20
M le journal Mars 2014 Numéro 5 ADOPTE UN MAIRE « Le seul espoir, c’est le FN » Un maire pour 27 habitants Copé Collé à Meaux Les municipales en 5 questions L’abstentionnisme , favori des élections

M le Journal - Mars 2014

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Le journal des étudiants en journalisme de Gennevilliers.

Citation preview

Page 1: M le Journal - Mars 2014

M

le journa

lMars 2014Numéro 5

ADOPTE UN MAIRE

« Le seul espoir,c’est le FN »

Un maire pour27 habitants

Copé Collé à Meaux

Les municipalesen 5 questions

L’abstentionnisme,favori des élections

Page 2: M le Journal - Mars 2014

POURQUOI VOTER ? Pour montrer son mécon­tentement au gouvernement ? Pour désenclaverun maire encastré dans son fauteuil ? Les raisonsde ne pas voter sont, en apparence, plus faciles àtrouver. Perte de confiance dans la classe poli"que,colère contre le gouvernement (encore), désintérêtpour la vie de sa commune, paresse du dimanche…En 2008, l’absten"on avait a#eint 35% et 31% àchaque tour des municipales, et même plus de 50%dans certaines villes de région parisienne. Le gou­vernement tremble et évidemment deux par"s at­tendent au tournant : une UMP fracturée et un FNaux aguets. Mais les par"s oublient une chose : les municipalessont très éloignées des querelles na"onales quifont les choux gras des médias. Un député, invitédu Master de journalisme le mois dernier, l’a trèsbien résumé : « la vieille dame, elle s’en fiche de sa­voir si la cro"e de chien est de droite ou de gauche,ce qu’elle veut, c’est que la cro"e soit ramassée. »Et ces élec"ons sont le premier grand rendez­vousna"onal depuis les élec"ons présiden"elle et légis­la"ves de 2012. 

L’édito par Vincent Manilève

Sommaire3 Les municipales en 5 ques"ons •

4 Suis­moi sur Twi#er,•je ferai de toi un électeur

6 Le maire est dans le pré•

7 Absten"on : « le choix du •mécontentement »

8 Sevran : place aux citoyens•

10 Les élec"ons en chiffres •

12 Marke"ng banlieusard•

14 Copé collé à Meaux •

16 Tel maire, tel fils•

18 Les maires •font de la résistance

19 « L’avenir, c’est le FN »•

Rédacteur en chef : Nordine NabiliRédacteur en chef adjoint : Vincent ManilèveSecrétaire de rédac!on :Sala Sall

Journalistes : Anaëlle Domi"enAssia LabbasBap"ste Piroja­Pa#aroneFlorian MichelÉline UlysseVincent Souchon(École de journalisme de Gennevilliers)

2 - M Le journal - mars 2014

Page 3: M le Journal - Mars 2014

Les Municipales en 5 questions

1 Un scrutin à enjeux locaux ou nationaux ?« Le contexte na!onal ne peut pas ne pas se jouer »,

explique Fréderic Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP, àl’AFP. Les mauvais chiffres du chômage ou de la reprise de lacroissance en France ne seront pas neutres dans le choix du bul­le#n de vote. Des analyses à nuancer pourtant avec un récentsondage réalisé par l’Ifop pour le JDD au début de l’année : 64%des Français voteront en fonc#on de considéra#ons locales.

À un mois du scru!n, l’impopularité record de François Hollande, la poli!que du gou­vernement sous les feux des cri!ques, les divisions à droite ou la montée du Front Na­!onal pèseront certainement dans la balance. Tour d’horizon en 5 ques!ons des enjeuxdes municipales.

@Bap!stePiroja

3 - M Le journal - mars 2014

2Doit-on s’attendre à unvote-sanction ?Les résultats des précédentes élec­

#ons locales semblent aller à l’encontre dupar# au pouvoir de l’époque. Prenons deuxexemples. Il y a six ans, Nicolas Sarkozy avaitessuyé un revers avec une ne$e victoire de lagauche qui avait empoché 58% des 269 villesde plus de 30 000 habitants. Aussi, deux ansaprès l’élec#on de François Mi$errand, lagauche avait perdu des dizaines de villes en1983. 3La droite va-t-elle en profiter ?

Pas vraiment, si l’on en croit les ténors de l’UMP. Lavague bleue annoncée par Jean­François Copé il y a

quelques mois s’est essouflée. Dans les rangs du par# d’oppo­si#on, l’état d’esprit est davantage à la prudence. Plus encore,certaines grandes villes comme Aix­en­Provence, Avignon,Bayonne et même Marseille pourraient basculer à gauche,comme le rapporte France TV Info.

4Qu’attendre du Front National ? C’est un chiffre record qui a fait beaucoup

parler de lui au mois de février. Plus d’un #ers desFrançais (34%) affirment adhérer aux idées duFront, révèle la TNS Sofres. Une adhésion que Marine Le Pen entend bien conver#r dans lesurnes pour les municipales. Son par# sera présent,en principe, dans plus de 750 villes de plus de1000 habitants, rapporte l’AFP. On vise ainsi, ausein du Front Na#onal une « dizaine de villes »,comme la très média#que Hénin­Beaumont ouencore Miramas, Istres et Carpentras.

5L’abstention sera-t-elle lagrande gagnante ? Un électeur sur deux environ (52%) s’en­

gage à aller voter au 1er tour le 23 mars selon unsondage CSA. Si ces es#ma#ons se confirmentdans les urnes, la par#cipa#on serait ne$ementinférieure à celle de 2008 (66,5%) comme le si­gnale l’AFP. Dans le sillage de la défiance à l’égarddes poli#ques, les Français pourraient bien s’il­lustrer par une absten#on massive. Yves­MarieCann du CSA souligne par ailleurs que l’électoratde gauche serait le moins concerné par ce vote,seuls 57% se préparant à accomplir leur devoirélectoral, contre 64% à droite.

