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Chapitre 08 - L�imputation rationnelle descharges �xes

Vincent Drobinski

9 novembre 2013

Table des matières

1 Les fondements de la méthode 31.1 Evolution des coûts de revient et variation d�activité . . . . . . . 31.2 Élimination de l�in�uence de l�activité sur les coûts . . . . . . . . 41.3 Intérêt de la méthode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

2 Champ d�application de la méthode 72.1 Imputation rationnelle et entreprises à activité saisonnière . . . . 72.2 Imputation rationnelle et �xation des prix de vente . . . . . . . . 72.3 Imputation rationnelle et évaluation des stocks . . . . . . . . . . 82.4 Imputation rationnelle et centre de responsabilité . . . . . . . . . 8

3 Remarques conclusives 93.1 Comment dé�nir l�activité normale ? . . . . . . . . . . . . . . . . 93.2 Fiabilité des coûts rationnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93.3 Pourquoi s�arrêter là ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

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Dans un horizon à court terme (de un à trois ans) :� les moyens en capacité résultent de choix d�investissements antérieurs, lesseuls coûts sur lesquels le gestionnaire peut agir sont donc des coûts ditsvariables.

� Il peut être intéressant de vouloir mettre en évidence, dans la constitutiondu résultat de la période, ce qui revient à une mauvaise anticipation descapacités nécessaires à l�activité actuelle.

En e¤et, à court terme, les coûts dus à une capacité de production excé-dentaire apparaissent comme fatals et doivent être couverts systématiquementgrâce aux ventes de la période.

La distinction dans le résultat de la période entre ce qui relève de la confron-tation avec le marché (les ventes) et de ce qui relève d�excès de capacité (coûtdes capacités inemployées) est un moyen de réintroduire un lien de causalitédans la formation du résultat.� L�étude du comportement des charges nous a appris que les charges �xesunitaires sont décroissantes en fonction de l�activité ;

� Les coûts de revient, bien qu�ils intègrent les charges en privilégiant l�as-pect direct/indirect, n�échappent pas aux conséquences du comportementdes charges �xes. C�est ainsi, qu�en fonction de l�activité, les coûts de re-vient calculés mensuellement par la comptabilité analytique vont être dif-férents sans qu�il soit possible de nommer la cause des variations : s�agit-ild�une simple conséquence mathématique du comportement des charges�xes, ou y a-t-il d�autres causes qui doivent attirer l�attention des gestion-naires et qui nécessitent peut-être des actes de gestion ?

C�est pourquoi il a été élaboré une technique qui permet d�éliminer l�in�uencede l�absorption des charges �xes sur les coûts de revient : c�est la méthode del�imputation rationnelle.

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1 Les fondements de la méthode

1.1 Evolution des coûts de revient et variation d�activité

ExempleSoit un atelier dont on a relevé le niveau des charges, en fonction de l�activité

exprimée en heures/machine.

Nous constatons que les coûts de revient unitaires décroissent avec l�activité,alors même que nous nous situons sur un même palier de frais �xes, donc dansune structure donnée.

Volontairement, dans cet exemple, les conditions de productivité restent iden-tiques (charges variables unitaires constantes) ; donc les variations constatées

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proviennent essentiellement d�une répartition des charges �xes sur des quantitésplus élevées.La technique de l�imputation rationnelle va éliminer l�in�uence de la répar-

tition des charges �xes sur les quantités.

1.2 Élimination de l�in�uence de l�activité sur les coûts

Deux notions sont à dé�nir.� L�activité normale : pour chaque centre d�analyse et dans le cadre d�unestructure donnée, les gestionnaires dé�nissent un niveau d�activité consi-déré comme représentant les conditions les plus fréquentes d�activité. Ceniveau est appelé activité normale et sert ensuite de référence.Cette notion d�activité normale est la clé de voûte de toute la méthode.

� Le coe¢ cient d�imputation rationnelle (CIR) est égal au rapportentre l�activité réelle et l�activité normale précédemment dé�nie.

CIR =Activit�e r�eelle

Activit�e normale=ArAn

Les charges �xes seront imputées dans les coûts en fonction du coe¢ cientd�imputation rationnelle.

Cette pratique revient à assimiler le comportement des charges �xes à celuides charges variables.

