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APPROCHES ET MODÈLES DE PRATIQUES EN DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS Approches de développement intégré
Clément Mercier, Ph.D Denis Bourque, Ph.D
Cahier no. 1207
ISBN 978-‐2-‐89251-‐483-‐4 (version imprimée) ISBN 978-‐2-‐89251-‐484-‐1 (pdf)
Décembre 2012
II
La Chaire de recherche du Canada en organisation communautaire (CRCOC) a débuté ses activités le 1er janvier 2008. Elle est située à l’Université du Québec en Outaouais (UQO) et possède son propre site Internet : http://www.uqo.ca/crcoc/. Elle fut la première chaire en travail social reconnue par le programme des chaires de recherche du Canada http://www.chairs.gc.ca/. Ce dispositif de recherche se consacre à produire des connaissances visant le développement de l’organisation communautaire dans le service public et dans le milieu communautaire par la compréhension des conditions de succès et de renouvellement de cette pratique confrontée à la transformation des politiques et services publics, à celle des communautés ainsi que des mouvements sociaux. Sur dix ans, la chaire mènera des travaux de recherche et de diffusion sur deux des quatre approches du modèle québécois de l’organisation communautaire (Bourque et al., 2007):
• Développement local : identifier les nouvelles formes d’initiatives de développement local de type intégré, leurs retombées pour les communautés, ainsi que les conditions qui en favorisent la régulation participative et démocratique.
• Socio-‐institutionnelle : analyser l’évolution de l’organisation communautaire dans les nouveaux centres de santé et de services sociaux (CSSS). Étudier l’incidence des programmes de santé publique sur la pratique en organisation communautaire et identifier les conditions de succès de l’approche socio-‐institutionnelle participative.
La Chaire s’intéresse de façon particulière au caractère territorial des interventions en organisation communautaire, aux contraintes et au forces de l’action concertée et à la contribution des intervenantes et intervenants qui pratiquent l’organisation communautaire en soutien à ces démarches.
La présente recherche s’inscrit dans les travaux relatifs au développement local et à l’approche socio-‐institutionnelle. La chaire favorise un renouvellement des pratiques basé sur les meilleurs processus favorisant le développement des communautés par l'accession des populations au rang d'acteurs sociaux. En plus de la recherche, la CRCOC se consacre à la diffusion et à la valorisation des connaissances en publiant des cahiers, en rédigeant des articles et des ouvrages, en livrant des communications et des conférences, en organisant des séminaires, des activités de formation, de consultation et d’accompagnement.
III
TABLE DES MATIÈRES
Liste des sigles p. VI
En guise de préambule p. 1
Pratiques de développement territorial intégré p. 7
1-‐ Mise en contexte général p. 7 1.1. Introduction p. 7 1.2. Les sources et contextes p. 11 1.2.1. En milieu urbain p. 11 1.2.2. En milieu rural p. 12 1.3. De la politique de la ruralité à la stratégie d'occupation et vitalité du territoire p. 15 1.3.1. La politique nationale de la ruralité et le Pacte rural p. 15 1.3.2. Le Plan d'action à l'intention des territoires dévitalisées p. 19 1.3.3. La Stratégie d'occupation du territoire p. 23
1.4. La Santé publique, les CSSS et le soutien au DC p. 25
1.5. Des ressources de formation et d'accompagnement des acteurs, et de production d'outils p. 31
2. Quelques initiatives actuelles de développement intégré p. 35
2.1. Les démarches de revitalisation intégrée (DRI) p. 35 2.1.1. Un exemple : la Démarche des premiers quartiers de Trois-‐Rivières p. 35
2.2. La RUI, la lutte à la pauvreté et la concertation locale : stratégie typique à la région métropolitaine (Grand Montréal) p. 37
2.2.1. Un projet-‐pilote : les démarches de RUI p. 39 2.2.2. Le contrat de ville p. 42 2.2.3. Illustration de démarches RUI p. 45
2.3. L’ATI et le 1er Plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale p. 47 2.3.1. Exemples d’ATI : le CATI de la Capitale-‐Nationale p. 48
3. Pratiques de développement intégré : éléments de modèles p. 53
3.1-‐ Principaux éléments de définition p. 53 3.1.1. Les démarches de RI p. 54 3.1.2. Les démarches de RUI p. 57 3.1.3. À propos de l’approche territoriale intégrée (ATI) p. 63
3.2. Essai de mise en perspective globale sur ces pratiques p. 68 3.2.1. Approches et modèles d'ici p. 68
IV
3.2.2. Les affinités et inspirations externes p. 70
3.3. Quelques fondements et perspectives théoriques p. 76 3.3.1. L'approche de la transaction sociale p. 76 3.3.2. État stratège, gouvernance partagée et territorialité p. 78
4. Survol des dimensions opératoires p. 83
4.1 L’origine d’une démarche p. 83
4.2 Le territoire d’intervention p. 86
4.3 Les acteurs impliqués p. 90
4.4 Le processus d’intervention p. 97
4.5 Les modes de gouvernance p.104
4.6 Les résultats p.109
5-‐ Les approches de développement intégré : leur spécificité et les perspectives pour le développement des communautés p.117
5.1. Pratiques difficiles, ressources à adapter p.120
5.2. Approche, stratégie, programme… même combat? P.122
5.3. Intégration et adaptation des programmes p.123
5.4. La pérennisation de la démarche p.124
5.5. La délimitation des frontières du territoire p.125
5.6. Le grand défi de l’accompagnement p.126
5.7. La nouvelle gestion de l’action publique : nouveau paradigme, nouvelle utopie? p.128
Bibliographie p.129
Sites Web consultés p.145
Annexes
Annexe 1 – Modèle logique de la RUI p.147
Annexe 2 – Common Characteristics CCI p.149
Annexe 3 – Les modes d’action collective dans les démarches de RUI p.151
Annexe 4 – Caractérisation des indicateurs de qualité de vie p.153
Annexe 5 – Organigramme du RUI St-‐Michel p.154
V
Annexe 6 – La Roue du développement p.155
Annexe 7 – Illustration de la synergie entre les 4 processus p.156
Annexe 8 – Adéquation entre les choix sur les dilemmes et les contextes p.159
Annexe 9 – Douze préceptes pour la réussite, tirés des expériences réussies de RUI p.161
Annexe 10 – Villes et Villages en santé : une initiative communautaire pour une
meilleure qualité de vie p.166
TABLEAUX ET FIGURES
Tableau 1 – Dimensions et mesures de la qualité de vie p. 62
Tableau 2 – Les conditions gagnantes des initiatives locales p.104
Figure 1 – La spirale vertueuse p.102
Figure 2 – Mise en perspective des quatre processus évalués p.103
VI
LISTE DES SIGLES
ADR Agents de développement rural
ASSS Agence de la Santé et des Services sociaux
ATDD Animation territoriale dans une perspective de développement durable
ATI Approche territoriale intégrée
CAR Conférence administrative régionale
CCI Comprehensive Community Initiatives
CDC Corporation de développement communautaire
CDEC Corporation de développement économique communautaire
CLD Centre local de développement
CLE Centre local d’emploi
CLSC Centre local de services communautaires
COSMOSS Communauté ouverte et solidaire pour un monde outillé, scolarisé et en santé
CRÉ Conférence régionale des élus.
CREXE Centre de recherche et d’expertise en évaluation (ÉNAP) CSBE Conseil de la santé et du bien-‐être
CSSS Centre de Santé et de Services Sociaux. DC Développement des communautés
DPQTR Démarche des premiers quartiers de Trois-‐Rivières
DRI Démarche de revitalisation intégrée
DSP Direction de la Santé publique
DTI Développement territorial intégré
ÉCOF Économie communautaire de Francheville ÉNAP École nationale d’administration publique
FLAC Fondation Lucie et André Chagnon
FQIS Fonds québécois d'initiatives sociales
FQM Fédération Québécoise des Municipalités
INSPQ Institut national de santé publique du Québec
MAMROT Ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire
MAPAQ Ministère de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation du Québec
VII
MELS Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport
MESS Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale
MRC Municipalité régionale de comté
MSSS Ministère de la Santé et des Services sociaux
MTQ Ministère des Transports du Québec
OC Organisateurs ou organisatrices communautaires
OCA Organisme communautaire autonome
OCDE Organisation de coopération et de développement économiques
OEDC Observatoire estrien du développement des communautés
PAGSIS Plan d'action gouvernemental pour la solidarité et l'inclusion sociale
PEP Programme économique de Pointe Saint-‐Charles
PNR Politique nationale de la ruralité
PNSP Programme national de santé publique
PSBE Politique de la santé et du bien-‐être
RADDL Réseau d’animation en développement durable de Lanaudière
RESO Regroupement pour la relance économique et sociale du Sud-‐Ouest de Montréal
RQIIAC Regroupement québécois des intervenants et intervenantes en action communautaire de CSSS.
RQDS Réseau québécois de développement social
RQRI Réseau québécois de revitalisation intégrée
RQVVS Réseau québécois de Villes et villages en santé
RUI Revitalisation urbaine intégrée
SACL Système d'action collective locale
SALC Système d'action locale concertée
SADC Société d’aide au développement des collectivités.
SRQ Solidarité rurale Québec.
TNCDC Table nationale des CDC.
TPDSL Table des partenaires en Développement social de Lanaudière
VIII
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EN GUISE DE PRÉAMBULE
Parmi les modèles classiques d’organisation communautaire, le développement local (approche socioéconomique) et le planning social (approche socio-‐institutionnelle) ont connu un certain renouveau avec l’inscription du développement des communautés (DC) comme stratégie du Programme national de santé publique en 2002, de même que par la mise en place de nouvelles politiques et programmes (familiale, jeunesse, ruralité, lutte à la pauvreté, revitalisation urbaine, développement durable…) qui font appel à plusieurs principes du DC pour l’atteinte de leurs objectifs ou les ciblent comme objet principal.
Les démarches et les pratiques de développement des communautés peuvent être de différents types, reconnus ou non, dans une politique officielle ou un programme privé, mais reposant toujours sur l'implication des collectivités face aux enjeux auxquels elles sont confrontées. Elles se réalisent soit comme mobilisation « pro-‐active » visant l’amélioration du milieu ou la qualité de vie, soit comme réaction à une situation problématique d'ampleur variable affectant la collectivité locale, de l’ordre de la « réparation » (lutte à la pauvreté, revitalisation intégrée, lutte au décrochage scolaire, protection de l'environnement, etc.). Elles sont caractérisées par des stratégies de portée très variable, poursuivant des finalités parfois très larges, globales et à long terme, comme projet de développement de territoire. Elles sont aussi parfois initiées par des stratégies de portée plus limitée, comme pratiques de concertation locale thématique (groupe-‐cible, problématique spécifique, etc.) visant le partenariat comme projet collectif (Bilodeau, 2012). Ces démarches peuvent conduire, lorsque dirigées sur la seule base des programmes, à l'hyperconcertation (Bourque, 2008), mais elles peuvent aussi contribuer, lorsque coordonnées et intégrées, à l’innovation, à la « densification institutionnelle » (Klein, 2011) et à la production de biens collectifs intangibles (Divay, 2009), facteurs de développement du territoire.
Rappelons que suivant la définition retenue par le MSSS, le développement des communautés est « un processus de coopération volontaire, d’entraide et de construction de liens sociaux entre les résidents et les institutions d’un milieu local, visant l’amélioration des conditions de vie sur les plans, social, culturel, économique et environnemental. » (MSSS, 2008 : 61). Pour délimiter ce champ de pratiques en organisation communautaire, notons que ce « processus se réalise à travers différentes formes d'action collective structurée qui, par la mobilisation des populations concernées et des acteurs sociaux (institutionnel, communautaire, privé), ciblent des enjeux collectifs reliés aux conditions et à la qualité de vie » (Bourque, 2008) et se conjugue dans des démarches qui présentent à des degrés variables et évolutifs les caractéristiques suivantes :
− inscrites dans le territoire local comme espace vécu, qui devient le cadre aussi bien que l'objet de l'intervention;
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− inspirées de ce fait par une approche globale et intégrée de développement et d’intervention, définie non par une stratégie de croissance mais par la perspective du développement durable ou soutenable, ou encore intégrée, arrimant les dimensions sociale, culturelle, écologique, politique et économique du développement;
− s’appuient et visent la participation citoyenne (individus, groupes, et organismes), surtout des plus démunis et des exclus;
− valorisent, reconnaissent et renforcent la capacité d’agir (empowerment) des individus, des groupes, des organisations et de la communauté, considérant que le processus est aussi important que le résultat;
− se réalisent à travers la concertation volontaire, multisectorielle et territoriale de l'ensemble des acteurs locaux, respectueuse des «vouloir et pouvoir» agir propres au milieu.
Cette mobilisation se réalise par des initiatives et actions variées, de portée plus ou moins large, qui sont généralement des points de départ (déclencheurs) dont les effets sont structurants dans la mesure où :
− le processus permet de créer un climat propice à l’action, permettant l’atteinte de résultats ayant des effets d’entraînement, de même que l’apprentissage de la coopération et du pouvoir d’agir ;
− elles se réalisent à travers des projets pouvant produire des résultats à court terme dans une démarche à long terme et évolutive;
− elles sont appuyées par une stratégie et des ressources d’accompagnement (support, animation, formation, financement) capables de s’adapter aux dynamiques locales et de favoriser le renforcement des capacités des communautés par la mise en place de systèmes locaux d'action collective et de concertation indépendants.
Par l'importance qu'on accorde au territoire local comme problématique centrale, et par sa vision globale du développement appelant une alternative au modèle dominant, on en arrive à qualifier de plus en plus les formes avancées de développement des communautés de « développement territorial intégré » (DTI). Pour Moulaert et Nussbaumer (2008), le développement, c’est-‐à-‐dire le « progrès qualitatif et quantitatif », est intégré lorsqu’il entraîne « une amélioration du bien-‐être » et qu’il intègre « les rôles stratégiques des acteurs » de façon à transformer la société et à répondre à « des besoins non satisfaits » (Moulaert et Nussbaumer, 2008 : 50-‐54). La capacité d’innovation des démarches de DTI passe par « une analyse fine des imbrications entre logique sociale et logique territoriale » (Idem: 117) permettant d’identifier les « mécanismes de désintégration » mais surtout les « atouts spécifiques qui permettraient à une localité de se redresser » (Idem : 96). Elle exige en conséquence « un réexamen du rôle de la démocratie locale » (Idem : 95) et une
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« capacitation des citoyens démunis des biens matériels essentiels, des droits sociaux et politiques […] Cette revalorisation de la gouvernance est un des piliers principaux de l’innovation sociale dans le développement territorial. » (Idem : 105, en italique dans l’original). En DTI, « les mouvements sociaux sont des agents du changement social […] des catalyseurs » exerçant un « rôle souvent irremplaçable dans les processus […] de l’innovation sociale » (Idem : 111). Le DTI passe donc par la mise en place d’« un modèle d’organisation, de gestion et de production » reposant sur « la collaboration institutionnelle », « la coopération professionnelle », « une fonction représentative » et « la mise en œuvre de la consultation » (Idem : 114-‐115). Le DTI « focalise sur les liens entre le sentier du développement des communautés locales […] d’un côté et la mobilisation des forces sociales et des ressources du développement territorial intégré de l’autre » (Idem : 130).
Ces pratiques de DC que nous associons au DTI ont des origines québécoises parfois lointaines, mais s'alimentent aussi à des traditions de pratiques expérimentées ailleurs dans les Amériques et en Europe. Elles se réalisent sous des modes très diversifiés dans leur contexte d'émergence et leur évolution, qui sont maintenant stimulés de plus en plus par la multiplication des politiques et programmes publics et privés qui s'en inspirent. Elles peuvent alors procéder de logiques qui sont parfois moins favorables à l'actualisation des principes du développement des communautés (DC), donnant davantage prise à des stratégies de mobilisation des communautés au bénéfice de programmes qui ne laissent pas de retombées structurantes et durables pour la prise en charge par la communauté de son propre développement. Ce qui fait qu'il est parfois difficile de les relier au tronc commun que nous évoquons, d'autant plus que les fondements théoriques et méthodologiques qui les appuient ou les encadrent sont souvent peu formalisés et contextualisés comme approches et modèles. Les initiatives suscitées peuvent alors laisser place d'une part à des écarts importants entre le discours officiel de programme et les conditions de réalisation, et d'autre part à des critiques appuyées sur des grilles d'analyses réductrices de la pratique innovante, complexe et intégrée que le développement des communautés ou territorial représente.
Considérant la prolifération de ces initiatives et des débats qu'elles suscitent, il nous est en conséquence apparu important et utile de faire le point sur l'état de ces pratiques et de mieux les situer dans le champ de l'organisation communautaire. Par delà leurs diversités de logiques d'émergence et de contextes d'opération, qu'ont-‐elles de commun et de différent dans leurs fondements théoriques et leurs principes d'action? Que représentent-‐elles comme potentialités et comme limites, comme continuité et renouvellement en organisation communautaire, en particulier en termes de finalités poursuivies et en regard des processus par lesquels elles émergent et se maintiennent, des acteurs collectifs qui les constituent et des stratégies et acteurs qui les soutiennent? À quelles conditions et
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sous quelles formes les dynamiques locales et les programmes externes peuvent se croiser pour constituer des systèmes locaux d'action collective fonctionnels et pérennes, adaptés à la dynamique de la communauté et capables de contribuer à produire un projet collectif mobilisateur contribuant à la réduction des inégalités sociales, et porteur de rapports plus égalitaires avec les ressources et pouvoirs externes nécessaires à leur développement?
C'est pour mieux documenter ces thèmes que nous avons entrepris de décrire et analyser un certain nombre de pratiques et démarches collectives actuelles qui semblent innovatrices et prometteuses en termes d'orientations conceptuelles et de modalités opératoires. Ceci en vue d’en dégager les éléments théoriques et pratiques permettant de les définir en termes d'approches et de modèles transférables dans des contextes de pratiques générateurs de démarches de développement des communautés ou de développement de territoire qui se veut plus ou moins intégré. Nous utilisons la notion d'approche au sens de Carignan, soit « des concepts et principes sur lesquels on s'appuie pour observer, étudier, percevoir, comprendre, conceptualiser et évaluer une situation », qui fournissent un cadre de référence (la vision) permettant de formuler des hypothèses explicatives et orienter l'action, alors que le modèle « désigne plutôt les méthodes, techniques et stratégies utilisées » pour réaliser une intervention à partir de l'analyse qu'a permis l'approche. De l'aveu même de l'auteure, ces 2 notions sont souvent utilisées indistinctement l'une pour l'autre (Carignan, 2011).
Cette exploration a été réalisée au cours de la période du printemps 2011 jusqu'à la mi-‐2012 à partir d’une recension d’écrits (rapports d’évaluation, articles, littérature grise), donc à partir de la documentation disponible et non d’une démarche empirique, laquelle pourra suivre en regard des volets de problématiques que cette exploration aura permis de mieux définir. Nous avons envisagé au départ de couvrir la plus grande diversité et représentativité des actions collectives correspondant à des degrés divers aux caractéristiques précitées, dont des projets développés dans la mouvance de Villes et villages en santé (VVS), des initiatives en développement social, des démarches de concertation multisectorielle de lutte à la pauvreté ou d'intervention sur une problématique collective locale (socio-‐sanitaire, environnementale, éducative, etc.) ainsi que des démarches ayant le développement global de territoire comme angle intégrateur d'une ou plusieurs problématiques d'un milieu de vie. Pour des raisons de temps et de moyens disponibles, nous n'avons retenu que cette dernière catégorie de pratiques, que nous abordons à partir de 2 types de démarches: 1-‐ Les projets associés à l’animation territoriale dans une perspective de
développement durable développée dans la région de Lanaudière depuis le début des années 2000. Celle-‐ci qui se présente comme une approche (concepts) et une méthode en construction par une communauté de pratiques, a été expérimentée dans des projets d’action en cours sur 5 territoires en lien avec la Table des partenaires en
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Développement social de Lanaudière, et comporte un volet de formation conçue et dispensée par le Réseau d’animation en développement durable de Lanaudière (RADDL). Cette formation a d’abord touché les intervenants, élus et citoyens de la région de Lanaudière, mais est maintenant offerte dans d’autres régions du Québec. Le RADDL a mis fin à ces activités en 2012, mais la démarche d'animation et de support au développement territorial et à la lutte à la pauvreté dans les territoires locaux de Lanaudière qu'il a initiée se poursuit sous la gouverne de la Table des partenaires en développement social de Lanaudière.
2-‐ Des approches de développement intégré, qui sont déployées à travers deux grands types de démarches:
− les démarches de revitalisation intégrée (RI), réalisées depuis quelque 15 ans, qui se sont regroupées en 2007 sous le couvert du Réseau québécois de revitalisation intégrée (RQRI) et définies dans un Cadre de référence explicitant la spécificité de leur approche;
− les démarches initiées dans le cadre de l’approche territoriale intégrée (ATI) mise de l’avant par le Ministère de l’emploi et de la solidarité (MESS) dans le cadre du 1er Plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (2004), qui ont été d'abord initiées à Montréal à travers la Revitalisation urbaine intégrée (RUI).
Nous présentons les 2 types de démarches dans 2 cahiers différents, structurés selon un canevas identique, soit :
1. Mise en contexte général (descriptif, historique…); 2. Survol des dimensions théoriques et opératoires, à partir d'une grille inspirée des
paramètres des approches d’organisation communautaire, soit : principaux éléments de définition; origine d’une démarche; territoire d’intervention; acteurs impliqués; processus d’intervention; modes de gouvernance; résultats atteints.
3. Discussion sur le caractère distinctif et les perspectives pour l’intervention en Développement des communautés-‐Développement territorial intégré.
On comprendra que les 2 premiers volets sont davantage descriptifs et factuels, alors que le 3ième se veut davantage analytique.
Le présent cahier porte sur des approches de développement intégré que nous avons décrites et analysées à partir de démarches de revitalisation intégrée réalisées surtout en milieu urbain et de démarches initiées dans le cadre des programmes développés sous le couvert de l'Approche territoriale intégrée (ATI). Nous les présentons d'abord en les contextualisant au plan historique et actuel en milieu urbain et rural, (chapitre. 1) et les décrivant ensuite dans leurs principales caractéristiques à partir des documents et
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informations publiques disponibles (chapitre. 2). Dans un 3ième volet, nous tentons d'en dégager les dimensions conceptuelles permettant de les configurer comme approches et modèles, à partir des pratiques québécoises spécifiques retenues, mais aussi dans leurs liens avec des pratiques extérieures et des référents conceptuels plus larges auxquels ils s'alimentent. Dans le 4e et dernier chapitre, on retrouvera un examen des dimensions opératoires abordées comme pratiques globales de développement territorial intégré, à partir de la grille retenue. En conclusion, nous revenons sur une mise en contexte plus générale de ce type de pratiques, et dégageons quelques grands enjeux retenus pour la pratique et la recherche.
Le second cahier du même projet est déjà disponible et traite de l'approche d'Animation territoriale dans une perspective de développement durable (Mercier et Bourque, 2012).
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PRATIQUES DE DÉVELOPPEMENT INTÉGRÉ
1. MISE EN CONTEXTE GÉNÉRALE
1.1. Introduction Depuis les 15 dernières années, on a vu émerger des actions collectives de mobilisation prenant le territoire local comme cadre et/ou objet de l’intervention. Certaines de ces démarches sont initiées en réaction à des problématiques majeures de déclin démographique et économique de communautés locales, tout comme à travers des initiatives de lutte à la pauvreté individuelle et collective. D'autres initiatives sont issues de mobilisations collectives locales qu'on pourrait qualifier de proactives, marquées par la recherche de l’amélioration du milieu ou de la qualité de vie, introduisant dans des démarches de planification stratégique de territoire la participation citoyenne, la vision du développement soutenable (Agenda 21) ou du développement social local. Ces démarches, réactives comme proactives, sont caractérisées par des stratégies globales et intégrées de développement de communautés locales. Elles combinent en effet, à des degrés divers et sous des formes différenciées, les dimensions économiques, sociales, politiques, culturelles et environnementales du développement, mais aussi l’intervention d’aide individuelle et la promotion de démarches collectives misant à des degrés divers sur la concertation intersectorielle territoriale et la participation citoyenne.
Certaines de ces pratiques de développement intégré sont d’abord issues d’initiatives locales autonomes de mobilisation concertée de différents partenaires provenant des milieux communautaires, institutionnels et même privés, s’actualisant à travers des démarches de revitalisation intégrée. Nous pouvons les associer à des pratiques de développement des communautés procédant d’une logique communautaire – dans son sens premier de lien avec la dynamique d'une communauté territoriale locale et non comme issue et caractéristique du leadership des organismes communautaires – et citoyenne, soit d’une volonté collective issue de la communauté amenant une définition « autonome » et partagée du territoire d’intervention, des problématiques ciblées et de la vision de développement recherché.
D’autres pratiques ont par contre été réalisées sous une impulsion externe, dans la foulée de mesures gouvernementales – et aussi privées – caractéristiques d’une nouvelle action publique axée sur une stratégie de mobilisation des communautés locales. Ce faisant, l’État et de grands organismes subventionnaires privés ont intégré le recours à la participation citoyenne et à la concertation intersectorielle locale dans les règles et ressources de nouveaux programmes, notamment la lutte à la pauvreté et le développement de saines habitudes de vie. De par leur caractère sectoriel défini par le ministère ou l’organisme parrain et la spécificité de la problématique ciblée, ces mesures sont confrontées au défi de la logique « programmatique » ou de programme, utilisée par les
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bailleurs de fonds aussi bien publics que privés, logique qui les initie et qui amène souvent à considérer au départ le territoire local et les acteurs locaux sous l’angle du cadre et des ressources à mobiliser pour favoriser l’atteinte des objectifs de programme, selon leurs paramètres administratifs et budgétaires. Pour dépasser cette tendance lourde, on doit pouvoir favoriser que les programmes se déploient en s’adaptant et en s’intégrant aux dynamiques locales, ce qui permet leur hybridation avec la logique communautaire, dans un nouveau système d’action collective locale et concertée auquel les deux logiques contribuent.
L’une des plus importantes de ces pratiques a été initiée à travers le programme de Revitalisation urbaine intégrée (RUI) issu de l’implication conjointe du gouvernement du Québec et de la ville de Montréal dans une stratégie territoriale de lutte à la pauvreté. Elle visait au départ des problématiques et clientèles priorisées (catégories de personnes appauvries), mais aussi des actions de développement des communautés dans des zones ciblées selon les indicateurs de défavorisation sociale et matérielle de Pampalon et Raymond (2004)1. Les pratiques urbaines désignées et soutenues par cette entente ont évolué à travers des trajectoires différentes, selon qu’elles prenaient appui sur des mobilisations définies et portées par des acteurs communautaires locaux, ou qu’elles étaient générées entièrement de l’externe de la communauté, à l’initiative du programme qui les a initiées ou les a encadrées. D’autres encore ont réussi la jonction heureuse entre les 2 logiques (communautaire et programmatique) pour favoriser, pérenniser et même renforcer des démarches globales et autodéterminées de mobilisation collective visant la revitalisation intégrée.
Bien qu'elle lui soit antérieure et l'ait en quelque sorte inspirée, cette pratique de RUI a été identifiée par certains comme la « variante urbaine de l’ATI » (Divay, 2010), soit l’Approche territoriale intégrée définie à l’intérieur du premier Plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (2004-‐2009) suite à l’adoption de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale (2002) et à la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (MESSF, 2004) qui en a fixé les orientations comme « ancrage concret sur le terrain ». Alimentée par un financement relativement important provenant d’un fonds dédié, le Fonds québécois d’initiatives sociales (FQIS), l’ATI devait, pour se déployer, « s’appuyer sur des stratégies concertées des régions, sous le leadership des CRÉ, autour des priorités d’action et des territoires défavorisés à privilégier ». Le FQIS, prévoyait-‐on devait générer dès 2004-‐2005 des investissements de 16 M$, mais l’enveloppe réelle ne sera jamais pourvue à cette 1 Développé au Ministère de la santé et services sociaux à la fin des années quatre-‐vingt-‐dix, principalement
sous la gouverne de R. Pampalon et G. Raymond, l'indice de défavorisation a été largement utilisé dans le domaine de la santé publique, « à des fins allant de la surveillance de la santé jusqu’à l’élaboration d’orientations politiques en passant par l’évaluation des services et l’allocation des ressources ». (Pampalon et al., 2010). Nous reviendrons plus loin sur sa constitution et l'usage de cet indice.
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hauteur. Les projets ATI, hormis 2 projets pilotes financés sur 3 ans à hauteur d’environ 500 000 $ chacun par an, totaliseront pour la période 2004-‐2009 environ 1,2 M$, à travers des ententes couvrant 62 territoires de CLE en mars 2009 (MESS, 2009). À Montréal, elle sera affectée, dans le cadre du Contrat de ville, à la RUI (5 M$ par an jusqu’en 2009 et 24 M$ de 2009 à 2012), à un programme conjoint avec la Fondation Lucie et André Chagnon (FLAC), financé à part égale pour une enveloppe globale de 10 M$ sur 5 ans (Autonomie Jeunes-‐Famille, qui ouvrira la porte aux ententes ultérieures de PPP entre la FLAC et les ministères sociaux auprès des jeunes, des familles et des aînés), au Club des petits déjeuners (1 M$ par an) et au Sommet du millénaire (entre 0,7 et 1 M$).
Sans en faire un modèle prescriptif, l'approche territoriale intégrée sera retenue dans le 2iéme plan de lutte (2010-‐2015), à l'intérieur de la première orientation visant à « Revoir nos façons de faire et rapprocher les décisions des milieux locaux et régionaux ». Elle s'inscrit dans la reconnaissance d'une plus grande souplesse et adaptation des programmes aux réalités locales:
Pour renforcer l’action locale et régionale, il faut : – briser les «silos» entre les différentes organisations afin d’assurer une harmonisation des actions et de créer des continuums de services centrés sur la personne;
– assouplir les normes de certains programmes et mesures pour mieux répondre aux besoins des milieux;
– donner aux acteurs régionaux et locaux les moyens de mieux réaliser leur mission en soutenant leurs efforts de mobilisation et de concertation qui conduisent à des projets prometteurs;
– assurer la continuité des démarches existantes, telles les initiatives de revitalisation urbaine intégrée (RUI) et l’approche territoriale intégrée (ATI). (MESS, 2010 : 18)
Le Plan d'action 2010-‐2015 a été réellement mis en branle en juin 2011, en confiant aux Conférences Régionales des Élus (CRÉ) le mandat de mobiliser les partenaires régionaux dans la formation d'Alliances pour la solidarité et l'inclusion sociale. Elles sont responsables de l'élaboration et mise en place de plans d'action menant à la signature d'une entente entre le MESSS et chacune des CRÉ. Les enveloppes budgétaires affectées au Plan pour les 2 premières années sont de l'ordre de 40 M$ au total, dont la majeure partie (90%) a été transférée aux régions. L'enveloppe totale prévue pour les 3 années restantes est de l'ordre de 25 M$ par année. L'enveloppe totale prévue pour le Plan 2010-‐2015 est de 115 M$.
D’autres programmes gouvernementaux (Centre local de développement, Pacte rural, Stratégie jeunesse, Politique familiale municipale, Programme national de santé publique, Stratégie d'Occupation et vitalité des territoires) et acteurs privés visant la lutte à pauvreté (dont Centraide, avec le programme Bâtisseur communautaire; la Fondation Lucie et André
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Chagnon (FLAC) et la Fondation McConnel en développement local), ont aussi fait référence à certaines formes de développement intégré misant à des degrés divers sur la mobilisation dans une démarche favorisant surtout la concertation intersectorielle locale comme levier du développement d’un pouvoir d’agir collectif local en regard d’une problématique locale significative plus ou moins large. À cette liste, nous devons ajouter le Réseau de Villes et Villages en santé, qui ne constitue pas à proprement parler un programme, mais est à la fois un mouvement agissant sous le leadership des municipalités, avec une implication importante des élus locaux, et une stratégie de promotion de la santé à partir du cadre municipal qui rejoint plusieurs valeurs et principes d'action typiques du développement des communautés ou territorial intégré. Ainsi, l’action se structure parfois à partir d’initiatives de concertation locale thématique (persévérance scolaire, saines habitudes de vie, etc.) et intersectorielle (plusieurs secteurs se concertant autour d’une problématique ou d’une clientèle) visant l’amélioration des services ou la réalisation d’un programme au profit des usagers sur la base d’un territoire, avec une approche globale intégrant l’individuel et le collectif. Mais par delà les effets de gain d’efficacité de l’offre de services, ces initiatives, grâce à une meilleure connaissance et reconnaissance mutuelles des acteurs, des problématiques et du territoire, peuvent éventuellement produire une synergie ou « densification institutionnelle » (Klein, 2011), menant à une vision et à des stratégies de développement de l’ordre d’un projet de territoire.
Dans le présent cahier, nous nous limiterons à explorer plus systématiquement les principales pratiques publiques et communautaires, soit les démarches de revitalisation intégrée (DRI), la revitalisation urbaine intégrée (RUI) et l’approche territoriale intégrée (ATI). Dans un premier temps, nous les décrirons au plan de leur évolution historique et de leurs principales composantes, dont la différentiation tient principalement dans la marge d’autonomie exercée par les acteurs locaux dans le mode de gouvernance et la définition du territoire ainsi que leur rapport au territoire. Dans un second temps, nous tenterons de cerner les dimensions de modèle ou d’approche en développement des communautés qu’ils constituent, à travers les critères de notre grille d’analyse.
Les critères d’identification des pratiques
− inscrites dans le territoire local comme espace vécu; − inspirées de ce fait par une approche globale et intégrée de développement et d’intervention;
− s’appuient et visent la participation citoyenne, surtout des plus démunis et des exclus;
− valorisent, reconnaissent et renforcent la capacité d’agir (empowerment), considérant que le processus est aussi important que le résultat;
− se réalisent à travers la concertation volontaire, multisectorielle et territoriale;
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− permettant de créer un climat propice à l’action, à l’atteinte de résultats de même qu’à l’apprentissage de la coopération et du pouvoir d’agir ;
− se réalisent dans une démarche à long terme et évolutive; − appuyés par une stratégie et des ressources d’accompagnement.
1.2. Les sources et contextes
1.2.1. En milieu urbain Les sources plus lointaines (mais néanmoins contemporaines) de ces interventions en milieu urbain se retrouvent en grande partie dans le Programme économique de Pointe Saint-‐Charles (PEP) mis sur pied en 1984 dans le Sud-‐Ouest de Montréal (voir : www.resomtl.com/fr/). Il s’agit d’un quartier ouvrier dans un secteur industriel jadis florissant alors frappé de plein fouet par la chute catastrophique de l’emploi suite à la fermeture, en 1965, du Canal Lachine au profit de la nouvelle voie maritime du Saint-‐Laurent. Le Sud-‐Ouest de Montréal perdra quelque 20 000 emplois de 1965 à 1988, et la population passe de 100 000 habitants en 1950 à 69 000 en 1988. Ce premier projet de développement économique communautaire en milieu urbain, auquel une dizaine d’organisations communautaires et publiques ont au départ contribué, s’est inscrit dans la lignée des actions d’animation sociale de la fin des années 1960. Ces actions ont, entre autres, permis la mise sur pied d’une clinique communautaire qui obtiendra en 1974 un mandat de CLSC avec le statut d’organisme communautaire, et qui l’a conservé depuis. Le PEP élargira graduellement son action à l’ensemble des milieux du Sud-‐Ouest (Petite Bourgogne, Saint-‐Henri, Ville-‐Émard, Griffintown, Côte-‐Saint-‐Paul) et deviendra en 1989 le Regroupement pour la relance économique et sociale du Sud-‐Ouest (RESO), reconnu comme la première corporation de développement économique communautaire (CDEC) au Québec. La mission actuelle du RESO est de « Regrouper la communauté du Sud-‐Ouest autour de stratégies et de projets de développement pour qu'elle participe activement à bâtir son avenir économique, social et culturel dans une perspective durable et équitable en misant sur l'engagement et la concertation de la population et des acteurs sociaux et économiques ».
D’abord financé comme comité d’adaptation de la main d’œuvre (CAMO) communautaire en vertu d’un programme visant le reclassement des travailleurs licenciés d’une entreprise importante, programme adapté pour permettre l’étude des situations de chômage endémique dans des localités et la relance de l’emploi, le PEP (RESO) fut d’abord formé pour réaliser une étude sur la situation économique du quartier. Il réussira à « obtenir une subvention de démarrage pour favoriser l’emploi et la revitalisation sociale et économique du quartier » (Favreau et Lévesque, 1996 : 85), et agira ainsi comme fer de lance pour ouvrir les portes au financement public des 3 paliers de gouvernement pour ce type d'initiative, et au développement d’instruments adaptés au financement de petits projets d’entreprises privées et d’économie sociale. Le RESO se concentrera d’abord sur l’offre de
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services de soutien aux personnes en démarche de réintégration du marché du travail et sur les efforts de consolidation et de développement des entreprises pour le maintien et la création d’emplois. Plus tard, vers la fin des années 1990, le RESO interviendra comme leader d’une démarche de planification du développement économique du territoire, complétée d’un plan concernant la main d’œuvre. Il assumera également le mandat de Carrefour Jeunesse emploi en 2001. À partir des années 2000, tout en gardant le cap sur l’emploi et l’entreprise, il deviendra de plus en plus actif dans les dossiers majeurs d’aménagement du territoire, en prenant position par exemple sur les projets d’implantation d’un Casino et d’une installation du Cirque du soleil sur le territoire, sur les projets immobiliers de Griffintown et sur la réfection de l’Échangeur Turcot.
À la suite du RESO, 9 autres CDEC ont vu le jour à Montréal durant les années 1990 dans les quartiers en déclin. En dehors de Montréal, quatre autres CDEC vont s’implanter à Trois-‐Rivières, Québec, Gatineau et Sherbrooke. Lors de l’implantation de la politique de développement régional en 1998, les CDEC de Montréal recevront pour leur quartier le mandat de centre local de développement, mandat dont nous traiterons plus loin. Bien qu’il n‘existait pas au départ de programme spécifique pour les CDEC, leur émergence a en général été soutenue par un financement tripartite partagé entre le gouvernement fédéral (Développement économique Canada), le Gouvernement du Québec (Emploi et solidarité sociale, Affaires municipales, régions et occupation du territoire) et les municipalités concernées. Leur action comprendra en général des mandats délégués liés à l’économie sociale et à des volets de mission CLD.
Le mouvement communautaire deviendra aussi un acteur impliqué dans le développement socioéconomique de communautés semi-‐urbaines et de quartiers urbains, à travers les corporations de développement communautaire (CDC) qui se mettront sur pied dans la foulée de la CDC des Bois-‐Francs implantée à Victoriaville (couvrant le territoire de la MRC d'Arthabaska) en 1984. Agissant d'abord comme cadres de concertation et de services en commun pour les organismes communautaires d'un territoire donné, les quelque 50 CDC qui vont par la suite s'implanter dans toutes les régions du Québec, « pratiquent et soutiennent l’intervention communautaire, les initiatives locales de développement économique communautaire ainsi que la lutte à la pauvreté et l’exclusion socio-‐économique » (Lapointe, 1994 : 242). Un certain nombre d'entre elles assumeront des rôles actifs dans la promotion d'une vision de développement intégré, le soutien à des tables de concertation multisectorielle territoriale et dans la gestion de programmes de soutien à l'économie sociale.
1.2.2. En milieu rural Des démarches de même nature ont eu lieu dans des régions rurales en réponse aux problématiques de dévitalisation vécues dans certaines localités et même des sous-‐régions entières. À titre d’exemples plus lointains, pensons aux Opérations Dignité du Bas Saint-‐
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Laurent qui au début des années 1970 ont entraîné la création de plusieurs projets d’aménagement agro-‐forestier intégré et la mise sur pied d’entreprises collectives de production et de consommation. De même, en Abitibi-‐Témiscamingue, des actions locales de résistance se sont organisées dans la foulée du Mouvement des paroisses marginales créé en réaction aux programmes de « fermeture en douce » des localités rurales fortement en déclin. Suite aux expériences de fermetures de « paroisses » du Bas-‐St-‐Laurent, dont la médiatisation était plutôt négative, l’Office de planification et de développement du Québec ne proposait plus de programmes formels et publics de fermetures, mais continuait néanmoins de les encourager par des normes et des politiques de programme (scolaires, entretien de routes, support municipal…) qui avaient, par effet « d’asphyxie collective » et d’incitatifs individuels, comme but implicite d’encourager la mobilité des résidents de ces localités désignées comme « marginales » vers des lieux plus « accueillants ». Les actions de résistance se sont transformées, au début des années 1980, en projets de revitalisation socioéconomique dont les plus connus sont venus de Guyenne et du territoire de Champneuf-‐Lamorandière-‐Rochebeaucourt. Ces projets ont marqué l’imaginaire du monde rural et participé à sa relance à travers la mise sur pied, en 1992, de Solidarité rurale du Québec qui est une grande coalition d’institutions et d’organisations de la société civile visant à « promouvoir la revitalisation et le développement du monde rural, de ses villages et de ses communautés » (www.ruralite.qc.ca/). Solidarité rurale du Québec deviendra le principal interlocuteur de l’État en regard des politiques et actions à l’égard du monde rural comme « territoire à occuper ».
Au fil des décennies, certains programmes de financement de projets de revitalisation locale par la création d’emploi ont été mis sur pied par le gouvernement fédéral, dont le programme PACLE (Programme d’aide à la création locale d’emploi) mis sur pied en 1971, et le programme Croissance locale de l’emploi (CLE) en 1981, qui seront fusionnés en 1986 pour donner naissance au Programme de développement des collectivités (PDC). Celui-‐ci
…a été institué pour « offrir le soutien et les moyens nécessaires aux petites localités pour solutionner leur problème d’emploi à long terme en étant maître-‐d’œuvre de leur développement ». Parallèlement, les Comités d’aide au développement des collectivités (CADC) étaient instaurés dans les collectivités bénéficiaires en vue de mettre en œuvre le PDC. Ces comités avaient pour mission de réunir les principaux intervenants du territoire, évaluer les besoins présents et élaborer les stratégies de développement économique. Lors d’une évaluation du programme par le fédéral en 1990, ce dernier réalisa que les seules composantes dont les résultats étaient satisfaisants faisaient référence aux initiatives reliées à l’entrepreneurship. Étant donné que les champs d’action des Centres d’aide aux entreprises (CAE) et des Comités d’aide au développement des collectivités (CADC) étaient intimement reliés et qu’elles œuvraient sur le même territoire et étant donné le contexte de restrictions budgétaires, une fusion fut réalisée en vue de regrouper les opérations en un seul point de service. C’est donc le 6 mai 1995 que le Réseau des SADC du Québec est né de la fusion de la Conférence des Comités
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d’aide au développement des collectivités (CADC) et de l’Association des Centres d’aide aux entreprises (CAE). (www.riviereduloup.ca/sadc/?id=sadc_histoire&a=2009 consulté le 2012-‐11-‐09)
Du côté québécois, il faut signaler la mise en place en 1997 de la Politique de soutien au développement régional et local (Québec, 1997) par laquelle on a voulu décentraliser l'action de soutien aux communautés locales et régionales. Québec misait ainsi sur une approche intégrée de développement, à la fois dans une vision de développement durable et dans une stratégie faisant appel à la mobilisation de l'ensemble des acteurs locaux et régionaux. La formation des Centres locaux de développement (CLD) qui couvent l’ensemble du territoire, devait respecter cette vision de développement et un mode de gouvernance faisant une place à la société civile au niveau des conseils d’administration; elle a aussi permis la mise en place d’un Fonds de développement de l’Économie sociale et obligé la nouvelle instance à se donner un plan de développement local devant inclure un plan de développement de l’emploi en concertation avec le Centre local d’emploi créé dans la foulée du rapatriement de tous les programmes de formation et d’aide à l’emploi qui relevaient du fédéral. Le CLE est le pendant du CLD sur le plan de l’emploi. Dans le milieu rural, le CLD épousait le territoire de la MRC, et pouvait compléter par une approche plus large et inclusive l’intervention de la SADC, davantage centrée sur l’entrepreneuriat traditionnel et le modèle libéral classique de développement. Cette infrastructure locale venait assurer un pendant local aux conseils régionaux de développement, eux aussi ouverts à la société civile et invités à faire une place au développement social par des ententes spécifiques avec les autres partenaires régionaux.
Ces orientations ont cependant été réduites en 2003 par l'intégration de la Politique de développement régional et local au nouveau ministère du Développement économique et régional (MDER), constitué à partir de quatre ministères et organismes2, redéfini dans un mandat de soutien à l'entrepreneuriat privé et au développement économique conforme au modèle néo-‐libéral. Cette restructuration entraînera l’abolition des Conseils régionaux de développement (CRD), remplacés par des Conférences régionales des élus (CRÉ) où on a donné aux élus municipaux le contrôle des conseils d’administration. En même temps, les élus locaux ont eu la possibilité de réduire la participation de la société civile au CLD à la présence d’une seule personne « représentative » de l’économie sociale. Laissée à la discrétion des élus locaux cette orientation n’a pas été appliquée partout. Dans certains cas, on conservé la composition initiale du CLD.
2 Ministères de la Recherche, de la Science et de la Technologie, de l'Industrie et du Commerce, des Régions
et Tourisme Québec. En 2005, le MDERR se scinde en trois ministères : le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, le ministère du Tourisme et celui des Affaires municipales et des Régions.
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1.3. De la Politique de la ruralité à la Stratégie pour assurer l'occupation et la vitalité du territoire
Dans la continuité des expériences et projets « alternatifs » et intégrés de développement en milieu rural, il importe par ailleurs de mentionner le développement et l'implantation durant la dernière décennie de trois initiatives majeures, complémentaires l'une de l'autre, réalisées sous la responsabilité du Ministère québécois des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire (MAMROT). Ces politiques et programmes sont pour une bonne part le fruit de la mobilisation des regroupements des villes et municipalités – l’Union des municipalités du Québec regroupant principalement milieux urbains et la Fédération québécoise des municipalités, surtout rurales –, des acteurs de la société civile, dont Solidarité rurale du Québec, en étroite concertation avec des universitaires impliqués en développement local et régional (UQAR, UQAC, UQAT et UQO). Il s'agit du Pacte rural, introduit avec la Politique nationale de la ruralité (PNR) initiée en 2002 pour 5 ans, et reconduite en 2007 jusqu'en 2014, du Plan d'action à l'Intention des municipalités dévitalisées de 2008, et de la toute récente Stratégie pour assurer l'occupation et la vitalité des territoires (2011-‐2016).
1.3.1. La Politique nationale de la ruralité et le Pacte rural La Politique nationale de la ruralité a été conçue comme politique spécifique et distincte de la politique agricole et économique pour promouvoir le développement rural. Elle est définie comme approche « du bas vers le haut », préconisant une prise en charge du développement par les communautés locales dans une démarche qui se veut démocratique, axée sur une approche participative de la population. Cela lui donne un caractère innovateur selon l'OCDE qui en a réalisé une évaluation (OCDE, 2010) dans laquelle on peut lire
Cette politique est centrée sur la construction d’un capital social local et son principal objectif est de renforcer les capacités des collectivités et de veiller à une occupation dynamique et durable des terres rurales. La PNR constitue l’une des approches d’appui au développement rural qui est parmi les plus avancées de l’OCDE. (OCDE, 2010 : 18) La politique du Québec diffère de celle de nombreux pays de l’OCDE qui commencent par encourager le développement économique pour accroître le capital social. L’unité de base de la PNR étant la MRC, il était important de trouver un moyen d’encourager les personnes à considérer que leur communauté c’est la MRC, et non pas simplement leur municipalité. Les deux objectifs d’action stratégiques qui découlent de ce principe sont : i) la libération du potentiel de toutes les ressources humaines, culturelles et physiques présentes dans les régions rurales et ii) le maintien d’un équilibre entre qualité de vie, environnement social, environnement naturel et activités économiques. Le deuxième point illustre une focalisation sur la viabilité et l’harmonisation des préoccupations économiques, écologiques et sociales. (Idem : 208).
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[Elle] défend l’hypothèse dominante dans les pays de l’OCDE selon laquelle la cohésion sociale et le renforcement des capacités collectives sont des préalables à un développement socio-‐économique plus fort dans les régions rurales. (Idem : 201)
Cette politique semble donc être le produit hybride de la rencontre des logiques communautaire-‐citoyenne et programmatique:
[Elle] a été le résultat d’une évolution des initiatives en matière de développement rural conduites par l’administration publique mais aussi par la société civile. Contrairement aux structures institutionnelles créées après coup pour favoriser la coordination horizontale avec les organisations de la société civile, la politique rurale a suscité, dès le départ, un sentiment d’adhésion de la société civile qui a été bénéfique pour la situation du Québec. (Idem : 204).
