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Agence Franaise de DveloppementDirection de la StratgieDpartement de la Recherche
5 rue Roland Barthes75012 Paris - Francewww.afd.fr
Biens publics mondiaux et dveloppement :De nouveaux arbitrages pour laide ?
Sarah Marniesse (marniesses@afd.fr)
documentde travail
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septembre 2005
Dpartement de la Recherche
Age
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septembre 2005 3
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 2
Introduction 3
1. Dfinition 4
La communaut internationale ralise lentement que sa survie dpend de la production de BPM 4
Dune notion intuitive une dfinition robuste et consensuelle : un long chemin parcourir 5
2. Enjeux 10
Cooprer pour produire des BPM 10
Financer la production des BPM 11
Renforcer les complmentarits entre production de BPM et politiques de dveloppement 14
Apports pour dfinir le rle et les modalits dintervention de lAFD 17
3. Conclusions 19
Rfrences Bibliographiques 20
Notes 22
Cette note est en partie inspire dun rapport provisoire intitul Financing global public goods : issues & prospects ,
P. Jacquet et S. Marniesse, 2005 . Elle a bnfici des relectures scrupuleuses dE. Filipiak et V. Sauvat, ainsi que des
conseils aviss de J. Loup, H. Bougault, P. Brouillet, A. Blanc et J.P. Barral. Ils ne sont pas responsables des imperfections
qui demeurent.
Sommaire
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 3
Apparue dans les dbats internationaux la fin des
annes 1990, la notion de bien public mondial (BPM) en
constitue dsormais un thme important. Cette notion
renvoie des proccupations dintrts communs
lhumanit, dans un contexte marqu par des
interdpendances croissantes entre pays, souvent
dangereuses pour lavenir de la plante parce que ni les
marchs, ni les politiques nationales ne sont en mesure
de les grer correctement.
Intuitivement, on peroit limportance des BPM. Mais
cette notion reste abstraite et suspecte :
- abstraite, parce que la communaut internationale,
aprs avoir opt pour une dnomination complique et
peu explicite, est lente en donner une dfinition
consensuelle et la traduire en politique publique ;
- suspecte, parce que certains de ses dtracteurs ny
voient quune nouvelle invention de la mondialisation
librale drape de fausses bonnes intentions alors que
dautres, dans un registre diffrent, redoutent une
entreprise de dtournement de laide publique au
dveloppement (APD) au profit denjeux prioritaires pour
les pays dvelopps.
Cest dans ses relations avec lAPD que ce sujet soulve
le plus de controverses. Et cest en raison de ses
relations avec lAPD quil revt autant dimportance pour
une agence daide. En effet, lAPD sinscrit dans une
relation Nord/Sud encore mal dfinie mais clairement
empreinte de considrations globales2 . Elle a, par souci
de durabilit , besoin dtre accompagne dune
production de BPM. Rciproquement, une production
accrue de BPM passe souvent par un surcrot de
dveloppement. Ces deux politiques, non seulement
renforcent leur efficacit mutuelle, mais sont, en outre,
souvent insparables, en se confondant ou en se
compltant. Cela ne dmontre pas pour autant la
lgitimit dun financement systmatique des BPM par
lAPD, mais invite plutt analyser en profondeur les
relations entre ces deux politiques pour en tirer des
enseignements oprationnels.
Si lAgence Franaise de Dveloppement choisit
dinscrire dlibrment son action dans une optique de
dveloppement durable, qui passe par la production de
BPM, plusieurs volutions devraient en dcouler pour son
activit :
- en termes de secteurs dactivit : vers o rorienter
lactivit pour contribuer au dveloppement tout en se
proccupant de sa durabilit ?
- en termes de mthode : comment promouvoir
conjointement, lorsque cela est envisageable, BPM et
dveloppement ? quelles nouvelles approches adopter ?
- en termes de ressources : quand mobiliser des
ressources en APD pour produire des BPM ? comment les
utiliser efficacement ? comment complter ces ressources
par des ressources additionnelles pour financer la
production de BPM sans rapport avec le
dveloppement ?
Enfin, au-del de leurs consquences sur lactivit des
bailleurs, les BPM offrent galement lopportunit de
repenser la cohrence des politiques publiques
nationales et internationales en identifiant clairement les
logiques qui sous-tendent chacune dentre elles et leurs
complmentarits.
Ce texte revient sur le difficile processus de dfinition des
BPM, tente de rendre cette notion aussi limpide que
possible, et en analyse les enjeux en termes de
dlimitation dun champ consensuel, de production
(problmes institutionnels et financiers) et dappropriation
par une agence daide comme lAFD.
Introduction
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 4
La communaut internationale raliselentement que sa survie dpend de laproduction de BPM
Le besoin de coordination des Etats autour dintrts
communs est ancien, mais ne sest vritablement
dvelopp quavec la multiplication des changes
internationaux. Au XIXme sicle, les biens publics
rgionaux ou mondiaux taient dj nombreux, mme si
la dnomination nexistait pas encore : gestion commune
dun fleuve, lutte contre le cholra, gestion internationale
du courrier ou des tlcommunications, lutte contre la
variole ; puis, aprs la Premire Guerre mondiale,
tentatives pour prserver la paix mondiale, etc.
Ce nest qu la fin du XXe sicle que le terme BPM
est apparu pour attirer lattention de la communaut
internationale sur les risques encourus ds lors que ces
BPM taient produits en quantit insuffisante. Le premier
conomiste avoir vritablement parl de BPM est
Kindleberger (1973). Dans un ouvrage intitul The World
in Depression , 1929-1939, il montrait comment les
racines de la crise de 1929 se trouvaient dans
linsuffisante production de biens publics pour encadrer
les marchs mondiaux. Le systme conomique tant
incapable de sautorguler, les marchs ont besoin dtre
encadrs par des institutions internationales garantes
de leur stabilit. Ces dernires, qui surveillent et tentent
de prvenir les risques de dfaillance des emprunteurs,
contribuent renforcer les systmes financiers nationaux
et jouent le rle de prteur en dernier ressort. Elles
fournissent du service public international .
Paralllement, les travaux de Garrett Hardin ont fait
merger la notion de BPM dans le domaine
environnemental : Hardin, dans son essai The Tragedy of
the Commons (1968), analyse le drame des paysans
anglais qui, au XIXe sicle, sappauvrirent en
surexploitant et dtruisant les pturages communaux. Il
applique son concept aux problmes environnementaux
modernes : le bien communautaire (locan, latmosphre,
etc.) suscite des comportements parasitaires, en ce sens
que chacun croit pouvoir lexploiter pour lui, sans en payer
le prix. La question du dveloppement durable, inspire
des thses de Hardin, a mis en avant le problme du
rchauffement climatique, consquence dune
surproduction de gaz effet de serre dans le domaine
public quest latmosphre, ou celui de la surexploitation
des ressources naturelles, dans le cadre dune
mondialisation conomique mal rgule et peu soucieuse
des gnrations futures. La lutte contre le rchauffement
climatique ou la protection des ressources naturelles sont
devenues , dans le langage courant, des BPM, mme
si elles sont davantage apparentes, selon la dfinition
conomique prsente plus loin, des biens communs
mondiaux.
Les risques lis aux pandmies (SIDA, SRAS) et aux
catastrophes naturelles rgionales ou mondiales, ainsi
que la monte du terrorisme sont des proccupations de
nature similaire, qui illustrent la multiplication des enjeux
de production de biens publics lchelle mondiale.
Nanmoins, mme si limportance de ces questions est
internationalement reconnue, ladoption dune dfinition
consensuelle des BPM et la reconnaissance de la
prminence dune politique publique internationale de
production de BPM font problme. Que sont prcisment les
BPM ? Pourquoi sont-ils produits en quantit insuffisante
et comment peut-on y remdier ? Quels sont les obstacles
une position consensuelle sur ce thme ? Telles sont les
questions quil faut claircir pour apprcier lintrt de cette
notion.
1. Dfinition
Dune notion intuitive une dfinition robusteet consensuelle : un long chemin parcourir
La notion de bien public a t dveloppe par lanalyse
conomique. Elle a ensuite t tendue lchelle globale
sur la base de considrations de nature politique.
