserver à tout prix leur triple A, allant

jusqu’à sacrifier leur outil de défense. Pour la première fois en quatre cents ans, la marine

néerlandaise ne patrouillera pas dans les Antilles.

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Par ailleurs ce souci de ne pas obérer l’avenir passe aussi par un effort important sur les études en

amont, avec in fine la volonté de préserver notre outil industriel, et sur la préparation opérationnelle.

Le projet de loi fixe des normes semblables à celles de la LPM 2009-2014. Il prévoit qu’elles soient

atteintes à partir de 2016, au fur et à mesure de la réalisation du nouveau modèle d’armée, avec une

attention soutenue en faveur de ce secteur. De même, le projet de loi entend combler trois lacunes

que connaissent depuis longtemps nos armées et qui ont été particulièrement criantes en Libye

comme au Mali. Il s’agit, vous le savez, de la question des drones, du ravitaillement en vol et du

transport.

Le projet de loi confirme l’acquisition de douze drones Reaper. D’aucuns pourront critiquer l’achat

sur étagère de matériel américain. Notre pays, il est vrai, ne manque pas de talents industriels ou

technologiques. Mais en quinze ans, qu’avons-nous fait ? Avons-nous réussi à combler notre lacune

capacitaire ? Non, rien que des conflits, des blocages et des discussions sans fin ! Il a fallu prendre

une décision et M. le ministre a décidé de combler cette lacune sérieusement handicapante pour nos

armées en achetant ce matériel. Nous saluons ce choix. Il en va de même dans le domaine du

ravitaillement en vol, avec la réalisation tant attendue du programme MRTT. Enfin, en matière de

transport aérien stratégique, la confirmation et la sécurisation du programme A400M doivent être

également saluées. La LPM contribuera à mettre fin à ces lacunes. C’est une bonne chose pour la

France et pour nos soldats.

Bien évidemment, je suis loin de minimiser les difficultés qui pèsent sur les missions que nos soldats

doivent assumer et personne, dans cet hémicycle, ne le fait. L’une d’elles me tient cependant

particulièrement à cœur : il s’agit de la capacité de la marine nationale à continuer à assurer, dans le

temps, ses missions de souveraineté. Pour mémoire, notre zone économique exclusive représente

11 millions de km2. On peut légitimement craindre que, dans ce domaine, la diminution constante

des moyens, ces dernières années, ne fragilise quelque peu la capacité de la France à préserver sa

souveraineté sur les espaces en sa possession. Mais on peut craindre aussi qu’elle ne réduise qu’à

peu de choses sa capacité à intervenir en cas de crise éloignée de la métropole. L’exemple du

Pacifique me paraît, à cet égard, particulièrement éclairant.

La Chine, le Japon et la Corée du Sud font partie des dix pays dont les dépenses militaires sont les

plus importantes. Les sources de conflit sont multiples dans ce secteur : les Kouriles, les Spratleys, les

Paracels ou les Senkaku. Le risque de conflits interétatiques y est relativement élevé et les

événements des jours derniers viennent renforcer notre inquiétude. La France aurait beaucoup à

perdre si un conflit éclatait dans cette région, relativement à ses alliances, bien sûr, mais aussi à son

économie puisque un quart du commerce international transite par cette zone. Un blocage nous

poserait de graves difficultés et nos moyens dans la région, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie,

seraient bien faibles, en tonnage, en nombre et en temps de réponse. Il serait paradoxal que notre

pays, alors même qu’il a la chance d’être présent sur tous les océans, ne puisse se reposer que sur

des unités basées en métropole avec les délais que cela suppose – plus de trente jours. Beaucoup de

questions restent en suspens. Nous devons être vigilants et exercer une amicale pression pour que

les futurs arbitrages, monsieur le ministre, ne soient pas une nouvelle fois défavorables dans ce

secteur tout particulièrement.

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Il m’a aussi semblé intéressant de me livrer à un exercice prospectif, comme nous l’avons fait au sein

de la commission des affaires étrangères, en m’intéressant à la prochaine programmation, celle qui

couvrira la période post-2020 – car les choix de 2020 se préparent en ce moment. D’ores et déjà,

deux thèmes seront au cœur des débats et doivent être discutés sans tarder pour mieux préparer

cette échéance. Le premier, qui a été développé par le ministre, est la cyberdéfense. Certes, le sujet

était déjà présent dans le Livre blanc de 2008 et il occupe une place importante dans celui de 2013.

L’actualité est brûlante en la matière, mais, dans ce domaine, nous ne sommes qu’au début de

l’histoire militaire. Le projet de loi contient plusieurs articles visant à adapter le droit aux nouveaux

défis. Il prévoit aussi un effort remarqué et important dans le développement de capacités militaires

dans ce domaine : c’est très positif. Mais la matière est en évolution constante et de nouvelles

interrogations se font jour, lesquelles occuperont une place croissante à l’avenir, comme celle de la

définition d’un cadre pour nos capacités de cyberdéfense offensives. Il reste en particulier à identifier

ou à définir une véritable doctrine française d’emploi de ces capacités, comme le cadre d’actions

collectives ou non, ainsi que le contrôle parlementaire de ce type d’actions.

Un second thème, plus sensible, est à mon sens à approfondir d’ici à 2020 : celui de la dissuasion

nucléaire. Levons d’emblée toute ambiguïté : je suis favorable à la préservation de notre dissuasion

nucléaire, avec ses deux composantes. Mais ce préalable posé, je ne reste pas sourd aux nombreuses

questions qui se posent dans le pays, qu’a relevées également la présidente de la commission de la

défense. La dissuasion est-elle utile ? Quelle utilité, en effet, peut avoir la dissuasion dans un monde

multipolaire ? Cette question peut légitimement se poser aujourd’hui, lorsque l’on sait que l’arme

nucléaire est une arme de guerre froide, conçue par des États pour paralyser d’autres États. Que

faire face aux menaces asymétriques ? De même, comment articuler la dissuasion et le

développement de moyens de défense antimissiles ?

Par ailleurs, la dissuasion est-elle soutenable financièrement ? Les crédits qui lui sont dédiés sont

importants. Dans le projet de loi de finances pour 2014, ils s’élèvent à 3,1 milliards d’euros en

autorisations d’engagement et à 3,5 milliards en crédits de paiement au total, en incluant les crédits

de tous les programmes de la mission « Défense ». Ces dépenses sont lourdes. Dans une situation

budgétaire tendue comme aujourd’hui, elles peuvent légitimement susciter un débat et nombreux

sont ceux qui voient là une solution pour améliorer le sort des unités conventionnelles. Ce débat

existe hors des armées comme dans les armées.

On peut également s’interroger sur la nécessité de disposer de deux composantes. Certains plaident,

par exemple, pour un abandon de la composante aérienne. S’appuyant sur des précédents

historiques, ils arguent notamment de sa vulnérabilité, sans pour autant voir son intérêt en appui de

la manœuvre diplomatique ou dans le cas où notre pays devrait donner un ultime avertissement. La

question du risque d’isolement de notre pays en Europe doit être également posée. Même si

l’attachement britannique à la dissuasion a été confirmé encore récemment par le Premier ministre

David Cameron, la décision définitive de poursuivre le programme nucléaire n’est pas encore prise et

devrait intervenir en 2016, après les élections législatives prévues en 2015. De surcroît, je tiens à

rappeler que la base des SNLE britanniques est située à Faslane, en Écosse. C’est là un élément à

prendre en compte à quelques mois du référendum sur l’indépendance de cette dernière, prévu en

septembre 2014.

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Or l’ensemble des questions que je viens d’évoquer ne font quasiment pas l’objet de débats

aujourd’hui en France, contrairement à ce qui peut se passer, par exemple, au Royaume-Uni ou aux

États-Unis. La Chambre des Communes a ainsi longuement discuté, l’été dernier, des alternatives

possibles au missile Trident. En 2006, le gouvernement britannique a publié un Livre blanc sur la

dissuasion, qui a été actualisé en 2012 et devrait faire prochainement l’objet de nouveaux

développements. Aux États-Unis, la Nuclear Posture Review assure la même fonction. La dernière a

été publiée en avril 2010, après celles de 1994 et de 2002. Elle découle d’une réflexion globale,

impliquant toutes les parties prenantes, et vise à fixer la stratégie nucléaire américaine pour les cinq

à dix années à venir. Sur la forme, c’est un travail de concertation, à tous les niveaux, sur une

thématique sensible. Sur le fond, la Nuclear Posture Review fixe les orientations à donner pour que

l’arsenal nucléaire américain réponde plus efficacement aux menaces actuelles.

Dans notre pays, trop souvent selon moi, la prééminence exclusive du chef de l’État, la

confidentialité de nombreuses informations et la nécessaire incertitude qui entourent la dissuasion

conduisent certains à considérer, à tort, que cette dernière ne doit et ne peut être débattue. On se

retranche derrière l’évidence d’un dogme établi et l’on recourt parfois à l’invective pour

décrédibiliser ses interlocuteurs. Il ne faut pas avoir peur de débattre de la dissuasion. Pas du

quotidien bien évidemment, des itinéraires des patrouilles du SNLE ou des performances exactes des

missiles ASMP emportés par les Rafale ! Mais notre stratégie peut et doit faire l’objet de débats

publics sur sa pertinence, sa crédibilité et son évolution. Si l’on souhaite renouveler le consensus

national sur les forces nucléaires, il doit reposer sur des arguments solides qui ne pourront

convaincre qu’à l’issue d’un débat où toutes les positions auront pu s’exprimer et où chacun aura pu

montrer la valeur de ses arguments. Rien ne serait pire que de disposer d’armes nucléaires sans

savoir pourquoi, en maniant des concepts erronés.

Qui plus est, le débat doit également servir à anticiper. Pensons par exemple à l’échec du tir d’un

missile M51, en mai dernier, au large du Finistère : une grande partie de la presse s’est alors étonnée

du coût de la dissuasion ! Il faut anticiper également les échéances puisque notre pays va devoir,

dans les années qui viennent, prendre des décisions lourdes pour poursuivre la modernisation et le

renouvellement de notre outil de dissuasion. Je songe notamment au lancement de la troisième

génération des SNLE dont les études préalables ont déjà commencé. Comme je l’ai souligné

préalablement, dans un contexte budgétaire contraint, le coût de cet effort de renouvellement

risque d’être moins accepté que par le passé, rendant plus que nécessaire la tenue d’un débat avant

que nous ayons à discuter de la prochaine loi de programmation militaire.

Je sais, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas opposé à une telle démarche, comme vous avez pu

m’en faire part le 2 octobre dernier en commission, lorsque vous m’avez répondu que prendre

l’initiative d’une réflexion sur la nature de la dissuasion dans un environnement de prolifération et

dans un contexte d’après-guerre froide ne vous dérangeait pas. C’est pour cela que je souhaite que le

Parlement se saisisse, dans les modalités que nous trouverons les plus adéquates, et comme vient

également de le proposer la présidente Patricia Adam, du débat sur ce sujet d’importance nationale,

qui a des implications militaires, diplomatiques, financières, économiques et environnementales.

Nous devons débattre, sans quoi il risquerait d’être trop tard.

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Ratification de la Charte européenne des langues régionales ou

minoritaires 22 janvier 2014

Discussion générale

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission

des lois, mes chers collègues, c’est avec joie que, dans un contexte un peu plus serein que cet après-

midi, nous entamons ce soir l’examen de cette proposition de loi constitutionnelle visant à ratifier la

Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Je dis « plus serein » tant il est vrai qu’il est difficile, en France, d’aborder ce sujet sans passion.

Tous, ici, sommes viscéralement attachés à l’unité de la République, mais tous, ici, sommes aussi

profondément attachés à la diversité et à la richesse de notre patrimoine linguistique.

L’une et l’autre sont indissociables, nul ne le conteste, alors pourquoi faisons-nous face à autant de

réticences ?

Je ne reviens pas sur l’historique complet de la Charte : sans révision de la Constitution, pas de

ratification de la Charte, nous sommes tous d’accord, et ce contrairement à ce que certains essayent,

avec peu de succès, de nous faire croire ce soir.

Mais soyons plus précis, car ceci a son importance : il s’agit en réalité de ratifier les titres I, II, IV et V

ainsi que les trente-neuf des quatre-vingt-six propositions de la partie III auxquelles la France a

souscrit. Et là aussi, le constat est implacable : le Conseil constitutionnel a jugé qu’aucune desdites

trente-neuf propositions n’était contraire à notre norme fondamentale.

Voici donc le premier point : les propositions qui nous sont données, c’est-à-dire la Charte dans ce

qu’elle a de plus de plus concret, de plus pratique, et donc de plus normatif, sont

constitutionnellement valides.