Page 4: M le Journal - Mars 2014

Suis-moi sur Twitter, je ferai de toi un électeur

En 2008, date des derniers scrutins municipaux, lesréseaux sociaux Facebook et Twitter étaient austade embryonnaire. Depuis, ces outils de commu­nication 2.0 se sont démocratisés. Pour donner plusde visibilité à leur liste et à leur programme électo­ral, de plus en plus de candidats tentent l’expé­rience du web.En 6 ans, Internet passe de simple vitrine moderneà un véritable outil de campagne. Aujourd’hui,76,7% des maires ont une présence sur les médiassociaux et 57% d’entre eux privilégient le canal Fa­cebook pour diffuser leurs informations, selon lebaromètre Augure 2013.Il est certain que cette élection sera marquée parune bataille numérique, comme le souligne, Char­lotte Bousser sur lopinion.fr, chargée des réseauxsociaux pour la candidate UMP Nathalie Kosciusko­Morizet : « la campagne se jouera autant sur le ter­rain et dans les médias que sur le web. »

Opération séduction

Mailing, programme participatif en ligne… tous lesmoyens sont bons pour séduire les électeurs. Lemarketing numérique offre aux prétendants unearme de militantisme massive. Un bon militant saitrécolter aujourd’hui le mail des sympathisants ou

de ceux qui sont susceptibles de l’être. Dans le jar­gon, on appelle cela « l’hameçonnage ». Puis vientla technique dite de « l’embrasement ». Lescontacts obtenus sont ensuite classés par affinitésafin de bombarder les électeurs de mails, d’infor­mations militantes, de tracts, de petites vidéos… àla gloire du candidat, évidemment. À partir de lo­giciels simples, les équipes de campagne peuventsavoir si le mail a été lu ou non et connaître la fré­quence de consultation de leurs liens. D’autres candidats utilisent des moyens moins so­phistiqués mais tout aussi efficaces. C’est le casd’Olivier Audibert­Troin, candidat à la mairie deDraguignan, qui a opté pour l’humour. Grâce à Bits­trips, l’une des applications les plus populaires surFacebook. Métamorphosé en personnage de BD, ilest devenu présentateur de son propre JT de cam­pagne, attaquant au passage ses principaux rivaux.Ses vidéos ont obtenu plus de 3 000 vues.

Viser les indécis

L’application imagée a été également utilisée par leMinistère de l’Intérieur sur Facebook pour inciterles jeunes à s’inscrire sur les listes électorales. Sen­sibiliser les électeurs, c’est aussi l’apanage del’équipe de communication de Jean­Marc Ayrault.

À un mois des élections municipales, les candidats au siège du premier élu de la ville,à travers le porte-à-porte, les tracts sur les marchés et les traditionnels meetings mènentcampagne. Mais pour la première fois, à l’occasion d’une élection locale, les prétendantsinvestissent la toile.

4 - M Le journal - mars 2014

Page 5: M le Journal - Mars 2014

« Voter, c’est tweeter en vrai » ou « Vous aimez liker ?Voter » : voici les deux slogans de la campagne, lan­cée le 17 février par le gouvernement. Objectif :mobiliser sur les réseaux sociaux les électeurs afinde lutter contre l’abstention.Beaucoup pensent qu’il serait dommage de se pri­ver de ces moyens de communication. Et les poli­tiques ne dérogent pas à la règle. À l’approche d’unenjeu électoral, les candidats deviennent particu­lièrement actifs sur le net. Fin septembre, Augure,un éditeur de logiciel de gestion des relations pu­bliques, a publié le premier baromètre de l’in­fluence digitale des maires des 30 villes les plusimportantes de France. Et c’est le maire UMP deNice qui a le pouce le plus agile. Avec plus de 34300 abonnés sur Twitter, plus de 19 000 amis surFacebook et une étonnante réactivité numérique,Christian Estrosi est l’élu de France le plus influentsur les réseaux sociaux.

Réticences

Selon Pierre Guillou, le fondateur du site Elus 2.0,les réseaux sociaux n’ont pas uniquement une vo­cation de diffusion unilatérale d’informationscomme les autres outils de campagne traditionnels(radio, télévision , tracts). Ces nouveaux moyens decommunication favorisent un dialogue horizontalentre les citoyens, les élus et les militants. Ils ap­portent un changement profond dans l’exercice po­litique, tant au niveau national que local.

À travers sa société Idéose, Pierre Guillou initie lesélus et les collectivités locales au web. Depuis l’an­née dernière, il a mis en place une formation surles stratégies de web­campagne à destination descandidats aux municipales.Même si le spécialiste reconnaît que la plupart desmaires ont une présence sur Internet, certains élusrechignent à entrer dans la mouvance des réseauxsociaux. Pour Pierre Guillou, certains politiques ont uneimage erronée de ce que peut apporter Facebookou Twitter qui ne sont pour eux qu’un moyen defaire du « buzz ». Un jugement que confirme Phil­lipe Vittel, candidat à la mairie de La Seyne (Var),« Je préfère largement Facebook à Twitter, expliquele candidat UMP sur le site du métroplevar.fr. Il fautfaire extrêmement attention. C’est en tout cas ceque j’ai appris du désastre du tweet de Jean­Sébas­tien Viallate. » Le 13 mai dernier, le député­maireUMP, dans un tweet avait fait le parallèle entre lesdescendants d’esclaves et les casseurs, suite à desviolences commises sur la place du Trocadéro, àl’occassion du sacre du PSG.Les réseaux sociaux se révèlent être un outil destratégie de campagne pertinent. Mais mal contrô­lés, ils deviennent un espace de dérapage. Maisquelle que soit leur influence, ils n’ont pas encoreremplacé les rencontres en chair et en os.

@ElineUlysse

5 - M Le journal - mars 2014

Page 6: M le Journal - Mars 2014

Le maire estdans le pré

On arrive à Charmont par la route de Mantes. Coincéentre les champs, le village respire la campagne. Gadoue,tracteurs, et fermes à perte de vue pour un hameau quifait office de commune. 27 habitants peuplent lesquelques maisonne"es accoudées à la départementale.« Vous l’aurez compris, Charmont est pe!t et tourne beau­coup autour de ce#e route », explique Rodolphe Thomas­sin, maire depuis 3 ans.Sous son grand man­teau noir, l’homme de44 ans a posé seschaussures pleines deboue pour nous répon­dre. « Je suis agricul­teur et donc à moncompte. Ça me laisseun peu de temps pourm’occuper des affairesdu village. » Présent àla mairie une à deuxfois par semaine, lecharmontois passe auminimum quatreheures par semainesans compter les événements excep$onnels et autrescommissions. Le tout pour une indemnité de 150 eurospar mois. Il reste l’un des rares agriculteurs de la région àavoir la fonc$on de maire. « On est dans une région trèsagricole et pourtant, nous ne sommes pas très nombreuxà être dans les mairies », se désole­t­il.

