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De Disneyland à Val D’Europe 1952-2015, la narration touristique comme fabrique du territoire et de l’architecture Virginie Picon-Lefebvre
Un jeu d’oppositions Les parcs d’attraction les parcs à thèmes adultes jeunes+ famille nuit jour proche lointain bon marché cher sale propre dangereux rassurant excitant amusant
Neal Gabler, Walt Disney a biography, ed. Sunday times,
2006, p207
Projet d’EPCOT ( experimental community for to morrow)
Main street , Celebra@on
Titre de la diapositive
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De la notion de narration touristique dans la conception de Disneyland ( en Californie) à Disneyland Paris et Val d’Europe Virginie Picon-Lefebvre Du concept de narration touristique La diffusion et fusion du tourisme et des loisirs dans la ville est portée par une offre de consommation élargie dans des lieux de plus en plus multifonctionnels et des pratiques hybrides aux contours changeant. Nous proposons ici de saisir ce mouvement par le concept de « narration touristique » pour analyser la place grandissante que prennent le tourisme et les loisirs dans la constitution des pratiques et lieux urbains. Le tourisme et les loisirs deviennent les sujets d’un récit et d’une nouvelle « grammaire urbaine » (Lévy, 2005)1. S’il est parfois difficile de cerner jusqu’à quel point la production de la ville est orientée par les projets et pratiques touristiques et ludiques en dehors de certains périmètres, le concept de narration touristique doit permettre de mieux appréhender le phénomène. La narration touristique désigne habituellement la mise en récit des voyages rendant compte de l’expérience du locuteur (Tillon, 2006)2. Ici, elle désigne l’inscription d’un imaginaire du tourisme et des loisirs dans la ville sous formes de signes qui s’interprètent comme le résultat d’un récit touristico-‐ludique qui alimente les discours et les logiques qui organisent l’urbain. Le tourisme et les loisirs, en tant que champ d’activité et de pratiques spécifiques, alimentent une construction discursive de l’espace. Ces signes se révèlent à nous par l’expérience sensible de la ville lorsqu’ils s’inscrivent dans les espaces concrets et dans les discours et intentions de ceux qui prennent part directement à leur élaboration et qui objectivent le signifié en lui donnant la forme d’un outil programmatique de la transformation urbaine. Ils dévoilent et alimentent la complexité des relations et interdépendances entre tourisme, loisirs et quotidienneté en accolant dans une même sphère de référence plusieurs types d’activités et de pratiques pour la production d’un même signifiant. Ce signifiant est alors la finalité opératoire de l’action du tourisme et des loisirs sur la ville Cette contribution s’interroge sur la notion de narration dans la conception, entre stratégie d’entreprise américaine et savoir-faire de l’aménagement à la française, de Val d’Europe-Disneyland Paris. Aujourd'hui le parc à thème Disneyland Paris, avec une fréquentation de plus de 15 millions de visiteurs par an, est devenu l’une des premières destinations touristiques européennes et avec le centre urbain Val d'Europe, un pôle majeur de développement de l'Est parisien.3 En opposition aux autres quartiers de la ville nouvelle de 1 Lévy Albert, « Formes urbaines et significations : revisiter la morphologie urbaine », Espaces et sociétés 4/ 2005 (no 122), p. 25-‐48 2 http://tel.archives-‐ouvertes.fr/docs/00/09/69/93/PDF/these_Bationo.pdf 3 Rapport, Projet d'intérêt général relatif au secteur IV de Marne -‐La-‐Vallée et aux projets Eurodisney et village nature, septembre 2010. Un des cinq objectifs est énoncé ainsi : « Promouvoir le Val d'Europe comme pôle de développement économique majeur pour l'Est Francilien en encourageant la diversification de ses activités et l'implantation d'entreprises de rayonnement national et international notamment en synergie avec les ambitions touristiques ».