Et ces propositions sont non seulement valides mais, de fait, elles sont déjà appliquées.

« Si elles existent déjà, quelle est l’utilité d’une ratification » me direz-vous ?

Au-delà du fait qu’il est toujours bon de ratifier une convention internationale que l’on a signée, la

réponse est simple : il s’agit, d’une part, de sécuriser juridiquement les situations que l’on connaît ou

à venir, d’autre part d’entériner la lente et salutaire mue qu’a opérée la France à ce sujet.

Sécuriser ce qui s’est fait, essentiellement sous l’impulsion des collectivités locales et « sans statut

légal », est d’abord une nécessité en soi.

Nous sommes nombreux à nous être battus pour que des enseignements soient dispensés,

partiellement ou conjointement avec le français, en langue régionale. Aux obstacles financiers

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s’ajoutaient les obstacles administratifs, aux obstacles administratifs s’ajoutaient les problèmes de

postes d’enseignants, ou le risque judiciaire, aujourd’hui toujours prégnant dans un certain nombre

de cas. Je tiens cependant à préciser que ce qui est vrai dans un sens l’est aussi dans l’autre. Nous

devons encadrer pour permettre les initiatives, nous devons encadrer pour pouvoir les limiter

lorsque nous considérons que cela va trop loin et se révèle être en conflit avec l’article 2 de notre

Constitution.

Or, tout ceci n’est possible que dans le cadre d’un régime juridique clair. L’épanouissement relatif

que connaissent les langues régionales s’est fait dans une zone de non-droit ; il est l’heure de lever ce

flou. Le manque de reconnaissance allié à une telle précarité juridique peut devenir une source de

radicalisation bien inutile. Si la politique linguistique unificatrice a autrefois été utile et peut-être

nécessaire, force est de constater qu’elle ne l’est plus désormais. Les recettes d’hier ne sont pas les

solutions d’aujourd’hui.

Pour autant, il n’est pas vrai de dire que notre politique linguistique est aujourd’hui encore

répressive. Elle a bel et bien évolué – et c’est bien le moins. Mais précisément, pourquoi ne pas

l’acter ? Pourquoi ne pas solder définitivement cette période ? Car au fond, c’est bien ce que

permettrait la ratification : elle ne ferait qu’entériner cette situation, cette transition que l’État

français a fort légitimement effectuée, d’un régime qui uniformise aveuglément, à la reconnaissance

institutionnelle de la diversité comme terreau de la Nation.

Certains vont jusqu’à arguer de risques pour la cohésion nationale et l’unité du peuple français.

Chers collègues, n’agitons pas inutilement un chiffon rouge et cessons d’appréhender les langues

comme une menace !

La vérité est que promouvoir les langues régionales n’est en rien le signe d’un repli communautariste

ou régionaliste. Bien au contraire, c’est le signe d’une saine vitalité et d’une diversité qui renforce la

France ; c’est encourager la pratique du multilinguisme et l’ouverture d’esprit ; c’est la

reconnaissance des parcours, de la culture, de l’histoire, de l’identité personnelle. Si, comme

l’écrivait Ernest Renan, « une langue ne constitue pas une nation », elle fait en revanche partie

intégrante de l’identité de chaque individu. Elle est au fondement même de celle-ci puisque nous

pensons par et grâce à la langue.

Ce n’est pas une histoire de Bretons, de Corses, de Catalans, ou d’Alsaciens que nous avons à écrire ;

c’est une histoire de Français voulant parler le breton, le corse, le catalan ou l’alsacien. C’est l’histoire

d’un pays, d’une République qui n’a plus peur de son passé, qui est sûre de ses fondations pour

permettre enfin la reconnaissance d’histoires et de cultures complémentaires.

La France est indivisible. Mais la France est plurielle, riche de ses territoires, de ses cultures, de ses

langues. Le reconnaître ce n’est pas s’attaquer à la République, c’est la renforcer ; le déni, le refus de

reconnaissance, c’est exacerber les divisions. La reconnaissance, c’est l’apaisement ; la

reconnaissance, c’est le respect ; la reconnaissance, c’est l’intégration. La reconnaissance, c’est tout

simplement la République !

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Projet de loi d’orientation et de programmation relative à la

politique de développement et de solidarité internationale 10 février 2014

Discussion générale

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, enfin

un projet de loi d’orientation sur l’aide au développement, un projet de loi permettant transparence,

traçabilité et contrôle démocratique. C’est important car nous savons tous combien les politiques

internationales de développement restent – malheureusement – utiles et primordiales à l’heure où

1,3 milliard d’êtres humains vivent encore avec moins d’un euro par jour.

Rappelons-le : la solidarité internationale est là pour pallier les carences du marché mondialisé, dont

profitent des pays développés comme le nôtre. La bataille est cependant loin d’être gagnée : le

rapport des Nations unies sur les objectifs du millénaire met en lumière de grandes carences. En

Afrique subsaharienne, aucun des huit objectifs ne sera atteint d’ici à 2015. À rebours de la tendance

mondiale, le fait que le montant de l’APD française pour 2014 soit en hausse est un signe

encourageant.

Il faudra tout de même veiller, d’une part, à la bonne réalisation de ces prévisions dont je rappelle

qu’elles ont été revues à la baisse pour les deux exercices budgétaires précédents. D’autre part, nous

devons promouvoir une définition plus stricte de la notion d’APD et la conception d’un indicateur

mesurant précisément l’effort budgétaire consenti. C’est un point important qui a fait l’objet de

longs débats en commission.

Nous savons pertinemment que l’usage d’un indicateur biaisé contribue à fausser l’appréciation des

politiques de coopération, notamment parce que les chiffres sont artificiellement gonflés par un

certain nombre d’éléments qui ne devraient pas faire partie du calcul. Je pense, par exemple, à l’aide

aux réfugiés ou à l’annulation de dettes. Je pense aussi, et nous devrons nous interroger

sérieusement ce soir sur ce point, à la légitimité de l’intégration dans l’APD du financement d’actions

dans les outre-mer, qui s’élève à 1,5 milliard d’euros. Ce sont tout de même des compatriotes !

Monsieur le ministre, votre projet de loi engage de profonds changements, et c’est heureux. Mais le

Parlement ne serait pas le Parlement s’il n’était pas là pour apporter sa pierre à l’édifice. Les débats

ont été intenses en commission, et je ne doute pas qu’ils le seront encore aujourd’hui.

Dans la même veine que l’excellent rapport Bacquet-Ameline, nous sommes nombreux à penser que

la France doit assumer des orientations politiques et des objectifs clairs. Ne soyons pas naïfs, aucune

politique d’aide ne trouve son fondement dans des motivations uniquement compassionnelles. Cela

ne veut pas dire que ce facteur ne tienne pas une place centrale, et je l’ai déjà rappelé. Mais nous ne

gagnons rien à refuser d’exposer nos ambitions à l’aune de nos intérêts. Au contraire, nous perdons

en lisibilité, et donc en compréhension, vis-à-vis de nos concitoyens et de nos partenaires.

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Notre politique internationale de développement est l’incarnation d’une vision. Qui le niera ? Oui,

nous avons des intérêts stratégiques, ceux d’aujourd’hui et ceux que nous préparons pour demain.

Oui, nous avons une histoire longue et complexe avec de nombreuses parties du monde, des liens

forts, des relations à construire, parfois même à reconstruire. Bien sûr, nous devons privilégier la

gestion de crise et le développement dans notre environnement immédiat, à nos frontières, dans le

bassin méditerranéen et au Sahel. Affirmer cela, ce n’est pas faire preuve d’un quelconque égoïsme,

c’est faire montre d’honnêteté sans rien obérer de la dimension humaine de notre action, comme la

plupart des grands États donateurs le fait déjà. C’est pourquoi nous sommes nombreux à souhaiter

un rééquilibrage entre bilatéralisme et multilatéralisme.

Il est difficile d’opérer un tel processus, pour des raisons qui tiennent tant au contexte budgétaire

qu’aux engagements pluriannuels qui nous lient, et nous le savons très bien. Mais c’est précisément

le rôle d’un tel projet de loi que de fixer un horizon et des objectifs. La France a, au regard du niveau

de son aide et de son implication, tous les atouts pour figurer parmi les leaders de l’APD mondiale.

Cessons donc de gaspiller nos ressources dans de petites actions sans impact ni visibilité.

Bien sûr, nous n’ignorons pas le rôle prépondérant des mécanismes multilatéraux, souvent efficaces

pour traiter des problématiques transversales. Nous parlons simplement de recentrage, de

rééquilibrage, de complémentarité. Dans cette logique de rationalisation, affirmons alors quelques

principes directeurs : définir des lignes de conduite dans la répartition des crédits envers les

partenaires et les associations de développement ; éviter le saupoudrage ; se concentrer sur les pays

pauvres et définir des priorités précises sur la liste des PMA ; revoir en profondeur notre politique de

choix d’instruments. Il faut distinguer, comme vient de le dire Philippe Baumel, l’utilité du recours

aux prêts pour les pays solvables du recours aux dons pour les pays fragiles qui n’ont pas les

capacités pour accéder aux prêts.

Enfin, nous devons mettre sur la table la possibilité que le produit perçu des prêts alloués par nos

opérateurs APD soit reversé directement à la politique de développement, au lieu qu’il abonde,

comme c’est le cas actuellement, le budget général de l’État. Partant, il serait judicieux que ces

recettes bénéficient prioritairement à la politique de dons dans le cadre de l’aide bilatérale.

La commission des affaires étrangères a fait sienne la proposition de notre collègue Bacquet qui vise

à encourager une telle pratique. Je crois que c’est une demande raisonnable. Si ce n’est pas

maintenant, cela se fera au moment du contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence française de

développement.

Et ne doutez pas de nos motivations. Donner, ce n’est pas un acte unique et sans lendemain ; c’est

un lien qui construit, un lien d’amitié, un lien de solidarité, un lien d’humanité. Il est encore plus fort

dans les temps d’effort et de disette budgétaire. C’est aussi cela le message de la France, le message

de ce projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, et que nous approuverons.

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Proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des

maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la

sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la

concurrence déloyale 18 février 2014

Discussion de l’Article 1er

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est bienvenu parce qu’il

vient clore une longue période durant laquelle les professionnels, les syndicats et les élus locaux ont

sonné l’alarme. Au nom de la libre circulation, l’Europe a laissé se créer un monstre qui en était venu

à tuer l’idée même d’Europe au sein des peuples. Le désastre économique de l’abattoir Gad, qui a

frappé l’opinion publique, a été l’un des catalyseurs ayant fait comprendre à de nombreuses

personnes qu’il fallait se décider à bouger.

Ce qui était en cause, c’était aussi la concurrence entre salariés européens. Le différentiel de

cotisations entre deux États membres, c’est le delta qui incite à l’évasion sociale, mais c’est aussi l’un

des facteurs ayant une incidence sur le coût de la côte de porc ! Avec mes collègues Chantal Guittet

et Richard Ferrand, combien de fois avons-nous entendu, à la sortie des usines, les salariés français

hurler contre des salariés roumains ou allemands ! C’était l’idée même de l’Europe qui était ainsi en

train de se détruire, sous la forme d’un retour du choc des nationalités. Il n’était plus possible

d’assister à ce phénomène sans réagir, il fallait une réponse politique forte !

Quelques premières réponses ont été émises, de la part de Martin Schulz, président du Parlement

européen, mais aussi des députés Michel Piron, Gilles Savary, Chantal Guittet et Richard Ferrand,

sous la forme de rapports nous invitant à prendre conscience de la gravité de la situation. Le

Gouvernement a, lui aussi, pris position et entrepris un combat nécessaire, qui allait se solder par la

victoire du 9 décembre dernier.

Le texte dont nous débattons ce soir vient anticiper les décisions de l’Union européenne, laquelle est

soumise à des temps beaucoup plus longs que ceux régissant notre démocratie et nos concitoyens.

Comment anticipe-t-il ? En mettant en place une liste noire, en permettant aux syndicats de se

constituer partie civile, et en instaurant la solidarité financière avec les maîtres d’ouvrage, ainsi que

le principe de la double déclaration, qui interdit que certains professionnels puissent continuer à

frauder le fisc en continuant à prétendre qu’ils ne savaient pas.

Il était temps de prendre des décisions pour faire cesser ce qui n’était plus acceptable. Pour cela,

nous félicitons les rapporteurs de cette proposition qui, si elle vient un peu tard pour les salariés qui

ont vu leur usine fermer du fait de la non-application de la directive, a le mérite d’exister enfin. Le

texte qui nous est soumis va au moins pouvoir stopper les abus futurs, ce qui constitue une avancée

importante pour la France et ses salariés, mais aussi pour l’Union européenne.