Les biens publics et les externalits dans un Etat souverain
Avant toute chose, il convient de rappeler que ltude des
biens publics sinscrit dans le cadre thorique de
lconomie du bien-tre . On doit Arrow et Debreu le
premier thorme de lconomie du bien-tre selon lequel,
sur la base dhypothses strictes, le fonctionnement libre
des marchs permet daboutir une allocation efficace des
ressources maximisant le bien-tre global (Pareto-
efficacit). Lorsque ces hypothses ne sont pas vrifies, le
fonctionnement des marchs ne permet pas daboutir un
optimum social et lon parle de dfaillances de march,
justifiant une intervention publique. Ainsi, dans ce
paradigme, lEtat nest cens intervenir que lorsque le
march choue tirer le meilleur parti des ressources
disponibles. Dans ce cadre, les agents, supposs
rationnels et maximisateurs de leur propre bien-tre,
dterminent leur comportement sur la base dun calcul
cots/avantages. Une des hypothses simplificatrices
ncessaires la ralisation dune allocation optimale des
ressources suppose que les cots et avantages privs
concident avec les cots et avantages sociaux (au niveau
de la collectivit dans son ensemble). Or, cette hypothse
nest pas raliste. Lexistence dexternalits ou de biens
publics se traduit par une divergence entre les cots ou
avantages sociaux et les cots ou avantages privs : ainsi,
le prix de march dun bien trs polluant, qui est gal son
cot marginal priv de production, est infrieur son cot
social, qui intgre la nuisance marginale subie par les
riverains (pollution). Cette divergence compromet la
ralisation dune allocation optimale des ressources.
Les principaux cas de dfaillances de march (biens
publics et externalits), prsents ci-aprs, fondent le
besoin dintervention publique.
Lconomie publique aborde les principes fondamentaux de
la fourniture des biens publics, cest--dire les biens offerts
pour une consommation collective. Samuelson (1954) a le
premier identifi les critres lorigine du problme de
production qui fonde la notion de bien public : la non-rivalit
et la non-exclusion. La non-rivalit signifie que la
consommation du bien par un agent ne diminue pas la
possibilit de consommation de ce mme bien par un autre
agent. Lexemple classique est celui de la dfense
nationale. Si une arme protge le pays dune attaque
extrieure, tous les citoyens sont galement protgs. Le
bien non-rival est ainsi, dans la thorie conomique, un
bien ou service pour lequel le cot dextension de la
consommation une personne supplmentaire est nul. La
non-exclusion signifie quaucun consommateur ne peut
tre exclu de la consommation dun bien sans cots
dexclusion levs. Une arme qui protge un pays protge
sans exclusion lensemble des habitants.
La caractristique de non-rivalit est prdominante : les
biens publics sont de manire intrinsque non rivaux.
Quant la caractristique de non-exclusivit, elle dpend
de la possibilit ou non de rserver lusage exclusif du bien
certains consommateurs grce des mcanismes de prix
ou des rglementations.
Dtaillons les diffrents cas de figure et leurs implications
conomiques.
- Un bien non-rival induit un phnomne de passager
clandestin. En effet, une fois le bien produit, tout agent qui
nest pas exclu de sa consommation peut le consommer
dans la quantit souhaite quelle quait t son implication
dans le processus de production. Il a donc intrt
bnficier de leffort dautrui sans contribution personnelle 3.
Ce comportement individualiste conduit cependant un
niveau sous-optimal de production du bien.
- Peu de biens possdent la fois les deux caractristiques
de non-rivalit et de non-exclusion. Ce sont des biens
publics purs4.
- Un bien dont la consommation est non-rivale mais dont
certains consommateurs peuvent tre exclus est appel
bien club . Si des consommateurs sont exclus, le
march conduira une sous-consommation par rapport
la consommation optimale (puisque davantage de
consommateurs auraient pu bnficier de cette
consommation sans que le cot de production en soit
augment). Cette sous-consommation est une autre forme
dinefficacit.
Dfinition
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 5
- Un bien non exclusif dont la consommation est rivale nest
pas un bien public, cest un bien commun (ou ressources
naturelles puisables). La question des biens communs
renvoie aux analyses de Hardin. Il est impossible dexclure
quiconque de la consommation dun bien commun, do un
gaspillage de la ressource et un risque de non
renouvellement (cas de leau). Ce cas renvoie la notion
dexternalits ngatives : lentre dun consommateur
supplmentaire parmi les consommateurs dune ressource
commune limite se traduira par des externalits ngatives
pour les consommateurs dj prsents (diminution de leur
consommation) et pour la socit (disparition plus rapide de
la ressource). Il est dans ce cas ncessaire de crer des
droits de proprit prive ou bien de mettre en place des
rgles collectives de gestion dun bien commun.
Ajoutons que, de manire gnrale, le concept
dexternalits est li celui de biens publics ou communs.
Pour la thorie conomique, les externalits traduisent le fait
que laction de consommation ou de production dun agent
a des consquences sur le bien-tre dau moins un autre
agent sans que cette interdpendance soit reconnue par le
systme de prix, donc sans donner lieu compensation
montaire. En consquence, lacteur lorigine de leffet
externe nintgre pas dans son calcul cot/avantage la
nuisance sociale ou le bnfice social gnrs. A titre
dillustration de ces externalits, on peut citer les exemples
suivants : il y a surproduction de gaz polluant car lentreprise
mettrice ne paie pas pour la nuisance occasionne ; il y a
sous-production de forts car les propritaires ne sont pas
rtribus pour le bnfice global occasionn. Une perte
dutilit sociale en rsulte. Et la production dutilit sociale
peut difficilement rsulter dune seule action prive en
raison du phnomne de passager clandestin.
Il rsulte de cette dfinition que :
- une surconsommation de biens communs induit des
externalits ngatives (elle diminue les possibilits de
consommation) ;
- les externalits ngatives sont non rivales et non
exclusives : la rduction de ces externalits ne peut tre
prise en charge par le secteur priv cause du phnomne
de passager clandestin, personne ne pouvant tre exclu des
bnfices dune telle rduction ;
- la production de biens publics est lorigine dexternalits
positives (installation dun phare qui profite lensemble des
bateaux qui passent proximit) ;
- certaines externalits ont un impact direct sur des biens
publics (comme lair).
La dfinition des biens publics se complexifie ds lors que
lon cesse de lenvisager dun point de vue strictement
technique. Dans loptique technique , la dimension de
non exclusion repose sur la proprit physique du bien (par
exemple, aucun consommateur ne peut tre exclu de
lclairage public car, dun point de vue technique, il claire
tous ceux qui passent proximit). Dun point de vue
social , la non-exclusion est une caractristique qui peut
tre construite ou leve condition dy consacrer les
ressources ncessaires. Elle rsulte dun choix politique.
Ainsi, dans une socit donne, la collectivit peut souhaiter
que des biens lorigine privs deviennent publics, de
manire respecter des droits humains (on rend publique
lcole car laccs lducation est un droit humain ; on
construit un systme de sant publique ; etc.) ou pour
rduire la pauvret et remdier des ingalits daccs
(accs aux loisirs, accs au micro-crdit, etc.). LEtat prend
alors en charge le cot daccs de lensemble des
consommateurs au bien public socialement construit. Un
bien peut donc devenir public ou cesser de ltre selon
lvolution des techniques mais aussi des prfrences
sociales, des contraintes budgtaires, etc.
Au niveau national, un bien public est donc soit
techniquement non-exclusif, soit non-exclusif par
construction sociale. Cette difficult est amplifie lchelle
mondiale par les problmes que pose llaboration de choix
sociaux mondiaux.
Extension lchelle mondiale
La notion de Bien Public Mondial est encore en
construction. Lance par le PNUD (1999), elle fait
aujourdhui lobjet dun processus de dfinition et danalyse
par un groupe de travail (Groupe de travail international sur
les BPM5 (GTIBPM), dont le secrtariat est bas
Stockholm) qui doit rendre sa copie fin 2005. Si ses
caractristiques techniques ne posent pas trop de
problmes, en revanche sa construction sociale est
complique.
Dfinition
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 6
(i) La non-rivalit est une caractristique du bien public
indpendante de son caractre national ou mondial. Ce
nest pas elle qui permettra de fonder la discrimination
entre bien public national et bien public mondial.
(ii) Lchelle de la non-exclusion technique diffre pour
les biens publics locaux, nationaux, rgionaux ou
mondiaux : les externalits produire ou rduire ont une
limite gographique qui, dans certains cas, tend slargir
dans le cadre du processus de mondialisation actuel : du
fait de la mobilit des personnes, les pandmies ont une
porte mondiale ; du fait de linterdpendance des
systmes financiers nationaux, un dysfonctionnement
localis peut engendrer une crise financire mondiale.
