View
112
Download
0
Category
Preview:
Citation preview
À l’heure où le soleil à l’horizon s’incline,
Empourprant de ses feux le pic du rocher noir,
Souvent je viens m’asseoir au pied de la colline
Pour savourer en paix tous les charmes du soir.
L’astre qui jette encore un reste de lumière
Se dérobe à mes yeux derrière ces sommets;
C’est ce profond silence où se clôt la paupière
D’un jour que le néant va ravir à jamais.
C’est de la vie hélas! un fragment qui s’envole
Dans ces derniers rayons du diurne flambeau;
C’est cette heure où le temps, de son aile frivole,
Marque pour le mortel un pas vers le tombeau.
Maintenant tout se tait, tout s’endort, tout repose;
L’oiseau grisé d’azur sommeille dans son nid;
Sous mes regards la nuit que parfume la rose
Parsème de points d’or le fond de l’infini.
Pendant que doucement s’assoupit la nature
Une lueur pâlit les flots silencieux,
Et la reine des nuits s’élance à l’aventure
Dans sa barque d’argent sur l’océan des cieux.
Des bords de l’horizon où s’étend son empire
Elle inonde les monts de sa molle clarté;
Et les bois frémissants où la brise soupire
Semblent courber le front devant sa majesté.
Mon âme s’extasie en ce profond silence
Et s’élève un moment vers l’Auteur de mes jours;
Vers Celui dont la main, source de l’espérance,
A revêtu la nuit de ses plus beaux atours.
« Ah! que puis-je, ô mon Dieu, en cette paix profonde
Sinon me recueillir à l’écart des humains,
Écouter le zéphir qui ride à peine l’onde
Et contempler les cieux, chef-d’œuvre de tes mains!
Ô Monarque puissant des voûtes éternelles!
Toi qui dans ton amour te penches jusqu’à moi,
Que ne me prêtes-tu comme à l’ange des ailes
Pour quitter cet exil et m’envoler à Toi!
Mais au corps qui retient cet essor de mon âme
Donne dans ta bonté le pain de chaque jour;
Et ranime sans cesse en mon cœur cette flamme
Qu’au séjour d’ici-bas on appelle l’amour!
Comme le rossignol qui, du soir à l’aurore,
Te loue, ô Jéhovah, des accents de sa voix,
Que ma bouche à jamais te révère et t’adore
En cet exil tissé de douceurs et de croix!
En cette heure splendide où l’astre du mystère
Éclaire l’horizon où le jour s’est enfui,
Bénis, Maître puissant du ciel et de la terre,
Mes vœux entremêlés aux rumeurs de la nuit!
Et toi, vent parfumé qui penches les bruyères,
Berçant de tes soupirs mon âme de mortel,
Que ton souffle léger emporte mes prières
Comme un suave encens aux pieds de l’Éternel ! »
Musique : Elvira Madigan
Poème de : Georges Aspirot (Juin 1957)
Recommended