Page 13: Interventions   gbui

12

Projet de loi actualisant la programmation militaire pour les

années 2015 à 2019 Rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

4 juin 2015

Discussion générale

L’actualisation qui nous est présentée aujourd’hui a quelque chose d’extraordinaire : pour une fois, il

ne s’agit pas de revoir à la baisse les crédits d’une loi de programmation militaire, mais bien de les

augmenter. Or, combien de Cassandre avaient prédit un retour piteux du Gouvernement devant cet

hémicycle, anticipant l’échec de la LPM ?

Non seulement les engagements de la loi de programmation militaire seront tenus, mais ses crédits

seront augmentés, ce qui constitue une première depuis bien longtemps. Monsieur le ministre, nous

devons vous rendre hommage pour cela. Votre engagement et votre détermination ont été entendus

par le Président de la République. Les arbitrages rendus étaient difficiles dans le contexte budgétaire

que nous connaissons tous, mais n’en étaient pas moins indispensables.

Depuis la rédaction du Livre blanc de 2013, la situation internationale n’a cessé de se dégrader. Les

ruptures stratégiques se sont succédé : janvier 2013, lancement de l’opération Serval ; printemps

2014, annexion de la Crimée par la Russie ; été 2014, montée en puissance de Daech, opération

Barkhane, propagation rapide de l’épidémie d’Ebola, puis montée des tensions en mer de Chine ;

novembre 2014, cyberattaque de la Corée du Nord contre Sony ; et enfin, en janvier 2015, les

attentats à Paris. Dans ce contexte, les missions des armées ont explosé. Aux engagements extérieurs

nombreux et durables se sont ajoutées les mesures de réassurance et, à présent, l’opération

Sentinelle sur le territoire national. La marine est déployée en permanence dans cinq zones

maritimes, alors que le Livre blanc n’en prévoyait que deux.

Dans ces conditions, les armées n’avaient plus les moyens de remplir toutes les missions qui leur

étaient confiées par l’exécutif. Cette situation n’était pas tenable dans la durée. Il fallait opérer un

choix. Le Président de la République l’a fait. Il repose sur deux décisions fortes : la sécurisation des

ressources de la programmation initiale et l’affectation de 3,8 milliards supplémentaires au budget

de la défense.

La sécurisation des ressources de la LPM est un acquis essentiel. Nous pouvons tous nous en réjouir,

majorité comme opposition, et j’espère l’entendre tout à l’heure. La programmation initiale reposait

sur trois hypothèses risquées : les recettes exceptionnelles – REX, la vente des Rafale et la maîtrise

des opérations extérieures – OPEX. L’actualisation remplace les REX par des crédits budgétaires, ce

qui est une très bonne chose. Les contrats signés avec l’Égypte, le Qatar et bientôt l’Inde pourront

faire tourner les chaînes de production et les bureaux d’étude de Dassault sans que le budget de la

défense n’ait à porter ces activités. Deux de ces hypothèses risquées sont donc évacuées. Reste la

maîtrise des OPEX, qui seront toujours confrontées au même aléa, quels que soient la LPM et le

gouvernement.

Page 14: Interventions   gbui

13

S’agissant des 3,8 milliards d’euros de crédits supplémentaires, je me contenterai de deux

observations. Premièrement, une grande partie, soit 2,8 milliards, sera absorbée par la préservation

de 18 750 postes, dont la vocation principale est de permettre à l’armée de terre de recruter afin de

pérenniser l’opération Sentinelle. Il faudra être très vigilant, et je sais que vous l’êtes, monsieur le

ministre, pour que cette nouvelle mission ne conduise pas à désavantager l’armée de l’air et la

marine. Elles sont très engagées dans des missions aussi essentielles que la protection du territoire

national ou la liberté de navigation. Ce sont des armées très techniques, caractérisées par la

présence de spécialités nombreuses et difficiles à conserver. Enfin, elles jouent un rôle fondamental

dans le soutien aux exportations, qui mobilise près de 200 pilotes et mécaniciens dans l’armée de

l’air et un demi-équipage de FREMM pour l’Égypte. Il faudra donc impérativement que la répartition

des postes préserve aussi la capacité de ces deux armées.

Ma deuxième observation concerne les mesures prévues pour les équipements. L’excellente nouvelle

que constituent ces 2 milliards supplémentaires mérite d’être consolidée par la production d’un

document en direction du Parlement fixant les calendriers précis d’acquisition et les enveloppes

prévues par équipement. Cela renforcera indéniablement la confiance au sein des armées.

Voilà ce que je souhaitais vous dire sur les nouvelles mesures annoncées, qui me semblent, je le

répète, salutaires et courageuses. Mais je ne crois pas que notre débat doive se limiter simplement

aux questions budgétaires : elles appellent un questionnement plus profond sur les fondamentaux de

la politique de défense. À cet égard, deux sujets préoccupent la commission que je représente.

Le premier sujet, qui touche, à vrai dire, au cœur de cette actualisation, est la pérennisation de

l’opération Sentinelle. La France est l’une des seules démocraties occidentales à faire le choix de

déployer son armée sur le territoire national. Si cette opération a véritablement vocation à devenir

permanente, cela constituerait un changement doctrinal profond pour notre politique de défense. Le

Parlement doit être pleinement associé à cette réflexion. Il en est de même pour le cadre juridique et

le contrôle parlementaire de la mission. De fait, 7 000 soldats en permanence dans les rues de

France, c’est un chiffre considérable, presque égal au nombre de militaires engagés en opération

extérieure. Il est donc utile de sécuriser l’opération Sentinelle, pour les militaires eux-mêmes mais

aussi pour nos concitoyens, qui pourraient s’interroger sur son sens.

Deuxième sujet de préoccupation : les exportations d’armement. Comme tout le monde, je me

réjouis des succès à l’exportation du Rafale, mais nous devons nous interroger sur les conséquences

stratégiques de ces ventes d’armements. En effet, nous ne vendons pas seulement des matériels

mais aussi des alliances, des accords. Or, qui sont nos clients ? L’Égypte, le Qatar, l’Arabie Saoudite, le

Liban et peut-être, bientôt, les Émirats arabes unis. Cela n’est pas neutre, et pourrait être compris

comme le choix d’un camp, celui des sunnites, contre un autre. Il est donc nécessaire d’indiquer

clairement que notre position diplomatique n’a pas changé. Elle reste la recherche de l’équilibre. La

paix dans cette région passe par une normalisation des relations avec l’Iran.

Page 15: Interventions   gbui

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La commission des affaires étrangères estime que cette actualisation est une excellente chose. Elle

autorise les armées à répondre aux défis qui leur sont posés et permet à la France de conserver son

statut de grande nation. Tel est l’apport, majeur, de cette réactualisation.

Page 16: Interventions   gbui

15

Approbation de l’accord France Russie sur les bâtiments de

projection et de commandement 17 septembre 2015

Discussion générale

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers

collègues, que de bruits autour de cette affaire ! Que de bons apôtres ou de procureurs mal

intentionnés ! Que de vaines querelles, en fin de compte !

Voilà maintenant deux ans que cette vente d’armes empoisonne nos relations diplomatiques,

envenimant celles que nous entretenons avec la Russie et compliquant celles qui nous lient à nos

alliés. Ses conséquences financières sont source d’interrogation et font peser sur DCNS une épée de

Damoclès. Que fallait-il faire ? Quelles étaient les options ? Repousser une nouvelle fois la décision,

comme certains ont pu le prôner au sein de la commission des affaires étrangères ? Brader nos

intérêts ? Mépriser nos alliés ? Élargir un peu plus encore le fossé entre notre ami le président

Poutine et nous ?

Examinons les arguments et tentons de transformer ces vaines querelles, non dénuées d’arrière-

pensées franco-françaises, en une discussion utile à tous.

Partons de l’objection que l’on nous oppose : l’accord de non-livraison discréditerait la signature de

la France dans le commerce international des armes. Certains prétendent même que ce refus de

transfert serait un coup d’arrêt à notre industrie. Un peu de mesure n’aurait pas fait de mal car cet

argument ne résiste pas à l’épreuve des faits. Faut-il le rappeler ? les carnets de commandes n’ont

jamais été aussi remplis. Celles-ci ont même battu un record cette année, puisque notre pays a

enregistré plus de quinze milliards d’euros de commandes d’armement en un an, après les

8,2 milliards d’euros engrangés en 2014, ce qui constituait déjà un record. Cela représente plus de

30 000 emplois sur notre territoire pour plusieurs années, ce qui, dans le contexte national, est

plutôt appréciable.

Craindre l’affaiblissement de notre signature à l’international est en réalité un argument bien

étrange, alors que nous réussissons, que vous réussissez, monsieur le ministre, avec le

Gouvernement, à vendre enfin des Rafale, après la succession d’échecs commerciaux qu’ont connue

vos prédécesseurs, et alors que vous relancez les ventes de frégates, de patrouilleurs et

d’hélicoptères.

L’Égypte, le Qatar, l’Arabie saoudite, l’Inde, la Pologne n’ont semble-t-il aucune difficulté avec la

crédibilité de notre signature. Il n’est qu’à voir les dates : en décembre 2014, la livraison des BPC est

bloquée par la France ; le 11 mars 2015, la France signe avec l’Égypte un contrat de vente de Rafale ;

le 4 mai 2015, un contrat similaire est signé avec le Qatar.

Page 17: Interventions   gbui

16

Si la crédibilité de notre signature posait problème, l’Égypte et le Qatar auraient-ils signé ces contrats

commerciaux avec la France ? Jamais ! Et que dire des perspectives de contrats avec la Malaisie, les

Émirats Arabes Unis ou le Qatar ? La crédibilité de la signature française n’y suscite pas davantage le

doute ! En fait, cet argument se retourne aisément : loin de faire de la France un partenaire indigne

de confiance, refuser de livrer ces bâtiments dans un tel contexte renforce la fiabilité de notre

signature aux yeux de ceux qui savent lire une situation stratégique.

Tout d’abord, nous faisons la démonstration que le commerce et la recherche de devises ne sont pas

les seuls objectifs de ces contrats. Une vente d’armes n’est pas une transaction comme les autres.

Elle a pour objectif de vendre des produits destinés à la destruction et à la guerre. Elle ne peut

s’affranchir de l’analyse du contexte régional ni de leur destination et de leur usage potentiel. On ne

saurait ignorer que vendre un navire, un avion ou un missile, c’est aussi nouer une alliance avec un

partenaire et créer les conditions d’une étroite collaboration entre nos armées respectives, en

termes de formation et de suivi mais aussi de connaissance réciproque des matériels et des

techniques. Cela consiste à créer de la confiance et des échanges entre les troupes. C’est aussi cela,

un contrat d’armement : une relation stratégique durable.

Tel était le sens de la signature du contrat Mistral avec la Russie le 25 janvier 2011, malgré ce qui

s’était passé en Géorgie en 2008 et malgré la mobilisation active et effrénée du Président de la

République d’alors. Il s’agissait apparemment de créer un pont, d’établir un lien avec notre voisin

russe afin de l’arrimer un peu plus à l’Europe – c’est ainsi du moins que j’ai compris la signature de ce

contrat. Mais le contexte géopolitique a radicalement changé depuis 2014. L’offensive russe en

Ukraine n’est pas un épiphénomène, l’annexion de la Crimée encore moins.

Elle n’est pas un aléa entre voisins, un enfantillage sans conséquence mais une rupture stratégique

majeure : elle met à bas un pan complet du consensus dont l’intangibilité des frontières fait l’objet et

piétine des engagements internationaux, et non des moindres. En effet l’article 2 de la Charte des

Nations Unies dispose dans son quatrième alinéa que « les Membres de l’Organisation s’abstiennent,

dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force […] contre

l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État ».

Elle viole aussi l’Acte final de la Conférence d’Helsinki signé en 1975 organisant le respect des

frontières en Europe ainsi que le mémorandum de Budapest signé en 1994 garantissant l’intégrité et

l’indépendance de l’Ukraine en échange de son engagement à se défaire de son stock d’armes

nucléaires. L’attitude de la Russie ressuscite la pire des perspectives, celle de la guerre entre États

européens. Il n’est donc pas exagéré de considérer l’invasion de l’Ukraine comme une réelle menace

pour le continent européen et donc pour les intérêts vitaux de la France.

Elle est perçue comme telle par les voisins directs de la Russie, qui appellent à l’application effective

de la clause de défense collective prévue par la Charte de l’Alliance Atlantique et, dans leur crainte

réclament des mesures de réassurance et le retour de forces américaines sur leur sol. Bref, c’est

l’escalade !

