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politique et handicap
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Politique
La prise en compte du handicap au sein des politiques
nationales et internationales est essentielle pour qu’il y ait
une amélioration des conditions de vie des personnes
handicapées. Il est important qu’il existe des programmes
d’actions qui leurs soient directement adressés et qu’elles
puissent elles-mêmes prendre part à l’élaboration de ces
programmes pour augmenter leur efficacité. Pour mettre en
relation la situation politique avec la thématique du handicap
au Nord comme au Sud, il faut s’appuyer sur les modèles
« médical » et « social » dans la perception du handicap.
Cette évolution a été soutenue par de nombreux
mouvements sociaux liés à la problématique du handicap.
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LES DROITS POLITIQUES DES PERSONNES HANDICAPEES
L’article 28 de la Convention internationale relative aux Droits des Personnes Handica-
pées garantit aux personnes handicapées « la jouissance de droits politiques et la
possibilité de les exercer sur la base de l’égalité avec les autres ». Cette même Conven-
tion évoque d’autres droits qui ne peuvent être possibles sans une reconnaissance poli-
tique des personnes handicapées. Citons à titre d’exemple, le droit à « un niveau de vie
décent et à la protection sociale », le droit à « la participation à la vie culturelle et spor-
tive » ou encore le droit à « l’éducation ». Pour garantir ces droits, il est essentiel que les
personnes handicapées soient intégrées au sein des programmes politiques d’un pays.
L’évolution de cette intégration peut être
analysée comme le passage d’une
conception « médicale ou caritative » du
handicap vers une approche politique
issue du modèle « social »1.
En effet, dans la conception issue du
modèle « médical ou caritatif », l’Etat
reconnaît les personnes handicapées en
tant que « minorité ». La prise en compte
des personnes handicapées au sein de la
société se fait à travers la mise en place de
programmes qui leur sont directement
destinés. Cependant, le handicap y est
perçu comme un problème individuel
limitant la participation sociale. On ne va
donc pas transformer les structures de la
société pour pouvoir permettre un accès
de la personne handicapée à la vie sociale et politique d’une communauté puisque la
responsabilité du handicap est individuelle. Les programmes politiques sont, selon cette
approche, essentiellement constitués d’aides économiques telles que des allocations
spéciales ou une augmentation des allocations familiales et, d’autre part, des actions
visant à favoriser l’accès aux soins de santé. « Dès qu’on parle d’une personne handicapée,
on voit le plus souvent la jambe qui manque et non l’homme qui reste2»
L’approche politique issue du « modèle social » renvoie quant elle à l’idée que les causes
du handicap ne sont pas individuelles mais que les incapacités résultent de
l’environnement sociétal. Cela signifie qu’il faut adapter l’environnement et les services
afin de les rendre accessibles et utilisables pour les personnes ayant des incapacités
physiques, sensorielles et intellectuelles. Cette approche issue des mouvements sociaux
prône donc une intégration inclusive des personnes handicapées au sein de la société.
Pour résumer, « une personne est handicapée lorsqu’elle ne peut pas profiter des services
offerts à l’ensemble de la communauté dans les domaines essentiels de l’existence3» .
Ces deux modèles sont des outils permettant d’appréhender la prise en compte des
personnes handicapées au sein de politiques nationales. La frontière entre les modèles
est loin d’être étanche et l’évolution n’est pas toujours linéaire. Cependant, ils permet-
tent de simplifier une analyse de l’intégration politique du handicap. Nous allons dès à
présent parcourir l’évolution de cette intégration politique en Belgique avant de voir
celle de quelques pays du Sud. Certains pays du Nord visent une approche plus inclu-
sive (modèle social) et d’autres se situent davantage dans le modèle médical, où la
société est divisée en deux : le monde des personnes handicapées, spécialisé, et le
monde « ordinaire ». Dans les pays du Sud, le manque de ressources financières ne
permet même pas la mise en place de politiques de soutien économique ou médical
aux personnes handicapées (modèle médical).
EVOLUTION DE LA SITUATION POLITIQUE DU HANDICAP
En Belgique
En Belgique, de plus en plus de personnes handicapées bénéficient de l ’ensemble
de leurs droits politiques. On peut remarquer l’évolution du « modèle médical » vers le
« modèle social » dans l’histoire de l’intégration politique des personnes handicapées.
Ceci dit, trop de personnes handicapées restent encore dans une situation de non
droits politiques.