Exemple :En pratiquant l�imputation rationnelle, le calcul des coûts d�unité d��uvre

devient pour une activité normale de 800 heures :

La pratique de l�imputation rationnelle a permis d�éliminer de façon satis-faisante les variations constatées dans le montant des coûts de revient :� L�in�uence du niveau d�activité a bien été neutralisée ;

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� Cependant des di¤érences d�imputation rationnelle ont été calculées : ellesreprésentent la part des charges �xes sous ou surimputées dans les coûtspar rapport au montant réel de ces dernières.

� Il est, en e¤et, important de bien comprendre que cette pratique ne modi�epas le montant réel des charges �xes, mais uniquement le montant imputédans les coûts. Ces di¤érences expriment :� un coût de chômage dans les cas où l�activité réelle est inférieure àl�activité normale ;

� un bonus de suractivité dans le cas contraire.

Ces éléments sont facilement illustrables par un graphique.Soit : Ar l�activité réelle, v les charges variables unitaires, CF les charges

�xes, f les charges �xes unitaires pour l�activité normale.Nous savons que le coût de revient global s�exprime par l�équation :

y = v:Ar + CF

alors que l�équation du coût rationnel s�écrit :

y = (v + f):Ar

(puisque nous venons de dire que pratiquer l�imputation rationnelle revientà assimiler les charges �xes à des charges variables).

1.3 Intérêt de la méthode

Reprenons le même exemple, avec deux nouvelles périodes dont on a mesurél�activité :

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Le calcul du coût d�unité d��uvre donne respectivement les valeurs de 40,51et 40,15.Ces variations paraissant faibles, il est tentant de les négliger. L�utilisation

de la méthode de l�imputation rationnelle fait apparaître le contraire.

Si, malgré l�utilisation de l�imputation rationnelle des charges �xes, les coûtsunitaires varient, il faut en rechercher les causes dans une modi�cation desconditions d�exploitation (charges variables unitaires), et donc dans un dérapagedes consommations.

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2 Champ d�application de la méthode

Peu d�entreprises pratiquent l�imputation rationnelle de façon systématique.Pourtant cette technique peut éviter les variations des coûts de revient particu-lièrement sensibles dans les entreprises soumises à des activités saisonnières.Elle permet, en outre, d�appréhender la notion de vente plancher et même

de valoriser les stocks. En�n, les di¤érences d�imputation rationnelle que laméthode dégage peuvent être des indicateurs d�e¢ cacité de la gestion de certainscentres de responsabilité.

2.1 Imputation rationnelle et entreprises à activité saison-nière

Cette méthode semble particulièrement adaptée à des entreprises dont l�ac-tivité subit des �uctuations saisonnières.Elle permet en e¤et d�éviter les variations importantes des coûts de période

en période dues à la plus ou moins bonne absorption des charges �xes.Les coûts d�imputation rationnelle permettent alors de mesurer de façon

e¢ cace les conséquences :� des variations des prix des facteurs ;� des variations de consommation de ces facteurs ;� de l�e¢ cacité de l�organisation.Pour les entreprises saisonnières, l�activité normale peut se dé�nir comme

l�activité mensuelle médiane, qui permet en �n d�exercice des compensationséquilibrées entre boni de suractivité et coût de chômage, de telle sorte quel�ensemble des charges �xes réelles de la période ait été pris en compte dans lescoûts.

Il est, en e¤et, impossible que sur le long terme tous les coûts ne soient pascouverts par des recettes appropriées.

2.2 Imputation rationnelle et �xation des prix de vente

L�imputation rationnelle, en éliminant les incidences des variations d�activitésur les coûts, peut sembler une méthode plus pertinente que celle des coûtscomplets. En e¤et, elle peut déterminer des coûts de référence pour �xer un prixde vente sans les aléas des variations d�activité qui biaisent les coûts complets.De même, la valorisation de devis à l�aide de coûts rationnels, particulière-

ment en période de suractivité, peut éviter des sous-évaluations préjudiciablesà l�entreprise ce que la méthode des coûts complets ne pourrait empêcher.

C�est d�ailleurs, pour des raisons similaires, que le PCG recommande l�utili-sation des coûts rationnels dans l�évaluation des stocks de produits.