Page 18: Interventions   gbui

17

Mon propos ne vise pas à prophétiser une catastrophe mais nous devons rester sur nos gardes. Un

dérapage est toujours possible. Une erreur peut en amener une autre, puis une autre, en une

escalade menant au désastre. La destruction de l’avion de la Malaysia Airlines en est un exemple

flagrant. Lorsque les bombardiers stratégiques russes longent à nouveau nos côtes comme au temps

de la Guerre froide, certes hors de nos eaux territoriales mais dans nos zones de régulation du trafic

aérien, quand les navires russes patrouillent en face de l’Île Longue et que les flottes russes et

chinoises exécutent des manœuvres en Méditerranée, sont-ce des signes d’amitié ? Pas du tout !

Ces manœuvres en Méditerranée sont des démonstrations de force. Tel est le contexte de la livraison

des Mistral, et rien d’autre.

La qualité de notre signature internationale dépend aussi de la capacité que l’on nous prête à lire les

situations stratégiques en temps réel et à agir en conséquence. C’est l’analyse des options

stratégiques qui explique la décision du chef de l’État. Le Président de la République n’est pas tiraillé

entre nos alliés et les Russes, entre la paix et le commerce ! Il prend acte de la rupture de la doctrine

russe et agit en conséquence. La paix domine le commerce. L’intérêt de la France n’est pas la

résultante des pressions des États-Unis et de la Russie. Ce ne sont pas la Pologne ni les pays baltes

qui font notre diplomatie.

Notre sécurité, nous ne la déléguons à personne. Or les conditions de sécurité ne sont plus réunies

pour cette livraison.

Cette décision renforce notre crédibilité, malgré vos dénégations, cher collègue. Elle est le visage

d’une France qui est une puissance stratégique et pas seulement un fabricant d’armes reconnu. Elle

montre clairement que nous plaçons les alliances et les partenariats stratégiques au-dessus des

contrats strictement commerciaux. Cette claire hiérarchie n’implique pas le mépris des

considérations financières, et je tiens à saluer le fait que le Président de la République ne limite pas

sa responsabilité au domaine réservé que la Constitution tend à lui attribuer : il se préoccupe aussi

beaucoup de l’état des finances de notre pays. Nous le savons tous ici et cela nourrit suffisamment

de débats entre nous pour être rappelé.

La recherche d’un accord à l’amiable démontre avec clarté le souci de préserver nos finances

publiques. Le refus de livrer les Mistral entraîne certes un coût pour les finances publiques et les

contribuables, comme toute résiliation de contrat, mais est maîtrisé. De longs débats en commission

des affaires étrangères nous ont éclairés à ce sujet, même si certains y sont revenus et y reviendront

encore par plaisir ou par masochisme, les uns prévoyant l’apocalypse financière, les autres une

Berezina juridique, car les débats de notre Assemblée ne sont hélas ! pas toujours exempts d’excès.

Pourtant, la méthode de l’accord à l’amiable constitue un autre argument en faveur de la crédibilité

de la France comme de l’accord et devrait réjouir les plus russophiles d’entre nous. Nous aurions pu

tenter de gagner du temps en utilisant les outils internationaux d’arbitrage, ce qui aurait été long et

aléatoire et surtout dangereux pour DCNS. Selon son P.-D.G. lui-même, passer devant les juridictions

Page 19: Interventions   gbui

18

ad hoc constituait un risque financier colossal car le risque juridique aurait pesé pendant trois à

quatre ans, telle une épée de Damoclès, sur les épaules de l’entreprise, lui interdisant tout

investissement et lui enlevant toute crédibilité. Surtout, l’accord permet de rechercher au plus vite

de nouveaux acquéreurs pour ces navires. Nous comptons à nouveau sur le talent du Gouvernement

pour trouver des acquéreurs !

Les vraies puissances n’ont pas besoin d’arbitre pour régler leurs différends. La conclusion d’un

accord équilibré est un signe important, lisible et compréhensible par tous. Il prouve l’importance de

la France aux yeux de la Russie et témoigne d’une volonté partagée de ne pas ajouter la tension à la

tension dans la relation franco-russe. Malgré ce refus de livraison et la guerre sur le sol ukrainien,

chacun sait, ici comme à Moscou, que nous devons tout faire pour apaiser les tensions, retrouver les

voies du dialogue et restaurer la confiance. Ni Moscou ni Paris n’avaient intérêt à prolonger le

contentieux. C’est pourquoi chaque partie a voulu avancer rapidement avancer vers cet accord à

l’amiable et qui ne lèse personne.

Financièrement, les Russes retrouvent leurs engagements. La France retrouve la propriété des deux

navires et la capacité de les exporter. Les coûts supplémentaires de dédommagement sont

raisonnables, tant les frais de formation que les frais de développement de matériels spécifiques par

les Russes. Bref, chacun a voulu solder ce différent sans outrage ni rupture supplémentaire. Je suis

particulièrement fier de la maturité stratégique de notre pays, que démontrent ces décisions lourdes

prises dans le contexte que j’ai rappelé. Loin d’être un commentaire sur ce qu’aurait dû faire ou ne

pas faire tel ou tel, la discussion d’aujourd’hui doit faire progresser la conscience collective, sur tous

les bancs et dans tout le pays, qu’il existe un chemin pour éviter de répéter les erreurs du XXe siècle.

Ce chemin est un chemin de crête. Nos alliés sont aussi des adversaires économiques et nos

partenaires cachent mal leurs appétits territoriaux.

La fin de la Guerre froide avait amoindri la crainte des conséquences mondiales d’un conflit entre

puissances. La situation du Moyen-Orient, qui a fait l’objet de trois jours de discussion au Parlement,

rappelle que tous les pays, proches ou lointains, occidentaux ou non, doivent craindre les

conséquences d’une aggravation. Nous aurons besoin les uns des autres, de nos influences

respectives comme de notre capacité à agir dans d’autres parties du globe. Les périls sont nombreux

et les ennemis parfois communs.

La gestion par la France de la crise des Mistral a montré sa capacité et sa détermination à œuvrer

efficacement au rapprochement des grandes puissances sur cette question. Ce débat en appelle donc

d’autres et cet accord d’autres accords, je l’espère, mais ce chapitre de la relation franco-russe doit

se refermer afin de restaurer au plus vite des relations normalisées et respectueuses entre les deux

États et d’œuvrer pour la paix sur le continent et la stabilité dans le reste du monde.

Page 20: Interventions   gbui

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Projet de loi de finances pour 2016

Mission « Action extérieure de l’Etat » 04 novembre 2014

Discussion générale

Voilà maintenant trois ans, le ministre Fabius engageait une mutation importante du ministère des

affaires étrangères : le Quai d’Orsay devait s’orienter vers la défense de nos intérêts économiques –

non qu’il ne s’en occupait pas auparavant, mais désormais, c’est devenu l’une des pierres angulaires

de l’action extérieure de l’État. Cette décision n’est pas sans conséquences sur l’armature budgétaire

de ce ministère. De fait, le dispositif diplomatique et consulaire a fortement évolué sous la présente

législature, ce qui est encore plus difficile à réaliser dans une période où chaque euro public vaut plus

cher.

Des efforts lui ont été demandés, comme à tous les ministères. Puis, cette année, les crédits de la

mission « Action extérieure de l’État » ont connu une hausse de 8,2 %, soit plus de 240 millions

d’euros. Cette hausse salutaire s’explique par notre ambition de réussir « Paris Climat 2015 », la

conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de

2015, dite aussi COP 21. S’engager pour le climat, s’engager pour la planète, c’est une cause juste et

belle, mais cela a un coût, qui doit être mis en regard des enjeux constitués par la réunion des

196 États participants et la recherche d’un accord ambitieux et contraignant, d’un accord liant le

Nord et le Sud, visant à préserver notre planète du réchauffement climatique. C’est une

responsabilité historique qui pèse sur nos épaules, et nous espérons tous un succès de notre

diplomatie dans quelques semaines, non pas pour nous, non pas pour le président Hollande, non pas

pour la France, mais tout simplement pour la seule race qui existe : la race humaine.

Mais ce budget voit aussi l’augmentation des crédits pour tenir nos engagements financiers

internationaux, s’agissant notamment des opérations de maintien de la paix ou des principales

négociations dans les enceintes internationales. En effet, un pays comme la France a un droit – siéger

au Conseil de sécurité – mais aussi des devoirs – participer à ces opérations.

La baisse de l’euro, qui est un atout appréciable pour nos exportations, n’en constitue pas moins une

charge budgétaire quand nos engagements vis-à-vis des organisations internationales sont libellés en

dollars ou en francs suisses. Il fallait couvrir cet effet défavorable afin de ne pas pénaliser l’action de

notre ministère et éviter de procéder à des coupes douloureuses. C’est ce qu’a décidé le Premier

ministre : ces facteurs extérieurs ont donc été neutralisés dans le budget, ce dont il faut se féliciter.

Il n’en reste pas moins que, dans le contexte financier que nous connaissons, les efforts demandés à

ce ministère sont lourds. Ils sont pourtant nécessaires, car chacun doit participer au redressement

des comptes du pays. Nous le savons tous. Ils sont justes, car le maintien du budget de la mission

« Action extérieure de l’État » prend acte du contexte géopolitique complexe, chahuté et de la

nécessité d’avoir une diplomatie qui tienne son rang et participe au rayonnement de notre pays. La

Page 21: Interventions   gbui

20

progression de 45,8 % des crédits de coordination du réseau diplomatique, figurant dans le

programme 105, témoigne de cette ambition.

La sécurité de nos missions diplomatiques est un devoir auprès de nos compatriotes et de nos

fonctionnaires. Les menaces sont en effet nombreuses. Les attentats ou les tentatives d’attentats

contre nos ambassades nécessitent de ne pas baisser la garde et d’y mettre les moyens. Vous le

faites : c’est cela, avoir le sens de l’État.

Cependant, à l’occasion de l’examen de ce budget, deux réflexions ont animé nos débats. Philippe

Baumel vous a déjà interpellé, lors de la présentation de son rapport budgétaire, sur la baisse des

crédits de la coopération militaire. Pas un d’entre nous n’est rentré de mission parlementaire sans

avoir dans son « paquetage », si je puis dire, une demande de meilleure coopération militaire. De

fait, celle-ci constitue un facteur déterminant de nos alliances et de notre influence.

Les soldats étrangers y apprennent notre langue, notre façon de penser, comprennent nos modes

opératoires. Les anciens de Saint-Cyr, de l’École navale, sont bien souvent les premiers avocats de la

francophonie et de la francophilie. Ce sont des acteurs de notre diplomatie. La baisse de ces crédits

de 15 % ne peut donc être que conjoncturelle, nous tenons à le dire pour mieux préparer le budget

de l’année prochaine. Cette collaboration est un élément très fort pour lutter contre l’instabilité du

Sahel et du Moyen-Orient. L’interopérabilité des forces africaines avec notre armée, et donc notre

efficacité collective contre le terrorisme, passe par une meilleure coopération, une collaboration

accrue.

La seconde réflexion fait écho à une proposition de François Loncle. Le fait est que l’action culturelle

et éducative de la France à l’extérieur ne peut être seulement portée par le Quai d’Orsay. De fait, on

constate une baisse des crédits du programme 185 de 3,9 %, qui est l’un des symptômes de la crise

actuelle.

Au groupe SRC, il nous paraît nécessaire que le ministère de l’éducation nationale comme celui de la

culture soient mis à contribution pour participer à cet effort de rayonnement. Nous souhaitons la

mise en place d’un groupe de travail pour contribuer à l’évolution et au partage de ces engagements.

De fait, la demande de culture et de langue française reste très élevée. Les instituts français sont des

atouts de notre rayonnement. Vous comptez sur leurs capacités d’autofinancement : il faut sans

doute chercher en ce sens, mais nous ne nous attendons pas à un miracle budgétaire, malgré les

grandes prédictions de Bercy. Nous savons qu’il faudra un retour des engagements financiers de

l’État. C’est la raison pour laquelle nous proposons ce groupe de travail.

Enfin, monsieur le secrétaire d’État, de nombreuses questions se posent au sujet des bourses

relevant des programmes 151 et 185. De nombreux collègues souhaitent que le Gouvernement se

saisisse de ce sujet, que ce soit à propos de la baisse des moyens de Campus France ou de ceux de

l’AEFE. Le rapport Cordery sur les frais de scolarité à l’étranger nous l’a signifié avec force.