Premièrement, le pays a destiné aux personnes handicapées des programmes spécifi-
quement axés sur une aide économique et médicale. Ces programmes consistent en
une aide individuelle et ne visent pas à inclure la participation de ses destinataires au
sein de la société. Parmi ceux-ci, divers types d’allocations vont être octroyées par l’Etat
à partir de la seconde guerre mondiale. Depuis 1963, il existe également des structures
permettant aux personnes handicapées de renforcer leur chance de s’intégrer profes-
sionnellement à travers la mise en place d’ateliers protégés, de services de réadaptation
1 Voir fiche thématique « 2. Généralités sur le handicap »
2Handicap solidarité, Décennie africaine des personnes handicapées : Pour un nouveau regard des personnes handicapées, bulletin
d’information trimestriel du cabinet du président de la fédération ouest africaine des associations pour la promotion des personnes
handicapées (foaph), Mars 2004, p. 1
3 Ibidem, p. 1
Suède, Stockholm, métro accessible
© Jérôme Deya
France, sensibilisation au handicap en prison (valides en fauteuil)
© Jérôme Deya
Politique
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fonctionnelle et de formation professionnelle4. De plus, la sécurité sociale réglemente
de façon individuelle l ’accès aux soins de santé. Ces différentes mesures garantissent
à leurs bénéficiaires la satisfaction de leurs besoins élémentaires et donc un niveau de
vie minimal5.
Progressivement, grâce notamment à l ’action des mouvements sociaux, vont se déve-
lopper des programmes plus inclusifs qui marquent l ’intégration du « modèle social »
au sein des politiques belges. Depuis les années 90, un des objectifs principaux est de
garantir une participation plus large des personnes handicapées à la vie sociale.
Plusieurs mesures doivent être réalisées dans ce cadre : éliminer les barrières architec-
turales, améliorer l ’accès aux services généraux destinés à l ’ensemble de la popula-
tion, donner la priorité à une politique globale qui inclut la prévention des handicaps,
l ’adaptation et l ’intégration des personnes handicapées dans une perspective de
meilleure qualité de vie, et enfin encourager la participation active des personnes
handicapées, de leur famille et de leurs associations à l ’élaboration des mesures qui
les concernent.
Aujourd’hui, les politiques en faveur des personnes handicapées sont intégrées au
sein des structures étatiques belges. Elles sont donc réparties entre une entité fédéra-
tive (l ’Etat belge), et des entités fédérées, les Communautés et les Régions. Ci-dessous
se trouve un tableau récapitulatif des différents niveaux d’intervention des pouvoirs
publics en Belgique.
Notons qu’en matière d’enseignement, la Belgique a un parcours atypique puisqu’elle a
supprimé, en 1970, ses classes intégrées – jugées ségrégatives – au profit d’écoles
spécialisées répondant mieux aux besoins des enfants en situation de handicap. Elle
revient pourtant progressivement vers l’intégration depuis 19866.
Dans les pays du Sud
Dans les pays du Sud, la prise en compte des personnes handicapées au sein des politi-
ques est variable selon les régions et la place du handicap au sein de la société. Cepen-
dant, bien que des avancées puissent être soulignées dans certains pays, la plupart des
pays du Sud ne se situent pas totalement dans une « approche caritative ou médicale »
et parfois loin d’une approche « sociale » de la thématique du handicap.
Dans de nombreux Etats, il n’y a pas encore de reconnaissance officielle des personnes
handicapées en tant que « minorité » et il n’y donc pas de programmes politiques spéci-
fiques qui leur sont destinés. Dans ces pays, les personnes handicapées doivent généra-
lement faire face à des situations d’extrême pauvreté et à une forte exclusion sociale.
Lorsqu’il y a une prise en compte des personnes handicapées par les instances politi-
ques, d’autres problèmes peuvent empêcher la mise en place de programmes spécifi-
ques. Parmi ceux-ci, un des principaux est le manque de ressources économiques de
l’Etat. Dans la plupart des pays du Sud, les personnes handicapées ne bénéficient pas
d’allocations particulières ou d’aide à l’emploi, ce qui signifie qu’elles doivent vivre dans
une situation de pauvreté extrême. Ensuite, le manque de budget destiné aux soins de
santé a tendance à limiter une prise en charge particulière ou adaptée des personnes
handicapées. Dans de nombreux pays africains, moins de 10% de la population active
bénéficient d’une couverture sociale y compris d’une assurance santé7. Au niveau mon-
dial, il y aurait environ seulement 20% de la population totale qui bénéficierait d’une
sécurité sociale8. Les personnes handicapées auront généralement peu de chances de
faire partie de cette frange privilégiée de la population.