(iii) Les problmes induits par la construction collective de
la non-exclusion sont galement trs spcifiques selon
lchelle o lon se situe. Alors quau niveau national, une
autorit lgitime fixe les frontires du public , au niveau
mondial, cette construction sociale repose sur la
conciliation des prfrences collectives, ce qui renvoie au
problme de construction dune action collective
mondiale. Le risque est quelle conduise une inclusion
beaucoup trop large, sans commune mesure avec les
ressources disponibles.
Dveloppons ce dernier point : les tenants dune dfinition
inclusive ou sociale des BPM se fondent sur le lien
entre droits humains6 et biens publics pour dfendre
linclusion de leau, de la sant, de lducation ou de
lalimentation dans la liste des BPM7. Dans de nombreux
pays en dveloppement, lEtat ne peut pas garantir
laccs aux services publics par manque de
ressources nationales pour les financer. En consquence,
de nombreux droits ne sont pas garantis. Linclusion des
droits dans la liste des BPM aurait la vertu de globaliser le
financement de leur application, dassurer quils seraient
financs par la communaut internationale et donc
appliqus de faon plus galitaire. Dans cette optique, la
production des BP dans les pays pauvres devrait tre
prise en charge par des financements globaux, au nom du
respect des droits humains ou des objectifs sociaux
approuvs par la communaut internationale (tels par
exemple, les Objectifs du Millnaire pour le
Dveloppement). Lexemple de la sant permet de
comprendre lenjeu de ce dbat : en incluant la sant dans
les BPM, en rfrence aux droits humains, on permet
nimporte quel malade, quelle que soit son origine, dtre
soign au mme titre quun malade de pays industrialis.
Mais, si la finalit est juste, les moyens pour latteindre ne
semblent pas les bons : ce nest pas en distordant la
dfinition des BPM que lon parviendra un meilleur
financement des droits mondiaux, cest peut-tre en leur
consacrant davantage dAPD.
Pourquoi globaliser laccs un service public national
alors quun gouvernement peut parfaitement le produire
ou le grer de manire indpendante (principe de
subsidiarit) si, tout au moins, on lui garantit les
ressources ncessaires. Or, ces ressources ont
davantage voir avec de lAPD (dveloppement humain
dun pays) quavec du financement de BPM. Cest le rle
de lAPD daider la construction de secteurs publics
nationaux, non celui des financements de BPM.
On le voit, une construction largie de la non-exclusion,
renvoyant la notion de droit ou dquit daccs, conduit
tendre indfiniment le champ des BPM, puisque
aucune autorit lgitime nen fixe les limites. Elle brouille
en outre les frontires entre les diffrentes politiques
publiques internationales (droit, dveloppement, biens
publics mondiaux) et rend impossible toute tentative de
hirarchisation des priorits, pourtant indispensable en
univers de ressources contraintes. Pour sortir de cette
impasse, il convient de fonder les caractristiques
discriminantes de la notion de BPM par rapport celles de
bien public national, de droit ou dobjectif de
dveloppement.
Vers loptique minimaliste
Lapproche inclusive ou sociale aboutit une
confusion entre des BPM, des biens publics nationaux,
des droits humains ou des objectifs de dveloppement,
effaant les frontires des politiques publiques censes
les produire. Elle est fonde sur des besoins de nature
trs diffrente (BP dont la socit a besoin pour
fonctionner de manire plus humaine ou BP que le
march ne peut techniquement pas produire). Elle
mobilise des modes dintervention trs diffrents
(financement de BP nationaux partir de ressources
nationales et internationales, sans coopration
Dfinition
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 7
ncessaire entre Etats dune part ; financements
globaliss de lautre).
Une dfinition restrictive vient dtre adopte par le
GTIBPM, qui vise distinguer les deux types de
politiques. La production de BPM concernerait
uniquement les BP que le march ne peut techniquement
pas produire et qui ncessitent une coopration
internationale.
On le voit, dans un contexte douverture des frontires
marche force, cette dfinition met plus particulirement
laccent sur la gestion des externalits, positives ou
ngatives, et le risque que reprsentent les passagers
clandestins qui ne jouent pas le jeu : il sagit de limiter
les risques lis la production, par certains pays non
coopratifs dexternalits ngatives (diffusion de
pandmies, instabilits financires ou conomiques,
menaces la paix, puisement des ressources naturelles)
ou linsuffisante production dexternalits positives
(diffusion de la connaissance, ouverture commerciale).
Trois postulats fondent alors la spcificit des BPM :
- un BPM recouvre, en raison des externalits qui
touchent lensemble des pays (ou un grand nombre
dentre eux), des enjeux importants pour la communaut
internationale. Ce postulat exclut les droits et la lutte
contre la pauvret de la liste des BPM, qui produisent
certes des externalits, mais peu visibles court terme au
niveau global. Il ne consiste pas faire passer au second
plan des objectifs comme le respect des droits ou la lutte
contre la pauvret, mais il vise signifier que le
financement de ces objectifs relve dun autre type de
politique publique internationale ;
- un BPM ne peut tre produit par un seul pays
individuellement, sauf si cest le seul producteur
dexternalits ;
- un BPM doit donc tre produit collectivement ou sur une
base multilatrale, pour rduire au maximum le niveau
des externalits. La non production dun seul pays peut
compromettre le rsultat final. La production requiert
donc, le plus souvent, une coopration au niveau global.
Cette dfinition soulve un certain nombre
dinterrogations : qui va dcider de limportance relative
dun BPM par rapport un autre ? Que signifie une base
multilatrale ? Que signifie collectivement ? La
question de la dmocratie mondiale est pose sans tre
rsolue.
Toutefois, cette dfinition a le mrite de cantonner la
production de BPM un domaine bien dlimit, qui
nempite pas sur la question des droits ou lAPD.
Prenons, titre dillustration, lexemple de leau potable,
que certains font figurer dans la liste des BPM. Laccs
leau potable est un droit humain, un objectif que sest fix
la communaut internationale dans le cadre des Objectifs
du Millnaire. Mais la logique qui prside sa fourniture
est celle de la production de bien public lchelle
nationale plus que celle dun BPM.
Les externalits lies la consommation deau potable
sont rduites. Le reste du monde peut souhaiter financer
laccs leau potable du plus grand nombre, mais
seulement en vertu du respect des droits humains
(proccupation de dveloppement), et non pour des
raisons de risques globaux induits. Si le bien nest pas
produit ou le service nest pas rendu dans un pays, le
reste du monde ira moins bien, mais lhorizon des
consquences est lointain et incertain. Seuls les cas o
leau est un enjeu entre deux ou plusieurs pays
(Isral/Palestine ou gestion de bassins rgionaux) sont
des questions qui touchent lintrt commun, rgional
en loccurrence.
La sous-production et la sous-consommation deau
potable sexpliquent par la pauvret et le retard de
dveloppement. Elles doivent tre inverses grce
laide publique internationale.
Dfinition
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 8
Dfinition du GTIBPM
IPGs are issues that (i) are deemed to be important to the
international community ; (ii) and cannot, or will not, be
adequately addressed by individual countries acting
alone ; and therefore, (iii) must be addressed collectively
on a multilateral basis by both developed and developing
countries.
Source : Secrtariat du GTIBPM, 2005.
Il ny a pas besoin dune production collective pour
fournir laccs ce BP, except en matire de financement,
mais cest lAPD de contribuer amliorer ce service dans
les pays o il est dfaillant.
Le GTIBPM donne une liste de BPM conformes sa
dfinition et quil juge prioritaires : la paix et la scurit, le
contrle des pandmies, les biens communs naturels,
louverture commerciale, la stabilit financire internationale
et la connaissance. Ces choix ne font pas lunanimit et sont
largement critiqus par la socit civile. Dune part, cette
dfinition est juge de coloration trop
librale : elle na pas pour objectifs de modifier la
rpartition des richesses mondiales, de faire avancer
lapplication des droits humains, ni de freiner la libralisation
des conomies mais plutt de prendre en compte
lexistence de dfaillances de march et dy remdier pour
rduire leurs consquences ngatives et optimiser les
bnfices attendus du fonctionnement des marchs.