Concernant Campus France, je rappelle que la demande d’accès des étudiants étrangers à nos écoles

et à nos universités reste très forte. Les arguments que j’ai présentés au sujet de la coopération

Page 22: Interventions   gbui

21

militaire sont également valables en la matière, et revêtent même encore plus d’acuité concernant

ces jeunes qui veulent faire leurs études au sein de notre réseau éducatif international. L’éducation

est la première pierre du développement et la France est connue dans le monde pour ses

intellectuels, ses chercheurs. C’est un atout, un facteur de compétitivité que l’on perçoit comme tel

quand on est à l’étranger mais que l’on considère parfois comme une charge sur le sol national. Les

statistiques nous donnent pourtant raison, puisque que nous sommes passés, entre 2012 et 2014, de

86 400 à 94 500 visas étudiants.

Monsieur le secrétaire d’État, dans un monde instable, où les tensions ne cessent de grandir, la

diplomatie n’est pas un luxe, contrairement à ce que certains pensent. La diplomatie est au cœur de

l’action de l’État. Elle s’ingénie à faire primer la raison sur la force, la réflexion sur l’obscurantisme.

Elle cherche à rendre possible ce qui est parfois infaisable. Pour cela, nous avons besoin d’une

diplomatie qui joue toutes les notes de la partition : coopération universitaire, rayonnement culturel,

coopération militaire, sécurité de nos sites, négociations internationales. C’est précisément ce que

permet ce budget, et c’est la raison pour laquelle le groupe SRC le votera.

Page 23: Interventions   gbui

22

Accord de coopération avec les Etats-Unis en matière

d’enquêtes judiciaires 28 janvier 2016

Discussion générale

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la

chute du mur de Berlin a été interprétée par beaucoup comme l’annonce d’un monde sans peur,

sans conflit majeur, d’un monde sans mort guerrière. La fin de la guerre froide et du risque de

destruction nucléaire ouvrait une période d’optimisme. Hélas, il n’a pas fallu attendre longtemps

pour que tous ces espoirs soient douchés, la guerre froide ayant rapidement été balayée par une

guerre fourbe.

Quinze ans, voici maintenant quinze ans que le terrorisme pèse sur le cours de nos vies. Le

11 septembre 2001 a ouvert une nouvelle ère : une ère d’inquiétude et de méfiance ; une ère de

combat entre des États et des groupes non-étatiques. Des groupes qui rebattent les cartes du

monopole de la violence et provoquent une situation de conflit asymétrique, face à laquelle les États

sont fortement déstabilisés. Des groupes qui se revendiquent de l’islamisme radical et qui frappent

aveuglément – des civils, de préférence – en jouant sur la terreur diffuse pour mieux atteindre la

solidité des États, voire leurs fondements démocratiques.

Les bombardements répondent aux attentats. Les guerres de conquêtes disparaissent, au profit du

choc du terrorisme, amplifié par les chaînes d’information en continu, internet et la globalisation.

Tout va plus vite, les distances s’estompent. La peur et la violence s’affranchissent des barrières. Ces

groupes se jouent des frontières, ils se dissimulent et circulent parmi les sociétés civiles, et ils sont

même parvenus à créer une menace interne, en recrutant directement sur les territoires qu’ils visent.

Des groupes agiles et meurtriers : c’est de cela qu’il est question dans ce texte.

Le terrorisme se nourrit de la criminalité grave – pour reprendre le titre de ce projet de loi – car, au

nom de sa cause, certains sont prêts à s’allier aux trafiquants d’êtres humains, de drogues, d’armes,

pour assouvir financièrement et matériellement leur volonté de destruction et leur quête de

puissance, comme nous l’avons amèrement constaté au Mali. Ces convergences mondiales, qui se

nourrissent, s’enrichissent, et gangrènent une grande partie du monde, c’est aussi de cela qu’il est

question dans cet accord franco-américain. Car, sur les deux rives de l’Atlantique, malgré nos

différences, et même nos divergences, parfois, nous œuvrons ensemble contre cette menace

globale.

Frappés sur leur sol – une première depuis Pearl Harbor – les Américains ont réagi avec force, peut-

être même avec excès, en Irak, mais aussi en interne, avec le Patriot Act. Ces décisions d’utiliser la

force militaire et l’autorité, avant le pouvoir politique et diplomatique, ont infléchi le cours du monde

pour l’Irak et ont rendu complexes les relations sécuritaires entre nos deux pays.

Page 24: Interventions   gbui

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Frappée à son tour, en cette sinistre année 2015, la France a elle aussi une réaction forte, puissante,

qui l’amène à mener la guerre au Proche-Orient, comme au Sahel, et à proposer des mesures faisant

débat dans notre pays.

Car nous ne sommes pas n’importe quel pays. Nous sommes la France, la terre non seulement de la

liberté mais aussi de l’égalité, la terre qui veut que les hommes naissent libres et égaux en droits, et

ce quelles que soient les menaces. Cette proclamation n’est pas que sémantique. Elle est

consubstantielle au pays. Elle doit s’exprimer dans nos textes comme dans nos accords

internationaux, avec encore plus de force quand nous sommes dans l’adversité, car la farouche

défense de nos valeurs et de nos droits est la meilleure protection contre ces agressions. C’est ce

prisme de lecture que nous avons utilisé pour l’approbation de cet accord international.

En effet faut-il, face à un tel accord, au nom de la lutte contre le terrorisme, mettre en péril nos

libertés ? Non, à l’évidence. C’est pourquoi cet accord a été travaillé en respectant un cadre strict qui

ne met pas en danger les droits fondamentaux des citoyens américains et français, auquel cas nous,

la France, n’aurions pu accepter de le signer.

Le texte garantit, à toutes les étapes de la procédure, un contrôle judiciaire strict, qui s’inscrit dans le

cadre des précédents accords de coopération policière et judiciaire passés entre nos deux pays. Ils

garantissent un transfert de données selon la législation nationale de la partie requise, donnant à la

France la possibilité de refuser de coopérer, par exemple, si le transfert de données peut conduire à

une condamnation à la peine de mort aux États-Unis. Le processus, découpé en étapes, n’autorisera

le transfert de données personnelles qu’après vérification de concordance des données

dactyloscopiques ou génétiques. Des cas d’urgence pourront évidemment être envisagés mais le

transfert direct de données personnelles, à caractère exceptionnel, sera également soumis à un

cadre légal strict, ici filtré par l’UCLAT.

Il est important de noter que la négociation a, de fait, beaucoup porté sur les exigences de la France

relatives à la garantie de la protection des droits fondamentaux et aux libertés individuelles. Les

États-Unis étant considérés comme un pays qui ne garantit pas suffisamment la vie privée et les

droits fondamentaux des individus, l’appréciation du niveau de protection se fera au cas par cas. La

France garantira ainsi la tenue d’un registre de données reçues ou transmises, permettant la

traçabilité des échanges ainsi qu’un droit de recours et la possibilité de suspendre l’accord en cas de

manquement aux obligations fixées. La France devra donc rester vigilante sur ce point, notamment

sur la possibilité accordée de droit de recours à des ressortissants français.

Cet accord, qui semble donc équilibré, et dont les conditions de la bonne application dans le respect

des droits et libertés individuelles seront strictement encadrées par des accords signés auparavant,

est d’autant plus important qu’il est nécessaire.

En outre, compte tenu de la forte mobilité des groupes terroristes, nous devons prendre les mesures

nécessaires à une meilleure coopération policière et judiciaire, afin de garantir la sécurité nationale

de nos deux pays. C’est ce que nous avons fait au sein de l’Union européenne avec la création des

agences Europol et Eurojust. Il ne s’agit pas, bien sûr, de considérer ici les Etats-Unis à la même

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24

échelle que nos pays partenaires de l’espace Schengen. Néanmoins, les États-Unis sont un partenaire

majeur et la facilité de circulation implique une révision de notre coopération afin d’assurer une plus

grande sécurité à nos deux États.

Renforçant une coopération ancienne, la France et les États-Unis répondent par cet accord à la

nécessité de travailler ensemble contre ces réseaux de nature mafieuse que sont les groupes

terroristes. C’est pourquoi, avec le groupe socialiste, je voterai ce texte non seulement au nom de la

sécurité, mais, surtout, au nom de la garantie de nos libertés et des valeurs qui ont façonné la

République et que nous continuerons de défendre.

Page 26: Interventions   gbui

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Proposition de loi pour l’économie bleue Mardi 02 février 2016

Discussion générale

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du

développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers

collègues, la France est un grand pays, mais un grand pays qui n’a jamais su conjuguer ses deux

atouts : sa puissance continentale et son domaine maritime.

Non seulement il n’a jamais su marier ces deux atouts, mais, bien souvent, ceux-ci se sont trouvés en

opposition. D’autant qu’à chaque épisode de son histoire où la France a tourné son regard et orienté

son appareil productif vers la mer, ce fut un échec. Et pourtant, que de potentiels !

C’est pour cette raison que je remercie notre rapporteur de son opiniâtreté : sans lui, nous n’aurions

pas pu mettre en place cette première brique de l’édifice maritime européen et français.

Au contact des plus grandes routes maritimes nous regardons, du haut de nos falaises bretonnes,

passer des bateaux venus du monde entier : ils finissent généralement par accoster dans les ports

anglais, belges, néerlandais ou allemands, bien plus rarement dans les ports français. Marginalisés en

raison de l’absence de véritables ports de commerce de dimension mondiale, nous restons trop à

l’écart des flux maritimes mondiaux actuels.

A l’heure où des pans entiers de notre économie traditionnelle se fracassent devant la

mondialisation – je pense bien sûr à notre agriculture, mais aussi à la pêche – et face au progrès

technique et numérique – je pense aux transports, aux taxis et à l’industrie –, nous devons chercher

de nouveaux leviers de croissance.

Or la mer offre un champ de développement économique qui reste encore sous-exploité. Tout nous

invite à investir dans cet espace infini : énergies marines, ressources halieutiques, transports,

biotechnologies bleues, bioressources, aquaculture, algoculture, pisciculture, et j’en oublie.

Face à ce panel d’activités, la mer ne peut pas, et ne doit pas être qu’un simple lieu de villégiature

pour touristes et pour vacanciers. Elle est l’avenir économique, social et écologique de notre pays

dont la géographie et le destin sont intimement liés à la mer.

Je me félicite qu’en optant pour la procédure accélérée, le Gouvernement ait saisi tout l’enjeu de

cette proposition de loi qui, au-delà des mesures de simplification et de modernisation de l’ensemble

du dispositif législatif encadrant les activités maritimes, réoriente la stratégie de l’État, quasi

exclusivement terrienne jusqu’à présent, vers des dynamiques économiques tournées vers la mer.

Page 27: Interventions   gbui

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Ce sont ces dynamiques que nous devons construire. Je prendrai simplement deux exemples pour

illustrer la nécessité pour l’État de concentrer ses efforts sur le développement des activités

maritimes.

Le premier concerne la création d’une filière française de gaz naturel liquéfié – qu’on appelle aussi

GNL – dans le secteur du transport maritime. Bien que le fioul lourd et le gazole aient atteint des

niveaux de prix très bas ces derniers mois, la fin des réserves de pétrole dans quelques décennies

n’est pas une lubie.

Et les effets favorables, à court terme, de cette chute des cours ne doivent pas nous détourner des

enjeux énergétiques et écologiques de long terme. Au contraire, elle doit nous inciter à investir

rapidement dans les énergies d’avenir pour le transport maritime, comme le GNL. Car si nous

réussissons, grâce à ce choix de propulsion, cette mutation technologique, nous bénéficierons alors

d’un avantage comparable au leadership que nous avons acquis avec Airbus. Je m’explique.

Le GNL, un temps exploré en France par la compagnie bretonne Brittany Ferries, et le chantier naval

STX France, en vue de construire un ferry fonctionnant uniquement au GNL, est considéré comme le

carburant d’avenir du transport maritime.

Il représente en effet 30 % des échanges gaziers mondiaux, et progresse de 7 % par an. C’est surtout

l’archétype du carburant « vert » pour le transport maritime. Pour quelles raisons ? D’abord parce

qu’il élimine les émissions de soufre et d’oxyde d’azote et réduit les émissions de CO2 d’environ 20 %.

Ensuite parce que son efficacité aussi bien énergétique qu’écologique est très bonne. Il nécessite

néanmoins des équipements et des technologies adaptés tant sur les navires que dans les ports. Des

savoir-faire uniques et d’importantes infrastructures en termes d’approvisionnement, de stockage,

de construction navale sont ainsi nécessaires pour répondre à cet enjeu écologique majeur.

Dans ce domaine, si nous voulons peu à peu nous extraire de notre dépendance technologique en

matière de construction navale – notamment vis-à-vis des pays du nord de l’Europe, aujourd’hui plus

compétitifs que nous – ainsi que de notre dépendance énergétique vis-à-vis des pays producteurs de

pétrole, il nous faudra soutenir massivement l’ensemble des maillons de la chaîne du transport

maritime pour construire cette filière : ports, entreprises gazières et industries de construction

navale.