Changement en perspec!ve

Si tout semble calme, le changement est pourtant enmarche. Depuis le 17 mai 2013, la loi a évolué et le conseilmunicipal va passer de 9 à 7 membres pour les communesde moins de 100 habitants. « Ça ne change pas grandchose pour nous, on doit aller chercher des gens dans levillage qui sont compétents et surtout qui ne par!ront pasau bout de 2 ou 3 ans », constate Rodolphe Thomassin.Parmi les autres modifica$ons, il est maintenant interditde voter pour quelqu’un qui ne s’est pas présenté.

Dans le hameau, les voca$ons sont difficiles à trouver.« Quand on a des choses à dire, on le dit au maire. Tout lemonde se connaît alors ça va vite », détaille une habitantequi ne voit pas d’intérêt à se présenter pour une place auconseil. La proximité avec les habitants permet de simpli­fier la ges$on de la commune et les problèmes sont for­cément à pe$te échelle. Pas de piscine, pas d’école, pas

d’employés municipaux,le budget est minusculemais il doit être géré.« On fait a#en!on, on apar exemple installé unradar pédagogique pourla sécurité du village.Nos dépenses concer­nent surtout la rénova­!on des équipementsextérieurs », argumentele maire.

Un seul absten!onniste

Pour les élec$ons demars, rien ne semble

presser. Celui qu’on est venu chercher pour remplacer aupied levé l’ancien édile, contraint de renoncer à la fonc$onsuite à un déménagement, devrait rempiler pour un nou­veau mandat. « Tant que je suis dans la discussion avec leconseil et les habitants, tout va bien et on devrait con!nueravec la même liste ». On est bien loin de la commune voi­sine qui compte 300 habitants pour 4 listes et 2 ou 3 can­didats seuls. Pourtant, les charmontois montrent un réelintérêt pour les élec$ons. Les taux de par$cipa$on dépas­sent 90% à chaque élec$on.Malgré tout, Rodolphe Thomassin a un regret. « Le préfetnous a obligé à rentrer dans l’intercommunalité et ça afait monter les impôts locaux. C’est le premier pas vers unra#achement de notre village à une autre commune. » Sipour l’instant la dispari$on de Charmont n’est pas à l’ordredu jour, à terme, le village pourrait se perdre comme uneaiguille dans une bo"e de foin administra$ve.

À 50km de Paris, Charmont (Val d’Oise) est la plus pe!te commune d’Île­de­France avec27 habitants. Après l’élec!on du 23 mars prochain, 25% des villageois seront conseillersmunicipaux.

@FlorianMchl

6 - M Le journal - mars 2014

Page 7: M le Journal - Mars 2014

L’abstention : « le choixdu mécontentement »

Comment expliquez­vous le phénomène de l’absten­"on ?C’est un comportement qui touche toutes les sociétésdémocra!ques depuis 30 ans. Il est révélateur dedeux tendances sociologiques. D’une part on assisteà une crise de la représenta!on poli!que : la sociétévit dans la défiance de ses dirigeants. D’autre part il ya une profonde recomposi!on du rapport au vote,avec des citoyens de plus en plus cri!ques qui n’agis­sent plus par idéologie. L’absten!on est le choix dumécontentement, vote sanc!on contre un pouvoirpoli!que insa!sfaisant.

Dans quelle mesure les élec"ons municipales sont­elles touchées par ce phénomène ?Les seules élec!ons qui con!nuent de passionner lesfoules ce sont les présiden!elles, on les surnommed’ailleurs “les reines de la Vème République“. Toutes

les autres élec!ons enregistrent des records d’absten­!on. Dans le cas des municipales, on a affaire à un vraiparadoxe : les études montrent que les gens aimentleur maire et lui accordent une grande confiance etpourtant ils sont peu à se déplacer pour voter.

Quelles solu"ons préconisez­vous pour lu#er contrel’absten"on ?Il faut commencer par faciliter au maximum toutes lesformalités administra!ves nécessaires pour voter : lesinscrip!ons, la procura!on... etc. Ça ne suffit pas ce­pendant. Sur le fond, et c’est la par!e la plus difficile, ilest urgent de rétablir un lien de confiance entre lesFrançais et la poli!que. Les derniers sondages Cevipofindiquent que 89 % des Français considèrent que leshommes et femmes poli!ques ne se préoccupent pasd’eux. Ces chiffres sont alarmants.

La mise en place du vote obligatoire serait­elle unesolu"on?Le vote obligatoire existe en Belgique parce qu’il estenraciné dans une culture poli!que par!culière. Jedoute que ce système coerci!f fonc!onne vraimenten France, où le vote est plus considéré comme undroit que comme un devoir.Par ailleurs, il faut faire a%en!on à ce que l’on sou­haite. L’obliga!on de voter a tendance à renforcer l’ex­pression des votes protestataires pour des par!san!­système ou extrémistes.

Pensez­vous que la reconnaissance du vote blancpourrait changer les choses ?Ce%e reconnaissance est une bonne chose mais at­ten!on, le vote blanc n’est toujours pas comptabilisé.On va simplement le dis!nguer du vote nul. C’est unemeilleure prise en compte des opinions des votantsmais il est trop tôt pour dire si cela va inciter les abs­ten!onnistes à retourner dans les bureaux de vote.

Anne Muxel, docteure en sociologie et directrice de recherche en science poli"que, étu­die l’absten"on depuis plus de 15 ans pour le CNRS. Elle tente de mieux comprendred’où vient l’absten"onnisme et pourquoi il con"nue de gagner du terrain, au point d’êtresurnommé “premier par" de France”.

@_Souche_

7 - M Le journal - mars 2014

Page 8: M le Journal - Mars 2014

Sevran :Place aux citoyens

L’une des villes les plus pauvres du pays est aussicelle où on vote le moins. Sevran en Seine­Saint­Denis compte plus de 50% d’abstention aux der­nières municipales.Pour inciter plus d’habitants à voter, plusieurs can­didats se bousculent.La commune dirigée par Stéphane Gatignon (EELV),qui n’avait pas hésité, en 2012, à se mettre en grèvede la faim pour récolter des aides de l’État, voudraitplus de changement.Parmi les candidats, Clémentine Autain, représentele Front de Gauche. Ses tracts insolites avec desimages de clémentines flanquées du slogan : « Desvitamines pour les Sevranais », ont amusé le web.Mais au­delà des plaisanteries, les regards sont sur­tout tournés vers un mouvement qui souhaite in­carner le futur de la ville. Il s’agit du MCS(Mouvement Citoyen de Sevran). Il propose de re­donner un plus grand pouvoir de décision aux habi­tants. Son projet est de rédiger des promessesélectorales à partir de leurs attentes et besoins.L’idée n’est pas nouvelle. Il s’agit de community or­ganizing, un concept importé des États­Unis etfondé sur l’implication de résidents des quartierspopulaires dans les événements et projets de leur

ville.Pour le voir à l’œuvre à Sevran, il faut pousser lesportes des brasseries de la ville.