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Marne la Vallée, la « zone 4 » où a été construit Disneyland Paris est consacrée principalement aux loisirs et au shopping, et ce en accord avec les communes. En introduction, il faut rappeler que les parcs à thèmes sont les héritiers des parcs d'attractions qui dérivent eux-mêmes des foires et des parcs urbains révolutionnaires parisiens, les Folies et Tivoli (Ousset, 1983). Une autre origine des parcs à thème serait les expositions universelles, vitrines des progrès technologiques et qui ont contribué au développement du tourisme depuis 1851, année de la première d’entre elles à Londres. Par ailleurs, toutes les grandes expositions comportaient une partie réservée à un parc d'attraction qui a toujours connu de grandes affluences. Un parc d'attraction pour la famille Walt Disney, à l'origine dessinateur de dessins animés, devenu un homme d'affaires influent, personnifie les valeurs conservatrices de l’Amérique d'après-guerre lorsqu'il ouvre le premier parc à thèmes en 1955, à Anaheim en Californie. Durant cette période, Walt qui soutient les Républicains, participe à la mise à l'écart des acteurs ou réalisateurs soupçonnés de sympathies communistes. Dans les années qui précédent la création du premier parc, Walt Disney s'est passionné pour les trains miniatures et pour la reconstitution nostalgique d'une ville proche de celle de son enfance dans le film So Dear to my Heart, qui célèbre la vie et les valeurs de la small town. Comme le souligne Neal Gabler, son biographe, Walt puise alors dans le réservoir d'images de Norman Rockwell, dessinateur célèbre pour ses portraits des américains de la « petite ville » depuis les années 20. En 1949-1950, le studio Disney jusque-là spécialisé dans les dessins animés se diversifie avec L'île au trésor, son premier film avec des acteurs Dans cette dynamique, va être créé le premier parc qui reprend sous la forme d'attractions, le plus souvent des variations sur le modèle du train fantôme ou encore des manèges mis en scène, les thèmes des dessins animés et des films produits par les Studios. Ce parc initie la mutation des studios Disney en une entreprise capable de mener des projets d'aménagement, qui étape après étape forgera les outils et les références pour concevoir et réaliser Val d’Europe et Disneyland Paris. Disney va créer un nouveau type de parc qui renvoie au mythe d’une Amérique heureuse d’avant-guerre. Il restitue l’atmosphère urbaine perdue de la petite ville américaine. La small town abandonnée par ses habitants, chassés vers les grandes villes où le modèle urbain du sprawl permet de réaliser le rêve américain d’être propriétaire de sa maison individuelle et de son jardin. . Walt Disney, avec une grande efficacité, un sens du détail propre aux décors des dessins animés, va construire une petite Amérique idéale pour amuser et éduquer les familles des classes moyennes qui avec les enfants du baby boom et des voitures neuves, vont faire le succès populaire de Disneyland. Disneyland est un espace totalement contrôlé qui n'a plus grand chose à voir avec les parcs d'attractions, dont les manèges et les grand huit s'alignent sans ordre, où l’alcool et la prostitution règnent, en bout de ligne de métro dans les proches banlieues des grandes villes américaines. A Disneyland, les attractions sont aussi des prétextes pour éduquer les visiteurs sur l’histoire de l’Amérique comme sur le futur de la société américaine. En pleine guerre
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froide, Disney met en place un espace de propagande des valeurs américaines, propagande qu’il a expérimentée dans des dessins animés pour le gouvernement pendant la guerre, mais aussi d’amusement et d'éducation, comme avait pu l'être la production, avec un succès moindre, du film Fantasia pour la musique classique.. Dans ce premier parc sont implantés les principaux espaces qui deviendront des archétypes de Disneyland : la main street, la grand-rue, qui sert d'entrée et d'accès, le château de la Belle au bois dormant (ou de Cendrillon par la suite) situé au centre, et les différents lands, les différents pays, comme Fantasyland ou Adventureland où sont installées les attractions. Le parc comprend également un lac artificiel où circule un bateau à aubes, réminiscence du Mississippi, et une voie de chemin de fer, qui renvoie à la conquête de l’Ouest pour en faire le tour avec un train à vapeur à échelle réduite. Chaque land va évoluer avec le temps mais le système d’ensemble sera repris sans grandes modifications en Floride en 1971, à Tokyo en 1983, et à Paris en 1992. Le premier parc peut s’interpréter en opposition avec les parcs d'attractions existants comme les fameux amusement parks de Coney Island dans la banlieue de New York, dont la densité et l’inventivité en font des sortes de prototypes de Manhattan selon l’auteur de New York délire (Koolhaas, 1978). Disneyland à ce titre pourrait être le prototype de la nouvelle suburbanisation, défendue par les architectes du New Urbanism, actifs aux États-Unis depuis les années 1980.