Il faut toutefois noter que le changement de juridiction des CLD vers le ministère du développement économique, suite à la restructuration de 2004, entraînera un risque de chevauchement et de sectorisation entre, d’une part, la PNR, les plans d'action intégrée et multisectorielle générés par les Pactes ruraux des MRC, sous la juridiction du MAMROT, et, d’autre part, la planification et la gestion du développement économique mises de l'avant par les CLD qui peuvent être incités à gérer leurs programmes selon une logique davantage sectorielle. Ceci fait dire aux évaluateurs de l'OCDE que « Bien que le mandat des CLD s’étende au-‐delà des seules régions rurales, le fait de séparer les CLD de la politique rurale et régionale risque d’affaiblir l’approche ultérieure de la PNR.» (Idem : 207).
L'OCDE note que, en raison de la grande souplesse que permet la PNR dans l'élaboration et la réalisation des Pactes ruraux, les acteurs locaux ne les utilisent pas toujours dans l'esprit de la politique:
Un rapport d’évaluation interne de la première PNR (GQ, 2007a) a constaté l’existence au niveau des MRC de deux perspectives différentes des pactes ruraux. Alors que certaines MRC dans le sillage du gouvernement voient dans les pactes ruraux une stratégie anticipative pour renforcer la capacité de développement des acteurs et des collectivités, d’autres limitent leur rôle à l’établissement d’un mécanisme fonctionnel de distribution des fonds, comparable aux modalités des fonds locaux d’investissement. Seul le premier groupe de MRC utilisera les pactes ruraux comme une approche « long terme » impliquant un processus de consultation durable et utilisant de manière appropriée les agents de développement pour mobiliser et accompagner les collectivités dans leurs efforts de développement (...) Pour éviter tout malentendu et réagir aux inexactitudes apparues lors du premier cycle de pactes ruraux, la deuxième PNR a été plus explicite, incluant des indicateurs de succès dans chaque pacte rural. (Idem : 219)
La mise en œuvre locale de la PNR à travers le programme du Pacte rural a donc été confiée principalement aux MRC. On attend de la MRC qu'elle devienne un cadre d'appartenance
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aussi important que la municipalité locale, sans toutefois que ni l’une ni l’autre détienne pour ce faire d'autorité formelle et de légitimité comme acteur institutionnel. La PNR a entraîné dans les territoires de MRC rurales la conclusion avec le MAMROT d’ententes contractuelles qui leur ont permis de financer à moyen terme des plans d'action et dans le cadre de ceux-‐ci, des projets de plus ou moins grande envergure, sur la base des localités ou de territoires plus larges, incluant celui de la MRC. Les projets retenus peuvent être financés par les enveloppes de la PNR et d’autres sources gouvernementales jusqu’à concurrence de 80% de leur coût total, les promoteurs locaux devant apporter un financement d'au moins 20%. Dans la pratique cette part locale ( ?) est beaucoup plus élevée selon l'évaluation de l'OCDE. Dans le cadre d'une telle entente qui lui octroie la gestion d’un budget substantiel3, la MRC s’engage à se donner, sur une base participative, un diagnostic territorial et un plan de travail déterminant les actions de développement à soutenir et à appuyer les opérations menant à la réalisation de projets développés et actualisés par des comités locaux, projets dans lesquels le développement des communautés occupe une place importante. Par l'intégration de l’approche de développement des communautés, on mise sur « l’action de groupes de citoyens participant activement au bien-‐être de leur collectivité mais aussi des représentants des acteurs institutionnels au niveau local » (OCDE, 2010 : 218). L'enjeu principal de l’actualisation de la PNR semble être la difficulté d'assurer l'intégration de ces démarches avec les autres volets et acteurs du développement économique et de l'entrepreneuriat privé (Agriculture, CLD, SADC). Par ailleurs, les mesures de protection de l'environnement sont pour la plupart exclues des orientations de la PNR et la Stratégie gouvernementale de développement durable en 2008 ne tient pas compte des mécanismes et approches de la PNR.
Selon un relevé incomplet mais représentatif des 5 000 projets financés dans le cadre du Pacte rural, on retrouve des projets sur des objets très variés, dont un certain nombre ont un effet structurant pour le milieu à travers le démarrage d’entreprises communautaires (ex. radio communautaire), de coopératives de solidarité, de réalisations contribuant à la qualité de vie et à une mobilisation du milieu. Rappelons que la Stratégie gouvernementale de développement durable prévoit que le Ministère qui en est le responsable « sectoriel » en coordonne la mise en œuvre dans tous les organes de l'administration publique, jusqu'au-‐niveau de la municipalité locale laquelle doit se doter d'un plan d'action spécifique s'ajoutant à son propre plan de développement. Certaines MRC intègrent les 2 volets par le recours à une démarche d'Agenda 21 local. La PNR (2007-‐2014) a été dotée d'un budget global de 280 M$ (sur 7 ans), pour soutenir la mise en place de la 2e génération des pactes ruraux. La majeure partie de ces fonds (76%) est dédiée aux ententes locales. Ce budget inclut aussi une enveloppe de 5,6 M$ dévolue à Solidarité rurale
3 À titre d’exemple, le CLD de Montmagny déclare sur son site WEB que l’entente pour le Pacte rural 2007-‐
2014 est assortie d’une enveloppe financière totalisant plus de 2,4 M$ sur 7 ans, soit près de 350 000 $ par année.
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pour assurer l’accompagnement du réseau des agents de développement rural (ADR). Le MAMROT accorde à chaque MRC signataire d'une entente un financement spécifique pour les ADR de l'ordre de 28 000 $ en 2104. La MRC a l'obligation de compléter le financement à même son budget de fonctionnement. Selon le rapport de l'OCDE, « L’engagement, la qualification et l’expérience des agents de développement rural et un salaire concurrentiel sont des éléments déterminants pour leur succès », mais d'après les observations terrain de Lachapelle et Bourque (2012), les compétences et l'expérience sont très variables et parfois définis et orientés vers la gestion de programmes et de projets, suivant la perspective adoptée par la MRC et le CLD. Ce sont les ADR qui soutiennent les comités locaux et les promoteurs lors de l’élaboration de leurs projets dans le cadre des pactes ruraux. Ils facilitent le partage des connaissances et contribuent au suivi des pactes ruraux:
C’est à ces agents qu’incombe dans une large mesure la responsabilité de faire le lien entre les développeurs de projets locaux, les MRC et les municipalités, mais aussi de développer les relations entre les développeurs de projets et les instruments de financement disponibles dans les CLD. Dans la mesure où la réussite du développement local dépend de la capacité d’une collectivité à faciliter les relations entre les différents groupes socioéconomiques (Freshwater, 2004), les agents ont également un rôle majeur à jouer dans le rapprochement de personnes et de groupes faisant équipe en vue d’un développement économique et social à l’intérieur d’un territoire donné, qui normalement n’ont pas nécessairement d’interactions. (OCDE, 2010 : 225)
Cet important réseau d’agents de développement rural, dont le nombre est passé en 2007 de 104 à 136, se retrouve principalement dans les CLD, mais aussi au sein même de l’organisation administrative des MRC, de municipalités et d’organisations communautaires de développement socioéconomique. Ils sont regroupés dans une vaste « communauté de pratiques » (rejoignant aussi d’autres intervenants en milieu rural) opérant à travers un « forum internet » animé par Solidarité rurale du Québec qui, dans le cadre de son mandat de « conseiller et appuyer les milieux ruraux, et de mettre en réseau, animer et former les agents de développement rural », assure leur formation continue, en les instrumentant avec une vision et des outils de développement local. Selon Lise Roy, responsable de la gestion du site, quelque 250 intervenants sont inscrits au « Central des agents » de Solidarité rurale. On retrouve dans ce réseau de développeurs les 136 agents de développement rural financés directement par le Pacte rural et beaucoup d’autres agents de développement dont les postes sont financés par le Plan d’action à l’Intention des municipalités dévitalisées, par des MRC et par des municipalités. Certains membres du Central des agents sont affectés à des mandats autres que le développement rural (soit le développement culturel, l’aménagement, le transport…), mais œuvrent en milieu rural dans le réseau MRC et CLD.
Signalons enfin que dans la reconduction de la PNR en 2007, on a prévu un programme de « laboratoires ruraux » par lesquels on « entend soutenir avec plus d’intensité les
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communautés rurales dans l’amélioration de leur prise de conscience collective des savoirs qu’ils détiennent, de leur capacité de prise en charge de leur croissance et du développement de leur expertise. » (www.mamrot.gouv.qc.ca/developpement-‐regional-‐et-‐rural/ruralite/laboratoires-‐ruraux/mesure/). Depuis 2007, 33 laboratoires ont été financés à hauteur de 100 000 $ chacun par an pendant 6 ans. Les thématiques sont très variées et permettent l'exploration et l'expérimentation de nouveaux modes et voies de développement du monde rural. On touche bien sûr certains volets de mise en valeur des ressources traditionnelles (forêt, agriculture) et alternatives (tourisme, patrimoine culturel et paysager), mais aussi différentes dimensions de la vie collective (éducation, santé, famille, immigration, NTIC) et du développement collectif (communauté entrepreneuriale, services de proximité, approche multisectorielle, modèles porteurs, etc.). Deux autres programmes dits de R-‐D (recherche et développement) sont administrés directement par le MAMROT. L’un porte sur l'expérimentation de produits de spécialité, soit des produits régionaux et locaux d’origine dans les secteurs de l’agroalimentaire, de l’agrosylviculture (bois d’œuvre et produits de la forêt autres que le bois d’œuvre), de l’artisanat et de la culture. L’autre est un Fonds d'initiative pour l'avenir rural visant le support de groupes de travail « qui sont actifs dans six domaines : la production locale d’énergie, la multifonctionnalité des régions rurales, l’utilisation des technologies d’information et de communication (TIC) dans les collectivités rurales, les complémentarités rurales-‐urbaines, les municipalités dévitalisées, la découverte de niches de marché pour les produits de spécialité ruraux. » (OCDE, 210 : 226).
On peut donc voir dans cette politique une stratégie qui fournit aux acteurs collectifs locaux une approche, un cadre opératoire, des ressources professionnelles et des outils présentant un véritable potentiel de support au développement territorial intégré. Par son contenu comme par le mouvement qu'elle a généré, la PNR a permis le développement de deux autres initiatives, l’une à l’intention des municipalités dévitalisées, l’autre visant l’occupation du territoire.
1.3.2. Le Plan d'action à l'intention des municipalités dévitalisées (MAMROT, 2008) La mobilisation visant la reconnaissance d'une approche de soutien adaptée au développement du territoire rural a reposé en grande partie sur la problématique de la dévitalisation vécue en particulier dans certaines régions du Québec, surtout les régions ressources en processus de déstructuration économique à la suite de l’effritement des bases traditionnelles de leur économie. Plusieurs localités rurales de ces régions connaissent un fort taux de chômage et les revenus des ménages y sont parmi les plus faibles du Québec. Elles font également face à un exode, surtout des jeunes de 15 à 25 ans, et à un vieillissement de leur population. Dans le cadre de la PNR, un indice de développement des collectivités rurales a été développé. Il reprend les indicateurs socio-‐économiques de l’indice de défavorisation matérielle de Pampalon-‐Raymond : proportion des 15 ans et plus
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n’ayant pas de diplôme d’études secondaires, revenu moyen individuel et rapport emploi/population) ; on y ajoute d'autres indicateurs à caractère économique : taux de chômage, part de revenu provenant des transferts sociaux, revenu moyen des ménages, fréquence des unités à faible revenu ; et, enfin, un démographique : l’évolution de la population sur une période de 5 ans. Cela permet de dégager un indice de dévitalisation global établi en calculant l'écart négatif observé dans une municipalité en regard de ces différentes variables par rapport à la moyenne québécoise. L'indice pour le Québec étant égal à 0, une municipalité proche de 0 est semblable à la moyenne des municipalités, alors que plus on s'écarte de 0, plus la situation est favorable ou, à l'inverse, négative en terme de vitalité et processus de développement. Le niveau de dévitalisation « problématique » est établi lorsque l’indice descend sous la barre de -‐ 5.
Suite aux 2 Forums sur les municipalités dévitalisées tenus par la Fédération Québécoise des Municipalités (FQM) en 2007, un Comité interministériel composé de 10 ministères sectoriels et de représentants des regroupements municipaux a produit un plan d'action intégrateur des actions régulières de ces ministères auprès des 152 municipalités ciblées sur les 1 100 que compte le Québec présentant un indice négatif inférieur à -‐5, réparties dans 45 des 91 MRC existantes. On y a ajouté des mesures de soutien aux actions locales complémentaires à la PNR et aux programmes réguliers dont une bonification du Fonds de soutien aux territoires en difficultés de 38M$ sur 5 ans en vue d'accroître et de prolonger les enveloppes des « contrats de diversification et développement économique » déjà signés par les MRC ciblés. Par delà ces mesures budgétaires, le Plan d'action semble avoir introduit une pratique de coordination interministérielle et de concertation en amont, au plus haut-‐niveau de l'État, et en région, au niveau de la conférence administrative régionale (CAR) en lui donnant le mandat d’assumer un rôle actif d'accompagnement et de soutien des acteurs des MRC et des municipalités ciblées.
S'appuyant sur le principe que le « développement des municipalités dévitalisées doit être le fruit des efforts des acteurs et leaders du milieu auxquels le gouvernement du Québec accorde son appui », le Plan d'action privilégie comme lignes directrices d'« agir sur les difficultés de développement de nature structurelle et non pas sur des problèmes ponctuels [...] en fonction d’un panier de base de services de proximité » à maintenir. Pour y arriver, le Plan cherche à « valoriser la coopération et la mise en commun des services et des ressources », et à soutenir les services collectifs, en proposant que l'aide financière gouvernementale soit « à caractère temporaire ou décroissant ». En se référant à ces principes, on pourrait considérer que ce Plan n'est pour les municipalités dites dévitalisées qu'un ajout « fonctionnel » et financier à la stratégie et aux mécanismes déjà prévus par la PNR, donnant ainsi plus de ressources et d'encadrement aux MRC et municipalités ciblées pour la réalisation de leurs Pactes ruraux. En même temps, on peut s'inquiéter de la tendance lourde « à la mobilisation au service du programme » qui semble le caractériser.
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De plus, on peut questionner le caractère quelque peu artificiel et arbitraire de l'indice de dévitalisation servant de levier premier pour la désignation des territoires ciblés. Les indices retenus pour l’établir varient grandement d'une année sur l'autre et peuvent donner un portrait très incomplet de la réalité complexe d'une communauté donnée. La cote révélée par l'indice ne reflète pas nécessairement le processus d'appauvrissement et de dévitalisation d'une communauté, processus dont les causes complexes sont aussi bien internes qu'externes, comportant aussi des dimensions socio-‐politiques. L’indice de dévitalisation ne permet donc pas d'apprécier les facteurs liés au capital social et à l'effet de milieu dans les trajectoires de pauvreté individuelle sur lesquelles il s'appuie.
Le rapport du Groupe de travail sur les communautés dévitalisées (2010) présidé par Jacques Proulx, l'instigateur et animateur initial de Solidarité rurale du Québec, apporte des pistes intéressantes en regard de l'adaptation de la PNR aux communautés dévitalisées et à une stratégie de soutien au développement territorial. Ce comité, créé dans la foulée de la PNR, est composé outre Jacques Proulx de 4 leaders provenant de Solidarité rurale, de la FQM et de l'Union des municipalités, ainsi que de l'Association des CLD. Le comité a été mandaté pour dresser un état des lieux sur les diverses mesures et expériences réalisées dans le cadre de la PRN et proposer des voies nouvelles pour en assurer la continuité et le renouvellement des pratiques de développement du milieu rural et, en particulier, des territoires dévitalisés. S'appuyant sur des travaux universitaires déjà produits, en particulier ceux de Bernard Vachon (1993) et de Bruno Jean (2003), sur les causes de dévitalisation et les facteurs favorables à la revitalisation de même que sur ses propres recherches auprès de territoires en démarche de revitalisation, le Comité présente une mise à jour et une synthèse des connaissances. Ce sont de travaux fort utiles pour le recadrage des pratiques de revitalisation orientées vers le développement territorial intégré, ses principes et stratégies de croisement des programmes de soutien avec les dynamiques de développement local et d'animation de territoire.
L'analyse des causes du processus de dévitalisation, inspirée par le cycle de la dévitalisation de Vachon (1993) amène (1) à considérer les dimensions internes génératrices de l'affaiblissement du capital économique, organisationnel et social de la communauté locale ; (2) à apprécier dans leurs composantes structurelles, déterminantes sur un long terme, du processus de déclin ; (3) mais aussi les facteurs conjoncturels sur lesquels on peut agir en s'appuyant sur le potentiel humain de la communauté et sur des ressources externes en services directs et en soutien au renforcement du potentiel local. Le rapport à l'externe est important dans l'identification des causes, aussi bien en regard des pratiques de gestion de l'économie de marché que des pratiques de gestion publique des ressources et du territoire. Ces pratiques structurelles et conjoncturelles, par exemple la crise forestière, poussent parfois les communautés locales vers la dévitalisation et la dépendance économique et politique.
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Les facteurs et conditions favorables à la revitalisation sont synthétisés comme guides pratiques sous les volets a) des « compétences» » des acteurs locaux : leaders engagés, instance de concertation, élus et gestionnaires municipaux proactifs, professionnels de soutien, entrepreneurs sociaux ou collectifs ; b) de la qualité de la démarche : connaissance du milieu, planification participative fonctionnelle, actions mobilisantes ; c) des capacités [conditions] de concertation à l'interne et de collaboration à l'externe ; d) du capital social existant et à développer ; e) de l'innovation et de ressources financières et humaines accessibles pour le développement (matériel) et le renforcement de la communauté (social).
Le rapport dégage un certain nombre de recommandations liées à 6 enjeux constituant les principaux axes d'intervention d'une démarche de revitalisation menée par une communauté en processus ou en état de dévitalisation, mais qui s'appuient sur une vision globale du développement du monde rural:
1-‐ Favoriser la connaissance des milieux dévitalisés par une compilation plus fréquente (aux 2 ans) de l'indice de développement (basé jusqu'ici sur les périodes de recensement) et soutenir par un outil approprié les démarches de diagnostic et connaissances des milieux menant à un plan d'action adapté.
2-‐ Renforcer les capacités (connaissances et compétences) des municipalités (élus et gestionnaires) dans le soutien logistique et humain aux initiatives de développement local; reconduire et bonifier les mesures «souples» de soutien aux initiatives innovantes, et améliorer la diffusion et l'appropriation par les milieux des «boîtes à outils» consignant l'information sur les programmes disponibles pour le monde rural;
3-‐ Favoriser entre les niveaux de compétences le partage des enjeux liés au développement économique et social: renforcer le rôle des pouvoirs locaux en mettant à leur disposition des ressources et pouvoirs appropriés à la prise en charge de leur propre développement, le support d'un groupe d'experts nationaux, la modulation des politiques et programmes aux réalités locales et un meilleur arrimage dans l'action des acteurs intervenant auprès des communautés dévitalisées;
4-‐ En vue de freiner le déclin démographique et l'exode rural, développer une stratégie globale visant à renforcer les mesures favorisant la migration et l'immigration vers les communautés rurales;
5-‐ Favoriser les échanges et même le jumelage entre communautés similaires, permettant le renforcement réciproque, et promouvoir et supporter la mise en valeur de la culture locale, la diversité des milieux et la valorisation du patrimoine immatériel;
6-‐ Donner suite à une revendication historique des régions-‐ressources touchant la gestion des ressources naturelles, en remettant une part des redevances aux communautés locales et assurant la participation de celles-‐ci aux mécanismes de contrôle de
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l'exploitation de ces ressources sur leur territoire.
Ces recommandations rejoignent la stratégie que Bruno Jean (2002) a proposée autour de cinq conditions gagnantes, définies comme perspective globale de développement des territoires, ruraux et urbains: 1. S’inscrire dans une perspective de développement durable Cette perspective sous-‐tend bien sûr la reconnaissance du caractère multifonctionnel des territoires ruraux ainsi que l’harmonisation des dimensions économique, écologique et sociale. Cette approche implique également le renforcement des capacités d’action des collectivités pour assurer la viabilité de leur cadre ainsi que de leur milieu de vie.
2-‐ Disposer de politiques publiques de soutien au développement Dans la plupart des cas, les seuls mécanismes du marché ne suffisent pas à assurer la revitalisation de ces zones. Celle-‐ci doit aussi s’appuyer sur des aides publiques permanentes justifiées au nom de la solidarité nationale, d’une politique équilibrée de développement régional et de l’obligation de protéger l’environnement et le patrimoine naturel des régions.
3. Renforcer les capacités de développement des communautés rurales La différence entre une collectivité en déclin et une collectivité prospère ne tient pas seulement aux facteurs traditionnels (dotation en ressources naturelles, capitaux, localisation, etc.) mais aussi à un facteur plus intangible : les capacités de la communauté de se développer. Le « renforcement des capacités » de se développer peut être défini comme un processus par lequel les individus, les groupes, les organisations et les sociétés renforcent leurs habiletés à identifier et à relever les défis de développement sur une base durable.
4. Accroître l’accès aux terres et aux ressources naturelles publiques Il faut accroître les possibilités des communautés d’avoir accès et de profiter plus directement des retombées de l’exploitation des ressources des terres publiques de leur région plutôt que de laisser aller ces retombées dans les seules grandes régions urbaines.
5. Faire reconnaître la contribution de la ruralité à la prospérité urbaine Les économies rurales et urbaines sont interdépendantes. Des ressources rurales (nourriture, énergies, aménités paysagères rurales, etc.) assurent la qualité de vie des urbains. En lien avec la deuxième condition, il faut faire en sorte que les ressources urbaines (essentiellement financières) viennent supporter un processus de revitalisation des campagnes.
1.3.3. Stratégie d'occupation du territoire La Politique nationale de la ruralité et le Plan d’action pour les municipalités dévitalisées ont préparé l'adoption en avril 2012 de la Loi 34 devant assurer la mise en œuvre de la Stratégie pour assurer l'occupation et la vitalité des territoires (2011-‐2016), par
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laquelle le gouvernement du Québec reconnaît le développement des territoires locaux, aussi bien ruraux qu'urbains, au rang de priorité nationale et de projet de société à part entière. Cette loi-‐cadre, de portée transversale, prévoit la mise en place de mécanismes et règles de gouvernance (indicateurs de suivi, reddition de comptes annuelles) recherchant l'adaptation de l'action gouvernementale aux réalités des régions et territoires locaux. Elle vise notamment la prise en compte des principes de la Stratégie de même que ceux de la loi sur le développement durable dans la planification pluriannuelle des ministères et organisations gouvernementales. Les Conférences administratives régionales (CAR) qui existaient déjà dans la structure bureaucratique avec un statut et surtout avec des mandats peu reconnus, sont institutionnalisés avec le mandat d'en coordonner la mise en œuvre à partir de 2013. Cette mise en œuvre devra respecter les principes suivants:
l’engagement des élus; la concertation entre élus et acteurs socioéconomiques sectoriels, s’appuyant sur les aspirations et la mobilisation des collectivités; la complémentarité territoriale, pour des actions cohérentes et structurantes entre territoires voisins et des maillages avec des collectivités de territoires plus éloignés; l’action gouvernementale modulée, en reconnaissant la spécificité des territoires et en recherchant l’équité entre eux; la cohérence et l’efficience des planifications et des interventions sur les territoires; le respect des spécificités des nations autochtones et de leur apport à la culture québécoise. (MAMROT, 2011 : 8)
La stratégie privilégie une orientation menant à une approche et à des modalités particulières pour la grande région de Montréal et les communautés autochtones. Elle retient en même temps une orientation générale visant l'occupation (agir pour mieux habiter nos territoires), orientation dans laquelle on met de l'avant une série d'objectifs portant sur les rapports interpersonnels et identitaires, la qualité de vie, le logement, les services de proximité et l'environnement. L'orientation sur la vitalité (agir pour vivre de nos territoires) se traduit par des objectifs visant le développement économique, la formation de la main d'œuvre et la relance des secteurs dévitalisés. L'action en synergie constitue une quatrième grande orientation qui vise à accroître la capacité d'action des collectivités, attribue un rôle clé aux élus, surtout municipaux, dans la poursuite des objectifs de la stratégie et engage l'action gouvernementale dans la « poursuite » des efforts de régionalisation et de décentralisation que les règles instituées par la loi-‐cadre doivent en principe favoriser. Finalement, elle introduit la pratique du contrat de territoire comme mécanisme d'action conjointe collectivités – administration, permettant la modulation plus pointue de l'action gouvernementale selon les réalités locales, en vue « d'engager le gouvernement et les organismes concernés (notamment du milieu municipal) à mieux concentrer leurs efforts sur des projets prioritaires exigeant une approche particulière ».
L'adoption de la Stratégie d'occupation du territoire comme point de convergence des objectifs gouvernementaux semble répondre aux nombreuses pressions de Solidarité rurale
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du Québec et des instances municipales urbaines et rurales en vue de compléter et encadrer les deux (2) initiatives antérieures et les programmes sectoriels. Selon cette stratégie, l'action gouvernementale devrait adopter une approche des territoires de référence correspondant aux cadres municipaux locaux, supra locaux et régionaux, ainsi que procéder selon des règles et exigences de concertation entre les ministères et autres institutions gouvernementales.
Le rôle clé dévolu aux conférences administratives régionales permet toutefois de s'interroger sur la portée réelle que prendront « la décentralisation, la délégation et la régionalisation de compétences, de pouvoirs, de fonctions, de responsabilités et des ressources convenues » mises de l'avant par la stratégie. Assisterons-‐nous à un gonflement de l'appareil bureaucratique et à un renforcement du pouvoir des fonctionnaires en région? De même, la consécration du pouvoir des élus dans le choix d'initiatives contribuant à l'atteinte des objectifs gouvernementaux et des cibles d'action de même que la négociation des contrats de territoire avec « l'administration » pourront-‐t-‐elles permettre davantage la participation citoyenne et le leadership de groupes de citoyens et autres acteurs socio-‐économiques dans le développement de projets locaux, surtout à partir de cadres territoriaux autres que ceux définis par les structures administratives des programmes? Pour le Groupe de réflexion sur la mobilisation et le développement des communautés (Ninacs, 2012), par delà ces aspects problématiques, la Stratégie pour assurer l'occupation et la vitalité des territoires pourrait présenter « des opportunités à saisir ou des leviers à actionner pour faire en sorte que les multiples initiatives de développement dans les communautés locales soient non seulement reconnues comme parties prenantes de la vitalité des territoires, mais aussi appuyées en ce sens ». Elle reste cependant pour le moment à l'état d'intentions dont on verra à l'usage les réelles capacités de renouveau et de modulation dans les approches comme dans les programmes de soutien au développement territorial.
1.4. La santé publique, les CSSS et le soutien au développement des communautés Nous avons défini d'entrée de jeu notre ancrage face à l'approche du développement des communautés dans les notes en guise de préambule au présent texte. On peut y retrouver les caractéristiques et principes qui, selon nous, la déterminent et qui sont largement appuyés sur les développements qui ont marqué le réseau socio-‐sanitaire depuis ses origines dites contemporaines, soit le début des années 1970.
L'organisation communautaire en CLSC (Centre local de services communautaires) a dès le départ marqué le développement de cette nouvelle entité locale. Le CLSC est alors promu comme base de la première ligne intégrant les services sociaux et de santé dans des approches et stratégies d'intervention misant sur la prévention et le développement communautaire. Ceci a fait en sorte que l'ensemble du mandat socio-‐sanitaire particulier du CLSC a été abordé en prenant en compte la perspective territoriale des problématiques
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sociales et de santé, dans la jonction des dimensions individuelles et collectives, de l'approche curative et préventive, des liens entre l'économique et le social.
Au fil de l'évolution du réseau socio-‐sanitaire québécois durant les années 1970-‐1980, cette orientation globale a cédé le pas à la pression lourde exercée sur les pratiques par les modèles médical et curatif. Cela a mené à recentrer davantage la mission des CLSC autour de programmes moins nombreux, mais plus reconnus et mieux financés. Les CLSC avaient au départ une assez grande latitude dans le choix des programmes (sociaux et de santé), en fonction de la lecture des besoins et ressources de leur milieu défini comme territoire d'appartenance. En 1987, le Comité Brunet, mandaté pour revoir l'organisation des CLSC, recommande de limiter leurs options à des programmes de base obligatoires pour tous les CLSC et un programme « optionnel » que chacun peut offrir. Le Rapport Brunet estimait que l'organisation communautaire devait « privilégier dorénavant les groupes à risques retenus par les CLSC » et « ne (pas) se substituer aux divers agents de développement socioéconomique (création d’emplois, formation de coopérative, radio communautaire…) ».
La Politique de la santé et du bien-‐être (Québec, 1992) reconnaissait l'importance d'agir sur les déterminants sociaux, en continuité avec l'approche de promotion de la santé mise de l'avant par la Charte d'Ottawa (OMS, 1986). Ce document et La santé pour tous du ministre de la Santé nationale et du Bien-‐être social (Epp, 1986), en mettant l'accent sur les facteurs sociaux, économiques et environnementaux qui influent sur la santé, ont élargi l'approche mise de l'avant dans le Livre blanc du gouvernement fédéral intitulé Nouvelle perspective de la santé des Canadiens (Lalonde, 1974). Au nombre de ces facteurs ou « déterminants de la santé », figurent le revenu, le niveau d'instruction et l'environnement physique dans lequel la personne vit et travaille. La Politique de la santé et du bien-‐être (PSBE) s'appuyait entre autres sur le principe que « Le maintien et l’amélioration de la santé et du bien-‐être reposent sur un partage équilibré des responsabilités entre les individus, les familles, les milieux de vie, les pouvoirs publics et l’ensemble des secteurs d’activité de la vie collective » (Québec, 1992 : 11). La PSBE a par ailleurs retenu parmi ses 6 grandes stratégies de « soutenir les milieux de vie et développer des environnements sains et sécuritaires », d'« améliorer les conditions de vie » et « d'agir pour et avec les groupes vulnérables », dont, sur le plan des communautés,
• les populations récemment immigrées, principalement en ce qui a trait au soutien à l’intégration sociale et professionnelle, à l’accès à une information et à des services culturellement adaptés;
• les communautés autochtones, principalement en ce qui a trait à l’action communautaire, à l’« autochtonisation » progressive et à la prise en charge des services sociaux et des services de santé par les communautés;
• les populations des quartiers défavorisés, des villes de ressources et de plusieurs villages de l’arrière-‐pays, principalement en ce qui a trait au respect
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des spécificités et à la reconnaissance des dynamismes locaux. Pour être efficace, l’action dirigée vers ces groupes vulnérables doit s’inscrire dans des approches adaptées à leurs réalités, qu’il s’agisse de prévention ou de soins curatifs. Cela suppose une bonne connaissance de ces groupes, qui va au delà de l’information sur leur état de santé et de bien-‐être. Le développement de pratiques et l’élaboration d’outils appropriés, la formation des intervenantes et intervenants avec qui ils sont en contact constituent également des éléments essentiels.» (Québec, 1992 : 166)
Cette ouverture vers une orientation territoriale ne sera cependant pas vraiment opérationnalisée au-‐delà de la vision de groupes vulnérables ou à risques. La restructuration du réseau à partir de 1992 priorisera l'approche programme centrée sur la gestion technocratique des clientèles ciblées. Il en est de même de la sixième et dernière stratégie de la PSBE visant à « orienter le système de santé et de services sociaux vers les solutions les plus efficaces et les moins coûteuses ». Cette stratégie amorce « le mouvement de fusion d’établissements qui leur fera perdre graduellement leur dimension humaine, et prépare aussi la voie au “virage ambulatoire” qui, à partir de 1995, mobilisera graduellement les ressources et organisations du milieu vers le suivi de soins médicaux post-‐hospitaliers dans la communauté » (Mercier & al., 2011 : 41-‐42). Ce virage ambulatoire s'ajoutera au « virage communautaire » déjà amorcé depuis la politique de désinstitutionnalisation en santé mentale qui a amené les communautés et les familles, surtout les femmes, à prendre en charge le suivi des soins post-‐hospitaliers sans que les ressources correspondantes ne soient allouées tel que promises.
Cependant, en parallèle à ces restructurations majeures déployées à travers les opérations massives de compressions budgétaires et de mises à la retraite devant mener à l'atteinte du déficit 0, la production en 1991 du Rapport du Comité de travail sur la Jeunesse, Un Québec fou de ses enfants (Bouchard, 1991), exercera une influence déterminante sur l'offre de programmes en santé publique. Il mettra à l’ordre du jour la lutte à la pauvreté axée sur la réduction des effets des conditions et des modes de vie, notamment en ciblant les jeunes familles et les familles monoparentales féminines, dont les conditions de vie et parfois les compétences parentales sont considérées comme facteurs de risque pour la sécurité et le développement des enfants en bas âge. Il ouvrira la voie au développement de programmes de santé publique en périnatalité – notamment les programmes OLO (œufs, lait, orange) et Naître égaux, grandir en santé – et à des stratégies de mobilisation du milieu vers des ententes de partenariat et de concertation, développées et encadrées par les directions de santé publique et les CLSC locaux.
Durant la même période, le mouvement des Villes et villages en santé (VVS) commencera à s'implanter dans des municipalités urbaines et rurales, à partir du modèle des Communautés en santé développé par Trevor Hancock (Hancock, 1999). Celui-‐ci lie la communauté, l’environnement et l’économie à la santé et au bien-‐être, à la qualité de vie et
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au développement humain. Au centre de ce modèle se trouve la santé, et d’un point de vue plus large, le développement humain, dont la santé constitue un élément-‐clé. Promu par la Santé publique et soutenu maintenant au plan national par l'Institut national de santé publique (INSPQ), le mouvement VVS a comme particularité de
Promouvoir et soutenir, à travers tout le Québec, le développement durable de milieux de vie sains en misant sur des échanges et un partage entre les municipalités, sur l'engagement des décideurs municipaux en faveur de la qualité de vie et sur leur capacité à mobiliser leurs partenaires et les citoyens dans l'action». Il se base sur le fait que les municipalités représentent le niveau politique le plus près de la population et sans doute le plus significatif pour sa santé puisque la qualité de vie d’un individu est un facteur prépondérant de son état de santé. (Énoncé de mission en ligne www.rqvvs.qc.ca/)
Cette mobilisation du milieu municipal, dont « l'originalité ne tient pas tant à ces réalisations qu'au processus qui les rend possibles », soit « réunir les forces vives d'une communauté, les amener à travailler ensemble, consulter les citoyens et les amener à prioriser leurs besoins » (www.rqvvs.qc.ca/), rejoint maintenant plus de 200 municipalités représentant plus de 70 % de la population québécoise. Elle donne lieu parfois à de simples actions et à des concertations limitées à des thématiques sectorielles prenant le territoire comme cadre d'opérations et faisant appel aux acteurs institutionnels et élus municipaux. Mais elle amène aussi parfois à de véritables démarches de développement global concerté visant comme objet d'intervention des dimensions plus ou moins stratégiques et à long terme du milieu et faisant appel à une participation citoyenne véritable.
Rappelons enfin qu'au cours des années 1997 et 1998, le Conseil de la santé et du bien-‐être (CSBE)4 a entrepris une vaste consultation et mobilisation sur le développement social à travers 70 forums locaux, 13 forums régionaux et un forum national de trois jours à Québec. Cette vaste opération a permis de promouvoir une vision renouvelée et élargie de la recherche et de l'intervention en développement social, dont une définition qui servira de référence pour l'orientation et la mobilisation des actions à venir.
Le développement social fait référence à la mise en place et au renforcement au sein des communautés, dans les régions et à l'échelle de la collectivité, des conditions requises pour permettre, d'une part, à chaque individu de développer ses potentiels, de pouvoir participer activement à la vie sociale et de pouvoir tirer sa juste part de l'enrichissement collectif, et d'autre part, à la collectivité de
4 Le Conseil de santé et Bien-‐être a été formé dans le cadre de la Réforme Côté, avec mission de«contribuer à
l’amélioration de la santé et du bien-‐être de la population en fournissant des avis au ministre (Santé et services sociaux), en informant le public, en favorisant les débats et en établissant des partenariats». Très actif dans les débats sur les grands enjeux sociaux et de santé, il a été aboli par le gouvernement Charest en 2006.
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progresser socialement, culturellement et économiquement, dans un contexte où le développement économique s'oriente vers un développement durable, soucieux de justice sociale. (CSBE, 1997 : 6)
Cette mobilisation a pu influencer les autorités gouvernementales dans le choix d'inscrire le développement social à l’agenda de certaines politiques gouvernementales dont le développement régional et local, et dans les obligations des villes-‐centres fusionnées au début de l’année 2000. En outre, dans un certain nombre de régions, les démarches réalisées à travers les activités de préparation des Forums régionaux et national ont eu des retombées concrètes par la relance de politiques et projets de développement. Dans certains cas des démarches ont conduit à la mise en place de Fonds régionaux de développement social destinés à appuyer des projets locaux de lutte à la pauvreté et de développement des communautés. Les intervenants et organismes du réseau socio-‐sanitaire ont été parties prenantes dont, dans certains cas, les directions de santé publique au premier chef. Pensons en particulier à la région de l'Estrie où depuis le début des années 2000, ont été tenus 3 colloques régionaux visant à relancer l'idée du DC chez l'ensemble des acteurs (institutionnels, municipaux, communautaires, etc.) et à les mobiliser dans des démarches collectives permettant de l'actualiser dans les projets organisationnels (sectoriels) comme dans les projets collectifs, à tous les niveaux, local comme régional.
Ces implications accrues du réseau socio-‐sanitaire en promotion et prévention de la santé se sont traduites par l'inscription du développement des communautés (DC), de la lutte aux inégalités en matière de santé et de la concertation intersectorielle au rang de principes directeurs Des priorités nationales de santé publique 1997-‐2002 (MSSS, 1997). La production en 2002 d'un document d'orientations (Lévesque, 2002) visant à positionner la santé publique et le réseau socio-‐sanitaire comme acteurs devant contribuer au DC et au développement social, fournira les balises argumentaires et aussi les principes et règles opératoires structurant et mobilisant les « acteurs » institutionnels de la santé publique vers ce que certains ont appelé la « nouvelle santé publique » (O'Neill et al., 2006). Cette nouvelle santé publique se veut orientée par une vision large de la promotion appuyée davantage sur les « meilleurs processus » que sur les classiques « données ou pratiques probantes » de l'approche épidémiologique. Elle s'inscrit dans des logiques permettant le croisement des expertises de programmes « d'en haut » avec les savoirs citoyens et communautaires « d'en bas » (Bourque, 2008).
Ce positionnement ne sera que partiellement repris dans le Programme national de santé publique 2003-‐2012 (MSSS, 2003) institué par la Loi sur la santé publique (LRQ S-‐2.2) adoptée en 2001. Le PNSP « prévoit des leviers d’action et établit des passerelles entre les intervenants de santé publique et les acteurs sociaux qui sont en mesure d’agir sur les déterminants de la santé » et « invite à agir pour réduire les inégalités de santé et de bien-‐être au sein de la population ainsi que pour contrer les effets des facteurs de risque
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touchant, notamment, les groupes les plus vulnérables » (MSSS, 2008 : 10). Dans les lignes directrices de l'élaboration des plans d'action (en santé publique) au plan régional et local, le PNSP s'appuie cependant sur une vision relativement réductrice de l'approche en DC proposée dans le document d'orientation de 2002. Cette approche qualifiée de « stratégie » ne sera pas définie comme « domaine », au même titre que les autres stratégies, mais sera limitée à des « activités » de prévention des problèmes psychosociaux et de santé physique liés au contexte de vie en misant sur l'action intersectorielle:
Ces activités comportent donc un fort potentiel d’amélioration de la santé et du bien-‐être des gens. Elles permettent d’améliorer les conditions de vie et la qualité de vie des communautés, notamment celles qui sont vulnérables et défavorisées. Les membres des communautés peuvent ainsi renforcer leur autonomie et la cohésion sociale, changer leur situation et prendre part à la création d’environnements adaptés à leur contexte de tous les jours. Ces activités reposent sur l’action intersectorielle ; elles sont complémentaires aux activités qui sont axées sur les comportements des individus, des groupes à risque ou de la population, et même les renforcent. (MSSS, 2003 : 70)
Tentant de reconnaître le nécessaire caractère endogène de ces activités, le programme PNSP de 2003 mise sur l'implication de la communauté qu'il doit soutenir et contribuer à développer:
Par ailleurs, les projets menés dans le cadre de cette stratégie sont définis et gérés par les membres de la communauté eux-‐mêmes. L’intervention de la santé publique vise alors à soutenir et à développer les compétences des personnes et des groupes ainsi qu’à améliorer leur environnement – physique, social et économique –, pour créer un contexte général propice à la santé et au bien-‐être de tous et toutes, de façon durable, plutôt qu’à prévenir un problème en particulier. (ibid)
Ce soutien procède cependant par le recours à des connaissances « sûres » et des pratiques « éprouvées »:
Les projets de développement des communautés sont particulièrement pertinents lorsque les problèmes, leurs facteurs de risque ainsi que le contexte dans lequel ces problèmes et ces facteurs se manifestent sont suffisamment connus, et que le contexte social et les environnements exercent une influence certaine sur ces problèmes ou sur ces facteurs de risque. C’est le cas, par exemple, des activités qui visent à améliorer le soutien social dont disposent les personnes ou à modifier certaines habitudes de vie. (ibid)
Cette position pourra dans certains cas légitimer le maintien d'une vision « épidémiologique » du développement des communautés, typique du modèle « top down ». Une telle vision est à la fois soumise à la détermination des groupes à risques définis par des indicateurs nationaux et au choix de l'approche d'intervention à leur endroit fondée sur les données scientifiques « probantes ». Ces données sont probantes parce que tirées de
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pratiques ayant démontré leur valeur souvent dans des conditions, contextes et cultures très différentes. Leur compatibilité avec des réalités locales est peu établie, alors qu’il faut apprécier la teneur distinctive de ces réalités locales comme première étape de la planification de l'intervention. Ce qui a mené parfois certaines directions d'établissements locaux et de santé publique régionale à aborder le développement des communautés comme une stratégie de mobilisation de la communauté au bénéfice de projets sectoriels de portée plus ou moins large. Ces projets sont définis selon les objectifs et les règles de reddition de comptes des programmes et gérés sous la gouverne des établissements publics malgré leur redéploiement annoncé sous forme de « réseaux locaux de services intégrés ».
On a voulu corriger cette dérive potentielle dans la version mise à jour du PNSP en 2008, en ramenant le Développement des communautés au rang d'une « stratégie » d'ensemble, de l'ordre d'une approche, qui ne relève pas uniquement du réseau, mais doit reposer sur l'implication de l'ensemble des acteurs de la communauté. On y établit par ailleurs la distinction nette entre la mobilisation sociale sur laquelle certains programmes de SP sont fondés – comme l'École en santé –, et le soutien au développement des communautés, auquel le réseau peut et doit contribuer à des degrés et sous des formes diverses, notamment par le biais des services professionnels de l'action communautaire des CSSS et par l'expertise des services techniques de la Santé publique. Les liens et distinctions entre le développement social – de portée plus large en termes de vision et de l'ordre des politiques sociales comme cadre d'action – et le DC sont aussi bien explicités. De même on fait le lien du DC avec l'approche populationnelle qui constitue la base de la mission des nouveaux Centres de services sociaux et de santé (CSSS) issus de la restructuration amorcée en 2004 suite au projet de loi 25 de 2003. Cette restructuration a été confirmée par la Loi 83 adoptée en 2005, entraînant la fusion des établissements d'un territoire défini selon les paramètres de la gestion de l'offre de services hospitaliers et non plus selon le « territoire vécu » des CLSC. Correspondant au concept de santé des populations déjà évoqué, cette approche populationnelle devrait orienter la programmation et l'action à l'égard des problématiques et clientèles ciblées dans les programmes de services cliniques dans une perspective permettant de les comprendre et orienter selon les réalités locales. Parmi celles-‐ci, on doit inclure la dynamique et l'état de développement de la communauté de référence des individus, familles et acteurs collectifs qui sont les « clients » ou usagers réels ou potentiels de l'offre de services de l'établissement.
1.5. Des ressources de formation, d'accompagnement des acteurs et de production d'outils
Le contexte d'implantation des nouveaux CSSS a fait que, dans plusieurs cas, on a été aux prises avec des opérations majeures de restructuration administrative. Les établissements ont été soumis à des exigences de gestion et de reddition de comptes définies par des « ententes de gestion » axées sur les programmes services et des résultats définis par des
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volumes d'activités de nature clinique ou administrative. Un tel contexte a été vu comme peu favorable à la mise en place d'un réseau local intersectoriel de partenaires appuyé par l’approche du DC et la responsabilité populationnelle. Pour le corriger le tir, en 2006, les grands partenaires du réseau, de concert avec des universités (Montréal, Laval, École Nationale d'administration publique), ont mis sur pied le consortium Initiative sur le partage des connaissances et le développement des compétences (IPCDC). Celle-‐ci comporte plusieurs volets de formation et d'accompagnement des intervenants et gestionnaires d'établissements en matière de « pratiques de santé publique », en « gestion du changement » et en « soutien au développement des communautés ». Cette formation de base en DC est proposée dans un format initial de 7 heures, mais modulable selon des besoins particuliers, et pouvant donner lieu à un suivi adapté (www.IPCDC.qc.ca). Elle vise à faciliter l'intégration de pratiques professionnelles, organisationnelles et de gestion qui favorisent le DC. Elle est offerte aux établissements sur une base volontaire, selon l'état de leur positionnement en regard de la responsabilité populationnelle et de leurs rapports avec les partenaires de la communauté dans le cadre du réseau local de services.
Mentionnons comme autre initiative du réseau socio-‐sanitaire la démarche de caractérisation des communautés qui permet de décrire « les territoires vécus ou d’appartenance, dans un objectif de mobilisation et de planification des interventions en développement social et développement des communautés » (ASSS de la Montérégie, 2012). Ces territoires sont considérés comme des « unités écologiques d’analyse » permettant de tracer des portraits de communauté en fonction de leurs caractéristiques socio-‐économique et socio-‐sanitaires, mais aussi de leur « potentiel communautaire, environnemental et collectif » (Idem). Ces portraits sont utilisés pour mobiliser « des acteurs locaux et des citoyens » (Idem) dans le cadre de forums qui peuvent déboucher sur la création d’un système local d’action concertée. Ce projet est inspiré des travaux de Réal Boisvert (2007) sur les indicateurs de développement des communautés. Ces travaux visent à développer un dispositif « d'intelligence collective », soit une base de données statistiques permettant de bien décrire et cibler l'état de développement d'une communauté. Cette base est complétée et validée par une grille d'appréciation qualitative du potentiel de développement de la communauté réalisée par les « experts » du milieu selon une grille construite autour d'un certain nombre de variables sociologiques significatives. Il s'agit de données sur des problématiques sociales et de santé s'ajoutant aux indicateurs de défavorisation de Pampalon-‐Raymond. Ces données sont tirées des grands fichiers populationnels comme, entre autres, le recensement national, le registre des décès, les répertoires des cas de protection de la jeunesse, des élèves en difficulté d’apprentissage et de la participation électorale. Des travaux appuyés sur la grille de Boisvert sont également en cours dans d'autres régions que la Mauricie et le Centre-‐du-‐Québec, notamment en Outaouais, Abitibi-‐Témiscamingue, Chaudière-‐Appalaches et Estrie. Le dispositif statistique amène le découpage des territoires selon des repères démographiques et géographiques,
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sur la plus petite base possible, ce qui a donné lieu à une typologie des communautés à 7 composantes:
1) les communautés problématiques : très grande défavorisation socioéconomique, graves problèmes de mortalité et taux très élevés de problèmes sociaux; 2) les communautés vulnérables : défavorisation socioéconomique, mortalité anormalement élevée et des taux de problèmes sociaux relativement élevés; 3) les communautés avantagées : très grande favorisation, mortalité très inférieure à la moyenne et presque pas de problèmes sociaux; 4) les communautés aisées : grande favorisation, mortalité enviable et peu de problèmes sociaux; 5) les communautés moyennes : situation socioéconomique moyenne, mortalité normale et des taux de problèmes sociaux acceptables; 6) les communautés à surveiller ou en émergence : situation socioéconomique enviable, mortalité normale et taux de problèmes sociaux assez élevés; 7) les communautés résilientes : une situation socioéconomique plutôt détériorée, une mortalité normale, voire plus avantagée que la moyenne, et peu de problèmes sociaux. (Boisvert, 2007 : 26-‐27)
Le projet du Tableau de bord des communautés de l'Estrie de l'Observatoire estrien du développement des communautés (OEDC)5 n'utilise pas cette typologie comme telle. Mais à partir d'un découpage des communautés auquel ont collaboré des comités locaux par territoire de MRC et un comité régional de mise en œuvre formé d’intervenants et de partenaires de tous les niveaux, on a pu constituer la mosaïque de 66 communautés comptant chacune environ 5 000 personnes. On a alors reconstitué, à partir des fichiers de recensement et autres bases de données disponibles, les fiches de chaque communauté délimitée, avec ses traits caractéristiques exprimés par un code de couleur semblable à l'indice de défavorisation de Pampalon. À partir de cette base, avec le support d'une équipe technique de la Direction de la santé publique, chaque réseau d'intervenants d'un territoire de MRC peut mener une opération d'appropriation des données avec des acteurs d'une communauté donnée : « ce que les données nous disent ». Habituellement organisée sous forme d'une rencontre d’environ 3 heures réunissant quelque 10-‐15 personnes représentatives du milieu, l’opération est complétée par l'utilisation de la fiche d'appréciation du potentiel. On partage les résultats comme conclusion de l'opération
5 L’OEDC est un organisme régional qui regroupe une soixantaine d’acteurs de l'Estrie impliqués en DC,
désireux de se doter d’outils pour améliorer la qualité de vie dans leurs communautés. L'OEDC assume un rôle de rapprochement entre praticiens et chercheurs à travers des activités de partage et co-‐production de connaissances, et met de l'avant depuis quelques années, grâce à une implication soutenue de la Direction de santé publique de l'Estrie et du CSSS-‐IUGS (Sherbrooke), le développement d'un outil de connaissance de l'état général des communautés locales et d'appréciation de leur potentiel de développement. Voir le site WEB: www.oedc.qc.ca/tableau-‐de-‐bord.