Une image de petit débutant

Début février, dans un café au cœur des quartiersaisés de la ville, un homme agite les bras face à unepoignée d’habitants.Il s’agit de Mohammed Chirani, 36 ans, lui aussi can­didat aux prochaines municipales.Droit comme un i, dans un costume bleu roi au pliimpeccable, il s’adresse à son maigre comité de sou­tien qui acquiesce à chacune de ses déclarations.Sous ses airs de gendre idéal, il n’hésite pas à dis­tribuer quelques bises à son auditoire composé, cejour­là, pour la plupart de femmes. Tutoiement, dis­cussions à voix basse autour d’un thé ou d’un café,dans un coin de la salle à la lumière tamisée, l’am­biance est amicale voire familiale.Une stratégie de séduction pour un candidat quicherche à tout prix à montrer qu’il est proche deshabitants même s’il n’a jamais résidé dans la ville.Né dans l’Ain, il a grandi en Algérie jusqu’à l’âge de19 ans, avant de revenir en France finir ses études

À l’approche des municipales, de plus en plus de mouvements citoyens voient le jour. Plu-sieurs d’entre eux sont en campagne pour briguer des mairies en banlieue. C’est le cas àSevran.

8 - M Le journal - mars 2014

Page 9: M le Journal - Mars 2014

et décrocher un emploi dans la capitale.Diplômé de Science Po et ancien délégué du Préfetde Seine­Saint­Denis pour Sevran, Chirani se définitcomme un compétiteur « plus authentique » queses adversaires. En 2007 il possédait encore sa carteà l’UMP avant de quitter le parti pour cause de dés­accord politique avec Nicolas Sarkozy. Depuis, il sedit apolitique et grand militant pour la banlieue.

Des habitants qui espèrent

Parmi ceux qui ont fait le déplacement, un groupede femmes dont Wassila, 54 ans, éducatrice, Soraya,49 ans, entrepreneur, Selma, 54 ans, distributricede journaux et Leila, 38 ans, mère au foyer. Ellesviennent de couches sociales différentes mais onttoutes les mêmes attentes électorales. « Noussommes de ferventes militantes du mouvement ci­toyen mais avant tout, nous sommes des mamanssoucieuses de l’avenir de nos enfants et qui avonsenvie que l’image de Sevran s’améliore », lâche So­raya, d’un ton déterminé.Certaines d’entre elles vivent dans la ville depuis delongues années comme Leila qui y réside depuis1980. Et pour elle, Sevran n’a pas changé. La quin­quagénaire dit avoir toujours noté un « favori"sme »de la part de la municipalité envers les quartiersSud, composés de zones pavillonnaires et qui, selonelle, bénéficient d’écoles mieux tenues et d’unemeilleure écoute de la part du maire. Et cela au dé­triment des quartiers Nord, dont Les Beaudottes,qui concentrent la plupart des logements sociaux

de la ville. Toutes habitantes de ce secteur, elles justifient leuradhésion au mouvement citoyen par le fait qu’ellesne se sentent plus proches d’aucun parti politiquemais militent pour un combat plus collectif : « Nousne sommes plus ni pour la droite ni pour la gauche.S’il y a de bonnes idées à droite, nous prenons, s’il yen a à gauche, nous prenons aussi, l’important étantde trouver des solutions concrètes pour la ville », ar­gumente Wassila.Mais avant de trouver des idées « concrètes » pourla ville, le mouvement citoyen doit se construire uneimage crédible pour pouvoir briguer le poste demaire. Pour cela, ses premières mesures neconvainquent pas encore.L’un des sujets auxquels Mohammed Chirani veuts’attaquer est le taux de plus en plus alarmant duchômage chez les jeunes. La ville compte 35% dechômeurs chez les moins de 25 ans.Pour y remédier Chirani souhaite transformer leshalls d’immeubles des quartiers difficiles en pépi­nière d’entreprises. Autrement dit, pour lui, si lajeunesse ne trouve pas de travail, c’est les entre­prises qui viendront à elle. Une mesure qui paraîtnaïve lorsqu’on sait que la problématique est bienplus complexe que ça : les jeunes les plus en diffi­cultés sont souvent ceux qui n’ont ni formation, nidiplôme. Dans les prochaines semaines, Chirani de­vrait dévoiler le reste de son programme et essayerde prouver qu’il n’est pas un amateur au milieu dela bataille Gatignon­Autain.

@SashaSall

9 - M Le journal - mars 2014

Page 10: M le Journal - Mars 2014

les électionsInégalités, manque de parité hommes-femmes, cumul des mandats dans l’espace et dansle temps... Les élections municipales, bien que locales, posent des question d’ordre national. Et puisque le data-journalisme est à la mode, décryptage en chiffre et en cartes.

10 - M Le journal - mars 2014

La parité en mairie ce n’est pas pour toutde suite : actuellement les femmes nereprésentent que 17% des maires de lapetite couronne Parisienne. Elles nesont que 23 contre 114 hommes.

Les maires UMP sont les plus nombreux en petite couronne mais ceux du PS et du parti communiste, additionnés, les dépassent. Les autres partis n’additionnent que 29 mairesen tout.

Page 11: M le Journal - Mars 2014

11 - M Le journal - mars 2014

en chiffres

Ils sont 17 à avoir enchainé au moins4 mandats depuis le début de leur prisede pouvoir. Les plus anciens sont lesmaires de Sceaux, Créteil et Neuilly-sur-Marne, à la tête de leurs mairiesrespectives depuis 36 ans cette année.

En France il n’existe aucune limiteau nombre de mandats municipaux, ducoup certains maires sont à latête de leur ville depuis plusieurs décennies. Qui sont ces mairesaccrochés à leur fauteuil dans lapetite couronne ?

Il est enfin intéressant de remarquer que l’intégralitéde ces 17 vieux habitués de la politique locale sont deshommes.