Ensuite, les dtracteurs de lapproche dnoncent les
difficults analytiques et oprationnelles qui accompagnent
ces choix. Le choix de louverture commerciale suscite, plus
que les autres BPM, des leves de bouclier. Dans lesprit du
GTIBPM, il sagit dinflchir les rglementations
internationales dans le sens dun accs plus libre aux
marchs, cens profiter aux PED8. Pour prendre en compte le
retard accumul par les pays pauvres, un volet de soutien
leur intgration dans le commerce mondial est prvu9. Dans
les faits, beaucoup jugent faibles les chances quils ont de
tirer profit de louverture, limage de leur
potentiel commercial. Do les inquitudes qui
accompagnent linclusion de ce domaine dans la liste
officielle des BPM. Par ailleurs, une fois dfinis, les BPM
restent trs complexes produire. Des biens comme la paix
ou la scurit, par exemple, recouvrent de nombreuses
dimensions, difficiles identifier et traduire en
interventions de terrain.
Loptique retenue est donc celle de la gestion des
externalits lchelle globale, en privilgiant court terme
la gestion des risques lis la prsence dexternalits
ngatives ou linsuffisance dexternalits positives. La
dfinition inclusive par construction sociale de BPM
est carte car elle ralentirait le processus de dfinition et,
surtout, conduirait brouiller les spcificits des diffrentes
politiques internationales.
Bien sr, et paralllement, lenjeu du financement dun
dveloppement quitable, qui implique lapplication des
droits humains et la redistribution de ressources, doit rester
au coeur des proccupations des politiques internationales : les
Objectifs du Millnaire en sont une manifestation. Cest un
enjeu majeur qui ne peut tre abandonn au profit de la
production de BPM. Mais cest un enjeu qui relve dun
autre type de politique, complmentaire (comme nous le
verrons plus loin) mais diffrent.
Dfinition
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 9
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 10
Une fois dfinis, les BPM restent produire. Or, la
production des BPM se heurte diffrents types
dobstacles selon les caractristiques des BPM en
question. Chaque situation prsente ses difficults propres
et appelle des solutions spcifiques.
Cooprer pour produire des BPM
Cooprer efficacement et quitablement
La question de la coopration est au coeur de la
problmatique de production des BPM. Les types de
coopration dpendent de ce que Hirschleiffer (1983) a
qualifi de technologie de production :
(i) les processus additifs (sommation), comme la lutte
contre leffet de serre, atteignent un volume total qui
dpend de la somme des productions individuelles. Les
aspects institutionnels sont donc dterminants dans la
russite de tels processus, et ils seront dautant plus
efficaces quun accord ou un trait aura pu tre sign,
incitant le plus grand nombre y participer. Sandler (2001)
montre que ce type de biens exige une coopration
multilatrale, quivalent lchelle globale de lintervention
publique, sans quoi la contribution dun pays peut inciter les
autres ne pas participer ;
(ii) pour un BPM de type maillon faible , comme
lradication dune maladie, le niveau de BPM fourni est
dtermin par leffort le plus faible. En effet, la non
coopration dun seul pays peut mettre en pril le succs
de lensemble de la production, do la ncessit daider
financirement et techniquement le maillon faible sil ne
peut pas prendre en charge la production. Les BPM de type
maillon faible seraient ceux qui posent le moins de
problmes de financement, les incitations former des
partenariats bilatraux ou multilatraux pour complter la
contribution la plus faible tant fortes ;
(iii) les BPM de type niveau du meilleur sont
caractriss par le fait que les efforts les plus importants
dterminent le niveau de leur production (exemple de la
recherche mdicale). Un seul producteur est alors
ncessaire et il suffit de concentrer les efforts son niveau.
Mais lidentification et le choix de ce producteur posent
quelquefois problme, en particulier lorsquil prsente les
avantages comparatifs les plus vidents alors quil nest pas
incit produire le bien en question.
La distribution des gains attendre de la production dun
BPM peut parfois amener un pays assumer le rle de
leader prt prendre en charge, partiellement ou
entirement, les cots de production et capable de gnrer
de fortes incitations la participation des autres nations
lorsque celle-ci est requise. Cest, bien sr, le cas pour les
BPM de type niveau du meilleur , mais pas uniquement.
Les Etats-Unis, du fait de leur puissance hgmonique,
jouent parfois ce rle particulier, y compris pour des BPM
de type additif, comme dans le cas du protocole de
Montral sur la rduction de la couche dozone, par
exemple.
Lorsque aucun leader nmerge, laction collective se
cristallise plus facilement sur des enjeux circonscrits, o les
gains sont bien identifiables pour les bnficiaires (cas de
BPM de type maillon faible par exemple, avec un intrt
immdiat agir). Laction collective rallie alors dautant plus
de participants que les possibilits de jouer les passagers
clandestins sont limites (biens partiellement exclusifs).
Dans le cas de lUnion Postale Universelle, par exemple,
les bnfices de lacheminement fiable du courrier
international sont forts pour tous les pays ; un cadre de
production de ce bien public mondial a ainsi pu tre mis en
place de manire prcoce et durable (lUnion, fonde sur
une rpartition quitable des charges, compte aujourdhui
190 pays membres).
2. Enjeux
Les institutions multilatrales peuvent galement prendre
en charge la production de BPM dans leur domaine propre.
Mais deux critiques lies leur sont adresses : (i) leurs
interventions dans ces domaines reprsentent-elle
rellement un choix collectif mondial ? (ii) la production de
BPM par des institutions non cres cet effet ne se
fait-elle pas au dtriment dautres productions qui
constituent leur mission premire et sont davantage
souhaites par les pays bnficiaires ?
Par ailleurs se pose la question de lincitation des pays
rticents cooprer en vue de lintrt collectif ( supposer
que lintrt collectif soit reconnu par tous). Il sagit de
concilier des prfrences par la coopration, plutt que par
la contrainte, car il ny a pas de mcanisme lgal par lequel
des majorits de pays peuvent contraindre des pays free
rider entrer dans des mcanismes de production des
BPM : ce que Nordhaus (2001) appelle le dilemme
westphalien. Dans quelles conditions les acteurs de la
coordination prfreront-ils adopter des rgles
contraignantes pour lintrt collectif plutt que de se replier
sur des stratgies non-coopratives ? Lvaluation
convaincante des risques encourus, lexistence de
solutions acceptables pour tous, les incitations et les
sanctions (ou la carotte et le bton dans les analyses
de S. Barret) et la structure des ngociations sont
dterminants (voir Severino et Tubiana, 2002).
Grer la complexit des processus de production
Certains BPM ont des contours bien dlimits et requirent
des interventions cibles. Dautres, loppos, sont
complexes, ncessitant des actions de diffrents types,
diffrentes chelles gographiques, diffrents moments
dans le temps et mobilisent de nombreux acteurs.
La lutte contre les CFC ou la protection des ressources
halieutiques sont des BPM dont les contours sont assez
facilement dessins, induisant un problme doffre simple
et requerrant des actions cibles. Leurs caractristiques
permettent didentifier assez rapidement les outils de
production et de financement les mieux adapts et le
montant des ressources requis pour financer leur
production. En revanche, des BPM comme la lutte contre le
SIDA impliquent un grand nombre dinterventions dans des
domaines qui vont du global au local ; ils induisent la fois
des actions directement orientes vers la production du
BPM et des actions complmentaires 10 qui relvent
souvent de la production de biens publics nationaux
(constructions dinfrastructures socio-conomiques,
formations, etc.), des actions ponctuelles et massives et
des actions sur le long terme (entretien dinfrastructures de
sant, maintenance, etc.). Pour cette raison, ils ncessitent
de faire appel plusieurs types de financements et
requirent souvent un inflchissement, voire une
redfinition, des politiques sectorielles nationales.
Financer la production des BPM
Enjeux et modalits de financement
Concernant la question du financement des BPM, une
premire distinction doit tre faite entre la gestion
dexternalits dun ct et la production physique de biens
et services de lautre. Dans le cas de la gestion
dexternalits, la question du financement est souvent
secondaire. La production du BPM est peu coteuse pour
les ressources publiques car on peut envisager soit une
rglementation des externalits assortie de marchs de
droits, soit une taxe, qui consiste internaliser les
externalits . Les cots sont ainsi transfrs du domaine
public au domaine priv, incitant les acteurs privs
modifier leurs comportements. Bien sr, les cots ne sont
pas nuls. Les pays perdants et, au sein de ces pays, les
acteurs perdants, peuvent bnficier dun systme de
compensations11. Outre les compensations, un systme
dincitations accompagne parfois le dispositif. Enfin, dans
tous les cas, linstauration dune rglementation ou dune
taxation induit des cots dorganisation, de gestion, de
contrle, etc. Mais, plus que le financement, cest
essentiellement la dfinition dobjectifs communs et la
rpartition des cots indirects qui pose problme. La lutte
contre le rchauffement climatique illustre ce constat : le
point dachoppement est celui du partage du fardeau long
terme (impact dune forte rduction des GES sur la
croissance long terme). Cest la raison principale de la
non ratification par les Etats-Unis du protocole de Kyoto.