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d'appropriation qui peut mener à un début de mobilisation en regard de situations problèmes constatées et priorisées. Ces données qualitatives sont compilées sous forme de faits saillants, à valider ultérieurement par les participants, et diffusées sur le site du tableau de bord, comme connaissances tirées de « ce que les gens nous disent ».
Il s'agit donc d'un outil qui permet d'abord une connaissance plus fine des réalités territoriales, connaissance dont les acteurs impliqués dans le soutien au DC et les autres intervenants de services publics peuvent se servir pour mieux « cartographier » leur territoire, cibler les communautés en besoin de soutien et amorcer des actions de mobilisation dans ces communautés. Il peut aussi servir aux les gestionnaires de programmes de cadre de référence pour l'allocation de ressources, ce qui appelle, comme dans le cas de l'indice de dévitalisation, à la plus grande prudence considérant les limites de telles données pour livrer l'état réel et évolutif d'une communauté. Une connaissance terrain alimentée par des observations et cueillettes de données qualitatives multiples et croisées demeure toujours nécessaire pour valider une première « cartographie » obtenue par des indicateurs forcément statiques et incomplets. C’est ce qui permet de bien évaluer l'état comme le potentiel de développement d'une communauté.
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2. QUELQUES INITIATIVES ACTUELLES DE DÉVELOPPEMENT INTÉGRÉ
2.1. Les démarches de revitalisation intégrée (DRI) Hormis les initiatives liées au Programme économique de Pointe Saint-‐Charles (PEP), les démarches de revitalisation intégrée (DRI) apparaissent dans les projets de développement intégré qui s’amorcent (surtout en milieu urbain) à partir de la moitié des années 1990. Présentés comme initiatives de « revitalisation de 2ème génération », pour la distinguer de la 1ère centrée sur la rénovation du cadre bâti, les plus importants projets de DRI s’implantent à Valleyfield (1997) avec le PRAQ (Programme pour la revitalisation des anciens quartiers), à Trois-‐Rivières (2001) à travers la Démarche des premiers quartiers, et finalement à Montréal avec le Chantier de revitalisation urbaine et sociale du Quartier Saint-‐Michel (2004), issu de Vivre Saint-‐Michel en santé (déjà actif comme table de concertation depuis 1991 et membre de VVS), ainsi que le projet Pour Décider Rosemont ensemble, prenez place (2006), porté par la CDC de Rosemont. D’autres projets revitalisation intégrée dans des quartiers de centre ville, de moindre envergure du point de vue de la population rejointe (entre 3,500 et 15,000), ont aussi été amorcés depuis 2006 à Québec (Saint Pascal en action), Drummondville (Chantier Saint-‐Joseph), Ville Émard/Côte St-‐Paul (Opération Galt), Shawinigan (Revitalisation quartiers St-‐Marc/Christ-‐Roi), Sherbrooke (Ascot en santé) et Sorel (Plan de revitalisation du Vieux Sorel). Ces initiatives « font une place importante à la participation citoyenne et tentent d’éviter les pièges de l’embourgeoisement, c’est-‐à-‐dire une belle revitalisation des façades qui aurait pour effet de déplacer les gens en situation de pauvreté qui résidaient jusque-‐là dans ces quartiers ». (Aubin, 2007 : 129).
En 2007, à l’initiative d’ÉCOF (Économie communautaire de Francheville), la CDEC de Trois-‐Rivières, et de Vivre St-‐Michel en santé, le Réseau Québécois de revitalisation intégrée (RQRI) s’est constitué en regroupant quelque 15 organismes de support et démarches locales, d’où est issu le Cadre de référence (RQRI, 2008) qui a fixé les balises de la pratique de revitalisation intégrée. En plus de les doter d’un cadre identitaire et d’un mécanisme de liaison, le RQRI a permis à ces acteurs locaux de se donner une structure de représentation auprès des décideurs politiques, bailleurs de fonds et autres acteurs nationaux impliqués dans la promotion et le support du développement local de type communautaire.
2.1.1. Un exemple probant: la Démarche des premiers quartiers de Trois-‐Rivières (Ninacs, 2003; Ulysse & Leseman, 2007)
La Démarche des premiers quartiers de Trois-‐Rivières (DPQTR) est issue du travail de mobilisation amorcée par des organismes communautaires, notamment COMSEP, le Centre d’organisation mauricien de services et d’éducation populaire, un groupe d’alphabétisation dans cette région durement touchée par des fermetures d’usines durant les années 1980. La démarche de COMSEP a graduellement évolué : de l’intervention d’aide directe aux chômeurs et personnes appauvries à la formation de main d‘œuvre (employabilité) et à
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l’aide à la réinsertion sociale; puis à la mise sur pied de micro-‐entreprises d’économie sociale permettant l’insertion en emploi et, finalement, en 1996, de l’organisme Économie communautaire de Francheville (ÉCOF). ÉCOF se constituera en CDEC après les regroupements semblables créés en dehors de Montréal, soit à Québec, à Gatineau et à Sherbrooke. ÉCOF fait appel à un partenariat regroupant tous les acteurs de la communauté, le conseil d’administration étant composé de 3 groupes communautaires, dont COMSEP, 2 entreprises d’économie sociale, 2 représentants du milieu économique, 1 du monde syndical, 2 personnes sans emploi et sous-‐scolarisées, 1 personne de la communauté, 1 représentant d’organisme public, 1 membre de l’équipe de travail. ÉCOF offre diverses activités correspondant à 3 grandes stratégies, soit « le développement, la valorisation et l’intégration de la main-‐d’œuvre, le soutien à l’entrepreneuriat privé et social et le développement de projets structurants et la mise en valeur du territoire ». Dans le cadre de cette dernière stratégie, une vaste enquête a été menée en 1998 par ÉCOF en partenariat avec COMSEP et le service d’organisation communautaire du CLSC Les Forges, auprès de 700 résidantes et résidants et de plus de 70 entreprises des anciens quartiers ouvriers (au nombre de 11). Ces quartiers fondateurs de la ville de Trois-‐Rivières sont habités par les anciens travailleurs des usines de pâtes et papiers et des usines de textiles. Ils sont habités par une population totale d’environ 35 000 personnes. Le processus d’enquête a permis de consulter la population sur les grandes problématiques de ces quartiers : thématiques de l’emploi, des ressources, de la vie de quartier, de l’aménagement du territoire, des problèmes sociaux, etc. Il a provoqué un effet boule-‐de-‐neige qui a engendré en 2000 la naissance de la Démarche des premiers quartiers (DPQTR), autour d’un objectif visant l’amélioration de la qualité de vie, des conditions de vie et du cadre de vie de la population résidante de ces quartiers.
Soutenue financièrement par plusieurs partenaires locaux – Commission scolaire, Municipalité, CSSS, Agence SSS, Centraide-‐Mauricie – la DPQTR est aussi reconnue comme projet et financée comme initiative associée au réseau “Vibrant communities”. La Démarche est devenue une coalition d’actrices et d’acteurs multisectorielle, regroupant plus de 50 partenaires issus de divers milieux communautaires et institutionnels et rejoignant des centaines de citoyens autour d’axes d’intervention multiples : l’aménagement du territoire; l’environnement; la sécurité; la participation citoyenne; le développement économique communautaire; l’emploi; la formation; l’insertion socioprofessionnelle; le logement; la vie de quartier; la mise en valeur du patrimoine bâti, culturel et social; ainsi que les services de proximité. Plusieurs projets ont ainsi vu le jour : jardins communautaires, société immobilière, prêt de vélos de quartier, maison de quartier, gymnase social, foire de l’emploi, etc. Au chapitre des politiques publiques, la démarche a donné lieu, entre autres, à l’implantation d’une fiducie mettant en présence des partenaires du milieu afin de faciliter l’accès à la propriété pour des personnes à faible revenu.
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La démarche, qui n’a pas fait l’objet d’une nouvelle structure ni d’une constitution formelle en association personnifiée, est réalisée à travers trois tables de concertation coordonnées par ÉCOF : soit un Comité de coordination et 2 comités de territoire. La participation citoyenne y est valorisée à travers des assemblées citoyennes, des rencontres de cuisines et de ruelles, du porte-‐à-‐porte, de la consultation, des sondages, etc., mais aussi dans la réalisation de projets locaux menés par les comités de territoire. Elle constitue par ailleurs une préoccupation majeure à travers l’ensemble des activités d’ÉCOF, en continuité et complémentarité avec les efforts menés par les organismes communautaires en éducation populaire et développement de l’employabilité.
2.2. La RUI, la lutte à la pauvreté et la concertation locale : stratégie typique à la région métropolitaine (Grand Montréal)
Les démarches de revitalisation urbaine intégrée initiées à Montréal en 2003 sont issues d’un cheminement amorcé au préalable au-‐niveau du développement social et de l’intervention territoriale comme éléments clés d’une stratégie de lutte à la pauvreté. Ainsi, dès le début des années 1990, dans la foulée de la mise sur pied des CDEC, et suite à des travaux de recherche menés par la Ville, on reconnaissait que
de nouvelles approches devraient être développées, en complément aux approches traditionnelles. Un consensus se dessine un peu partout quant aux choix qui doivent être privilégiés : des actions très décentralisées, des projets et des programmes issus du milieu, répondant aux besoins particuliers des différents groupes. (Ville de Montréal, 1990 : 20)
Ayant adhéré au Mouvement VVS dès 1990, ce qui l’amène à considérer le quartier comme lieu privilégié d’intervention (Ville de Montréal, 1993), la Ville s’associera en 1994 avec Centraide et le Département de santé communautaire de l’époque pour reconnaître et soutenir le travail de développement communautaire local :
C’est ainsi qu’elle a adopté une politique de développement communautaire et social et appuyé de nombreux modèles organisationnels locaux. Dans chaque quartier, une table de concertation visant à améliorer la qualité de vie des habitants a été financée. (Brodhead, 2008 : 6)
En 1997, les 3 partenaires conviennent de mettre formellement en place la première mouture du Programme de soutien financier pour le développement social local, qui a regroupé les tables de concertation locales existantes, alors au nombre de 20 :
Entre 1998 et 2001, ces partenaires ont financé conjointement la production des profils de chacune des tables de concertation, lesquels ont par la suite été résumés en un seul rapport. Au cours de la même période, ces tables de concertation se sont regroupées sous l’emblème de la Coalition montréalaise des tables de quartier afin d’établir une démarche de reconnaissance et s’inscrire dans un processus d’évaluation participative avec l’aide du Centre de formation populaire et de fonds provenant de Centraide. (Ibid)
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Le financement de ces tables passera graduellement à 40 000 $ annuellement (en 1999), ce qui permettra l’embauche d’une ressource d’accompagnement « pour assurer la continuité de leur travail de mobilisation » (IMSDSL, 2006). Le financement sera haussé à 55 000 $ en 2006 (Brodhead, 2008), alors qu’on le consolidera dans l’entente sur l’Initiative montréalaise de soutien au développement social local (IMDSL) qui rejoint alors 30 quartiers et secteurs. Le mandat de support de plusieurs tables de concertation multisectorielle est confié à des Corporations de développement communautaire locales. Une initiative semblable existe à Longueuil depuis 2001, par entente entre Centraide du Grand Montréal et l’arrondissement du Vieux Longueuil. Elle a permis la mise sur pied de 8 tables de quartier coordonnées par la CDC locale. À Montréal, en 2011, le financement des tables est de l’ordre de 70 000 $ par table. Une étude sur les effets de la concertation réalisée à travers les tables, portant sur l’expérience de 3 tables, a été produite en 2010 par l’INRS-‐Urbanisation Culture et Société (Sénécal et al., 2010).
En parallèle à cette initiative tripartite, la Ville de Montréal et le Ministère des affaires municipales conviennent en 1999 d’une entente sur les Quartiers sensibles, qui les amène à un plan d’action invitant
les intervenants locaux regroupés autour d’une table de concertation à proposer de nouvelles initiatives qui répondent à la nécessité de lutter contre la pauvreté. Les activités visées concernaient des problématiques telles que la dépendance sociale, l’insertion en emploi, le décrochage scolaire, la violence, la monoparentalité, les loisirs, la toxicomanie, la prostitution, le logement et l’environnement, avec une attention spéciale aux jeunes de 15 à 24 ans. (Leclerc, 2007 : 6-‐7)
Inspirée d’expériences européennes et américaines de revitalisation globale et intégrée de quartiers, ayant comme particularités de faire appel à la participation citoyenne et à la concertation intersectorielle, l’entente permet de choisir 11 « quartiers sensibles » , à partir de mai 2000, quelque 47 projets communautaires portant sur le cadre bâti bénéficieront d’un financement de 5,6 M$ sur 4 ans, provenant à parts à peu près égales de la Ville de Montréal, du MAMROT et du ministère de la Solidarité sociale qui deviendra plus tard Ministère de l’emploi et de la solidarité sociale.
Dans le même temps, un second plan d’intervention conjoint Ville – Affaires municipales, dit de « quartiers ciblés », amènera un financement majeur de 42 M$ sur 3 ans pour plus de 60 projets localisés dans les mêmes secteurs que les quartiers sensibles, visant plus spécifiquement l’environnement physique et l’organisation spatiale du milieu, « dont la combinaison avec d’autres types d’action doit permettre d’en augmenter les retombées ». Poursuivant des objectifs très larges, autant au plan de la qualité de vie du quartier et le développement social et économique, que la revitalisation en matière d’habitation sociale et commerciale, les 2 ententes ont été jugées faibles au plan de la vision et de l’action
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intégrées, ce qui amènera une stratégie plus clairement définie pour les démarches de revitalisation urbaine intégrée qui leur succéderont après le Sommet de Montréal de 2002 et les ententes subséquentes.
Dans le cadre de la fusion des villes de l‘île de Montréal en 200l décrétée par la Loi 170 qui touchait aussi les régions métropolitaines de Québec et de l’Outaouais, les arrondissements alors créés ont la responsabilité du développement social de leur territoire. C’est par ailleurs un mandat nouveau pour les villes, les amenant à l’élargissement de leur mission de développement communautaire classique (loisir, sport et culture) à des responsabilités envers les problématiques socio-‐urbaines, dont entre autres les efforts de lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale. En vue du Sommet de 2002, qui devait définir les grandes orientations et stratégies de la nouvelle ville, quelque 27 sommets d’arrondissements ont eu lieu de même que 14 sommets sectoriels dont celui sur le développement social et communautaire (DSC). Dans les grands enjeux identifiés lors de ce Sommet sectoriel, on mettra de l’avant, conformément aux exigences de la Loi 170, une démarche de concertation dans l’élaboration du plan d’action en matière de développement social communautaire (DSC). Cette obligation faisait écho à la démarche du Forum national sur le développement social organisée par le Conseil de santé et bien-‐être en 1997-‐1998, en ayant comme priorité la lutte aux inégalités et à l’exclusion, le partage de la richesse et l’habitation sociale, de même que l’adoption d’une approche intégrée et concertée avec tous les acteurs dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et programmes. L’adoption d’une stratégie de revitalisation urbaine intégrée (RUI) comme approche de lutte à la pauvreté est ressortie en tête de liste parmi les 10 priorités en DSC issues du Sommet. Outre la RUI, ces priorités sont : les problématiques socio-‐urbaines ; la sécurité alimentaire ; le soutien à la vie communautaire, une priorité touchant les tables de concertation retirée après la 1ère année, étant soutenue par l’IMDSL; la jeunesse en prévention du décrochage scolaire, insertion socioprofessionnelle, insertion des clientèles à risque ; le soutien à la famille et à la petite enfance ; la sécurité urbaine ; l’accessibilité universelle ; l’égalité entre les hommes et les femmes ; le volet interculturel. Soulignons qu’on ajoutera ultérieurement une dimension culturelle à ces priorités, de façon à reconnaître l’importance de la contribution de la culture au développement social.
2.2.1. Un projet-‐pilote : les démarches de RUI Au cours de l’année 2003, dans le suivi du Sommet, on a élaboré un premier « projet pilote de revitalisation urbaine intégrée »6. Le promet proposait un processus en trois phases : l’élaboration d’un plan de revitalisation, sa mise en œuvre et l’évaluation des impacts et la révision du processus. Il devait se réaliser dans 3 arrondissements sur un horizon de 5 à 10
6 Dans le Guide à l’attention des arrondissements admissibles (avril 2003) présentant le projet pilote, on
retrouve curieusement, en pied de page, l’appellation «Projet pilote de gestion territoriale intégrée en revitalisation urbaine».
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ans. Un budget de 1,3 M$ sur 3 ans était prévu pour le projet-‐pilote, dont la majeure partie (84%) serait allouée à sa réalisation dans les 3 arrondissements. « À ce montant s’ajoutent des contributions provenant des arrondissements, du contrat de ville et de partenaires institutionnels. La nature intersectorielle de ces projets appelle un soutien financier et technique qui lui corresponde. » (Savard, 2005 :47).
La conception des grands paramètres de cette expérience (définitions, caractéristiques, objectifs, cadre d’action) fut le fruit d’une collaboration étroite entre deux Services de la Ville, alors nommés Développement économique et développement urbain et Développement social et communautaire. Cet arrimage paraissait naturel, les préoccupations d’amélioration de la qualité des milieux de vie défavorisés exprimées par les urbanistes s’inscrivant dans une vision qui dépassait les limites de l’action sur le cadre physique. Déjà formulées lors du Sommet, ces préoccupations ont été intégrées dans le projet de plan d’urbanisme, qui prévoit « intervenir de façon intensive et intégrée dans les secteurs à revitaliser » et qui identifie la Stratégie de revitalisation urbaine intégrée comme un moyen pour y parvenir.
C’est donc d’une rencontre entre urbanistes, spécialistes de l’habitation et professionnels de l’intervention sociale qu’est née l’expérience de revitalisation urbaine intégrée. (Ibid)
En raison de cette vision transversale et son caractère de projet-‐pilote, la stratégie RUI devait, dans sa conception initiale, relever de la direction générale de la Ville. Cela ne s'est pas réalisé puisqu’on l’a finalement ramené sous la responsabilité « sectorielle » du Développement social et communautaire. Par delà les priorités définies au sommet, les cibles sont de l’ordre de la mise en place d’un processus structuré et structurant, soit : la mise en place de comités locaux de revitalisation ; la production de plans locaux de revitalisation ; l’expérimentation d’un mode intégré d’organisation et de gestion d’où l’on pourra dégager des leçons pour l’élargissement éventuel à d’autres arrondissements ; et la mobilisation de l’ensemble des partenaires municipaux, gouvernementaux, communautaires et privés « vers des actions intégrées susceptibles d’avoir un impact concret sur la situation du territoire défavorisé ». Le guide présentant le projet pilote comporte, outre les phases du processus, une description précise et détaillée des compositions et rôles des différents paliers et acteurs impliqués (comités locaux, chargé de projet, élus, partenaires, etc.) ainsi que les directives administratives concernant la proposition à soumettre par l’arrondissement. Si le cadre des expériences est ainsi bien balisé, leur réalisation repose par contre sur l’appropriation de la démarche par les acteurs locaux et leur autonomie quant au processus de réalisation. Les arrondissements ont « disposé d’une grande autonomie dans la façon d’associer les citoyens et les groupes locaux à la démarche et dans l’élaboration d’un plan d’action qui constituait l’objectif de la première phase » (Seguin et Divay, 2004 : 67-‐69). En pratique, la mise en œuvre des RUI a été confiée soit à des CDC, soit à des tables de quartiers ou des OSBL spécifiquement créés pour ce faire.
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Au terme de l’appel d'offres le 30 avril 2003, l’évaluation a été faite par un comité de sélection constitué par le Comité de projet chargé de la coordination et du suivi. Ce comité de sélection était composé de « représentants de l’arrondissement (niveau administratif), du comité interservices déjà en place (Direction générale, Développement social et communautaire, Habitation, Développement urbain et Parcs et espaces verts) et de d’autres services, en fonction de leur contribution souhaitée, notamment les Loisirs et le Sport, le Développement économique local et le Développement culturel. » (Guide à l’attention des arrondissements admissibles, avril 2003). La proposition des 3 démarches retenues ont été confirmées par le Comité exécutif de la Ville. Les secteurs retenus présentent tous des caractéristiques relativement similaires : territoires enclavés, qualité du cadre résidentiel plutôt faible, artères commerciales dévitalisées, revenu moyen des ménages sous la moyenne montréalaise, taux de chômage élevé, population peu scolarisée, forte présence de familles monoparentales et de personnes seules (Savard, 2005 : 48). Ce sont : -‐ le Quartier Saint-‐Pierre dans l’Arrondissement de Lachine : une ancienne municipalité
de banlieue de petite taille (4 700 habitants), enclavée entre des infrastructures majeures (autoroutes, gare de triage), qui vivait alors un processus important de dévitalisation;
-‐ l’Opération Galt dans l’Arrondissement du Sud-‐Ouest : une unité de voisinage de 3 400 habitants, comptant une grande concentration d’habitations à loyer modique, et fortement handicapée par la présence d’une autoroute; on y constate une forte dégradation du tissu social;
-‐ le Quartier Sainte-‐Marie (20 600 habitants), un ancien quartier inclus dans l’arrondissement de Ville-‐Marie : on y retrouve quatre «milieux de vie» de taille comparable à celle des deux autres secteurs et comportant des problématiques particulières.
En 2006, suite à un 2ième appel de projets, 3 autres démarches ont été ajoutées : -‐ le secteur Laurentien / Grenet dans l’Arrondissement Bordeaux-‐Cartierville : le
quartier historique de Cartierville (10 500 h) fortement enclavé par les grands artères routières et ferroviaire, la Rivière des Prairies et les terrains de l’Hôpital Sacré-‐Cœur; avec une forte composition multiculturelle et un taux de chômage élevé;
-‐ Mercier-‐Est (environ 16 000 h), qui constitue la partie sud-‐est de l’Arrondissement Mercier–Hochelaga-‐Maisonneuve : un territoire enclavé par l’autoroute 25 à la sortie du Pont tunnel Hyppolite-‐Lafontaine, Montréal-‐Est et le fleuve St-‐Laurent ; le quartier est aux prises avec des taux élevés de pauvreté ;
-‐ la Place Benoît dans l’Arrondissement Saint-‐Laurent : un complexe résidentiel de 240 logements sur un territoire situé au sud-‐est de l’arrondissement et physiquement enclavé par la voie ferrée au nord et à l’est, ainsi que par l’autoroute Métropolitaine au sud ; entre 500 et 750 personnes y vivent dans un milieu qui comporte des problèmes
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de qualité de l’habitat et de l’environnement.
En plus de ces projets directement financés par des fonds issus du Sommet et du contrat de ville, 2 opérations déjà amorcées sur la base de mobilisations locales ont été reconnues comme démarches RUI, soit: -‐ à Montréal-‐Nord, la Démarche-‐action du quadrilatère constitué par les boulevards Léger/Maurice-‐Duplessis (est-‐ouest) – Rolland/Albert-‐Hudon (nord-‐sud) : on y compte une population de 14,000 h ; la démarche a été initiée en 2001 sous l’impulsion de la Conférence administrative-‐Développement social ; elle est parrainée depuis 2008 par Montréal-‐Nord en santé ; -‐ à Saint-‐Michel, un quartier de l’Arrondissement Villeray-‐Saint-‐Michel-‐Parc Extension, Vivre Saint-‐Michel en santé : une population comptant plus de 53 000 habitants ; VSMS a été mis en place en 1991 a entrepris en 2004 le Chantier de revitalisation urbaine et sociale après avoir adhéré au Réseau canadien des Collectivités dynamiques (“Vibrant Communities”). Rappelons que VSMS fait aussi partie du Réseau québécois de revitalisation intégrée.
En 2012, quatre autres RUI ont été acceptées pour financement : le secteur Airlie-‐Bayne, dans l'arrondissement de Lasalle; le secteur Viau-‐Robert, dans l'arrondissement de St-‐Léonard; le quartier Chameran, dans l'arrondissement de St-‐Laurent; le secteur sud-‐ouest d'Hochelaga, dans l'arrondissement de Mercier-‐Hochelaga-‐Maisonneuve. Cela a porté à 12 le nombre de projets actifs dans le cadre de l’approche RUI de Montréal.
Signalons que le projet-‐pilote prévoyait une démarche d’évaluation très élaborée, dont une première opération a été réalisée en 2004-‐2005 par une équipe d’universitaires coordonnés par l’INRS (Divay et al., 2006). Celle-‐ci a produit un rapport portant sur les 3 démarches alors en début d’implantation. Le rapport a surtout permis d’explorer le cadre et la démarche d’évaluation elle-‐même, notamment sur les indicateurs permettant de mesurer les résultats aussi bien que les processus de l’intervention concertée de quartier. On y retrouve aussi des définitions opératoires de la lutte à la pauvreté combinant l’action liée aux « trajectoires individuelles » de sortie de la pauvreté et celle sur les « trajectoires de quartier » à revitaliser. Une autre évaluation a été réalisée en 2010 par l’ÉNAP (CREXE, 2010a, b, c), portant surtout sur les processus de gestion mis en œuvre dans les démarches de 5 territoires de RUI et sur les effets des interventions RUI en termes de lutte à la pauvreté sur les trajectoires des individus et des quartiers. On y fait aussi l’exploration en termes de développement des connaissances d’un système d’identification et de mesure des facteurs présents dans l’évolution d’un quartier.
2.2.2. Le contrat de ville Dans la foulée du Sommet de 2002, Montréal a signé en 2003 avec le gouvernement du Québec un « contrat de ville », une formule inspirée des pratiques européennes, notamment
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françaises. Les contrats de ville ont été développés en France dans le cadre de la décentralisation amorcée au début des années 1980. En 1989, on a adopté une loi permettant de « réaliser des projets urbains sous la forme contractuelle entre l'État, les collectivités locales et leurs partenaires, en vue de mettre en œuvre, de façon concertée, des politiques territorialisées de développement solidaire et de renouvellement urbain, visant à lutter contre le processus de dévalorisation de certains territoires de nos villes » (Wikipedia, consulté le 1er octobre 2011). Le contrat de ville français qui a une portée visant un territoire local de toute dimension, poursuit 4 grands objectifs : « garantir le pacte républicain ; renforcer la cohésion sociale ; mobiliser autour d’un projet collectif; construire un nouvel espace démocratique avec les habitants. » (Ibid).
L’objectif du contrat de ville montréalais est « d’offrir une meilleure qualité de vie aux citoyens et assurer la cohésion sociale de la communauté », par la concertation et l’intégration des efforts de développement social, économique, communautaire et culturel. Cette entente qui complétait et encadrait le Projet-‐pilote RUI, visait aussi 18 des 19 arrondissements, dans les secteurs ciblés à partir de l’indice Pampalon-‐Raymond. Ce choix est en lien avec le Plan de lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale du MESS alors en préparation, « afin d’intervenir auprès des individus », et avec le Programme de renouveau urbain et villageois du ministère des Affaires municipales et des Régions (MAMR) pour ce qui est du cadre bâti. L’enveloppe totale affectée au contrat de ville sera de plus 102 M$ sur 5 ans, dont 62 M$ provenant du Renouveau urbain partagés à part égale entre la Ville et le MAMR sur un an et demi. Cette somme inclut une part de 1,8 M$ pour le développement social dans le volet renforcement des collectivités, soit le support à une démarche participative d’élaboration d’un plan d’action local. Elle comprend aussi 40 M$ dédiés aux interventions de lutte à la pauvreté, sur 5 ans, partagés entre la Ville (15 M$) et le FQIS du MESSS (25 M$). Le contrat de ville a été reconduit en 2008 pour trois (3) ans, avec un budget de 24 M$ provenant du FQIS.
Les principes à la base du contrat de ville reposaient sur 4 axes : 1-‐ l’intervention dans des zones prioritaires reconnues comme secteurs à forte concentration de pauvreté ; 2-‐ l’approche territoriale intégrée et multisectorielle ; 3-‐ la décentralisation du mandat de gestion de l’entente à la Ville ; 4-‐ le recours au partenariat avec les acteurs locaux institutionnels, communautaires et privés des secteurs priorisés.
En regard du volet Lutte à la pauvreté, les objectifs du contrat de ville visaient d’abord l’intégration sociale des individus appauvris et exclus, à travers des clientèles déterminées et des problématiques sociales majeures vécues à Montréal. Ils comportaient aussi le recours à l’approche territoriale intégrée ciblant des problématiques prioritaires, soit :
-‐ aider les personnes les plus démunies à mieux s’insérer dans leur milieu et dans la collectivité montréalaise et québécoise et les soutenir dans leur démarche d’intégration ;
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-‐ diminuer l’impact des problématiques sociales propres à une grande ville, telles que l’itinérance, la prostitution et la toxicomanie, pour les individus concernés et pour l’ensemble de la population ;
-‐ offrir aux jeunes des solutions autres que le recours à la sécurité du revenu ; -‐ agir sur la base de zones d’intervention prioritaires selon une approche
locale et concertée, en mettant de l’avant des projets et des initiatives susceptibles de favoriser l’accès à une alimentation adéquate, à des logements abordables, à des services sociaux et de santé adaptés et à des loisirs appropriées.
Dans le cadre du programme Renouveau urbain, volet développement social qui faisait partie de l'Entente sur les « Quartiers sensibles » et qui a continué d'exister un certain temps en parallèle au contrat de ville, on a pu augmenter le financement octroyé aux tables locales de concertation intersectorielle existantes dans les territoires de RUI. Selon l’évaluation de Leclerc (2007), portant sur les années 2003-‐2007, le financement des projets (78) acceptés sous ce volet aurait été de l’ordre de 24 000 $ chacun sur 3 ans. Sous le volet de la lutte à la pauvreté, les projets pouvaient être proposés selon un processus d’appels annuels. Selon les Balises de la dernière entente MESS-‐Montréal (2009-‐2012), les projets admissibles devaient répondre aux critères suivants : issus d’une concertation locale; offrir une aide directe aux individus ou aux familles; avoir une portée immédiate, c’est-‐à-‐dire dans l’année suivant l’adoption du projet; avoir une capacité de mobiliser la communauté et viser au moins un domaine d’intervention en rapport avec les 10 priorités du Sommet (Source : Direction de la diversité sociale, Côte-‐des-‐Neiges/Notre-‐Dame-‐de-‐Grâce, février 2009). Cela a généré 621 projets, dont 440 sont des projets décidés et gérés à l’échelle de l’arrondissement pour une valeur moyenne de 21 500$ environ. En tenant compte de la récurrence de certains projets, cela représente environ 200 réalisations annuellement. Cette donnée « moyenne » demeure approximative, le nombre de projets et la valeur de chacun variant selon les arrondissements qui avaient la responsabilité du choix des projets, selon les enveloppes rendues disponibles par la Ville et selon leurs propres allocations à la lutte à la pauvreté en vertu des priorités définies à leur plan de développement social. La valeur moyenne des projets Lutte à la pauvreté serait un peu plus élevé (Ville de Montréal, 2010). De façon générale, il semble, que ces projets retenus sur une base annuelle, devaient, sinon être le produit d’actions concertées, du moins les favoriser et ne pas contribuer au financement de base des organismes communautaires promoteurs. Il y a eu aussi 164 « projets corporatifs » portant sur les thèmes suivants: problématique socio-‐urbaine (itinérance), sécurité alimentaire, soutien à la vie communautaire, jeunesse, soutien à la famille et petite-‐enfance, sécurité urbaine, accessibilité (personnes handicapées), égalité homme-‐femme, volet interculturel (Ville de Montréal, 2010). Ces projets étaient encadrés par les services centraux de la ville, prenant la forme de projets-‐pilotes réalisés par des organismes communautaires en regard des problématiques ciblées touchant plusieurs territoires ou arrondissements, pour un
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financement moyen de 22 500$.
De ce long cheminement et de ses multiples composantes de programmes et projets, on peut retenir comme vision d'ensemble que la «Stratégie» RUI doit être vue comme composante d'une grande approche à 3 volets de développement intégré, complétée par l’Initiative montréalaise de soutien au développement social local et la mise en place du Collectif Quartier. Mis sur pied à l’initiative de la ville de Montréal et regroupant des partenaires de différentes appartenances et de différents champs d’action concernés par la grande stratégie de développement intégré, ce collectif a pour mission de « soutenir les acteurs du développement local par la mise en place d’un carrefour d’animation et de diffusion mettant en valeur les expériences et les savoir-‐faire montréalais, de favoriser le développement d’une vision globale et partagée du développement local et d’appuyer la mise en œuvre d’une approche territoriale intégrée ». À ce volet de la formation et de la diffusion centré surtout sur le réseautage par le WEB, s'ajoute le Forum des intervenants municipaux en développement social (FIMDS), par lequel « les employés de la Ville de Montréal qui occupent des postes de conseillers en développement communautaire, d’agents de développement et de chefs de division du développement social sont conviés à 4 rencontres thématiques annuelles avec comme objectif de perfectionner les actions de la Ville en développement social. » (Source: site WEB du Collectif Quartier). Le Centre de formation populaire a eu le mandat de l'organisation de ces rencontres de formation.
2.2.3. Illustration de démarches RUI Il est difficile d’illustrer l’approche RUI en utilisant un ou 2 cas, en raison de la diversité des milieux et des cheminements, mais aussi de la disponibilité limitée de la documentation descriptive et analytique des expériences terrain. Les évaluations réalisées, dont certaines récentes, portent surtout sur les processus à l’œuvre. Elles permettent un regard d’ensemble sur la démarche, mais pas vraiment d’examen détaillé et global d’une démarche spécifique. Malgré la faiblesse des ressources financières allouées aux démarches et aux projets et leur horizon de temps limité à un an, ce que reprochent plusieurs arrondissements selon les bilans 2010, on peut quand même retenir des évaluations et autres documents disponibles que le programme RUI a été un stimulant important de la concertation et du partenariat dans les secteurs les plus affectés par la pauvreté à Montréal.
Le cadre de fonctionnement des démarches comporte des obligations de processus, mais en même temps permet un fonctionnement à géométrie variable, dépendant de l‘état de la problématique globale du milieu (physique, économique, social, culturel et politique); des problématiques sociales particulières d’appauvrissement et d’exclusion; des dynamiques locales de concertation; des rapports élus-‐citoyens; des ressources communautaires; de l’approche d’accompagnement; etc. Dans un cas, on a confié l’élaboration du diagnostic et du plan d’action à une firme extérieure, dans une approche de consultant spécialisé au niveau du processus. La mobilisation est alors recherchée à travers des opérations conçues
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et dirigées par les experts et le comité local est amené à un rôle plus stratégique et administratif que politique. Les experts et intervenants prennent alors beaucoup de place. Dans un autre cas, l’arrondissement a confié la démarche à la Table locale de concertation de quartier existante. La démarche RUI est portée par un Comité de la Table qui devient une instance décisionnelle à laquelle contribuent des acteurs provenant de tous les milieux (communautaire, privé, public, politique) et des citoyens.
Dans d’autres cas, on a inscrit la démarche dans un processus inspiré et amorcé par l’approche VVS. Le diagnostic et la vision du plan d’action sont à la fois structurants et influencés par le partenariat et la participation citoyenne. Cette dernière s’avère plus « dynamique » dans les secteurs moins dégradés et sujets à moins de problématiques lourdes. Les axes d’intervention sont aussi très nombreux et variés, portant sur le cadre de vie lui-‐même (aménagement, environnement, logement…), l’offre de services à la communauté, l’animation de la vie de quartier, l’intervention sur l’économie et l’emploi, la formation scolaire et l’employabilité, la sécurité alimentaire, les loisirs, le transport, etc.
À titre d’exemple, dans la démarche du Quartier Saint-‐Pierre, où l’on vit une situation de décroissance et de dévitalisation sociale et économique depuis la moitié des années 1980, on a mené une démarche créative et évolutive de consultation publique en trois moments sur 10 jours sur le «quartier à imaginer». Cela a conduit à un projet de « village » reflétant une vision identitaire rassembleuse qui s’est concrétisée dans des « projets signature » et des « avenues » qui traversent le quartier. Les 4 projets signature qui distinguent le quartier, en seront le moteur du développement : une Rue principale, une Base de plein air, un Magasin général, un Festival des marionnettes qui devient un projet culturel et économique. Les avenues sont des « éléments de développement potentiel » qui apparaissent en filigrane des 4 projets signature : des fêtes de quartier, des services multi-‐ressources dont un jardin maraîcher communautaire, une maison de jeunes, des accès à l’intérieur et vers l’extérieur du quartier, un contexte sécuritaire, un milieu propre, des citoyens engagés dont un comité citoyen pour la programmation de la bibliothèque.
À Cartierville, une meilleure circulation de l’information a été retenue comme axe transversal. Les axes majeurs du Plan d’action projeté sur une horizon de 3 à 8 ans sont l’amélioration du cadre de vie avec des projets en matière d’habitation, d'aménagement urbain, de sécurité alimentaire et santé mentale ; et l’amélioration de la vie de quartier en termes de loisirs, culture et sports plus variés, espaces et évènements de rencontres, emploi et revitalisation commerciale.
Dans d’autres cas, on a privilégié des projets structurants, tels l’offre de logement social, la construction d’un centre culturel communautaire, le soutien aux jeunes familles, un Pôle de création pour les entreprises culturelles, l’animation des parcs et des écoles, etc.
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En 2008, la nouvelle ville de Longueuil a conclu elle aussi une entente avec le MAMROT, prévoyant des démarches de RUI dans 5 secteurs de l’agglomération. Trois démarches sont situées dans le Vieux-‐Longueuil et impliquent au total une population d’environ 40 000 h : Lemoyne, 5 200 h; Saint-‐Jean-‐Vienney, 12 600 h et Sacré-‐Cœur, 22 000 h. Les deux autres se trouvent dans le Secteur Laflèche de l’arrondissement Saint-‐Hubert (12 000 h) et le «Secteur des A» (8 300 h) à Brossard. Trois tables de quartiers soutenues par la CDC dans le cadre de l’entente Centraide-‐Arrondissement du Vieux-‐Longueuil font partie de ces démarches. Elles ne s’inscrivaient pas au départ dans le Plan de lutte contre la pauvreté même si elles intégraient des dimensions de développement social et de revalorisation du cadre bâti. Les démarches de RUI ont permis de mettre en place des comités locaux de revitalisation dans les 2 secteurs ne disposant pas de table de quartier et d’y affecter des ressources d’accompagnement. L’entente, renouvelée en 2011 pour 3 ans, a permis d ‘élargir le partenariat au MESS, à travers la contribution du FQIS versée à la CRÉ Longueuil dans le cadre du Plan de lutte 2010-‐2015. L’enveloppe substantielle prévue sur 3 ans provient du MAMROT (600 000 $), de la Ville (600 000 $), de la CRÉ (600 000 $) et du Forum Jeunesse (85 000 $).
De même, Ville de Laval a, depuis 2008, une entente avec le MAMROT et la CRÉ de Laval à la hauteur de 450 000 $ chacun. Le MESS était également impliqué de façon secondaire avec une contribution sur 3 ans était de 62 500 $. L’objectif était de favoriser le déploiement d’une démarche RUI dans le secteur Chomedey avec comme cibles « d’accroître l’autonomie des femmes et la participation des jeunes à la vie démocratique ».
2.3. L’ATI et le 1er Plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale L’approche territoriale intégrée visait d’abord les personnes appauvries et exclues, mais aussi le renforcement des capacités d’agir des collectivités. Le déploiement de cet axe du Plan de lutte ne s’actualisera vraiment qu’en 2006-‐2007, à travers un budget de 1,6 M$ sur les 2 années restantes. Le fonds sera administré par les CRÉ à partir d’un cadre de référence qui leur est fourni, ce qui leur permettra de soutenir quelque 50 acteurs et instances de concertation existantes ou nouvelles dans un certain nombre de territoires ciblés de MRC, surtout en milieu rural. Deux projets dans les MRC de Témiscouata et de Haute-‐Gaspésie ont aussi été soutenus directement par le MESS. Ils ont bénéficié, selon le dernier Rapport ministériel (Québec, 2011), d’une enveloppe importante (1,5 M$) et ont fait l’objet d’une évaluation interne au MESS dont le rapport n’a pas été diffusé.
En 2007, pour instrumenter les milieux de pratique et leur permettre de se positionner par rapport à l’ATI, le Réseau québécois de développement social (RQDS) prendra l’initiative de produire un guide sur cette approche. Il propose de la resituer dans la perspective historique du développement communautaire local et du développement économique communautaire. C’est ce qui lui permet de rappeler qu’avant d’être inscrites dans un
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programme gouvernemental, il existe déjà bien vivantes sur le terrain une vision et des pratiques d’intervention territoriale intégrée à respecter et soutenir.
2.3.1. Exemples d’ATI : le CATI de la Capitale-‐Nationale Tel que déjà indiqué, il y a eu peu de démarches typiques de l’ATI réalisées dans le cadre du 1er Plan de lutte, qui soient documentées. Les MRC du Témiscouata et de la Haute Gaspésie ont fait l'objet de projets-‐pilote, appuyés sans doute sur des démarches novatrices déjà amorcées. On n’en connaît cependant ni les tenants et ni les aboutissants. Les principes originaux de l'ATI semblent par contre avoir été développés à partir de la stratégie montréalaise de revitalisation urbaine et des démarches de revitalisation intégrée. La démarche la plus connue semble être celle de la CRÉ de la Capitale-‐Nationale qui s’est donné un cadre de référence explicite que d’autres CRÉ ont utilisé. Cette démarche nous semble pouvoir être considérée comme le « modèle » le plus explicite de l’ATI au Québec. Menée par deux chercheuses indépendantes rattachées à l’équipe Proximité et recherche sur les interventions, les services et leurs modalités (PRISM) volet CAU du CSSS de la Vieille capitale, une stratégie d’évaluation participative est d‘ailleurs en cours de réalisation, visant à « favoriser l’élaboration, la mise en place, le suivi ainsi que le déploiement de l’approche territoriale intégrée ».
La démarche de la Capitale-‐Nationale est issue de la position prise en 2006 par la Table de concertation en développement social de la région lorsqu’elle a inscrit la mobilisation des communautés à son plan d’action et constitué un comité de travail par la suite identifié comme le Comité de l’ATI (CATI). Le développement social fait partie intégrante du plan quinquennal 2006-‐2011 de la région de la Capitale-‐Nationale, « le développement économique ne pouvant assurer à lui seul des conditions de vie et un environnement viable, ni permettre l’atteinte d’une bonne qualité de vie pour l’ensemble des citoyens et citoyennes ». Il constitue l’axe d’une stratégie d’innovation « qui favorise la recherche de moyens permettant la lutte contre les inégalités qui touchent différemment les divers groupes de la population et contribue à renforcer la cohésion sociale ». La Table de concertation a un caractère multisectoriel très diversifié, rejoignant plus de 30 représentants des grands secteurs institutionnels, économiques, syndicaux, communautaires, publics et privés, ainsi que des grandes thématiques associées au développement social. Elle a retenu l’ATI comme approche, telle que proposée par la Stratégie de lutte à la pauvreté. Suite à une journée de réflexion sur cette approche, une première entente de partenariat sur l’ATI a été établie en 2007, regroupant 5 partenaires : l’Agence de la SSS, la CRÉ, le Forum-‐jeunesse, Emploi-‐Québec – tous de la Capitale-‐Nationale-‐, et Centraide Québec-‐et-‐Chaudière-‐Appalaches. Cette première mobilisation a donné lieu l’année suivante à une Entente spécifique sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale valable pour 2 ans, impliquant les mêmes partenaires auxquels s’est joint le Bureau de la Capitale. Ils ont doté l’Entente d’une mise de fonds régionale de
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200 000 $ qui s’ajoute à l’accès à une enveloppe de 95 000 $ du Fonds québécois d’Initiatives sociales (FQIS). Ce budget est destiné aux projets issus de cinq territoires priorisés selon les indices Pampalon-‐Raymond : 2 territoires de MRC rurales, Portneuf et Charlevoix-‐Est; et 3 quartiers de la ville de Québec : Limoilou, Saint-‐Sauveur et Giffard-‐Montmorency). L’entente a été renouvelée pour une période de 3 ans (2010-‐2013), dotée, avec l’addition de la Ville de Québec, d’une enveloppe globale de près de 1 M$. Elle affiche les objectifs suivants :
-‐ contribuer à la mobilisation des forces vices des milieux en situation de défavorisation;
-‐ favoriser l’identification et la mise en œuvre d’actions concertées visant la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale;
-‐ améliorer les conditions de vie de la population vivant en situation de pauvreté et d’exclusion sociale, notamment les jeunes;
-‐ renforcer le tissu social dans les communautés les plus vulnérables. (CATI, 2011)
Cette seconde entente vise à consolider les 5 initiatives déjà amorcées pour lesquelles un Guide élaboré en 2008 a prévu un cadre précis d’orientations, de structures, de règles de fonctionnement, de même que les rôles des différents acteurs. Une fois acceptées par le CATI, chacune des 5 démarches locales a pu compter à compter de 2008 sur une personne-‐ressource assumant la coordination du Comité local et le travail terrain menant à un diagnostic et un plan d’action. Elles sont encadrées par un organisme fiduciaire : soit la CDEC de Québec pour les territoires de Saint-‐Sauveur et Limoilou ; les CLD de Portneuf et Charlevoix et l’Arrondissement de Beauport pour ce qui est de Giffard-‐Montmorency.
En termes de réalisations, nous pouvons noter, à titre d’exemples, les travaux menés par la démarche d‘ATI de Limoilou, un des plus vieux quartiers de Québec avec une population de 45 000 h, et celle de Portneuf, un milieu rural comptant plus de 46 000 habitants. Dans le cas de Limoilou, le comité local a été constitué en 2008 par quelque 20 organismes en provenance surtout des grands acteurs institutionnels et municipaux, mais aussi du communautaire. Outre l’arrondissement et les 3 conseils de quartier présents à Limoilou, on y retrouve la Caisse Desjardins, le CSSS, le CLE, le CLD, une école, la CDEC, un CPE, l’École de cirque, Initiatives 1,2,3 Go, un centre communautaire de loisirs, l’Office municipal d’habitation, Québec en forme, le Relai d’Espérance, l’OEIL Communautaire, la Direction régionale d’Emploi Québec et un conseiller municipal. Un comité d’encadrement composé des principaux bailleurs de fonds a assuré le pilotage opérationnel de la démarche.