Page 12: M le Journal - Mars 2014

le marketingbanlieusard

Que vaut le terme banlieue dans une électionmunicipale ? Hormis jouer la caution adjoint ausport, à la jeunesse ou la petite en enfance ?Non pas que ces responsabilités soient moinsimportantes mais pourquoi voit­on moins de filsd’ouvriers ou filles d’immigrés aux finances ouau poste de premier adjoint ? Parfois la repré­sentation sociale d’une ville, de sa populationnourrie des quartiers populaires et des zonespavillonnaires ne fonctionnent pas. KarimBouamrane, candidat PS à la mairie de Saint­Ouen a grandi et fait évoluer sa carrière poli­tique en banlieue. Après être lui aussi passé parla case d’élu bénévole aux sports et à la jeu­nesse, il continue de grimper sur l’échelle poli­tique. Cette année, à 41 ans, il mène la listesocialiste “Saint­Ouen pour une ambition nou­

velle”. Pour cette élection, le candidat a décidéde muscler sa candidature, car lorsqu’on vientdu Vieux Saint­Ouen et de la cité Emile Cordonon a plus de mal a remporté une élection de sesseuls bras. À ses côtés des personnalités poli­tiques importantes se rassemblent. C ’estcomme cela qu’on a retrouvé, un lundi soir, salleBarbara à Saint­Ouen. Christine Taubira etBruno Leroux pour son grand meeting.

Typique en Seine­Saint­Denis

Le trombinoscope des maires de la Seine­Saint­Denis est plutôt homogène. Un profil redondant: homme, blanc, la cinquantaine, diplôméd’études supérieures. Ce constat suscitequelques interrogations. Car le département est

Parfois mise de côté, parfois revendiquée, la banlieue a su trouver sa place au sein de lapolitique française et questionne notamment la représentativité des élus dans les collecti-vités locales.

12 - M Le journal - mars 2014

Corinne Matusiak

Page 13: M le Journal - Mars 2014

jeune, héritier d’une culture ouvrière et de l’im­migration des années 1960. La représentationsociale dans les mandats locaux ne fonctionnepas ici. Olivier Mascleta enquêté surla municipalitécommuniste deGennevi l l iers .Dans son ou­vrage intituléLa Gauche etl e s c i t é s . E n ­quête sur unr e n d e z ­ v o u sm a n q u é , l eprofesseur desociologie ana­lyse la repré­sentation de lapopulation au sein de la liste communale :« Tout se passe en effet comme si le PCF et sesreprésentants locaux avaient méconnu ce “nou­veau prolétariat de banlieues ”, dont une largepartie est constituée des fils et des filles issus del’immigration algérienne et marocaine.»

Banlieue pour tous

Le souvenir des émeutes de 2005 colle encoreaujourd’hui à la banlieue. Lassé d’être stigma­tisé par les politiques, d’être « traité qu’à desfins électoralistes et polémiques», un collectifmené par Abdel­Malik Djermoune a décidé de

lancer fin 2013 le parti de la banlieue. Il dé­nonce ce marketing de banlieue utilisé par lespolitiques, plus précisément un «marketing de

f a c i è s . » « O ninscrit sur seslistes des noirs,des maghré­bins, ou desreprésentantsde tels ou telscultes pour ladiversité [...]ce sont desgens issus d’unchoix marke­ting au lieud’un vrai tra­vail de ter­rain». Et pourcontrer cela,

le parti de la banlieue a décidé de promouvoirla diversité de faciès mais aussi celle des idées.Car «les villes sont dominées par des parties»rajoute le président fondateur. C ’est la notionde multiculturalisme que le nouveau parti dé­fend «pour que l’expression des Banlieues ne sefasse pas qu’à travers des émeutes.» À ce jour,douze sections se sont implantées sur l’hexa­gone à Romainville, au Blanc Mesnil et à Auber­villiers. Mais aussi à Lyon, à Marseille et àGrenoble. Réveiller la démocratie en banlieue, une néces­sité qui amènerait un réel pouvoir d’action auxhabitants, ceux qui vivent en banlieue ceux quila font. Des idées émergent, des propositions ouplans banlieues sont discutés. Mais si la solu­tion était de tout arrêter. D’arrêter d’être aveu­glé par le prisme banlieue pour l’emploi,l’intégration, la culture. Car l’envie de réussirdans la vie, de trouver un travail, de profiter dessalles de cinéma ou des librairies de quartiersconcerne un bon nombre des citoyens, au delàdes étiquettes qu’on essaye de justifier à tordet à travers pour mieux régner.

@anaelledom

13 - M Le journal - mars 2014

Le 10 février, le meeting de K.Bouamrane fait salle comble

Une tour, une casquette le nouveau parti se joue des clichés

Page 14: M le Journal - Mars 2014

copé collé À meaux

1995, un jeune trentenaire fait tomber la maison socialo­communiste de Meaux, en place depuis 1977. Après unéchec à Villeneuve­Saint­Georges, c’est dans la Seine­et­Marne qu’il avait jeté son dévolu. Ce nouveau maire s’ap­pelle Jean­François Copé et il vient de loin. Né dans lesHauts­de­Seine, il avait débarqué quelques années plustôt à Meaux pour succéder à Guy Drut comme chef defile de l’opposi"on. Une image de parachuté qui lui col­lera à la peau pendant plus de deux ans. Invité du BondyBlog Café au mois de février, Jean­François Copé est re­venu sur ces débuts difficiles. « Avant de devenir maire,j’ai fait du porte à porte pendant trois ans. » Le présidentUMP aime raconter ce qu’il appelle son « épopée » auxcôtés de « pe!ts jeunes en qui personne ne croyait. » Élumaire en 1995, il remplacera son ami Guy Drut à l’Assem­blée na"onale la même année, faisant de lui le plus jeunedéputé de l’hémicycle.2014, l’histoire semble se répéter mais à gauche ce$efois. Comme tous les samedis depuis quelques mois, surle marché de Meaux, un jeune homme a décidé d’écour­ter sa grasse ma"née. Entre l’étal d’un producteur dePassy­en­Valois et le volailler local, il déambule en cos­tume, distribue des tracts, serre des mains, souritavec une étonnante assurance et la cascade d’élé­ments de langage d’usage. Peu le reconnaissent en­core, mais ce « gamin » de 22 ans espère lui aussiréussir l’exploit de ravir le siège du maire en place,Jean­François Copé. « Être jeune est un atout, il faut dé­