Le parc d’attraction traditionnel Disneyland En banlieue, en bout de ligne des tramways ou du métro
En dehors de la ville, accès uniquement en voiture
Sale, démodé, traditionnel Propre, moderne Alcool Sodas Adultes, adolescents Famille, étudiants Erotique, dangereux, étonnant Amusant, sécurisant, éducatif Désordre - pas de plan d'ensemble, à l'image d'une urbanisation déréglementée
Ordre - un plan précis à l'image de l'urbanisation que Walt voudra mettre en place
Bon marché, plusieurs opérateurs privés, artisans
Cher, un seul opérateur privé
Comparaison entre les parcs d'attraction et Disneyland La raison principale du succès de Disney par rapport à ses concurrents s'explique, au delà de ses qualités propres, par son utilisation des médias et en particulier de la télévision où la compagnie investit massivement dès les années 1950. Ainsi la production des films, les émissions de télé, le journal Mickey et la vente des produits dérivés lui donnent une audience et une notoriété difficiles à concurrencer par de simples opérateurs de parcs. Cette approche va transformer la Disney company, productrice et réalisatrice de films à Hollywood, en un groupe international, formé de sociétés différentes, dont certaines spécialisées dans la promotion immobilière et la gestion d’opérations immobilières complexes.
L’abandon d’un projet de ville expérimentale A partir de l'expérience acquise en Californie, Disney imagine un projet plus vaste, dans un environnement totalement contrôlé comprenant plusieurs parcs d’attractions, des hôtels, des infrastructures et même une ville expérimentale, EPCOT, Experimental Prototype Community of Tomorrow. Walt Disney abandonne pour ce projet la nostalgie de la small
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town et se positionne comme le concepteur d’un nouveau modèle d’organisation urbaine, fondé sur un transport en commun ultra rapide qui doit relier le centre d’affaires,aux quartiers périphériques. Cependant Walt meurt en décembre 1966, avant la signature en 1967 d’une convention avec l'Etat de Floride qui donne à la Compagnie une autonomie totale pour planifier le terrain déjà acquis, d'une superficie d'environ 10 000 hectares. En Floride, à WDW, le projet du premier parc de Californie va être importé pratiquement sans changement Le décès de Walt Disney va transformer le projet intial EPCOT en parc d’attraction. L’idée d'une ville futuriste de 20 000 habitants située au voisinage des zones de loisirs est abandonnée au profit d’un nouveau lieu qui conserve le même nom mais dont le programme et les objectifs sont la diffusion des connaissances et des innovations en matière d'infrastructures de télécommunication, d'énergie de santé, et le tourisme avec la reconstitution de monuments emblématiques de villes étrangères. . On assiste à un découplage entre les présentations scientifiques, l’iconographie futuriste et moderniste de ces pavillons et la mise en scène des icones urbaines traditionnelles comme la tour Eiffel ou la place Saint-Marc à Venise. EPCOT anticipe ainsi sur les modes de conception du centre urbain de Val d'Europe qui utilise la technique de collage de bâtiments et d'espaces issue de la ville traditionnelle Tout se passe comme si la Compagnie Disney prenait acte en 1982 de l’avènement du mouvement post-moderne sur la scène internationale. Mouvement nourri par le travail de Robert Venturi qui réhabilite la notion d’iconographie et donc indirectement celle de l’architeture parlante, argumentant que l’architecture moderne ne parle qu’au seuls architectes. L'abandon de l’image moderniste et futuriste du projet EPCOT au profit d’une iconographie urbaine nostalgique caractérise également la conception de Celebration, la ville que la Compagnie Disney bâtit sur un terrain voisin de Walt Disney World. En effet, si le projet de Walt pour EPCOT était résolument futuriste, couvrant un centre urbain de 20 hectares par un dôme à la manière de Buckminster Fuller, le projet de Celebration, se veut résolument tourné vers le passé. La conception de Celebration est proche de celle des banlieues résidentielles de la fin du XIXe siècle, comme Riverside construite en 1868 dans la banlieue de Chicago par Frederick Law Olmsted. Comme cette dernière, elle est organisée autour de grands espaces naturels paysagés. Celebration, renvoie on l’a dit à la vision nostalgique, de la small town, Val d'Europe et Celebration présentent une morphologie et des typologies spécifiques et modèles sociaux et urbains différents.4. Francis Borrezée, directeur de l'urbanisme d'Eurodisney, souligne que contrairement à ce que l’on peut croire, Val d'Europe n'est pas une ville pensée
4 Il n'y a pas de logements sociaux à Celebration et Disney a refusé de construire ce type de logements sur ses terrains, ce qui oblige les employés souvent contraints à travailler à mi-‐temps d'habiter à plus de 35 kilomètres du site.
