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14 26 JANVIER 2012 EVENEMENT VACANCES SOLIDAIRES Les touristes peuvent se rendre C omme chaque matin, nos vieux vélos nous attendent pour partir au centre orthopédique. Jean, le gar- dien de la villa, resserre la même vis qu’hier et teste les freins, épuisés de- puis longtemps. Nous traversons la ville d’Abomey, à 150 kilomètres au nord de Cotonou, au même rythme que les habitants affairés. Les machi- nes à coudre tournent à plein régime pour finir les uniformes scolaires. En Visiter en donnant un coup demain: ni du farniente ni une aide humanitaire, mais des vacances qui prennent un autre sens. Expérience au Bénin. cette veille de rentrée, les panneaux publicitaires affichent un «Toutes les filles à l’école!» en format XXL. A mes côtés, Noémie et Fanny décou- vrent pour la première fois un pays d’Afrique noire, le Bénin. Elles ont opté pour un voyage solidaire qui met l’accent sur les rencontres sans tom- ber dans l’humanitaire. «Je suis atten- tive à tout ce qui est développement durable et j’essaie de faire attention à mes habitudes de consommation, y compris en termes de vacances», ex- plique Noémie. Et Fanny d’ajouter: «Quand je voyage, je recherche le con- tact avec la population locale». Le sé- jour est conçu par l’organisation fran- çaise Double Sens, présente au Bénin, au Burkina Faso et bientôt en Améri- que latine. «Nous proposons un échange réel avec la population en vivant avec elle Clotilde Buhler Les enfants soignés au centre orthopédique d’Abomey.

Parution Double Sens dans Echo Magazine - Janvier 2012

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VACANCES SOLIDAIRES

Les touristes peuvent se rendre

Comme chaque matin, nos vieuxvélos nous attendent pour partir

au centre orthopédique. Jean, le gar-dien de la villa, resserre la même visqu’hier et teste les freins, épuisés de-puis longtemps. Nous traversons laville d’Abomey, à 150 kilomètres aunord de Cotonou, au même rythmeque les habitants affairés. Les machi-nes à coudre tournent à plein régimepour finir les uniformes scolaires. En

Visiter en donnant un coup demain: ni du farniente ni

une aide humanitaire, mais des vacances qui prennent un autre

sens. Expérience au Bénin.

cette veille de rentrée, les panneauxpublicitaires affichent un «Toutes lesfilles à l’école!» en format XXL.A mes côtés, Noémie et Fanny décou-vrent pour la première fois un paysd’Afrique noire, le Bénin. Elles ontopté pour un voyage solidaire qui metl’accent sur les rencontres sans tom-ber dans l’humanitaire. «Je suis atten-tive à tout ce qui est développementdurable et j’essaie de faire attention

à mes habitudes de consommation, ycompris en termes de vacances», ex-plique Noémie. Et Fanny d’ajouter :«Quand je voyage, je recherche le con-tact avec la population locale». Le sé-jour est conçu par l’organisation fran-çaise Double Sens, présente au Bénin,au Burkina Faso et bientôt en Améri-que latine.«Nous proposons un échange réelavec la population en vivant avec elle

Clotilde Buhler

Les enfants soignés au centre orthopédique d’Abomey.

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ses joies et ses galères, mais noussommes un tour-opérateur et c’est unvoyage. Nous ne rêvons pas de sauverles gens!» précise, sur place, le coor-dinateur national de Double Sens Bé-nin, Ivan Bouchez.

LOGÉS DANS UNE VILLAAu programme, une mission et desexcursions touristiques. Logés dansune villa avec cuisinière et gardien,accompagnés par des guides locaux,les voyageurs sont bien encadrés. Etdeux coordinateurs, l’un européen,l’autre béninois, permettent de créeren douceur des liens entre sa propreculture et celle des locaux.A raison de quatre heures par jour,notre mission consiste à animer lesjournées d’une quarantaine d’enfantssoignés au centre orthopédique d’Abo-mey. Apprendre l’alphabet, bricoler,dessiner : les différences d’âge et deniveaux scolaires ne nous permettentpas de viser un objectif scolaire pré-cis. «Nos missions sont des activitésà la portée de tout le monde. Si onétait une ONG à visée de développe-ment, on irait chercher des profes-sionnels», précise le coordinateur na-tional.

UN BEAU PRÉNOMA notre venue, les enfants accourentsur les fesses, s’aidant de leurs mainsou de leurs compagnons valides pour

utiles

venir s’assoir autour des deux tablesposées dans le couloir. Un petit demoins de cinq ans, les deux jambesdans le plâtre, arrive le dernier, la mi-ne tristounette. «Je m’appelle Précieuxbonheur.» Un prénom qui ne s’oubliepas.Geraldo, Ariane, Elodie, Samson etles autres attendent avec impatiencele début de l’activité. Ils parlent fon, lalangue locale. «Il est important pourles enfants d’apprendre le français, carc’est la langue du commerce et deséchanges», explique notre coordina-teur béninois, Arnaud Kotomale.Le directeur du centre, David-BorisChingoudou, nous salue chaleureuse-ment avant de poursuivre sa journée

«Transporten commun»au Bénin.

Clotilde Buhler

de travail. «Par les jeux ou l’alphabé-tisation, les voyageurs favorisent l’ap-prentissage de beaucoup de chosesque les enfants ne connaissent pas etdonnent une bonne image du centre»,estime-t-il. Notre présence s’intègrenaturellement à la vie du centre.