poussiérer ce#e classe poli!que clientéliste et dépas­sée », explique Bas"en Marguerite, encore étudiant àScience Po. Et sa détermina"on est incontestable : ilvient d’entamer son cinquième mois de campagne. Enoctobre dernier, il emménageait dans la ville et com­mençait à ba$re le pavé avant même d’avoir été officiel­lement nommé par le par" socialiste.Un a$errissage un peu mouvementé au sein d’une sec­"on locale agacée, ce qui n’a pas découragé le jeune so­cialiste. Le secrétaire Pierre Dupuis a mêmedémissionné en janvier pour rejoindre la liste du Frontde Gauche. « C’est une affaire interne au PS », expliqueJean­François Dirringer, co­tête de liste PCF­FDG, mais sil’on en croit certains socialistes, Bas"en Marguerite a étébombardé ici pour restructurer la sec"on PS sur le longterme. Sur la page Facebook de la sec"on locale, PierreDupuis, qui lui aussi ambi"onnait la mairie, dénonça un« déni pitoyable et désastreux de démocra!e ». Il y a 20ans, le « bébé Chirac » Copé connaissait les mêmes péri­pé"es. À tel point qu’il avait dû lui aussi faire face à l’op­posi"on locale de son propre par", le RPR, et à uneprimaire avec le député Pierre Quillet, qui décidera malgrétout de se présenter aux élec"ons. Jean­François Copé neménagera pas son rival que beaucoup voyaient prendrela tête de la ville. À l’époque, les lu$es intes"nes faisaientrage au sein même du RPR : Chiraquiens et Balladurienss’étaient lancés dans une guerre fratricide, et Jean­Fran­çois Copé gardera une rancune tenace à l’égard du camp

Alors que l’UMP est toujours en crise, Jean-François Copé va devoir s’occuper d’un autrechamp de bataille : la ville de Meaux dont il est le maire depuis plus de 15 ans. Bastien Mar-guerite, un jeune socialiste de 22 ans, est bien décidé à s’enraciner dans la ville commel’avait fait Copé il y a 20 ans. Sans fleur au fusil.

14 - M Le journal - mars 2014

J­F Copé en 1995 lors de sa campagne à Meaux (Source : INA.fr) Bas"en Marguerite, en 2014, âgé d’à peine 22 ans.

Page 15: M le Journal - Mars 2014

Balladur­Sarkozy.

« Le visiteur du vendredi soir »

Un climat toujours tendu aujourd’hui, mais côté socia­liste ce$e fois. Une crise gouvernementale qui ne per­turbe pas Bas"en Marguerite, lui­même employé auministère des Transports. « La campagne se déroule surle terrain, je ne prête pas a#en!on à ce qui se dit ou sepasse à ce niveau­là, je m’occupe des Meldois et en prio­rité de l’emploi », répond Marguerite avant d’ajouter :« Jean­François Copé ne s’occupe plus de sa ville. Certainsl’appellent même le “visiteur du vendredi soir”. Vous avezvu ce qu’il fait de sa réserve parlementaire ? Il a donné35 000 euros à Meaux et 60 000 à l’Union na!onaleinter­universitaire (associa!on classée à droite). Il s’ensert pour faire sa propre campagne dans le pays. » Carle député­maire, mais aussi président de l’UMP et de lacommunauté d'aggloméra"on, n’a jamais caché qu’ilpensait à l’Elysée, et pas qu’en se rasant. Bas"en Mar­guerite se refuse à toute esquisse d’ambi"on. « Je ne meproje#e pas du tout, ce qui m’intéresse, c’est Meaux »,évacue­t­il. Il ne compte pas cumuler les mandatscomme son adversaire et il est bien trop tôt pour voirplus loin.

« Vous êtes qui ? »

Mais pour l’instant, les habitants semblent acquis aucamp Copéiste. « On est à 99% derrière lui, personne neconnaît son opposant », martèle une femme au café

Jeanne d’Arc. Bas"en Marguerite essuiera d’ailleurs plu­sieurs « Vous êtes qui ? » ce ma"n­là. « C’est normal,mais on fait beaucoup de porte à porte ! » Sur son sitede campagne, un compteur annonce, fin février : 3 700portes frappées, 2 200 portes ouvertes. De son côté, surwww.copemeauxpourtous (slogan évocateur), le mairejoue aussi avec sa calcule$e et se targue de 4 850 Mel­dois rencontrés par ses « binômes ». L’Ins"tut na"onalde l’audiovisuel conserve précieusement les images duchiraquien qui, en 1995, arpentait lui­même les rues val­lonnées de Meaux.Désormais, c’est au tour de Bas"en Marguerite dedéambuler autour de la place du marché. Au détourd’une de ses nombreuses discussions avec les habitants,Bas"en Marguerite croisera même Ange Anziani, ancienbras­droit de Jean­François Copé. C’est grâce à cet an­cien entraîneur de l’équipe de football de la ville que leprésident de l’UMP a pu s’implanter à son arrivée etfaire oublier son image de parachuté. Mais lorsque l’an­cien footeux a voulu apporter son sou"en à Nicolas Sar­kozy en 2007, le maire chiraquien ne l’a pas supporté,gardant en mémoire de vieilles querelles. Ange Anzianiest évincé du conseil municipal et vit désormais re"rédes tourments du monde poli"que. Face à Bas"en Mar­guerite, l’ancien maire garde en mémoire ses déboiresavec Jean­François Copé dont l’ambi"on juvénile n’a pasdisparu. Après avoir souhaité « bon courage » au jeunesocialiste, il repart, bague$e au bras. Meaux est déci­dément le tremplin des jeunes lions de la poli"que fran­çaise.

@VincentMnv

15 - M Le journal - mars 2014

Page 16: M le Journal - Mars 2014

Tel maire,tel fils

« Plus tard, je voudrai faire comme mon père. »Une phrase anodine quand on parle de son en­fance. Mais lorsque celle­ci se réalise, et surtouten politique, cela suscite beaucoup de questions.Parachutage, népotisme, fils ou fille de, plusieursexpressions peuvent sortir de la bouche d’un ci­toyen lorsque le maire laisse sa place à sa des­cendance. Et pour coller à l’inégalité hommesfemmes des mandats locaux, ce sont le plus sou­vent les fils qui prennent la relève sans toutefoisque le processus démocratique soit rompu. Lesbébés­maires sont toujours élus par le conseilmunicipal. C’est le cas d’Axel Poniatowski, maire de l’Isle­Adam (95). Entré d’abord à la mairie en tant queconseiller municipal, il a succédé à son père Mi­chel Poniatowksi à la mairie depuis 1971. Danscette petite ville du Val­d’Oise, on placarde lesaffiches de campagne des Poniatowski depuis 43ans et peut­être pour encore quelques annéespuisque le patron de l’UMP du départementbrigue un troisième mandat. Au sein de cette fa­mille, parente du dernier roi de Pologne, la poli­

tique colle à la peau. C’est donc sans surprisequ’on retrouve l’autre fils Poniatowski, Ladislas,maire d’une petite ville de l’Eure depuis 1977.Des fils qui endossent le costume du père, il y ena eu aussi à Mennecy (Xavier et Jean­Phillipe Du­goin­Clément), à Gagny (Jean et Raymond Vale­net) ou encore dans le XIIe arrondissement deParis (Paul et Jean­François Pernin).