Une deuxime distinction doit tre faite selon quil est
possible ou non dexclure des consommateurs potentiels
de la consommation dun bien : dans laffirmative, les
comportements de passagers clandestins disparaissent, ce
qui permet au secteur priv de produire ce bien et de le
Enjeux
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 11
vendre sur la base dun prix ngoci, qui suppose une
rvlation des prfrences des consommateurs. Mais
mme dans le cas des biens non-exclusifs, loffre prive est
envisageable si elle est ngocie ex ante, avec mise au
point dun dispositif dexclusion en cas de comportement de
passager clandestin. Lexistence de facteurs de rivalit (par
exemple ressources limites en voie dextinction)
conduit mettre en place un droit dusage, de manire
viter la surconsommation.
Une troisime distinction porte sur les montants mobiliser
et lhorizon temporel de la mobilisation. Dans le cas dun
processus de production continu dans le temps (protection
de la biodiversit ou du patrimoine mondial de lhumanit),
les ressources ncessaires doivent sinscrire dans la dure
pour viter des ruptures. Des modalits de financement
telles que des contributions annuelles ou une taxe
internationale simposent. Dans dautres cas de figure,
comme la recherche dun vaccin, le processus avance de
manire discrte ou binaire (il existe un seuil de
production au-del duquel le bien est fourni et en de
duquel il ne lest pas, comme pour lradication dune
maladie). Dimportants montants devraient alors tre
mobiliss court terme, pour rduire la dure du processus
de production.
Dans tous les cas, la communaut internationale devrait
tre incite mobiliser des ressources suffisantes de
manire produire des BPM discrets le plus rapidement
possible ou des BPM continus de la manire la plus
efficace possible. En investissant aujourdhui dans la
production dun BPM, on rduit lensemble des cots,
prsents et venir, dans les domaines sociaux,
conomiques ou environnementaux, qui rsultent de la
non-production de ce BPM. On prvient en outre le risque
que la nuisance ne devienne hors de contrle.
Une question transversale dimportance concerne le
partage du fardeau entre les diffrents pays, sur des bases
quitables. Idalement, le financement des biens publics
devrait se faire sur le principe de la participation des pays
hauteur de la valeur (satisfaction) quils en retirent. Cest le
cas pour certains biens publics mondiaux spcifiques, pour
lesquels le financement repose sur la participation des
bnficiaires. Mais ce mode de financement ne peut tre
gnralis car, outre la question pineuse de la rvlation
des prfrences, beaucoup de pays ne disposent pas des
ressources ncessaires pour financer leurs besoins. Des
fonds sont parfois prvus dans le systme de financement
de certains biens publics mondiaux pour financer la
participation des pays pauvres. Aliments par les
contributions des pays riches, ils prennent en charge la
production du BPM (ou des activits complmentaires de la
production) dans les PED : FEM12, fonds de lUnion
Postale, fonds SIDA, etc. Cette dmarche rejoint la logique
de la capacit payer .
Plus gnralement, les fonds sont des vhicules de
financement trs adapts la production de BPM. Crs
selon une logique de centralisation (de ressources
publiques ou prives, ventuellement emprunts et recettes
dune taxe internationale) et de spcialisation, ils
contribuent des programmes globaux et rgionaux
hauteur de 2 milliards de dollars13 par an (soit 4 % de lAPD
annuelle), distribus sous forme de dons. Ils jouent le rle
de vhicules de ressources dans le cadre daccords
globaux. La Banque mondiale gre le plus grand nombre
de fonds (1,3 milliards de dollars en 2000, dont 700 millions
affects des programmes rgionaux et globaux). Ainsi
rassembles, les ressources peuvent tre employes plus
efficacement que si elles taient disperses, mme si
lexprience montre que les faibles capacits dabsorption
des pays rcipiendaires, allies des problmes
organisationnels au sein des fonds, font souvent obstacle
une dpense efficace et rapide. Bien que globaux dans leur
intention, les fonds sont en effet souvent dirigs vers des
projets court terme dans des pays cibls, ce qui peut
engendrer un parpillement incompatible avec lide de
coordination des interventions.
Chercher de nouveaux financements
Dans un contexte de ressources insuffisantes, les
gouvernements comme les organismes internationaux et
autres bailleurs ont cherch impliquer le secteur priv
dans la production de biens publics mondiaux, en
particulier dans des domaines novateurs et profitables.
Limplication des entreprises dans la production de BPM
repose sur deux schmas :
(i) lentreprise simplique sans incitation externe car le
calcul cot-avantage prenant en compte les diffrentes
contraintes auxquelles elle fait face (qui incluent les
Enjeux
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 12
contraintes dimage et de rputation), la conduisent
produire le BPM. Cest par exemple le cas de la prise en
charge croissante par les entreprises prives des
traitements contre le SIDA de leurs employs en Afrique
subsaharienne. Cest galement le cas dentreprises qui
investissent dans la lutte contre leffet de serre ou dans le
dveloppement durable, notamment pour des raisons de
rputation ou par anticipation de rglementations futures ;
cest aussi videmment le cas dentreprises maximisant
leur profit dans un cadre rglement, la rglementation
internalisant les effets externes ngatifs ;
(ii) lentreprise simplique la suite dune incitation externe
(taxes et pnalits dun ct ; de lautre, soutiens publics et
innovations dans le domaine de lingnierie financire et le
dveloppement de partenariats public-priv, qui peuvent
rduire le risque entrepreneurial ou assurer une taille
minimale de march ou encore amliorer lenvironnement
des affaires).
Les ONG et fondations jouent galement un rle essentiel
dans la fourniture de biens publics mondiaux. Les ONG
contribuent la formation des prfrences collectives et
la mobilisation de lopinion. Elles contribuent aussi au
financement et la production de BPM par leur capacit
mettre en oeuvre des actions sur le terrain et par leurs
budgets oprationnels. Les ONG internationales ont
apport, en 2002, 95 millions de dollars la lutte contre le
SIDA (UNAIDS, 2004). Dans le domaine de
l'environnement, elles jouent un rle essentiel de
surveillance et participent activement au dbat politique.
Quant aux fondations, souvent de tradition amricaine
(pour des raisons de rgimes fiscaux notamment et parce
que la politique sociale et lassistance publique aux plus
pauvres y sont peu dveloppes), ce sont des partenaires
de plus en plus prsents dans le financement des BPM, soit
directement, soit en alimentant les fonds et structures
supranationales en ressources. Au dbut de la dcennie
1990, les dons internationaux des fondations prives
atteignaient moins de 1% de lAPD. Dix ans plus tard, ils
dpassaient 2 % et reprsentaient 20 % des transferts des
ressources internationales sur les BP. En 2002, leur
contribution sest leve 4 milliards de dollars14 .
Laide publique au dveloppement finance galement une
part importante de la production de biens publics mondiaux.
Lutilisation de lAPD pour financer des biens publics
mondiaux sexplique certes par lintersection des domaines
(paix et dveloppement par exemple), mais aussi par
facilit , parce que des bailleurs internationaux
interviennent dans les deux domaines. Les ressources
dAPD consacres par les bailleurs la production de
BPM15 sous la forme de financement concessionnel ou
non, se seraient leves en 2000 2 milliards de dollars
(biens publics nationaux ayant des implications
transfrontalires), alors que 11 milliards supplmentaires
auraient t consacrs des projets destins
accompagner la fourniture de BPM (systmes de sant qui
sont dterminants dans la lutte contre le SIDA ; appui aux
capacits commerciales ; soutien aux systmes financiers
nationaux, etc.). La question de la lgitimit de lemploi de
lAPD pour financer des BPM est dveloppe plus loin.