La 1ère étape a consisté en l’élaboration durant l’année 2008-‐2009 d’un portrait de quartier très fouillé portant sur les dimensions historiques, sociopolitiques, organisationnelles, sociodémographiques et socioéconomiques, dont bien sûr le logement et l’emploi, de même que les services offerts dans le milieu et un relevé des expériences antérieures et actuelles
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de concertation et de mobilisation. Ce portrait a donné lieu à un 1er diagnostic, le Rapport annuel ATI Limoilou 2010-‐2011 présenté à la CRÉ de la Capitale-‐Nationale, qui a fait l’objet d’une consultation auprès de 23 groupes rejoignant 138 personnes et de 22 personnes vivant des situations d’exclusion. Ce diagnostic a amené à la formulation d’une esquisse de plan d’action autour de 5 grandes priorités. Elles ont été validées dans un deuxième temps, en 2009 et 2010, lors d’un forum qui est devenu le grand Chantier Limoilou. Les 5 axes priorisés (éducation, famille, immigration, logement, sécurité alimentaire) ont donné lieu à autant de chantiers thématiques, où près de 120 personnes de différentes provenances (institutionnelle, communautaire et citoyenne) se sont activées durant l’année 2010-‐2011 dans quelque 26 rencontres. Un 6ème chantier transversal sur la thématique des communications s’est ajouté suite au forum de mai-‐juin 2010.
Selon le rapport annuel, les chantiers devaient dans un premier temps « détailler et clarifier les projets, analyser les ressources et les compétences nécessaires à leur réalisation et identifier les projets à mettre en place ». Dans un second temps, ils avaient à « réaliser des plans de travail, créer des sous-‐comités afin de mettre en place les projets et rechercher le financement». Chaque chantier a effectivement retenu, à partir d’une liste de départ, quelque projets précis qu’il poursuit seul ou en collaboration avec d‘autres partenaires locaux ou extérieurs au quartier. Le comité local ATI a mis en place un comité d’encadrement élargi pour intégrer un représentant du communautaire et des citoyens. On y retrouve des personnes « Représentant des sept organisations suivantes : CDEC de Québec, Arrondissement de La Cité-‐Limoilou, CLSC de Limoilou, Centre local d’emploi, un organisme communautaire, un représentant du CATI ainsi que deux citoyens. » Chantier Limoilou, le forum citoyen, se tient sur une base annuelle, avec des suivis intermédiaires sous forme de trois rencontres « 5 à 7 » permettant de faire l’interconnexion des travaux des 5 chantiers de travail. On leur a fourni des « outils de travail collaboratifs », soit différents types d’animation « qui permettent d’ancrer dans nos pratiques la philosophie de travail que le comité d’encadrement veut mettre de l’avant dans nos pratiques : l’implication citoyenne, le travail collaboratif, l’intersectorialité et le rapport égalitaire » (ATI Limoilou, 2011 : 8).
Dans le cas de l’ATI Portneuf, le Comité local est composé d’intervenants issus des milieux sociaux et économiques du territoire, représentant 16 organismes des secteurs « santé et services sociaux, éducation, chambres de commerce, développement économique, politique, employabilité, communautaire, sécurité publique et jeunesse ». Selon l’historique de l’ATI de Portneuf (http://mrc.portneuf.com/fr/site.asp?page=element&nIDElement=944, vu en ligne le 2012-‐12-‐12) , les organismes suivant sont présents au Comité local : CLD, MRC, CSSS, Commission scolaire, CLE, SADC CRÉ, Association coopérative d’économie familiale (ACEF), Union des chambres de commerce et d’industrie de Portneuf (UCCIP), Organismes Communautaires Autonomes de Portneuf, Sûreté du Québec, Portneuf en Forme,
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Corporation de Transport de Portneuf, FADOQ, CJE de Portneuf, Association des personnes handicapées de Portneuf. Le comité s’est donné comme mandat de « réaliser un diagnostic qui guidera vers la réalisation d’un plan d’action local de lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale », et de « jouer un rôle d’organisme consultatif et d’influence auprès des instances décisionnelles régionales ». Les objectifs recherchés sont à plusieurs niveaux :
-‐ Favoriser l’amélioration des conditions de vie des citoyens défavorisés tant sur le plan matériel que social via une Approche Territoriale Intégrée;
-‐ Augmenter le sentiment de prise en charge de sa communauté et le sentiment d’appartenance au milieu local;
-‐ Contribuer à une meilleure alliance entre le développement économique et le développement social;
-‐ Arrimer les différentes stratégies sectorielles aux phénomènes de pauvreté et d’exclusion sociale afin d’en dégager des pistes d’actions.
Le « portrait/diagnostic » réalisé en 2009 a permis l’identification de problématiques communes à tous les secteurs, autant en termes d’offres de services adaptés et accessibles aux personnes défavorisées, qu’aux facteurs accompagnant ou déterminant la pauvreté, de même que les besoins « perçus auprès de la clientèle défavorisée ». Le plan d’action (2010-‐2012) porte sur 3 enjeux conséquents au diagnostic, formulés en termes très généraux :
1. Assurer l’accessibilité et la continuité des services : • Définir des moyens novateurs pour rejoindre la clientèle ; • Diffuser l’information afin de faire connaître les programmes et services.
2. Briser le cercle de la pauvreté : • Sensibilisation à la pauvreté matérielle et sociale ; • Prévention – éducation (activités et services).
3. Améliorer les conditions de vie des personnes : • Encourager des conditions favorables – revenu décent ; • Améliorer l’offre de logement social ; • Favoriser la participation citoyenne à des activités collectives ; • Sensibiliser les employeurs sur la pertinence d’embaucher les ressources humaines sans discrimination et favoriser des conditions de travail propices à la rétention de la main d’œuvre ; • Valoriser les milieux de vie locaux.
Pour réaliser son plan d’action, le Comité local ATI Portneuf peut compter sur un Fonds local de support aux projets, non récurrent, non lié à un processus d’appel de projets, constitué « de sommes excédentaires provenant de bailleurs de fonds du milieu ». Le Fonds est destiné « à soutenir la mise en œuvre de projets inscrits au plan d’action (2010-‐2012) », mais aussi de projets cohérents avec les enjeux du plan d’action et en adéquation avec les principes et critères de la démarche ATI.
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Il est difficile de conclure sur l'état d'avancement réel de cette démarche, dont nous ne connaissons pas les développements depuis l'élaboration du Plan d'action cité. Il semble cependant qu'on peut considérer qu'on était davantage, au moment de la production de ce document, dans une phase initiale de mise en forme d'un projet collectif de concertation intersectorielle que dans un projet de développement de territoire, et que les réalisations semblaient à ce stade peu concrètes.
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3. PRATIQUES DE DÉVELOPPEMENT INTÉGRÉ : ÉLÉMENTS DE MODÈLES Dans la présente section, nous présentons les pratiques de développement intégré présentées dans leurs dimensions de « modèles ou d'approches » au sens de Carignan (2011 : 141). L’approche renvoie à « des concepts et principes sur lesquels on s'appuie pour observer, étudier, percevoir, comprendre, conceptualiser et évaluer une situation », qui fournit un cadre de référence (la vision) permettant de formuler des hypothèses explicatives et orienter l'action, alors que le modèle « désigne plutôt les méthodes, techniques et stratégies utilisées pour réaliser une intervention, sur la base de l'analyse qu'à permis l'approche ». De l'aveu même de l'auteure, ces 2 notions sont souvent utilisées indistinctement l'une pour l'autre. Nous les présentons à partir des éléments constitutifs que nous avons pu dégager de la documentation produite par des milieux de pratiques, d'une part, et à travers des rapports d'évaluation et des analyses à teneur théorique, d’autre part. Dans un premier temps, nous dégagerons les grandes caractéristiques et éléments conceptuels qui définissent les pratiques de développement intégré. Dans un second temps, nous en tirerons les dimensions opératoires des modèles d’intervention en développement des communautés ou de territoire : les éléments déclencheurs à l’origine; la définition du territoire d’intervention; les acteurs qui les produisent; les processus de réalisation; les modes et la gouvernance; et enfin les grandes éléments de résultats que l’on connaît.
3.1-‐ Principaux éléments de définition Tel que signalé en introduction, ces pratiques ont en commun de s’inscrire dans la mouvance des stratégies publiques, communautaires et privées de lutte à la pauvreté et de développement social qui ont émergé durant les années 1990. Elles combinent les mesures d’aide aux individus selon des trajectoires individuelles et l’action collective dans les territoires à forte concentration de pauvreté selon des trajectoires collectives de territoire ou de quartier. Elles sont aussi issues de démarches collectives visant le développement intégré du territoire local en tant que tel. Ces pratiques se déploient en misant sur la concertation intersectorielle locale dans une visée d’intégration de plusieurs dimensions du développement : économiques, sociales, environnementales, culturelles et politiques. De même, elles passent, du moins en principe, par la participation de la population à la définition des orientations et de stratégies, des démarches et des projets de portée plus ou moins globale de développement du milieu de vie.
Elles se différencient cependant par les conditions d’émergence et les acteurs qui les initient, de même que par la vision qui les anime. Les démarches de revitalisation intégrée (DRI) sont liées à l’initiative d’acteurs locaux qui amorcent une démarche à partir de problématiques identifiées dans la communauté à travers des stratégies de mobilisation qu’ils déterminent, avec des orientations qui situent souvent la lutte la pauvreté dans une perspective de développement durable et d’amélioration de la qualité de vie sur un long terme. Sans exclure de tels éléments clé, et en les intégrant parfois à des degrés divers et
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sous diverses formes, les démarches d’ATI et de RUI sont d’abord et principalement proposées et portées par des acteurs externes aux communautés ou par des acteurs locaux, qu’ils soient publics ou privés, avec des exigences de processus et de méthode prédéterminées, et des choix plus ou moins imposés de territoires et de problématiques ciblées. Selon Aubin (2007), il arrive, mais peu souvent, que les 3 modèles (ATI-‐RUI-‐DRI) se combinent.
Toutefois, malgré le fait que les 2 types de pratiques se combinent dans la mise en forme de dynamiques et de systèmes contribuant au renforcement des communautés locales, dans le cas des ATI et des RUI, leurs différences sont plutôt de l'ordre de variantes. Ce sont des modèles d'une même approche. Par contre, entre celles-‐ci et les D RI, les différences sont davantage marquées. Pour permettre d’apprécier plus en détails les unes et les autres, nous décrirons d’abord les aspects caractéristiques par lesquels chaque démarche est définie par ses principaux porteurs et artisans. Nous les situerons ensuite dans le champ conceptuel plus large qui nous semble les encadrer.
3.1.1 Les démarches de revitalisation intégrée (DRI) Dans le Cadre de référence des démarches de revitalisation intégrée (RQRI, 2008) dont les origines remontent au milieu des années 1990, on présente les DRI comme étant : « …inclusives, territorialisées, globales, intersectorielles, participatives, pérennes et professionnelles ». Ces éléments-‐clé peuvent être explicités (en les synthétisant) de la façon suivante : Inclusives : tout en poursuivant l’amélioration de la qualité de vie de l’ensemble des citoyens de la zone déterminée, à travers « un projet de développement intégré qui vise l’amélioration des conditions de vie et du cadre de vie », une démarche de RI s’inscrit « notamment dans la lutte à la pauvreté et à l’exclusion, particulièrement dans les zones les plus démunies. » Territorialisées : intervention en fonction d’un territoire où on retrouve une « concentration spatiale de la pauvreté », qui est défini par un sentiment d’appartenance, « une signification particulière pour les gens qui y habitent », territoire dont la définition même et la consolidation deviennent un objectif. Le focus sur la communauté locale n’exclut pas la prise en compte des dynamiques régionales et nationales, de même que le lien avec les politiques publiques et il n’amène pas « à travailler seulement avec les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale, mais bien avec tous les citoyens et les citoyennes en s’appuyant sur les forces et ressources de chacun ». Ce choix de mobilisation de l’ensemble de la communauté permet de chercher à « éviter les situations de “gentrification” (ou embourgeoisement) qui auraient comme effet de simplement déplacer des populations appauvries ». Globales : stratégie permettant d’analyser l’ensemble des enjeux reliés à la qualité de vie des citoyens et citoyennes, dont les problématiques reliées à l’aménagement du
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territoire, à l’environnement et au cadre bâti, mais en y intégrant aussi bien les aspects économiques (développement d’entreprises et de commerces, création d’emplois, etc.) que sociaux (santé, sécurité alimentaire, relations interculturelles, sécurité des personnes et des biens, etc.), culturels qu’environnementaux. Elle s’inscrit donc dans une vision globale qu’on peut apparenter à la conception du développement durable, large et englobante. Intersectorielles : une démarche de RI repose sur l’implication de « nombreux représentants de la société civile : groupes communautaires, institutions, entreprises privées, élus municipaux, élus scolaires, mais aussi citoyens, qui ont l’expertise de leur quartier et leur mot à dire sur les décisions qui apporteront les changements de demain ». Elle favorise la participation citoyenne « non seulement aux consultations, mais aussi à la réalisation de ces projets de revitalisation intégrée ». Une telle démarche se réalise par une « concertation dans l’action », « qui se veut autonome des pouvoirs publics », en particulier au plan municipal dont cependant « la participation est essentielle » dans le respect de leur rôle et champ de compétence comme décideurs publics. Les structures organisationnelles divergent selon les milieux (tables de concertation, CDÉC, OSBL, etc.) avec un leadership variable, mais qui « est toujours le fruit d’une décision collective partagée par les acteurs impliqués. » Participatives : objet et sujet de la DRI, le citoyen doit pouvoir disposer « d’une voix et des moyens pour agir sur les changements », comme expert de son territoire à travers la connaissance de son histoire, de sa réalité, de « ses besoins et des solutions à y apporter ». « La volonté et les outils pour mettre en œuvre la mobilisation citoyenne », qui font partie des priorités des DRI et constituent un de leurs grands défis, font de celles-‐ci « des lieux majeurs d’innovation sociale permettant de renouveler la participation citoyenne. » Pérennes : une démarche RI comporte des projets et des actions « conçues et réalisées à des niveaux différents dans le temps », à travers des dosages de rythme combinant l’action à court terme dans la perspective d’objectifs qui « ne peuvent être atteints qu’à long terme ». Professionnelles : le soutien continu est requis pour en assurer l’animation, la mise en place et le suivi essentiel à toute démarche : concertation entre les acteurs, suivi des actions mises en œuvre, coordination globale du projet de développement, participation des acteurs dont, notamment, les citoyens. Les DRI doivent reposer sur « une volonté planifiée et organisée », de même que sur des « liens importants avec les acteurs régionaux et nationaux ».
J.-‐F. Aubin (2007) d’ÉCOF–CDEC de Trois-‐Rivières a bien résumé, à partir de l’expérience de la Démarche des premiers quartiers, les grands traits de la vision de développement à la base des DRI. Il les associe au développement durable, donc à une perspective globale et
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intégrée des grandes dimensions du développement (économique, sociale, environnemental, culturelle et politique) et à l’analyse de la pauvreté comme étant un effet de quartier (ou spatiale) donc à aborder dans ses dimensions structurelles, collectives et globales, vécues dans un territoire donné à redynamiser.
Cette vision veut d’abord rechercher et promouvoir le potentiel des communautés plutôt que de se centrer uniquement sur les problèmes à gérer. Elle s’appuie sur une conception du développement économique qui fait une place à l’économie plurielle, soit le recours équilibré à l’entreprise privée, à l’institution publique et à l’entreprise d’économie sociale. Cette position « se démarque à la fois de l’idéologie du “tout à l’État” qui pense que seul l’État garantit la justice et la démocratie, tout comme du “tout au marché” du néolibéralisme qui souhaite diminuer le plus possible le rôle de l’État. » (Aubin, 2007 : 129).
Misant sur le rôle des services et des commerces de proximité, elle fait aussi une certaine place à la mixité sociale des milieux et s’inscrit dans une « vision partagée de long terme », dans la recherche continue d’une « notion du bien commun et du vivre ensemble », dans une dynamique pour « développer un espace commun d’entente sur la définition de ce bien commun pour un territoire donné » (Idem : 130). Ce qui suppose une identification au territoire, plurielle parce qu’intégrant plusieurs identités personnelles (femmes, jeunes, aînés, familles, etc.) et intérêts collectifs ou individuels, à coconstruire par le sentiment d’appartenance généré à travers les projets et les activités de socialisation, et à travers la démarche elle-‐même.
Cette démarche « laboratoire de pratiques de concertation et de démocratie » suppose un effort et une ouverture au renouvellement des pratiques démocratiques locales, qui sont au cœur du processus de RI. En fait, le développement de projets faisant appel à la concertation intersectorielle locale contribue au développement de la démocratie participative, par l’ouverture des institutions à la participation citoyenne, non seulement à travers des consultations, mais aussi à la réalisation des projets, favorisant ainsi la création de nouveaux espaces de débats et décisions démocratiques.
Ce renouvellement passe par la création d’organismes communautaires ou la reconnaissance accrue du rôle des organismes existants, ceux-‐ci demeurant des porteurs et des écoles d’apprentissage de la participation; il vient aussi du leadership local renouvelé que ces projets issus de la démarche contribuent à apporter dans la dynamique de la communauté : « une démarche de RI ne peut réussir à atteindre ses objectifs sans le développement d’un nouveau leadership citoyen dans les zones ciblées» (Aubin, 2007 : 131).
À ce titre du renouvellement recherché de la participation citoyenne, les démarches de RI sont des lieux majeurs d’innovation sociale, surtout au plan des valeurs et des pratiques
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d’inclusion sociale qui font partie des objectifs spécifiques de plusieurs projets, notamment pour les citoyens les plus exclus. Confrontée à la valeur de la mixité sociale et à certaines règles et valeurs de l’efficacité organisationnelle, la diversité des cultures et des modes de vie, des codes langagiers et des capacités présente des défis majeurs pour la synergie continue du processus d’appropriation du pouvoir d’agir individuel et collectif.
Le travail intersectoriel est certes important, mais attention à le réduire à une simple concertation ou partenariat d’organisations ou à des « tables de conversation ». Il faut plutôt faire en sorte qu’il soit lié à l’action, donnant des résultats directs « dépassant les discussions sans fin ». Pilier des démarches de RI, et facteur déterminant dans le démarrage de projet novateurs hors normes ou hors programmes, le travail intersectoriel doit permettre de situer les partenaires dans des rapports d’égalité, dans des démarches qui soient autonomes des pouvoirs publics, dans des modèles qui « demandent une grande souplesse, une confiance entre les partenaires et des individus qui décident d’être de vrais porteurs dans leur organisation. » (Idem : 132)
Le rapport au politique demeure aussi une question délicate et incontournable, en particulier avec le niveau municipal, qui est en relation de « proximité » dans les projets de RI. Les élus et fonctionnaires de la ville y sont appelés à jouer un double rôle, qu’ils ne doivent pas confondre : partenaires des concertations, avec des pouvoirs et responsabilités qui leur sont propres, mais sur une base égalitaire. Ils sont aussi décideurs par rapport à certains enjeux clé des projets, avec l’obligation pour le niveau municipal de « prendre les décisions qui lui semblent appropriées pour le bien commun des citoyens à partir de ses propres paramètres (notamment son budget et le cadre législatif). […] Les projets de revitalisation qui ont échoué concernent souvent ceux dans lesquels ces deux rôles a été confondus » (Idem : 133).
On peut aussi supposer que ce double rôle est, à un degré moindre peut-‐être, le lot des partenaires institutionnels, dans l’interprétation de leur mandat spécifique et dans la marge de manœuvre dont ils disposent ou qu’ils se donnent par rapport aux prescriptions et exigences de redditions de comptes des programmes publics qu’ils dispensent.
3.1.2 Les démarches de RUI Issue des décisions politiques et administratives de l'administration la Ville de Montréal (2003, cité dans Divay et al., 2006), on peut parler selon Savard (2005) de la revitalisation urbaine intégrée comme d’une « stratégie ». Selon cet intervenant de la Direction du développement social de Montréal et responsable du site Web Collectif Quartier, il ne s’agit pas d’un programme au sens formel, et ce n’est plus un projet-‐pilote, ni une expérience. On l’associe à une « stratégie » qui transcende les programmes et directions, Du fait des engagements publics qui la soutiennent, elle bénéficie d’une reconnaissance « politique » et administrative qui lui a permis de durer depuis 2003 avec les mêmes orientations et règles
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d’opérationnalisation. Son institutionnalisation, qui s'inscrit dans la continuité des démarches amorcées à travers le soutien aux tables locales de concertation multisectorielle, a suivi les jalons conceptuels du Cadre de référence des démarches de revitalisation intégrée, tout en demeurant liée à une « logique programmatique ». Définie dans les textes officiels par les caractéristiques suivantes, cette stratégie :
-‐ se base sur une vision globale et concertée de la situation du territoire ; -‐ agit, de façon concertée, dans un grand nombre de domaines, en fonction des réalités et des problèmes rencontrés ;
-‐ veut concentrer, coordonner et adapter l’action des ressources publiques, communautaires et privées, pour régler ces problèmes ou améliorer sensiblement la situation ;
-‐ donne une large part à la population du territoire touché et aux instances qui les représentent, dans la planification, la mise en œuvre et le suivi des actions ;
-‐ cherche à agir sur les facteurs qui engendrent la pauvreté dans une optique de développement durable7 ;
-‐ intègre des actions spécifiques dans les secteurs défavorisés dans le cadre plus large du développement de la métropole ;
-‐ repose sur une vision à long terme. (Divay et al., 2006 : 17)
Bref, pour reprendre les termes de Divay et al. (2006 : 18), « six mots maitres peuvent caractériser une démarche encadrée par la stratégie de RUI : vision, concertation, participation, adaptation, action en amont (agir sur les facteurs), insertion globale (cadre de l’agglomération) ». Au risque que l’action citoyenne prenne une dimension instrumentale de mobilisation déterminée par les « stratégies » et objectifs décidés à l’avance par l'institution, les objectifs énoncés permettent de préciser davantage les intentions institutionnelles :
…créer des milieux de vie dynamiques et agréables à vivre par le biais d’interventions intégrées et concertées8 visant à : -‐ développer une offre de services publics (municipaux et gouvernementaux) plus complète et mieux adaptée aux besoins des personnes défavorisées ;
-‐ améliorer le milieu physique, notamment à l’aide de programmes ou projets en matière d’habitation, d’aménagement urbain, d’infrastructures, d’espaces verts et d’équipements collectifs ;
-‐ encourager le dynamisme économique local ; -‐ réduire les impacts générés par les problématiques sociales ; -‐ améliorer la sécurité et le sentiment de sécurité dans les secteurs visés ;
7 Dans les documents administratifs ultérieurs, on remplacera le terme développement par « changement »
durable. 8 Notre souligné.
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-‐ encourager la participation sociale, notamment en augmentant le pouvoir des personnes défavorisées dans leurs propres conditions de vie ;
-‐ favoriser une cohabitation plus harmonieuse entre les résidants des secteurs visés ;
-‐ encourager l’innovation dans les démarches pour lutter efficacement contre la pauvreté et l’exclusion sociale. (cité dans Divay et al., 2006 : 18)
Par la vision, les principes et les processus qui misent sur la globalité d’un développement durable et à long terme, une démarche RUI est ainsi appelée à devenir, par ses objectifs et ses procédures, une orientation politico-‐administrative applicable à l'ensemble des services et programmes de la Ville. Elle amène à agir à la fois au plan du territoire local par l’action sur le cadre physique, l’offre de services et la relance économique ; au plan de la population visée en termes de sentiment de sécurité et de cohabitation harmonieuse, d’action sur les problématiques sociales et de participation citoyenne ; de même qu’au plan de l'innovation dans la façon d’aborder la lutte à la pauvreté. Cette tension entre les valeurs, les principes et les processus différents, caractéristique de la nouvelle action publique, structure une démarche de RUI. Cela caractérise sa dimension « stratégie » devant générer la modulation aussi bien des règles et cadres externes (municipaux ou ministériels) qu’au sein même du territoire local. Selon Divay,
…les expériences RUI interpellent certains éléments de la culture administrative dominante des organismes publics, en raison de la nature paradoxale de leur existence même. Dans les catégories usuelles d’action administrative, ce sont des «projets» (durée limitée, ressources spécifiques…) qui ont pour raison d’être d’influencer des «processus» continus de transformation d’un quartier dont les effets tangibles se manifestent en moyenne et longue durée. Or des processus sociétaux ne se pilotent pas uniquement à coup de micro projets, même si au nom d’une certaine conception de la performance ceux-‐ci sont alléchants. (Divay et Slimani, 2010 : 4-‐5)
Selon le rapport de l’INRS (Divay et al., 2006 : 6), « la mise en œuvre efficace d’une démarche locale RUI suppose que sa gouvernance (ses instances et mécanismes de décision) veille à la combinaison efficace de plusieurs articulations intra et inter-‐organisationnelles », d’abord inscrites dans l’action sectorielle réalisée sous le contrôle direct de l’autorité publique, et qui suppose une « intégration multidimensionnelle [c’est-‐à-‐dire] multi secteurs : éducation, services municipaux, etc.; multi sphères : public – trois ordres de gouvernement –, privé, associatif ; multi échelles : quartier, ville, région; multi niveaux : individus, réseaux, organisations. » (Idem : 4). On pourrait ajouter multipartenaires puisqu’elle associe des partenaires institutionnels aussi bien que des groupes organisés et des citoyens. Cette articulation doit se faire :
-‐ entre les institutions publiques présentes localement et les autres acteurs du milieu (entreprises privées, associations, groupes communautaires, citoyens) […] ;
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-‐ [dans] des actions à l’intérieur de chaque institution publique, tant au niveau local que central […] ;
-‐ entre le niveau local des institutions publiques (arrondissement, écoles) et les instances de niveau municipal ou de l’agglomération […] ;
-‐ entre les instances municipales et les partenaires non locaux. (Idem : 6-‐7)
Selon ces analyses, au-‐delà de l’impact sur la façon d’agir des organisations publiques au niveau local, la stratégie doit contribuer à mettre en place et dynamiser un « système d’action collective locale » (CREXE, 2010c : xii ; Bourque, 2012 :40) pérenne et indépendant qui ne comprend pas seulement les acteurs du quartier, mais aussi ceux des autres niveaux (municipal, régional, national) dont l’influence sur la définition identitaire du quartier et la capacité d’action locale est déterminante. C’est ce qui amène certains auteurs (Giasson, 2007 ; CREXE, 2010b ; Lévesque et al., 2010) à ajouter à la définition de la Ville de la RUI une dimension « d’apprentissage collectif » que l’on associe aussi au « développement des connaissances et des capacités des communautés locales », et que l’on considère sur le même pied que les processus classiques de mobilisation citoyenne, de concertation et de planification-‐réalisation de l’action. Ces notions de « système d’action collective local » et d’« apprentissage collectif » sont inspirées de la sociologie de la transaction sociale.
Pour Giasson & Sénécal (2006), la RUI montréalaise comporte deux dimensions, intégrées sous le grand couvert de cette variante de l’approche territoriale intégrée (qui peut prendre la forme d’approches thématiques sectorielles ou territoriales multisectorielles) : d’une part, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, par laquelle est définie la RUI, d’autre part le développement social favorisant l’inclusion et la promotion-‐prévention, qui vise le renforcement des « communautés locales cumulant un ensemble de problématiques », avec l’appui des mesures universelles des programmes des « gouvernements supérieurs garantissant l’accès équitable aux ressources ». Il est opportun de rappeler que cette « dimension » du développement social (DS) a grandement influencé l’évolution des pratiques de développement local durant les années 1980 et 1990, non seulement à Montréal (CDEC et Initiative montréalaise de soutien aux tables de quartier), mais aussi dans l’ensemble du Québec, alors qu’elle fut promue au rang de stratégie transversale des politiques gouvernementales comme suite aux travaux du Conseil de santé et bien-‐être et à la mobilisation faite à travers le Forum sur le Développement social de 1997-‐1998. Selon Lionel Robert (2005) la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale (LRQ, chapitre L-‐7) et le 1er Plan d’action qui en a découlé, ont fait de la lutte à la pauvreté une priorité plus grande qui, sans exclure une stratégie intégrée et transversale du DS, a mis le focus sur les trajectoires individuelles de pauvreté et une vision plus traditionnelle du DS, axée sur les programmes et mesures de soutien du revenu et de services sociaux adaptés.
De par les caractéristiques générales de la stratégie de RUI, ces deux dimensions sont
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explicitement présentes comme fondements des démarches locales qu'elle initie et soutient, mais elles opèrent à des degrés divers et sous des orientations qui les intègrent de façon variable. Ainsi, selon les données des Bilans déjà notés en regard de l’entente MESS-‐Ville sur la lutte à la pauvreté, certains volets de lutte à la pauvreté à réaliser au plan local ont continué de s’inscrire dans une stratégie de problématiques ciblées de façon sectorielle sur l'ensemble du territoire de la Ville, avec des règles d’attribution et de reddition qui semblent peu s’intégrer dans un plan d’action local global (de quartier ou secteur de RUI) et à long terme, réduisant d’autant la capacité de développer un système d'action locale. On peut alors de demander si la perspective du développement social s’en trouve subordonnée à l’action de lutte à la pauvreté ciblant les trajectoires individuelles, et si le territoire et la concertation sont devenus davantage le cadre en appui aux programmes que l’objet même de l’action. Toutefois, dans certaines démarches (ex. VSMS, Cartierville), les projets sectoriels ciblés de lutte à la pauvreté ont semblé plutôt constituer des atouts supplémentaires, s’insérant dans un plan d’action global et à long terme reposant sur une vision de développement social mettant le focus sur le développement durable et la qualité de vie. Il est possible que parmi les variables qui expliquent cette différence, on retrouve le type d’intervention professionnelle des agents de développement de territoire impliqués localement (Lachapelle et Bourque, 2012).
Une telle conception du développement social a semblé par contre être inscrite dans la démarche originale de la stratégie montréalaise, tout au moins selon les termes de la première formulation du projet-‐pilote et le premier rapport d’évaluation (Divay et al., 2006). On retrouve dans ce rapport une analyse approfondie des fondements conceptuels du DS et d’une approche territoriale de lutte à la pauvreté qui intègre : 1-‐ l’amélioration des conditions de vie et des potentiels individuels et collectifs ; 2-‐ la prise en considération des « effets de quartier » ou de la « spatialisation » de la pauvreté sur le tissu social (« intensité du voisinage et du lien social »); et 3-‐ la qualité de vie définie à travers « le mieux-‐être social, la vitalité économique et la qualité de l’environnement ». S’appuyant sur Bernard et al. (2002), les auteurs signalent que le développement social suppose l’amélioration de 3 potentiels et de 3 conditions de vie :
Les trois potentiels représentent autant de ressources fondamentales nécessaires à chacun pour assurer sa dignité en tant qu’être humain. Ce sont les conditions indispensables à une liberté réelle : la santé, l’accès aux connaissances et la sécurité économique [déterminants dont l’absence ou la détérioration jouent en sens inverse]. […] Les politiques de revitalisation urbaine veulent justement entraver cette spirale de polarisation des conditions de vie et favoriser une synergie entre ces trois potentiels en remettant en piste les individus et les quartiers pauvres. Trois expériences de vie sont particulièrement déterminantes en ce qui concerne la possibilité d’accéder à ces trois potentiels, à ces trois ressources : celle de l’emploi, celle de la vie familiale, et celle de la participation à la vie
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civique de la communauté, du quartier, de la ville et de l’État. (Divay et al., 2006 : 24)
Cette équipe de l’INRS propose de définir la revitalisation urbaine à partir d’une telle conception du développement social :
La revitalisation urbaine vise à créer, dans les quartiers défavorisés, une dynamique favorable à la préservation de la santé des individus, à leur accès aux connaissances, dans l’école et, tout au long de la vie, à l’amélioration de leur sécurité économique. Elle vise également à favoriser l’accès à des emplois de qualité, qui permettent à chacun de gagner sa vie, mais aussi d’engager son identité dans un travail significatif et productif (voir, à propos de l’importance de la qualité des emplois, Lowe : 2000). La revitalisation urbaine veut aussi créer des conditions favorables à l’éducation des enfants et à la vie des familles, dans le respect de leurs diverses formes. Elle vise enfin la participation citoyenne, gage d’une action qui rallie vraiment les milieux et qui peut remplir les promesses d’une vitalité renouvelée. (Idem : 25)
En cohérence avec cette approche, on a proposé qu’en regard de ses grandes caractéristiques (intersectorialité, concertation, démarche participative, ouverture aux dynamiques urbaines), la RUI soit mesurée par ses effets sur la qualité de vie, définis par 5 dimensions et leurs indices de mesure, tels que présentés dans le tableau suivant:
Tableau 1 -‐ Dimensions et mesures de la qualité de vie (Divay et al., 2006 : 79)
Dimensions de la qualité de vie Mesures Cadre de vie Mesure de la qualité du cadre bâti et de l’environnement
(architecture, aménagement urbain, espaces verts) Mesure de l’attachement au quartier (perceptions
favorables, mobilité intramétropolitaine) Structure d’avantages Mesure de l’accessibilité (à l’emploi, aux équipements et
services, au logement) Mesure de la satisfaction résidentielle en regard de l’offre Composition sociale du quartier Mesure de diversité (socioéconomique, culturelle, des types
de ménage) Mesure de la perception de la tolérance collective État des biens collectifs Mesure de la sécurité (incivilité, taux de criminalité) et de la
santé publique Mesure de la perception de la sécurité Organisation de la vie collective Mesure de la participation citoyenne (vie associative, vie démocratique, participation aux décisions) Mesure de la perception de l’intensité et de l’ouverture de la vie démocratique
Malgré la difficulté inhérente à l’évaluation de ce genre de projets en raison de leur
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perspective de long terme, de multidimensionnalité et d’intersectorialité, de tels indicateurs sont utiles pour projeter à long terme les cibles des interventions visées au-‐niveau des territoires. Ces cibles ne sont, par ailleurs, qu’une partie des composantes de la lutte à la pauvreté, considérant l'Importance capitale des mesures universelles et des actions extra-‐locales. Par ailleurs, si on se réfère au « modèle logique »9 proposé par le rapport de l’équipe du CREXE (voir le tableau en annexe 1), la « Défavorisation et les inégalités socioéconomiques par rapport à l’ensemble du territoire montréalais » sont clairement énoncées comme raison d’être de la stratégie RUI, qui poursuit les cibles suivantes:
ultimes : Les conditions favorisant le développement socioéconomique des résidants des quartiers défavorisés.
intermédiaires : Accès à l’emploi des résidents défavorisés Certains éléments du cadre physique qui compromettent les conditions de vie et le développement des milieux défavorisés
directes : Animation culturelle Liens entre les citoyens Sécurité alimentaire Auto-‐organisation dans les quartiers défavorisés. (CREXE, 2010a : 5)
Il est difficile de déterminer quelle vision de développement social, de lutte à la pauvreté ou autre a été en définitive priorisée par la Ville au niveau de la stratégie de la RUI. Il se peut aussi que la stratégie ait été interprétée différemment au plan des démarches locales. Notons qu’aux objectifs déjà connus pour les démarches RUI, on ajoute dans le modèle logique précité « l’amélioration du degré d’auto-‐organisation dans les quartiers défavorisés, notamment en favorisant l’apprentissage collectif » (Idem) de l’action à plusieurs niveaux et sur de multiples plans simultanément, les projets RUI devenant un « mode d’action collective en système complexe ». Ce qui n’était pas inscrit dans les objectifs d’origine.
3.1.3 À propos de l’approche territoriale intégrée (ATI) Rappelons que l’ATI semble avoir acquis au Québec un statut générique qui paraît englober ou recouvrir, à tort, l’ensemble des pratiques de revitalisation intégrée. La plupart des analystes, chercheurs et intervenants ont en effet, à un moment ou l’autre, situé celles-‐ci par rapport à l’ATI, en se référant à la définition formelle tirée du 1er Plan d’action gouvernemental, définition régulièrement invoquée selon laquelle elle :
…se caractérise par une concertation des intervenants, une intervention intersectorielle qui place l’amélioration de la situation des membres de la
9 Il s’agit d’un outil opérationnel qui résume les intentions, la logique d’intervention, les produits et les effets
du programme Le modèle logique ou cadre logique est le terme utilisé en évaluation de programme (notamment par le Conseil du trésor du Canada) pour désigner la feuille de route du programme.
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communauté au centre d’une action globale et qui améliore la capacité d’agir tant des collectivités que des individus qui les composent. Elle contribue à une meilleure synergie entre le développement économique local et le développement social, et un meilleur arrimage des différentes stratégies sectorielles visant l’amélioration des conditions de vie des milieux défavorisés. (Québec, 2004 : 69)
Par delà cette grande définition qui met l’accent sur la lutte à la pauvreté individuelle sans nécessairement impliquer les personnes concernées de façon active dans la démarche, l’ATI n’a pas généré une explicitation aussi élaborée que les démarches de RI et de RUI. Ce qu’on retrouve dans les documents ministériels et le cadre de référence de la CRÉ de la Capitale-‐Nationale se présente davantage comme des descriptions, des guides, des « lignes directrices » qui tendent à inscrire l’ATI dans des stratégies et procédures de mobilisation des partenaires et acteurs locaux comme volet local de la grande stratégie de lutte à la pauvreté, par ailleurs peu définie.
Selon le Comité ATI de la CRÉ de la Capitale-‐Nationale (CATI, 2011 : 6) ... les objectifs d’une démarche de type ATI sont de renforcer les communautés vulnérables du territoire de la région de la Capitale-‐Nationale et d’améliorer les conditions de vie de ses citoyens en se dotant d’outils pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, et ce, peu importe les secteurs d’intervention : logement, habitation; sécurité alimentaire; formation, qualification, développement des compétences; emploi, insertion, économie; santé; famille; transport; loisir et sport; culture; soutien aux familles; environnement sain et sécuritaire et développement durable. Cette démarche permettra donc à la communauté de répondre à ses propres besoins et de renforcer son empowerment communautaire.
Si l’orientation est nettement définie par le renforcement de la capacité d’agir de la communauté au bénéfice de la lutte à la pauvreté, l’ATI ne se veut pas « un appel de projets, un programme, une loi ou un cadre normé », mais « plutôt une démarche locale de concertation, un processus d’animation et une mobilisation jusque dans l’action ». Pour le CATI, une démarche ATI consiste à « créer un lieu de rassemblement et d’implication où il sera possible d’agir dans un intérêt commun et où le leadership sera partagé » selon les compétences disponibles, « ouvert, inclusif et participatif », participatif étant entendu ici comme s'appliquant aux acteurs institutionnels plutôt qu'aux citoyens et usagers. C’est aussi un « processus de mobilisation qui dépasse les règles habituelles de collaboration, à travers des actions intégrées faisant appel à l’expertise des différents secteurs, niveaux d’intervention et partenaires », amorcé par la mise sur pied d’une table de mobilisation, menant à l’élaboration d’un diagnostic de territoire, la production d’un plan d’action concerté et le maintien de la mobilisation dans la réalisation des priorités identifiées. Cette démarche suppose le « respect de valeurs partagées par l’ensemble des citoyens et
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partenaires : justice sociale, engagement et participation citoyenne, respect de l’autonomie des communautés et des dynamiques locales, développement durable », tout en laissant aux partenaires locaux le choix des valeurs à prioriser…
Malgré les règles très précises et le suivi rapproché fait par le CATI, représenté sur chaque comité local, en regard de chacune des démarches locales, on ne peut pas attribuer à l’ATI un caractère de programme normé, puisque là aussi on la présente comme une stratégie où l’on mise sur les deux pôles de l’intervention, soit celui de la gouverne bureaucratique (programme) arrimée avec le pôle du développement local. On insiste sur l’adaptation des stratégies aux réalités propres à chaque milieu, mais en visant d’abord l’amélioration de la situation des personnes démunies :
L’approche territoriale intégrée représente une réflexion collective et stratégique devant mener à des interventions (projets) intersectorielles qui visent, en premier lieu, l’amélioration de la situation des individus démunis d’une communauté ou d’une collectivité ainsi que l’augmentation de la capacité d’agir des collectivités et des personnes. (Giasson, M.P., 2007 : 14, nous soulignons)
Cette tension entre les pôles individuel et collectif a été l’objet des préoccupations du Réseau Québécois de développement social. Dans son Petit guide, il attire l’attention sur le respect des dynamiques des communautés et de leurs capacités et modes d’action :
Soutenir les solidarités locales et miser sur les forces présentes dans les milieux pour agir sur les problèmes vécus dans ces milieux commande que les politiques nationales : • favorisent la décentralisation, l’harmonisation des politiques avec les besoins des milieux, la synergie entre les paliers d’intervention; • favorisent l’action s’appuyant sur la concertation des acteurs plutôt que sur la mise en place de programmes normés, rigides et prescriptifs s’appliquant à l’ensemble des régions (le « mur à mur »); • doivent comporter suffisamment de souplesse pour que, dans les milieux, des arrimages puissent être possibles entre les différents secteurs d’intervention et fournissent aux instances régionales et locales les marges de manœuvre nécessaires pour favoriser la mise en œuvre d’actions intersectorielles.
(RQDS, 2007 : 9)
Pour Geneviève Giasson qui aborde l'ATI sous l'angle des pratiques montréalaises de RUI, « l’expression “approche territoriale intégrée” est un néologisme qui reconnaît et formalise cette stratégie d’action partenariale » (Giasson G., 2007 : 16) qui a cours à Montréal depuis plus de 30 ans. Elle insiste aussi sur le caractère d'approche plutôt que de programme que doit adopter toute démarche d'ATI. Elle en décrit les principales caractéristiques, calquées sur les principes de la RUI:
L’approche territoriale intégrée est un point de départ choisi par les acteurs. À
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partir de ce point seront dessinées autant de formes qu’il y a de communautés, de contextes et d’acteurs. Cette approche suggère une lecture globale des éléments qui conditionnent le développement local. Elle amène, en outre, les acteurs locaux et les bailleurs de fonds qui les soutiennent à se préoccuper de la cohérence et de la complémentarité de leurs interventions. Dans certains cas, cela se traduit par un assouplissement des balises administratives pour s’adapter aux besoins des milieux locaux. L’approche territoriale intégrée repose sur la mobilisation des communautés locales. Elle implique donc une reconnaissance des spécificités des initiatives locales. De même, elle permet la reconnaissance du processus (diagnostic, mobilisation, concertation, planification et évaluation) comme élément de développement, au même titre que les résultats des actions menées. Enfin, elle cible des territoires, ce qui permet de concentrer des ressources et d’apporter des moyens supplémentaires aux milieux locaux. Ce ciblage amène également certains partenaires financiers à arrimer leurs territoires d’intervention selon une logique plus sociologique qu’administrative, afin de répondre à l’appartenance territoriale et à l’organisation des communautés locales. (Ibid)
Dans un avis produit en 2009, le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale reconnaît que l’ATI
constitue une approche très mobilisatrice de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, car au lieu de renvoyer à la correction de problèmes individuels, elle situe cette lutte dans une perspective structurante de développement local. Elle mise sur le potentiel des milieux et des personnes, sur un «empowerment» des collectivités et sur le développement des solidarités. (CCLPES, 2009 :12)
Le CCLPES poursuit en rappelant le lien entre cette approche et le développement économique communautaire et réfère à Favreau (2003 : 27-‐28) pour affirmer que
…au cours des années 1980 […] [à partir du] développement économique communautaire […] [basé] sur une mobilisation de la société civile et sur les mouvement sociaux […] dont le mouvement des femmes, sont nées des solutions nouvelles aux difficultés vécues par les communautés locales, créant un type inédit de relations entre l’État et la société civile, entre le local et le national, entre l’économique et le social, entre le travail rémunéré (l’emploi) et le travail non rémunéré”. (CCLPES, 2009 : 15)
Pour le CCLPES, les mobilisations déjà réalisées par des communautés autour de ces démarches acquièrent une portée globale de développement territorial intégré. Elles
s’inscrivent dans la stratégie de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, mais sans s’y limiter ; elles visent plutôt l’amélioration des conditions de vie de l’ensemble de la population, sur les plans économique, social, culturel et
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environnemental. Elles se situent donc dans une démarche de développement durable et affirment une volonté de sortir de l’intervention en silo (…) elles se concrétisent dans des projets globaux sur un territoire. Elles s’appuient sur un travail concerté des partenaires intersectoriels et multiréseaux et sur la participation des citoyennes et des citoyens à toutes les étapes du processus. (Ibid)
Selon cet avis du CCLPES, la capacité d’adaptation locale des mesures d’accompagnement et de support financier, faisant appel à la participation citoyenne et à l’intersectorialité, ne peut se décréter par en haut dans ses formes et rythmes, ce qui l’amène à recommander fortement que l’on mette de côté la tendance bureaucratique naturelle du « mur à mur » pour favoriser le « sur mesure ».
Dans la conclusion du rapport sommaire de l’évaluation produit par l’équipe du CREXE, en réponse à une demande en sens lui ayant été formulée par le MESS, le principal commanditaire de l’évaluation, on retrouve un avis général sur « l’intérêt » que représente l’ATI, notamment « dans une perspective de lutte contre la pauvreté », qui avance comme hypothèse que
l’ATI mérite d’être davantage déployée et cultivée, pour au moins trois raisons principales. Premièrement, elle apporte une valeur ajoutée particulière dans l’interface entre l’État et les citoyens; elle permet d’acquérir une vue d’ensemble des actions qui façonnent un territoire, autant celles des organismes publics que celles des autres types d’acteurs; elle optimise la portée des actions publiques; elle offre des possibilités additionnelles d’engagement à toutes sortes d’acteurs. […] Deuxièmement, l’ATI suscite des initiatives nouvelles ou renforce des actions existantes qui contribuent à l’amélioration des conditions de vie de la population résidente, en particulier des pauvres puisque ce groupe est très présent dans les zones qui ont fait l’objet de plus d’attention dans cette démarche. […] Troisièmement, l’ATI oblige l’ensemble des acteurs de la société à s’interroger sur une des fonctions majeures de l’État […] veiller à ce que des conditions collectives propices au développement soient maintenues et améliorées sur tout le territoire. (CREXE, 2010c : 65-‐66)
Selon le CREXE, pour en faciliter le déploiement et la pérennité, on devrait pouvoir explorer davantage 3 questions centrales : « l’enrichissement cognitif de l’approche » (CREXE, 2010c : 66), notamment par le développement d’une intelligence territoriale, au sens d’une compréhension fine des processus d’évolution d’une collectivité et d’un repérage précoce des tendances émergentes; le « soutien des organismes publics […] aux expériences d’ATI » (CREXE, 2010c : 67), notamment par un engagement envers les orientations définies collectivement; et « l’enracinement démocratique » (Ibid) des expériences notamment par le développement d’une pédagogie civique.
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Pour reprendre les réflexions déjà avancées par l’équipe INRS (Divay et al., 2006), on peut en somme retenir que l’ATI, pour correspondre à une démarche de développement intégré doit, pour réussir, pouvoir compter sur (et contribuer à développer) « l’habileté à intervenir de façon stratégique et intégrée, c’est-‐à-‐dire l’habileté à mobiliser de façon adéquate l’ensemble des acteurs concernés, [qui] dépend de la capacité organisatrice de chaque ville » (Divay et al., 2006 : 157), ce qui vaut pour tout territoire.
Les éléments de cette capacité organisatrice sont les suivants : une vision à long terme du développement durable (sur le plan des stratégies, des programmes et des projets), la formulation d’objectifs concrets et mesurables, une pensée et une action stratégiques et cohérentes, des qualités de leadership pour gérer les processus et les projets de façon adéquate, la création et l’appui de réseaux stratégiques de partenaires pertinents, lesquels sont nécessaires au développement et la mise en œuvre de politiques qui atteindront leurs objectifs, la mobilisation d’un appui politique et sociétal et, finalement, la mise en place d’une bonne stratégie de communication, tant à l’intérieur de l’administration municipale qu’à l’extérieur (stratégie destinée aux résidants, aux entreprises, aux agences ou aux organismes publics, etc.). (Idem : 158)
Ces éléments sont peut-‐être ce que l’on doit retenir comme caractéristiques de l’acteur collectif local porteur central d’une stratégie publique de structuration du développement intégré correspondant à l'ATI ou à la RUI. On peut en retenir que l'on peut alors se situer dans une approche de gestion intégrée du développement territorial comme programme, où la participation citoyenne est peu recherchée et promue dans la définition du territoire et la co-‐construction du projet collectif. Déployées par ailleurs comme stratégies capables de s'adapter et s'arrimer aux dynamiques locales sur un long terme, elles peuvent contribuer au soutien d'une véritable démarche de développement territorial intégré.