Tuer le père

Aux pieds du quartier de la Défense, à Puteaux,on se transmet aussi l’écharpe du maire entre gé­nérations. Mais cette fois­ci, depuis que Joëlle asuccédé à son père Charles Ceccaldi­Raynaud,les repas de famille sont plus tendus. En 2004,père et fille jouent aux chaises musicales russes.Pendant que Charles Ceccaldi­Raynaud estcontraint de laisser le siège de maire pour hospi­talisation, c’est Joëlle qui reprend les clés de lacommune. L’adjointe devient maire et le mairedevient adjoint. Seulement, une fois remis enforme, l’ancien décide de revenir, la nouvelle ne

Dans certaines villes, la liste des maires s’apparente parfois à un livret de famille. Un phénomène qui touche aussi bien la capitale que sa banlieue. De Mennecy (91) à l’Isle-Adam (95) en passant par le XIIe arrondissement de Paris, les fils (en majorité) et les fillessuivent les pas de leur géniteur.

16 - M Le journal - mars 2014

Page 17: M le Journal - Mars 2014

veut plus lui céder sa place fraîchement gagnée.L’univers impitoyable de la saga Ceccaldi­Ray­naud peut commencer. On s’accuse de mentiraux citoyens sur les pages de blogs, on s’adonneaux joutes verbales pendant les conseils munici­paux. Tous les coups sont permis. Cette année,Joëlle Ceccaldi­Raynaud présente de nouveau saliste pour un autre mandat, pendant que Charlesrépand dans les médias quelques phrases encoreassassines : «Ma fille ? J’ai fait sa carrière etmaintenant elle m’ignore.» La mairie devient lascène des histoires de famille mais aussi des his­toires de coeur. Un jeu des sept familles où lescompagnes sont aussi de la partie.

Les confessions sur l’oreiller

L’union fait la force. C’est peut­être sur ce dictonbien connu que le couple Isabelle et Patrick Bal­kany ont mené leurs carrières politiques. Malgréles condamnations pour prise illégale d’intérêts,les accusations de mauvaise gestion, les siègesperdus de députés, le couple est encore au­

jourd’hui soudé et en fonction à la mairie de Le­vallois­Perret dans les Hauts­de­Seine. Maiscomme dans toutes les relations, il y a des bas.Lorsque Patrick Balkany perd la mairie de Leval­lois­Perret en 1995 (et de surcroît, Isabelle sonposte de responsable de la communication), lecouple n’y résiste pas et se sépare pendantquelques mois. Mais heureusement, il y aussi deshauts. En 2001, Patrick gagne les élections muni­cipales, Isabelle est présente à ses côtés lors dela campagne, retrouve son poste à la communi­cation, acquiert également celui des affaires so­ciales et monte en grade : elle devient premièreadjointe. 184 ans après la mort du dernier roi de France,que ce soit en campagne ou en ville, on ne voteplus pour une idéologie mais pour un nom. Etpour ceux qui souhaitent plus de renouvelle­ment, de pluralité dans la politique locale, il fau­dra attendre quelques années encore.

@anaelledom

17 - M Le journal - mars 2014

Page 18: M le Journal - Mars 2014

les maires font de lA résistance

Ils s’appellent Michel Vallade ou André Toulouse, respec­"vement maires de Pierrelaye et Roissy­en­France. Ils sontà la tête de leur commune depuis 1977, année où Elvisnous a qui#é et où la Russie s’appelait encore l’URSS. Ilfaut aussi parler de Patrick Balkany, arrivé à la mairie deLevallois­Perret en 1983, il y a 31 ans.Depuis plus de trois décennies, ils s’accrochent à leur villemais pour beaucoup, ce phénomène n’étonne pas car cesmaires sont démocra"quement élus. Frédéric Dabi, direc­teur général adjoint de l'Ifop, l’explique dans le JDD : « Unmaire réélu, c'est plus la norme que l'excep!on. Danstoutes les villes de France, les maires font plusieurs man­dats et, sauf accident, sont souvent réélus. »Pour Jean­Pierre Friedman, psychologue et auteur des es­sais Du pouvoir et des hommes et Du pouvoir et desfemmes, la longévité des maires s’explique par plusieurscritères : « Pour beaucoup, la fonc!on municipale est vuecomme un marchepied vers d’autres fonc!ons, comme unrôle dans l’intercommunalité. » L’arrivée à la mairie est undébut dans l’ascension poli"que. C’est ce que vit FrancisDela#re, maire de Franconville (Val d’Oise) depuis 1983.Parmi ses mul"ples fonc"ons, on compte celle de séna­teur, de premier vice­président de l’Union des Maires duVal­d’Oise, de président du syndicat intercommunal desBu#es du Parisis ou de membre à la commission des fi­nances. L’ambi"on est aussi sociale. Pour des paysans, despersonnes issues de la classe ouvrière ou moyenne, de­venir maire est une réelle ascension. « Les avantages per­sonnels et financiers comme les indemnités, prononcer undiscours devant une foule, ça frappe le narcissisme et cen’est pas négligeable », souligne Friedman.Pour d’autres, l’ambi"on est d’implanter sa dynas"e ausein de la ville comme la famille Ceccaldi­Raynaud à Pu­teaux qui habite la mairie depuis 1969. La fille Joëlle a suc­cédé à son père Charles en 2004. Conséquence directe :des conflits au sein de la dynas"e et des habitants souf­frant des querelles internes de la famille (en lire plus page16). Mais tous les maires ne se considèrent pas commeles propriétaires de leur ville. D’autres se voient en « pèrede la commune », explique Jean­Pierre Friedman. Michel Vallade se représente à Pierrelaye (8 200 habitants)pour un 7e mandat et s’il retourne en campagne, c’est sur­tout par passion : « Le mandat de maire est le plus inté­ressant car je suis sur le terrain, je touche à tout, je suis àla disposi!on des gens ». Retraité, il admet aussi qu’il nese voit pas ne plus rien faire dans la vie.