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sur le modèle américain 5. En réalité, il s’agit plutôt d’un mélange entre le modèle américain de production d’un territoire consacré aux tourisme et les formes réinventées par les urbanistes d’Epamarne de la ville européenne du début du XIXe siècle.
5 Interview de Francis Borezée, Val d'Europe, le 4 janvier 2012.
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Disneyland Tokyo, qui ouvre en 1983, est une version asiatique réduite de Walt Disney World sur des terrains plats conquis sur la mer.. La Compagnie ayant accepté un système de franchise qui ne lui permet pas de bénéficier de plus values importantes alors que le parc est un succès populaire immédiat et accueille dix millions de visiteurs la première année, elle abandonnera ce modèle économique pour Paris. Et Mickey vient à Paris ... L'arrivée de Disney à Paris, juste après l'élection d'un président socialiste, va se faire dans un contexte politique bien différent de celui des années 1950. Un parc à thème sur les terrains de la future cité Descartes L'absence de soutien au projet de centre urbain de Marne Le projet Disney apparaît comme une opportunité fantastique pour la ville nouvelle, le principe d’un parc de loisir étant inscrit dans le schéma directeur d'aménagement de la région parisienne depuis 1976. Robert Fitzpatrick se souvient qu'il était, fin 1987, le PDG d'une société sans bureau et sans employé, lorsqu'il présenta à la presse et aux élus un projet qui comprenait 6 000 logements, deux parcs à thèmes, 600 000 m 2 de bureaux, 250 hectares de zone d'activité et 18 000 chambres d'hôtels . Cinq ans plus tard, Eurodisney emploiera 12 000 personnes. Cependant pour Epafrance, il ne s'agissait pas seulement de construire un resort mais un quartier d'au moins 40 000 habitants et en ce sens, le projet parisien diffère profondément de WDW. L'abandon d'un plan géométriquement parfait Le plan joint à la convention de 1987, conçu par Jean Poulit de l'Epamarne et Wing Chao de Disney, ne ressemble pas au plan de la ville construite aujourd'hui. Même si Bertrand Ousset précise qu'il devait faire l'objet d'études détaillées pour définir précisément l'organisation des quartiers, il a été profondément remanié. Le plan masse de 1987 représente un grand cercle parfait coupé en quatre quarts égaux par des voies. Au centre, un cercle d'un diamètre supérieur à la superficie du parc à thème est désigné comme "centre urbain multifonctionnel", il est traversé par des rues diagonales. Cette forme, qui fait penser aux plans des villes idéales de la Renaissance, a disparu lors de la réalisation. Il ressemblait un peu au plan d'EPCOT où le centre était occupé par une cité d'affaires et des équipements culturels. Americana Si le centre urbain de Val D'Europe a adopté les lignes sages de l’urbanisme contemporain néo haussmannien, le resort et le parc à thème appartiennent au registre des stations de vacances et des loisirs des années 1950-1960 sans grand changement. Pour Disney la question la plus compliquée portait sur l'adaptation à l'Europe d’imaginaires européens issus des contes de Perrault ou de Handersen ! Par ailleurs sur le terrain, l’articulation des deux programmes, celui de « la ville » et celui des parcs n’a pas été résolue, même si le plan de 1987 avait postulé le contraire en proposant d’intégrer les parcs dans un dessin d’ensemble. Le parc à thèmes sera pratiquement "copié-collé" sur les plans. En ce qui concerne les lands, seul Tomorrowland a été remplacé par le thème plus neutre de Discoveryland, preuve que Disney ne veut décidemment plus projeter le futur. Enfin, une attraction symbolisant la culture française a été introduire sur demande de l’Etablissement public.