Cette proposition de loi, qui renforce l’attractivité et la compétitivité de nos grands ports maritimes,

de nos armateurs et de nos chantiers navals, doit éclairer le Gouvernement et permettre à nos

entreprises d’être soutenues dans la création de cette filière GNL en France. Elle constituera un

avantage décisif pour nos ports, tout autant qu’un élément de d’attractivité et de compétitivité, pour

prendre des termes à la mode.

Mon deuxième exemple a trait aux biotechnologies marines. Bien que notre situation géographique

aurait dû nous conduire, depuis des années, à développer l’ensemble des potentiels maritimes, la

place de ces biotechnologies n’est pas à la hauteur de nos ambitions. Pourquoi ? Parce que nous n’en

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27

sommes qu’à la préhistoire de la découverte de nouvelles molécules et de nouvelles bactéries. Parce

que les domaines d’application sont multiples : dans la santé, les industries agro-alimentaires, la

cosmétique ou le remplacement de produits chimiques. Tout cela est devant nous.

Mais je profite de cette proposition de loi pour attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés

de ce secteur : difficultés à grandir, à prospérer comme à trouver des partenaires, à lever des fonds

ou à accéder à la mer. Ce texte sera également l’occasion de lever ces blocages.

À cette fin, nous avons déposé avec Jean-Luc Bleunven des amendements pour faciliter le pompage

de la mer et l’algoculture. En effet, les nombreux pôles de compétitivité qui existent en France, en

Île-de-France, à Lille, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ou en Bretagne n’offrent pas à la France

une place compétitive. Il faut se le dire. Ni les outils de financement d’ailleurs, comme le Programme

d’investissements d’avenir, le PIA, ou la Banque publique d’investissement, la BPI qui, de ce point de

vue, ne donnent pas satisfaction : nous devons passer la vitesse supérieure.

À l’heure où certains veulent rétrécir l’image de la France à un pays étriqué, recroquevillé sur ses

frontières et peureux. À l’heure où certains voient l’ouverture comme une menace, l’autre comme

un ennemi et l’échange comme une contrainte, la mer peut nous réconcilier avec nous-mêmes. Elle

nous force à travailler avec les autres. Elle oblige à la réflexion. Elle propose un avenir : mais c’est à

nous de le conquérir.

Page 29: Interventions   gbui

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

Filière avicole 27 novembre 2013

M. Gwenegan Bui. Ma question s’adresse à M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de

l’agroalimentaire et de la forêt.

Le 1er juin 2012, le groupe Doux, géant de la volaille, était placé en redressement judiciaire,

entraînant avec lui près de 3 500 salariés dans la tourmente. Les mois suivants, plus d’un millier

d’emplois étaient supprimés à travers toute la France, dans le Finistère, dans le Morbihan, dans le

Vaucluse et jusque dans le Pas-de-Calais, à Graincourt.

Le 18 juillet dernier, la Commission européenne décidait de supprimer les aides à l’exportation de la

volaille française, après les avoir déjà diminuées de 50 % en octobre 2012. C’était le coup de grâce :

l’ensemble du modèle économique de la filière s’effondrait. Conséquence immédiate : le groupe

Tilly-Sabco, à son tour, se déclarait en difficulté. Au total, la fin des restitutions européennes allait

supprimer près de 5 000 emplois d’ouvriers et d’éleveurs dans la région.

Si cela était annoncé il y sept ans, cela aurait dû être planifié dans le temps, pour permettre aux

mutations de la filière de s’opérer sereinement. Mais rien n’a été fait. C’est votre gouvernement qui

a dû se battre dans l’urgence pour préserver la filière et les emplois concernés.

Vendredi, nous étions à Bruxelles, mon collègue Richard Ferrand et moi-même, pour accompagner le

ministre Stéphane Le Foll, les dirigeants de Doux et de Tilly-Sabco, ainsi que les représentants de la

filière, pour rencontrer le commissaire européen chargé de l’agriculture. Cette rencontre a été

décisive et permet de redonner espoir.

Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer, devant la représentation nationale, les avancées

significatives qui en sont ressorties et préciser concrètement les modalités d’accès aux financements

en question ?

L’annonce a certes apaisé les craintes et les doutes dans nos territoires. L’urgence est maintenant de

dire aux destinataires de ces aides quand, comment, combien et par quel canal ils peuvent y accéder.

Page 30: Interventions   gbui

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M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire. Je veux d’abord excuser l’absence

du ministre de l’agriculture qui est en déplacement à l’étranger.

Monsieur le député, je vous remercie de votre question qui témoigne de votre engagement

inlassable sur ce dossier.

D’abord, il nous faut collectivement saluer les grandes avancées qui ont été obtenues vendredi

dernier par Stéphane Le Foll, qui était en effet accompagné par vous, monsieur Bui, par M. Ferrand

et par des représentants de l’ensemble de la filière avicole.

Vendredi dernier, nous avons fait bouger les lignes pour conforter une filière, la filière avicole grand

export, qui compte des milliers d’emplois, principalement en Bretagne.

Je veux le dire ici très simplement, oui, cette filière a un avenir. Vous l’avez dit dans votre question,

monsieur Bui, le secteur a été fragilisé par la décision brutale de la Commission de mettre fin aux

restitutions sur l’ensemble de la filière grand export.

Le Gouvernement a d’abord traité l’urgence et nous avons, au mois de septembre dernier, débloqué

15 millions d’euros pour les éleveurs et pour les abattoirs. Mais nous sommes allés plus loin.

Vendredi dernier, nous avons obtenu du concret à Bruxelles : d’abord, un programme de promotion

de nos produits pour les entreprises Doux et Tilly-Sabco ; ensuite, la possibilité de créer un fonds de

stabilisation pour le revenu des éleveurs, afin de contrer la volatilité des prix sur les marchés

internationaux ; enfin, une enveloppe exceptionnelle de 15 millions d’euros pour améliorer la qualité

de nos produits.

Nous avons agi pour consolider le plan de continuation de Doux et nous travaillons à un nouveau

modèle de développement qui concilie qualité, compétitivité et emploi dans l’ensemble de la filière

grand export.

Page 31: Interventions   gbui

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Inondations et intempéries Mardi 11 février

M. Gwenegan Bui. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Manuel Valls, ministre de

l’intérieur.

Inondations à Morlaix, Redon, Pontivy, Quimperlé, Châteaulin, à La Londe-les-Maures dans le Var, ou

encore à Bayonne, tempêtes sur l’île de Sein, à Locquirec et à Anglet : le littoral français est confronté

depuis maintenant plus d’un mois à des dégâts considérables, consécutifs à des intempéries

exceptionnelles.

Monsieur le ministre, au cœur de ces tempêtes, aucun service n’a failli. Vous le savez, mais c’est

mieux de le répéter ici.

Ils n’ont pas failli quand il a fallu assurer la sécurité des biens et des personnes ; pas failli quand il a

fallu se mobiliser à toute heure du jour et de la nuit ; pas failli quand les tensions et les risques

étaient à leur maximum. Les agents du service public, souvent pointés du doigt, considérés comme

des charges par certains bien-pensants, ont remarquablement rempli leur mission ; ils ont servi et

protégé, et je tiens à leur rendre hommage.

Ces sinistres portent de grands coups au moral des habitants, au chiffre d’affaires des commerçants

et à notre économie. Pour certains, c’est la troisième inondation en un mois et demi. Les dégâts

matériels sont lourds aussi pour les collectivités locales confrontées à des problèmes de sécurisation

de sites, de voirie, d’ouvrages d’art détruits, que les assurances ne rembourseront pas intégralement.

Bien sûr, les inondations et les tempêtes ne sont pas toujours prévisibles, car la nature ne se régule

pas par décret. Mais il faut tout faire pour éviter ce genre de catastrophe. Dans certains territoires,

comme à Morlaix, les études, nombreuses, s’empilent depuis 2004 : beaucoup de pages et peu de

faits. Certaines solutions sont connues, mais elles n’ont pas été financées par le passé. Et ceux qui

crient fort aujourd’hui ont souvent la mémoire bien courte. L’urgence après la crise est de ne pas

laisser filer le temps. Au contraire.

Monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend-il mettre en œuvre ces études qui n’ont

que trop tardé ? Quelles mesures compte-t-il prendre pour aller plus vite en matière de réparations ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, notre pays fait face à un épisode

d’intempéries et d’inondations peu commun par l’ampleur du territoire concerné, par le nombre de

nos compatriotes touchés et par sa durée. Comme vous, je veux saluer la mobilisation des sapeurs-

pompiers, des forces de l’ordre, des préfectures, des élus, des agents des collectivités territoriales et

des opérateurs de service public en Bretagne, mais plus particulièrement sur la côte atlantique, par

ailleurs touchée par une pollution d’origine indéterminée. Je n’oublie pas le Var et la Corse, qui ont

affronté un nouvel épisode de pluies intenses encore hier. Je veux préciser que Philippe Martin est

Page 32: Interventions   gbui

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présent sur le terrain depuis quarante-huit heures, auprès des populations concernées. Je

comprends aussi la lassitude et la fatigue psychologique que peuvent ressentir les sinistrés.

Nous avons fait en sorte que l’état de catastrophe naturelle soit déclaré le plus rapidement possible,

comme s’y était engagé le Premier ministre. Beaucoup de communes bretonnes en ont déjà

bénéficié au cours du mois passé. La liste de ces communes sera actualisée sous quinze jours.

Plusieurs missions ont débuté leurs travaux en Bretagne pour tirer tous les enseignements de la

gestion de ces inondations, de l’alerte aux crues, sans doute perfectible – vous avez raison –,

notamment à Morlaix, à leur prévention dans le Var et dans les Alpes-Maritimes pour chiffrer les

dégâts aux équipements des collectivités territoriales.

Nous devons aller encore plus loin. Les collectivités doivent être pleinement impliquées dans la

prévention. C’est l’objet de la nouvelle compétence en matière de prévention des inondations

introduite dans la loi sur les métropoles. Bien sûr, il faudra faire vivre cette compétence et l’articuler

avec la stratégie nationale de gestion des risques d’inondations élaborée avec mes collègues Cécile

Duflot et Philippe Martin, et qui sera définitivement adoptée dans les semaines à venir.

Nous sommes auprès des populations et nous tirons les conséquences de ces épisodes pour être

davantage efficaces.

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Avenir des ex-salariés de l’entreprise Tilly Sabco 2 décembre 2014

M. Gwenegan Bui Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation

professionnelle et du dialogue social.

À la suite des fermetures de l’abattoir Gad à Lampaul-Guimiliau et de son siège social à Saint-Martin-

des-Champs, ce sont près de 790 salariés qui ont été licenciés dans le pays de Morlaix. À ce jour, la

moitié d’entre eux ont trouvé une solution durable : 107 sont en CDI, 73 en CDD de longue durée,

c’est-à-dire supérieur à six mois, et 131 en formation diplômante. Restent 350 salariés qui,

aujourd’hui, soit disposent d’un CDD d’une durée inférieure à six mois, soit n’ont trouvé aucune

solution : c’est un chiffre considérable pour un territoire comme le nôtre.

Mis en œuvre par le Gouvernement, le CSP, le contrat de sécurisation professionnelle, qui assure

97 % du salaire sur un an, a pris fin en novembre dernier pour la majorité des ex-salariés, lesquels

relèvent désormais du régime de droit commun, et se trouvent donc dans une situation d’urgence.

Or un nouveau drame social touche aujourd’hui ce territoire. Placée en liquidation judiciaire le

30 septembre, l’entreprise Tilly Sabco, basée à Guerlesquin et spécialisée dans l’abattage de poulets

destinés à l’exportation, emploie 320 salariés et représente 1 000 emplois directs. Cette liquidation

est la conséquence de la décision de la Commission européenne de stopper, du jour au lendemain,

les restitutions à l’exportation.

Quatre offres de reprises ont été déposées auprès du tribunal de commerce de Brest, qui doit rendre

son avis dans les jours à venir. Aucune ne permettra de préserver tous les emplois sur le site ; même

si certaines semblent apporter plus de garanties, et malgré les efforts consentis par l’ensemble des

acteurs, nous savons que les pertes d’emploi seront importantes. Entre 100 et 300 salariés risquent

de se retrouver au chômage, dans un territoire déjà en difficulté et, surtout, dans des conditions bien

différentes de celles des anciens de Gad, car ils ne bénéficieront ni de l’appui d’un groupe, ni d’une

réserve financière suffisante de l’entreprise pour permettre un plan de sauvegarde de l’emploi digne

de ce nom.