Depuis quelques annes, un dbat sinstaure sur la
fiscalit internationale (rapport Zedillo puis rapport Landau
sur la taxation internationale). Un parallle avec la fiscalit
nationale (impt prlev pour financer, entre autres choses,
la production de biens publics) dmontre quune taxe
mondiale se justifierait pleinement pour le financement de
BPM. Cest loutil le mieux adapt au financement
dobjectifs communs mme si, en labsence dun
gouvernement mondial, la lgitimit de la taxe comme celle
de son affectation doivent tre bien fondes. Cest, dans ce
cas, le respect de lobjet et lefficacit de laction
correspondante qui fonderaient la lgitimit de la taxe ainsi
prleve. Reste la lgitimit du choix de laffectation : on en
revient toujours au mme point dachoppement. Un objectif
la fois global et fortement local ferait plus facilement
lunanimit. Avec une taxe mondiale, les ressources
financires seraient prennes, protges des alas de
politique interne qui gouvernent les choix budgtaires de
chaque pays. La taxation internationale serait donc
particulirement adapte la production continue de biens
publics qui ncessite des ressources prvisibles et
prennes.
Enfin, la mobilisation de ressources sur les marchs
financiers est un moyen de financement qui permet de
rassembler des ressources importantes, concentres dans
le temps. Mcanisme de financement par endettement,
lInternational Financial Facility (IFF) a t propose par le
gouvernement britannique et soutenue par la France, avec
Enjeux
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 13
lobjectif premier de financer les OMD. Il consiste
titriser les promesses daugmentation future des flux
dAPD faites Monterrey, de faon pouvoir anticiper sur
la disponibilit de ces flux et tre capable dengager
rapidement des montants importants. Ainsi, les bnfices
conomiques et sociaux dune aide bien rpartie et bien
cible seraient nettement suprieurs au cot des emprunts.
Si ce mcanisme soulve de nombreuses interrogations,
en particulier sur les conditions de gouvernance et
daffectation efficace de fonds importants, il prsente
cependant un double intrt : montrer que des innovations
dingnierie financire peuvent permettre de disposer de
ressources importantes et que linsuffisance de ces
dernires ne saurait donc tre invoque pour expliquer le
non-financement dobjectifs sur lesquels la communaut
internationale a marqu son accord ; montrer aussi que lon
peut, toujours par lingnierie financire, sparer lopration
de collecte des fonds et celle de lutilisation de ces fonds.
Ce systme pourrait-il financer des BPM ? La production de
BPM est un investissement pour lavenir, pouvant tre
partiellement pris en charge par les gnrations futures
(avec, toutefois, un dbat plus complexe sur la question
des responsabilits dans la production de nuisances, qui
peut se rsumer par la question suivante : les pollueurs ne
devraient-ils pas tre les payeurs ?). Lemprunt se
justifierait donc, mais pas par lIFF qui est gage sur des
ressources futures dAPD : seuls les BPM qui se
superposent avec des objectifs de dveloppement
devraient tre finanables de cette faon, comme la lutte
contre le SIDA.
Une question connexe se pose cependant : lIFF ou une
taxation internationale ne risquent-elles pas de freiner
laugmentation des flux dAPD ?
Renforcer les complmentarits entre production de BPM et politiques dedveloppement
Aux yeux de leurs dtracteurs, les BPM sont perus comme
des rivaux de lAPD. LAPD ne se porte pas bien, son
efficacit est conteste et les pays donateurs seraient la
recherche de dbouchs plus convaincants. Ils se
tourneraient ainsi volontiers vers la production de BPM,
dont les bnfices devraient apparatre plus directement
utiles aux yeux des contribuables. Les protestations
frquentes des PED lgard de la thmatique BPM
montrent combien la production de BPM est clairement
identifie comme une menace pour lAPD, un
dtournement de flux financiers vers des enjeux qui sont
certes majeurs pour la plante mais secondaires par
rapport des proccupations de court terme.
Ce dbat nous semble vain : les deux politiques sont en
ralit complmentaires. De nombreux BPM ne peuvent
tre produits sans les PED, cest--dire sans une adhsion
de ces pays cette politique et une contribution leur
production, souvent dpendante de leur niveau de
dveloppement. Symtriquement, le dveloppement est
renforc par la production deffets externes positifs et nest
durable que sil sinscrit dans un cadre de gouvernance
soucieux de limiter les risques globaux majeurs.
Dveloppement et BPM sont complmentaires
Il existe plusieurs manires daborder cette question : (i) en
analysant limpact de la production de BPM sur le
dveloppement ; (ii) en montrant que la production de BPM
renforce lefficacit de lAPD ; (iii) en montrant le rle que
joue le dveloppement dans la production de BPM ; (iv) en
montrant que plus que le dveloppement, cest le
dveloppement durable qui importe, conditionn par la
production de BPM en quantit suffisante :
(i) la fourniture de BPM influence le dveloppement,
notamment par le biais de la production dexternalits
positives qui renforcent la croissance (diffusion de la
connaissance) ou le dveloppement social (production de
vaccins). La lutte contre les externalits ngatives est
galement porteuse de dveloppement. Ainsi en est-il de la
rduction des risques de crises financires, ces dernires
tant lorigine de dpressions conomiques dvastatrices
dans les pays mergents. De mme, la lutte contre le SIDA
permet de prserver des vies en premier lieu, mais aussi du
capital humain, indispensable au dveloppement
conomique. Enfin, le maintien de la paix est bien
videmment une condition sine qua non du dveloppement ;
(ii) la fourniture de BPM renforce lefficacit de lAPD : elle
permet notamment que des projets de dveloppement
soient mis en oeuvre dans des contextes plus stables,
augmentant leur prennit. Elle permet galement que des
projets de dveloppement puissent sinscrire dans des
programmes daction coordonns, abordant diffrentes
Enjeux
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 14
dimensions dun mme problme et renforant lefficacit
globale des interventions : par exemple, le dveloppement
conomique de sites historiques, sil ne prend pas en
compte la protection du patrimoine, ne sera pas durable ;
(iii) Le dveloppement conditionne la production de certains
BPM. On la vu, la chane de production dun BPM peut tre
complexe et trs imbrique dans les secteurs nationaux.
Les politiques sectorielles nationales jouent un rle crucial
dans la russite du processus de production. La
construction de centres de sant ou la formation dun
personnel mdical comptent constituent un maillon
indispensable des politiques de lutte contre le SIDA ;
symtriquement, lorsque ces maillons nationaux ne
sont pas financs ou correctement organiss, la production
du BPM est rendue plus difficile, voire impossible. Autre
exemple, sans un renforcement des systmes financiers
nationaux, la stabilit financire internationale ne peut tre
assure. Plus gnralement, sans les capacits
dabsorption minimales requises pour produire les BPM, les
ressources destines leur production ne seront pas
dpenses efficacement ; (iv) La production de BPM
conditionne la ralisation dun dveloppement durable. Or,
cest bien le dveloppement durable, plus que le
dveloppement, qui est vis. Le dveloppement dune
rgion sur des bases fragiles et instables est source de
gaspillages humains tout autant que dinefficacit de la
dpense publique. Ainsi, contribuer au dveloppement de
petites les qui seront bientt submerges par la monte des
eaux cause du rchauffement climatique sans,
paralllement, prendre lensemble des mesures
requises pour limiter le rchauffement climatique, voil qui
occulte les vraies priorits.
Parce quils sont complmentaires, ces deux types
dintervention doivent tre envisags conjointement. Deux
conditions devraient fonder leurs relations sur une base
juste :
(i) pour des raisons dquit, la production de BPM ne doit
pas rduire les opportunits de dveloppement des pays du
Sud, tout au moins tant quils nont pas atteint le niveau de
dveloppement des pays du Nord (lexemple de la
consommation nergtique des pays en transition est un
exemple rcurrent : si, au nom de la lutte contre leffet de
serre, on impose une limitation des missions de CO2 dans
les pays en dveloppement, les pays du Nord, en grande
partie responsables du stock de CO2 actuel, devraient
prendre en charge financirement les surcots de cette
limitation) ;
(ii) le financement de la production de BPM par lAPD nest
lgitime que si le pays receveur considre ce financement
comme entrant dans ses priorits, cest--dire sil rejoint des
objectifs de dveloppement. Il sagit donc de trouver dautres
sources de financement pour les BPM entrant dans la
fonction de prfrence des seuls pays dvelopps.
Il reste que le principe de ralit nest pas toujours en phase
avec ces recommandations : certaines priorits des PED
peuvent tre parfois inflchies dans le sens souhait par le
bailleur de fonds.