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Si le parc a été comme "collé" sur le sol de la Seine et Marne, les hôtels sont très différents de ceux construits par Disney aux Etats-Unis. Ils sont inspirés de plusieurs lieux emblématiques (New York, l'Arizona, les parcs nationaux, Newport...). En 1988, un concours est organisé pour les concevoir entre des architectes américains, habitués de la commande Disney, Robert Stern, Michael Graves et des architectes européens comme Jean Nouvel, Christian de Portzamparc ou encore Aldo Rossi qui ne seront finalement pas retenus. Les américains vont s’inspirer de l’Amérique telle qu'ils s'imaginent que les européens l'ont perçue par l’intermédiaire du cinéma. Ainsi l’hôtel Cheyenne de Robert Stern évoque le film le Train sifflera trois fois. L'iconographie des hôtels fait l'objet d'un double déplacement, géographique tout d'abord puis dans le champ de la fiction dans un deuxième temps. Le résultat est architecturalement parlant assez peu convaincant comme si ces citations successives ne permettait pas une expression originale. Les hôtels sont inscrits dans une narration à chaque fois différente. Tout se passe comme si on avait pris, au pied de la lettre, les injonctions de Robert Venturi au sujet de l'importance de l'iconographie dans l'architecture. (Venturi, 1972). Dans les hôtels, les images se réfèrent aux films ou aux dessins animés bien connus du public. C'est une architecture qu'on pourrait qualifier de "populaire" comme celles des casinos-hôtels de Las Vegas. Pour conclure, Val d'Europe n'a pas réussi à composer un nouveau modèle de ville dense intégrant les espaces de loisirs et les programmes résidentiels dans un ensemble continu et piéton et ce pour plusieurs raisons. Premièrement Disneyland ayant été conçu pour être situé en dehors de la ville, la Compagnie Disney capitalisant sur un succès de bientôt 60 ans, n’a pas voulu faire évoluer la conception initiale du parc, la règle qu’elle s’est donnée de ne pas voir d'immeubles du parc renforce son isolement. D'autre part, le plan de Marne-La-Vallée a été fondé sur un principe d’organisation spatiale séparant les zones construites par des zones naturelles. Malgré l’évolution des conceptions urbaines au sein de l’Etablissement public, la construction de Val d’Europe et de Disneyland reprend finalement les caractéristiques du reste de la ville nouvelle. Val d'Europe est donc formée de zones différentes qui sont articulées par les modes de transport collectifs ou individuels et non par un espace construit et défini. Aujourd'hui les emplois industriels qui avaient pu caractériser le capitalisme triomphant des Trente glorieuses, sont remplacés par les emplois de services, de la communication ou de la création et des loisirs, mais les structures de conception et de promotion peinent à intégrer les nouvelles données spatiales de ce nouvel environnement économique. La ville nouvelle de Marne la Vallée et Val d’Europe restent marqués par des logiques d’organisations spatiales qui entendent contrôler de manière stricte l’utilisation de l’espace. Aucune place n’est laissée à la coopération ou à l’intervention du public. L’espace et son usage sont strictement réglementés. Même s’il existe des logements sociaux, on devine une très grande homogénéité sociale à Val d’Europe où règne une atmosphère d’entre-soi, bien loin du désordre mais aussi de l’animation des quartiers populaires des villes anciennes. En ce sens Val d’Europe est marquée par le caractère standardisé de la promotion immobilière contemporaine qui trouve là un milieu favorable pour se développer. La ville frappe par son caractère décoratif et sa propreté. On se plaît à y circuler, mais son absence d’épaisseur donne le sentiment que tout est donné à voir et que tout est prévu. Que viennent chercher ici 15 millions de visiteurs par an ? Un monde sans risque qui ne change pas, un moment entre parenthèses où les familles se retrouvent pour quelques jours ? Son histoire plus complexe qu’il n’y paraît, lève l’hypothèse
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de l’extraterritorialité. Val d’Europe est bien ancrée dans une réalité française. En ce qui concerne le parc, son isolement par rapport aux quartiers d’habitation l’assimile à une industrie d’un genre particulier, le parc à thème, inventé au XXe siècle, dont l’avenir dira le futur à l’ère du numérique. .
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