3.2. Essai de mise en perspective de ces pratiques (RI-‐RUI-‐ATI)
3.2.1. Approches et modèles d'ici À partir des éléments définisseurs issus de textes produits par les acteurs terrain et les promoteurs, on peut déduire que, dans ses principes et valeurs, la vision qui caractérise ces démarches, s’inscrit nettement dans la continuité des pratiques d’animation sociale urbaine des années 1960, telles que documentées par Michel Blondin, à travers les premiers comités de citoyens en milieu urbain. Considéré comme un des premiers animateurs sociaux de cette période, i a produit alors plusieurs écrits sur sa pratique et sur l’approche d’animation sociale urbaine. Dans un témoignage récent, il fait un rappel des grandes leçons de cette pratique (Blondin, 1965; 1967; 1968; 2008). Les comités de citoyens, selon Blondin,
favorisent une approche collective qui suppose que la solution des problèmes du quartier passe par la constitution d’un leadership local et par la revendication de services collectifs pour lesquels ils interpellent les pouvoirs publics. […] Au départ, ce sont les diverses préoccupations sociales comme
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l’éducation, l’accès aux soins de santé, la rénovation urbaine et l’aménagement du territoire qui sollicitent la prise de conscience de ces groupes à qui les animateurs sociaux réussissent à inculquer un véritable sentiment d’appartenance à leur quartier. (Mercier et al., 2011 : 20-‐21).
Elle nous semble aussi nettement correspondre à un paradigme de développement alternatif, qu’on peut associer au développement économique communautaire, tel que Favreau et Lévesque (1996) l’ont mis de l’avant depuis la moitié des années 1990, et qui a été à la base des pratiques de promotion du développement local à travers les CDEC. Elle est également proche parente du modèle du développement local intégré mis de l’avant par Vachon (1993), formulé comme cadre théorique et guide méthodologique à l’intention des acteurs principalement des milieux économiques locaux mobilisés autour des organisations de concertation et développement intégré implantées surtout en milieu rural. Tout en demeurant plutôt neutre quant à la posture exigée des acteurs en termes d’orientation et d’intégration du concept de développement local, néanmoins orienté selon lui vers une autre logique que celle du modèle libéral, Vachon a dégagé un « processus de revitalisation par le développement local » qui emprunte beaucoup aux valeurs, principes et stratégies de l’approche consensuelle en organisation communautaire (Ross et Lappin, 1967). La processus décrit par Vachon a été repris et promu par Solidarité rurale sous l’appellation de La Grande Roue du développement (SRQ, 1998) présentée comme guide méthodologique à l’usage des acteurs du développement en milieu rural. Ce guide se révèle, selon nous, adapté à toute démarche territoriale.
Malgré des variantes, notamment par l’accent mis sur l’économie sociale et la lutte à la pauvreté et à l’exclusion, l’ouverture plus grande à une approche du développement local de type libéral (Tremblay & Fontan, 1994) et une articulation plus élaborée du processus de mobilisation locale dans le cas de Vachon, ces « modèles » de développement alternatif nous semblent rejoindre des éléments clé du développement territorial intégré. Selon Tremblay et Fontan, il y a deux approches de développement local : soit 1-‐ de type libéral, soit 2-‐ de type « progressiste ». Le type progressiste correspond au DÉC, alors que le type libéral est une « stratégie d'intervention économique par laquelle des représentants locaux des secteurs privé, public ou social travaillent à la valorisation des ressources humaines, techniques et financières d'une collectivité, en s'associant au sein d'une structure sectorielle ou intersectorielle de travail, privée ou publique, dotée d'un objectif central de développement de l'emploi » (Tremblay & Fontan, 1994 : 134). Partagée entre la promotion de l'entrepreneuriat privé local et des mesures de développement de l'employabilité de la population, l'intervention correspond au modèle traditionnel d’aide au développement local des programmes gouvernementaux classiques, genre SADC et CLD. Les « modèles » sont par ailleurs influencés par de nouvelles approches de développement urbain et rural expérimentées en Europe et par le renouvellement de la tradition américaine du
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développement communautaire, notamment à travers les Comprehensive Community Initiatives (CCI) (Kubisch et al., 2010).
3.2.2. Les affinités et inspirations externes Nous avons déjà signalé que les démarches de RUI sont inspirées et rejoignent des pratiques françaises (et européennes) des Grands projets de ville et des Opérations de renouvellement urbain. On peut également faire des liens avec les «contrats de pays» et avec des programmes de développement local intégré de la communauté européenne, notamment l'initiative LEADER (Liaison Entre Actions de Développement de l’Économie Rurale), vouée à la promotion d'une stratégie de développement territorial en milieu rural (voir l’encadré). Elles font également écho aux pratiques états-‐uniennes connues sous l'acronyme CCI (Comprehensive Communities Initiative).
L’Initiative communautaire LEADER de la Commission Européenne Lancée en 1991, l’Initiative communautaire LEADER a, selon ses promoteurs de la Commission Européenne, joué un rôle essentiel dans l’émergence d'un nouveau scénario de développement reposant sur la recherche d’une nouvelle forme de compétitivité concernant l’ensemble des activités du territoire et sur la mise en œuvre de stratégies territoriales de développement rural. Elle en est à sa 4' phase, alors qu'on associe l'ensemble des territoires d'une région cible (urbain-‐rural ou rurbain) dans une «approche territoriale, “ascendante”, partenariale, innovante, multisectorielle et intégrée du développement», qui favorise la mise en réseau entre les territoires locaux et la décentralisation de la gestion et du financement. L'initiative a été reconduite au début des années 2000 sous l'appellation LEADER+, en visant à la consolider comme «méthode», au moyen de stratégies pilotes et de thèmes unificateurs, et en 2007 comme LEADER PDR, incluant la généralisation des principes dans le « programme de développement rural» de l'UE. (Source: FedNor, organisme de développement régional du gouvernement du Canada pour le Nord de l’Ontario, Aperçu de la comparaison du programme de développement des collectivités en Ontario et du programme LEADER en Suède http://fednor.gc.ca/eic/site/fednor-‐fednor.nsf/fra/fn03563.html#1).
Selon Jacquier (2005a : 29) les « projets de ville » ont été développés pour faire face à une nouvelle réalité du développement urbain, qui n’est plus de « faire la ville », soit de développer dans des espaces « vierges » et des temps relativement courts, mais plutôt de « faire avec la ville », soit de devoir « construire de l’urbanité à l’intérieur de villes déjà construites ».
On doit de plus en plus boucler des cycles de production et de reproduction qu’on a ouverts dans le passé. On doit recycler la ville. [….] Il faut être davantage dans une dialectique projet-‐territoire permettant d’élaborer des projets respectant mieux les caractéristiques des territoires (communautés) en tant que
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lieux (place), gens (people) qui y vivent et y travaillent et institutions (common law). (Jacquier, 2005a : 30) Il faut donc déclencher un processus de coproduction entre ces acteurs. Cela s’appelle réaliser l’intégration des politiques sectorielles. C’est ce qu’il y a de plus difficile à faire. Cela ne se décrète pas, ce serait trop facile. Il faut imaginer une démarche intégrative… (Idem : 31)
Pour Jacquier, la variable temps prend tout autant d’importance que la variable spatiale. Elle a aussi une tout autre dimension dans l’action intégrée qu’il associe au «développement urbain durable». On doit maintenant penser et « gérer » les projets de territoire sur des horizons d’une génération, donc sur un très long terme, en tenant compte d’un lent et difficile processus de changement des pratiques et comportements des acteurs et organisations.
Ce qui est en jeu, c’est de pouvoir composer avec les trois matrices de « l’intégration urbaine », qu’il associe à des « coopérations conflictuelles » : au-‐niveau territorial, par l’intégration de certaines fonctions au niveau supra-‐local (transport en commun, etc.), comme l’ont entrainé les fusions de villes et municipalités et la création des MRC; au-‐niveau vertical, par la contractualisation, d’où le terme « contrat de ville », des rapports entre les niveaux hiérarchiques qui demeurent, mais doivent apprendre à coopérer pour favoriser l’intégration des programmes; au-‐niveau horizontal, par « l’obligation de traverser les silos des politiques sectorielles » (Jacquier, 2005a : 33).
Pour mettre en œuvre des programmes réellement intégrés de développement urbain, il faut arriver à s’affranchir de ces frontières entre les pouvoirs administratifs, lesquelles frontières ne sont pas forcément de nature « politique », ni au niveau des exécutants locaux, mais davantage dans les structures administratives intermédiaires, où il faut mettre l’accent sur la formation. Pour Jacquier,
on n’est bien évidemment pas dans la coopération naïve dont on entend parfois parler. On est bien dans de la coopération conflictuelle. Les villes sont des territoires de conflits. La démocratie est certes de la coopération, mais sous la forme de conflits régulés et les transformations structurelles nécessaires de nos systèmes sont au cœur de ce que j’appelle la conspiration réformiste. (Jacquier, 2005a : 37)
Il estime donc que, En ce domaine, un effort important doit être consenti pour qualifier et former les élus, les acteurs professionnels, les organisateurs communautaires et les citoyens au métissage des connaissances et des savoir-‐faire ainsi qu’aux stratégies de « coopération conflictuelle » et aux méthodes de « conspiration réformiste ». Il n’est pas sûr que les universités et les centres de formation aient bien anticipé cette exigence. (Idem)
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Les références états-‐uniennes nous amènent plus directement sur le terrain opérationnel d'une nouvelle génération de programmes de lutte à la pauvreté, définis par leur caractère intégré et multidimensionnel. Développés depuis les années 1980 à travers une vaste panoplie d'initiatives soutenues par les gouvernements et les fondations privées, on les regroupe sous le vaste ensemble des Comprehensive Community Initiatives (Shragge, 2005). On estime qu’au cours des 20 dernières années aux USA, au moins 10 G$ ont été investis dans des projets de type CCI, dont 10% en provenance des grandes fondations. Les programmes les plus récents sont initiés par l'administration Obama :
The White House Neighborhood Revitalization Initiative, a White House-‐led interagency collaborative, is developing and executing the Obama Administration’s place-‐based strategy 1 to support local communities in developing and obtaining the tools they need to revitalize neighborhoods of concentrated poverty into neighborhoods of opportunity. (www.whitehouse.gov/sites/default/files/nri_description.pdf consulté le 2012-‐11-‐24)
Selon un rapport récent de l'Aspen Institute (Kubish et al., 2010), les CCI ont les caractéristiques suivantes:
Although CCIs varied enormously depending on location, sponsor, and community capacity, the “classic” CCIs had similar design features. They analyzed neighborhood problems and assets holistically, created a plan to respond in a comprehensive way, engaged community actors, and developed a structure for implementing the plan. Each sought to achieve multiple results with a combination of inputs centered around some conception of “community.” Their goals included individual and family change, neighborhood change, and systems change. They operated according to community and capacity building principles. A wide variety of programmatic activities was open to them, from human services to economic development to social capital building strategies. The initiatives and their sponsors generally invested considerable time, energy, and money creating the vehicles, systems, and relationships for implementing this model of how community change should unfold. (Kubisch et al., 2010 : 9)
Elles correspondent globalement à 3 grandes dimensions: « they are place-‐based; they place priority on community building; they adopt a comprehensive lens. » Répertoriées par le Aspen Institute dans le cadre non pas d'une évaluation au sens strict mais d'une « revue » de 48 projets majeurs de CCI et autres « efforts reliés de changement communautaire », les initiatives sont développées ou soutenues à partir de trois principales sources de programmation ou de financement : celles soutenues dans le cadre d'une initiative ou d’un programme déployé aux plan national ou régional, ou bien générées dans le cadre d'un programme à plusieurs échelles déployé par un État (fondations nationales, gouvernement fédéral ou d'État); celles supportées par des institutions (fondations privées, municipalités, universités, etc.) opérant au plan d'une ville, qui ont de forts liens mais ne sont pas basées
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dans les communautés d'intervention; enfin les initiatives issues des institutions et organisations logées dans les communautés (communautaires, religieuses, caritatives, etc.). Elles recoupent deux (2) grands types d'intervention: -‐ « human development and social services » : éducation des jeunes et des adultes, santé des enfants, promotion de la famille...;
-‐ revitalisation physique et développement économique, notamment l'habitation abordable et le renouveau commercial, ainsi que des projets portés par le communautaire et le privé visant le développement global du milieu.
Enfin, elles se distinguent par la façon dont elles abordent et opérationnalisent la dimension du community building, soit comme principe central et structurant de l'action, soit comme «mode occasionnel de consultation» ou moyen de mobilisation en appui aux interventions de programmes ciblés. Dans sa version la plus intégrale permettant d'orienter et subordonner l'action des programmes, elle fait appel à des stratégies de « développement des leaders locaux, d'augmentation de la capacité organisationnelle dans la communauté, d'accroissement du capital social et du sentiment d'appartenance entre les résidants, de même que de la « capacité civique », soit les compétences au plan de la gestion de la démarche : méthodes de collecte et d’analyse des données, de planification et d'organisation. Cette dimension du community building, décrit comme “community empowerment, [...] ownership, [...] organizing, resident engagement”10), appuyée sur l'hypothèse qu'une approche intégrée (comprehensive approach) du changement dans des communautés appauvries devrait générer l'ajustement requis des programmes ciblés et entraîner l'articulation entre les parties prenantes de la communauté, ne peut être abordée que par une démarche à long terme, inscrite dans un effort d'ajustement continu des processus :
As it has turned out, alignment has been harder to achieve than was anticipated. It does not automatically result from a one-‐time community planning process or a foundation-‐sponsored initiative. The alignment that is needed is about fundamental ways of working, and it addresses goals, activities, capacities, relationships, and learning priorities. It also needs regular recalibration as the work proceeds. (Kubisch et al., 2010 : X)
Selon le rapport de l'Aspen Institute, des bilans de ces initiatives en ont montré les effets positifs. C’est le cas, par exemple, au plan de l'augmentation de la qualité et de la quantité des programmes de support et de services aux personnes et familles à faible revenu. En général les CCI permettent une amélioration de la qualité de vie des résidants participants, liée à la restauration du cadre physique, à la réduction de la criminalité, à la rénovation de l'habitat et à l'offre accrue de logements de qualité et de commerces de proximité. On observe la création de communautés plus fortes et résilientes, à travers le renforcement des 10 On trouvera à l'annexe 2 un extrait du rapport faisant état de 6 cas d'initiatives desquelles on dégage des
caractéristiques de cette dimension.
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dynamiques communautaires où les citoyens sont mobilisés et développent des liens, avec un sentiment de contrôle accru sur leur environnement, où émerge un leadership plus fort et des réseaux mieux connectés entre eux et capables de négocier davantage avec les réseaux et ressources externes. Les problèmes de fonctionnement en silo ne sont pas éliminés, mais sont compensés partiellement par l'influence accrue des communautés sur les politiques et systèmes publics et privés à travers les partenariats développés entre acteurs institutionnels et organisationnels et les autres acteurs locaux. Cela leur permet aussi une plus grande visibilité et capacité d'influence dans la mobilisation de nouvelles ressources de financement public.
Les programmes CCI ne semblent cependant pas avoir produit d’amélioration dans le niveau de vie et le niveau de revenu des individus, des familles et des communautés. Le développement économique du quartier ou du secteur d'intervention est déterminé de l'extérieur des territoires, lesquels sont sujets à la forte mobilité des résidants. En bout de ligne, il semble bien que les CCI n'ont pas vraiment généré une évolution positive de la pauvreté dans les zones d’intervention. Cela démontre la nécessaire complémentarité des actions intégrées multi-‐niveaux et l’importance de la masse critique de ressources investies dans les initiatives. Elles sont toujours jugées trop faibles par rapport aux besoins réels, autant dans les programmes ciblés de services et de ressources aux personnes et aux familles, que dans les stratégies de community building. Au total cependant, malgré le poids que continuent à exercer sur la pauvreté individuelle les forces externes au quartier, on retient que « la réussite d’une CCI s’enracine dans un renforcement des capacités et des réseaux, autant des résidants que des institutions locales, dans un arrimage plus étroit des actions locales et des ressources externes » (Kubisch et al., 2010).
Les leçons dégagées des quelque 48 expériences de CCI inventoriées par l'Aspen Institute, en particulier celles qui sont présentées au chapitre 6, sont intéressantes à retenir comme conditions de réussite assez typiques des pratiques de développement communautaire ayant cours au Québec, particulièrement dans ce genre de démarches ciblant les communautés en grandes difficultés : -‐ être clairs autant que possible, et avoir un langage partagé, un cadre de référence sur la mission, les buts, les critères de succès attendu et la « théorie du changement » spécifiant des principes d'action qui soient mobilisateurs et éclairant l'ensemble de la démarche, le niveau de l'effort à déployer et le temps requis par la démarche;
-‐ inscrire la démarche dans une stratégie articulée affirmant l'intentionnalité centrale des actions à mener, permettant un angle intégrateur (comprehensive focus) des programmes ciblés dans les différents secteurs et leur contribution à l'atteinte du changement;
-‐ adopter une approche « modulée » dans l'évaluation de la capacité de la communauté et dans la promotion de son développement. Autrement dit, ajuster les
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buts et objectifs en fonction la capacité de la communauté à implanter le changement désiré, selon l'état des besoins et ressources de la communauté vue dans ses composantes interconnectées et interdépendantes. Il faut parfois augmenter l'accessibilité à des ressources et la réponse à des besoins de base avant de viser à accroitre la capacité de la communauté à se prendre en charge, ou à défaut de ce faire, diminuer les attentes à ce niveau;
-‐ assurer une gestion efficace des modes de partenariat et de collaboration, ce qui requiert de créer et d’alimenter le réseau complexe de relations entre résidants, acteurs locaux et acteurs externes. Pour surmonter les obstacles à l'alignement des intérêts et des relations entre les « parties prenantes », il faut pouvoir compter sur un noyau d'acteurs qui puissent investir temps et capital « social, politique et économique », et aussi sur le rôle clé des « courtiers » que sont les agents de liaison ou de développement;
-‐ miser sur un processus d'apprentissage et d'adaptation continu, à travers des modes d'évaluation participative, permettant la prise de décision sur la gestion de l'évolution de la démarche et son appropriation par les acteurs.
Au Canada anglais, les expériences de développement territorial intégré sont moins généralisées, le projet Collectivités dynamiques (Vibrant communities) étant semble-‐t-‐il le seul programme d’ensemble à en rejoindre les caractéristiques à travers l'approche « Initiatives communautaires intégrées » (Torjman et Leviten-‐Reid, 2003). Outre le Caledon Institute, les Communautés dynamiques sont soutenues par le Tamarak Institute for Community Engagement, la J.W. McConnel Family Foundation et Développement et Ressources humaines Canada. Ce programme auquel sont associées les démarches de Trois-‐Rivières et de Vivre St-‐Michel en santé, est « une initiative communautaire qui cherche à réduire la pauvreté au Canada. Elle crée des partenariats en misant sur nos actifs les plus précieux, soit nos citoyennes et citoyens, nos organismes communautaires, nos entreprises et nos gouvernements. » (notre traduction de http://tamarackcommunity.ca/g2.php consulté le 2012-‐11-‐24). Il constitue un réseau d'échanges, une large communauté de pratiques, qui met en lien quelque 14 projets à travers le Canada, pour lesquels des outils et documents de référence soutenant et encadrant les pratiques terrain sont proposés à partir d’une approche largement inspirée des démarches CCI américaines.
Selon une recension toute récente faite par Sébastien Savard, la tradition communautaire au Canada anglais est plutôt critique face à ces pratiques faisant appel à la concertation et la mobilisation locales. On part du principe qu'il est impossible que ceux qui possèdent les ressources et le pouvoir veuillent les partager avec ceux qui en sont privés. « La création d’alliance se fait avec des groupes qui défendent des populations et des intérêts communs et non avec des groupes considérés comme externes aux préoccupations des groupes opprimés » (Savard, 2012 : 4).
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3.3. Quelques fondements et perspectives théoriques Pour compléter ce survol des référents conceptuels définissant ces approches, nous situerons leurs fondements en regard des grands courants de pensée auxquels ils s'alimentent en sciences humaines et sociales.
3.3.1. L'approche de la transaction sociale Sur le plan des fondements conceptuels de l’ensemble de ces approches de développement intégré, il est intéressant de jeter un regard sur les éléments théoriques développés par Cloutier (2009) dans le cadre de son analyse sur la démarche de la RUI Sainte-‐Marie. Cette analyse permet d’introduire un regard différent de celui qui a cours dans les discours dominants des approches classiques de développement communautaire et permettent de mieux les relier aux approches de planification du territoire.
Pour cette analyste, ces pratiques s’inscrivent dans la foulée du renouvellement de la profession alors nouvellement reconnue de la planification urbaine au tournant des années 1970. Ce renouvellement se produit alors que les administrations locales ont pris conscience que la délibération collective et l’élaboration d’un plan consensuel peuvent servir d’inspiration aux pratiques de planification urbaine jusque là appuyées sur un modèle de rationalité scientifique et technocratique, soit disant indépendant des acteurs et enjeux politiques et économiques.
Ce modèle technocratique dominant dans le contexte de croissance de l’après guerre a amené une stratégie du genre « faire la ville », selon la formule de Jacquier, avec les grands projets de reconstruction des « quartiers anciens » en déclin et les expropriations permettant le développement des réseaux autoroutiers facilitant les liens entre le centre ville et les banlieues alors en développement. C’est ce qui a provoqué la mobilisation et les contestations des mouvements sociaux urbains, autour du logement social et de l’accès au processus de décision publique d’abord, mais aussi autour de la préservation de la diversité de l’habitat et du patrimoine bâti :
Les professionnels de la planification, qui remettent eux-‐mêmes en questions leurs pratiques, se voient influencés par les revendications des mouvements sociaux (Beauregard, 2001). Ces grandes remises en question donnent lieu à certaines fractures idéologiques au sein de la profession, mais aussi au développement de nouvelles approches. Différentes philosophies de planification évoluent, qui tentent de tenir compte des caractéristiques et des besoins des populations locales, de travailler de façon conjointe avec ces populations et de consulter les acteurs interpelés par les enjeux de la planification (Innes, 1998). (Cloutier, 2009 : 19)
On voit alors se développer des approches critiques comme la planification de défense des droits (advocacy planning), qui
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conçoit le planificateur comme étant au service des besoins de certains groupes plutôt qu’à celui de la société au complet. Au sein de ce courant, des approches féministes, homosexuelles ou ethniques se développent. Ces variations ont en commun de faire une planification cherchant à atteindre des buts, plutôt qu’à appliquer uniformément de grands principes directeurs sur l’ensemble du territoire. (Idem : 20)
Si aux USA on avait déjà mis de l’avant des formes de participation citoyenne dans des projets de rénovation urbaine, on constate que celles-‐ci, qui étaient plutôt de l’ordre de la régulation sociale, ont surtout servi à des opérations de consultation visant l’adhésion de la population visée aux orientations et cibles déjà arrêtées par les décideurs de ces projets. Avec les nouvelles approches, c’est le début de « l’implantation de la planification communicationnelle» » que l’on qu’on nomme aussi planification délibérative, collaborative ou même intégrée. Elle conçoit
les expériences de planification comme des forums publics, afin d’offrir une scène aux luttes entre les différentes représentations de la vie urbaine et les différentes pratiques. Cette procédure assurerait l’élaboration d’un ordre de vie collective, s’appuyant sur les compromis auxquels parviendraient les acteurs. Ces derniers auraient ainsi une scène unique pour débattre et tenir des échanges intenses, impossibles à avoir autrement. Ce faisant, les acteurs sociaux issus de divers horizons, mais tous liés à un même milieu, développeraient des plans adéquats et pertinents grâce au processus de délibération. Pour la théorie communicationnelle, c’est justement cette délibération qui doit être prise comme critère de validité et d’adéquation des plans élaborés. Dans cette optique, le processus est aussi important que le contenu : il permet aux acteurs d’articuler les valeurs auxquelles ils tiennent, afin que celles-‐ci puissent être prises en compte dans les discours officiels et dans les pratiques : «In other words, substance and process are co-‐constituted, not separate spheres » (Healey, 2003 : 111). » (Idem : 24)
Selon Cloutier, la planification communicationnelle s’inscrit plus fondamentalement dans le grand paradigme de « l’agir communicationnel » développé par Habermas, dont s’inspire en sociologie l’approche de la transaction sociale. Celle-‐ci amène à considérer le « monde vécu » comme étant en grande partie produit par le jeu « interactionniste » de la sociabilité consciente et volontaire des acteurs. Elle se présente comme paradigme méthodologique, qui s’intéresse aux compromis formels et informels par lesquels se réalisent les échanges sociaux au quotidien et se définissent les règles et conditions du vivre ensemble. Ce qui amène à concevoir le « quartier » comme un co-‐construit entre les acteurs qui habitent un territoire commun, et l’intervention territoriale intégrée comme une production issue des transactions des acteurs en délibération et action concertée à la recherche « d’un idéal de territoire », à travers ce qu’on a déjà identifié dans l’analyse des RUI comme un système d’action collective locale. Pour incarner cette vision du projet collectif négocié, l’approche de la transaction sociale suppose un processus de validation par « apprentissage
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procédural» » des échanges-‐transactions. Cet apprentissage doit s’actualiser dans un système de normes et de processus éthiques et politiques de gouvernance, qui devraient remplacer les codes et règles administratives et marchandes de la gestion publique locale actuelle.
Une telle approche n’est cependant pas une panacée. Elle comporte ses limites et soulève réserves et critiques. L’échelle locale permet certes une certaine prise sur le quotidien des acteurs, mais elle demeure dépendante des rapports politiques aux niveaux supérieurs. De la même façon, l’approche transactionnelle peut entrainer à limiter l’interaction des acteurs aux enjeux personnels à l’encontre des enjeux collectifs. Mais la plus grande limite demeure les rapports d’inégalité entre les acteurs, déterminés au plan opératoire par la panoplie de leurs ressources disponibles – de tous ordres –, et conséquence en partie des rapports sociaux de la structure sociale en place dans une société donnée :
une approche s’appuyant sur l’interaction entre acteurs aux atouts variables risquerait de favoriser les acteurs déjà puissants, confiants et maîtrisant les rouages de la négociation ou de la parole en public : «The power of words on the power of the speakers» (Fainstein, 2000 : 458). Du même coup, ces processus de traitement des enjeux par la communication donneraient l’avantage aux élites expertes, qui maîtrisent le langage et la connaissance. (Idem : 25)
D’où les enjeux éthiques à rendre clairs et assumés, notamment en regard de la participation citoyenne. Celle-‐ci peut naturellement, si on n’y prend garde, se concentrer chez les plus « intégrés socialement et habilités stratégiquement ». Malgré ces réserves, Cloutier considère que la nouvelle approche de planification urbaine, qui est le produit du contexte structurel des années 1970 et de l’évolution des demandes et des revendications des acteurs socioéconomiques en regard des pratiques des gouvernements et des experts de la planification, a entrainé l’intégration de leurs préoccupations dans la programmation publique.
3.3.2. État stratège, gouvernance partagée et territorialité Par delà les influences et affinités extérieures, la place grandissante prise par les démarches de développement intégré ayant le territoire comme base et mode de structuration, démarches qui ont acquis depuis les 15 dernières années une position centrale dans le champ de l’organisation communautaire, s'explique par le contexte particulier du Québec. Elles s'inscrivent dans la « dynamique partenariale » (René et Gervais, 2001; Bourque, 2008) qui depuis le début des années 1980 au Québec sous-‐tend l'ensemble des rapports que les différents acteurs sociaux, économiques et politiques entretiennent entre eux et avec l'État, à tous les niveaux et dans plusieurs sphères de l'action collective (santé et service sociaux, développement économique local et régional, ruralité, économie sociale, politique familiale, stratégie jeunesse, occupation du territoire...).
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Ce « modèle partenarial » (Bourque, 2000) s'est en quelque sorte imposé comme une des caractéristiques « distinctes » de l'action publique au Québec depuis les années 1990. Il constitue selon certains (Klein, 2008; Côté et Lévesque, 2009) une réponse et une alternative à l'État désengagé entraînant la réduction des protections sociales et le mode de gestion déterminé par les règles du New Public Management (NPM). Calqué sur le modèle de l'entreprise privée (O'Flynn, 2005), cette approche de la gouverne publique est prônée par les tenants du modèle « néolibéral productiviste » comme mode de sortie de crise de l'État-‐providence suite à l’échec du modèle fordiste (Lipietz, 1989 et 2012). Le modèle partenarial procèderait plutôt de l'émergence d'un nouveau paradigme d'« État stratège », qui maintient le recours à un État toujours actif en tant que responsable de la régulation des politiques et d'assurer la redistribution des ressources et services, mais en établissant les grandes « stratégies » de l'action publique en collaboration, co-‐production et co-‐construction (Vaillancourt, 2009) avec les grands partenaires de la société civile. Cet État stratège s'appuie sur une approche managériale prolongeant les innovations fonctionnelles introduites par le NPM par la décentralisation de la gestion publique et le recours au partenariat, mais s'en démarque toutefois par le nouveau paradigme de Public Value Management (PVM) développé (Moore, 1994) en réplique aux insuffisances et effets pervers du NPM (O'Flynn, 2005). Dans la perspective du PVM, on mise sur l'éthos du service public qui se détermine par la participation des « parties prenantes » à la conception et la production des « biens publics », ceux-‐ci n'étant plus arbitrés par le marché, mais par de nouvelles formes et espaces d'institutionnalisation ouverte à la délibération et à l'expérimentation (Lévesque, 2011). On privilégie les modes de gouvernance permettant de combiner la démocratie participative et délibérative avec la démocratie représentative, dans des régimes à « gouvernance partagée », la régulation revenant au plan central (vertical) et la coordination, au plan local (horizontal).
Par cette approche, sur un territoire donné, l'État n'est plus seulement un entrepreneur livrant des services, mais aussi « instrument de développement collectif » (Divay, 2009) contributeur de public value. Le PVM inscrit les institutions de services publics dans une posture où ils deviennent producteurs non seulement de services, mais aussi, au second degré, de « biens collectifs intangibles » de second degré. Par exemple, le service de collecte de matières résiduelles est aussi une contribution à la santé publique et à la qualité de l'environnement. Ces productions au second degré les lient au sort de la collectivité. Les institutions se situent alors comme composantes de la dynamique territoriale, dans un rapport d'appui à la prise en main par la population locale de son sort collectif.
Cette approche est caractérisée par l'innovation sociale dans l'administration publique au plan institutionnel aussi bien qu'organisationnel (Klein et al., 2011). Certains associent cette innovation pour se concevoir et se réaliser à la capacité de transgression, de délinquance et même à la conspiration (Jacquier, 2011) dans une logique qui internalise
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l'institutionnel (la direction du changement) dans l'organisationnel (son opérationnalisation). Elle doit se déployer dans des cadres ou démarches qui, au plan local, prennent la forme de « chantiers » de longue haleine et de plus ou moins grande portée. Elle permet l'adaptation des politiques et programmes en misant sur la créativité et la mobilisation large des acteurs locaux dans la définition du bien public et de l'intérêt général (Lévesque, 2011). Ces chantiers peuvent être définis comme des marqueurs « d'espace-‐temps » permettant aux partenaires qui y sont engagés de devenir des acteurs sociaux dans la dynamique de production-‐reproduction des rapports sociaux selon l’approche de la structuration (Giddens, 1984).
C'est dans ce cadre général audacieux et difficile d'innovation sociale que nous pouvons situer les pratiques organisationnelles et professionnelles de développement intégré des territoires. Ces approches partenariales se conjuguent sur le terrain sous deux registres déterminés par la dynamique paradoxale qui les alimente et les encadre (Lamoureux, 1994; Bourque, 2008) : d’une part, une logique descendante, portée par l’État et de grands organismes subventionnaires privés, partagée entre le respect de la participation démocratique des communautés et une stratégie de gestion technocratique centrée sur les objectifs et les règles de programmes; d’autre part, une logique ascendante, issue de la capacité d'initiative des acteurs locaux, principalement communautaires, partagée entre la demande de respect de l'autonomie et de l'identité, et la demande de reconnaissance et d'intégration aux politiques et programmes publics. Cette nouvelle « action publique partenariale » pourrait permettre de dépasser le dilemme classique de l'instrumentalisation/co-‐construction que ces 2 logiques génèrent. C’est un enjeu crucial, entre autres pour le mouvement communautaire qui risque de perdre sa dynamique de mouvement social du fait de sa relative institutionnalisation en mode de sous-‐traitance de services (Hamel et al., 2000; Shragge, 2006). Afin de maintenir sa capacité d’établir des rapports égalitaires (Guay, 1991; Panet-‐Raymond, 1994; Lamoureux, 1994), il doit savoir combiner et intégrer ces logiques dans des chantiers sociaux orientés par cette stratégie maintenant reconnue par plusieurs comme le développement territorial intégré (Moulaert et Nussbaumer, 2008; Klein, 2008 et 2011; Fontan, 2011).
Il est maintenant convenu de relier conceptuellement la notion de développement non plus à celle de croissance (Perroux, 1961) mais à celle de développement durable du Rapport Bruntland (Commission mondiale sur l’environnement, 1989), par l'intégration des dimensions économiques, sociales et environnementales. On y associe de plus en plus les dimensions culturelles et politiques par qui l'arbitrage des 3 dimensions classiques peut mieux se réaliser, ce qui amène certains (Roseland, 2005) à le voir plutôt comme développement soutenable. Une vision et des modes de planification du genre Agenda 21 local (Gagnon, 2007) permettent de co-‐construire et produire cette intégration des dimensions du développement à partir des réalités multiples ou plurielles du territoire
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vécu, donnant forme et contenu au projet collectif caractérisant la vision partagée du bien commun ou de l'intérêt général (public value). Cette co-‐construction doit passer par des coopérations régulatrices souvent conflictuelles (Lamoureux, 1994; Jacquier, 2006) parce que devant dépasser les tensions et contradictions entre les dimensions du développement, mais aussi entre les niveaux – du local au planétaire – et entre les sphères ou secteurs, les identités et intérêts. La mise en forme et la régulation de ces coopérations supposent donc des modes nouveaux de gouvernance territoriale faisant appel à la participation citoyenne et à la concertation multisectorielle, dans des formats à identifier comme sources et produits d'apprentissage collectif à la fois, et comme facteurs de renforcement (empowerment) du capital social.
En organisation communautaire classique, la base de l'action repose sur 3 types de communautés (d’identité, d’intérêt et géographique), l'une ou l'autre base devenant la définition identitaire principale qui oriente l'action, sans exclure les deux autres (Mercier et al., 2011). La dynamique partenariale n'a pas éliminé ces bases identitaires, mais a contribué à les restructurer autour de l'identité territoriale, ce qui a fait du territoire un facteur déterminant de structuration de l'action collective comme enjeu aussi bien que cadre de la lutte ou de la mobilisation. La définition classique des communautés par Médard (1969) reste pertinente : « ...endroit, gens vivant en cet endroit, l'interaction entre ces gens, les sentiments qui naissent de cette interaction, la vie commune qu'ils partagent et les institutions qui règlent cette vie ». Mais on doit admettre que son actualisation concrète et sa délimitation sont, dans la pratique, à géométrie variable par la taille, mais aussi par l’état de la réalité à co-‐construire et parfois re-‐construire dépendant de la condition de départ du cadre visé par l’action. Dans la dynamique partenariale, cette définition identitaire du territoire, faisant appel à un pluralisme des identités individuelles et collectives (femmes, jeunes, aînés, chômeurs, locataires, etc.) qui continuent de coexister dans l’identité communautaire locale, doit pouvoir s'alimenter de celle des autres acteurs collectifs (institutions, élus, groupes volontaires, etc.) pouvant entraîner l'émergence d'une nouvelle citoyenneté territoriale ou de la territorialité comme l'avance Caillouette et al. (2008). Cette identité citoyenne liée au territoire vécu (Lachapelle, 2007) peut devenir structurante du rapport des institutions de service public à leurs « usagers » ou clients, recadrant le 1er degré de leur mission (Divay, 2009) dans la globalité de l'identité citoyenne individuelle et comme une contribution à l'action collective(empowerment).
La configuration de cette territorialité est difficile et complexe à établir de façon stable et selon des contours géographiques « définis ». Elle doit prendre en compte les rapports internes à la communauté aussi bien que les rapports multi-‐niveaux aux enjeux externes, au rang desquels il faut inscrire les règles et ressources des programmes et services publics. Ceux-‐ci structurent l'action des acteurs collectifs locaux en même temps que ceux-‐ci doivent continuer de les influencer par leurs liens avec les mouvements sociaux et regroupements
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sectoriels. Le système collectif d'action locale qu'ils ont contribué à co-‐construire dans une dynamique partenariale effective, doit pouvoir se déployer dans la complexité et la mouvance des « configurations » territoriales. Ainsi, la capacité d'agir locale est certes liée au territoire vécu, de proximité, le plus souvent défini par l'instance municipale ou infra-‐municipale comme le quartier ou l’arrondissement. Mais elle s'exerce aussi à partir du territoire administratif de la MRC et de la région, lequel niveau pourrait devenir un acteur politico-‐institutionnel de plus en plus déterminant comme interface entre le local vécu et opérationnel (rowing) et le central dirigeant (steering) dans le cadre d’un État stratège.
Plusieurs chercheurs québécois ont exploré ces pratiques terrain qui se déploient sur la base des actions de développement territorial. Ulysse et Lesemann (2007) ont dégagé les facteurs explicatifs, les lignes de force et les conditions de succès d’une stratégie efficace de l’action locale territoriale de lutte à la pauvreté, notamment le rôle clé des « structures de médiation non étatiques »; Klein (2008 ; 2011) a de son côté depuis plusieurs années introduit l’étude du territoire local comme base « instituante » de régulation de l’action collective et plus récemment développé un modèle d'action locale situant la mobilisation des acteurs collectifs comme le « produit d’un processus dans lequel intervient l’identité territoriale partagée et la relation conflictuelle avec le global... ». Divay et ses collaborateurs (CREXE, 2010), à partir de l'évaluation de projets de revitalisation urbaine intégrée, ont dégagé des pistes intéressantes sur les processus par lesquels les actions territoriales sont générées et développées, notamment l'articulation des processus de mobilisation, de concertation, d’intégration et d’apprentissage collectif qui les constituent, les modes de gouvernance par lesquels les acteurs gèrent les transactions « politiques » entre les sous-‐systèmes de la communauté et avec les systèmes externes.
En somme, en s'inscrivant dans des dynamiques sociétales et institutionnelles qui contribuent à les définir et structurer, en même temps qu'elles contribuent à leur conception et expérimentation, ces pratiques de développement territorial intégré (DTI) peuvent être perçus comme des projets porteurs de changement social, qu'on pourrait associer à des « utopies mobilisatrices ». Par cette dimension, les initiatives de DTI pourraient se caractériser par leur capacité à mobiliser des acteurs collectifs autour de projets de changement à la fois au-‐niveau des grands modes de l’organisation sociale et au plan très concret et opérationnel de la vie quotidienne des individus, des communautés et des organisations. C'est sur ce volet de l'opérationnalisation des pratiques que nous poursuivons cette exploration.
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4. SURVOL DES DIMENSIONS OPERATOIRES
Dans cette section, nous nous arrêtons aux dimensions opératoires des modèles, telles que nous pouvons les dégager à partir de la documentation disponible et selon la connaissance que nous en avons par expérience et observation personnelles. Ce qui nous amène à revenir sur un certain nombre d’éléments déjà abordés en les reliant sous les dimensions 1-‐ de l’origine de la démarche; 2-‐ du territoire d’intervention; 3-‐ des acteurs impliqués; 4-‐ du processus d’intervention ou de déploiement; 5-‐ des modes de gouvernance et 6-‐ des résultats observables.
4.1. L’origine d’une démarche Sans pouvoir nous appuyer ici sur des observations empiriques de pratiques terrain, on peut avancer un certain nombre de traits généraux de l’examen de la documentation disponible liée aux démarches recensées au Québec et à partir de nos propres observations. Dans le cas des initiatives marquées par la logique communautaire-‐citoyenne, l’origine d’une démarche provient d’acteurs locaux qui, par leur connaissance de situations problématiques majeures dans leur communauté ou territoire d’intervention, décident de sensibiliser quelques partenaires qui vont devenir les complices de la première heure dans la conception et la réalisation d’actions permettant de partager leur analyse de ces situations et des actions possibles.
Ce noyau de « leaders organisateurs », issus souvent d’intervenants du milieu communautaire et des organisateurs communautaires de CLSC, avec l’appui tacite ou explicite de leur organisation, enclenche un processus structuré du genre voir-‐juger-‐agir-‐évaluer en vue de susciter la mise sur pied d’initiatives collectives qui graduellement vont amener une identification partagée des problématiques, la participation d’acteurs individuels et collectifs et l’élaboration d’une démarche formelle éventuellement reconnue et soutenue par un ensemble significatif d’acteurs locaux. Les exemples de Valleyfield (PRAQ), Saint-‐Michel (VSMS) et Trois-‐Rivières (DPRTR) sont éloquents à cet égard. La démarche de PRAQ émerge formellement en 2000, mais
Dès 1997, des leaders du milieu appuyés par des professionnels du CLSC lancent un processus d’activation communautaire11 pour mieux comprendre la problématique et intervenir dans trois quartiers défavorisés de Salaberry-‐de-‐Valleyfield.
Ils débutent par un diagnostic participatif de la situation. Ils intensifient leurs efforts d’animation et de communication pour accroître la prise de conscience et bâtir un consensus sur les problèmes reliés à la santé des quartiers ciblés par la démarche. (Revitalisation des anciens quartiers, 2005 : 3)
La Table de concertation Ville Saint-‐Michel en santé a été mise sur pied en 1991 à l’initiative d’intervenants locaux et de citoyens, dans la foulée d’une dynamique organisationnelle déjà 11 Concept que l’on peut associer au concept d’empowerment ou, en milieu anglo-‐saxon, de community building.
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lancée par le renouveau communautaire du quartier vers le DÉC : Au cours d’un premier forum qui a réuni citoyens et intervenants, on a formulé une longue liste de recommandations et formé onze comités de travail axés sur une vision de participation de la communauté et basés sur un partenariat multisectoriel voué à l’amélioration de la qualité de vie de la population du quartier. (Broadhead, 2008 : 19)
La Table a été reconnue et soutenue, dès 1994, par l’Initiative montréalaise de soutien au développement social et s’est transformée, en s’associant avec l’appui de Centraide au réseau des Vibrant communities, en Chantier de Revitalisation sociale et urbaine en 2003. Elle prenait alors une orientation plus nette face aux problématiques persistantes de pauvreté alors reconnues dans une vision jusque-‐là davantage définie par la qualité de vie à promouvoir.
À Trois-‐Rivières, l’action originale provient d’un organisme communautaire qui contribue à la mise sur pied d’une CDEC pour élargir l’action à l’égard des problèmes d’employabilité et d’accès à l’emploi vers une démarche de DÉC. Cette démarche va graduellement prendre la mesure des besoins et potentiels de revitalisation des secteurs les plus dégradés de son territoire d’intervention.
C’est dire que l’élément déclencheur est le plus souvent une réaction à un état jugé insatisfaisant ou problématique dans le milieu, réaction que l’on peut associer à un processus de collectivisation des problèmes sociaux et économiques observés par des intervenants socio-‐économiques, communautaires ou institutionnels. Mais il peut se produire aussi sous un mode plus proactif, comme les projets inspirés par l’approche VVS ou le Pacte rural qui misent sur une mobilisation large de la communauté en regard de l’amélioration du cadre de vie, ou encore une communauté qui, dans le cadre de l’élaboration d’un plan d’urbanisme, d’un schéma d’aménagement ou d’un plan de développement, veut planifier son avenir selon les principes intégrés du développement durable ou de l'Agenda 21 local. Dans un cas comme dans l’autre, les trajectoires individuelles et collectives liées à l’appauvrissement devront être intégrées à la réflexion et à l’action collectives, en tenant compte de leur importance comme phénomènes présents en amont ou en aval qui influencent notamment les conditions de la participation citoyenne.
L’origine locale et autonome de la démarche va générer une dynamique par laquelle on peut graduellement construire une volonté de faire, un espace et des mécanismes qui contribueront à combiner les interventions sectorielles liées aux problèmes, services et programmes d’éducation, de santé, de logement, de sécurité, d’environnement, de services commerciaux, d’emploi, etc. Ces interventions sectorielles obéissent à des mandats d’intérêt public, définis et déployés à divers niveaux extérieurs à la communauté, avec une vision, des stratégies et des mécanismes de régulation locale comme la concertation qui en facilitent l’articulation intersectorielle en fonction de leur contribution à des enjeux,
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objectifs et projets prioritaires communs. Cette dynamique interne de changements locaux comporte des risques et limites reliées à la pénurie de moyens qui en fragilise la pérennité et la continuité, et au peu de pouvoir par rapport aux facteurs et acteurs exogènes.
Une démarche du type « logique programmatique » est liée à des décisions extérieures, relevant du niveau supérieur des institutions publiques et privées. En regard de problématiques ou de clientèles ciblées, le plus souvent associées à des conditions de pauvreté individuelle, ces démarches s’adressent à des communautés ciblées selon des indices connus de défavorisation comme ceux de Pampalon-‐Raymond ou les critères de dévitalisation du MAMROT. Elles proposent une stratégie ou un programme comportant un cadre et des ressources destinées à enclencher une démarche de mobilisation des acteurs locaux et extra-‐locaux. Cette mobilisation s’inspire de certains principes du développement local en misant en particulier à la fois sur la concertation intersectorielle et le partenariat au-‐niveau local. Elle comporte une certaine adaptation des services et programmes au contexte local en termes à la fois de participation de la population résidante, à des degrés très variables, et d’amélioration du cadre de vie.
Si des acteurs locaux sont déjà en mouvement à travers une table de concertation ou un projet assimilable aux objets visés par la « stratégie » ou le programme, on pourra les associer comme « mandataire local », à la condition qu’ils respectent, avec plus ou moins de souplesse ou de sur mesure, les exigences de procédures et de modes de fonctionnement du programme. Il arrive aussi que, suite à un appel d’offres ou à un choix politico-‐administratif de territoires au niveau de l’instance municipale ou de la CRÉ, on incite à la création d’un nouveau mécanisme permettant de coordonner la démarche d’ATI ou de RUI à laquelle on convie les acteurs locaux, sans tenir compte des instances de concertation déjà en place issues de la logique communautaire-‐citoyenne. Dans un certain nombre de démarches d’ATI et de RUI, ce sont ces processus gérés de l’externe qui sont les déclencheurs et définisseurs de la démarche. Les acteurs locaux institutionnels y sont, d’une certaine façon, conscrits par les autorités dont ils relèvent, et les acteurs communautaires sont fortement incités à s’insérer comme condition d’accès à du financement de projets.
Les deux logiques ne devraient pas s’opposer, constituant plutôt deux pôles d’un même champ d'intervention. Pour se maintenir, se renouveler et progresser les initiatives locales autonomes ont besoin d’accompagnement et de support externe, en termes de ressources humaines et financières. De plus, elles gagnent souvent à s’appuyer sur un cadre méthodologique rigoureux que fournissent parfois les exigences de processus et les règles des programmes. Ce sont autant d’incitatifs à inscrire leur action dans une perspective globale, à multi-‐niveaux et à long terme. À l’inverse, les initiatives de « programme » doivent, pour atteindre leurs objectifs, adapter réellement leurs règles et leur reddition de comptes aux les exigences participatives du DC. Elles doivent se définir en rapport d’accompagnement ou de promotion du community building qui mise autant, en termes de
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modèle d’action, sur une vision globale et des résultats à long terme des démarches locales que sur les processus d’apprentissage collectif comme modèle pédagogique permettant d’y arriver.
Nous reviendrons plus loin, à travers les dimensions de gouvernance et de processus, sur cette tension qui peut être productive, entre les deux logiques.
