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La Catalogne rebat les cartes en Espagne Gilles Sengès 11 janvier 2016 à 17h34 L’accord conclu in extremis par les formations indépendantistes au Parlement catalan pourrait à terme déboucher sur la création d’un gouvernement d’union nationale à Madrid Carles Puigdemont prend le relais d’Artur Mas pour porter le flambeau indépendantsiste © Reuters Carles Puigdemont, maire de Gérone, a été élu dimanche à la présidence de la Catalogne après des mois de blocage dus aux divergences entre les composantes du mouvement indépendantiste, désormais majoritaire au parlement régional. Le président de la

La catalogne rebat les cartes en espagne

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La Catalogne rebat les

cartes en Espagne Gilles Sengès

11 janvier 2016 à 17h34

L’accord conclu in extremis par les formations indépendantistes au Parlement catalan pourrait à

terme déboucher sur la création d’un gouvernement d’union nationale à Madrid

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Carles Puigdemont prend le relais d’Artur Mas pour porter le flambeau indépendantsiste © Reuters

Carles Puigdemont, maire de Gérone, a été élu dimanche à la présidence de la Catalogne après des mois de blocage dus aux divergences entre les composantes du mouvement indépendantiste, désormais majoritaire au parlement régional. Le président de la

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région devait être désigné avant lundi, faute de quoi de nouvelles élections auraient dû avoir lieu. Selon le programme des indépendantistes, la Catalogne doit se doter d'ici à un an et demi d'une constitution, d'une armée, d'une banque centrale, d'un appareil judiciaire et de tout ce qui constitue un Etat.

Jeudi dernier, à l’issue de son premier déplacement à l’étranger depuis les élections générales du 20 décembre, Pedro Sanchez, le secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), pensait avoir trouvé à Lisbonne la martingale pour former le prochain gouvernement. Bien que largement devancé, comme lui, de plusieurs points par la droite au pouvoir, Antonio Costa, son homologue au Portugal, a réussi à inverser les résultats du scrutin législatif du 4 octobre en s’assurant d’une majorité parlementaire via une alliance improbable avec le Parti communiste et les radicaux du Bloc de gauche.

Et Pedro Sanchez d’évoquer tout haut une convergence des « forces progressistes » pour « le changement » autour d’une « coalition à la portugaise » avec les « indignés » de Podemos, Izquierda Unida – réunissant communistes et Verts –, et l’approbation tacite du Parti nationaliste basque (PNV) et des indépendantistes catalans de la Gauche républicaine (ERC) et de Démocratie et Liberté…Mais dimanche, le rêve de Pedro Sanchez de présenter une alternative au Parti populaire de Mariano Rajoy, le Président du gouvernement sortant, qui ne dispose que de 123 représentants sur 350 au Parlement, s’est fracassé sur la réalité.

Contre toute attente, alors que la Catalogne s’acheminait vers de nouvelles élections régionales, les tenants d’une déconnexion avec l’Espagne ont réussi à trouver un accord de dernière heure pour former un gouvernement. Remplaçant au débotté Artur Mas, le président sortant et chef de file de la coalition pour le « oui », Carlos Puigdemont, le maire de Gérone, a réussi à recueillir sur son nom les suffrages du mouvement anticapitaliste Candidature d’Unité Populaire (CUP). Avec l’objectif réitéré d’arriver d’une manière unilatérale à une indépendance de la Catalogne dans les dix-huit mois qui viennent.

Autant dire un nouveau défi lancé à Madrid où la question fait l’objet d’un consensus national entre le Parti populaire (PP), le PSOE, et les libéraux de Ciudadanos. Oublié donc l’appui passif d’ERC et de Démocratie et Liberté. Changeant son fusil d’épaule, Pedro Sanchez prône aujourd’hui un accord avec Podemos et Ciudadanos avec qui il y a, dit-il, « beaucoup de points communs ».

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Sauf que le premier n’entend pas abandonner son engagement d’offrir aux Catalans un référendum sur l’autodétermination et que le second fait de ce sujet une condition suspensive. « J’ai dit à Pedro Sanchez que pouvons arriver à des accords sur des thèmes sociaux, économiques, sur la loi électorale ou sur la lutte anti-terroriste, mais nous n’appuierons jamais un gouvernement qui a pour principal postulat l’éclatement de l’Espagne », a répété lundi Albert Rivera, le leader de Ciudadanos.

« Les pressions vont se faire de plus en plus fortes au sein du PSOE et à l’extérieur pour que Pedro Sanchez et ses amis acceptent de participer d’une manière active ou passive à une grande alliance à l’allemande afin d’avoir un gouvernement fort pour répondre au projet indépendantiste de la Catalogne, estime Fran Delgado Morales, politologue et président de l’association espagnole pour la transparence. La marge de manœuvre du leader socialiste est d’autant plus étroite que, dans le contexte actuel, de nouvelles élections profiteraient au parti populaire ».

Membre du « think tank » Politikon, Jorge Galindo est plus mesuré. « Il va certes explorer toutes les alternatives possibles pour éviter un nouveau scrutin qui signerait sa perte mais je crois qu’au lieu d’avaliser un gouvernement d’unité nationale, il pourrait envisager de s’abstenir lors d’un vote d’investiture de Mariano Rajoy, le laissant gouverner sous de fortes conditions pendant un couple d’années mais sans participer activement. Ce n’est pas l’idéal mais cela lui assurera une certaine indépendance» analyse le spécialiste.

Programmé ce mercredi, la rentrée du nouveau Parlement espagnol devrait donner une indication sur les velléités des uns et des autres à coopérer. Notamment, lorsqu’il va s’agir de se répartir la présidence et les vice-présidences de la nouvelle assemblée.