Vu l’inquiétude qui règne, je souhaiterais interroger le Gouvernement sur plusieurs points. Quels

sont les dispositifs qui pourraient être mobilisés afin de préserver un maximum d’emplois ? La

portabilité de la mutuelle des salariés sera-t-elle sécurisée ? Quelles mesures d’anticipation et de

recherche engager pour assurer le reclassement des salariés qui seront licenciés, de manière à ne pas

perdre une journée dans cette course contre la montre ?

Monsieur le secrétaire d’État, je vous serais reconnaissant de me faire savoir quelles réponses le

Gouvernement pense pouvoir apporter sur ces différents points, afin de proposer aux salariés

licenciés – et au territoire – le meilleur accompagnement possible.

Page 34: Interventions   gbui

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M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le

député, je vous prie d’excuser l’absence de François Rebsamen, retenu avec les partenaires sociaux.

Le délibéré du tribunal de commerce sur le projet de reprise de Tilly Sabco devrait être communiqué

le vendredi 5 décembre ; nous espérons que l’offre qui regroupe MS Foods, acteur anglais de la

filière volaille, Breizh Algae Invest, société bretonne d’investissement pour le développement de la

filière algue, et la Chambre de commerce et d’industrie de Morlaix pourra être retenue. Ce projet

permettrait en effet de préserver 202 emplois sur les 322 que compte l’entreprise, et de maintenir

l’outil industriel en activité.

Rappelons que, depuis la suppression des aides européennes à l’exportation en 2013, le

Gouvernement a multiplié les efforts pour accompagner les opérateurs. S’agissant de Tilly Sabco, les

services de l’État et les collectivités locales sont mobilisés depuis plus d’un an afin de faciliter les

relations entre l’entreprise et ses fournisseurs et clients, permettre le maintien de l’emploi via

l’octroi de l’activité partielle, et susciter et consolider les offres de reprise.

Dans le cadre de la reprise, afin de permettre le maintien immédiat des 202 emplois prévu par le

projet des repreneurs, l’État et la région mobiliseront au besoin des dispositifs tels que l’activité

partielle et les formations à destination des salariés, le temps que l’outil industriel, très ralenti depuis

plusieurs mois, retrouve un niveau d’activité suffisant.

Enfin, s’agissant des salariés qui ne seraient pas repris, le Gouvernement se mobilisera également

pour qu’ils puissent bénéficier du meilleur accompagnement possible dans le cadre d’un plan de

sauvegarde de l’emploi. Des conseillers spécialisés apporteront un accompagnement individualisé à

chacun d’entre eux, afin de les aider à retrouver un emploi. Ils bénéficieront également du contrat de

sécurisation professionnelle, qui leur permettra de voir leur rémunération maintenue pendant douze

mois et de bénéficier d’un accès facilité à la formation.

Le Gouvernement est pleinement conscient que ce territoire a subi un choc important avec la

fermeture de Gad. Sachez que le ministre du travail suit la situation de très près, et que la

mobilisation des pouvoirs publics en faveur des ex-salariés de Gad en cours de recherche d’emploi et

de ceux de Tilly Sabco est totale.

M. Gwenegan Bui. Je voudrais saluer l’effort continu et l’engagement permanent du Gouvernement

pour sauver Tilly Sabco et Doux ; son action a été essentielle et déterminante pour préserver l’emploi

dans le secteur.

Je tiens à souligner que la portabilité de la mutuelle pour les salariés qui seront licenciés est une

question essentielle. C’est un engagement que nous avions pris, et qui devra devenir une réalité.

Un point dont nous n’avons pas débattu, en revanche, est le soutien à apporter aux agriculteurs afin

que ceux-ci puissent relancer une dynamique, retrouver la confiance et, surtout, s’intégrer au projet

présenté par le groupe MS Foods, l’entreprise Breizh Algae Invest et la Chambre de commerce et

d’industrie, visant à un changement de modèle dans la filière poulet-export : d’après mes

Page 35: Interventions   gbui

34

informations, les poulets seraient désormais élevés sans antibiotiques, ce qui nous permettrait de

faire la preuve de notre capacité à produire de la valeur ajoutée – mais la réussite d’un tel pari

suppose un effort de formation et de sensibilisation des agriculteurs.

Page 36: Interventions   gbui

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Filière porcine 17 juin 2015

M. Gwenegan Bui. Monsieur le ministre de l’agriculture, depuis 2007, le secteur porcin est en crise

chronique. Une production en baisse, des éleveurs moins nombreux, des prix peu rémunérateurs,

des investissements trop faibles, une interprofession anémique, un cadran fragilisé, des coopératives

et des groupements de plus en plus éloignés de leurs coopérants, ce sont autant de symptômes qui

caractérisent les difficultés économiques que connaît actuellement la filière. Représentant 58 % de la

production nationale, la Bretagne n’échappe pas à cette crise. La tension est de plus en forte dans les

campagnes. Et je ne reviens pas sur la fermeture de l’abattoir Gad de Lampaul-Guimiliau, avec ses

900 salariés licenciés, qui est la traduction la plus brutale et la plus visible du marasme et de la

schizophrénie dans lequel est plongée cette filière.

Pourtant, depuis 2012, de nombreux efforts ont été consentis par les pouvoir publics afin de

restructurer la filière, à commencer par vos mesures, monsieur le ministre, qui ont permis

l’allégement des procédures administratives, longtemps réclamé par les agriculteurs, la diminution,

voire l’exonération dans certains cas, des cotisations patronales, ou encore la mise en place d’un plan

de compétitivité ambitieux visant à moderniser les élevages. L’arrêté que vous avez pris vendredi

dernier, qui encadre les promotions et qui renforce les sanctions contre les pratiques commerciales

abusives, constitue également une vraie avancée et un outil de régulation.

Malheureusement, ces dispositions fortes, qui s’inscrivent à moyen et long terme, ne suffisent pas à

régler les difficultés immédiates de la filière. Elles ne suffisent pas, car la profession elle-même doit

se réformer si elle veut affronter la concurrence européenne. C’était le sens du pacte d’avenir de la

filière porcine que vous avez lancé en avril 2013 et dont l’objectif était simple : recréer une

dynamique collective et coordonnée de la filière permettant de dégager une solidarité entre les

différents maillons qui la composent. Force est de constater que cet effort n’a pas été fait.

Monsieur le ministre, face à la détresse des producteurs porcins français, pouvez-vous nous rappeler

les mesures structurelles que vous venez de prendre, mais aussi nous faire savoir quels sont les

engagements, les réformes et les garanties que l’interprofession est prête à prendre pour relever ce

défi ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du

Gouvernement. Monsieur le député, vous avez évoqué la crise de la filière porcine dans une région

qui représente 58 % de la production. Cette crise s’accompagne d’une crise de la filière bovine – ce

sera l’objet d’une réunion cet après-midi. S’agissant de la filière porcine, comme je l’ai dit lors de

l’assemblée générale des producteurs de porcs à Ploërmel la semaine dernière, des mesures

conjoncturelles sont d’abord nécessaires, c’est-à-dire un engagement de tous les acteurs à faire

remonter le prix, aujourd’hui trop bas, pour pérenniser l’activité porcine en Bretagne et ailleurs, car

15 % des exploitations sont de ce fait à la limite du dépôt de bilan.

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Ensuite, vous l’avez très bien dit, il est nécessaire de penser à des mesures structurelles de moyen et

de long terme d’organisation de la filière. Nous ne pouvons plus considérer que cette filière doit être

divisée entre la production porcine elle-même, la transformation et la distribution. Il faut mieux

coordonner les enjeux de l’activité commerciale – les conditions, en particulier la mention « viande

porcine française » – avec l’objectif des producteurs et de la production. C’est pourquoi nous nous

sommes engagés, avec la profession, à établir un pacte porcin qui devra déboucher sur des

perspectives nouvelles, notamment sur la contractualisation. J’ai également demandé à

l’interprofession, qui se réunit aujourd’hui, de me faire une proposition sur ce qu’on appelle les prix

des produits à la découpe, qui, pour l’heure, diffèrent fortement et conduisent parfois à des ventes à

perte par rapport au coût de revient.

Cette proposition devrait être faite aujourd’hui. Sur cette base, je prendrai un arrêté. S’il n’y a pas de

proposition, je prendrai quand même un arrêté, comme je l’ai fait pour l’encadrement des

promotions commerciales. Nous essayons, vous l’avez très bien dit, de réorganiser l’ensemble de

cette filière. Cela vaut pour tous les échelons de la filière, en particulier pour la production, qui doit

assumer une partie de cette organisation. On connaît trop bien ce qu’est la concurrence entre tous

les acteurs, notamment dans le domaine de la production. Ils doivent maintenant travailler

ensemble.

Page 38: Interventions   gbui

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EN COMMISSION

Rapport d’information– L’Asie du Sud-Est à la confluence des

océans (n°2548) Gwenegan Bui et Jean-Jacques Guillet, co-rapporteurs

04 février 2015

Examen en commission

Ce matin, nous n’allons pas parler d’Afrique, du Moyen-Orient ou de l’Ukraine, mais de

l’Asie du Sud-Est. Voilà qui nous arrive peu souvent. Pourtant, il était opportun de créer cette

Mission, d’abord pour corriger une focalisation trop exclusive sur la Chine, ensuite parce que

l’Asie du Sud-Est recèle des opportunités importantes pour notre diplomatie économique,

enfin parce que la montée en puissance de la Chine conduit à une reconfiguration géopolitique

de la zone qui ne peut pas laisser indifférent.

Nous avons peu de temps et je commencerai par une carte postale rapide.

L’ASEAN, ce sont 10 pays (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei,

Vietnam, Laos, Birmanie et Cambodge), 4 500 000 km², 613 millions de personnes (plus que

l’Union européenne). Son PIB a été multiplié par 10 en 20 ans (2 310 milliards en 2012), c’est

à un niveau agrégé la 4ème puissance économique et les fondamentaux sont prometteurs : une

croissance de 5,8 % en 2013, une communauté économique en construction, des accords de

libre-échange qui se multiplient, une dynamique interne avec consommation qui représente

53 % du PIB. C’est aussi une zone très hétérogène. On y trouve trois PMA - Birmanie,

Cambodge, Laos, d'un côté, deux pays à hauts revenus - Singapour et Brunei, de l'autre. Le

Laos est au 138ème rang dans le classement d’indice de développement humain quand

Singapour est au 26ème. Mais dans tous les pays, surtout dans les pays les plus avancés, les

perspectives sont positives : la croissance démographique est la plus élevée au monde (la

population en âge de travailler + 30 millions d’ici 2020), les taux d’investissements sont

élevés également (25 % du PIB) pour des besoins d’investissements dans les infrastructures

évalués à 1100 milliards de dollars.

Mais l’ASEAN est aussi un ensemble politique ou du moins l’organisation a été créée à cet

effet. Pour la France, c’est un ensemble concourant à la paix et la sécurité, dans un

environnement qui affecte directement et indirectement ses intérêts. Et c’est le point que je

souhaiterais développer.

L’Asie du Sud-Est est un carrefour stratégique organisé autour d’une mer : la mer de Chine

méridionale, qui cristallise aujourd’hui une grande activité économique et commerciale,

diplomatique et militaire. Le rapport insiste longuement sur cette dimension, sur les

influences indiennes et chinoises et sur la nouvelle dynamique économique de la zone, avec

un rôle très positif de la Chine depuis la crise de 1997.

Il s’attarde surtout sur les contentieux en mer de Chine méridionale (chaudron de l'Asie).

Différents archipels et îles sont revendiqués en totalité ou en partie par la Chine, Taïwan, le

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Viêt Nam, les Philippines, la Malaisie et Brunei. Les incursions civiles ou militaires chinoises

sont de plus en plus fréquentes et tendent à l’établissement d’une juridiction effective

notamment aux Paracels (Vietnam) et aux Spratleys (Philippines).

Les causes : la sécurité des approvisionnements et la maîtrise des lignes de communication,

les ressources naturelles notamment énergétiques de ces 3,5 millions de km², mais aussi la

maîtrise de l’espace maritime et aérien de la mer de Chine méridionale qui offre à la Chine

une profondeur stratégique. C'est la seule mer le long des côtes de Chine à posséder des eaux

profondes et à permettre un accès relativement aisé au Pacifique.

La mondialisation de l’économie est indissociable du trafic maritime. Rappelons-nous l’arrêt

de production des usines des constructeurs automobiles français lorsque le tsunami au Japon

en 2011 a détruit des usines de fabrication de certains composants électroniques. Or 90 % du

commerce extérieur de la Chine et un tiers du commerce mondial traversent la région. Les

risques terroristes, mais aussi la menace chinoise de remise en cause de la liberté de

navigation pèsent sur la bonne santé de nos économies, sans compter les enjeux énergétiques

et les implications stratégiques y compris pour la dissuasion nucléaire.