4.2 Le territoire d’intervention La notion de territoire est, jusqu’à un certain point, à géométrie variable du point de vue de la taille et de la composition. Dans les 8 projets de RUI, on a ciblé soit de petits secteurs définis comme complexes d’habitation rejoignant entre 500 et 700 personnes, soit une zone résidentielle d’un quartier d’arrondissement d’environ 3 400 h, soit une ancienne municipalité de banlieue de petite taille (4 700 h). Dans les autres cas, les démarches de RUI ont porté sur un quadrilatère dans un arrondissement ou sur des quartiers complets d’anciennes villes devenues arrondissements, avec des populations variant entre 10 500 et 53 000 h. Les projets associés à des démarches communautaires-‐citoyennes sont en général basés sur les réalités d’un quartier ou de quelques anciens quartiers de centre-‐ville. Dans le cas des projets d’ATI de la Capitale-‐Nationale et d’autres connus en milieu rural, c’est le territoire administratif de la MRC qui a servi de point d’ancrage pour orienter, en tenant compte des indices de défavorisation et autres indicateurs socioéconomiques, la cible territoriale et pour initier et encadrer la démarche. En milieu urbain, ce qui est retenu, avec des populations ou variant entre 15,000 et 40,000 h, c’est le quartier dans les cas de Saint-‐Sauveur et de Giffard-‐Montmorency ou l’arrondissement dans le cas de Limoilou.
Comme le signale G. Giasson (2007), ce « ciblage » territorial défini par la logique programmatique souvent encore sectorielle, sur la base d'indicateurs dits objectifs (démographiques, socioéconomiques, socio-‐sanitaires, éducatifs, etc.), comporte l'avantage de permettre de concentrer des ressources et d'apporter des moyens supplémentaires aux milieux locaux. Mais il comporte aussi le risque d'une lecture partielle et insuffisante de la réalité complexe et « ne permet pas, notamment, de caractériser les aspects physiques, économiques et culturels, de même que l'organisation sociocommunautaire et les ressources d'un territoire » (Giasson, G, 2007 : 3). Lorsqu'appliqué de façon technocratique, la détermination du territoire peut donc être discriminatoire, laissant de côté des communautés en aussi grand besoin et même des catégories sociales tout aussi vulnérables au sein des communautés ciblées, mais dont on ne reconnait pas non plus le niveau parfois très inégal de capacité d'agir.
Les secteurs couvrant des territoires relativement circonscrits comme un complexe résidentiel ou un îlot d’habitation nous semblent procéder, en partie, d’une logique classique en organisation communautaire de projet par groupe d’identité ou d’intérêt, quoique la dimension milieu de vie en élargisse la portée à un système d’action collective
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locale. Mais par delà la dimension démographique et spatiale de la délimitation du territoire, c’est sa considération comme objet ou cadre d’intervention qui détermine l’angle par lequel le territoire est défini et de ce fait influence le type d’intervention. Les principales différences de contexte d’émergence, d’approche et de logique de ces initiatives, programmes et mesures, différences qui agissent de façon plus ou moins enchevêtrée dans ce champ du développement local et de la lutte à la pauvreté, tiennent dans la distinction entre « territorialisation » et « territorialité ».
La territorialisation concerne la forme du déploiement de politiques publiques ou de programmes privés dont la fonction première est de mettre à contribution les acteurs et les ressources locales via des procédés de concertation pour atteindre plus efficacement des objectifs prédéterminés à l’extérieur des communautés locales sans véritable déplacement des frontières du pouvoir au profit du local (Hamzaoui, 2002). Pour cet auteur, la territorialisation ne constitue donc pas une catégorie de l’action collective, mais une catégorie de l’action publique.
La territorialité se construit selon une autre logique décrite ainsi par Caillouette et ses collaborateurs. :
Pour les acteurs ce type d’action se caractérise par le passage d’une rationalité individuelle, institutionnelle ou organisationnelle à une “relationnalité” communautaire. Cette activité relationnelle, obéissant à différentes logiques d’action, est au centre du processus de développement des communautés, car c’est d’elle qu’émerge progressivement l’acteur collectif sujet de son développement. (Caillouette et al., 2009 : 11)
Si la notion de territoire réfère à un donné physique ou administratif, nos entondons la territorialité comme le rapport engagé et collectivement vécu à ce territoire; la territorialité est ce par quoi un territoire se sent exister comme communauté. ( Idem : 14)
Les auteurs ajoutent qu’en plus de la question du pouvoir sur le plan de la gouvernance locale, pour se construire, « la territorialité demande à ce que la coopération locale, horizontale et intersectorielle entre les acteurs, ait droit de cité face aux orientations verticales, nationales et sectorielles auxquelles sont par ailleurs soumis ces acteurs » (Idem : 20). Bernard Eme (2007) parle ici d’une double régulation, verticale et horizontale, avec laquelle doivent composer les acteurs et les territoires. Il y a donc forcément croisement des logiques (territorialisation et territorialité) dans les pratiques de développement des communautés.
Dans ces démarches, la construction ou reconstruction de l’identité territoriale, capable d’intégrer dans l’action les citoyennetés plurielles de la société moderne à base d’identités et d’intérêts fort diversifiés et de favoriser des transactions sociales locales positives, devient un enjeu central dans la mesure où elle est à la fois le catalyseur et aussi le produit
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d’un acteur collectif local identifié comme un système d’action collective locale (SACL). Un tel SACL pourrait être le reflet en grande partie du croisement des deux logiques. S’il est un lieu matériel et un système social d’acteurs, à circonscrire au départ comme objet et cadre de l’intervention, le territoire est aussi, à travers un processus « d’appropriation du lieu par les gens », à redéfinir en cours d’action dans le cadre du processus réflexif de la démarche. Celle-‐ci qu’elle devrait enclencher et soutenir la capacité d’agir dans et autour du SACL. À cet égard, il est intéressant de retenir de l’étude du CREXE les 4 registres différents et interreliés par lesquels le SACL opère :
le registre de l’action où chaque acteur prend ses propres décisions, le registre de la délibération et de la prise de décisions à portée collective, le registre des représentations avec ses dimensions cognitive et émotive, et le registre des valeurs qui guident les positions des divers acteurs. Les interventions peuvent se déployer sur un ou plusieurs registres, et de multiples tensions peuvent se manifester sur tous les registres. Cette conception du SACL fait, des citoyens, des acteurs à part entière qui, par leurs comportements ordinaires et leurs décisions de mobilité, influencent la vie et l’évolution du quartier. Le SACL resitue l’action publique, celle menée par les organismes publics, dans l’ensemble de l’action collective générée par tous les acteurs. (CREXE, 2010b : 15-‐16)
Cette représentation nous semble permettre de bien traduire la réalité du « monde vécu en action », tout comme elle permet d'identifier les sources d’impulsion à visée collective qui l’animent, en interagissant dans un mouvement continu. Le leadership collectif, partiellement dépersonnalisé et plus typique d’un mode d’ajustement en action concertée, provient de leaders particuliers, mais aussi de la qualité des interactions et du fonctionnement du système : les initiatives des citoyens par la parole ou l’action – pétition, représentation, organisation d’activités – en groupe ou individuellement; l’activation des réseaux par la mise en connexion et la valorisation croisée des ressources des membres du réseau; les régimes d’incitatifs liés aux dispositions fiscales et financières, mais aussi à la reconnaissance de son action dans la communauté. Ces impulsions sont des moteurs de mobilisation collective, mobilisation qui passe par des modes d’action collective (voir annexe 3). On peut donc concevoir la démarche de revitalisation comme un « processus de réinvestissement sur toutes les composantes du quartier », qui doit tenir compte des facteurs endogènes et exogènes au territoire. À ce niveau, le croisement des trajectoires individuelles avec les trajectoires de territoire est important pour déterminer sur quoi et comment il est important d’agir pour amorcer ce réinvestissement et influencer l’évolution du territoire de façon favorable aux trajectoires individuelles de pauvreté.
Les auteurs de l’étude du CREXE notent qu’il faut relativiser « l’effet de milieu » sur le sort des résidants, tout en reconnaissant son utilité comme fondement des interventions de revitalisation :
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Les recherches sur ce thème, qui se sont multipliées au cours des dernières années, tendent à montrer que ces effets sont circonstanciés et personnalisés. En outre, le taux élevé de mobilité dans les quartiers pauvres, du moins en contexte montréalais, limite sans doute l’importance de ces effets sur la trajectoire des individus. Cependant, si l’influence du quartier sur la dynamique des histoires individuelles reste problématique, il ne faut pas oublier que l’état du quartier dans ses diverses composantes influence directement et fortement les conditions de vie des résidents, notamment de ceux dont l’espace de vie n’est pas multi-‐lieu, mais centré sur l’environnement résidentiel immédiat. Et des conditions de vie adéquates sont certainement propices à une évolution favorable des trajectoires individuelles. Indépendamment de ses effets éventuels sur les trajectoires, la RUI se justifie si elle permet d’améliorer la serviabilité du quartier et sa capacité à répondre aux besoins des divers groupes. (CREXE, 2010b : 17)
Les relations entre les trajectoires individuelles et collectives d’un quartier fonctionnent dans les deux sens : les territoires pauvres attirent les personnes appauvries à cause notamment du logement à bon marché. Elles doivent donc, dans une démarche, être examinées avec soin en vue de délimiter le territoire d’intervention lui-‐même et construire l’identité territoriale, de même que pour déterminer des cibles significatives pour les résidants et structurantes pour l’action, ce que l’on pourrait apparenter aux indicateurs de qualité de vie évoqués plus tôt. À cet effet, l’équipe du CREXE propose un système d’observation et de mesure (SOM) qui est tiré, d’une part, d’une large revue de littérature dont on a dégagé un premier modèle conceptuel; d’autre part, on a soumis ce modèle à deux groupes de discussion réunissant des acteurs associés à des RUI en provenance des organismes communautaires et des organismes publics. À partir de leurs choix éthiques et de leur analyse des liens entre les indicateurs, ceux-‐ci ont retenu 40 objectifs d’action et identifié les « bons » indicateurs les qualifiant. Ce sont clairement les objectifs rattachés à l’emploi et au développement du panier de services qui sont alors ressortis le plus fortement, et ensuite les objectifs rattachés à l’éducation et à la formation des résidants, à la participation citoyenne, à l’aménagement physique du quartier, à la sécurité et à la santé.
Par un traitement informatique sophistiqué (à l’aide du logiciel Decision Explorer), le grand nombre d’indicateurs (178) dégagés des focus group a été ramené à deux blocs d’indicateurs interreliés correspondant à deux principaux axes d’intervention :
Le premier bloc concerne l’éducation et la formation, lesquelles exercent une influence déterminante à la fois (1) sur l’activité et le revenu, mais aussi (2) sur la délinquance juvénile et le sentiment de sécurité. Le second bloc concerne la revitalisation des artères principales et l’offre commerciale, lesquelles ont un double impact sur (1) l’emploi local et (2) l’image du quartier et la mobilité résidentielle. Les indicateurs du premier bloc caractérisent les résidents du quartier dans leurs trajectoires de vie, tandis que ceux du second bloc concernent plutôt les attributs du quartier. (CREXE, 2010b : 20)
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Pour compléter l'information tirée du SOM, signalons que ces indicateurs ont été classifiés pour en déterminer la centralité selon leur effet appréhendé, soit comme levier qui influence les autres, soit comme sensible donc soumis à l’influence des autres, soit enfin comme intermédiaire en rapport équilibré avec les autres. Considérant leur intérêt, nous nous permettons de les reproduire en détail à l'annexe 4.
On ne sait s’il a été validé sur le terrain, mais il est à souhaiter qu’un tel instrument qui indique une priorisation nette pour l’intervention sur le territoire en tant qu’objet, puisse devenir un outil opérationnel. Il pourrait s’ajouter au coffre à outils des acteurs-‐terrain, en complément, voire en questionnement, d’outils de connaissance et d’évaluation des communautés problématiques comme le Tableau de bord en développement des communautés de l'Estrie, inspiré des travaux de Réal Boisvert, et les indicateurs connus de défavorisation comme ceux de Pampalon-‐Raymond.
4.3. Les acteurs impliqués Ces démarches, « tous genres confondus », comportent en général par définition un grand nombre et une grande diversité d’acteurs qui s’y impliquent à des moments différents, sous des formes et dans des rôles très différenciés. On peut les regrouper sommairement sous les catégories suivantes : institutionnels, associatifs ou communautaires, secteur privé, élus, citoyens et agents de développement.
Le nombre et la diversité des acteurs, d’une part, et leur rôle et pouvoir comme « partie prenante », d’autre part, vont varier selon l’ampleur de la démarche définie par sa durée, ainsi que par le territoire et l’approche plus ou moins globale des problématiques. Selon l’étude du CREXE (2010a : 37), les facteurs favorables à la mobilisation et au maintien de celle-‐ci sont associés :
− d’abord à la dynamique de la concertation, selon la qualité qui s’en dégage à travers «le diagnostic, la vision d’avenir, le plan d’action, la consultation, les compétences et le leadership des membres, le nombre et la pertinence des représentants et la culture de concertation dans les organismes communautaires»;
− ensuite à l’ampleur des problématiques du quartier, leur degré d’urgence et de gravité;
− à un moindre degré, au niveau de réussite des projets et de la démarche, au financement disponible, au travail sur le terrain pour la promouvoir, notamment auprès des décideurs;
− et enfin à la taille du territoire et à la mobilité des gens. Le rôle des élus est aussi vu comme important, tout au moins dans l’appui à la démarche et la reconnaissance explicite à l’égard de ceux qui s’y impliquent.
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Ces éléments de qualité de la concertation nous ramènent à la dynamique de la démarche elle-‐même, dynamique qui nous semble génératrice de différentiation selon qu’elle procède principalement d’une logique de programme, d’une logique communautaire-‐citoyenne, ou d’une hybridation relative des deux logiques.
Ainsi des démarches qui ont une trajectoire longue, menée selon une logique communautaire, vont impliquer un grand nombre d’acteurs à travers des activités, projets et structures où l’ensemble des acteurs potentiels mentionnés est sollicité et mis en démarche d’empowerment individuel, collectif et communautaire (Ninacs, 2008). L’état le plus élaboré de telles démarches nous semble apparaître dans la formule du chantier, comme on l’a désigné à VSMS. En se transformant en « Chantier de revitalisation » selon l’organigramme présenté en annexe 5, VSMS a graduellement élargi et modulé la participation en fonction des axes de la planification stratégique élaborée à travers une opération de réflexion collective et inclusive de différents secteurs autour du thème « Changer Saint-‐Michel ». Cela a donné lieu à l’implication d’une diversité d’acteurs dans une mécanique articulant 8 « clubs de partenaires » voués chacun à l’un des objets du plan d’action dont celui de la participation citoyenne, qui s’ajoutent aux 5 tables d’action thématiques de concertation que VSMS coordonnait déjà. Les démarches du PRAQ à Valleyfield et des Premiers Quartiers de Trois-‐Rivières ont eu recours à ce type de structure-‐processus sans la nommer comme telle. L’ATI – Limoilou a, dans un passé plus récent, également amorcé sa démarche de diagnostic et de plan d’action en recourant à cette formule.
Dans les démarches plus récentes d’ATI-‐RUI initiées dans le cadre de la logique programme, l'implication des acteurs est au départ davantage de l'ordre de la mobilisation, déterminée par le cadre d’opérations prévu (ex : comité de pilotage), qu'issue de leur adhésion volontaire et leur appropriation des objectifs de la démarche proposée. Les participants premiers sont pratiquement désignés d’office par le guide d’implantation, ce qui amène plusieurs partenaires à s’impliquer comme volet obligé de leur tâche. Cette mobilisation «conscrite» n'est pas nécessairement problématique pour la suite des choses, dépendant de l'ouverture et de la souplesse des modes de régulation de la démarche, de même que de la vision du mandat des organisations et de leur engagement envers la communauté. Dans la mise en place d'un système d'action collective locale vraiment orienté sur les réalités de la communauté et soucieux de favoriser la socialisation des participants, les acteurs institutionnels aussi bien que communautaires sont appelés à y développer une motivation suscitant leur engagement professionnel et même personnel.
Selon les données d’évaluation de l’étude du CREXE, dans les comités de pilotage des projets RUI analysés, on retrouve par ordre d’importance les représentants d’organismes communautaires des secteurs les plus touchés par les problématiques priorisées, des organismes publics locaux et extérieurs, des citoyens et des « fonctionnaires
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d’arrondissement ». Les élus sont en nette minorité, certains conseils d’arrondissements se limitant presque à servir en pratique de boîte à lettre pour rediriger à un mandataire local le mandat et les argents attachés à « leur RUI ». Les représentants des organismes communautaires et institutionnels proviennent en général des directions de ces organisations, et avec les fonctionnaires délégués par les arrondissements, les comités de pilotage et la RUI en général sont dans certains cas davantage perçus comme des lieux et occasions de concertation entre organismes, institutions et acteurs externes « et non pas une table de citoyens », pour qui en général la « RUI demeure une abstraction » et « ne résulte pas d’un mouvement de la base ». On note même que « la majorité des membres des comités se considèrent comme des “professionnels” et que la RUI est une démarche “professionnelle”. » (CREXE, 2010b : 7)
La participation citoyenne demeure un axe central de ces pratiques, quelle que soit leur dynamique d’origine, au même titre que la concertation et la vision intégrée. Si on trouve en général des citoyens aux instances centrales des démarches (comité de pilotage, de coordination…), leur rôle demeure difficile si le rôle de l’instance est d’abord administratif et technique, centré sur l’action liée à la réalisation de projets et moins sur la délibération. L’implication citoyenne demeure limitée à ceux et celles dont on attend des disponibilités parfois élevées et qui peuvent s’ajuster aux horaires, de même qu’aux exigences techniques des sujets abordés. Elle rejoint donc un citoyen dont les compétences et la disponibilité ne sont pas typiques du citoyen moyen, encore moins des personnes vivant des situations complexes et lourdes d’appauvrissement et d’exclusion.
Hormis ce niveau élevé, l’implication citoyenne prend en général deux formes ou degrés. À un premier niveau, les citoyens sont invités à participer à des projets ponctuels ou à des évènements « festifs » ou culturels organisés par la coordination de la démarche ou par un partenaire. À un second niveau, la mobilisation se réalise au sein même de la démarche :
− soit à travers un processus de consultation du genre forum citoyen, sondage ou autre forme d’expression d’opinion, par lequel « ils sont invités à identifier et discuter de leur vision du quartier et de leurs besoins »;
− soit par une implication directe et continue dans des projets, chantiers, comités de travail, y compris le comité de pilotage.
Si le maintien de la participation citoyenne demeure en général de l’ordre d’un grand défi (Forest et St-‐Germain, 2010; Mercier et Bourque, 2012), celle-‐ci est plus facile à obtenir si elle se réalise dans des lieux et formes dont les gens sont proches, par exemple dans des cadres et organismes connus et reconnus du milieu. Ce défi demeure d’autant plus grand que cette participation est recherchée et réalisée sur une base individuelle, les personnes participantes ne se représentant qu’elles-‐mêmes. On rejoint alors plus facilement les « élites », soit les personnes les plus habiles au plan de la prise de parole dans les forums et
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les conseils d’administration et les plus à même de contribuer aux activités de planification, à l’élaboration et au suivi de projets concrets.
Tout en privilégiant une approche de mixité sociale, des efforts délibérés et imaginatifs doivent être faits pour susciter des implications plus diversifiées et représentatives des catégories de populations résidantes plus difficiles à rejoindre dont les communautés culturelles. Ces populations sont souvent les membres et les clientèles des organismes communautaires autonomes (OCA). Elles sont aussi l’expression de nouvelles pauvretés qui ne se reconnaissent pas ou ne sont pas rejointes par les organismes existant et qui ne s ’adaptent pas facilement à une logique territoriale (Mercier et Bourque, 2009). Pour reprendre les conclusions du Conseil permanent de la Jeunesse, « la participation sociale découle de la rencontre de la volonté et de la capacité d’un individu de faire partie d’une collectivité et d’une offre concrète de ce collectif pour faire une place à ce dernier » (CPJ, 2004 : 64). D’où 3 obstacles majeurs, qui peuvent devenir facteurs de motivations si on sait les aborder : la volonté de participer (le vouloir) ; la capacité de l’individu de faire partie d’une collectivité (le pouvoir) ; l’offre d’un collectif à faire une place à l’individu (la création des espaces de participation) – associé au rôle des organisations.
C’est un défi qui interpelle les organismes communautaires autonomes qui sont souvent les principaux acteurs à l’origine des démarches territoriales de développement intégré et qui en sont encore en général des acteurs majeurs, autant dans la logique communautaire que programmatique si l’on en croit les expériences de RUI. Malgré leur relative institutionnalisation, ils demeurent des espaces importants d’apprentissage et d’exercice de participation citoyenne. À cet égard, il est intéressant de signaler que, dans son rapport annuel 2009-‐2010 (www.vsmsante.qc.ca/), VSMS annonce avoir créé un collège citoyen dans son assemblée générale en vue de la désignation de 3 postes au conseil d’administration à partir des tables et clubs de partenaires, pour compenser le fait que peu de citoyens deviennent membres formels de l’association. Selon VSMS, la participation passe surtout par les organismes membres, ce qui « fait en sorte que nous sommes de plus en plus en présence d’un réseau de citoyens informés et mobilisés qui souhaitent rayonner dans leur quartier.» VSMS réaffirme par contre que cet accent sur la participation directe ne doit pas diminuer le « poids démocratique des organismes dans la structure de VSMS, d’autant que ces derniers ont également des membres-‐citoyens dans leurs propres structures démocratiques ».
Malgré cette ouverture aux démarches faisant appel à la concertation et à une approche intégrée de lutte à la pauvreté, il faut reconnaître que les OCA sont mal équipés en ressources pour participer à ces opérations énergivores et exigeantes en compétences nouvelles à acquérir, du point de vue aussi bien technique que culturel. Et le financement nouveau qui leur est accessible par cette voie pour améliorer ou ajouter aux pratiques actuelles s’inscrit largement dans une logique de financement par projets, à court terme
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avec les obligations procédurales qui s’en suivent, même si dans les faits, on observe que les mêmes projets sont souvent reconduits (MESS, 2011).
Par delà ces limites fonctionnelles, il faut aussi reconnaître qu’il y a des tensions à l‘intérieur du « mouvement communautaire », un mouvement traversé de plusieurs tendances tant en termes de positionnement face à cette approche que dans la logique dominante d’intervention locale typique de plusieurs OCA. Pour le Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MEPACQ),
Puisque les causes de la pauvreté sont surtout structurelles, comment peut-‐on s’attaquer à celles-‐ci avec une approche localisée ? Les maires, les commissions scolaires et les CLSC peuvent-‐ils intervenir sur les causes de la pauvreté ? Une telle intervention relève-‐t-‐elle de leurs pouvoirs ?
Nous croyons que non ! Au contraire, l’ATI est lié à l’objectif gouvernemental de se départir de ses responsabilités étatiques et nationales en matière de lutte à la pauvreté. Il est un exemple de plus d’une délégation des pouvoirs de Québec vers les pouvoirs municipaux et les intérêts privés, dont le communautaire. (MEPACQ : 2)
Cette position est endossée par le Collectif pour un Québec sans pauvreté qui ne voit dans l’ATI qu’une manœuvre de diversion en opposition aux nécessaires mesures universelles de sécurité de revenu dont la hausse des barèmes de base à l’aide sociale. Cette position est présente actuellement dans les interventions locales de lutte à la pauvreté à privilégier localement et régionalement à travers le deuxième Plan d’action gouvernemental pour la solidarité et l’inclusion sociale 2011-‐2015 (MESS, 2010). Les allocations du FQIS affectées aux régions mettant en tension le support aux tables territoriales locales et aux démarches ATI, d’une part, et, d’autre part, les nécessaires actions et mesures d’aide directe aux groupes et aux individus en situation de pauvreté, fondées sur une vision du développement social centrée sur les mesures sociales. Sur un plan plus fondamental, Shragge (2006 ; 2007) voit sinon une incompatibilité, tout au moins une limite majeure entre le partenariat que supposent le développement local et la nécessaire action sociale à laquelle tout OCA authentique doit adhérer, tenant compte des rapports de classe et de pouvoir qui déterminent les problématiques de pauvreté, d'injustice et d'oppression, et qui font que les intérêts des uns (État, entreprises privées...) et des autres (citoyens appauvris, marginalisés...) peuvent difficilement se concilier. Selon cette analyse, le partenariat local et le consensus ne peuvent donc conduire au changement social dans le modèle néo-‐libéral dominant.
Il faut reconnaître que la pratique communautaire est aussi influencée par une logique sectorielle qui, sans être assimilable à la logique de programme, s’y ajuste par l’effet de la lecture thématique (en silo) des problématiques, tandis qu’elle s’ajuste mal à une contextualisation et une collectivisation en fonction du territoire, donc de l’effet de milieu.
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Cette tendance est largement induite par la logique et l’organisation par programmes, maintenant dominante dans les CSSS. Cela crée souvent le choc des cultures observé dans des tables de concertation territoriale et même des démarches d’ATI. La stratégie est alors davantage orientée vers une concertation d’addition et de juxtaposition des contenus et des problématiques telles qu’appréhendées par les programmes sectoriels et les mandats institutionnels au bénéfice des usagers « pauvres » du territoire, plutôt que par une relecture globale des problématiques et une stratégie qui prolonge les mandats sectoriels dans un autre « projet » global d’intervention adapté à « l’effet milieu » sur les personnes et leurs problèmes, mais aussi leurs forces et leurs ressources (Mercier et Métivier, 2003).
Du côté des élus locaux, on sait que leur implication s’avère déterminante pour la réussite de la démarche et des projets qu’elle génère. Selon les évaluations disponibles, elle se révèle plutôt inégale, mais elle est jugée élevée dans les RUI, même si les élus sont en général absents des comités de pilotage et des actions directes. Leur rôle est principalement d’y apporter un « support pratique et symbolique, […] en facilitant les rapports entre la RUI et le maire ; en donnant de l’information ; en étant ouvert aux demandes de la RUI ; et en accordant officiellement leur appui à la RUI » (CREXE, 2010a : 40). Leur contribution pourrait être accrue « en stimulant les services administratifs […], en aidant à la mobilisation des gens d’affaires […], en favorisant le développement des infrastructures et en facilitant la mise en œuvre des dossiers » (Idem). La remarque concernant les gens d’affaires rappelle qu’ils sont les grands absents, difficiles à mobiliser pour des démarches exigeant, à leur point de vue, trop de temps consacré à la délibération collective. Dans ce contexte du cheminement des dossiers, comme professionnels experts et gestionnaires de programmes ou services, les fonctionnaires au niveau municipal exercent un rôle-‐clé qui influence beaucoup le « pouvoir décisionnel » des élus, et facilite la relation de « proximité » entre élus et acteurs de la démarche. Ils y représentent même parfois l’instance municipale. On devrait pouvoir y consacrer plus d’attention. En pratique, dans certains cas, le conseil d’arrondissement peut s’impliquer au point de s’approprier la démarche comme un prolongement de ses programmes, un complément de ses projets. D’autres élus, à l’inverse, gardent leurs distances, voyant les démarches comme des mesures intéressant surtout le « social ».
La culture politique dominante favorise le rapport direct-‐personnel entre le citoyen et l’élu de même qu’un regard sur l’avenir qui est malheureusement limité au terme de l’échéance électorale. «La logique politique et la logique RUI sont de nature différente, en particulier sur les points suivants : choix des orientations et des projets (consensus versus préférences électives), horizon de temps et agenda (évolution du quartier versus règlement de problèmes immédiats), crédit des réalisations (collectif versus individuel).» Par delà ces différences, comme le souligne Aubin (2007), on doit s’assurer de bien départager les rôles tout en favorisant une relation de « proximité », le politique devant demeurer assez distant
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pour bien exercer ses pouvoirs et responsabilités comme décideurs en charge du bien commun. Cette relation de proximité sera facilitée si elle peut s’articuler dans un mode de gouvernance partagée avec les acteurs du système d’action collective locale, combinant démocraties représentative et participative comme nous le verrons plus loin.
L’implication volontaire et délibérée des institutions publiques de services (en particulier les CSSS) est souvent déterminante dans les démarches initiées dans la communauté du fait de leurs ressources professionnelles, en particulier les organisateurs communautaires, mais aussi par l’ouverture des autres professionnels aux « pratiques intégrées » et une politique d’établissement assumée en développement des communautés. Cette ouverture va orienter les choix organisationnels et cliniques en regard de la concertation et du partenariat. Avec Duperré (1992), on peut distinguer l’implication de l’organisme à deux niveaux : celui du partenariat-‐intervention qui correspond aux collaborations entre les intervenants des organismes impliqués, partenariat dans lequel les conflits sont moins ouverts, le fait de se centrer sur les usagers permettant d’occulter les conflits possibles liés aux différentes cultures en présence; celui du partenariat-‐gestion qui renvoie aux relations entre directions d’organismes communautaires et d’établissements publics, partenariat qui est plus à risque de conflit parce que plus près des intérêts organisationnels en cause.
Un engagement de l’établissement au plus haut niveau politique et administratif par rapport à une démarche territoriale intégrée permet de le positionner comme acteur d’un système d’action collective locale qu’il peut grandement contribuer à produire avec les partenaires locaux dans des rapports d’égalité et de réciprocité. La culture organisationnelle actuellement dominante dans les organismes publics ne semble pas favoriser de telles ouvertures menant à ce type engagement. Leur implication dans les stratégies d’ATI-‐RUI a donc tendance à s’inscrire dans le maintien de la logique bureaucratique de programme. Pour Divay (2009b), le rôle d'une institution n'est pas de produire uniquement du service à travers des actes individuel, mais aussi du « collectif », des réalités intangibles pour les citoyens, lesquelles « constituent la matrice des biens collectifs locaux qui enveloppe leur vie quotidienne et leur fait apprécier leurs façons de vivre ensemble ».
Les caractéristiques institutionnelles actuelles (composition des instances et définition de la mission) qui précisent la position officielle de l’État révèlent, de manière plus ou moins prononcée selon les domaines, un parti pris pour sa propre production (les services qu’il fournit), plutôt qu’un appui à la prise en main par la population locale de son sort collectif. Mais si le collectif est uniquement conçu comme la somme des prestations de services publics, il n’existe pas alors de dynamique territoriale autonome. (Divay, 2009b : )
Pour dépasser cette approche service et sa logique programmatique, peut-‐on compter sur une autre catégorie d’acteurs, individuels ceux-‐là, dans la tâche indispensable de
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l’accompagnement de la démarche, qui, selon la façon dont elle est assumée, pourrait contribuer positivement à la production du système d’action collective locale? Cette tâche est parfois orientée davantage vers la fonction d’agent de développement en soutien à l’élaboration ou à réalisation de projets en fonction des exigences de programme, ou bien dans un rapport d'expertise. Dans d’autres cas cependant, elle est aussi associée à une fonction de soutien, de coordination et d’animation du processus de la démarche elle-‐même.
Elle peut être aussi partagée avec des professionnels-‐intervenants des organismes partenaires. On entre ici dans l’univers des « métiers du développement territorial » (Robitaille, 2007) ou de la « planification participative » qui non seulement font appel à des savoirs théoriques et pratiques permettant souvent de combiner une variété d’expertises de contenu (planification stratégique, gestion de projets, plans d’affaire, etc.) et de processus (accompagnement des collectivités, empowerment), mais aussi à des qualités personnelles (communicationnelles, empathiques, connaissance préalable des milieux, etc.) et à un certain engagement éthique.
En somme, la disponibilité de fonds permettant l’embauche de personnes-‐ressources au soutien de projets et à la coordination des démarches territoriales, globales ou sectorielles, constitue certes une avancée de taille pour favoriser la « délibération et l’action » dans les territoires locaux. La multiplication de ces opérations sur le terrain, en plus de risquer de contribuer à l’effet d’hyperconcertation (Bourque, 2008) ne mène pas nécessairement à l’émergence d’un acteur et d’un projet collectif. Ce qui interpelle les pratiques sous l’angle du processus d’intervention.
4.4. Le processus d’intervention À ce niveau, nous voulons aborder la dimension des méthodologies et des processus par lesquels les démarches territoriales se réalisent, en signalant les convergences et les divergences qui nous semblent caractériser les pratiques terrain.
Il ne s’agit pas ici de chercher à décrire les pratiques en terme de méthodes et d’outils de planification et de gestion, mais de tenter d’en dégager la méthodologie générale « immanente » ou transversale de l’intervention par laquelle on fait cheminer ces pratiques. Dans ces démarches, il est difficile de traiter cette dimension sous l’angle d’un processus générique d’intervention, car on ne retrouve pas dans la documentation de modèle méthodologique explicite ou schématisé qui propose une démarche ou une méthode type, du genre « processus de revitalisation par le développement local ou Roue du Développement » de Vachon (1993 : 121 ; SRQ, 1998) ou encore animation territoriale en développement durable. Dans le cas des ATI et des RUI, en plus de déterminer les objectifs et la stratégie d’ensemble qui mettent l’accent sur un « processus de mobilisation dépassant les règles habituelles de collaboration par les actions intégrées des différents secteurs
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d’activités et partenaires », les guides d’accompagnement prescrivent des mécanismes de réalisation et des opérations à réaliser : amorce de la démarche, mise sur pied d’une structure locale ou d’un comité de pilotage représentatif, élaboration d’un portrait menant à un diagnostic et un plan d’action pour le territoire.
Par exemple, dans le cas du guide du CATI de la CRÉ de la Capitale-‐Nationale, le mandat de l’instance locale est clairement défini, à la façon d’une entente de gestion, de même que celui de la personne qui doit en assurer la coordination. Présenté comme un cadre de référence pouvant être adapté selon les milieux, le « processus de mobilisation et d’accompagnement du milieu » est détaillé en 6 étapes séquentielles (démarrage; diagnostic; mobilisation initiale; planification de l’intervention; réalisation des projets; évaluation) dont le détail est si précis et linéaire qu’il prend des allures de guide de procédures relativement techniques et administratives. Dans la stratégie RUI, on semble avoir beaucoup moins insisté sur les procédures dans le guide fourni aux arrondissements, mais le cadre de la démarche demeure prescriptif.
Dans l’ensemble des pratiques ATI-‐RUI que nous avons pu documenter, rien ne permet de douter que les comités locaux et les coordinations aient pu adapter ces processus à leur réalité locale, et que leur application n’a pu se faire dans un mode participatif mobilisant pour les partenaires et mettant à contribution les savoirs « citoyens et populaires ». Mais il apparaît bien que certains portraits de territoire d’intervention extrêmement détaillés ont donné lieu à de lourdes et longues opérations techniques de recherche réalisées par des spécialistes et sont des outils à l’usage des professionnels et des gestionnaires mobilisés dans les structures locales de concertation. D’ailleurs, dans les cas où l’on voit une orientation nettement définie par une visée davantage centrée sur les trajectoires individuelles, les plans d’action qui ont découlé de ces portraits-‐diagnostics traduisent une stratégie plutôt centrée sur l’intégration des actions des programmes et organisations partenaires en vue d’adapter et de rendre les services accessibles aux personnes appauvries.
Dans d’autres cas, on voit, à l’opposé, apparaître des portraits générateurs de diagnostics qui semblent le produit d’une démarche de « planification stratégique de territoire », réalisée en mode participatif et qui a donné lieu à des plans d’action articulés autour d’un « projet collectif » comportant une vision globale et à long terme du développement. Sans que ne soit explicité un modèle de type pro forma, ces démarches semblent s’appuyer sur une « méthodologie d’action collective » clairement articulée : élaboration du plan d’action à travers des opérations structurées de consultation et de délibération publique ; qui ont permis une mobilisation large menant à l’expression d’une vision claire et reconnue par l’ensemble des acteurs impliqués ; traduite dans une stratégie cohérente, dans des objectifs, priorités et moyens d’action précisant les porteurs de projets et de dossiers.
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Cette apparente opposition entre un processus centré sur une procédure linéaire d’étapes plutôt techniques exigées par les bailleurs de fonds et une démarche globale évoluant en spirale, – du genre Roue du développement qui intègre vraiment les principes et valeurs du développement endogène des communautés, ou encore Agenda 21 et VVS –, est-‐elle réconciliée à travers ces opérations de « planification stratégique de territoire » orientée vers le développement durable ? Celles-‐ci semblent maintenant être à la base de la planification de certaines démarches de revitalisation intégrée, comme on peut les voir par exemple à Valleyfield, Saint-‐Michel, Trois-‐Rivières, Ascot et Limoilou où la formule des « chantiers » et des « forums citoyens » semble avoir généré un espace et une impulsion pour l’élaboration de plans d’action dans lesquels la lutte à la pauvreté a été intégrée dans une vision qui fait image ou même est associée à une théorie du changement pour l’ensemble de la communauté. C’est l’image qu’a retenue VSMS lors de la dernière planification stratégique en 2009, avec la vision suivante : « Saint-‐Michel, un quartier agréable à vivre, propice à la vie familiale et aux échanges multiculturels, une communauté active et solidaire, qui se prend en main et qui contribue à l’essor de Montréal ».
En écho aux pratiques des CCI américaines recensées plus tôt, ces démarches semblent s’appuyer sur des processus qui constituent une adaptation à l’échelle des territoires des méthodes de planification stratégique d’entreprise, sans par ailleurs qu’on ne l'ait développée et présentée comme une méthode spécifique à la planification de territoire. Des opérations aussi vastes, complexes et étendues dans le temps ne peuvent pas par ailleurs être appréhendées uniquement sous l’angle d’une méthodologie linéaire d’intervention ou de planification. Selon l’étude du CREXE (2010), les RUI ne se sont d’ailleurs pas conformés au « modèle ou cadre logique » qui leur a été proposé. Un tel modèle permet davantage de bien décrire l’ensemble d’une démarche à la façon d’un programme, mais non d’en révéler le ou les processus par lesquels elle se produit.
En fait, en nous appuyant sur l’étude du CREXE, on peut avancer que ce n’est pas un processus unique qui caractérise ces pratiques, mais bien un ensemble de 4 processus dont l’articulation permet de voir apparaître une certaine « méthodologie de l’action collective concertée » qui stimule la création d’un nouvel acteur collectif : la mobilisation des acteurs, la concertation, l’intégration et l’apprentissage collectif. L’espace manque pour bien rendre compte de ce grand processus auquel une démarche de planification stratégique et d’élaboration d’un plan d’action contribue comme phase structurante et orienteuse. Nous devons nous limiter à en esquisser les contours, considérant qu’ils contiennent des pistes qui gagneraient à être explorées davantage dans une éventuelle systématisation opératoire utile pour la pratique :
1. La mobilisation des acteurs locaux et extra-‐locaux amène ceux-‐ci à s’investir dans les projets et activités et dans le processus de la démarche elle-‐même. Elle permet d’amorcer une transformation des pratiques organisationnelles et stimule la mise à
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contribution de la participation citoyenne aussi bien dans les plans d’action et le choix des projets concrets que dans le fonctionnement de la démarche. La mobilisation permet aux acteurs d'influencer la perception des besoins et les orientations du projet collectif, avec en retour un plus grand sentiment d’appartenance au territoire.
2. Cette mobilisation s’opérationnalise dans la concertation qui opère à la fois en tant que structure (composition et fonctionnement du comité local) et que processus de planification et de réalisation ou de support aux actions et projets. Ces deux dimensions sont en interaction dans le sens où elles influencent et sont influencées par le climat de collaboration. En général les démarches efficaces renforcent la concertation existante plus qu’ils ne l’initient. Que ce soit dans les relations interpersonnelles et inter-‐organisationnelles ou dans des rapports qui sont parfois de complaisance, parfois d’interpellation mutuelle, le climat de collaboration dépend des acteurs organisationnels qui peuvent choisir de se protéger mutuellement ou à l’inverse de « s’exposer » les uns aux autres et face au milieu. Les défis à relever pour une nouvelle instance locale sont :
a. de pouvoir se positionner dans l’espace inter-‐organisationnel sans se substituer aux organisations partenaires et autres tables de concertation, donc se définir en marge et avec leur soutien de façon à favoriser la concertation des concertations;
b. « être en tout temps adéquat par rapport à la conjoncture locale » (CREXE, 2010b : 8), en réciprocité avec l’action collective locale pour répondre à un besoin évident et partagé;
c. s’alimenter de et favoriser des relations interpersonnelles de qualité et maîtriser les facteurs organisationnels liés à leur fonctionnement;
d. « atteindre un bon rythme de réalisations concrètes, adapté à l’état de la mobilisation, tout en étant susceptible de l’amplifier. » (Idem)
À ces 4 défis, on pourraient ajouter les 5 défis proposés par Panet-‐Raymond : la question du renforcement du pouvoir de la population; le temps, pour passer du je au nous ou ensemble; la cohérence entre les paroles et les pratiques; la gestion des tensions et la création d’espaces de négociation, d’espaces de citoyenneté ou d’expression; le leadership des agents d’intersectorialité (Panet-‐Raymond, 2005 : 65-‐66).
3. La concertation favorise et est alimentée par l’intégration qui est à la fois :
a. une façon de voir qui doit dépasser les juxtapositions de mandats et de programmes et qui se traduit par des projets multi-‐objectifs, des équipements multi-‐usages, des accompagnements personnalisés multi-‐facettes, bref des pratiques intégrées;
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b. une méthodologie d’action collective autant dans ses dimensions procédurales qu’organisationnelles, qui permet de passer de la multisectorialité à l’intersectorialité mesurée par la cohérence et la complémentarité dans les actions;
c. un processus de changement à long terme des pratiques vers la prévention et qui « favorise l’intégration de certains groupes dans la société et de certains territoires dans l’agglomération » (CREXE, 2010b : 9).
La concertation débouche sur la coordination. Sur le plan de l’organisation de l’action, divers degrés d’intégration se dessinent, du moins contraignant au plus contraignant pour les intervenants : la vision commune, ensuite la priorisation des objectifs, puis le partage de rôles accompagné d’engagement et, enfin, la synchronisation des actions (notamment pour agir simultanément). (CREXE, 2010b : 9)
L’intégration est aussi obtenue par la méthodologie de l’action qui produit la planification et les plans d’action. Ce sont des exercices cognitifs et cohésifs favorisant l’apprentissage collectif et qui deviennent des balises et des visées pour les acteurs, dans la mesure où ils y adhèrent et les intègrent à leurs pratiques. Ce n’est pas le cas dans les 5 RUI participant à l’étude, les organismes n’ayant, semble-‐t-‐il, pas adhéré formellement aux plans d’action de la RUI dont ils font partie. Le plan d’action devient un facteur d’accroissement de la capacité d’ordonnancement de l’action collective :
Une telle capacité se manifeste par plusieurs indices : une vision claire et reconnue, une stratégie cohérente (pas nécessairement écrite) qui définit de grands modes d’intervention pour atteindre des objectifs sur un horizon de temps donné, ou même qui détaille les contributions nécessaires à leur atteinte, une forme de discipline collective dans le partage des rôles, un choix de priorité et un séquençage des interventions. Cet ordonnancement introduit un facteur additionnel dans la complexité de l’intégration : la multiplicité des intervenants avec des statuts et des ressources extrêmement variables. (CREXE, 2010a : 101)
L’action collective se réalise par des modes d’action ou des types de moyens de 3 ordres non mutuellement exclusifs, soit : ceux qui permettent de « maîtriser directement une situation ou d’agir sur l’offre de services »; ceux qui favorisent « l’encadrement des comportements des acteurs « ; ceux qui « renforcent l’entité (et l’identité) collective du quartier » et stimulent l’action collective.
4. L’apprentissage collectif est donc à la fois le produit et le stimulant des autres processus. Il passe par des apprentissages individuels et de groupe sur les façons de faire dans les projets et la connaissance du milieu. Mais le principal apprentissage et le plus difficile concerne la co-‐construction de la démarche, avec tous les changements de culture organisationnelle qu’elle suppose et permet de générer.
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Pour illustrer l’articulation de ces 4 processus dans une dynamique globale de méthodologie de l’action collective, les auteurs l’ont schématisée dans une « spirale vertueuse » (voir figure 1) des éléments « favorisant l’efficacité de la concertation, la mobilisation des différents acteurs et la participation citoyenne » (CREXE, 2010a : 165). L’absence de ces variables ou leur valeur négative entraîne au contraire une spirale négative ou dégénérative de la démarche. En conclusion, ils proposent comme vue d’ensemble une mise en perspective qui permet de visualiser la synergie entre les 4 processus dont la finalité est de dégager un projet collectif de revitalisation qui stimule et imprime la revitalisation effective.
Pour les auteurs12, « Les processus sont en quelque sorte des intermédiaires entre le rêve collectif qu’ils contribuent à élaborer et la réalité qu’ils sont chargés de stimuler. L’efficacité des processus à jouer ce double rôle dépend de leur synergie et de leur adéquation par rapport à l’ambition du projet collectif. » (CREXE, 2010a : 168).
Figure 1 – Spirale vertueuse (CREXE, 2010a : 166)
12 Pour avoir un aperçu plus complet de l’analyse que permet cette vue en synergie des processus, nous
reproduisons en annexe 7 les principales conclusions qu’ils en tirent.
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Figure 2 – Mise en perspective des quatre processus évalués (CREXE, 2010a : 168)
Cette configuration des processus nous semble permettre de bien traduire la réalité complexe de l’action collective territoriale, en situant la bivalence des processus dans leurs dimensions alternantes de moyens et de fins à travers la « spirale » de développement que la démarche collective génère. Les valeurs profondes et la « feuille de route » de l’action collective territoriale sont déterminées par la grande finalité de produire un projet collectif. À la manière d’une boussole, les processus contribuent au mouvement en même temps qu’ils en indiquent la direction, pouvant être appréhendés comme une méthodologie générale articulant des modes de gouvernance adaptée, lesquels sont les supports de l’acteur collectif local en construction.
Pour compléter ces représentations systémiques, il est intéressant de les relier au modèle développé par Lachapelle (2012a : 2), pour qui « le développement territorial intégré passe par des systèmes locaux d’action concertée (SLAC) qui sont essentiellement des espaces dans lesquels se rencontrent, dans la durée, les principes structurels portés par les acteurs institutionnels et les intentions pratiques des acteurs communautaires ». Cette notion de SLAC rejoint celle de SACL (système d'action collective locale), qui nous semble par ailleurs plus englobante, reflétant le produit de l'ensemble des processus à l'œuvre dans une démarche de DTI, incluant le système local d'action concertée qui traduit bien la dimension de la concertation. Ces SLAC sont issus de la rencontre ou hybridation des deux logiques (ascendante et descendante) qui structurent le développement territorial intégré. C’est ce qui induit la mobilisation et la combinaison de plusieurs leaderships complémentaires: institutionnel (les organisations), expert (les professionnels), politique (les élus), communautaire (les OCA), citoyen et de processus (agents de développement en soutien à
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la démarche). Lachapelle met ces leaderships en interaction à travers les 3 composantes des «conditions gagnantes des initiatives locales» que Klein (2011 : 183) a dégagées d'études d'initiatives de lutte à la pauvreté et qu'il a schématisé dans la figure 3.
Tableau 2 – Les conditions gagnantes des initiatives locales (Klein, 2011 : 183)
Les 3 composantes inter reliées à la façon des 3 pointes d'un triangle permettent le développement en spirale continue d'un « système d'apprentissage collectif générateur de territorialité » (Caillouette et al, 2008); système par lequel se construit le leadership collectif issu de la concertation, qui génère la « densification institutionnelle » (Klein, 2011) et qui contribue au Community building, matrice de la conscience territoriale. Cette dynamique suppose des modes de régulation ou de gouvernance permettant d'articuler l'ensemble des processus.
4.5. Les modes de gouvernance En regard de cet aspect, plusieurs dimensions ont déjà été abordées, que nous allons pouvoir brièvement relier à ce volet de la gouvernance qui concerne les modes, lieux et stratégies de délibération et de décision quant à l’ensemble de la démarche. Il faut tout d’abord rappeler que les deux logiques communautaire-‐citoyenne et institutionnelle-‐programme comportent des modes de gouvernance qui reflètent les choix d’orientations et de stratégies qui les distinguent. Nous nous permettons de les aborder comme deux idéaux-‐types jamais complètement incarnés dans la réalité, pas nécessairement opposés et susceptibles d’hybridation.
Le comité de pilotage ou comité local d’ATI ou de RUI peut opérer parfois comme un conseil d’administration mandaté par les partenaires locaux et extra-‐locaux, dont les bailleurs de fonds. Il peut être plus ou moins ouvert à la participation citoyenne, parfois instrumentalisée à travers des opérations de sondage ou de consultation occasionnelles ou régulières inscrites dans son fonctionnement à la façon des assemblées publiques d’information des établissements publics. Cette instance locale « gère » la démarche selon les étapes et les règles fixées, dans une dynamique misant sur la concertation
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intersectorielle pour des actions plus intégrées des partenaires associés. Sans vouloir discréditer cette façon de faire, il nous semble pouvoir la qualifier de table de concertation élargie qui vise davantage le partenariat comme projet collectif. Elle permet une démarche qui a certes son mérite par l’effet positif de collaboration et d’intégration accentuées qui génèrent une meilleure connaissance des besoins et ressources de la communauté, de la situation des personnes appauvries, des modes d’intervention des organismes et qui permettent aux partenaires de se donner une vision articulée et un plan de lutte à la pauvreté qui peut combiner les trajectoires individuelles et collectives.