DONNER OU NON?La question des dons est un sujet sensible discuté avant le départ avecles voyageurs. «Tous les voyageursnous demandent ce qu’ils peuvent ap-porter sur place. Nous ne pouvonspas empêcher les dons, mais nous es-sayons de les canaliser et de susciterla réflexion.» Les stylos, disponiblesdans les commerces locaux, ou l’ordi-

© Bernard Plader

NIGERIATOGO

GHANA

NIGER

BÉNIN

Abomey

Porto-Novo

Cotonou

LagosLomé

0 100 km

NigerLa table d’opération«Grâce à Terre des hommes, nous avons puformer deux chirurgiens qui peuvent soigneret opérer les enfants sur place. Auparavant,les enfants allaient en Suisse pour se faireopérer», raconte, reconnaissant, le directeurdu centre. Depuis le retrait de Terre des hommes, orien-tée vers d’autres activités, le centre survit grâ-

ce à une petite aide de l’Etat et aux dons desmissionnaires catholiques camilliens pour lestraitements et les matières premières des pro-thèses. Discrètement, le responsable avoue:«Il y a des listes d’attente. Lorsque Terre deshommes étaient là, 150 enfants étaient opé-rés chaque année. Aujourd’hui, nous en opé-rons 20 par an.» � CBu

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nateur usagé que personne ne pour-ra réparer apparaissent rapidementcomme de fausses bonnes idées. Deplus, donner n’est pas un geste ano-din. «Il ne faut pas favoriser la men-dicité. Je n’attends aucun matérielpour le centre et je dis aux mamansdes enfants de ne pas demander d’ar-gent. Le bénéfice est ailleurs: dans lajoie des enfants, les contacts créés»,explique le directeur du centre.Malgré d’importants besoins (voir en-cadré), les partenaires ont déjà une

certaine autonomie,précise Ivan Bouchez.«Nous ne sommes pasles initiateurs de leursprojets et ils continue-raient à exister sans la venue de nos voya-

geurs.» Enfin, l’association «Frères deSens», gérée par d’anciens voyageurs,laisse la possibilité à chacun de s’in-vestir davantage par la suite et de dis-tinguer cet aspect du voyage lui-même.

PLUS D’HUMILITÉ«La proximité et l’échange contri-buent à changer les mentalités», es-time Ivan Bouchez. Pas assez, disentcertains voyageurs. «C’est une démar-che qui demande plus d’humilité quepartir construire une école ou unpuits», ajoute-t-il. Inclus dans le prixdu voyage, un montant de 50 eurosgarantit la pérennité des repas dansles structures partenaires. DoubleSens privilégie les acteurs locaux etsigne des contrats à durée indétermi-née avec ses employés. De plus, l’acti-vité déployée participe directement àl’économie locale. «La villa où logentles touristes donne du travail à qua-tre familles au moins», souligne Ar-naud Kotomale.Ce soir, Fanny et Noémie dormirontà la belle étoile quelque part au norddu Bénin. De retour en Suisse, je gar-de en mémoire ces quelques mots denotre coordinateur béninois: «Venezau pays des Noirs, des moustiques et des anciens colons. N’hésitez pas!Osez!». A qui le tour? �

Clotilde BuhlerPour en savoir plus: www.doublesens.fr

«Venez au pays des Noirs, des

moustiques et desanciens colons!»

COSTA CONCORDIA

Les bijoux sont da

Dès le premier choc au cours dudîner, qui provoque une cou-

pure d’électricité, le Père RafaelleMallena sait que quelque chose degrave est en train de se passer. Em-barqué en tant qu’aumônier de bordsur le Costa Concordia, le prêtre ita-lien de 70 ans connaît bien le navire.Son premier réflexe, en ce vendredi13 janvier, est de se rendre dans lachapelle du paquebot pour prier.Quarante minutes plus tard, l’alarmeinvitant les passagers à quitter le na-vire retentit.

L’AIDE DES CUISINIERS«Ce sont des moments de grande pa-nique. L’équipage n’a pas donné l’alar-me tout de suite. Ils sont allés voir ensalle des machines, mais il était déjàtrop tard. En 20 minutes, elle avait été

inondée. Il n’y avait rien à faire!», ra-conte le prêtre italien sur Radio Vati-can.En parallèle, les témoins confirmentles limites du personnel de bord.«Nous dînions au restaurant du pontau moment du choc. Immédiatement,il y a eu un grand chaos. Le personneldu restaurant, en majorité des Asiati-ques, a tenté de nous tranquilliser enfaisant des gestes pour se faire com-prendre. Personne ne parlait italien»,raconte Michela Castellina, qui étaitavec son mari et leurs enfants de 7 et4 ans à bord du Costa Concordia.«Lors de l’évacuation, nous n’avons vuaucun membre d’équipage vêtu del’uniforme Costa. Nous avons étéaidés à monter dans une chaloupe pardes cuisiniers.»Le témoignage de cette famille recou-

L’aumônier du CostaConcordia raconte la tra-

gédie. Les témoignagesconfirment les limites dupersonnel, qui ne parlait

pas italien. Mais les gestes courageux n’ont

pas manqué.

L’épave du Costa Concordia s’est échouée tout près du

petit port de l’île de Giglio. Keystone-news