Ensuite, peu de pays de Sud ont les possibilités financières d’améliorer l’environnement
et l’accès aux infrastructures de base pour les personnes handicapées, comme le préco-
nise une approche sociale du handicap. Cela a pour conséquence de limiter l’intégration
des personnes handicapées au sein de la société. Dans de nombreux pays du Sud, peu
de personnes handicapées ont accès aux services publics, à l’éducation et aux activités
sportives et elles sont donc marginalisées de fait d’une participation effective à la
société.
6 B. ROSE & D. DOUMONT, Quelle intégration de l’enfant en situation de handicap dans les milieux d’accueil, Unité RESO, Education pour
la Santé, Faculté de Médecine, Université catholique de Louvain, 07-45, p. 5
7Xe Conférence régionale africaine, Sécurité sociale en Afrique: un besoin universel, consulté le 17 novembre 2009,
http://www-ilo-mirror.cornell.edu/public/french/bureau/inf/features/03/africa_2.htm
8Ibidem
4 Voir fiche thématique « 13. Travail »
5Agence Wallonne pour l’Intégration des Personnes Handicapées, consulté le 17 novembre 2009,
http://www.awiph.be/AWIPH/handicap_Belgique/histoire/index.html
LES DIFFERENTS NIVEAUX D’INTERVENTION DES POUVOIRS PUBLICS EN BELGIQUE
Fédéral
Communautaire
Régional
- Allocations
- Réadaptation fonctionnelle
- Réductions fiscales et tarifs sociaux
- Protection juridique
- Sécurité sociale
- Enseignement spécial et intégré
- Sport pour personnes handicapées
- Accessibilité des bâtiments publics
- Avantages en matière de logement social
- Transport des personnes à mobilité réduite
- Accueil et hébergement
- Formation et emploi
- Aide matérielle
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Togo, Lomé, handi-basket-ball
© Jérôme Deya
Prenons dès à présent quelques exemples concrets de divers types de niveaux
d’intégration du handicap au sein des systèmes politiques.
En Guinée-Bissau s’est fait en 2009 le premier recensement général des personnes
handicapées dans le but de créer pour elles les meilleures conditions de vie possibles.
Les personnes handicapées y seront donc officiellement reconnues en tant que bénéfi-
ciaires de programmes politiques spéciaux visant à lutter contre la pauvreté. Le gouver-
nement alloue déjà des allocations. L’objectif est de tout faire pour que les personnes
handicapées « se sentent chez elles en Guinée-Bissau et qu’elles aient quelque chose à
dire à leur société »9. Le pays possède déjà des programmes politiques spécifiques à la
thématique du handicap. L’essentiel de ceux-ci visent à réduire la pauvreté et sont
proches du modèle « caritatif » comme par exemple l’établissement d’allocations spéci-
fiques. Cependant, les pressions de mouvements sociaux sur le gouvernement sem-
blent revendiquer des droits plus inclusifs (modèle social) pour les personnes handica-
pées au sein de l’élaboration des politiques.
En Afrique du Sud, le gouvernement a mis en place un large système de protection
sociale destiné entre autre aux personnes handicapées faisant partie des couches de la
population trop pauvres pour pouvoir subvenir à leurs besoins élémentaires. En effet,
tous les ans, la sécurité sociale verse des allocations sociales à 5 millions de Sud-Afri-
cains et notamment à 70% des personnes âgées, à la moitié des personnes handicapées
9 Jeune Afrique, Guinée-Bissau, Le gouvernement va recenser les personnes handicapées, consulté le 17 novembre 2009,
http://www.jeuneafrique.com
10 E. HARSCH, L’Afrique du Sud face aux inégalités sociales, consulté le 17 novembre 2009, http://www.un.org
11Le cercle des droits, La sécurité sociale comme droits humains, consulté le 11 novembre 2009,
http://www1.umn.edu/humanrts/edumat/IHRIP/frenchcircle/M-11.htm
12Discours du président d’Afrique du Sud lors de l’assemblée générale de l’Union des personnes aveugles, consulté le 17 novembre 2009,
http://www.cocnet.org
13 Ibidem
14 Ibidem
15Ibidem
16Le cercle des droits, La sécurité sociale comme droits humains, consulté le 17 novembre 2009,
http://www1.umn.edu/humanrts/edumat/IHRIP/frenchcircle/M-11.htm
et à 15% des enfants de moins de 7 ans10. Le système de sécurité sociale est un des
mieux développés d’Afrique11. Au niveau de l’accès aux soins de santé, l’Afrique du Sud
possède un double système qui se caractérise par la coexistence du secteur public et
du secteur privé. Le système public financé par l’Etat garantit aux personnes handica-
pées un accès gratuit aux soins de santé. De plus, les pouvoirs politiques montrent une
réelle motivation à intégrer les personnes handicapées au sein de l’élaboration des poli-
tiques. En effet, un bureau relatif aux statuts des personnes handicapées a été installé
dans les locaux de la Présidence12. 16 députés de l'Assemblée Nationale d'Afrique du
Sud sont des personnes handicapées, 3 d'entre elles sont malvoyantes. Par ailleurs,
beaucoup de personnes handicapées ont été nommées à des postes de direction dans
plusieurs institutions étatiques13.