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2.3 Imputation rationnelle et évaluation des stocks

Les stocks de produits de �n d�exercice doivent être évalués à leur coût deproduction.En période de sous-activité, une valorisation sur la base des coûts complets

implique qu�une partie du coût de chômage soit prise en compte dans la valeurdes produits stockés. Le PCG s�oppose à cette conception au nom du principede prudence et préconise la valorisation des produits stockés sur la base d�uncoût rationnel estimant que le coût de chômage doit être absorbé par les recettesde la période.En revanche, en période de suractivité, l�utilisation d�un coût rationnel contre-

viendrait au principe de prudence puisqu�il aurait pour conséquence de valoriserles stocks à un coût supérieur au coût réel.

Reconnue pour valoriser les stocks, cette méthode peut également permettreun jugement sur l�e¢ cacité de la gestion des centres de responsabilité.

2.4 Imputation rationnelle et centre de responsabilité

Cette technique oblige, pour chaque centre d�analyse érigé en centre de frais,à décomposer les éléments du budget en charges opérationnelles et charges �xes.Cependant, l�analyse des di¤érences d�imputation rationnelle est délicate et nepeut se faire sans référence au mode d�élaboration du niveau de l�activité nor-male.Souvent, pour une structure donnée, les coûts de capacité ou coûts �xes

s�imposent au gestionnaire et sont le résultat d�anticipation sur des niveauxd�activités prévus par des choix stratégiques antérieurs ; le niveau de l�activiténormale est alors �xé par la direction de l�entreprise.Cependant, il se peut que le niveau d�activité budgétée soit structurellement

inférieur au niveau de l�activité normale. Calculer des coûts rationnels permetd�évaluer la réelle e¢ cacité de la gestion de ces centres de frais. Les di¤érencesd�imputation rationnelle expriment, dans ce cas, des écarts dus aux erreursd�anticipation dont la responsabilité n�incombe pas au gestionnaire du centre defrais. La comparaison des coûts rationnels aux coûts budgétés permet un suivide l�e¢ cience du centre.Dans d�autres contextes, le niveau de l�activité normale peut être dé�ni par

le responsable du centre de coût. Les di¤érences d�imputation rationnelle ex-priment alors la capacité du responsable à gérer son centre de responsabilitéen autonomie et à neutraliser à court terme les coûts de chômage et ceux desous-activité.

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3 Remarques conclusives

3.1 Comment dé�nir l�activité normale ?

Toute la méthode repose sur la notion d�activité normale mais comment ladé�nir ?� A partir de la capacité potentielle de l�entreprise, il est possible de déter-miner le potentiel spéci�que pour chaque atelier ou service, ce qui conduitobligatoirement à mettre en évidence des goulots d�étranglement.

� De ces capacités maximales, il faut déduire une marge de man�uvre pourles aléas (pannes, réparations, grèves, défaut d�approvisionnement, etc.).Pour autant, l�activité trouvée n�est pas encore celle quali�ée de normale.

� L�activité normale est dé�nie comme une activité fréquemment observéelorsque les conditions d�exploitation sont habituelles. Cela signi�e que l�ac-tivité réelle peut de façon inhabituelle être supérieure ou inférieure à lanormale : il faut donc en dé�nissant l�activité normale laisser des capacitésinemployées pour permettre la suractivité.

� Mais combien ?Par ailleurs, en période de sous-activité structurelle où se situe l�activité

normale ?Ainsi dé�nir l�activité normale de l�entreprise n�est pas chose facile et les

promoteurs de la méthode se sont bien gardés de la dé�nir de façon objective.

3.2 Fiabilité des coûts rationnels

Les coûts d�imputation rationnelle n�échappent pas aux critiques adresséesaux coûts complets. En e¤et, le problème de l�imputation aux coûts, forcémentcontestable, des charges �xes indirectes n�est pas réglé. La méthode garde doncla dimension arbitraire reprochée à la méthode des coûts de revient.Cette �abilité peut être également altérée par la di¢ culté réelle de dé�nir

l�activité normale.