La fourniture de BPM est loccasion de repenser les
spcificits de lensemble des politiques publiques
internationales
De la mme manire que lconomie publique englobe la
fourniture de biens publics et dautres politiques publiques
(redistribution, stabilisation, etc.), la fourniture de BPM doit
tre conue comme un sous-ensemble de politiques
publiques nationales ou internationales orientes vers le
dveloppement durable. Il est important de dfinir,
relativement aux autres politiques, ses objectifs et ses
modalits propres.
Etant donn la dfinition dun BPM qui a t adopte ici, une
politique de production des BPM se distingue aisment dune
politique de production de biens publics nationaux :
(i) la premire ncessite une action collective pralable et un
mode dintervention dpendant des rsultats des
ngociations internationales ;
(ii) la seconde relve des finances publiques nationales et
peut ventuellement tre prise en charge par lAPD dans les
PED lorsque les gouvernements locaux le demandent.
De manire gnrale, un financement en APD est orient
vers des actions de dveloppement, qui peuvent englober la
production de biens publics nationaux, dans les PED qui le
souhaitent. Ces interventions peuvent galement intgrer la
production de BPM lorsque ces derniers rpondent des
priorits de dveloppement des gouvernements locaux.
Un financement en APD est souvent de type redistributif
(transfert de ressources vers les PED pour lutter contre la
pauvret, rduire les ingalits de conditions de vie, contribuer
Enjeux
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 15
au respect des droits humains). Il peut galement financer des
actions de soutien la croissance conomique. Tout lenjeu
est alors de parvenir initier des dynamiques de
dveloppement quitable (croissance et quit) et durable
(quit et BPM).
Pour conclure, amliorer la cohrence des politiques publiques
internationales permet : (i) de renforcer leur complmentarit ;
(ii) de repenser la question de leur financement, en identifiant
les types de ressources les plus adapts aux diffrentes
politiques.
Le graphique 1 permet de clarifier les objectifs,
complmentarits et types de ressources requis :
- dun ct laide au dveloppement, qui est lgitime pour
financer les diffrents axes dune politique publique daide au
dveloppement : soutien la croissance (conformment la
logique dinvestissement qui a longtemps prvalu sans
toujours porter ses fruits), amlioration des conditions de vie
(selon une logique de redistribution lchelle
mondiale, qui se dessine aujourdhui) et respect des droits
humains ;
- de lautre, des ressources additionnelles globales ou
nationales, publiques ou prives pour financer les volets
non dveloppement de la production de BPM dans le cadre
de programmes daction coordonns, comme la lutte contre
leffet de serre. Mme si la lutte contre leffet de serre
conditionne le dveloppement moyen/long terme de
certaines rgions du monde (sans inflchissement de la
production de GES, certaines rgions disparatront de la carte),
certains volets de la lutte contre leffet de serre ont peu dimpact
sur le dveloppement court et moyen termes des pays et, en
ce sens, profitent autant au Nord (amlioration du climat
mondial) quau Sud : des ressources additionnelles sont donc
requises ;
- lintersection des deux, des interventions en APD sur des
domaines qui recouvrent des proccupations la fois globales
et de dveloppement national, comme la lutte contre le SIDA
ou le maintien de la paix ;
- lAPD peut enfin, et doit aussi souvent que possible, venir en
appui de la production de BPM, en finanant des actions de
dveloppement intgres la chane de production de
BPM, comme le financement de dispensaires dans la lutte
contre le SIDA ou le soutien lactivit conomique
dacteurs touchs par des programmes de lutte contre le
rchauffement climatique.
Enjeux
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 16
Amlioration desconditions de vie /
potentialits
Droits humains
Croissance
BPM
Biens publicsmondiaux
Dveloppement(croissance quitable)
Non APDAPD
Dveloppement Durable
Appui
industriel
Accs au
micro crdit
Education
Sant
Lutte contre le
rchauffement
climatique
Lutte contre le Sida
Zone o le financement de BPM par l'APD est lgitime :- les BPM contribuent directement au dveloppement (actions communes)- la production de BPM ncessite des actions de dveloppement (actions conjointes)
Actions conjointes
Actions communes
Paix
Graphique 1. BPM et dveloppement : Similarits, complmentarits ou spcificits
Apports pour dfinir le rle et les modalitsdintervention de lAFD
Une agence comme lAFD peut repenser son rle et
replacer ses modalits dintervention dans un cadre de
politiques publiques internationales qui positionne les
diffrents acteurs, objectifs et moyens les uns par rapport
aux autres, aide mieux dfinir la coordination des actions,
renforce leur efficacit et leur pertinence et redonne du
sens et de la cohrence des projets bilatraux en les
rattachant des actions globales.
Quatre questions mritent dtre souleves :
- Quel est le rle dun bailleur bilatral dans la production
de BPM ?
- Quelles sont les consquences en matire dvolution des
secteurs dintervention ?
- Quelles sont les consquences en matire de mthodes
de travail ?
- Quelles sont les consquences en matire de ressources
mobiliser ?
Rle dun bailleur bilatral
Un bailleur bilatral peut difficilement se positionner en
promoteur de la production dun BPM. Ce nest pas son
rle. En revanche, il a intrt contribuer llaboration
conceptuelle et aux rflexions oprationnelles lances par
le GTIBPM et autres promoteurs de la notion.
Il lui revient galement de repenser nombre de ses
interventions par rapport aux interventions sectorielles
globales qui se profilent : les projets qui en offrent
lopportunit devraient sinscrire dans des programmes
coordonns qui associent production de BPM et
dveloppement, de manire renforcer les synergies entre
BPM et APD, donc augmenter les retombes de chaque
euro daide dpens.
Quels secteurs dintervention pour lAFD ?
Pour amliorer les synergies entre BPM et dveloppement,
il faudrait promouvoir des projets lintersection des BPM
et de lAPD ou intervenir en APD dans le cadre de
programmes joints BPM/Dveloppement. Plusieurs types
dinterventions sectorielles sont ainsi envisageables
lAFD.
Lutter contre les grandes pandmies (BPM) en amliorant
laccs aux services de sant et laccs leau potable,
chanons indispensables des stratgies globales
Du fait de contraintes budgtaires fortes, de plans
dajustement structurel exigeants et dun accroissement de
la demande, de nombreux Etats ne peuvent pas assurer la
fourniture de biens publics de base. Laide a un rle jouer
dans ce domaine, que ce soit en participant au
renforcement des secteurs de sant nationaux (centres de
sant, formation de personnel mdical, etc.) ou en
dveloppant laccs leau potable. Il est crucial de
contribuer des programmes aussi importants que la lutte
contre le SIDA en renforant les services publics locaux qui
conditionnent ses progrs.
Allier protection de lenvironnement (BPM) et
dveloppement
Les stratgies de protection de la biodiversit, pour tre
viables, doivent veiller ce que les populations locales en
retirent des avantages directs. Deux pistes sont en voie
dexploration pour allier protection de la biodiversit et
dveloppement : compenser par des transferts la perte de
revenu lie au choix dactivits respectueuses de la
biodiversit ; ou dvelopper localement des activits
profitables reposant sur les enjeux cologiques. Dans le
domaine de la lutte contre leffet de serre, le problme se
pose en ces termes : comment limiter les missions de
GES et, paralllement, contribuer au dveloppement des
PED. Il sagit de promouvoir des projets qui combinent les
deux dimensions, grce notamment aux mcanismes de
dveloppement propre dont il serait important dtendre les
points dapplication (aux cultures prennes, par exemple).
Contribuer prserver la paix (BPM) en intervenant dans
la prvention et le post-conflit
Le maintien de la paix est dune extrme complexit. Il est
ncessaire de mobiliser diffrentes approches (historique,
politique, conomique, sociologique, etc.) pour parvenir
un diagnostic peu prs crdible. La gestion post conflit est
tout aussi complexe, et dterminante puisquelle
conditionne le maintien de la paix. Les bailleurs bilatraux,
par leur connaissance privilgie de certaines rgions en
dveloppement, peuvent avoir un rle jouer dans ce
domaine. Des interventions de ce type sont typiquement
Enjeux
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 17
lintersection de proccupations de dveloppement
nationales (la paix conditionne le dveloppement) et
globales.
Contribuer prserver la stabilit financire
internationale (BPM) en renforant les systmes financiers
locaux
Les systmes financiers locaux sont un chanon dcisif de
la stabilit financire mondiale, surtout lorsque
dimportants flux de capitaux y circulent. Les bailleurs ont
un rle important jouer dans lassainissement des
secteurs financiers locaux (transferts de comptence,
gestion des crances douteuses, normalisation, etc.), pour
amliorer la croissance locale mais galement pour
prserver la stabilit financire internationale.