De ce fait, les programmes ont tendance à développer également une approche
« sociale » dans l’orientation de leurs actions. En effet, une stratégie générale à l’échelle
nationale a été lancée avec la participation des organisations de personnes handica-
pées qui vise les questions prioritaires telles que l’éducation, la formation profession-
nelle, le travail, le soutien financier, la sécurité et le logement des personnes
handicapées14. Au niveau de l’emploi, de nombreux textes législatifs ont pour objectif
d’intégrer les personnes handicapées dans des programmes. Le gouvernement s’est
engagé depuis 1998 à consacrer 5% des dépenses publiques pour la promotion des
petites entreprises employant des personnes handicapées15.
Cependant, malgré l’ensemble des mesures prises en faveur de l’intégration de person-
nes handicapées, celles-ci restent inaccessibles pour une partie considérable de la
population. En effet, beaucoup de personnes handicapées ne sont toujours pas couver-
tes par ces programmes et même celles qui en bénéficient se heurtent parfois à des
difficultés. Parmi celles-ci, un certain nombre de problèmes administratifs empêchent
notamment l’accès aux allocations16.
Enfin, Cuba constitue un cas particulier d’intégration des personnes handicapées de par
la situation politique du pays. Néanmoins, le manque de ressources y constitue égale-
ment un frein important à la mise en place de programmes efficaces. Premièrement, il
n’existe pas de système de classification administrative du handicap. Les personnes han-
dicapées ne reçoivent pas d’allocations spécifiques. Il n’y a pas d’établissements spécia-
lisés, les Cubains handicapés sont accueillis dans les mêmes maisons d’accueil et de
retraite que les autres. Selon la Constitution, « tous les Cubains ont les mêmes droits et
la sécurité sociale fonctionne de la même manière pour tout le monde ».
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VOIR FICHES THEMATIQUES- 1. Généralités sur les pays du Sud
- 2. Généralités sur le handicap
VOIR ACTIVITE- 7. Photo-langage
Cuba, deux musiciens aveugles
© Alexandre Hippert - Handicap International
Une des difficultés majeures que rencontrent les personnes handicapées à Cuba
concerne notamment l’accès au matériel adéquat pour les déficiences lourdes. Malgré
ces difficultés, le gouvernement est caractérisé par une réelle « volonté politique
d’intégration des personnes handicapées à plusieurs niveaux ». L’aide humaine y est
principalement apportée par la famille, mais si ce n’est pas possible, l’assistance sociale
attribue une personne qui assure cette aide et vit en permanence avec la personne han-
dicapée. L’enseignement y est inclusif. I l s’effectue de manière ordinaire pour la plupart
des enfants et des jeunes handicapés. L’enseignement à distance est possible grâce à la
télévision éducative qui passe 10 à 12 heures sur deux chaînes différentes. En complé-
ment, des professeurs ambulants enseignent à des élèves qui ne peuvent pas se dépla-
cer et qui vivent dans les zones isolées. Les élèves concernés sont inscrits dans l'école
la plus proche, ils y vont au moins une journée par semaine, et s'ils ne peuvent s'y
rendre, ce sont leurs camarades de classe qui viennent au domicile. Des établissements
spécialisés reçoivent les enfants handicapés moteurs, sourds ou aveugles, le temps
nécessaire pour qu'ils y acquièrent le minimum de connaissances nécessaires pour inté-
grer l'école ordinaire. Les lieux publics, les logements et les lieux de travail posent
d’importants problèmes d’accessibilité pour les personnes handicapées. En effet, tout
les bâtiments appartiennent à l’Etat qui décide seul et selon des modalités complexes
des adaptations nécessaires. En matière d’accès au sport, le gouvernement a pour
objectif que chaque personne handicapée puisse participer à une activité physique au
sein de sa communauté de vie.
Le système cubain a donc une approche proche du modèle social dans les politiques en
ce qui concerne les personnes handicapées. Malheureusement, le manque de moyens
disponibles et certaines particularités du système politique tendent à limiter l’impact
des programmes.
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