Les démarches orientées vers l’élaboration d’un projet collectif de revitalisation misant sur la mobilisation (« le réinvestissement ») de tous les acteurs impliqués dans la dynamique de « co-‐construction » de la communauté territoriale visée, s’inscrivent dans des processus organisationnels et sociaux plus complexes, déterminés par un grand nombre de facteurs endogènes aussi bien qu’exogènes, dans un cadre de multidimensionalité encore plus large (échelons, niveaux, sphères). Qu’ils soient ancrés localement ou non, les différentes catégories d’acteurs qui agissent au sein de la communauté à travers l’ensemble de ses systèmes et fonctions (institutions publiques de services personnels, services privés de proximité, mouvement associatif et communautaire, etc.) contribuent à la dynamique communautaire (peu importe le sens positif ou négatif) et sont en quelque sorte les acteurs impliqués dans la construction d’une communauté territoriale.
Le modèle du système d’action collective locale (inspiré rappelons le de certaines pratiques RUI et RI), nous apparaît bien refléter et assumer cette complexité. Il interpelle les acteurs locaux certes, mais aussi les responsables extra-‐locaux des institutions et organisations qui agissent d’une certaine façon dans la communauté, et trouve son fondement premier dans des fonctions de gestion du partenariat inter-‐organisationnel.
Mais en même temps il les amène sur un terrain plus vaste, vers de nouveaux modes de production de la délibération et de l’action collective locale, modes qui contribuent à la création d’un nouvel acteur collectif local. Celui-‐ci ne se substitue pas aux autres acteurs dans leurs mandats et actions, mais se définit comme un « entre nous » plutôt que comme un nouveau « nous fusionnel » [Caillouette, 2008). Sa particularité est peut-‐être de permettre de concevoir et réaliser un nouveau cadre ou espace collectif et public, au sens d’ouvert et transparent. Cet espace peut prendre tout son sens et son actualisation si on le situe comme l’expression d’une gouvernance territoriale partagée dans le cadre de laquelle la démocratie participative permet d’introduire de façon plus systématique le point de vue citoyen dans la délibération, la décision et la gestion de l’action publique (Mercier et al., 2011).
Rappelons que, sur un plan plus global, la légitimité des gouvernements élus et de la démocratie représentative a été fortement remise en question ces dernières années, devant
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l’échec dans l’atteinte des objectifs de réduction des inégalités socioéconomiques et politiques même dans la majorité des États de la « social-‐démocratie ». La démocratie participative s’est alors posée en complément de la démocratie représentative, « l’une n’existant pas sans l’autre, en s’en distinguant par sa capacité à exprimer une « citoyenneté active », c’est-‐à-‐dire la conscience des individus d’appartenir à une communauté politique » (Touraine, 1994). L’exercice de cette citoyenneté passe par la participation directe aux décisions politiques dans une perspective de bien commun. La définition de l’intérêt général n’est alors pas issue uniquement d’un ordre immanent ou supérieur, mais découle aussi de la délibération pacifique des acteurs au sein d’espaces publics dans lesquels les conflits de valeurs, d’idées et d’intérêts sont présents et peuvent s’exprimer (Guay, 2005).
Au-‐niveau local, la gouvernance municipale est devenue plus lourde et complexe avec la dévolution de nouveaux mandats en environnement, développement social, transport, sécurité, etc. L’élargissement conséquent des responsabilités des élus pour lesquelles les municipalités ne disposent pas de pouvoirs réels ni de ressources financières suffisantes, les place devant les limites de leurs capacités et compétences techniques et politiques. Ils se trouvent devant ces mandats qui leur commandent maintenant de dépasser une approche de « gérance » au quotidien de services de proximité en développant des stratégies appuyées sur une vision globale et à long terme, à travers une approche de « gouvernance territoriale partagée ».
Cette approche est d’autant plus nécessaire que sur les volets « plus sociaux » et globaux des obligations faites aux nouvelles municipalités fusionnées en développement social, développement communautaire et développement durable, les exigences de reddition de comptes sont plus floues et moins contraignantes, ce qui amène les pouvoirs locaux à y accorder moins de valeur.
La “nouvelle” démocratie participative nécessite l’existence d’espaces de délibération où les citoyens et leurs représentants se rencontrent afin de discuter et de co-‐décider des affaires de la communauté, ce qui est différent des modes de participation comme la consultation publique. La participation citoyenne au développement des communautés vise implicitement la création de ces espaces de participation permettant aux citoyens de définir et de créer une communauté qui correspond à leurs intérêts et aspirations. Dans ces espaces se retrouvent les élus, les citoyens, les experts, les gestionnaires et les intervenants publics et communautaires. (Mercier, 2009 : 42)
S'appliquant à l'étude du « développement approprié des communautés rurales », Jean (2003), cité par Bisson (2011), y voit comme condition nécessaire la mise en place d'un mode de gouvernance locale « solidaire » :
D’abord, le résident d’une collectivité n’est plus un client, mais bien un citoyen à part entière. Ensuite, la municipalité ne livre plus des services à des
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consommateurs, mais elle exerce des fonctions de représentation de la collectivité ou de la société civile. Les résidents ne sont plus vus comme ayant des droits individuels, mais bien comme ayant des « responsabilités collectives ». L’organisation municipale n’est plus considérée comme pragmatique, mais bien démocratique et, enfin, la performance ne se mesure plus uniquement en termes de rationalité économique, mais selon la vitalité sociale du développement harmonieux de ses capacités. (Bisson, 2011 : 9)
Et Jean d'ajouter
Pour nous, s’agissant des réalités rurales, la gouvernance désigne les arrangements institutionnels inédits qui font que les gouvernements locaux exercent un pouvoir efficient, c’est-‐à-‐dire un pouvoir qui prend des décisions qui ont une prise sur le destin des communautés locales. On parle de nouvelle gouvernance rurale, mais on pourrait en dire autant de la gouvernance urbaine, pour désigner le fait qu’on soit en train de vivre la mise en place de cette nouvelle gouvernance rurale en certains endroits où les gouvernements locaux sont sortis de leur champ de juridiction traditionnel imposé par les gouvernements supérieurs (les gouvernements locaux étant des « créatures » des provinces, comme on le voit bien avec les débats sur les fusions) pour se donner des moyens d’intervenir dans ce qu’on pourrait appeler le « développement ». La nouvelle gouvernance rurale désigne alors cette nouvelle manière d’exercer le pouvoir et de prendre des décisions et elle met en scène trois grandes catégories d’acteurs : le pouvoir municipal, le pouvoir des acteurs économiques privés ayant une présence locale et le pouvoir de la société civile ou des organismes communautaires qui en sont l’incarnation en quelque sorte. (Jean, 2003 : 24-‐25)
Ces formes et espaces souhaités d’expression de la nouvelle démocratie participative peuvent-‐ils trouver leur forme et place à travers ce système d’action collective locale, et permettre de combiner les deux temps de l’action collective locale, la délibération et l’action? Un SACL nous semble en effet permettre l’expérimentation de nouveaux rapports politiques locaux, amenant au croisement des logiques du « politique » et de « l’action collective locale », de la logique bureaucratique de programme et de la logique communautaire-‐citoyenne. Aborder l’action collective territoriale sous l’angle d’un système nous apparaît fournir des pistes prometteuses pour ordonner sa mise en forme sous plusieurs dimensions :
− par ses perspectives et son contenu en permettant de relier l’action collective à la territorialité, déjà avancée par Caillouette et al. (2007) et Klein (2011), pour désigner le « partenariat territorial » et la « communautarisation de l’action ». Elle peut, à la limite, inspirer les acteurs ou les rallier à une cause partagée de développement global et d’action concertée et être ainsi associée à une action de mouvement social, le projet collectif pouvant s’identifier au grand mouvement du développement local face à la mondialisation;
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− par ses dimensions de processus qui en font un cadre permanent de planification territoriale ouvert à l’innovation dans les façons de voir et de faire; par le discours commun développé à partir des actions réalisées en commun dans une stratégie de « petits pas » génératrice de connaissance et de mutuelle des acteurs; par la souplesse de son fonctionnement recherchant l’équilibre « efficient » entre le besoin d’une structure formelle efficace et la fluidité « fonctionnelle » des échanges informels dans lesquels les rapports interpersonnels sont déterminants; par sa perméabilité à l’influence de l’ensemble des acteurs impliqués;
− l’originalité d’un tel système, inscrit dans la mouvance de la nouvelle démocratie participative, vient de la place occupée par la participation citoyenne, dépendant des moyens déployés pour qu’elle soit effective et représentative. Il peut permettre aux acteurs citoyens de devenir, sur une base institutionnalisée, des genres de témoins, « jurés » ou même régulateurs des rapports inter-‐organisationnels et de la capacité des organismes institutionnels et communautaires à répondre aux besoins de la population. La représentation de la population dans les conseils d’administration des organismes institutionnels est toujours sollicitée, mais devient de plus en plus réduite et orientée sous l’influence grandissante de la nouvelle gestion publique;
− tout en étant, comme instance locale de RUI, d’ATI ou de RI, acteur organisationnel mandaté par ses partenaires et bailleurs de fonds pour assumer des fonctions de cadre de partage d’informations sur les projets des acteurs et parfois de support à l’articulation et à la réalisation de projets communs, un SACL fonctionnant en réseau peut contribuer à développer un mode permanent et structuré de délibération publique. Il permet ainsi, de façon régulière ou sporadique, la mobilisation des acteurs locaux dans une démarche systématique et ouverte de planification stratégique d’un territoire reconnu comme base commune du cadre d’intervention rassemblant les acteurs. Cela peut permettre de transcender les frontières des territoires administratifs souvent différenciés des organismes institutionnels par leur ralliement au territoire défini par le projet collectif.
Par ailleurs, par définition, un tel système ne peut exister sans rapports de tensions entre ses constituants internes et avec les composantes externes auxquelles il est relié. Selon l’étude du CREXE, et en continuité avec les propositions de Lachapelle avancées plus tôt, son développement repose : d’une part, sur la qualité du leadership qui l’anime, celui-‐ci venant de la ressource professionnelle d’accompagnement et de la capacité d’initiative des membres de l‘instance locale; d’autre part, sur la qualité de la mécanique de concertation mise en place. Cette qualité de concertation repose sur la capacité de consensus dans la prise de décisions dans le cadre de rapports de coopération inévitablement conflictuelle. Cette capacité de concertation est le résultat de l’investissement que les acteurs sont motivés à y faire, en misant sur les réseaux des participants et sur les contacts
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personnalisés, reconnaissant finalement la justesse du diagnostic que la démarche de planification a permis.
Le mode de structuration ou le rattachement institutionnel est aussi facteur déterminant du rôle et de la place qu’on reconnaît à ce nouvel acteur local. Il peut prendre diverses formes: -‐ être constitué comme une instance dépendante, ou au contraire isolée – et négligée –
des autorités politiques locales (arrondissement ou MRC); -‐ être un OBNL relativement autonome, constitué à cette fin spécifique; -‐ être reconnu comme nouvelle table de concertation créée suite à un mandat de gestion
confié à une institution locale (CDEC, CLD); -‐ ou encore à une table locale déjà implantée et reconnue dans le milieu.
Quel que soit le statut accordé à l’instance locale et son rattachement, toute démarche de revitalisation ou développement intégrée qui veut durer et réussir doit se définir dans un rapport de relative autonomie et en même temps de complicité et de complémentarité dans ses interfaces avec le pouvoir politique local et aussi avec les organismes partenaires dont les ressources et expertises professionnelles souvent sous-‐utilisées. Ce qui suppose – et génère – un changement de culture politique, organisationnelle et même professionnelle, de même que de nouvelles règles et processus éthiques de collaboration. Cela peut se réaliser par le passage à l’action autour de projets communs définis par les besoins de la population, considérée moins dans des rapports de clientèle électorale ou de groupe cible de programme ou d’organisation, et davantage par l’identification au territoire et la citoyenneté active.
4.6. Les résultats Il est bien sûr impossible de rendre compte des nombreuses réalisations des démarches que nous associons à cette approche. Dans le cas des démarches identifiées de revitalisation qui se sont déployées depuis parfois plus de 15 ans, la consultation des rapports d’activités et de d’autres documents officiels ou officieux permet d’en voir l’évolution au plan des multiples réalisations terrain comme à celui du cheminement de la démarche. Celle-‐ci a évolué en général vers un ancrage consolidé, plus solide et diversifié, dans le territoire d’intervention. Cet ancrage se traduit, d’une part, en termes de partenaires associés, de thématiques d’intervention et de mobilisation autour de projets qui amènent des ressources nouvelles ou qui constituent des réponses plus adaptées aux besoins de la population locale du fait de l’action concertée des services institutionnels; d’autre part, l’ancrage génère des façons nouvelles d’aborder l’action collective, en général sous la forme d’un processus de planification stratégique de territoire amenant à un projet collectif mobilisateur.
Dans le cas des démarches de type ATI qui ont une existence relativement récente et une durée ce vie plus courte, il est difficile de mesurer les résultats des projets initiés à travers
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le 1’ Plan de lutte à la pauvreté, les évaluations internes du MESS n’étant pas diffusées. Dans le cas des projets plus récents, on doit retenir qu’ils ont dépassé l’étape du diagnostic et de la planification, l’étape de la mise en œuvre des plans d’action suscitant la mobilisation des acteurs partenaires dans des actions faisant, dans certains cas, appel à une mobilisation citoyenne.
Dans le cas des RUI, nous disposons d’une évaluation élaborée (CREXE, 2010a, b, c), réalisée en 2009, portant surtout sur les processus mis en œuvre dans 5 démarches depuis 2003. Cette évaluation conclut que, à défaut de pouvoir mesurer l’impact des RUI sur le développement des territoires d’intervention – ce qui n’était pas dans le devis, et n’était guère possible considérant la perspective de long terme avec laquelle on peut apprécier l’impact concret de ces démarches –, celles-‐ci ont « accompli le mandat qui leur a été assigné, à des degrés variables d’intensité et de créativité », dépendant des périodes et des stratégies d’implantation, et ce
même si les comités doivent mettre en œuvre des processus, notamment la concertation, que les administrations publiques ont, elles-‐mêmes, de la difficulté à réaliser sur d’autres plans, et même si la portion des ressources allouées spécialement à la RUI est minime si on la compare à l’ensemble des ressources publiques utilisées dans chacune des zones. (CREXE, 2010b : 12)
De cette évaluation sur les processus des RUI, nous pouvons dégager des éléments pertinents pour l’ensemble des démarches, dont des pistes pour leur viabilité et leur réussite. Celles-‐ci sont confrontées à des dilemmes qui les amènent à faire des choix déterminants de leur identité et de la façon dont ils vont articuler la « synergie » des processus qui peuvent les constituer en système plus ou moins fonctionnel d’action collective locale. Ces dilemmes sont de 4 types :
1. dans les représentations qu’elles se font de leur vision du développement (social, urbain, économique, durable…), de leur statut (programme, projet, politique, stratégie…) et de leur approche d’intervention et stratégie de mobilisation (petits projets et petits pas, projets significatifs marquants…);
2. dans le design organisationnel, soit le rattachement institutionnel (autonome, avec liens fonctionnels aux autres, intégrée à une instance de concertation existante, dans le respect de la représentativité et de la capacité d’influence des acteurs concertés), l’étendue des fonctions assumées (concertation et planification, prise en charge ou appui à la mobilisation et réalisation de projets), la stabilité et continuité du financement de la démarche et le positionnement face aux projets locaux d’intervention à reconnaître et financer, l’échelle spatiale de couverture de l’instance locale (petits territoires avec efforts et projets concentrés, zones vastes pouvant compter sur un bassin large et établi d’acteurs et de réseaux);
3. dans le fonctionnement et les opérations, soit les modes de relations entre les
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acteurs (complaisance et relations en vase clos, interpellation mutuelle en regard de la contribution aux projets, à la démarche et à la transformation du quartier); le leadership centralisé ou partagé; le choix tactique des projets selon, d’une part, des critères fonctionnels de rapidité d’exécution ou d’illustration symbolique et de contribution au processus global de la démarche, ou selon, d’autre part, leur finalité, soit la contribution au sentiment d’appartenance locale, soit leur efficacité en terme de modification des conditions de vie;
4. dans les rapports de pouvoir non liés à la compétition politique partisane, mais qui sont quand même présents entre acteurs engagés dans les RUI, bien que chacun y soit à titre individuel et que l’action collective soit définie par un parti pris pour les citoyens. Ces rapports affectent les groupes agissant à différents niveaux :
-‐ le local versus le central (la ville, la MRC), notamment par les tensions vécues au-‐niveau budgétaire;
-‐ à travers un discours et une pratique identifiant des camps aux besoins opposés (par exemple le réseau public et le milieu, vus comme personnages unifiés malgré leur diversité respective) et l’imbrication de leurs relations réciproques au plan administratif et politique, ces postures servant à justifier une pensée distincte et le droit de la faire valoir;
-‐ entre le secteur communautaire, surtout les OCA de services et les autres acteurs associatifs locaux, ce qui, parfois, soulève dans le milieu la question de la légitimité de la représentation communautaire;
-‐ et enfin les citoyens par rapport aux « autres » acteurs auprès de qui ils ne se sentent pas toujours bienvenus et parfois instrumentalisés.
Pour résoudre ces dilemmes, on doit pouvoir compter sur un leadership de compétence : Ces tensions, souvent larvées, exigent de la part des leaders dans les RUI un haut niveau d’habileté politique générale. Elles s’apaisent plus facilement si les partenaires placent le mantra collaboratif commun avant leur réussite personnelle : nous sommes ensemble d’abord pour changer la situation du quartier, en faveur des citoyens et grâce à eux … et le changement dans le quartier facilitera l’exercice de nos missions respectives. (CREXE, 2010a : 175)
En évaluation globale, on voit une expertise en émergence dans les RUI, d’abord en regard de la délibération démocratique, au plan de leur capacité de pouvoir dégager une vue d’ensemble du quartier, ce que les administrations publiques ne réussissent pas lorsqu’elles n’agissent pas ensemble. Cette vue d’ensemble est possible par le fait de faire apparaître le territoire dans tous ses attributs collectifs et leurs interrelations, et de permettre que les vues partielles soient « remises en perspective en fonction de l’expérience unifiée de la vie des résidents dans le quartier ». Ensuite, par la perspective (en ébauche, souligne-‐t-‐on) du
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dévoilement et de la mise en relation de l’ensemble des actions prises par les divers types d’acteurs dans le quartier. D’autre part, la mobilisation citoyenne amène non seulement plus de citoyens dans les discussions et débats sur l’avenir du quartier ou de certains projets, mais ceux-‐ci sont aussi mieux préparés pour y participer, ce qui les amène à contribuer à la co-‐construction des politiques pour le quartier.
Les RUI ont en outre développé une expertise au niveau de l’action, en étendant « la portée des interventions des divers acteurs », notamment des organismes publics en facilitant la mise en contact des personnes avec les ressources, de sorte que « les programmes rejoignent effectivement le plus grand nombre de bénéficiaires potentiels » augmentant d’autant « les bénéfices que les citoyens, notamment les plus pauvres, peuvent retirer de leur quartier » (CREXE, 2010a : 179).
La valeur ajoutée que l’expertise RUI peut créer dans l’interface administration /citoyens tient à la combinaison des processus que la démarche RUI expérimente. Cette combinaison repose fondamentalement sur une mise en relation de groupes, de citoyens, de problématiques. Et cette mise en relation se fait sur une base interpersonnelle.(CREXE, 2010a : 180)
Pour assurer la viabilité de ces expertises en émergence, certaines conditions sont dégagées, qui touchent autant l’instance responsable de la démarche, que les partenaires qui la soutiennent :
− que les ressources prévisibles et significatives soient rendues disponibles, assurant comme un pré requis la présence d’un noyau de ressources humaines compétentes;
− que les démarches soient appuyées par des ententes partenariales de longue durée, favorisant chez les acteurs mobilisés « un engagement profond dans l’atteinte des résultats ultimes ou intermédiaires » (Idem : 182);
− s’assurer de garder dans l’instance locale une attitude stratégique de neutralité « pro-‐active » ou de « proximité distante », soit la distance permettant de ne pas être inféodé à un partenaire, et de pouvoir agir dans « un rôle de fiduciaire dédié aux intérêts collectifs » (Idem), légitimé d’interpeler chacun des partenaires dans sa contribution à la démarche et aux projets;
− le passage d’une culture administrative institutionnelle qui mène à diriger l’action, à une approche de soutien à l’action collective : d’abord en changeant la façon de concevoir la performance, en priorisant la performance collective avant la performance organisationnelle; ensuite en changeant le rapport au temps pour s’inscrire dans la durée :
…la performance collective se mesure dans la durée et pas seulement dans l’instantanéité, d’autant plus que la maturation de la capacité d’agir est un lent processus, ce qui suppose non seulement des changements dans les
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façons de voir certaines interventions, mais aussi dans les procédures de programme, en particulier budgétaires. (CREXE, 2010a : 183)
Ces conditions de viabilité n’assurent cependant pas la réussite d’une démarche, qui dépend de plusieurs facteurs contingents, soit endogènes soit exogènes. D’une part, les facteurs endogènes, ceux qu’elle peut contrôler par sa capacité à retenir des solutions adéquates « face aux différents dilemmes […] et les compétences individuelles et collectives nécessaires pour la conduite du projet » (Idem). Ces solutions reposant sur l’adéquation entre les choix sur les dilemmes et les circonstances sont présentées en synthèse dans le tableau en annexe 8 qui permet de mettre en évidence les variables à considérer «dans l’analyse de correspondance pour chacun des dilemmes » (Idem). On comprend que ces choix supposent un jugement à la fois intuitif et « professionnel », et aussi éthique, soit la capacité de mettre en interaction l’évaluation rigoureuse et participative des besoins de développement du territoire avec l’état des ressources disponibles, déterminées par la mobilisation effective des acteurs : plus le champ d’action de la démarche est vaste et la perspective est globale, en conformité avec l’état des problématiques du milieu, plus le noyau d’acteurs mobilisés doit être diversifié et impliqué.
Ce qui suppose une large réserve de compétences individuelles: L’équipe responsable de la RUI doit posséder tous les talents d’un gestionnaire chevronné, mais exercés dans un contexte inhabituel, soit celui d’une collaboration interorganisationnelle peu formalisée où sont présents des citoyens : communication interpersonnelle et facilité de mise en réseau, habileté politique, vision, esprit entrepreneurial, gestion de projet, habileté combinatoire pour la synergie entre diverses ressources, leadership…. Cette liste représente un énorme défi quand on sait que l’équipe est très restreinte, à une personne même dans certains cas. (CREXE, 2010a : 185)
et aussi des compétences collectives : « savoir coopérer, intelligence territoriale, capacité de maillage croisé entre tous les intervenants, gouvernance vigilante… » (Idem).
Il y a, d’autre part, des facteurs exogènes que le système local ne peut contrôler, issus d’évènements imprévus et de décisions d’autres acteurs locaux, le plus souvent des investisseurs privés, et aussi des choix publics des gouvernements supérieurs au plan des infrastructures locales, quand ce n’est pas lié à des facteurs moins évidents comme les données culturelles (mentalités, habitudes) et la mobilité intra ou extra territoriale.
En conclusion à ce bref regard sur les retombées de ces démarches, il nous semble intéressant de revenir aux propos de la 1’évaluation de l’équipe INRS (Divay et al., 2006) pour mettre dans une perspective plus modeste les leçons qu’on peut en tirer, la question des facteurs de réussite ne pouvant selon eux être abordée sous les traits de la scientificité des données probantes :
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Pour y répondre, il faut […] changer de registre : -‐ quitter le terrain des données probantes puisqu’aucun résultat d’évaluation
ne permet d’établir un lien systématique entre un ensemble intégré d’actions et un résultat collectif global (les relations entre une action ponctuelle et un objectif très spécifique sont parfois moins équivoques) ;
-‐ se risquer sur le terrain de l’opinion, même si elle est tempérée par les constats positifs et négatifs et par les mises en garde et les questionnements contenus dans les rapports d’évaluation.
Les approches de revitalisation urbaine intégrée partagent quelques caractéristiques communes, mais, sur le terrain, elles se concrétisent par des expériences extrêmement variées. Et, comme nombre d’évaluations soulignent l’importance des facteurs locaux, il serait tentant de tomber dans le relativisme : il y a potentiellement autant de facteurs de réussite que d’expériences réussies. Pour parler de facteurs de réussite, il faudrait pouvoir dégager des traits communs aux contextes, aux conditions locales, aux stratégies et aux résultats (au moins à chacun des domaines et, idéalement, à tous ces domaines en même temps). On l’a mentionné, ni les évaluations rigoureuses ni les inventaires de bonnes pratiques ne fournissent une recette standardisée expliquant comment procéder dans des circonstances données. Les ingrédients sont standards (types de mesures utilisées ou d’activités menées, formes de mobilisation), les effets, fort variables. La recette de réussite reste, à ce stade des recherches et des évaluations, un art local. (Divay et al., 2006 : 160)
Malgré cette réserve, on se livre quand même dans ce rapport à l’énoncé de 12 « préceptes » inspirés par « le constat qu’une réussite est l’art de composer localement avec toutes sortes de tensions, de polarisations » et qui « semblent baliser les voies des expériences les plus réussies » (Idem). Nous y retrouvons là dans une formulation imagée ce qui nous semble constituer une belle synthèse des paramètres d’une bonne pratique « réussie » en développement territorial intégré ou encore des meilleurs processus (Green, 2001). Nous les désignons ici par leur énoncé nominatif sommaire (en renvoyant le lecteur à leur explicitation complète reproduite à l’annexe 9) :
Le juste équilibre local : combinaison bien dosée des ingrédients de l’approche intégrée ; La patience exigeante : savoir composer avec la longue durée, selon les secteurs d’intervention ; La constance adaptative ou le soutien public assuré dans la longue durée, dans le respect de l’évolution différenciée des démarches ; La modestie ambitieuse ou une vision holistique qui sait se modérer et s’ancrer ; L’assurance inquiète : confiance aux convictions ou croyances, plus qu’aux données probantes, mais le doute méthodique propre à la démarche expérimentale reste un atout ;
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Le ciblage contextualisé : viser des cibles précises, basées sur des convictions, mais qui doivent être justifiées par les résultats directs (dans le secteur) ou indirects (dans d’autres secteurs) qu’on escompte de leur mise en œuvre ; L’appropriation généralisée des biens collectifs locaux : les retombées (sentiment de sécurité, image de marque, dynamisme économique, solidarité, qualité visuelle…) résultent de l’agrégation synergique (pas seulement additive) des effets croisés de multiples comportements sectoriels individuels et organisationnels ; L’extraordinaire dans l’ordinaire : une expérience réussie de revitalisation urbaine intégrée débouche sur une gestion courante intégrée de la ville ; Le leadeurship (sic) entrepreneurial démocratique : exercice délicat, car les partenariats vivent de fait une dynamique politique (au sens large), le leader efficace propose sans imposer ; La capitalisation à tous les niveaux : au niveau de l’individu (citoyen ou corporation), des associations et des institutions ; Le localisme ouvert : l’art de la réussite consiste à faire converger les forces locales vers une ouverture systématique sur l’extérieur et à tenir compte des tendances externes qui influencent le sort du quartier ; La personnalité collective au service des personnes : une expérience de RUI ne peut être réussie que si on accorde autant d’importance à la personnalité collective du quartier qu’aux personnes qui y habitent (pour quelque temps ou durant toute une vie). (d’après Divay et al., 2006 : 160-‐165)
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5. LES PRATIQUES DE DÉVELOPPEMENT INTÉGRÉ : LEUR SPÉCIFICITÉ ET LES PERSPECTIVES POUR LE DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS
Le tour d’horizon que nous venons d’effectuer montre que des pratiques de développement intégré ayant cours au Québec ont de lointaines racines aussi bien ici qu’ailleurs. Elles s’inscrivent donc dans la continuité en même temps que dans le renouvellement de pratiques citoyennes et d’initiatives publiques toujours nécessaires pour réagir collectivement aux problématiques complexes et lourdes d’appauvrissement et de revitalisation de communautés locales. Elles sont aussi le fait de nouvelles façons de faire la planification du développement ou de l’aménagement du territoire (urbain et rural), abordée sous un mode participatif ou collaboratif, avec une vision plus ou moins globale et une approche intégrée. Elles ont comme caractéristiques communes de devoir s’appuyer pour se déployer vraiment – dans la longue durée qu’elles exigent – sur une jonction des logiques d’action locale ou communautaire et institutionnelle de programme, menant à la constitution d’un système d’action collective locale générateur d’un projet collectif mobilisateur.
Présentent-‐elles pour autant les éléments d’une approche et de modèles de pratique relevant du développement territorial intégré (DTI)? Dans le cas des pratiques de revitalisation intégrée (RI) cela semble beaucoup plus évident. Mais, dans le cas des pratiques de type ATI et RUI, il apparaît présomptueux de le conclure, considérant que nous ne disposons pas de données empiriques permettant de vérifier et valider l’adéquation effective entre le « discours » développé et la pratique réelle observable en regard de la diversité de démarches recensées sous formes d’initiatives, stratégies et programmes porteurs de ce discours que nous avons associé au développement territorial intégré.
Il nous semble quand même que la documentation produite, tirée pour une bonne part d’expériences terrain observées et évaluées, nous permet d’avancer qu’à certains égards on peut le voir ainsi. Les principes et valeurs qu’on y met de l’avant, de même que la vision de développement et les processus généralement reconnus comme orientations et modes de l’action collective locale nous semblent y contribuer. Pour correspondre à cette approche, la principale caractéristique d’une démarche locale, quelle que soit son origine, pourrait s’exprimer par sa capacité de réunir les conditions permettant de produire une « synergie des processus » de développement, laquelle synergie met en mouvement des acteurs collectifs locaux vers la co-‐construction d’un projet collectif de territoire. L’ampleur et le champ d’action couverts par un tel projet collectif ne sont pas prédéfinis, mais plutôt issus d’une lecture concordante des problématiques et des besoins du territoire ciblé et de l’état des ressources locales et extra-‐locales mobilisées et mobilisables dans l’action collective locale.
Les grands traits de ce modèle réfèrent aux principes et balises mises de l’avant par les
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Réseaux québécois de revitalisation intégrée (RQRI) et de développement social (RQDS), de même que par plusieurs analystes sur lesquels nous nous sommes appuyés, dont les 12 préceptes énoncés précédemment. Notre propos n’étant pas ici de le reconstituer dans toutes ses composantes un « modèle » à reproduire dans l’action, – composantes que nous avons développées jusqu’ici en touches successives – ni un guide synthétique, feuille de route d’une démarche collective locale de développement territorial intégré, nous nous limiterons à dégager les grands traits du développement territorial intégré par le sens général que nous accordons à cette appellation :
− Par la dimension territoriale, nous retrouvons la relation de proximité, le sentiment d’appartenance à la fois source déterminante et objectif à développer dans la mobilisation. Nous y voyons aussi cette exigence d’inclusion qui comporte une obligation d’effort (parce que difficile, donc avec des moyens appropriés, du temps et des ressources) et de créativité pour rejoindre les plus isolés et marginalisés; mais aussi pour associer le plus possible le milieu, sur des dimensions de qualité de vie à promouvoir autant que de problèmes à résoudre, dans le respect de la mixité sociale et pour mobiliser toutes les forces dans la définition du bien commun. C’est aussi l’occasion de développer une identité communautaire globale qui dépasse les identités individuelles et collectives, d'intérêts catégoriels et de « clientèles », tout en les englobant, mais qui permet de bénéficier de l’expertise que permet la participation citoyenne, renforçant le sentiment d’appartenance et construisant l'identité territoriale.
− La dimension développement est centrale par le poids ou le sens qu’elle donne à l’action : la lutte à la pauvreté individuelle et collective en est un élément important, mais par sa relation au territoire vécu, c’est aussi le renforcement de la capacité du milieu (community building) qui est recherché, à travers toutes les dimensions qui déterminent la qualité de vie. Mais c'est aussi la globalité de la vision du développement, pas nécessairement défini par la recherche de croissance économique du modèle capitaliste, mais davantage dans une perspective durable ou soutenable, à la recherche d'alternatives où les volets de l'économique, du social et de l'environnement s'articulent à travers des projets faisant appel à l'économie plurielle : intervention publique, initiative privée et économie sociale. À ces volets classiques, on associe de plus en plus le culturel, comme levier pour amorcer l’action sur des terrains neutres et favoriser l’appartenance, et le politique comme outil incontournable pour se donner des modes de gouvernance locale partagée (démocraties participative et représentative combinées) facilitant les débats et les décisions sur les orientations, axes d’action et objectifs d’un projet collectif (bien commun) et l’exercice d'une culture politique locale renouvelée.
− Par la dimension d’intégration : c’est bien sûr le défi majeur de l'articulation et de l'arrimage des différents volets du développement durable à opérationnaliser dans un
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projet collectif local, en particulier l'intégration du social, de l'économique et de l’environnement, du privé et du public; mais c'est aussi le défi de la capacité de l'acteur collectif local de se positionner et d'agir à l'intérieur de et face aux ensembles plus vastes dont il est partie au plan géographique, politique, administratif, économique, etc., et dont les sphères d'activités s'interpénètrent. On va jusqu'à évoquer le lien étroit entre le local et l'extra-‐local par le néologisme du « glocal » : « Le global n’est pas seulement ailleurs, il est vécu localement et, inversement, le local est facilement projeté ailleurs. Le local devient présent en toutes choses, même dans les relations internationales » (Divay, 2009 : 187). C'est encore la finalité de l’action collective locale à long terme, qui s'exprime dans le projet collectif issu de la mobilisation, de la dynamique de la concertation et d'apprentissage collectif que permet l'intersectorialité. Cette finalité peut être parfois très large et globale, traduite dans un projet de territoire, mais elle est aussi parfois plus limitée, comme les pratiques de concertation visant le partenariat comme projet collectif. Par delà des effets de gain d’efficacité dans l’offre globale de services, ces initiatives de partenariat, par l’effet d’une meilleure connaissance et reconnaissance mutuelles des acteurs, des problématiques et du territoire, peuvent éventuellement produire une synergie ou « densification institutionnelle » (Klein, 2011) menant à une vision et à des stratégies de développement de l’ordre d’un projet de territoire. L'intersectorialité ainsi comprise et assumée amène les institutions publiques à dépasser le volet services de leur mission et à se positionner comme partenaires de la prise en charge par la communauté de son sort collectif, dans des rapports de réciprocité et d'égalité avec les autres partenaires, subordonnant sa vision « clientèle » à l'identité citoyenne et aux problématiques communautaires.
À ces dimensions de contenu interreliées et complémentaires comme les 3 piliers d’une table en triangle, nous ajoutons les volets de méthodologie générale qui en constituent et alimentent la dynamique de mouvement. Par le jeu des processus qui la mettent en action et, par sa portée ou son ampleur, le DTI peut à la limite s’apparenter à une pratique de mouvement social, à tout le moins dans une vision globale et à long terme. Cette dynamique suppose le recours à un modèle d’action qui en soit le véhicule et la boussole, mais, tout aussi important, on doit pouvoir le combiner à un modèle pédagogique, soit l’effet de la synergie des processus permettant de générer un apprentissage collectif.
Cette méthodologie générale combine à la fois des aspects de méthodes faisant appel à un grand processus d’animation (genre Roue du développement) et de planification (stratégique de territoire), et de stratégies favorisant la « synergie des processus » (concertation et intégration, mobilisation et apprentissage collectif) menant à la production d’un nouvel acteur collectif local. La portée peut s'inspirer ou rejoindre une vision de développement alternatif au modèle dominant et de lutte pour le changement social vers plus de justice et d'équité pour les communautés appauvries et les catégories sociales
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marginalisées, ou encore par exemple lorsqu'elle inscrit le projet de développement local et ses caractéristiques distinctives dans la recherche d'une alternative ou d’une opposition à la mondialisation néolibérale et à l'État désengagé de la nouvelle gestion publique.
5.1. Des pratiques difficiles, des ressources adaptées Par delà ces aspects théoriques, on doit reconnaître que les pratiques que nous avons voulu décrire sont exigeantes et difficiles, initiées pour faire face à des problématiques lourdes et complexes, et réalisées dans des contextes d’intervention « inhabituels » pour ne pas dire inédits, marqués par la multidimensionalité (niveaux, sphères, secteurs, acteurs), la longue durée et la continuité aléatoire de l’action collective locale.
Lorsqu’elles émergent de l’initiative locale, elles ont la force de l’autonomie et de la créativité de la mobilisation parfois portée par des projets et des acteurs inspirés par une vision forte du développement de la communauté et une capacité de leadership rassembleur. En contrepartie, elles ont la faiblesse des moyens (ressources financières et compétences disponibles localement pour les supporter, dont l’accompagnement). Elles doivent aussi composer avec les contraintes règlementaires des programmes sectoriels et les cultures organisationnelles et politiques à changer qui font souvent partie des problématiques locales (autant que des solutions) sur lesquelles on veut agir.
Lorsqu’elles sont issues de programmes ou d’initiatives descendantes ou exogènes, publiques ou privées, qui se présentent souvent en mode de valorisation de l’action collective concertée, elles apportent des moyens financiers et techniques voués explicitement à la mobilisation des acteurs locaux avec des valeurs et approches en principe favorables au respect des dynamiques locales. Mais c’est encore souvent la culture institutionnelle et gestionnaire qui peut avoir tendance à dominer dans cette action publique de soutien, soumise aux impératifs de la performance organisationnelle à court terme, perpétuant la logique bureaucratique et sectorielle de programme et le leadership d’autorité sur et dans l’action collective locale.
Cette culture bureaucratique de l’action publique et privée pèse d’autant plus lourd que, par delà la faiblesse relative des moyens accordés et les conditions de leur affectation, sur le terrain, on ne perçoit pas de la part des autorités politiques et administratives responsables de ces stratégies et programmes une réelle volonté d’adhésion et de support aux approches intégrées de l’ATI et de la RUI, telles que mises de l’avant dans le discours. La multiplication des politiques, mesures et programmes récents, destinés à des clientèles-‐cibles (famille, jeunesse, aînés…) ou à visée sectorielle (saines habitudes de vie, lutte à la pauvreté, persévérance scolaire…) confirme que l’action publique continue non seulement d’être conçue en silo, mais aussi gérée dans la logique de programme obéissant à la culture et à l’autorité plus ou moins exclusive d’un ministère dont la logique d'action sous-‐jacente obéit à des principes de la nouvelle gestion publique faisant trop souvent des acteurs locaux des
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auxiliaires ou des exécutants des stratégies sectorielles conçues et dirigées par en haut. Les stratégies ou programmes faisant appel à la concertation inter ou multisectorielle thématique (ex. décrochage scolaire, obésité, pauvreté, violence...) ne sont-‐ils pas souvent des appels d'un secteur à la mobilisation des « partenaires » susceptibles de l'aider à régler le problème qu'il ne peut résoudre seul, mais qu'il continue à définir selon ses paramètres sectoriels?
Cette tendance lourde nous est confirmée dans une étude récente sur le projet Communauté Ouverte et Solidaire pour un Monde Outillé, Scolarisé et en Santé (COSMOSS), issu d'une mobilisation d'acteurs institutionnels et communautaires à l'échelle de la région du Bas-‐Saint-‐Laurent (Lachapelle et Bourque, 2011). La démarche a été initiée grâce à l'engagement financier et l'implication administrative et professionnelle de 5 organismes publics réunis en comité régional de concertation, et déployée dans les 8 territoires de MRC où un comité local a pu gérer localement la démarche avec le soutien professionnel d'un agent de liaison. Ce projet vise à « améliorer la continuité, la complémentarité et la cohérence des services offerts aux jeunes » par la mobilisation et la continuité dans les territoires locaux et par la mise en réseau des intervenants, l'expérimentation du travail de rue et l'intégration des ressources de la Fondation Chagnon (FLAC) aux tables locales. Cette action intersectorielle thématique prenant le territoire comme cadre et non comme objet d'intervention a présenté des résultats intéressants en regard des objectifs poursuivis. Ainsi, on a pu améliorer les relations inter-‐organisationnelles au plan régional et accroître au plan local la synergie entre intervenants par des rapports de confiance réciproque ayant permis de briser les silos dans la recherche partagée « du bien commun des jeunes ». Cela a été possible grâce aux marges de manœuvre laissées à chaque territoire et au rôle déterminant des agents de liaison. On a quand même constaté que la place prépondérante faite aux approches programmées a imposé des contraintes supplémentaires de gestion et de redditions de comptes aux initiatives locales déjà en place et, dans certains cas, de nouvelles instances de concertation, alourdissant ainsi le processus de concertation locale. Le rôle des agents de liaison, déterminant parce que défini dans des rapports locaux de confiance permettant de combler le flou des structures d'encadrement, a été modifié par les règles de gestion des bailleurs de fonds qui ont en quelque sorte bousculé leurs fonctions de coordination mutuellement convenues entre acteurs locaux, et affecté leurs choix organisationnels. En outre, dans certains cas, on a exigé l'ajout d'agents spécifiques à de nouvelles instances, négligeant les ressources déjà en place, accroissant d'autant le nombre, la complexité et la lourdeur des processus de concertation.
Pour éviter la multiplication des processus et actions sectorielles au plan du territoire local où l’action doit se définir et se réaliser, les acteurs et instances locales sont amenés à relier et intégrer ce qui en haut lieu, au vrai niveau du pouvoir (l’argent et la sanction), tout continue d’être compartimenté. Les « enveloppes » qui leur sont transmises, sont
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applicables sur leur territoire le plus souvent selon des « ententes spécifiques » qui reproduisent les exigences sectorielles de reddition du ministère d’origine. Dans les ententes RUI et ATI qui impliquent les Forums Jeunesse et le Secrétariat à la condition féminine, par exemple, on associe en préalable des objectifs spécifiques à ces « clientèles » et non comme la résultante de l’état des besoins dégagés par un portrait de territoire. Pourrait-‐on imaginer que ces ressources publiques ou privées de soutien à visée sectorielle puissent être reliées ou intégrées, sinon au niveau central, à tout le moins au plan régional (par le filtre des CRÉ ou un autre), en une grande politique de soutien au développement local respectant les principes et balises de soutien au développement territorial intégré (DTI)? C’est ainsi, selon Lionel Robert (2005), qu’on concevait la transversalité avec laquelle on devait intégrer dans les programmes gouvernementaux la politique et les stratégies de développement social issues du grand Forum de développement social de 1998.
Peut-‐on espérer réconcilier ces dynamiques à tout le moins paradoxales de l’action publique et de l’action locale, présentées ici de façon un peu caricaturale, mais qui illustrent bien les défis qu’elles présentent aux acteurs de tous les niveaux? En rappelant certaines conditions de viabilité et de réussite et d’autres variables présentées dans ce texte, nous pouvons évoquer ces principaux défis qui orientent en quelque sorte les efforts qui devraient être déployés au plan de la réflexion et de l’action pour « changer les choses ».
5.2. Approche, stratégie, programme... même combat? La particularité des pratiques que nous avons recensées, apparentées au DTI à des degrés significatifs mais inégaux, tient dans ce que celles-‐ci s'actualisent en 3 niveaux de pratiques:
− inscrites dans une approche définie par une philosophie (valeurs, principes) et des modalités opérationnelles conséquentes, telles que proposées en développement des communautés et en organisation communautaire classique;
− liées à des stratégies retenues pour orienter le choix des cibles (orientations, objectifs) et la mise en place de processus menant à des plans d'action conséquents;
− et en même temps associées à des programmes de soutien à des projets locaux et régionaux, avec les inévitables normes et règles d'allocation de fonds et de reddition de comptes.
Si sur le plan conceptuel il est relativement simple de départager ces niveaux de pratiques et de projeter schématiquement leur mise en synergie dynamique permettant de situer programme et stratégie en mode de soutien à l'approche, il est beaucoup plus difficile d'articuler l'hybridation des logiques paradoxales (ascendante et descendante) qui alimentent et structurent les démarches sur le terrain. En somme, la pratique de DTI interpelle l'ensemble des acteurs collectifs locaux et extra-‐locaux qui en sont les « artisans-‐
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bricoleurs-‐patenteux », qui sont en mode d’innovation sociale, et qui sont confrontés à un certain nombre de défis que nous nous permettons d'esquisser en guise de perspectives pour la recherche et la pratique.
5.3. Intégration et adaptation des programmes Les politiques et stratégies publiques récentes qui veulent favoriser le développement des communautés (Politique nationale de la ruralité, Plan d’action gouvernemental pour les municipalités dévitalisées, Stratégie pour assurer l'occupation et la vitalité des territoires, Programme national de santé publique, etc.) misent sur la coordination ou l'intégration des programmations et plans d'action sectoriels dans un plan d'ensemble à définir pour un territoire donné, à travers des mécanismes de concertation intersectorielle thématique ou territoriale dont la forme la plus avancée et élaborée pourrait se traduire dans un « contrat de territoire » (MAMROT, 2011). Ces intentions sont certes louables et nécessaires, mais pour dépasser le simple niveau de la gestion coordonnée de programmes et projets sectoriels additionnés dans un plan d'action commun, un certain nombre de conditions sont requises, dont bien sûr au premier chef la volonté et la capacité d'apprécier au préalable les problèmes et besoins de même que les forces et faiblesses des communautés visées à partir du terrain, dans une forme de « planification stratégique » de territoire permettant la configuration de la situation avec les partenaires locaux et leur apprentissage et appropriation de la démarche. Démarche conçue initialement à l'échelle d'une entreprise ou organisation, la planification stratégique de territoire impose des modes très différents de par la portée de son objet, ses perspectives et sa durée. Il faut aussi être prudent dans le choix de l'approche dont on s'inspire en gestion des organisations, pour éviter de reproduire le biais des stratégies de programmes standardisés (Mintzberg et al., 2005 ; Mintzberg, 2004).
La disponibilité de programmes et d'enveloppes permettant de supporter des projets nouveaux (ex. en éducation, santé, logement, emploi, rénovation du bâti, etc.) est certes nécessaire, pour autant que ceux-‐ci soient choisis et réalisés dans une intentionnalité ou un focus de contribution ou d'effet de levier structurant pour l'atteinte des objectifs à long terme, dont la construction du leadership nouveau, d'une démarche productive de capital social et d'identité territoriale positive. Mais pour ce faire, une démarche de DTI suppose davantage de la part de tous les acteurs, dont la capacité des acteurs institutionnels de revoir et situer leur approche et activités régulières de programme en fonction de l'espace local et non plus seulement du groupe clientèle, se laissant interpeler par la vision du devenir souhaité de la communauté pour établir leur contribution à sa réalisation. C'est ce que l'Aspen Institute retient de l'analyse récente des Comprehensive Community Initiatives en misant sur une « théorie » explicite et partagée du changement souhaité. En d'autres termes, par delà la quantité « d'efforts programmatiques » nouveaux requis pour aider les communautés dévitalisées ou appauvries à se revitaliser, c'est aussi la façon de
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définir et d'aborder les pratiques de livraison de services publics en fonction de la dynamique communautaire locale qui va permettre de mieux assumer son auto-‐développement.
5.4. La pérennisation de la démarche Les horizons temps d'une démarche de DTI sont de l'ordre 5 à 10 ans, parfois même sur des générations, selon certains auteurs. Se pose alors le défi de maintenir l’impulsion dans la durée considérant les changements inévitables non prévisibles ni contrôlables dans l'environnement socioéconomique et politico-‐administratif; les agendas de courte durée des élus; la relative instabilité des partenaires institutionnels et communautaires, tant du côté des professionnels intervenants que des gestionnaires; la mobilité des résidants dans les quartiers appauvris où l’on constate parfois un renouvellement à 50% sur 3 ans (Kubisch et al., 2010; Divay et al., 2006). Par ailleurs, les fonds externes des programmes ou fondations permettant de soutenir une démarche ne sont pas éternels. Il faut pouvoir assurer la capacité d'autofinancement de la concertation ou à tout le moins demeurer alerte et efficace quant au renouvellement du financement provenant de l'externe pour les projets nouveaux et pour le soutien de la démarche.