Les grands acteurs régionaux en tirent les conséquences : c’est le pivot américain vers l’Asie

et la politique d’influence et de contrepoids de l’Inde (Look East Policy), avec une nouvelle

dynamique des relations indo-singapouriennes.

L’ASEAN, elle, peine à définir son identité politique. De manière paradoxale, l’intégration de

l’Asie se traduit par une course effrénée à l’adhésion dans de multiples organisations qui

obère la possibilité d’une véritable intégration politique. L’ASEAN encourage ce mouvement

notamment avec l’institutionnalisation de l’ASEAN +3 (Chine, Japon, Corée du Sud) et en

ouvrant les organisations régionales au-delà du territoire asiatique, c’est l’idée même d’une

réalité régionale qui s’effrite à force de dilution.

Le pilier politique de l’ASEAN est très peu développé, même s'il existe des coopérations

comme dans la lutte contre la piraterie. En vérité l’organisation s’est construite autour du

principe de neutralité dans les affaires politiques et se retrouve paralysée par le problème

chinois, partenaire aussi indispensable que menaçant. Les grands pays comme Singapour et

l’Indonésie jouent un rôle d’équilibristes entre leurs alliés chinois et américain et de

modération des États agressés par la Chine (Vietnam, Philippines) en promouvant les

apparences du dialogue et de la négociation d’un code de conduite qui n’aboutit pas. En

revanche, les budgets d'armements sont en très forte augmentation partout.

C’est dans ce contexte mouvant, cette « coexistence combative », que la stratégie d’influence

de la France doit être définie. L’Asie du Sud-est est enserrée entre trois partenariats

stratégiques forts : ceux signé avec l’Inde, le Japon (la France vient de concrétiser un

partenariat d’exception) et l’Australie. On notera que ce sont les pays de l'axe démocratique

en Asie. À l’intérieur de ce triangle, la France dispose de 4 partenariats stratégiques : ceux

formellement conclus récemment en juillet 2011 avec l’Indonésie, en novembre 2012 avec

Singapour et en septembre 2013 avec le Vietnam ; et celui qui existe dans les faits avec la

Malaisie.

Un véritable partenariat en matière de défense a été construit avec la Malaisie (plus de 50 %

du marché) et Singapour (600 millions de chiffres d’affaires en 2013). Singapour est

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incontestablement un point d’appui stratégique en complément des bases dans l’Océan indien

et dans le Pacifique, avec une relation dense autour de 4 axes : le dialogue stratégique

bilatéral, l’accueil de l’école de chasse singapourienne sur la base aérienne 120 de Cazaux

depuis 1998, ce qui en fait le seul pays au monde avec l’Allemagne à avoir une unité

stationnée en France en permanence, la coopération opérationnelle dans le domaine de la

sécurité maritime, la coopération technologique (6 frégates furtives, programmes de radio-

logicielle, 2è partenaire de recherche).

Enfin, la protection des départements et collectivités d’outre-mer, la surveillance et la

protection de la zone économique exclusive, imposent d’être en capacité de surveiller,

prévenir et réagir en cas de menace, y compris militairement. Sur le plan stratégique, la

France est le seul pays européen à disposer de forces partout dans la zone Indo-Pacifique. La

France a un officier général de marine commandant de la zone maritime de l’océan Pacifique

et les forces maritimes de l’océan Pacifique : ALPACI. La France entretient aussi en Asie du

Sud-Est un réseau diplomatico-militaire étoffé.

Néanmoins, la France peine à disposer d’une visibilité en Asie du Sud-Est. Sa légitimité est

questionnée : elle n’apparaît pas comme un partenaire économique d’avenir, son jeu

d’alliances manque de clarté et son rayonnement culturel est assez faible auprès des nouvelles

générations, même dans ses anciennes colonies. Le discours sur la France puissance régionale

connaît un succès très modéré auprès de nos partenaires d’Asie du Sud-Est. D’abord, il est

difficile de faire valoir que la France est en Asie car elle est dans le Pacifique. Ensuite, les

enjeux de sécurité ont conduit à renforcer la présence française dans l’Océan indien et non

dans le Pacifique. On pourrait croire que cet effort est perçu comme une contribution à la paix

et la stabilité en Asie-Pacifique, mais il n’en est rien. L’Océan indien n’est pas l’Asie du Sud-

Est.

Le ministre des Affaires étrangères a annoncé un pivot vers l’Asie qui doit comporter la

définition d’une politique étrangère à l’égard de l’Asie du Sud-Est. Il s’agit d’abord d’assurer

une visibilité et une crédibilité à la présence française sur les plans stratégiques et

économiques.

Pour crédibiliser le discours sur la France puissance Indo-Pacifique, il convient d’abord de

conférer une meilleure visibilité à la présence de la France aux portes de la région, en arrimant

les territoires d’Outre-mer à l’Asie, notamment par le développement des outils numériques et

des flux humains : économiques (mise en réseau), universitaires (rôle de l’Université du

Pacifique en termes de mobilités étudiantes, professorales et de recherches conjointes) et

touristiques (réimplantation d’Atout France avec cet objectif).

Il est aussi nécessaire de mieux communiquer sur la présence stratégique française en Asie-

Pacifique, en s’appuyant notamment sur le document élaboré par le ministère de la Défense «

La France et la sécurité en Asie-Pacifique ». Poursuivre les efforts diplomatiques pour

convaincre que la France apporte une connaissance et une habitude de gestion des affaires du

monde, de membre permanent du Conseil de sécurité, l’expérience de la gestion des crises et

aussi une capacité autonome de renseignement.

L’architecture régionale de sécurité est complexe. La France doit maintenir en les affichant

les objectifs d’intégration dans les organisations régionales de sécurité, y compris à moyen et

long terme à l'ADMM +, qui réunit les ministres de la Défense. A court terme l’obstacle

Page 41: Interventions   gbui

40

linguistique doit être contourné pour permettre l’adhésion à l’organisation de lutte contre la

piraterie maritime ReCAAP qui ouvre des possibilités de coopérations pratiques. La France

peut aussi utilement se positionner sur les coopérations en matière de sécurité « douce »,

notamment en participant au nouveau centre HADR de lutte contre les catastrophes naturelles,

sur le modèle de la participation à l'IFC où la France dispose d’un officier de liaison.

Le dispositif français étant ce qu’il est, il conviendrait de l’ajuster pour développer une

diplomatie humanitaire qui fait défaut et bien structurer, notamment, une diplomatie militaire

d’échanges bilatéraux, des coopérations structurelle et opérationnelle (formation), des escales

régulières dans les ports de la région, des partenariats logistiques. Les marges de progression

sont importantes.

S’agissant de la diplomatie économique, nécessaire aussi pour exister sur le plan politique,

plusieurs propositions sont formulées. D’abord, comme dans tous les émergents, il faut

diversifier l'offre, capter les marchés de classes moyennes soucieuses de qualité et de sécurité,

et répondre aux énormes besoins en infrastructures. L’offre française a un problème de

compétitivité qui appelle un accompagnement financier et technique des projets : c’est la

valeur ajoutée de l’AFD avec le financement dans la durée, mais aussi peut-être une réflexion

à conduire sur un partenariat avec le Japon qui dispose de financements importants.

Les marchés d’Asie du Sud-Est ne sont pas simples et très divers. Il est opportun d’optimiser

les ressources de l’équipe France et le dispositif de sélection des entreprises, surtout en

région, en ciblant les entreprises qui ont déjà eu une expérience à l’export, en Europe

notamment, et les entreprises sous-traitantes d’un contrat. Sensibiliser à la question de

l’adéquation du marché. Une présence locale, en partenariat de préférence, une offre adaptée à

la demande, une parfaite connaissance de l’environnement des affaires et des particularités de

chaque pays sont indispensables.

Un dernier point me semble important : il s’agit des liens entre les milieux d’affaires français

et des pays de la région, pour renforcer la présence française et accroître l’attractivité du

territoire français pour les investissements en provenance d’Asie du Sud-Est qui sont appelés

à augmenter dans les années qui viennent. Le fonds singapourien aujourd'hui doit être une

cible, mais il faut aussi préparer l'avenir en identifiant et approchant les familles, les

entreprises etc. susceptibles d'investir dans 10 ans. Les communautés biculturelles installées

en France sont un atout et on pourrait utilement créer des entités de type conseils mixtes des

affaires, adossés à nos partenariats stratégiques.

La diplomatie économique doit se déployer partout car il y des opportunités partout. Un

représentant spécial a été nommé et c'est une bonne chose. Mais sur le plan politique, il faut

garder à l'esprit le contexte stratégique. La position de neutralité bienveillante de la France

dans les contentieux, avec le souci de renforcer son partenariat avec la Chine, sera-t-elle

tenable à long terme ? La situation est incertaine, il faut conserver cette position autant que

possible, mais être prêt à parer à toute évolution en réfléchissant au jeu d'alliances qu’on met

en place. Les coopérations de défense nous engagent. C'est aussi parce que l'avenir est

incertain et que les Etats ne veulent pas être enfermés dans le G2 (Etats-Unis-Chine) qu'il y a

une place pour la France.

Page 42: Interventions   gbui

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Rapport – ratification du traité d’extradition entre la

République française et la République populaire de Chine

Gwenegan Bui rapporteur

18 mars 2015 - Examen en commission

On sait qu’il y a toujours un risque lorsque l’on signe un traité, en l’espèce, d’extradition que

l’autre Partie n’en respecte pas les termes. Je rappelle que nous sommes liés par de tels

accords avec de nombreux pays comme l’Iran, l’Algérie, la Centrafrique, plus récemment le

Venezuela ou encore et les Etats-Unis, qui pratiquent largement la peine de mort.

Les bonnes relations établies entre les deux pays, le respect de la parole donnée et la vigilance

du Quai d’Orsay, notamment par l’intermédiaire de nos ambassades, comptent pour beaucoup

dans la bonne application du texte.

S’agissant du principe de spécialité, notre ambassade vérifiera, au cas par cas, qu’il n’y a pas

de dérive. A ce stade, seules deux demandes d’extradition ont été présentées par la Chine

depuis 2000.

Les règles prévues à l’article 4 figurent dans tous les accords de même nature comme cas de

refus obligatoire ou optionnel. On peut se tourner vers les services préfectoraux afin de savoir

à partir de quel moment une personne est française. Il s’agit d’une clause classique en matière

de binationalité que de déterminer la règle applicable à la date de l’infraction. C’est ce qui a

permis d’extrader vers des pays d’Amérique latine des personnes qui avaient acquis la

nationalité française.

On sait qu’il y a toujours un risque lorsque l’on signe un traité, en l’espèce, d’extradition que

l’autre Partie n’en respecte pas les termes. Je rappelle que nous sommes liés par de tels

accords avec de nombreux pays comme l’Iran, l’Algérie, la Centrafrique, plus récemment le

Venezuela ou encore et les Etats-Unis, qui pratiquent largement la peine de mort.

Les bonnes relations établies entre les deux pays, le respect de la parole donnée et la vigilance

du Quai d’Orsay, notamment par l’intermédiaire de nos ambassades, comptent pour beaucoup

dans la bonne application du texte.

S’agissant du principe de spécialité, notre ambassade vérifiera, au cas par cas, qu’il n’y a pas

de dérive. A ce stade, seules deux demandes d’extradition ont été présentées par la Chine

depuis 2000.

Les règles prévues à l’article 4 figurent dans tous les accords de même nature comme cas de

refus obligatoire ou optionnel. On peut se tourner vers les services préfectoraux afin de savoir

à partir de quel moment une personne est française. Il s’agit d’une clause classique en matière

de binationalité que de déterminer la règle applicable à la date de l’infraction. C’est ce qui a

permis d’extrader vers des pays d’Amérique latine des personnes qui avaient acquis la

nationalité française.

Les règles au regard de la nationalité diffèrent selon les pays, en effet. Avec certains nous

dispositions d’accords reconnaissant la bi-nationalité, avec d’autres non.

Page 43: Interventions   gbui

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La « chasse aux mouches et aux tigres », c’est-à-dire la lutte contre la corruption, va

crescendo. Les flux économiques et financiers, mais aussi mafieux, augmentent entre la Chine

et l’Union européenne, et il y aura aussi une augmentation des relations judiciaires.

Aucun projet n’est prévu en matière de transfèrement entre la Chine et la France. Notre

présidente pourrait peut-être attirer l’attention du ministre des affaires étrangères sur l’intérêt

d’un travail spécifique dans ce domaine.

J’ajoute que les autorités chinoises ont permis la visite d’une de leurs prisons en 2014.