L’image du maire amoureux de sa ville sans but lucra"fn’est pas la seule. « Dans les plus grandes aggloméra!ons,on ne parle plus de proximité. Le maire va être élu grâce àses rela!ons, qui pourront lui décrocher des subven!onspour ses électeurs ». Pour Jean­Pierre Friedman, lesmoyens de pression et les chantages ont un vrai rôle dansles réélec"ons. L’Ile­de­France compte plusieurs mairestrempés dans des affaires judiciaires. « L’ambi!on estpure, il y a ce désir de posséder le pouvoir », explique lepsychologue.Si leurs inten"ons sont différentes, ils ont tous le pointcommun d’être des hommes. Il y a plus de 30 ans, lesfemmes maires étaient rares. « C’était une période pa­triarcale », rappelle le psychologue. Aujourd’hui, elles sontde plus en plus présentes et dans trois décennies, cer­taines seront peut­être toujours au pouvoir.Il manque à présent la catégorie des jeunes dans les mai­ries. Si Le Monde faisait le constat d’un “papy­boom desmaires” en 2008, on peut espérer pour les élec"ons de2020 l’arrivée d’une nouvelle généra"on qui apporterapeut­être une vision moins archaïque de la poli"que. Pouréviter que des villes ne connaissent que deux maires en80 ans.

Ils sont maires depuis les années 1970 ou 1980 et briguent pour les municipales un énième mandat.Une longévité (presque) record pour des maires “accros” à leur ville et surtout au pouvoir.

@AssiaLabb

18 - M Le journal - mars 2014

Page 19: M le Journal - Mars 2014

« Le seul espoir, c’est le Front national »Ce dimanche ma!n sous un ciel dégagé, on comptepresque plus de militants que de Tabernaciens sur la placeprincipale. Autour du marché couvert, les têtes de liste at­tendent de longues minutes à la recherche du moindre pas­sant. Interdic!on pour eux de faire de la poli!que àl’intérieur du marché. Alors Alexandre Simmonot, le candi­dat du Front Na!onal patrouille au centre ville pour faireentendre ses idées. Rompu à cet exercice, ilconstate que depuis plu­sieurs années le contactavec les citadins s’amé­liore ne#ement. « L’ac­cueil y est largement plusagréable qu’avant »,confie­t­il. C’est en effet ladeuxième fois que le se­crétaire départementaldu Val d’Oise se présenteauprès des électeurs pourles municipales. Il y a 6ans, sa liste avait récolté6,74% des suffrages tandis que le maire Maurice Boscavertrecevait le feu vert pour entamer son quatrième mandatsuccessif. Dans ce#e nouvelle campagne, les habitants font avant toutpart de leurs craintes pour l’avenir de leur pays, explique­t­il. « Même si c’est une élec"on locale, les Français donnentle diapason de leur état d’esprit, le rejet de la gauche, de lafausse droite. Le seul espoir qu’ils ont à l’heure actuelle, c’estle Front Na"onal.»

Le voisin en guise de sou!en

Diffusion de tracts, boitages en semaine. La liste Front Na­!onal emploie des stratégies iden!ques aux autres par!s.Mais aujourd’hui, c’est avec le sou!en de Chris!an Mala­cain, le candidat FN de la ville voisine Saint­Leu, qui bordeégalement la forêt de Montmorency, qu’Alexandre Sim­monot va à la rencontre des citoyens. Pour les deuxhommes qui font par!e du bureau poli!que du Val d’Oise,rien d’anormal à s’aider mutuellement dans le cadre de

leur campagne respec!ve. Lorsqu’on interroge le candidat d’à côté, c’est avant tout l’in­digna!on envers la poli!que des derniers gouvernementsqui ressort de la conversa!on. « On était une puissancemondiale. On va se retrouver des arrièrés du monde »,s’alarme Chris!an Malacain qui est au Front Na!onal depuis30 ans. De passage ce ma!n à Taverny, il avoue ne pas très

bien connaître le paysagepoli!que de la ville mêmes’il s’alarme de la pré­sence de « commu­nistes alorsqu’il n y a plusqu’en Chine que ce bordpoli"que existe.»

Gale"e des rois

Ces communistes juste­ment, distribuent destracts quelques mètresplus loin. La liste Front degauche fait même cam­

pagne côte à côte avec celle du maire sortant de gauche.« Le FN à Taverny, c’est un non événement. Alexandre Sim­monot ne représente que lui­même. C’est une campagnede s"gma"sa"on, de peur. Les militants ne nous en parlentpas », avance Serge Zetlaoui, sur la liste Front de Gauche. Bruno Devoize, candidat Front de Gauche, reconnaît entre­tenir des rela!ons cordiales avec le par! de Marine Le Pen.« Je lui adresse la parole quand je dois le faire. Mais oncondamne le Front Na"onal. Et on peut craindre une pous­sée de ce par" aux municipales.»Les colis!ers FN, eux, tablent sur la venue récente de Ma­rine Le Pen à l’occasion de la gale#e des Rois à Taverny pourconfirmer leur progression et encourager leur mouvement.Mais ce n’est pas tout. « À Taverny, il y a beaucoup de gensqui ne voulaient pas adhérer mais qui finalement s’enga­gent. »,souligne Philippe Houline, le troisième de liste. Pourlui, l’impact de la "dédiabolisa!on" se concré!se désormaissur le terrain. Verdict a#endu dans les urnes.

La liste montée par Alexandre Simmonot à Taverny cherche à confirmer l’implanta!on localedésirée par Marine le Pen. La montée du FN se concré!sera­t­elle dans les communes ? Reportage lors d’une scéance de tractage.

@Bap!stePiroja

19 - M Le journal - mars 2014

Page 20: M le Journal - Mars 2014

Les promos de l’école de Journalisme

Le site sur les municipales est lancé ! Retrouvez tous nos ar!cles, sur

bloodymairie.fr

Les étudiants en journalisme lors de la journée porte ouverte à Cergy et à Gennevilliers

M Le journal - mars 2014

Prochain M le Journal avril 2014

Les municipales 2014 :

L’entre-deux-tours

NumerosZero

Le blog de la promo est officiellement en ligne.Tous les ar!cles et toutes les informatons sur

les étudiants en M1 et M2 sur : numeroszero.com