Cette perspective soulève l'enjeu de la structure requise pour assurer la continuité de la mobilisation en même temps que le renouvellement et l'adaptation de la démarche en fonction de la capacité d'apprentissage collectif généré et géré par les mécanismes de concertation et les ressources de soutien. Cette structure gagne à être indépendante, c’est-‐à-‐dire de ne pas relever d’un acteur en particulier (CSSS, municipalité, etc.) qui pourrait de son propre chef l’abolir ou l’intégrer comme simple mécanisme participatif de sa mission. Par ailleurs, les acteurs doivent la reconnaître et en être membres sur une base égalitaire. Rappelons aussi qu'une telle structure ne remplace pas les mécanismes existant de la vie communautaire (système politique, réseau associatif et institutionnel, etc.). Elle doit s'insérer comme un « entre-‐nous » facilitant la cohésion, le sentiment identitaire, le capital social, la construction d'un projet collectif issu du débat et de l'action que permet la rencontre de la société civile et des appareils d'État locaux et extra-‐locaux. Pour représenter ce nouveau lieu de rencontre entre le territoire local et les services décentralisés de l'État, qui ont besoin l'un de l'autre dans un rapport de réciprocité, et pour éviter que la décentralisation et les programmes de support au développement local soient réduits à l'instrumentalisation et à la mobilisation au bénéfice des programmes, Divay (2009) parle du territoire local défini par le cadre municipal comme d'un nouveau lieu de « cohabitation étatique » responsable de l'organisation de l'action collective, permettant aux partenaires locaux (politiques, institutionnels, communautaires, privés) « d'investir » dans un projet assurant la permanence du cadre de concertation, appelé à se transformer selon l'état de réalisation de la stratégie de community building et de la théorie du changement, en lien avec la « densification institutionnelle » à laquelle il contribue (Klein,
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2011). Du fait de la revalorisation de la participation citoyenne que permet cette nouvelle forme d'action collective locale contribuant à la constitution d'une intelligence collective « capable de déchiffrer et d'aborder les problèmes sociétaux dans leurs tendances structurelles et leurs manifestations spatiales conjoncturelles », Divay (2009) y voit l'affirmation d'une démocratie de coopérants et Jean (2003) appelle à une « gouvernance solidaire » par opposition à la démocratie de clients que représente généralement la culture politique actuelle de la démocratie représentative. De leur côté, Ulysse et Lesemann (2007) voient ces instances comme des « structures de médiation non-‐étatiques », soit des acteurs de mobilisation dont la fonction est précisément de permettre de gérer les tensions, contradictions et conflits qui ne sont pas éliminés. En devenant sources d'émergence et de construction de nouveaux lieux de sociabilité, ils contribuent à reconstruire le collectif par une approche misant sur la citoyenneté.
Le financement « institutionnalisé » de telles structures et fonctions nouvelles, à inventer par l'expérimentation locale, ne devient-‐il pas un enjeu de l'intervention étatique en soutien au développement des territoires? Ce qui suppose qu'on soit prêt à reconnaître la valeur de ces stratégies de soutien au développement des communautés territoriales par une approche de DTI, que l'on ne peut cependant pas appuyer sur des démonstrations de données probantes ou des règles bureaucratiques pré-‐codifiées. Selon le Aspen Institute, la démonstration de la valeur du community building demeure encore un enjeu fondamental de la pérennisation des CCI.
5.5. La délimitation des frontières du territoire Aborder le territoire local comme un cadre délimité par son aire géographique n'empêche pas d'y voir la reproduction des multiples identités composites de l'individu moderne. Un des principaux enjeux de l'action collective locale est de savoir et pouvoir articuler et intégrer sans les nier les visions et intérêts (catégoriels) liés à ces multiples identités individuelles et collectives au projet collectif local représentant l'expression du bien commun ou de la valeur publique-‐collective. Cette appartenance territoriale est cependant plus facile à saisir et mobiliser en milieu rural, alors que l'environnement physique est davantage déterminant du type et de la qualité des liens sociaux et de l'accès aux biens et services de proximité. En milieu urbain cette distinction territoriale – et son appropriation en vue de l'action collective – est plus difficile. Elle est souvent le fait de traits géographiques particuliers de territoires enclavés ou encore de secteurs ou quartiers « anciens », dont on peut apprécier le caractère de dévitalisation par des critères objectifs (parfois visuels) et les normes connues de défavorisation. Pour certains cela paraît limitatif comme vision de l'état réel des besoins et capacités du milieu de vie. La grande mobilité qui caractérise ces territoires et leur relatif état de désorganisation créent des conditions de départ plus exigeantes que les programmes normés et les institutions extra-‐locales ont de la difficulté à apprécier.
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Par delà ces contraintes, l'enjeu porte aussi sur la place réelle qu'occupe, dans la société moderne, le territoire local ou la communauté géographique dans la structuration des identités et dans l'organisation de la vie quotidienne des résidants. C’est ce que certains ont appelé la mesure de l'effet quartier dans la condition de pauvreté individuelle. Plus encore, comme le remarque l’Aspen Institute, le territoire local avec lequel on intervient détient peu de pouvoir sur son devenir, les contextes urbains et métropolitains étant souvent déterminants au plan économique, politique et administratif. L'influence des nouveaux médias sociaux dans les rapports interpersonnels et la socialisation n'est certes pas à négliger non plus, tout comme l'enchevêtrement du local et du global qu'amène la mondialisation, ainsi que la nécessaire action face à l'État et aux grands pouvoirs économiques sur les enjeux collectifs transversaux mobilisateurs des mouvements sociaux. Bref, le territoire local se présente comme un espace poreux, instable, aux frontières mouvantes, dont la portée parfois très relative est à apprécier. C’est par rapport à cette portée que l’on doit se positionner dans la mobilisation et la concertation.
5.6. Le grand défi de l’accompagnement Pourra-‐t-‐on surmonter le défi majeur d’un financement à long terme des démarches permettant la prévisibilité et la pérennité du soutien professionnel à l’action locale, un financement suffisant pour assurer la disponibilité d’un accompagnement compétent, sans un changement de la culture organisationnelle publique? Certains acteurs institutionnels locaux y verraient un gage d’efficacité accrue pour la réalisation de leurs mandats sectoriels. Ce changement passe par le réel respect, de la part des programmes publics et privés de soutien à l’action collective locale, des principes et caractéristiques d’une approche de développement des communautés qui soit vraiment participative plutôt qu’orientée vers la mobilisation de la communauté aux fins de la réalisation d’un programme. Pour les acteurs communautaires, hormis le problème des ressources qu’on peut y affecter et malgré une affinité naturelle de la culture communautaire pour ces pratiques, le développement territorial intégré (DTI) pose souvent les mêmes défis que pour les acteurs institutionnels, soit de pouvoir combiner les logiques sectorielles dans un projet collectif de territoire intégrant et dépassant la perspective sectorielle. Le rapport du communautaire au DTI soulève par contre l’enjeu particulier de la « coopération conflictuelle » dans un contexte où dans les relations avec l’institutionnel ne se présentent généralement pas dans des rapports d’égalité.
Dépendant des liens de complicité développés sur le terrain, les professionnels du soutien au développement de territoire (agents de développement rural, organisateurs communautaires de CSSS, coordonnateurs de CDC, animateurs de démarches de revitalisation, etc.), peuvent arriver à en promouvoir une certaine conception. En se reliant entre eux à travers des initiatives ou des cadres menant à la constitution de communautés de pratiques articulées au plan de l'intervention territoriale locale, mais aussi aux niveaux
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plus larges de la MRC et même de la région, ils peuvent concevoir et partager une vision et des stratégies communes du développement susceptibles de faire plus facilement émerger des projets collectifs de territoire.
L’accompagnement professionnel performant des pratiques de DTI semble devoir impliquer :
1. la présence d’une instance ou d’une ressource d’accompagnement qui puisse, par analogie aux robots ou outils capables de s’adapter à leur environnement, être « intelligente ». c’est-‐à-‐dire suffisamment proche de la communauté et disponible dans la durée pour initier ou soutenir la mobilisation, fournir l’encadrement de formation et d’animation, assurer une médiation sociale dans l’action multisectorielle territoriale. Cette ressource devrait être capable de produire un soutien de nature interdisciplinaire ou transdisciplinaire qui porte l’action de chacun des acteurs ou partenaires sur un terrain nouveau, caractéristique de la vision et du projet commun que l’action collective doit éventuellement générer ;
2. les règles d’attribution des ressources d’accompagnement provenant des programmes, des projets ou des tables, de même que les exigences de reddition de comptes doivent permettre une adaptation aux réalités locales, s’ajuster à l’état de développement du milieu et le favoriser. Ce qui suppose une perspective de moyen et long terme et des indicateurs de processus autant que de résultats dont une capacité progressive de favoriser l’inclusion des personnes et des groupes marginalisés et la continuité de la mobilisation citoyenne ;
3. une capacité d’adaptation locale des politiques et programmes à la logique « endogène ». Cette hybridation de la logique endogène qui repose sur la mobilisation et l’appropriation par les communautés de la démarche de développement local, et de la logique exogène qui est influencée par les programmes, l’expertise de contenu et le soutien technique et financier en provenance des appareils de planification, se produit lorsque s’installe ce qu'une intervenante a qualifié de processus négogène (Bourque, 2008). Nous retenons ce néologisme pour représenter le DC et le DTI. Un processus négogène suppose des savoirs et des « savoir faire », mais aussi des « savoir-‐être » véhiculant des attitudes et des valeurs qui appellent une éthique de l’accompagnement local. Cette recherche éthique interpelle les intervenants et les organisations. Elle oblige à un questionnement constant en regard des enjeux de la démocratie, de la vision globale et transversale des problèmes et des actions, de même qu’en ce qui concerne l’enjeu de l’exclusion sociale toujours difficile à aborder en DTI. Cette rencontre entre les logiques exogène et endogène dynamise les systèmes locaux d’action collective concertée. Elle permettrait de co-‐construire une logique « négogène » qui demande à être mieux comprise (Bourque, 2008) au profit même des
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programmes et politiques et de la demande sociale d’emprise collective sur le développement des communautés.
5.7. La nouvelle gestion de l'action publique: nouveau paradigme, nouvelle utopie? Rappelons en terminant ce « cadre général audacieux et difficile d'innovation sociale » que nous avons déjà évoqué comme nouveau contexte institutionnel et organisationnel dans lequel se développent et se déploient ces pratiques. Inscrites dans la dynamique du modèle partenarial qui a structuré les rapports sociaux depuis les années 1980 au Québec (Bourque, 2000), ces pratiques représentent des initiatives majeures de changement sociopolitique et organisationnel à deux niveaux. Elles prolongent les innovations fonctionnelles de décentralisation et de partenariat, que la nouvelle gestion publique (New Public Management) a introduites dans la réforme de l'État centralisateur, omniprésent et bureaucratique. Mais en même temps, elles appellent à une rupture avec ce modèle et à un dépassement de ses effets pervers, notamment en ce qui concerne l'incapacité de la logique du marché et du modèle de gestion de l'entreprise privée à prendre en compte l'évaluation et l'arbitrage du « bien public » qu’il revient à l'État d’assurer à travers ses institutions de règlementation, de gouvernance et de livraison de services. C’est précisément ce que le modèle émergent de la nouvelle valeur publique (Public Value Management) vise à compenser (Lévesque, 2012). Ce modèle appelle à un nouveau paradigme de l'action publique relevant d'un « État stratège » qui demeure responsable de la régulation des politiques et de la redistribution des ressources et services tout en établissant les grandes « stratégies » de l'action publique en mode de co-‐production ou de co-‐construction avec les grands partenaires de la société civile (Vaillancourt, 2009).
Les enjeux et défis qui confrontent les pratiques de DTI sont alors d’autant plus grands qu’ils font appel à un changement de paradigme dans la vision du développement et de l’action publique, comme de la culture politique de la démocratie représentative à tous les niveaux. On comprendra que, malgré l'audace et l'innovation qu'imposent parfois la nécessité des problématiques locales et la créativité des pratiques endogènes, celles-‐ci sont d'autant plus difficiles et exigeantes qu'elles se déploient dans un contexte socio-‐politique et économique qui lui demeure par ailleurs généralement non favorable.
On peut dès lors convenir que le développement territorial intégré apparaît comme porteur de pratiques de « transformation sociale » qui l’on peut associer à une utopie… mobilisatrice. Tous les changements sociaux d’importance ont été le fait de ces grandes utopies porteuses par leur capacité à mobiliser les acteurs autour de projets concrets de changement, autant au plan des conditions de la vie quotidienne que des grands modes et valeurs de l’organisation sociale. La barre est haute, les pratiques étant certes exigeantes et incertaines, mais aussi stimulantes et inspirantes, ce qui appelle à se réseauter entre acteurs (praticiens, chercheurs, formateurs) pour les penser globalement et les expérimenter localement.
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Communagir : www.communagir.org/ CDEC de Québec : www.cdecdequebec.qc.ca/
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Regroupement économique et social du Sud-‐Ouest (Reso) : www.resomtl.com/ Réseau québécois des villes et villages en santé : www.rqvvs.qc.ca/
Revitalisation urbaine intégrée Hodge-‐Place Benoît : www.ruihodgeplacebenoit.org/
SADC de Matawinie : www.matawinie.qc.ca/fr/developpement_local_vision.asp SADC de la MRC de Rivière-‐du-‐Loup : www.riviereduloup.ca/sadc/
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Vibrant communities : http://tamarackcommunity.ca/g2.php Ville de Montréal, Développement social et diversité : www.ville.montreal.qc.ca/
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147
Annexe 1 Modèle logique de la RUI
(CREXE, 2010a : 5)
Raison d’être Défavorisation et inégalités socioéconomiques par rapport à l’ensemble du territoire montréalais
Cibles
ultimes • Conditions favorisant le développement socio-‐économique des résidents des quartiers défavorisés
inter-‐médiaires
• Accès à l’emploi des résidents défavorisés • Certains éléments du cadre physique qui compromettent les conditions de vie et le développement des milieux défavorisés
directes • Animation culturelle • Liens entre les citoyens • Sécurité alimentaire • Auto-‐organisation dans les quartiers défavorisés
Objectifs
• Améliorer les conditions de vie dans les quartiers défavorisés • Agir sur certains éléments du cadre physique qui compromettent les
conditions de vie et le développement des milieux défavorisés • Soutenir et améliorer les conditions favorisant le développement
socioéconomique des résidents des quartiers défavorisés • Améliorer l’accès à l’emploi des résidents défavorisés • Accroître les liens entre les résidents des quartiers de RUI • Instaurer un milieu de vie dynamique et sécuritaire • Améliorer le degré d’auto-‐organisation dans les quartiers défavorisés,
notamment en favorisant l’apprentissage collectif Nature de l’intervention
• Organisation et coordination • Information et développement des connaissances des acteurs • Incitations sous diverses formes (financières ou autres)
Intrants
• Bénévoles qui œuvrent dans ces quartiers dans le cadre des activités de la RUI
• Ressources professionnelles de la Ville, des arrondissements et des comités de RUI
• 12 M$ depuis 2003 (Ville et arrondissements concernés) • Diverses contributions et subventions des partenaires de la Ville et des arrondissements
Activités de production
• Activités relatives à la concertation intersectorielle, à la mobilisation et à la coordination entre les différents intervenants
• Élaboration des plans de revitalisation • Mise en œuvre des plans de revitalisation • Évaluation continue de la démarche de RUI
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Extrants • Comités locaux de revitalisation • Plans de revitalisation • Projets locaux de revitalisation : selon les objectifs et les priorités de chaque quartier
Effets sur les cibles
• Amélioration des conditions de vie dans les quartiers visés • Amélioration du cadre physique de ces quartiers • Amélioration de la situation socioéconomique des résidents • Mobilisation des différents acteurs et participation citoyenne • Accroissement des liens entre les résidents de ces quartiers
Rendement Efficacité et efficience de la RUI dans l’amélioration des conditions de vie dans les quartiers défavorisés, de la situation socioéconomique des résidents et du mode d’action collective
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Annexe 2
Common Characteristics CCI
(Extrait de Voices from the Field III, p. 29-‐30) Community change efforts with a strong emphasis on community building and strong results.
During the late 1990s, Minneapolis’s Hope Community began the process of transforming itself from a homeless shelter into a center for community organizing and visioning for the neighborhood. Hope’s work engages over 500 youth and adults each year in learning, leadership, art, community dialogue, and organizing. It builds extensive community networks and partnerships to benefit the broader community. When it became clear that run-‐down and drug-‐infested buildings were at the root of the problems in the neighborhood, Hope Community reluctantly took on the task of acquiring and rehabbing buildings and transformed the Franklin-‐Portland intersection. Since 1998, the Jacobs Family Foundation and Jacobs Center for Neighborhood Innovation have partnered with an underinvested San Diego community to identify and painstakingly acquire 45 blighted and underutilized properties that could be put back into productive use. Following Jacobs’s philosophy of “resident ownership of neighborhood change,” the Village at Market Creek is being planned and designed, and will ultimately be owned, by community residents. Over the past 12 years, the Jacobs Foundations have leveraged $20 million in investment in the Village to attract an additional $60 million in investment from approximately 18 public and private investment partners. New Song Urban Ministries is a church-‐based Christian community development association in the highly distressed Sandtown neighborhood of Baltimore. Begun in 1988, New Song gradually built a set of activities to fill critical housing, education, health, and employment needs for residents. Its mission is strongly rooted in a vision for a community of faith, in which residents come together in common purpose and take charge of the neighborhood’s well-‐being. New Song’s accomplishments include a contract school and 270 units of Habitat for Humanity housing.
The Dudley Street Neighborhood Initiative (DSNI) in Boston has, since 1984, engaged in community revitalization of a devastated community. Through the unprecedented acquisition of eminent domain and partnership with the city, DSNI established a community land trust with permanently affordable housing and antiforeclosure protections. Under the leadership of residents, DSNI has brought together many stakeholders to create a vibrant community. Latino Health Access trains community residents as promotores—advocates who go door to door in a community of otherwise isolated immigrants in Santa Ana, Calif. Initially, the promotores focused only on diabetes control, but as they developed trust and relationships they took to gain control of unused city property and raised funds to develop a park that children and adults can use for physical and social activity.
Lawrence CommunityWorks has numerous outreach and organizing strategies based on network theory and has developed a decentralized approach to promoting co-‐investment in family and neighborhood change with residents and others (as opposed to a focus on just
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“resident engagement”). Its 5,000 members participate in civic or programmatic activities in ways that match their needs, desires, talents, and interests. Launched in 1986 as a CDC focused on winning land rights for affordable housing construction, the organization now covers a wide range of social, physical, and economic development activities. It also has a department dedicated to civic engagement and fostering leadership around social change, and a department dedicated to peer learning and sharing with other organizations around the country.) While it is difficult to generalize from these six distinct community change efforts, they have some common characteristics: -‐They are all deeply committed to resident leadership and ownership (economic or political) of the work, and their legitimacy and power derive from this commitment. They are clear that their locus of accountability is the community. They have developed governance and management structures that reflect and operationalize this value. They are willing to take the time required to ensure that the community owns the work, and they never short-‐circuit that process. In the words of Susan Tibbels of New Song Urban Ministries: “Our mission is to love God and neighbor, not just to run a good school. That’s not just semantics, it’s a philosophical difference. At heart is relationships, people, and how we relate to each other.” The personal commitment of individuals to each other and the community is what motivates the work, and that personal commitment can be translated into the organization’s mission. America Bracho of Latino Health Access says, “You recruit the heart, not the brain. You can train the brain, but not the heart.”
-‐ They are organic in that they grow out of neighborhood strengths and needs rather than being dictated or constrained by external agendas. They take the time they need to “do things right.” They do not see themselves as having a start and end date. They learn as they go and they build out their scope of work as successes accrue, as residents voice new demands, as needs become evident, and as opportunities arise.
-‐ None is limited by a single programmatic priority, but neither do they set out to be “comprehensive.” Their entry point is just that: an entry point that builds experience, legitimacy, andinstitutional capacity and is the first step on a long-‐term journey of community change. -‐ All have found it necessary to engage in some kind of physical development in their community. Some have done so as their core activity, while for others the physical development— such as housing or a park—was seen as key to achieving other goals. -‐ Like every successful organization, they benefit from extraordinary leaders who successfully balance community building processes with an ability to “get the job done.” They have ambitious visions, but they also are strategic, realistic, and pragmatic about what they have undertaken. Their strategies match their spheres of influence. They know how to be opportunistic and take advantage of policy openings and investment opportunities as they come along, without being distracted from their central mission.
-‐ Unlike many traditional CCIs, they are not “sponsored” by a single funder. Instead, they have a variety of funding sources and are not associated with a particular funder. The Jacobs Family Foundation is the notable exception in this group: It is an embedded funder that uses its resources in ways that are different from traditional philanthropy and has a long-‐term commitment to the neighborhood.
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Annexe 3
Les modes d’action collective dans les démarches de RUI (CREXE, 2010a : 198-‐199)
1. L’aide personnalisée à la subsistance. Compte tenu de la prévalence de la pauvreté dans les quartiers en revitalisation, ce mode d’action est mis en premier même s’ils visent les personnes comme telle et non des caractéristiques du quartier. Cette aide est fournie essentiellement dans le cadre de divers programmes universels nationaux auxquels des personnes ont droit selon leur statut sur diverses dimensions (aide sociale, rentes RRQ…). Les revenus de transfert peuvent constituer une part significative des revenus disponibles dans le quartier.
2. La maîtrise directe de situation regroupe des interventions de nature différente où un acteur modifie directement un état de situation. Il peut s’agir d’une intervention de pompiers ou policiers, de la construction de bâtiments ou d’infrastructures; mais ce mode est aussi à la portée des citoyens, par exemple lorsqu’ils s’interposent dans des disputes, rappellent à d’autres certaines règles élémentaires de conduite ou assurent eux-‐mêmes l’entretien de l’espace public.
3. L’offre d’activités et de services est sans doute le mode le plus usuel déployé par des organisations de tous types : entreprises, associations, groupes communautaires, institutions. Ces activités et services déterminent les conditions de vie dont bénéficient les résidents.
4. La prévention des comportements non autorisés (légalement ou règlementairement proscrits) n’est pas seulement l’apanage des pouvoirs publics, en l’occurrence essentiellement la ville. L’intervention des autres acteurs accentue l’efficacité des mesures publiques de prévention. Cependant, la sanction des comportements non autorisés reste des pouvoirs publics de même que l’édiction des règlements.
5. La stimulation de comportements particuliers (par exemple, acceptation de projets de mixité) ou à de nouvelles pratiques devenues socialement désirables (recyclage, saines habitudes de vie…) peuvent être véhiculées efficacement par tous les types d’acteurs. Ces incitations se manifestent sous diverses formes; conseils et persuasion, mesures fiscales ou financières. (…)
6. La régulation des conflits entre intérêts divergents dans le quartier peut passer par des arbitrages publics (autorisation d’implantation de projets immobiliers, conversion des logements locatifs…); mais elle peut aussi faire intervenir des organismes sans but lucratif où elle emprunte la voie de la médiation.
7. La sollicitation de contributions a pour but de mobiliser des ressources de diverses natures pour réaliser des activités en marge des services publics ou de manière autonome. Les citoyens et les associations sont souvent fort actifs dans
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ce mode et les activités rendues possibles peuvent être fort significatives pour leurs bénéficiaires.
8. L’aide aux connexions a pour but de mettre en relation les citoyens avec les divers pourvoyeurs de ressources, publics, privés ou communautaires qui peuvent répondre à leurs attentes et à leurs besoins. Même si Internet remplit partiellement cette fonction, le contact personnalisé reste efficace pour bon nombre de personnes. Cette fonction est essentielle pour assurer une couverture équitable des besoins.
9. La défense des intérêts du quartier pour l’obtention de ressources, pour la minimisation des impacts ou la maximisation des retombées de certains projets prend diverses formes : représentation, pression, négociation. La plupart des acteurs peuvent y participer, de manière conjointe ou conflictuelle selon les enjeux et les prises de position.
10. Le développement de connaissances sur le quartier et le façonnement des représentations sur ce qu’il est et peut devenir est un mode dont il ne faut pas sous-‐estimer l’importance, compte tenu de rôle des représentations dans les motivations de comportements. Tous les acteurs locaux peuvent y contribuer; les médias locaux y ont bien évidemment une place particulière.
11. La production symbolique d’identité couvre toutes les actions qui peuvent singulariser le paysage et la vie du quartier; elle vise le développement d’un sentiment d’appartenance et de fierté locale. Même si parfois, les interventions publiques sont plus marquantes, ce mode d’action peut aussi être mis en œuvre par tous les autres acteurs.
12. Enfin, la stimulation de l’organisation collective cherche à regrouper des citoyens, des associations ou des entreprises pour qu’ils puissent réaliser des projets communs en fonction de leurs intérêts (par exemple, création d’OBNL ou regroupement des commerces d’une rue).
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Annexe 4
Caractérisation des indicateurs de qualité de vie (CREXE, 2010b : 20-‐21)
Caractérisation des indicateurs de qualité de vie (selon leur type : levier / intermédiaire / sensible).
La moitié des indicateurs composant le SOM (système d'observation et de mesure) se caractérisent comme étant des leviers d’action. En effet, 11 d’entre eux ne subissent l’influence d’aucun des autres indicateurs du système; ils se situent dès lors en début de chaîne de relation causale. On trouve parmi eux et par ordre d’importance (degré de centralité) : 1. Les indicateurs associés au bloc revitalisation des artères/offre commerciale/emploi local; 2. Des indicateurs rattachés au panier de services, avec notamment l’offre d’équipements sportifs et l’offre culturelle et, dans une moindre mesure, la diversité du tissu associatif, l’accès au transport en commun et la distance aux marchés publics; 3. Des indicateurs relatifs aux problématiques dans les activités parascolaires, aux taux d’inscription des jeunes aux bibliothèques et aux taux de formation professionnelle des adultes.
Sept indicateurs sont qualifiés d’intermédiaires et se caractérisent donc plutôt comme des transitions au cœur des processus à l’œuvre au sein des quartiers. Ils dépendent à la fois d’autres dimensions, mais influencent aussi fortement d’autres indicateurs clés, situés en bout de chaînes de relations causales. Parmi ces indicateurs, on trouve le taux de décrochage scolaire et le nombre de résidents sans diplôme, le nombre d’emplois accessibles au sein du quartier, le taux de délinquance juvénile et de méfaits ainsi que la mobilité résidentielle et le taux de bénévoles.
Les six indicateurs restants sont qualifiés d’indicateurs sensibles. Ce sont des indicateurs sur lesquels les acteurs ont bien peu de prise et qui sont les témoins, en bout de chaîne et à terme, du succès des actions entreprises. On y trouve, par ordre d’importance, les deux indicateurs de perception que sont l’image du quartier et le sentiment de sécurité, l’inactivité des résidents, leur revenu, leur sécurité alimentaire et leur participation démocratique.
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Annexe 5
Organigramme du RUI Saint-‐Michel
Source : http://www.vsmsante.qc.ca/index.php?page=gouvernance-‐tables-‐et-‐clubs
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Annexe 6
La roue du développement
(Vachon, 1993 : 121)
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Annexe 7
Illustration de la synergie entre les 4 processus (CREXE, 2010a : 171-‐173)
Le projet collectif, tel qu’il se concrétise dans la vision du quartier et dans les plans d’action élaborés par les RUI définit des cheminements accélérés et des formes de revitalisation qui se caractérisent par le double souci d’en faire profiter tous les groupes, notamment les pauvres, et de maximiser les atouts collectifs du quartier.
Le rythme de cheminement et la forme de revitalisation ne correspondent pas à l’évolution spontanée en contexte de libre marché du logement et s’accordent mal aux niveaux habituels d’activité publique dans le quartier. La RUI veut réordonner la revitalisation et exige des réinvestissements de tous les acteurs sur tous les plans.»
Le projet collectif peut couvrir l’ensemble des processus de réinvestissement sur tous les plans ou uniquement certains aspects; on a vu que les plans d’action présentaient des différences à cet égard.
L’ambition du projet collectif conditionne le design et la mise en œuvre des processus. Plus le plan collectif couvre large et plus il tient à imprimer réellement l’évolution du quartier, plus les exigences à l’égard des processus sont grandes. Dit de manière graphique, plus le curseur de la RUI passe de préoccupations spécifiques à l’ensemble des composantes du quartier, plus les processus doivent être extensifs dans le nombre de partenaires mis à contribution et intensifs dans leur efficacité.
Si on parle d’efficacité des processus, encore faut-‐il être en mesure de spécifier ce qu’ils doivent produire. À la lumière des analyses faites dans les chapitres précédents, les « résultats » qui pourraient être attendus des processus sont les suivants.
Pour la mobilisation, ils s’expriment en degrés autant sur l’axe parole que sur l’axe action; autant les organismes que les citoyens peuvent suite aux activités de mobilisation être : - avertis, non seulement informés, mais en mesure d’exercer un jugement
personnel.
- connectés, mis en relation avec les ressources pertinentes (y compris les personnes).
- contributeurs, participant aux échanges ou à l’organisation d’activité. - inducteurs, en mesure de stimuler leur entourage.
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Pour la concertation, les résultats peuvent aussi s’exprimer en degrés d’intensité, étant entendu que chacun de ces degrés appelle pour les participants un niveau d’engagement différent et pour l’instance organisatrice (le comité ou la table RUI), des modes de fonctionnement et des activités d’envergure différente :
- savoir ce qui se passe, par des échanges entre partenaires sur les évènements et les tendances du quartier.
- savoir ce qui se fait, ce qui suppose de la part des participants une ouverture à partager ce qu’il fait dans le quartier (dans la pratique, ouverture très variable, notamment pour les organismes publics).
- s’ajuster mutuellement, ce qui demande de la part de chacun une collaboration effective pour tenir compte dans objectifs collectifs dans ses propres activités.
- se doter d’un grand ou de plusieurs petits projets communs, ce qui implique éventuellement une contribution à des activités qui sont périphériques au champ d’activités courantes de chacun.
Le déplacement du curseur RUI vers la droite entraîne au niveau de l’instance organisatrice une structure plus complexe. La structure de VSMS illustre ce point.
L’intégration se déroule sur deux plans : celui de l’action collective et celui de la situation du quartier.
Sur le premier, son résultat se manifeste d’abord dans les représentations du quartier et de son évolution partagées par les acteurs constitués et dans une certaine mesure les citoyens; la vision du quartier touche toutes ses composantes et tente d’optimiser la cohérence entre leurs interactions, ce qui suppose des compromis entre les intérêts et les préférences de divers groupes. Ensuite, l’intégration introduit une régulation dans l’action collective; elle ordonnance les actions des divers intervenants selon des priorités, et le cas échéant des échéanciers convenus ensemble.
Sur le plan de la situation du quartier, l’intégration se manifeste autant à l’interne que par rapport à l’extérieur. À l’interne, les services offerts à divers groupes sont articulés entre eux, quelle que soit la sphère de transaction où ils sont disponibles; les services généraux sont équitablement répartis; les divers groupes sociaux présents dans le quartier vivent une cohabitation paisible, voire s’établissent des occasions d’échange. Par ailleurs, le quartier est mieux intégré au reste de l’agglomération sur tous les plans, transport, accès aux services, connexion à divers réseaux.
L’apprentissage collectif améliore les compétences des «collectifs», en l’occurrence les instances RUI ainsi que celles de leurs membres et se traduit par des savoirs faire plus performants, dans chacun des trois autres processus pris
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individuellement et dans leurs interactions. Il développe aussi la capacité du projet collectif à dynamiser la revitalisation du quartier, notamment par une meilleure maîtrise de chacun des modes d’action et de leur combinaison.
Par ailleurs, la mise en adéquation des processus avec l’ambition du projet collectif suppose un positionnement sur les principaux dilemmes inhérents à une action territoriale qui se veut « intégrée ».
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Annexe 8
Adéquation entre les choix sur les dilemmes et les contextes (Tableau 62 dans CREXE, 2010a : 187)
Dilemmes Conditions de viabilité
Intensité et modalités des processus RUI
Contexte
Représentations
Genre de développement : d’uni à multidimensionnel
Quantité de ressources plus grande
Diversité des types d’acteurs plus grande
Acuité des divers genres de problèmes
Catégorie d’action : de projet à processus
Plus grande transformation de la culture administrative
Meilleure articulation des projets aux objectifs à long terme
Émergence d’indices de revitalisation
Stratégie d’intervention :des micro-‐interventions aux projets structurants
Statut plus solidement reconnu
Davantage de concertation d’intérêts divergents
Possibilité d’investissements majeurs exogènes
Design organisationnel
Rattachement : d’autonomie à absorption dans instance existante
Reconnaissance
de statut plus facile?
Composition plus diversifiée de l’instance
Enracinement et crédibilité de l’instance existante
Fonctions : concertation seulement ou combinée à autres
Quantité plus grande et types plus diversifiés de ressources
Plus d’équilibre entre les processus
Forces et faiblesse des organisations du quartier
Échelle spatiale : du voisinage au quartier
Statut plus assuré Priorisation plus claire dans planification
Distribution des foyers de problèmes
Fonctionnement
Relations entre partenaires : de complaisance à interpellation
Netteté de l’attitude stratégique
Concertation mature
Historique de collaboration
Types de leadership :d’individuel à collaboratif
Culture administrative ouverte
Mobilisation bien répartie entre milieux
Notoriété locale des leaders
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Reconnaissance : de performance individuelle à crédit d’équipe
Statut plus assuré et reconnu
Planification plus indicative
Présence médiatique de la RUI
Choix tactiques des projets : de rapidité à illustration
Culture administrative avec plus de sens du temps
Planification avec horizons de temps définis
Urgence des besoins et acuité des problèmes
Rapports de pouvoir
De l’ignorance à la transformation
Constance dans l’attitude stratégique
Force de la vision proportionnelle aux tensions
Portée des clivages politiques locaux dans les réseaux d’acteurs
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Annexe 9
Douze préceptes pour la réussite, tirées des expériences réussies de RUI (Divay et al., 2006 : 160-‐165)
Voici donc douze préceptes qui ne garantissent pas la réussite, mais semblent baliser les voies des expériences les plus réussies :
Le juste équilibre local. Ce précepte reprend les constats formulant l’importance des facteurs locaux ad hoc dans les réussites, mais dans la perspective dynamique d’une combinaison locale de tous les ingrédients de l’approche intégrée. Le choix de chaque ingrédient, leur dosage sont établis selon l’état du milieu local et leur insertion dans les relations externes de pouvoir (la dimension politique dans l’évaluation des expériences est d’ailleurs le plus souvent absente).
La patience exigeante. Plusieurs évaluations soulignent que les effets positifs escomptés peuvent se manifester dans des horizons temporels bien différents selon les secteurs d’intervention. Il est possible d’apporter des améliorations tangibles dans l’apparence physique d’un quartier (dans les bâtiments et les espaces publics ou privés) en moins de trois ou quatre ans. Les effets sur les organisations (communautaires ou publiques) peuvent nécessiter plus de temps. Quant aux effets sur les personnes (saisis au niveau individuel ou dans les caractéristiques écologiques du quartier), le temps de gestation et de manifestation est encore plus long, sans doute l’espace d’une génération.
Les bailleurs de fonds doivent accepter le rythme de ces processus de changement. Mais, compte tenu des nécessités de l’imputabilité et des ressorts de la vie politique, ils sont en droit d’attendre que des résultats partiels (révélateurs de changements dans la bonne direction et précurseurs des situations désirées) soient atteints dans des délais plus courts. Par exemple, plusieurs évaluations montrent que la gestation de partenariats efficaces peut s’échelonner sur quelques années.
La constance adaptative. Ce précepte est un corolaire du précédent. L’aide apportée à des initiatives de revitalisation intégrée doit durer plusieurs années. Les programmes devraient, dès le départ, contenir des engagements en ce sens, sans doute de l’ordre d’une décennie (ce qui est le cas de la NRS anglaise ; le CDBG aux Etats-‐Unis dure depuis trente ans). Les paramètres selon lesquels ce soutien est fourni devraient évoluer en fonction des évaluations périodiques, mais il ne faudrait pas que cette évolution entraîne des changements majeurs sur le plan des engagements, sauf si les améliorations constatées le justifient.
La modestie ambitieuse. Par définition, l’ambition de l’approche intégrée est d’induire des changements dans de multiples domaines (physique, social, économique, pour les individus et pour la collectivité locale). Ces changements
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prennent beaucoup de temps et leurs voies sont encore méconnues. La matrice des interrelations sectorielles s’apparente à une boite noire dont les mécanismes sont rendus visibles par l’approche intégrée. La vision holistique ne devrait cependant pas se traduire par une visée tous azimuts. La capacité de rallier les partenaires et de mobiliser des ressources a des limites très importantes. La modestie dans la fixation des objectifs à court et à moyen terme est une condition d’efficacité. Cette posture de modestie ambitieuse est certes inconfortable et a des conséquences sur le climat de mobilisation et les choix opérationnels.
L’assurance inquiète. La mise en place de changements intégrés dont les résultats ne sont attendus qu’à long terme ne peut être menée et maintenue que si tous les partenaires partagent les mêmes convictions sur la légitimité des finalités et sur la nécessité des actions. Il s’agit bien de convictions ou de croyances, non de certitudes. La certitude viendrait de données probantes qui ne peuvent être collectées qu’au fur et à mesure des expériences (et des mises à jour au gré des évaluations) et ne peuvent exister que lorsque des expériences vraiment intégrées sont lancées. Que cette nouvelle façon de concevoir les interventions de manière intégrée rallie tant les gouvernements que les acteurs communautaires donne créance à la démarche. Mais, puisqu’il faut trouver les formules appropriées à chaque conjoncture locale, cette démarche ne peut être que tâtonnante, et certains programmes prennent une approche expérimentale plus ou moins systématique. Le doute méthodique propre à la démarche expérimentale doit être combiné avec la conviction mobilisatrice.
Le ciblage contextualisé. Les actions doivent viser des cibles précises, conformément aux préceptes de modestie ambitieuse et de patience exigeante. Cependant pour se qualifier comme élément d’une stratégie intégrée, ces actions doivent d’abord être justifiées par les résultats directs (dans le secteur) ou indirects (dans d’autres secteurs) qu’on escompte de leur mise en oeuvre. En l’absence de données probantes, des convictions partagées peuvent être utilisées pour établir des liens entre les actions et les résultats directs et indirects. Des actions sectorielles, choisies selon les critères habituels de chaque organisme, ne devraient pas figurer dans une stratégie intégrée si elles n’ont pas de retombées générales.
L’appropriation généralisée des biens collectifs locaux. Un bon nombre des propriétés collectives que la revitalisation urbaine intégrée cherche à faire émerger au niveau du quartier ont la nature de biens collectifs (sentiment de sécurité, image de marque, dynamisme économique, solidarité, qualité visuelle…). Elles résultent de l’agrégation synergique (pas seulement additive) des effets croisés de multiples comportements sectoriels individuels (personnels et organisationnels). Souvent, les biens collectifs profitent à tous, ou du moins à un grand nombre. L’approche intégrée sensibilise chacun aux effets de ses comportements au-‐delà de ses intérêts personnels ; par exemple, il ne s’agit pas seulement pour une entreprise d’accroitre le nombre d’emplois, mais de combler
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au moins une partie de ces emplois par des résidants. L’effet au niveau du quartier est différent. Dans une stratégie intégrée, les partenaires prennent des engagements sur des objectifs reconnus comme étant de leurs compétences habituelles (mais en fonction des retombées sur les autres) et sur des objectifs situés en dehors de leur compétence usuelle. Cette appropriation généralisée se traduit aussi par certaines formes de mobilisation des citoyens. L’empowerment des citoyens ne sert pas seulement à leurs fins personnelles.
L’extraordinaire dans l’ordinaire. Parce qu’elles s’accompagnent habituellement d’un appoint de ressources additionnelles dans le quartier, quelle qu’en soit la source, les expériences de revitalisation intégrée sont rapidement confrontées à un dilemme : ces ressources additionnelles doivent-‐elles être utilisées pour financer des initiatives nouvelles ou pour améliorer les activités existantes des organismes en place ? Ce dilemme est d’autant plus aigu que les organismes existants connaissent des problèmes de financement chronique et que les initiatives nouvelles répondent à des besoins permanents. Le souci de durabilité, qui caractérise aussi l’approche intégrée, pousse les partenariats locaux réussis à recourir à des arbitrages qui prennent en compte la capacité de soutenir, à terme, l’offre de services dans son nouvel état amélioré et à planifier, dès le début des interventions, le retour à la normale, une fois les appoints en ressources réduits ou terminés. La préoccupation anglaise du mainstreaming accorde beaucoup de place à ces préoccupations. Une expérience réussie de revitalisation urbaine intégrée débouche sur une gestion courante intégrée de la ville.
Le leadeurship entrepreneurial démocratique. Les évaluations insistent sur le rôle des leadeurs et sur leur influence décisive dans l’atteinte de certaines transformations. Ces leadeurs ne sont pas seulement des catalyseurs de consensus ; ils mettent aussi en place de nouvelles instances, entreprennent des projets spécifiques et entrainent des partenaires dans leurs réalisations. Cependant, ils savent préserver la démocratie, grâce à une mobilisation sélective, mais significative des citoyens et au ménagement du rôle des élus locaux. La revitalisation urbaine intégrée opère, en effet, dans une double tension démocratique. D’une part, l’engagement de tous les citoyens est officiellement recherché (community building), mais les initiatives ou les orientations nouvelles, même si elles sont partagées par la plupart des groupes organisés, peuvent générer des oppositions de certains citoyens. Ainsi, le succès d’une initiative passe parfois par un chemin étroit entre la transparence et la coalition sélective. D’autre part, la revitalisation intégrée concerne la mobilisation de tous les intervenants du milieu (et des citoyens). Elle déborde donc très largement des activités habituellement contrôlées par des élus locaux, même si l’initiative de revitalisation émane des autorités locales. L’imputabilité des partenariats passe alors par une reddition des comptes des différents commanditaires, dont les élus locaux. Mais le rôle traditionnel de la municipalité est également sollicité (nous avons abordé ce point dans d’autres documents). Le leadeurship entrepreneurial démocratique est un exercice délicat : les
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partenariats vivent de fait une dynamique politique (au sens large), le leadeur efficace propose sans imposer.
La capitalisation à tous les niveaux. La revitalisation urbaine intégrée, tout en étant tous les domaines (physique, économique et social) et à tous les niveaux : au niveau de l’individu (citoyen ou corporation), des associations et des institutions. Sur le plan individuel, il s’agit de développer les compétences (capital humain) et les réseaux (capital social) ; sur le plan des associations et des institutions, de renforcer les compétences professionnelles et la capacité de réaction et de gestion. Le choix des modalités de prestation des activités fait intervenir davantage l’un ou l’autre niveau et peut être confronté à des intérêts divergents (en particulier, entre les associations et les institutions).
Le localisme ouvert. La revitalisation urbaine intégrée organise (en reprenant des déterminées à infléchir leur destin et à maitriser leur futur. Les efforts extraordinaires consentis risquent de renfermer le quartier sur lui-‐même. Or, comme en témoignent les leçons tirées de certaines évaluations, l’art de la réussite consiste à faire converger les forces locales vers une ouverture systématique sur l’extérieur et à tenir compte des tendances externes qui influencent le sort du quartier. Cette conclusion émane des constats dressés dans différents domaines : les solutions à l’emploi se trouvent davantage à l’échelle régionale ou sous régionale et l’utilisation des services ne répond pas qu’à une simple logique de proximité, d’où le rôle majeur que peut jouer l’accessibilité au transport dans certaines expériences. L’importance de ce localisme ouvert est aussi illustrée par les projets de centres Internet proposés dans plusieurs initiatives. Elle se manifeste encore dans des considérations portant sur une dimension parfois trop exclusive au contexte de voisinage : le développement du capital social des résidants. L’importance d’un localisme ouvert est manifeste dans la conclusion de l’analyse de Bridge (2002, p. 25) sur les réseaux sociaux : “Seeking to enhance the ‘porosity’ rather than ‘solidarity’ of neighbourhoods is especially important given contemporary technical developments in communication and knowledge acquisition. Neighbourhood networks should be considered at the city-‐wide scale when analysing neighbourhoods that are seen as socially excluded.” Une expérience de revitalisation urbaine intégrée réussie est celle qui intègre le quartier à la ville sur tous les plans.
La personnalité collective au service des personnes. D’une certaine manière, le dernier précepte découle du précédent et renvoie au dilemme central de la revitalisation urbaine intégrée : vise-‐t-‐elle à améliorer la position relative du quartier ou le sort de ses résidants, principalement des pauvres qui s’y trouvent rassemblés ? Le postulat de la revitalisation intégrée concilie les deux termes et n’en fait pas une alternative. Il ne s’agirait donc pas de privilégier l’un par rapport à l’autre : l’amélioration du sort des résidants passerait par une amélioration de la position relative du quartier. Plusieurs données probantes donnent un fondement à cette affirmation. Par exemple, des chercheurs d’emploi
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sont discriminés selon l’image du quartier qu’ils habitent : certains quartiers n’ont pas la même qualité de services publics que d’autres (variable selon les villes) et leurs résidants en sont désavantagés. Il est donc important d’améliorer l’image et la personnalité (au sens de l’ensemble des caractéristiques) du quartier.
Mais une généralisation qui induirait une forte probabilité d’amélioration des sorts individuels après une nette amélioration de la position relative du quartier ne serait plus soutenue par des données probantes, seulement par des conjectures plausibles. Tout dépend du moment où la prise de position a été prise. En coupe instantanée (à court terme), il est clair que, si les conditions collectives et organisationnelles du quartier se sont améliorées à la suite d’une revitalisation intégrée, les résidants se trouvent moins désavantagés par rapport à ces conditions collectives, mais cela n’implique pas que leur sort personnel, en ce qui a trait au revenu, ait été amélioré. Au moins, ils peuvent bénéficier d’avantages collectifs plus normaux.
En vue dynamique (sur une plus longue période), certains traits de la personnalité collective du quartier peuvent être améliorés même si sa composition sociale reste tout aussi remplie de pauvres ou de problèmes sociaux, soit par la constance du sort personnel des résidants, soit par le jeu de la mobilité. Dans un tel cas, la réussite est de maintenir le plus faible écart possible entre les conditions collectives du quartier et celles des autres quartiers, même si les inégalités sociales subsistent ou empirent. Le quartier amélioré stigmatisera moins ses résidants. Un surcroit de réussite survient si les ressources améliorées du quartier facilitent une réorientation positive des trajectoires individuelles. Une expérience de revitalisation urbaine intégrée ne peut donc être réussie que si on accorde autant d’importance à la personnalité collective du quartier qu’aux personnes qui y habitent (pour quelque temps ou durant toute une vie). Mais plusieurs évaluations le relèvent, on accorde généralement peu d’attention à la distribution sociale des bénéfices des interventions.
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Annexe 10
Villes et Villages en santé : une initiative communautaire pour une meilleure qualité de vie
(OCDE, 2010 : 254)
Le Réseau Québécois des Villes et Villages en santé (RQVVS) est une initiative qui vise à améliorer la santé, le bonheur et la qualité de vie des citoyens. RQVVS agit non pas à travers une intervention médicale mais en stimulant parmi les populations locales un sens de la communauté, des initiatives collectives et un sentiment d’appartenance et de réalisation de soi. RQVVS incite les décideurs municipaux à être conscients de l’importance de leurs décisions pour la santé des citoyens, tant dans leur planification stratégique à long terme que dans leurs décisions au jour le jour. Il les encourage à travailler à l’intérieur d’un réseau de partenaires du secteur de la santé et tous les acteurs de la collectivité sont impliqués dans des projets ciblés sur la qualité de vie des citoyens et l’établissement d’habitudes et de modes de vie sains.
Le concept qui sous-‐tend RQVVS est la coordination des différents services municipaux offerts par le réseau de santé publique, le système scolaire, le secteur de l’entreprise, des organisations d’intérêt local ou tout autre groupe issu de la société civile. Les actions entreprises par RQVVS varient d’une région à l’autre. Dans certaines, elles consistent à organiser des cuisines collectives, des centres pour les jeunes ou autres formes d’aide aux personnes dans le besoin. Pour d’autres, ses projets visent à améliorer ou à préserver l’environnement local, par exemple en organisant des opérations collectives de nettoyage des espaces verts locaux ou de plantation d’arbres.
L’originalité de cette initiative et les raisons de son succès ne sont pas tant liés aux projets d’intérêt collectif qui sont réalisés qu’au processus de stimulation d’une participation active de la population locale à la vie de la collectivité en les faisant travailler ensemble sur des problèmes d’intérêt local et en les amenant à hiérarchiser leurs besoins et leurs choix de bien-‐être mais aussi ceux de leur collectivité.
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