Contribuer promouvoir une ouverture commerciale
quitable (BPM) par des programmes de renforcement des
capacits commerciales ou de mise niveau industrielle
Louverture des frontires met en concurrence directe des
conomies qui ne sont pas capables de profiter de la
mme faon des opportunits commerciales induites :
louverture est inquitable en ce quelle pnalise les
conomies en retard de dveloppement. Au lieu de
favoriser leur rattrapage conomique, cette ouverture va
en ralit creuser les carts de dveloppement. Do
lintrt de promouvoir des programmes daide au
dveloppement qui contribuent mieux prparer les PED
louverture des frontires et favoriser leur insertion
dans ce systme. Ces interventions en APD sont
ncessaires la ralisation dune ouverture commerciale
plus quitable, mme si rien nindique quelles sont
suffisantes.
Allier protection du patrimoine mondial de lhumanit
(BPM) et dveloppement
La protection du patrimoine culturel mondial est un thme
qui se rapproche de la protection de la biodiversit. Il est
possible dallier dveloppement local et protection du
patrimoine, par le biais de canaux comme la cration
demplois directe (rhabilitation de patrimoine) ou indirecte
(dveloppement du tourisme), tout en veillant ce que le
dveloppement du tourisme ne dtruise pas, dans un
second temps, le patrimoine mondial.
Quelles mthodes dintervention ?
Une coordination des interventions sur des programmes
joints BPM/dveloppement aurait probablement un
impact important sur lefficacit et la durabilit des
interventions. La coordination des interventions est, de
toute manire, toujours profitable. Elle lest
particulirement dans ce type de combinaisons o les
interventions sont complmentaires. Elle impliquerait un
travail entre parties prenantes (bailleurs, ONG, secteur
priv, etc.) de dfinition de programmes cohrents et de
rpartition des responsabilits.
Quelles sources de financement ?
Une APD qui financerait des domaines lintersection de
proccupations des pays industrialiss et en
dveloppement, avec une relle incidence sur le
dveloppement pour conserver sa vocation premire,
pourrait mobiliser davantage de ressources auprs des
contribuables du Nord quune APD sans retombes court
terme sur les pays donateurs.
Par ailleurs, il est important de mobiliser des ressources
dorigine prive : un bailleur devrait ainsi exprimenter les
techniques dingnierie financire sa disposition pour
accrotre leffet de levier des ressources en APD. Le
dveloppement de PPP, dans des domaines aussi divers
que la lutte contre le SIDA ou la protection du patrimoine a
montr que des ressources prives pouvaient contribuer
la fois au dveloppement et la production de BPM.
La promotion dune taxe internationale se justifie
pleinement pour financer des BPM dont la production
sinscrit dans la dure et qui ncessitent des ressources
prennes. Quant lendettement, il permet de mobiliser
rapidement dimportantes ressources pour financer des
objectifs cibls, mme sil se heurte toutefois aux faibles
capacits dabsorption des pays pauvres.
La qute de nouveaux financements doit sinscrire dans un
schma qui diffrencie les ressources en APD et les
ressources additionnelles, destines aux BPM sans
incidence sur le dveloppement. A ce titre, un bailleur peut
grer des fonds non APD destins des objectifs globaux.
Il peut intervenir sur la base de ressources additionnelles,
provenant demprunts (donc en prts) ou de ressources
globales, en production directe de BPM dans les pays le
souhaitant (en particulier des pays mergents).
Enjeux
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AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 19
Plusieurs problmes font du champ des BPM un domaine
opaque et controvers :
- le terme est mal choisi, pompeux, trop thorique ;
- la dfinition tarde tre prcise, ce qui laisse penser que
cette notion est fourre-tout ;
- le champ du public est au coeur de controverses
politiques, portes par les tenants dune politisation
(ou humanisation ) de la notion de BPM qui souhaitent en
faire un instrument privilgi de rduction des ingalits. Or,
lapproche par les BPM ne doit pas avoir pour objectif
dinflchir le modle conomique actuel vers un modle
moins libral : ce nest pas son rle, cest celui de politiques
de dveloppement orientes vers un dveloppement plus
quitable. La production de BPM doit plutt limiter les
risques inhrents limperfection des marchs du modle
actuel.
Un enjeu consiste harmoniser lensemble des politiques
publiques pour les orienter vers un objectif commun de
dveloppement quitable et durable. Une politique de
production de BPM doit tre complte par une politique
dAPD efficace et dote de suffisamment de ressources
pour promouvoir le respect des droits humains et lquit
dans les pays o les conditions de vie des mnages en sont
loignes.
Il convient dinsister sur la complmentarit des objectifs de
dveloppement et de production de BPM. LAPD, quand elle
le peut, a intrt financer des BPM qui sont
paralllement des objectifs de dveloppement ou
sinscrire dans des programmes mixtes
BPM/dveloppement, de manire avoir un double impact
en termes de dveloppement et de production de BPM. Son
efficacit se trouvera renforce si lon dveloppe des
complmentarits avec une politique de production de BPM.
Enfin, un bailleur bilatral est lgitime dans son rle de
fournisseur de BPM, mais certaines conditions seulement :
- que le pays receveur accepte cette dmarche, ce qui
suppose gnralement une intersection non nulle avec un
objectif de dveloppement,
- ou que les ressources utilises soient additionnelles
lAPD.
3. Conclusions
AFD Document de travail - Biens publics mondiaux : de nouveaux arbitrages pour laide ? septembre 2005 / 3 20
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2. Severino et Charnoz, 2005.
3. On fait lhypothse que les agents sont non-coopratifs , adoptant des stratgies individualistes sur le mode du
dilemme du prisonnier .
4. Goods for which there is no rivalry in consumption and for which exclusion is impossible , in Stiglitz, 2000.
5. Cre en 2003 la suite dun accord bi-gouvernemental franco-sudois avec pour mandat de clarifier la notion de BPM,
didentifier les BPM essentiels du point de vue de la rduction de la pauvret et de lintrt commun au dveloppement
durable, de formuler des recommandations lintention des responsables et des autres intervenants sur la manire de les
fournir et les financer. La France y est reprsente par Y. Thibault de Silguy.
6. Le droit sur lequel on peut dfinir et poser lexigence des biens communs et publics mondiaux est ldifice croissant des
droits universels, de la dclaration de 1948 au foisonnement des conventions, en passant par les deux pactes gnraux sur
les droits civils et politiques dune part, conomiques, sociaux et culturels de lautre. Bien incomplet encore, peu appliqu
surtout... Et le droit cologique reste pour lessentiel btir, pour laisser autre chose nos descendants quun champ de
ruines . F. Lille, association Biens publics lchelle mondiale , www.bpem.org.
7. Les biens publics mondiaux sont des choses auxquelles les gens et les peuples ont droit, produites et rparties dans les
conditions dquit et de libert qui sont la dfinition mme du service public, quels que soient les statuts des entreprises qui
assurent cette mission. Les droits universels humains et cologiques en sont la rgle, les institutions internationales lgitimes
le garant, la dmocratie lexigence permanente, et le mouvement social la source." F. Lille, association Biens publics
lchelle mondiale , www.bpem.org.
8. La thorie no-classique dfend en effet les vertus du libre-change pour tous, conduisant linstauration dun commerce
optimal, fond sur les avantages comparatifs de chacun.
9. Secretariat of the International Task Force on Global Public Goods, 2005.
10. It is necessary to differentiate between the core component of the delivery system, which should be taken care of by the
international community, from the complementary activities that are the primary responsibility of the national and local entities,
for its provision and existence , Ministry for Foreign Affairs, Sweden, 2001.
11. When countries are strongly asymmetric, co-operation may make one kind of country worse off, even while it makes
another kind substantially better off. In these situations, co-operation will require more than enforcement to stand. It will also
require money transfers - in the jargon of economics, "side payments". Usually, these are compensating payments , S.
Barrett, 2004.
12. Fonds pour lEnvironnement Mondial.
13. Sweden Ministry for Foreign Affairs, 2001.
14. Sweden Ministry for Foreign Affairs, 2001 ; Sagasti and alii (2004).
15. Banque mondiale, 2001, sachant que la dfinition dun BPM tait probablement trs diffrente de celle adopte
aujourdhui.
Notes
Recommended