3.3 Pourquoi s�arrêter là ?

L�imputation rationnelle des charges �xes est di¢ cile et lourde à mettre en�uvre. La dé�nition de l�activité normale soulève de nombreux problèmes. C�estpourquoi peu d�entreprises l�utilisent dans la pratique.Celles qui acceptent d�investir dans la détermination du niveau d�activité

normale s�aperçoivent vite qu�elles ont en fait résolu les di¢ cultés principalesd�une gestion prévisionnelle et préfèrent, alors, mettre en place un pilotage parles budgets aussi complexe mais plus complet.

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Société Lusin

La société Lusin est une PME située dans le Poitou. Elle est spécialisée dansle montage de compresseurs. Un compresseur est un appareil qui fournit de l�aircomprimé utilisé comme force motrice par des outils. Ces outils commercialiséssont les pistolets à peinture, perceuses, ponceuses.Un compresseur se compose de trois pièces principales : une cuve, un mo-

teur et une pompe. Les pièces, importées pour la plupart, sont assemblées parl�entreprise.L�analyse des charges de juin N relatives au compresseur 125 fait apparaître :� les charges de production : variables unitaires : 144 e ; �xes mensuelles :1 200 e ;

� les autres charges (hors production) du mois : 1 800 e dont 600 e decharges �xes.

L�activité normale et programmée correspond à une fabrication et à unevente de 60 compresseurs 125 par mois. En juin, la production a été de 40compresseurs ; 35 d�entre eux ont été vendus au prix unitaire (HT) de 240 e etle stock au 30 juin est de 5 compresseurs.

Questions :

1. Calculer le coût de production d�un compresseur référence 125 fabriqué enjuin N :

(a) sans imputation rationnelle ;

(b) avec imputation rationnelle.

2. Présenter, pour juin N, les deux comptes de résultat de comptabilité �nan-cière, réduits aux compresseurs 125, correspondant à ces deux valorisationspossibles de la production (sans et avec imputation rationnelle).

3. En vous limitant aux seules charges de production (et au compresseur 125),calculer le coût de sous-activité du mois et le répartir entre la productionvendue et la production stockée.

4. De manière générale, laquelle des deux présentations du compte de ré-sultat proposées en 2 devrait être adoptée en comptabilité �nancière etpourquoi ?

5. Calculer, relativement aux compresseurs 125, le coût global de sous-activitédu mois de juin en considérant que les "autres charges" sont essentielle-ment des charges de distribution.

Corrigé :

1. Coûts de production

(a) Coût unitaire de production sans imputation rationnelleCharges variables : 144 e x 40 pdts = 5 760Charges �xes : 1 200

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Coût total : 6 960Coût unitaire de production de la pièce : 6 960 / 40 = 174 e (= 144+ 1200 / 40)

(b) Coût unitaire de production avec imputation rationnelle : (Ar/An =40/60)Charges variables : 144 e x 40 pièces = 5 760Charges �xes : 1 200 x 2/3 = 800Coût total : 6 560Coût unitaire : 6 560/40 = 164 e (= 144 + 800 / 40)

2. Comptes de résultat :

(a) Compte de résultat sans imputation rationnelle

(b) Compte de résultat avec imputation rationnelle

NB : les charges réelles de production restent inchangées. Seule lavalorisation des stocks est modi�ée.

3. Le coût de la sous-activitéLe coût de la sous-activité de la période s�élève à : 1 200 x 1/3 qui estconstitué par 2 parties :� l�une concernent les stocks : 5/40, soit 400 x 5/40 = 50 e ;� l�autre concernent les produits vendus : 35/40, soit 400 x 35/40 = 350e

4. Choix du compte de résultatLe PCG stipule que les biens produits par l�entreprise doivent être évaluésau coût de production, celui-ci excluant (entre autres) la "quote-part decharges correspondant à la sous-activité".Dans le compte de résultat avec imputation rationnelle, la productionstockée est valorisée pour 820 e imputant de ce fait les 50 e de sous-activité au résultat de l�exercice qui sachève, ce dernier est donc diminué.Le choix du PCG peut s�interpréter comme une application du principede prudence.

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5. Coût de sous-activité du mois (compresseurs 125)Production : 1 200 x 20/60 - 400 e (capacité : 60 ; production : 40 unités)Distribution : 600 x 25/60 = 250 e (capacité : 60 ; ventes : 35 unités)Total : 650 e

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